Sanction de la violation par une plate-forme internet d’une interdiction de revente hors réseau

YVER Katia

Avocat

CA Paris, 13 juill. 2018, n° 17/20787

La Cour d’appel de Paris confirme l’injonction faite par le Juge des Référés du Tribunal de Commerce de Paris à une plate-forme en ligne de cesser toute commercialisation de produits cosmétiques haut de gamme distribués par l’intermédiaire d’un réseau de distribution sélective…

Ce qu’il faut retenir : La Cour d’appel de Paris confirme l’injonction faite par le Juge des Référés du Tribunal de Commerce de Paris à une plate-forme en ligne de cesser toute commercialisation de produits cosmétiques haut de gamme distribués par l’intermédiaire d’un réseau de distribution sélective, en application de l’article L.442-6-I-6° du Code de commerce sanctionnant la violation de l’interdiction de revente hors réseau, après avoir considéré que la tête de réseau justifiait de la licéité de son réseau de distribution sélective en faisant application d’une jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union européenne.

Pour approfondir :

1. La société C. fabrique des produits cosmétiques haut de gamme, qu’elle distribue dans le cadre d’un réseau de distribution sélective.

2. Depuis une procédure d’engagements ayant donné lieu à une décision du Conseil de la concurrence du 8 mars 2007, la société C. permet à ses distributeurs agréés disposant d’un point de vente physique de vendre des produits en ligne sur leur propre site internet. Pour rappel, le Conseil de la concurrence s’était saisie d’office des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits cosmétiques vendus sur conseil pharmaceutique et concernant des produits dits haut de gamme, au nombre desquels ceux de la société C. Par une décision rendue le 8 mars 2007, le Conseil de la Concurrence a accepté les engagements pris notamment par la société C. consistant en la modification de ses contrats de distribution sélective et en la rédaction d’un contrat spécifique pour la vente par internet réservée aux membres de son réseau (Conseil de la Concurrence, Décision n° 07-D-07 du 8 mars 2007).

En permettant la vente en ligne des produits C. sur le site propre des pharmaciens distributeurs agréés, les contrats de distribution sélective interdisaient cependant le recours à la vente en ligne par le biais de plateformes tierces – ou places de marché (« marketplace »).

3. En 2013, la société C. a néanmoins constaté que des produits de sa marque étaient commercialisés sur le site 1…pharmacies.com, plateforme internet éditée par une société E.S., par laquelle des pharmaciens peuvent vendre leurs produits au public. En avril 2013, la société C. a mis en demeure la société E.S. de cesser la commercialisation de ses produits.

4. Par exploit du 5 novembre 2014, la société C. a assigné la société E.S. par devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris pour qu’il lui soit fait injonction de cesser la commercialisation de ses produits sur son site internet.

5. Par ordonnance du 31 décembre 2014, le Juge des référés a, au visa de l’article 873 alinéa 1er du code de procédure civile, enjoint à la société E.S., sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard et par infraction, pendant un délai de 30 jours, de :

  • cesser toute commercialisation des gammes de produits de marque C. et de supprimer toute référence à ces produits sur le site internet http://www.1…pharmacies.com dans les 30 jours de la signification de l’ordonnance ;
  • supprimer tout référencement et tout lien avec d’autres sites renvoyant vers son serveur et faisant référence aux gammes de produits de marque C. dans le même délai ;
  • supprimer toutes les reproductions de photographies et de descriptifs appartenant à la société C. sur le site internet http://www.1…pharmacies.com dans le même délai.

La société E.S. a interjeté appel de cette décision.

6. Par un arrêt du 2 février 2016, la Cour d’appel de Paris a infirmé partiellement cette décision et a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande d’injonction de la société C.

