Le système de crédit social : un futur standard de la smart city ?

Laboratoire d’Innovation Numérique de la CNIL, 28 novembre 2018

Portrait de ce que pourront être, à l’avenir, les principaux outils des villes connectées.

Du 13 au 15 novembre 2018, s’est tenu le Smart City World Congress, à Barcelone. A cette occasion, de nombreuses entreprises se sont affichées pour démontrer leur volonté de proposer des produits et des services innovants répondant aux besoins de la ville de demain. Cet évènement international a permis de dresser un portrait de ce que pourront être, à l’avenir, les principaux outils des villes connectées.

Aux côtés du géant du numérique HUAWEÏ, nombreuses sont les entreprises et villes chinoises à s’être présentées lors de ce salon. Ces entités font du tableau de bord, un système permettant de monitorer en temps réel toute la ville, l’élément central de leur solution.

Dans une version modernisée, comprenant l’Internet, les objets connectés et les technologies basées sur l’intelligence artificielle (reconnaissance faciale en particulier), cet outil est présenté comme étant capable de gérer les principaux problèmes rencontrés par la ville.

Pour permettre ce suivi continu, des outils de mesure doivent préalablement être déployés à des endroits stratégiques de la ville. Toutes les activités sont concernées : pollution, gestion des déchets, flux de transports, de personnes ou d’énergie, etc. Le tout fait enfin l’objet d’analyses prédictives afin de permettre aux villes d’anticiper les difficultés à venir.

Compte-tenu du volume de données collectées par ce système, et de la nature de ces données, l’enjeu de la conformité au Règlement Général sur la Protection (RGPD) des données devra nécessairement être pris en considération. Les solutions proposées par les entreprises chinoises incluent des systèmes de vidéosurveillance qui sont associés à des technologies de reconnaissance faciale. Des telles solutions impliquent la collecte d’un volume important de données personnelles, pour une surveillance continue et en temps réel des citoyens.

Si du côté des collectivités françaises, l’engagement en faveur de la protection des données personnelles est en bonne voie, le respect de la règlementation européenne est principalement vu comme une contrainte aux yeux des différents acteurs du secteur.

L’inquiétude d’une dérive dans le traitement des données personnelles n’est pas infondée. Il est possible d’y voir, de la part des entités chinoises, une tentative d’exportation du modèle de « Social Credit System », un système permettant d’attribuer une note aux citoyens selon des critères multiples (opinions politiques, comportements dans l’espace public et sur l’Internet, centres d’intérêt, etc.), et de leur infliger des sanctions ou leur octroyer des avantages en fonction de celle-ci. Une notation que la Chine envisage de généraliser dans l’ensemble de son pays d’ici 2020.

Des acteurs en viennent à se demander si ce système de crédit social ne risque pas de devenir une offre standard de la ville connectée. Mais aucun débat sur la surveillance ne fut organisé au cours du salon, ce qui est bien regrettable.

Sur le plan juridique, la mise en place du modèle chinois risquerait de se heurter à quelques barrières.

Le RGPD octroie aux personnes le droit de ne pas faire l’objet d’une décision fondée exclusivement sur un traitement automatisé qui produirait des effets juridiques ou les affecterait de manière significative. En principe, les individus pourraient refuser de faire l’objet d’une notation entraînant des sanctions sociales ou des discriminations juridiques.

Cependant ce droit ne s’applique pas si le traitement est autorisé par le droit de l’Union Européenne ou de l’Etat-membre, ou si la personne concernée donne son consentement explicite.

Une modification de la législation en vigueur, ou le recueil du consentement de la personne, permettrait de contourner cette limitation. Toutefois, un système de crédit social risquerait d’être contraire aux droits et libertés fondamentaux que se doit de respecter la France.

Quand bien même son instauration serait justifiée par un motif d’ordre public, il serait nécessaire de faire la balance entre les atteintes qu’il engendrerait et les garanties proposées pour les limiter.

A rapprocher : La Chine commence déjà à mettre en place son système de notation des citoyens prévu pour 2020 – Le Figaro

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