Simplification du régime de la cession de fonds de commerce

GUILLÉ Jérôme

Avocat

Loi n°2019-744 du 19 juillet 2019

La loi du 19 juillet 2019 a abrogé l’article L.141-1 du Code de commerce qui imposait à peine de nullité de l’acte de vente des énonciations obligatoires dans l’acte de cession d’un fonds de commerce.

Issu de la loi du 29 juin 1935 relative au règlement du prix de vente des fonds de commerce, l’article L.141-1 du Code de commerce obligeait le vendeur à formuler les énonciations suivantes dans l’acte de cession de fonds de commerce :

« 1° Le nom du précédent vendeur, la date et la nature de son acte d’acquisition et le prix de cette acquisition pour les éléments incorporels, les marchandises et le matériel ;

2° L’état des privilèges et nantissements grevant le fonds ;

3° Le chiffre d’affaires qu’il a réalisé durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente, ce nombre étant réduit à la durée de la possession du fonds si elle a été inférieure à trois ans ;

4° Les résultats d’exploitation réalisés pendant le même temps ;

5° Le bail, sa date, sa durée, le nom et l’adresse du bailleur et du cédant, s’il y a lieu. »

Le paragraphe II de l’article L.141-1 du Code de commerce disposait que l’omission des énonciations ci-dessus prescrites pouvait, sur la demande de l’acquéreur formée dans l’année, entraîner la nullité de l’acte de vente.

Désormais, depuis le 21 juillet 2019, lendemain de la promulgation de la loi n°2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés, les dispositions de l’article L.141-1 du Code de commerce sont abrogées dans leur intégralité.

Pour autant, cela ne signifie pas que le vendeur de fonds de commerce n’est plus tenu de fournir les informations ci-dessus pour que la cession soit valable.

En effet, l’article 1112-1 du Code civil s’applique obligatoirement à tout contrat, or il institue une obligation précontractuelle d’information à la charge du vendeur puisqu’il dispose :

« Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. »

Par conséquent, le vendeur reste tenu à peine de nullité de la cession de fournir à l’acheteur les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties, soient les informations suivantes :

  • la preuve de la propriété du fonds de commerce,
  • l’état des privilèges et nantissements grevant le fonds,
  • les informations relatives au bail commercial,
  • les informations relatives aux salariés transférés,
  • les informations relatives aux actifs cédés,
  • les informations relatives aux contrats repris.

A la différence de l’ancien régime de l’article L.141-1 du Code de commerce, ces informations ne devront pas nécessairement être énoncées dans l’acte de cession mais le vendeur devra néanmoins être en mesure de démontrer qu’il a bien fourni ces éléments préalablement à la conclusion de la cession.

A défaut, l’acte de cession pourra être annulé à la demande de l’acheteur si ce dernier démontre avoir subi un vice de son consentement du fait du manquement du vendeur à son obligation d’information.

En application du droit commun des obligations, la nullité de la cession de fonds de commerce pourra être demandée par l’acheteur dans un délai de 5 ans à compter de la découverte du vice ; le délai pendant lequel la validité de l’acte de cession peut être remise en cause du fait du défaut de fourniture d’une information essentielle se trouve donc rallongé par rapport à l’ancien régime.

En pratique, la fourniture par le vendeur des informations ci-dessus pourra être contractualisée dans la promesse de cession de fonds de commerce comme une condition suspensive de la cession.

A rapprocher : Cession du fonds de commerce

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