Procédures collectives et les conditions de la revendication par le franchiseur des marchandises ou fournitures impayées

Le franchiseur a souvent intérêt à insérer, dans le contrat de franchise, une clause de réserve de propriété.

Ce qu’il faut retenir :

Les franchisés sont souvent amenés à recevoir de leur franchiseur des marchandises ou produits destinés à la revente à leur clientèle. Le règlement de ces fournitures se fait en général à terme, selon les conditions de paiement prévues contractuellement. Et, entre les livraisons et le règlement effectif, le délai peut être suffisamment long pour donner lieu à l’ouverture d’une procédure collective du franchisé, avec les difficultés de règlement que l’on connait. Le franchiseur a donc tout intérêt de se prémunir de ce phénomène d’impayés en insérant, dans le contrat de franchise, une clause de réserve de propriété. Cette précaution mérite qu’on en rappelle les conditions.

 

Pour approfondir :

L’action en revendication tient à la seule reconnaissance du droit de propriété du vendeur, de sorte que, si elle est toujours conseillée, la déclaration de créances n’est pas une condition d’exercice de l’action en revendication (Cass. com., 29 janv. 1991 et 20 oct. 1992, D. 1993, Somm. p. 288, obs. F. Pérochon ; Cass. com., 9 janv. 1996, D. 1996, jurispr. p. 184, note F. Derrida ; LPA, 14 févr. 1996, p. 22, note F. Derrida). Les conditions de la revendication n’ont été que très peu modifiées par la loi du 26 juillet 2005. Le mécanisme reste certes inchangé dans son ensemble, mais certaines spécificités de la loi du 26 juillet 2005 doivent être néanmoins rappelées.

Classiquement, l’action en revendication du franchiseur suppose, d’une part, l’acceptation de la clause de réserve de propriété par le franchisé et, d’autre part, le respect du délai de revendication imposé par le législateur.

L’acceptation suppose que la clause de réserve de propriété ait été convenue dans un écrit, formalisé au plus tard au moment de la livraison. Une acceptation écrite n’est pas en soi indispensable (v. not., Cass. com., 19 janv. 1985, Bull. civ. IV, n°68), même si elle est préférable pour des raisons évidentes de preuve (Pour l’acceptation tacite d’une clause de réserve de propriété dans l’hypothèse de ventes successives de marchandises, V. CA Rennes, 30 avr. 1998, JCP, 1999, IV, 2747 ; CA Versailles, 30 nov. 2000, Gaz. Pal., 2001, Somm., 608 ; Trib. com. Paris, 31 janv. 2001, RJ com. 2001. 237, obs. Armand-Prévost). Sur ces points, les dispositions de l’article L. 624-16 du code de commerce reprennent celles de l’ancien article L. 621-122. Selon les dispositions de la loi désormais en vigueur, la clause de réserve de propriété « peut figurer dans un écrit régissant un ensemble d’opérations commerciales convenues entre les parties ». Le franchiseur n’est donc pas tenu de stipuler dans chaque contrat d’application la clause de réserve de propriété ; il suffit de l’inclure dans le contrat de franchise.

L’acceptation par le franchisé de la clause de réserve de propriété avait été renforcée par loi du 1er juillet 1996, relative à l’équilibre et à la loyauté des relations commerciales. Cette loi avait pour objectif de faire prévaloir les conditions générales de vente du fournisseur sur les conditions générales d’achat. Suite à cette réforme, l’ancien article L. 621-122, alinéa 2 du code de commerce énonçait : « nonobstant toute clause contraire, la clause de réserve de propriété est opposable à l’acheteur et aux autres créanciers, à moins que les parties n’aient convenu par écrit de l’écarter ou de la modifier ». Ces dispositions avaient été reprises dans le cadre de la première version de l’article L. 624-16 du code de commerce suite à l’adoption de la loi de sauvegarde. Ces dispositions ont néanmoins été supprimées lors de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés ; cette suppression mérite d’être soulignée et d’être prise en compte par le franchiseur. Elle signifie le retour à l’application de la jurisprudence antérieure à la loi du 1er juillet 1996 aux termes de laquelle les conditions générales d’achat, lorsqu’elles avaient été portées à la connaissance du vendeur, prévalaient sur les conditions générales de ce dernier (Cass. com., 28 mars 1995 (7 arrêts), Rev. Proc. Coll., 1995, 192 et 471, n°8, obs. B. Soinne).

