La transmission d’un état général et local du marché par le franchiseur

La Cour de cassation considère très fermement que le franchiseur n’a pas l’obligation de remettre une étude de marché au candidat franchisé : éclairages jurisprudentiels.

L’état général de marché et l’état local de marché sont d’une importance indéniable dans le processus décisionnel du candidat qui s’apprête à intégrer un réseau de distribution. Les informations qu’ils comportent sont nécessaires mais pas suffisants dès lors que le candidat à le devoir de se renseigner, notamment en réalisant lui-même, à partir des éléments figurant et de ceux qu’il aura lui-même récoltés, d’élaborer lui-même (ou de faire élaborer) une véritable étude de marché.

Il convient de rappeler également que l’obligation précontractuelle d’information, notamment applicable en matière de franchise, est issue de l’article 1er de la loi n° 89-1008 (dite « loi Doubin ») et au décret n° 91-337 du 4 avril 1991 pris pour son application, codifiés respectivement aux articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce. Aux termes de ces textes, le DIP doit contenir « l’état et les perspectives de développement du marché concerné » (L. 330-3 du code de commerce) qui consiste précisément en  « (…) une présentation de l’état général et local du marché des produits ou services devant faire l’objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché. » (R. 330-1 du code de commerce).

Si dans un premier temps, ces formules ont parfois pu susciter des controverses doctrinales et jurisprudentielles au lendemain de la parution du décret, elles ont désormais – près de vingt ans après cette parution – totalement disparu.

En effet, la Cour de cassation considère très fermement que le franchiseur n’a pas l’obligation de remettre une étude de marché au candidat franchisé (Cass. com., 11 février 2003, Jeff de Bruges/Aixapp, pourvoi n°01-03932). Cet arrêt pose en principe que le décret n’impose pas au franchiseur de délivrer une étude de marché au franchisé, ainsi que le jugement dont appel l’a d’ailleurs rappelé. Cette interprétation est appliquée avec constance par les juridictions du fond, comme l’a rappelé le Tribunal de commerce de Rouen dans un jugement rendu le 29 septembre 2008 en faisant référence à un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 5 juillet 2006  : « l’article L330-3 du code de commerce ne met nullement à la charge du franchiseur l’obligation d’établir une « étude de marché » [ …] il appartient en revanche au [ franchisé] de procéder lui-même à une analyse d’implantation précise lui permettant d’apprécier le potentiel et par là même la viabilité du fond de commerce qu’il envisage de gérer ».

Cette jurisprudence n’est qu’une illustration parmi beaucoup d’autres (v. en ce sens, le même jour, CA Paris, 5 juillet 2006 ; CA Paris, 7 décembre 2005, CA Nîmes, 6 oct. 2005, CA Rennes, 4 janv. 2005).

Ainsi, alors qu’une étude de marché présente un caractère scientifique et peut donc se définir comme « l’ensemble des méthodes permettant de recueillir des informations pertinentes et fiables sur le marché d’une entreprise et notamment sur les publics auxquels elle s’intéresse » (v. par ex., J.-M. Leloup, La franchise, Delmas, 4ème éd., 2004), la présentation d’un état du marché se limite au recueil de données et reste donc nécessairement « brève et succincte », de sorte qu’un tel état est « à la portée de tous ceux qui veulent bien se donner la peine de collecter (ces données) » (J.-M. Leloup, La franchise, Delmas, 4ème éd., 2004).

On rappellera qu’il n’incombe en aucune façon au franchiseur de se substituer au franchisé, commerçant indépendant, dans la réalisation d’une étude de marché. La jurisprudence est parfaitement claire sur ce point :

  • CA Paris, 7 déc. 2005, Juris-Data n°272825 : « il appartient [au franchisé] de procéder lui-même à une analyse d’implantation précise lui permettant d’apprécier le potentiel et par la même là viabilité du fonds de commerce qu’il envisage de créer »,
  • CA Aix-en-Provence, 11 févr. 2005, Juris-Data n°272825 : soulignant que « le franchiseur n’a pas à se substituer au franchisé dans l’appréciation du risque de l’entreprise, en effectuant par exemple une étude de marché »,
  • Trib. com. Paris, 14 oct. 2002, Juris-Data n°201061 : « Le franchisé est lui-même un commerçant qui ne saurait avoir un rôle totalement passif en exigeant que le franchiseur se substitue en totalité à lui ».

Et il en va a fortiori lorsque le DIP incite le franchisé a réaliser lui-même l’étude de marché (CA Rouen, 17 sept. 2009, RG n°18/04833 : la cour ayant constaté que le franchiseur avait attiré l’attention de la franchisée « sur une fiche intitulée « étude de marché local » qui lui était demandée de réaliser elle-même »).

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