Preuve de la réception tacite de l’ouvrage

Photo de profil - BARRUET Sophie | Avocat | Lettre des réseaux

BARRUET Sophie

Avocat

Cass. civ. 3ème, 13 juillet 2017, n°16-19.438

En l’absence de preuve de la volonté des maîtres de l’ouvrage d’accepter l’ouvrage, la réception tacite ne peut être retenue et seule la responsabilité contractuelle de la société ayant réalisé les travaux peut être recherchée.

Ce qu’il faut retenir : En l’absence de preuve de la volonté des maîtres de l’ouvrage d’accepter l’ouvrage, la réception tacite ne peut être retenue et seule la responsabilité contractuelle de la société ayant réalisé les travaux peut être recherchée.

Pour approfondir : En l’espèce, M. et Mme X ont confié des travaux de maçonnerie à une société Z. Parallèlement, M. Y a réalisé le remblaiement autour et au-dessus du garage et de la cave. Invoquant des désordres, M. et Mme X ont assigné la société Z et M. Y en réparation de leur préjudice. La société Z a appelé en garantie son assureur.

La Cour d’appel a retenu que l’assureur de la société n’était pas tenu de la garantir des condamnations prononcées au profit de M. et Mme X, en se fondant, pour écarter la réception tacite des travaux, sur la circonstance que l’entrepreneur n’avait pas contesté, au cours des opérations d’expertise, que les maîtres d’ouvrage n’habitaient pas dans l’immeuble atteint de malfaçons, sur l’existence d’un solde de facture restant dû par les maîtres de l’ouvrage, ainsi que sur des courriers de réclamations adressés en recommandé avec accusé de réception par ceux-ci les 29 mars 2004, 17 août 2004 et 30 novembre 2004 à l’entrepreneur, soit plus d’un an après l’achèvement des travaux.

La société Z s’est pourvue en cassation en soutenant que la réception tacite d’un ouvrage résultait d’actes du maître de l’ouvrage témoignant de sa volonté non équivoque de recevoir cet ouvrage et qu’en l’espèce, les motifs retenus par la Cour d’appel ne suffisaient pas à caractériser une volonté non équivoque de ne pas recevoir l’ouvrage.

La Cour de cassation valide la solution de la Cour d’appel et rejette le pourvoi, retenant d’une part, qu’il appartenait à la société Z, qui invoquait une réception tacite, de la démontrer, que M. et Mme X habitaient un bâtiment non affecté par les désordres, et que la société Z ne pouvait se prévaloir du paiement des travaux puisqu’elle leur réclamait le solde de sa facturation. Dès lors, la Cour d’appel a pu à bon droit en déduire qu’en l’absence de preuve de la volonté des maîtres de l’ouvrage d’accepter cet ouvrage, la réception tacite ne pouvait être retenue et que seule la responsabilité contractuelle de la société Z pouvait être recherchée.

La réception de l’ouvrage est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage, avec ou sans réserves. Si la réception est généralement expresse, notamment lorsqu’est rédigé un procès-verbal décrivant les travaux exécutés et précisant les éventuelles réserves, elle peut également être tacite lorsqu’elle découle d’un ensemble de circonstances manifestant de façon univoque la volonté du maître de recevoir l’ouvrage.

La réception tacite se déduit généralement d’un faisceau d’indices, tels que la prise de possession du bien et le paiement du prix. Mais ces éléments, pris isolément, ne suffisent pas à caractériser la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de recevoir les travaux. A ce titre, la jurisprudence a retenu que le fait pour les acquéreurs de s’acquitter, sans retenue ni réserve, d’une facture de travaux ne présume pas, à lui seul, la volonté non équivoque d’accepter les travaux de construction réalisés.

Par la présente décision, la Cour de cassation précise qu’en l’absence de preuve de la volonté des maîtres de l’ouvrage d’accepter cet ouvrage, la réception tacite ne peut être retenue et seule la responsabilité contractuelle de la société ayant réalisé les travaux peut être recherchée.

A rapprocher : Article 1792-6 du Code civil ; Cass. civ. 3ème, 22 octobre 2002, n°01.03-851

Sommaire

Autres articles

some
Baux commerciaux : la demande de renouvellement aux clauses et conditions du bail expiré vaut offre de prix du bail en renouvellement
Le bailleur ayant accepté la demande du locataire sollicitant le renouvellement aux clauses et conditions du précédent bail, la demande en fixation du loyer du bail renouvelé doit être rejetée.
some
Covid-19 et non-paiement des loyers commerciaux pour la période d’avril et mai 2020
Si bailleur et preneur, en période de Covid-19, doivent, de bonne foi, se concerter sur la nécessité d’aménager les modalités d’exécution de leurs obligations respectives, les moyens du locataire – défaut dans l’obligation de délivrance du bailleur et...
some
Précisions nouvelles sur les prêts libellés en francs suisses et les clauses abusives
La CJUE considère que les clauses prévoyant l’allongement de la durée d’un contrat de prêt et l’augmentation du montant des mensualités sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
some
[VIDÉO] Etat du marché en période de crise sanitaire, par Patrick COLOMER
Patrick COLOMER, Expert judiciaire près de la Cour d’appel de Paris et agréé par la Cour de cassation, intervient dans le cadre de contentieux locatifs et d’indemnités d’éviction.
some
Etendue de la destination contractuelle d’un restaurant et vente à emporter
L’adjonction d’une activité ne peut donner lieu à déplafonnement du loyer s’il s’agit d’une activité dite incluse, c’est-à-dire se rattachant naturellement à la destination contractuelle initiale et à son évolution en fonction des usages ou pratiques...
some
[VIDÉO] Baux commerciaux et marché locatif, par Patrick COLOMER
Patrick COLOMER, Expert judiciaire intervenant dans le cadre de contentieux locatifs et d'indemnités d'éviction, aborde notamment dans cette vidéo le marché locatif, la baisse/hausse des loyers et la propriété commerciale.