Lorsque la clause a été ainsi acceptée par le franchisé, le franchiseur doit en principe revendiquer les marchandises livrées dans les délais prévus. A ce titre, la loi du 26 juillet 2006 n’a pas apporté des modifications en la matière. Le franchiseur devra former, par lettre recommandée avec accusé de réception, une demande en revendication auprès de l’administrateur judiciaire du franchisé dans un délai de trois mois à compter de la publication au BODACC du jugement d’ouverture (C. com., art. L. 624-9). A défaut de réponse dans un délai d’un mois à compter de la réception de la lettre recommandée, et sous peine de forclusion, le franchiseur dispose d’un mois pour saisir par requête le juge-commissaire (C. com., art. R. 624-13). L’absence de revendication dans les délais prévus rend le droit de propriété inopposable à la procédure collective. Toutefois, cela ne signifie nullement que le droit de propriété, constitutionnellement protégé, se trouve éteint. Aussi, lorsque le débiteur fait l’objet d’un plan de redressement ou de sauvegarde, rien n’interdit au franchiseur d’agir en restitution conformément au droit commun à l’encontre du franchisé, redevenu in bonis (Cass. com. 4 janv. 2000, D. 2000. 533, note Le Corre-Broly ; Act. proc. coll. 2000, no40, obs. Regnaut-Moutier ; RJ com. 2000, 266, note Dumesnil-Rossi et Santana ; RTD com., 2002, 160, obs. Martin-Serf ; Cass. com., 24 mars 2004, Bull. civ. IV, no61; D. 2004, AJ. 1084, obs. Lienhard ; Act. proc. coll. 2004, no 105, obs. Regnaut-Moutier ; JCP E, 2004, no37, p. 1384, obs. Cabrillac ; Rev. proc. coll. 2004. 378, obs. Monsèrié-Bon ; Cass. com.,  30 oct. 2007, Gaz. Pal. 23-24 janv. 2008, p. 67, obs. Pérochon). Précisons aussi que, comme sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985, la loi du 26 juillet 2005 dispense de l’obligation de revendiquer le fournisseur qui a publié le contrat comportant la clause de réserve de propriété (V. sur cette réforme, M.-J. Campana, Les revendications après la réforme du 10 juin1994, in Le nouveau droit des défaillances d’entreprises, Dalloz, 1995, p. 204 et suiv., n°24 ; B. Soinne, Le nouveau droit de la revendication issu de la loi du 10 juin 1994, LPA, 14 sept. 1994, p. 80, n°13 et suiv. ; F. Pérochon, La réforme 1994 de la réserve de propriété, JCP E, 1995, Cah. dr. entr. n°5, p. 25).

Les articles L. 624-16 et L. 624-18 du code de commerce précisent l’objet que peut revêtir la revendication. Elle peut porter soit en nature sur le bien lui-même, soit sur un bien de même nature, soit encore sur le prix de revente du bien. Ces types de revendication sont soumis à une condition générale et absolue : l’existence du bien en nature à la date du jugement d’ouverture (Cass. com., 7 juin 2005, pourvoi n°04-14670, inédit). La charge de la preuve incombe au revendiquant. Le caractère obligatoire de l’inventaire, à l’ouverture de la procédure, facilitera la tâche du vendeur. Les dispositions de la loi du 26 juillet 2005 et de son décret d’application du 28 décembre 2005 n’ont pas fait évoluer sur ce point la réglementation issue de la loi du 10 juin 1994. L’article R. 622- 4 du code de commerce dispose en son alinéa 2 : « Le débiteur remet à la personne désignée pour dresser l’inventaire la liste des biens gagés, nantis ou placés sous sujétion douanière ainsi que celle des biens qu’il détient en dépôt, location ou crédit-bail, ou sous réserve de propriété ou, plus généralement, qui sont susceptibles d’être revendiqués par des tiers. Cette liste est annexée à l’inventaire».

L’existence d’une clause de réserve de propriété n’interdit évidemment pas l’utilisation du bien dans le cadre de l’activité du franchisé. Si le bien a été transformé ou incorporé, la revendication ne peut prospérer. Il n’y a pas incorporation lorsqu’une simple opération de démontage suffit, sans que cette opération n’occasionne pour le bien revendiqué et pour le bien dans lequel celui-ci est incorporé un quelconque dommage (C. com., art. L. 624-16 al. 3). Toutefois, si le bien existe en nature à la date de l’ouverture de la procédure collective et a été incorporé, le franchiseur disposera du privilège attaché aux créances dites de la procédure. Cette solution jurisprudentielle (Cass. com., 11 juill. 1995, JCP E 1995, 513, n°5, obs. Cabrillac ;  Cass. com., 11 mars 1997, Bull. civ. IV, n°70) dégagée sous l’empire de l’ancienne loi ne doit pas être remise en cause par le resserrement de la notion de créance de la procédure (C. com., art. L. 622-17). Evidemment, la revendication nécessite que le bien puisse être identifié. Néanmoins, si ce principe s’applique dans tous les cas pour les corps certains, celui-ci n’a pas vocation à s’appliquer s’agissant des choses fongibles. L’article L. 624-16 du code de commerce, reprenant la règle applicable depuis la réforme de 1994 sous l’empire de l’ancienne loi, dispose : « La revendication en nature peut également s’exercer sur des biens fongibles lorsque des biens de même nature et de même qualité se trouvent entre les mains du débiteur ou de toute personne les détenant pour son compte ». La revendication des biens fongibles est venue conforter le droit de propriété du revendiquant. Il aurait été utile que la Cour de cassation vienne définir le concept de fongibilité énoncé brièvement par la loi, qui relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond (Cass. com., 15 févr. 2000, Bull. civ. IV, n°30 ; Cass. com., 5 mars 2002, D. 2002, AJ, p. 1139, obs.  A. Lienhard ; Cass. com., 8 juill. 2003, pourvoi n°00-19.685, inédit ; Cass. com., 15 mars 2005, n°03-20332). Précisons que la revendication peut porter sur l’indemnité d’assurance subrogée au bien en cas de sinistre, comme l’indiquent les dispositions de l’article L. 624-18 in fine du code de commerce, issues de l’ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés.

