Non-concurrence et réseau coopératif – Cass. com., 26 juin 2012, pourvoi n°11-20.538

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RICHARD Sandrine

Avocat associée

L’affaire concerne l’appréciation de la validité d’une clause de non-concurrence dans un réseau coopératif ; elle est considérée proportionnée aux intérêts légitimes de la coopérative du fait de son objet.

Une société coopérative d’entreprises de transport, constituée en vue de l’exercice en commun de l’activité de transport routier par benne, avait notamment eu quatre sociétés membres, qui avaient été exclues par une décision de l’assemblée générale ordinaire, pour diverses infractions aux statuts et au règlement intérieur (RI) de la coopérative. Les sociétés exclues avaient réclamé en référé à la société coopérative une provision sur les sommes qui leur étaient dues au titre d’opérations de transport effectuées.

De son côté, la société coopérative leur reprochait d’avoir constitué entre elles une société détournant sa clientèle, les avait également assignées en référé pour qu’il leur soit fait interdiction, d’une part, de commettre des actes de concurrence déloyale à son égard en entretenant la confusion entre les deux entreprises et, d’autre part, de violer la clause de non-concurrence figurant dans ses statuts et son RI, interdisant à tout adhérent d’exercer une activité de transport pendant une durée de trois ans et dans un périmètre géographique donné, avec l’un des clients de la coopérative.

Par un arrêt rendu le 15 février 2011, la Cour d’appel de Rennes avait ordonné sous astreinte aux sociétés ainsi exclues de cesser de concurrencer la société coopérative, directement ou indirectement, auprès de ses clients.

La Cour d’appel de Rennes avait motivé une telle décision en retenant que, pour contester le caractère manifestement illicite du trouble ainsi causé à la société coopérative, les sociétés exclues du réseau contestaient la validité de l’obligation de non-concurrence édictée par le RI, en faisant valoir qu’elle instituait des restrictions disproportionnées au principe de la liberté d’entreprendre, au regard des intérêts de la coopérative qui n’était pas propriétaire d’un seul fonds de commerce et se bornait à exploiter une agence commune ; après avoir rappelé qu’il appartenait au juge des référés de déterminer si la licéité de cette clause était manifeste, le juge du fond avait indiqué que, selon ses statuts, la société coopérative a pour objet social le développement des activités de transport de ses membres, ce qui inclut notamment la prise de commandes et de marchés auprès de tous clients, ainsi que l’exercice en commun de ces activités conformément au texte en vigueur, selon lequel les entreprises de transport peuvent former des sociétés coopératives en vue de constituer, pour l’exploitation de tout ou partie de leurs fonds de commerce, une agence commune traitant avec la clientèle ; que c’était dès lors sans contrevenir aux statuts et aux dispositions réglementaires applicables aux sociétés coopératives de transports routiers, que l’article 17 du RI prévoyait que la clientèle créée par la coopérative et dont elle satisfaisait les besoins était distincte de celle de ses membres qui ne pouvaient donc la revendiquer, puisque la coopérative se l’était attachée grâce à ses efforts et à la qualité de son service ; qu’il n’y avait par conséquent pas de raisons plausibles de douter que l’obligation de non-concurrence pesant sur les anciens membres de la coopérative, limitée dans le temps, dans l’espace et à la seule clientèle des transports par benne existante au moment du retrait, n’était pas proportionnée aux intérêts de la coopérative de préserver la clientèle développée grâce à ses efforts, de l’activité concurrentielle d’entreprises susceptibles de tirer profit des relations nouées avec ces clients, en leur qualité d’anciens coopérateurs.

Pour voir l’arrêt confirmatif infirmé, le pourvoi formé faisait valoir qu’une « clause de non-concurrence qui interdit à l’adhérent d’une coopérative de transport, mettant en commun des moyens et des services, toute activité de transport, pendant une durée de trois ans et dans un périmètre géographique donné, avec l’un des clients de la coopérative, est disproportionné par rapport à l’objet de celle-ci et au regard de la protection de ses intérêts légitimes » et qu’en l’espèce, la cour de Rennes avait donc violé l’article 873 du CPC.

La Cour de cassation rejette le pourvoi : « qu’ayant relevé que l’obligation de non-concurrence pesant sur les anciens membres de la coopérative est limitée à trois ans, à la région administrative de son siège social et à la clientèle des transports par benne existant au moment du retrait, la cour d’appel a pu en déduire qu’en ce qu’elle préservait la clientèle développée par la coopérative de l’activité concurrentielle d’entreprises susceptibles de tirer profit des relations nouées avec ces clients en leur qualité d’anciens coopérateurs, cette clause était proportionnée aux intérêts légitimes de la coopérative au regard de son objet ».


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