Admission au passif d’une créance d’intérêts à échoir et adoption d’un plan de sauvegarde

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NAYROLLES Sophie

Avocat associée - Responsable du bureau de Montpellier

Cass. com., 13 février 2019, n°17-26.361

L’article R.622-23, 2° du Code de commerce n’exigeant l’indication des modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté que dans le cas où leur montant ne peut être calculé au jour de la déclaration de créance, la créance doit être admise pour son montant au moment du jugement d’ouverture, sans tenir compte des événements pouvant influer sur le cours des intérêts à échoir.

Par conséquent, le juge-commissaire peut admettre ceux-ci pour leur montant déjà calculé sans prendre en considération les modalités d’un plan ou les sommes pour lesquelles le créancier sera effectivement retenu dans les répartitions et les dividendes.

En l’espèce, une société a été placée en procédure de sauvegarde le 12 octobre 2015, procédure dans laquelle un mandataire judiciaire a été désigné.

Par suite, un plan de sauvegarde a été arrêté et un commissaire à l’exécution du plan a été désigné.

Une banque, créancière de la société débitrice au titre d’un prêt d’équipement consenti le 2 mai 2013, a déclaré sa créance au passif de la procédure. La déclaration de créance, qui mentionnait le montant des échéances à échoir, intérêts inclus, ainsi que leur taux conventionnel, ne précisait toutefois pas les modalités de calcul des intérêts.

Par une ordonnance du 17 novembre 2016, cette créance a été admise par le juge-commissaire.

La cour d’appel, saisie d’un recours contre l’ordonnance du juge-commissaire, a admis la créance au montant qui avait été déclaré (CA Toulouse, 2ème chambre, 28 juillet 2017, n°16/05863).

Les juges du fond ont en effet considéré qu’aucun texte n’obligeait le créancier à distinguer, dans la déclaration de créance, le montant des intérêts à échoir du montant du capital à échoir. Par conséquent, ils en ont déduit que le fait d’indiquer dans la déclaration de créance le montant des échéances à échoir, comprenant tant le capital que les intérêts, n’était pas contraire à l’article R.622-23, 2° du Code de commerce (pour une solution identique : CA Toulouse, 2ème chambre, 28 juillet 2017, n°16/05871).

La société débitrice, le mandataire judiciaire et le commissaire à l’exécution du plan se sont pourvus en cassation.

Ces derniers ont en effet estimé que la déclaration de créance devait, conformément à l’article R.622-23, 2° précité, préciser les modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté et dont le montant ne peut être calculé au jour de l’acte, ce qui serait le cas lorsque le terme de la créance d’intérêts dépend des délais et modalités de remboursement prévus par un plan, notamment de sauvegarde.

Considérant que les intérêts ne pouvaient être arrêtés avant remboursement de la créance selon les conditions prévues par le plan de sauvegarde, les demandeurs au pourvoi en ont déduit que la déclaration de créance litigieuse aurait dû mentionner les modalités des calculs des intérêts. Partant, la cour d’appel ayant admis la créance litigieuse pour son montant incluant les intérêts à échoir, aurait violé les articles L.622-25 et R.622-23, 2° du Code de commerce.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi.

Elle a en effet considéré que l’article R.622-23, 2° du Code de commerce n’exige l’indication des modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté que dans le cas où leur montant ne peut être calculé au jour de la déclaration des créances.

Partant, la chambre commerciale a retenu que la créance devait être admise pour son montant au moment du jugement d’ouverture de la procédure

collective, sans tenir compte des événements pouvant influer sur le cours des intérêts à échoir, de sorte que le juge-commissaire pouvait admettre ces intérêts pour leur montant déjà calculé sans prendre en considération les modalités d’un plan ou les sommes pour lesquelles le créancier sera effectivement retenu dans les répartitions et les dividendes.

Pour rappel, la déclaration de créance doit mentionner « le montant de la créance due au jour du jugement d’ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances » (Code de commerce, art. L.622-25). En outre, elle doit préciser « les modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté » (Code de commerce, art. R.622-23, 2°).

Par conséquent, l’article R.622-23, 2° du Code de commerce ne s’applique pas lorsque le montant des intérêts à échoir peut être calculé par le créancier au jour de sa déclaration de créance. Autrement dit, il n’y a pas lieu de préciser les modalités de calcul des intérêts lorsque la déclaration de créance inclue le montant, déjà calculé, des intérêts à échoir (Cass. com., 5 mai 2015, n°14-13.213).

Outre cette précision, la Cour de cassation rappelle que la créance doit être admise pour son montant au moment du jugement d’ouverture, sans tenir compte des événements pouvant influer sur le cours des intérêts à échoir, solution classique en la matière (Cass. com., 7 novembre 2018, n°17-22.194).

Partant, la Haute juridiction judiciaire en déduit qu’il n’y a pas lieu en l’espèce, et contrairement aux prétentions des demandeurs au pourvoi, de tenir compte de l’adoption d’un plan de sauvegarde postérieur à la déclaration de créance.

A rapprocher : Code de commerce, art. L.622-25 ; Code de commerce, art. R.622-23, 2° ; Cass. com., 5 mai 2015, n°14-13.213 ; Cass. com., 7 novembre 2018, n°17-22.194

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