L’article L. 624-18 du code de commerce en son alinéa 1er, rédigé dans des termes identiques aux dispositions de l’ancienne loi, dispose : « Peut être revendiqué le prix ou la partie du prix des biens visés à l’article L. 624-16 qui n’a été ni payé, ni réglé en valeur, ni compensé en compte courant entre le débiteur et l’acheteur à la date du jugement ouvrant la procédure ». Ces dispositions visent l’hypothèse d’une revente du bien dans le cadre de la poursuite d’activité du franchisé, l’existence d’une clause de réserve de propriété ne rendant pas le bien indisponible (toute autre solution nuirait au redressement de l’entreprise). Ces dispositions traduisent l’existence d’une véritable subrogation réelle au profit du vendeur. Ce mécanisme de subrogation réelle a été consacré par l’ordonnance du 23 mars 2006 (C. civ., art. 2372). Le bien doit exister en nature au moment de sa vente au sous-acquéreur (Cass. com., 5 nov. 2003, JCP E, 2004, Chron., 783, p. 861, n°13, obs. Cabrillac), encore que la revendication du prix suite à la revente de biens fongibles pourrait être envisagée (Cass. com., 7 juin 2005, pourvoi n°04-14670). Si la demande en revendication peut être faite entre les mains du sous-acquéreur, la revendication du franchiseur s’exercera de préférence entre les mains des organes de la procédure de ce dernier. La demande en revendication est recevable sans qu’il y ait lieu de distinguer si le prix de vente a ou non été payé avant la demande en revendication (Cass. com., 3 déc. 2003, Bull. civ. IV, no191; D. 2004, AJ. 140, obs. Lienhard ; Act. proc. coll., 2004, no 21, obs. Pérochon; JCP E, 2004, no22, p. 860, obs. Cabrillac ; RD banc. fin. 2004, no 71, obs. D. Legeais ; Rev. proc. coll., 2004, 380, obs. Monsèrié-Bon ; RTD civ. 2004, 761, obs. P. Crocq). Aussi, sauf expiration du délai de revendication, l’administrateur judiciaire ou le mandataire judiciaire doivent veiller à affecter les fonds au profit du vendeur, nonobstant l’absence d’exercice de la revendication sous peine de voir leur responsabilité engagée (Cass. com. 5 déc. 1995, Bull. civ. IV, no280 ; D. 1996. Somm., 224, obs. Pérochon ; D. Affaires, 1996, 179 ; Quot. jur., 2 avr. 1996, p. 5, note P. M. ; Rev. proc. coll. 1998, 186, obs. B. Soinne ; Cass. com. 6 juill. 1999, Bull. civ. IV, no150 ; D. 1999. IR. 209 ; D. Affaires 1999, 1366, obs. A. L. ; Gaz. Pal. 1999, 2, 807, note De Gaulle ; RJDA 1999, no1238 ; RTD civ., 1999, 885, obs. P. Crocq ; Rev. proc. coll., 2000, 80, obs. B. Soinne ; Cass. com., 4 janv. 2000, Bull. civ. IV, no5 ; D. 2000, AJ, 56, obs. Lienhard ; JCP E, 2000, no17, p. 701, obs. Cabrillac ; Act. proc. coll. 2000, no29, obs. P. Crocq ; Rev. proc. coll., 2000, 80, obs. B. Soinne ; RTD com., 2000, 457, obs. Martin-Serf ; Cass. com., 11 déc. 2001, RJDA 2002, no407). Cette jurisprudence s’est trouvée consacrée par le décret du 28 décembre 2005 (C. com., art. R. 624-16).

 

A rapprocher : F.-L. Simon, Théorie de Pratique du droit de la franchise, éditions JOLY, févr. 2009, spéc. §§.764-769

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