Invention de mission et liquidation judiciaire : le sort de la rémunération supplémentaire du salarié

Cass. com., 31 janvier 2018, n°16-13.262

Dans cet arrêt, la Cour de cassation rappelle que l’acquisition des éléments incorporels d’actif ne confère pas au cessionnaire la qualité d’ayant droit de la société liquidée – cédante.

Ce qu’il faut retenir : La Cour de cassation, dans un arrêt du 31 janvier 2018, a jugé que dans l’hypothèse d’une invention de mission brevetable réalisée par un salarié d’une société placée en liquidation judiciaire, celui-ci ne pouvait pas réclamer la rémunération supplémentaire prévue à l’article L.611-7 du Code de la propriété intellectuelle au cessionnaire de l’actif incorporel de ladite société, comprenant le brevet litigieux. Elle rappelle, en effet, que l’acquisition des éléments incorporels d’actif ne confère pas au cessionnaire la qualité d’ayant droit de la société liquidée – cédante.

La Cour de cassation précise que « à supposer l’invention de mission caractérisée, le droit à rémunération supplémentaire du salarié ne peut être évoqué qu’à l’encontre de l’employeur et prend naissance à la date de la réalisation de l’invention brevetable. »

Pour approfondir : L’article L.611-7 du Code de la propriété intellectuelle, issu de la loi n°94-102 du 5 février 1994, applicable à l’espèce, dispose : « Les inventions faites par le salarié dans l’exécution soit de son contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d’études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l’employeur. Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d’une telle invention, bénéficie d’une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d’entreprise et les contrats individuels de travail ». Le droit de propriété intellectuelle sur ces inventions dites de mission appartient à l’employeur. Une rémunération supplémentaire est alors due au salarié. Rappelons que cette rémunération ne rétribue pas le salarié pour son travail, puisqu’il reçoit un salaire. Elle ne constitue pas non plus la contrepartie du transfert de propriété de son invention, laquelle est de droit en matière d’invention de mission, mais constitue une prime de résultat.

Dans cette affaire, un salarié responsable de projets avait été licencié pour motif économique par son employeur, Icare Développement, en novembre 2006. Au préalable, Icare Développement, en la personne de son représentant légal, avait déposé une demande de brevet le 2 septembre 2004, publiée le 3 mars 2006. La société Icare Développement a, par la suite, été placée en liquidation judiciaire.

En 2008, le salarié, à l’origine de l’invention de mission bénéficiant de la protection au titre dudit brevet, a été embauché en qualité d’ingénieur développement par une autre société, filiale de la société holding qui avait entre-temps acquis de gré à gré les éléments incorporels d’actif de la société Icare Développement liquidée.

Le salarié a donc assigné son nouvel employeur, la filiale, ainsi que la holding afin notamment d’obtenir la rémunération supplémentaire prévue à l’article L.611-7 du CPI précité en matière d’invention de mission.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui avait suivi l’argumentation du salarié, avait fait droit à sa demande de rémunération supplémentaire, tenant compte des circonstances dans lesquelles l’invention avait été mise au point à savoir développement et mise au point d’une invention antérieure, durée des recherches, tests pour la mise au point pratique du dispositif, et contribution personnelle et essentielle du salarié (Aix-en-Provence, 30 juin 2015, n°13/10097).

La Cour de cassation invalide le raisonnement des juges du fond, et casse l’arrêt au motif que la seule acquisition d’éléments incorporels d’actif par une société ne lui confère pas la qualité d’ayant-droit du cédant. Elle prend soin de rappeler qu’en matière d’invention de mission, le droit à rémunération supplémentaire du salarié naît à la date de réalisation de l’invention brevetable, et ne peut être invoqué qu’à l’encontre de l’employeur, et non à l’encontre du cessionnaire des actifs comprenant le brevet litigieux.

En effet, la cession d’un actif, qu’il s’agisse d’un actif isolé ou du fonds de commerce, n’entraîne donc pas de substitution du cédant dans la personne du cessionnaire à l’instar d’une fusion-absorption, ou d’un rachat de titres par exemple.

A rapprocher : Art. L.611-6 CPI ; Art. L.611-7 CPI

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