Après avoir constaté « qu’en ne permettant que la vente en ligne par le site propre du pharmacien, distributeur des produits C., les contrats de distribution sélective de la société C. interdisent par principe le recours à la vente en ligne par le biais de plates-formes – ou places de marché – en ligne telle que celle proposée par la société E.S. à l’adresse http://www.1…pharmacies.com/ », la Cour a énoncé qu’« il résulte des deux décisions de l’Autorité de la concurrence des 23 juillet 2014 et 24 juin 2015, concernant le réseau de distribution sélective S., interdisant la vente en ligne par le biais de plates-formes internet, du communiqué de presse de cette Autorité du 18 novembre 2015 dans une affaire A. similaire, de la position récemment prise par l’Autorité de la concurrence allemande en faveur du caractère anticoncurrentiel d’une pratique comparable dans les contrats de distribution sélective A. et A., enfin de la consultation du professeur C. produite par la société E.S. en mai 2015, un faisceau d’indices sérieux et concordants tendant à établir avec l’évidence requise en référé que cette interdiction de principe du recours, pour les distributeurs des produits C., pour l’essentiel pharmaciens d’officine, à une plate-forme en ligne, quelles qu’en soient les caractéristiques, est susceptible de constituer, sauf justificatif objective, une restriction de concurrence caractérisée exclue du bénéfice de l’exemption communautaire individuelle visée à l’article L.442-6-I-6° susvisé qui fonde les demandes litigieuses ».

La Cour en a déduit que cette éventualité prive le trouble allégué par la société C. de tout caractère manifestement illicite (CA Paris, 2 févr. 2016, n° 15/01542). La société C. a formé un pourvoi contre cet arrêt.

7. Par un arrêt du 13 décembre 2017, la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel en considérant « qu’en se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi les décisions auxquelles elle se référait étaient de nature à écarter l’existence d’un trouble manifestement illicite résultant de l’atteinte au réseau de distribution sélective de la société C., dont la licéité avait été admise par la décision n° 07-D-07 du 8 mars 2007 du Conseil de la concurrence, qui n’avait pas fait l’objet de révision, la cour d’appel a privé sa décision de base légale » et a renvoyé les parties devant la cour d’appel de Paris (Cass. com., 13 sept. 2017, n° 16-15.067).

8. A nouveau saisie de cette affaire, la Cour d’appel de Paris a, par un arrêt du 13 juillet 2018, confirmé l’ordonnance de référé du 31 décembre 2014 en toutes ses dispositions et a rejeté l’ensemble des demandes de la société E.S. (CA Paris, 13 juill. 2018, n° 17/20787).

La Cour a tout d’abord considéré que « la société E.S. n’exerce pas une simple activité d’hébergement à l’égard des pharmaciens qui ont recours à son site, contrairement à ce qu’elle indique ». Elle a, par ailleurs, considéré que « la société C. justifie de la licéité de son réseau de distribution sélective. L’atteinte qui y est portée par la société E.S. procède d’un trouble manifestement illicite auquel les mesures adoptées par le premier juge permettent de remédier de manière pertinente ».

9. Le présent commentaire portera sur cette deuxième partie de la décision, relative aux conditions d’application de l’article L.442-6-I-6° du Code de commerce, selon lequel : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (…) 6° De participer directement ou indirectement à la violation de l’interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence ».

Pour préserver l’étanchéité de son réseau de distribution, un fournisseur a en effet la possibilité d’interdire à ses distributeurs agréés de procéder à des ventes actives ou passives hors réseaux (à l’exclusion des consommateurs finals), c’est-à-dire aux distributeurs ne bénéficiant pas d’un agrément.

La Cour de justice de l’Union européenne a même rappelé qu’il en allait de l’essence même d’un système de distribution sélective (CJCE, 25 octobre 1977, Aff. C-26/76, Métro/Commission, EU-C-1977-167, pt 7 : « tout système de commercialisation fondé sur une sélection des points de distribution implique nécessairement l’obligation, pour les grossistes faisant partie du réseau, de n’approvisionner que des revendeurs agréés et, partant, la possibilité pour le producteur intéressé de contrôler l’observation de cette obligation »).

L’article 4, b, iii) du Règlement (UE) N° 330/2010 de la Commission européenne du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées prévoit également que l’accord peut prévoir une restriction des ventes « par les membres d’un système de distribution sélective à des distributeurs non agréés, dans le territoire réservé par le fournisseur pour l’opération de ce système ».

Un fournisseur a donc tout intérêt à préserver l’étanchéité de son réseau en interdisant à ses distributeurs agréés de procéder à des ventes hors réseaux.

Il doit également être en mesure de contrôler cette étanchéité, afin de préserver son image et de restreindre les atteintes portées aux distributeurs agréés par des importateurs parallèles.

