Qualité à agir du liquidateur contre une EIRL malgré l’absence de mention de celle-ci dans le jugement d’ouverture

Cass. com., 23 octobre 2019, n°18-19.952

En application de l’article 680-2 du Code de commerce, lorsqu’un entrepreneur individuel à responsabilité limitée est soumis à une procédure collective à raison de son activité professionnelle, les dispositions des titres I à IV du livre VI de ce code doivent être comprises comme visant les éléments du seul patrimoine affecté à l’activité en difficulté ; que ces règles s’appliquent quand bien même le jugement d’ouverture et sa mention au BODACC ne précisent pas qu’ils ne visent que les éléments du seul patrimoine affecté en difficulté.

Un entrepreneur a, par une déclaration déposée le 30 octobre 2012 au registre de l’agriculture, affecté une partie de son patrimoine à son activité d’éleveur de chevaux pour l’exercice de laquelle il a utilisé une dénomination comprenant les termes « EIRL B les écuries du bois Clos ».

Par acte notarié du 25 avril 2013, il a affecté un bâtiment à usage agricole à son activité professionnelle, mais n’a pas procédé à la publication de cette affectation.

Par jugements des 26 février et 29 juin 2015, il a été mis en redressement, puis en liquidation judiciaire. Les jugements ne mentionnaient pas sa qualité d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL). Le liquidateur, es qualité de liquidateur judiciaire de l’EIRL, a assigné l’entrepreneur en inopposabilité de la procédure d’affectation du bâtiment agricole et en réunion de ses patrimoines.

L’entrepreneur individuel a contesté la recevabilité de cette assignation, arguant d’un vice de fonds tiré du défaut de qualité à agir du liquidateur judiciaire. En effet, le jugement ouvrant la liquidation visait, non pas l’EIRL, mais l’entrepreneur en son nom personnel. L’entrepreneur soutient donc que le liquidateur n’avait pas capacité à agir au nom de l’EIRL.

Au visa des articles 117 du Code de procédure civile (liste limitative des différents vices de fond) et L.526-6 du Code de commerce (consécration de l’existence d’un patrimoine d’affectation pour les entrepreneurs individuels), la Cour de cassation rejette le pourvoi, et juge que :

« En application de l’article L.680-2 du Code de commerce, lorsqu’un entrepreneur individuel à responsabilité limitée est soumis à une procédure collective à raison de son activité professionnelle, les dispositions des titres I à VI du livre VI de ce code doivent être comprises comme visant les éléments du seul patrimoine affecté à l’activité en difficulté ; que ces règles s’appliquent quand bien même le jugement d’ouverture et sa mention au BODACC ne précisent pas qu’ils ne visent que les éléments du seul patrimoine affecté en difficulté. »

Elle considère donc que l’erreur matérielle commise à propos de la désignation du débiteur dans les jugements de redressement et de liquidation judiciaire n’affectait pas la capacité à agir du liquidateur de l’entrepreneur à raison de son activité professionnelle.

Pour rappel, l’article L.680-2 du Code de commerce dispose :

« Les dispositions des titres Ier à VI du présent livre qui intéressent la situation économique ou les biens, droits ou obligations du débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée doivent, sauf dispositions contraires, être comprises comme visant les éléments du seul patrimoine affecté à l’activité en difficulté ou, si l’activité est exercée sans affectation de patrimoine, du seul patrimoine non affecté ».

Enfin, cette décision est à rapprocher d’un arrêt du 6 mars 2019 (Cass. com., 6 mars 2019, n°17-26.605), aux termes duquel la Cour de cassation a jugé que lorsque le jugement ouvrant la procédure collective d’un débiteur ne précisait pas que celle-ci ne visait que les éléments du patrimoine affecté à l’activité en difficulté, et que les publications faites de ce jugement en vertu de l’article R.621-8 du même code, le rendant opposable aux créanciers, ne mentionnaient ni la dénomination sous laquelle le débiteur exerce son activité d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, ni ces derniers mots, ni les initiales EIRL, il en résultait que le créancier dont la créance n’était pas née à l’occasion de cette activité professionnelle pouvait déclarer sa créance à la procédure collective du débiteur telle qu’elle avait été ouverte et rendue publique.

A l’aune de ces deux arrêts, et s’agissant des conséquences de l’absence des mentions relatives au statut de l’EIRL, la Cour de cassation distingue la question de l’effet réel de la procédure à l’égard du débiteur et celle de son opposabilité aux créanciers.

A rapprocher : Cass. com., 6 mars 2019, n°17-26.605

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