Responsabilité du franchiseur dans l’établissement des prévisionnels : système du « tout ou rien »

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ZANETTE Alissia

Avocat

Cass. com., 17 mars 2015, pourvoi n°13-24.853

Les juges sont de plus en plus sévères en ce qui concerne l’établissement des prévisionnels du franchisé : ne s’agissant pas d’une obligation pour le franchiseur, mieux vaut qu’il n’intervienne pas dans leur réalisation car s’il choisit d’y jouer un rôle actif il n’aura droit à aucune erreur.

Un franchiseur avait souhaité assister son franchisé en lui fournissant une « étude portant sur la viabilité technique et économique de l’implantation d’une franchise » (comportant notamment le chiffre d’affaires d’exploitation prévisionnel). En ressortait un CA prévisionnel compris entre 1.759.078 €, en période basse, et 5.583.718 €, en période haute. Le franchisé ayant obtenu des résultats très inférieurs à ceux ainsi annoncés par le franchiseur, et après avoir dû déposer le bilan et se placer en liquidation judiciaire au bout de quelques mois d’activité seulement, le liquidateur avait assigné le franchiseur en nullité du contrat de franchise pour défaut d’information précontractuelle et obtention de dommages et intérêts. La Cour d’appel de Paris a donné raison au liquidateur, suite à quoi le franchiseur a formé un pourvoi en cassation. La Haute Cour a confirmé la décision rendue par la Cour d’appel, relativement à l’annulation du contrat de franchise.

La Cour de cassation a considéré que le résultat obtenu par le franchisé correspondait à seulement 30% du prévisionnel fourni par le franchiseur, ce qui était un écart considérablement important.

A aussi été pris en considération le fait que les comptes prévisionnels fournis reposaient sur des données d’autres franchisés qui n’étaient pas dans des situations comparables au franchisé en cause puisque, à la différence des autres membres du réseau, ce franchisé était dépourvu d’expérience professionnelle dans ce type d’activité et avait choisi de créer un fonds de commerce et non de reprendre un fonds qui exploitait auparavant une activité similaire, au surplus dans une galerie marchande.

Par ailleurs, les juges ont relevé que si, d’un côté, le franchiseur justifiait l’écart de chiffre d’affaires par le fait que l’ouverture du magasin du franchisé avait été retardée par rapport à la date annoncée et que le franchisé avait dû payer un droit d’entrée au profit du bailleur du centre commercial dans lequel il s’implantait, le franchiseur, d’un autre côté, n’avait pas pris en compte ces circonstances dans les prévisionnels qu’il avait établis. De ce point de vue, la décision paraît toutefois critiquable : la responsabilité du franchiseur est semble-t-il étendue au-delà des limites raisonnables des capacités de toute personne (franchiseur, franchisé ou prestataire spécialisé) en charge d’établir des prévisionnels.

Enfin, même si on peut douter du fait que dans le cas contraire, la nullité du contrat n’aurait pas été prononcée, la Cour de cassation a rappelé qu’aucune faute de gestion n’avait pu être imputée au franchisé.

Voici donc une décision (une de plus) responsabilisant de façon très dure le franchiseur jouant un rôle actif dans l’établissement des prévisionnels de son franchisé.

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