A cette fin, il a la possibilité d’agir à l’encontre d’un distributeur non agréé commercialisant ses produits, à la fois sur le fondement :

  • de l’article L.442-6-I-6° précité,
  • et de la responsabilité civile délictuelle (article 1240 du Code Civil).

10. La jurisprudence considère, en effet, que « si le fait de commercialiser des produits relevant d’un réseau de distribution sélective ne constitue pas en lui-même un acte fautif, l’achat de marchandises, dans des conditions illicites ou frauduleuses caractérise un acte de concurrence déloyale. Qu’ainsi, un tiers à un réseau de distribution sélective commet une faute en acquérant d’un distributeur agréé, en violation du contrat liant celui-ci au réseau, des produits commercialisés selon ce mode de distribution » (CA Paris, 1er oct. 1997, n° 95-017695 ; Cf. également Cass. com., 4 juill. 2006, n° 03-16383).

En l’espèce, les distributeurs agréés par la société C. étaient tous liés par une clause d’interdiction de revente hors réseau.

La société C. a donc assigné la société E.S. en référé pour obtenir la cessation du trouble manifestement illicite résultant de la vente de ses produits par le biais de cette plateforme internet en violation de l’interdiction de revente hors réseau faite à ses distributeurs en se prévalant de l’article L.442-6-I-6° du Code de commerce.

La société E.S. a cependant mis en cause la licéité du réseau de la société C. au motif qu’en interdisant catégoriquement la vente en ligne des pharmaciens agréés par une plate-forme qualitative, les contrats de distribution sélective de la société C. contenaient une restriction de concurrence caractérisée empêchant la société C. d’invoquer le bénéfice de l’application de l’article L.442-6, I, 6° du Code de commerce.

11. Dans son arrêt du 13 juillet 2018, la Cour d’appel de Paris a donc vérifié si les contrats conclus entre la société C. et son réseau de distribution étaient susceptibles de restreindre la concurrence au sens de l’article 101 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE), qui sanctionne les accords ou pratiques concertées « susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur ».

La Cour rappelle, en premier lieu, qu’« il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE, 1ère ch., 6 décembre 2017, aff. C-230/16, Coty Germany), qu’un système de distribution sélective de produits de luxe visant, à titre principal, à préserver l’image de luxe de ces produits est conforme à cette disposition, pour autant que le choix des revendeurs s’opère en fonction de :

  • critères objectifs de caractère qualitatif,
  • fixés d’une manière uniforme à l’égard de tous les revendeurs potentiels,
  • et appliqués de façon non discriminatoire,
  • et que les critères définis n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire ».

12. Par cet arrêt, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a réitéré les conditions de conformité des critères qualitatifs exigées depuis l’arrêt Métro (CJCE, 25 octobre 1977, Aff. C-26/76, Métro/Commission) et s’est prononcée, pour la première fois, sur l’interdiction de revente sur des places de marché en ligne à la lumière de ces critères, en considérant que l’article 101, paragraphe 1 du TFUE ne s’oppose pas à une clause contractuelle qui interdit aux distributeurs agréés d’un système de distribution sélective de recourir de manière visible à des plateformes tierces pour la vente sur Internet des produits contractuels, dès lors que cette clause vise à préserver l’image de luxe desdits produits, qu’elle est fixée d’une manière uniforme et appliquée d’une façon non discriminatoire, et qu’elle est proportionnée au regard de l’objectif poursuivi (CJUE, 1ère ch., 6 décembre 2017, Aff. C-230/16, Coty Germany).

En droit français, le corollaire de l’article 101 du TFUE est l’article L.420-1 du Code de commerce et la Cour de cassation applique des critères similaires aux conditions posées par la C.J.C.E. pour s’assurer que l’organisation d’un réseau de distribution sélective est licite (Cf. notamment Cass. com., 18 déc. 2012, n° 11.27342 ; Cf. également CA Paris, 28 févr. 2018, n° 16/02263 faisant application de la jurisprudence Coty de la CJUE précitée et de l’article L.442-6-I, 6° du Code de commerce).

