Compétence du juge des référés commerciaux en matière de résiliation d’un contrat en cours

Cass. com., 5 septembre 2018, n°17-10.975

Le tribunal saisi d’une procédure collective n’est pas compétent pour connaître des contestations sur lesquelles cette procédure n’exerce aucune influence juridique. Ainsi, le juge des référés commerciaux demeure compétent pour statuer sur la contestation d’une résiliation unilatérale d’un contrat régulièrement poursuivi après l’ouverture d’une procédure collective dès lors que ne sont pas en cause les règles propres à ce type de contrat.

En l’espèce, la société F est placée en procédure de redressement judiciaire par jugement du 02 décembre 2015 par le Tribunal de commerce de Niort.

Ce même jugement désigne un mandataire judiciaire et un administrateur judiciaire, ce dernier optant, postérieurement, pour la poursuite d’un contrat d’affacturage à durée indéterminée. Toutefois, au cours de la période d’observation, la société d’affacturage souhaite résilier le contrat précité avec effet au 29 juillet 2016.

La société F et l’administrateur judiciaire décident alors d’assigner la société d’affacturage en référé devant le juge du Tribunal de la procédure collective au motif que cette résiliation serait de nature à constituer un dommage imminent.

En défense, l’affactureur soulève une exception d’incompétence territoriale au profit du Tribunal de commerce de Bobigny.

Après une première décision d’instance, l’affaire est portée devant la Cour d’appel de Poitiers.

Par arrêt rendu le 25 novembre 2016, les juges du fond rejettent cette exception d’incompétence.

En effet, la Cour d’appel, se fondant sur les dispositions de l’article R.662-3 du Code de commerce, considère que le Tribunal de la procédure collective est seul compétent pour statuer sur la contestation de la résiliation unilatérale dans la mesure où : « le contrat d’affacturage a été continué, pendant la période d’observation, sur décision de l’administrateur » et que : « la saisine du juge des référés aux fins d’obtenir des mesures conservatoires est justifiée par un péril imminent en rapport avec la procédure collective en cours ».

Pour rappel, l’article R.662-3 du Code de commerce dispose que :

« Sans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge-commissaire, le tribunal saisi d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, la faillite personnelle ou l’interdiction prévue à l’article L.653-8, à l’exception des actions en responsabilité civile exercées à l’encontre de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du commissaire à l’exécution du plan ou du liquidateur qui sont de la compétence du tribunal de grande instance ».

Toutefois, la société d’affacturage conteste cette interprétation et forme un pourvoi en cassation.

En effet, elle estime que les dispositions précitées n’ont pas vocation à s’appliquer en l’espèce dans la mesure où l’action initiée par la société F et l’administrateur judiciaire n’a pas pour origine la procédure collective.

Au demeurant, la société F considère que la procédure de redressement judiciaire n’a aucune influence juridique sur l’action précitée.

Cette interprétation est partagée par la chambre commerciale de la Cour de cassation laquelle casse et annule, par un arrêt rendu le 05 septembre 2018, l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Poitiers. Les juges suprêmes considèrent en effet que :

« La contestation, au seul motif qu’elle serait susceptible de constituer un dommage imminent, de la résiliation unilatérale par le cocontractant du débiteur d’un contrat à durée indéterminée régulièrement poursuivi après le jugement d’ouverture d’une procédure collective ne subit pas l’influence juridique de cette procédure, dès lors que ne sont pas en cause les règles propres à la résiliation des contrats en cours continué ».

Ainsi, la Cour de cassation rejette la compétence du tribunal saisi d’une procédure collective pour statuer sur la contestation d’une résiliation unilatérale d’un contrat régulièrement poursuivi après l’ouverture d’une procédure collective dans l’hypothèse où le litige ne concerne pas les règles qui s’appliquent expressément en cas de résiliation de ce type de contrat.

A rapprocher :  Article R.662-3 du Code de commerce

Sommaire

Autres articles

some
Les Experts de la Relance : Ensemble, relançons nos entreprises et bâtissons l’économie de demain
Simon Associés est partenaire du mouvement « Les Experts de la Relance » – une initiative des banques d’affaires Arjil & Associés, Linkapital et Societex – et, par conséquent, devient un Ambassadeur du Mouvement !
some
Réseaux : comment traverser la crise ?
La gestion de crise est une technique avec ses codes et modalités. Cet article propose une grille de lecture synthétique des questions essentielles à traiter.
some
[VIDÉO] Philippe PICHLAK, Manager de transition
Dans cette vidéo, Philippe PICHLAK aborde la nécessaire transformation des entreprises de service et l'importance de la qualité de l'accompagnement durant ces périodes de transformation.
some
Le sort du débiteur personne physique à la suite de la résolution du plan de continuation
La résolution du plan de continuation d’un débiteur personne physique peut être décidée dès lors que ce dernier ne respecte pas les obligations contenues aux termes dudit plan. Toutefois, une procédure collective ne peut être ouverte, à la suite de...
some
Qualité à agir du liquidateur contre une EIRL malgré l’absence de mention de celle-ci dans le jugement d’ouverture
En application de l’article 680-2 du Code de commerce, lorsqu’un entrepreneur individuel à responsabilité limitée est soumis à une procédure collective à raison de son activité professionnelle, les dispositions des titres I à IV du livre VI de ce code...
some
Modalités de la consultation des créanciers dans le cadre d’un plan de sauvegarde
La notification au créancier d’une lettre de consultation à laquelle n’est pas joint l’un des documents exigés par l’article R.626-7 du Code de commerce ne fait pas courir le délai de réponse prévu par l’article L.626-5, alinéa 2 du même…