Manquement à l’obligation d’information précontractuelle et nullité du contrat

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GRANDMAIRE Justine

Counsel - Docteur en droit

CA Paris, 19 avril 2017, n°15/13790

Lorsque la nullité du contrat est invoquée pour manquement à l’obligation d’information précontractuelle, il appartient à la tête de réseau de prouver la remise du DIP dans le délai imposé par l’article L.330-3 du Code de commerce […], et à l’affilié, de prouver que son consentement a été vicié du fait des informations omises ou erronées qui lui ont été transmises.

Ce qu’il faut retenir : Lorsque la nullité du contrat est invoquée pour manquement à l’obligation d’information précontractuelle, il appartient à la tête de réseau de prouver la remise du DIP dans le délai imposé par l’article L.330-3 du Code de commerce (c’est-à-dire vingt jours minimum avant la signature du contrat), et à l’affilié, de prouver que son consentement a été vicié du fait des informations omises ou erronées qui lui ont été transmises.

Pour approfondir : La société G. est à la tête du réseau G. M. S., le gérant de la société J., signe, le 12 mai 2010, l’accusé de réception par lequel il atteste avoir reçu les informations précontractuelles transmises par la tête de réseau.

Le 2 février 2011, la société J. conclut un contrat de commission-affiliation avec la société G., portant sur la commercialisation des produits appartenant à cette dernière. Après avoir démarré son activité en mai 2011, la société G. est informée, dès juillet 2012, que la société J. rencontre des difficultés. Selon la société J., le prévisionnel établi par M. S., sur la base d’éléments chiffrés communiqués par la société G., et validé par cette dernière, révèlerait « une grave erreur d’appréciation sur l’étude de marchés brestois ».

Le contrat de commission-affiliation prévoit que : « le présent contrat pourra être résilié par anticipation de plein droit à l’initiative de l’une ou de l’autre des parties, par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception, dans les cas suivants, sans qu’aucune indemnité de quelque nature que ce soit ne soit due à l’affilié à l’initiative de l’une des parties moyennant le respect d’un préavis de six mois ».

Par courrier recommandé adressé le 26 octobre 2012 à la société G., la société J. résilie par anticipation le contrat de commission-affiliation et sollicite l’application d’un préavis d’une durée de quatre mois, et non de six mois comme le prévoit le contrat, ce afin que le contrat prenne fin dès le 28 février 2013 ; la société J. invoque par ailleurs une perte d’exploitation.

Le 6 novembre 2012, la société G. informe la société A. qu’elle accepte le délai de préavis réduit, lui rappelle que cette résiliation anticipée du contrat lui cause un préjudice de 110.000 euros, mais accepte néanmoins, sans aucune reconnaissance de responsabilité et à titre commercial, de rembourser au commissionnaire-affilié le montant du droit d’entrée versé par ce dernier. La société G. refuse toutefois de participer de quelque façon que ce soit à la perte d’exploitation invoquée par la société J.

Le 6 février 2013, la société J. relance la société G. concernant la livraison de la prochaine saison, indiquant à la société G. que, faute d’accord intervenu entre elles, le contrat court jusqu’au 30 avril 2013.  La société G. propose alors en réponse que le préavis soit prorogé jusqu’au 31 août 2013. La relation entre les parties a donc pris fin le 31 août 2013.

C’est dans ce contexte que, le 15 janvier 2014, la société J. et M. S. ont assigné la société G. En première instance, les demandeurs ont intégralement été déboutés de leurs demandes. Ils ont interjeté appel et demandé à la Cour de prononcer la nullité du contrat pour vice de consentement et de les indemniser des préjudices invoqués.

S’agissant de l’obligation d’information précontractuelle, les juges du fond rappellent que, si un manquement à cette obligation peut entrainer la nullité du contrat, et non sa résiliation, cela suppose qu’il existe un vice de consentement. Il incombe alors à la société G., de démontrer qu’elle a bien communiqué le DIP à la société J., et à cette dernière de démontrer que l’omission ou l’inexactitude des informations fournies dans le cadre de l’information précontractuelle ont vicié son consentement. En l’espèce, la société G. démontre que la société J. avait bien reçu les informations précontractuelles plus de 20 jours avant la signature du contrat.

S’agissant du contenu des informations précontractuelles, la société J. et M. S. invoquent le fait que le DIP contenait un état du marché local sommaire et que la liste de l’état du réseau était inexacte et incomplète, voire mensongère. Or, la société J. ne démontre pas en quoi cette présentation et ces inexactitudes étaient de nature à tromper son consentement et auraient pu l’induire en erreur.

La société J. reproche encore le fait que les informations communiquées sur le chiffre d’affaires réalisé par certains affiliés étaient inexactes. Sur ce point, les juges du fond rappellent que la loi n’oblige pas la tête de réseau à communiquer le chiffre d’affaires réalisé par chaque affilié et qu’il appartenait à la société J. de procéder à ces études sur le chiffre d’affaires des affiliés.

S’agissant des prévisionnels, les juges du fond relèvent que, quelques mois avant la conclusion du contrat de commission-affiliation, la société G. a adressé les objectifs de chiffres d’affaires fixés aux autres affiliés du réseau ; ces chiffres d’affaires ont par la suite été réalisés, voire dépassés, par les affiliés (sauf pour l’un d’eux qui a atteint 80% de l’objectif), ce qui démontre qu’ils étaient réalistes. Il appartenait alors à M. S. d’établir son propre prévisionnel en effectuant les études nécessaires sur la base des éléments qui lui avaient été transmis et qui n’étaient pas erronés, et sur la base des informations qu’il avait lui-même recueillies.

Les juges du fond soulignent par ailleurs que l’ancienne profession de banquier exercée par M. S. aurait dû lui permettre d’affiner ses calculs.

Enfin, la faible durée d’exploitation du magasin ne saurait attester, en soi, du caractère irréalisable des prévisions ou du manque de rentabilité de l’activité du réseau.

S’agissant de la demande reconventionnelle formée par la société G., laquelle demande l’indemnisation du préjudice subi au titre de la perte de chiffre d’affaires, les juges du fond rejettent cette demande, considérant que les dispositions du contrat de commission-affiliation relatives à la résiliation anticipée avaient été respectées et que la société G. ne démontrait pas la faute commise par la société J. susceptible de justifier de la perte de chiffre d’affaires invoquée.

Le jugement de première instance a ainsi été confirmé en appel.

A rapprocher : TC Paris, 7 mai 2015, n°2014003382

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