En l’espèce, la Cour d’appel de Paris a considéré que « les produits de la marque C. correspondent à des produits de luxe (…) Le seul fait qu’il s’agisse de produits de parapharmacie n’en fait pas des produits banals (…), la qualité de tels produits résulte non pas uniquement de leurs caractéristiques matérielles, mais également de l’allure et de l’image de prestige qui leur confèrent une sensation de luxe et cette sensation constitue un élément essentiel desdits produits pour qu’ils soient distingués, par les consommateurs, des autres produits semblables ». La Cour relève en outre que « le contrat de vente à distance par internet prévoit notamment des conditions tenant à la mise en place d’un service de conseil permanent par un pharmacien-conseil du lundi au vendredi, de 9 h à 19 h, avec la possibilité pour le consommateur de poser des questions par courriels auxquels il doit être répondu dans les 48 heures qui suivent ».

Il convient également de souligner que la Cour a pris soin de rappeler « à titre surabondant » que « comme l’a indiqué la DG Concurrence de la Commission européenne dans son commentaire de l’arrêt Coty, il n’y a pas lieu d’exclure que l’interdiction de vente via des plateformes dans les accords de distribution sélective puisse être conforme à l’article 101, §1, du TFUE pour d’autres catégories de produits que celle des produits de luxe ».

La société E.S. n’a semble-t-il pas contesté le caractère objectif des critères de sélection des pharmaciens agréés, mais a prétendu que la société C. en ferait une application discriminatoire au motif qu’elle aurait agréé des chaînes de magasins, telles que M. et B. S. pour la vente de ses produits. La Cour rappelle cependant que « la société C. justifie avoir mis fin à ses relations commerciales avec la société M. » et « obtenu que la société B. S., qui exploite le site intitulé le C. S., cesse également la vente de ses produits ». La Cour rappelle enfin que « la société C. justifie avoir engagé les démarches pour que la société A. cesse de proposer ses produits à la vente ».

La Cour déduit de ses constatations qu’il n’apparaît donc pas « que le réseau de distribution sélective mis en place par la société C. procède de critères discriminatoires ».

13. La Cour a, par ailleurs, vérifié « si l’interdiction faite par la société C. aux pharmaciens de son réseau de recourir de façon visible à des plateformes tierces pour la vente sur internet de ses produits concernés est proportionnée au regard de l’objectif poursuivi, c’est-à-dire si une telle interdiction est appropriée pour préserver l’image de luxe de ces produits et si elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ».

Sur ce point, la Cour a considéré que « l’absence de relations contractuelles entre les deux parties au présent litige fait obstacle à ce que la société C. puisse, sur un tel fondement, exiger de la société E.S. le respect des conditions de qualité qu’elle a imposées aux pharmaciens qu’elle a agréés. Les contrats de vente par internet souscrits entre la société C. et les pharmaciens du réseau prévoient que la première fournit à ces derniers ce qu’elle indique être un « webpack » comprenant des photographies et textes des produits qui permettent une valorisation de ceux-ci. A l’inverse, la société C. désigne un certain nombre de ses produits comme ayant été mis en vente par le truchement du site 1…pharmacies.com alors qu’ils étaient supposés être retirés de la vente. En outre, la société C. établit, par deux captures d’écran dudit site, que la société E.S. propose la vente des produits C. aux côtés de produits qui n’ont aucun rapport avec ceux-ci, tels que des alarmes-incendie ou des caméras de vidéo-surveillance. De telles conditions de présentation sont de nature à porter atteinte à l’image de luxe que la société C. peut légitimement vouloir protéger. Il est dès lors établi par la société C. que le refus de voir ses produits être commercialisés par le site édité par la société E.S. est proportionné avec son objectif de préserver son image de marque ».

La Cour considère aussi que « Dès lors que les contrats passés entre la société C. et les pharmaciens de son réseau ne restreignent pas la concurrence au sens de l’article 101, § 1, du TFUE, la question de savoir si ceux-ci peuvent bénéficier, en vertu de l’article 101, § 3, d’une exemption au titre du règlement n° 330/2010 n’a pas lieu de se poser. Au demeurant et à titre surabondant, il résulte de la jurisprudence précitée de la Cour de Luxembourg qu’une interdiction de revente en ligne par le truchement d’une plateforme telle que celle proposée par la société E.S. ne constitue pas une restriction caractérisée au sens du règlement d’exemption (UE) n° 330/2010 ».

14. La Cour rappelle, en dernier lieu, que le Conseil de la concurrence a accepté « les engagements pris notamment par la société C. consistant en la modification de ses contrats de distribution sélective et en la rédaction d’un contrat spécifique pour la vente par internet réservée aux membres de son réseau » (Conseil de la Concurrence, Décision n° 07-D-07 du 8 mars 2007).

La Cour en déduit qu’« au regard de l’ensemble de ces éléments, la société C. justifie de la licéité de son réseau de distribution sélective. L’atteinte qui y est portée par la société E.S. procède d’un trouble manifestement illicite auquel les mesures adoptées par le premier juge permettent de remédier de manière pertinente ».

15. Enfin, par cet arrêt, la Cour d’appel confirme implicitement la faculté d’interdire les « pure players » (distributeurs vendant exclusivement leurs produits par internet et ne disposant pas de magasins physiques) dans un réseau de distribution sélective, puisque la clause litigieuse stipulait que « seul un distributeur agréé disposant d’un point de vente physique et respectant l’ensemble des critères de sélectivité sera en droit de vendre en ligne les produits C. sur son site internet ». Cette faculté avait d’ores et déjà été admise par la Commission Européenne, qui a précisé dans ses Lignes directrices sur les restrictions verticales que « l’exemption par catégorie permet au fournisseur, par exemple, d’exiger de ses distributeurs qu’ils disposent d’un ou de plusieurs points de vente physiques, comme condition pour pouvoir devenir membre de son système de distribution » (Lignes directrices sur les restrictions verticales, point 54, JOUE, N° C-130 du 19 mai 2010). Enfin, la Cour d’appel de Paris a récemment jugé que « la clause du contrat de distribution sélective de C. France imposant la détention d’un point de vente physique n’est pas contraire à l’article 101, alinéa 1 du TFUE » (CA Paris, 28 févr. 2018, n° 16/02263).

16. Il est intéressant de noter que, dans sa décision du 8 mars 2007, le Conseil de la Concurrence avait relevé que :

« S’agissant de la problématique des plates-formes, le Conseil note que ce canal de distribution pose encore des problèmes sérieux. Ces plates-formes se présentent en effet comme des intermédiaires entre l’acheteur et le vendeur et il est fréquent que le vendeur « professionnel », qu’il convient de distinguer du vendeur « particulier » qui vend des produits d’occasion ou de seconde main, ne respecte pas son obligation d’identification, telle que prévue par la loi. Cependant, la plupart des plates-formes jouent un rôle actif dans le processus contractuel en proposant une garantie de paiement, en assurant parfois le transport des produits, ou en fournissant un cadre juridique aux parties. Il n’en demeure pas moins que le cocontractant de l’internaute acheteur demeure bien le vendeur professionnel, qui doit, dès lors, être identifié en tant que tel. Les plates-formes devraient donc être amenées à réviser leur stratégie commerciale pour intégrer cette exigence légale permettant à l’acheteur ou au concurrent de savoir qui est à l’origine de l’offre. S’agissant plus particulièrement des vendeurs agréés dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, la question se pose avec acuité des « faux » vendeurs professionnels qui ne sont pas agréés par les fabricants dont ils vendent donc les produits de manière illicite, notamment, par le biais des plates-formes. Dès lors, le Conseil ne peut que constater qu’existent, à l’évidence, des circuits de commerce parallèles, voire de contrefaçons, qui portent atteinte à l’intégrité des réseaux et à l’image des produits en cause. Pour ces raisons, le Conseil estime que les craintes des fabricants de produits dermo-cosmétiques suscitées par ces pratiques illégales peuvent légitimer l’interdiction de ce canal de vente, tant que les plates-formes n’apportent pas de garanties supplémentaires sur la qualité et l’identité des vendeurs » (Conseil de la Concurrence, Décision n° 07-D-07 du 8 mars 2007, points 103 et 104).

A rapprocher : CJUE, 1ère ch., 6 décembre 2017, Aff. C-230/16, Coty Germany ; CA Paris, 28 févr. 2018, n° 16/02263 ; Voir aussi, « Vent de liberté sur les réseaux de distribution sélective », Lettre des Réseaux de Juillet-Août 2018

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