L’effet rétroactif limité de la reprise de la liquidation judiciaire

Cass. com., 22 mars 2017, n°15-21.146

La reprise de la liquidation judiciaire prévue par l’article L.643-13 du Code de commerce a un effet rétroactif.

Ce qu’il faut retenir : La reprise de la liquidation judiciaire prévue par l’article L.643-13 du Code de commerce a un effet rétroactif.

Cependant, cet effet est limité à la réalisation des actifs et à l’exercice des actions qui ont été omis dans le cadre de la procédure clôturée.

La reprise de la procédure n’emporte donc pas à nouveau le dessaisissement général du débiteur qui reste libre de contracter et d’engager des biens qui n’avaient jamais été compris dans la liquidation.

Pour approfondir : Le prononcé d’une liquidation judiciaire emporte dessaisissement du débiteur, selon l’article L.641-9 du Code de commerce. Il perd alors l’administration et la disposition de ses biens tant que la procédure collective n’est pas clôturée. Sauf rares exceptions, ses droits et actions concernant son patrimoine sont alors exercés par le liquidateur. Tout acte juridique passé par le débiteur en violation de ce principe est déclaré inopposable à la procédure collective  (Cass. com., 16 octobre 2012, n°10-25.387).

Dans les faits de l’espèce, M. X a souscrit un prêt auprès d’une banque le 20 octobre 2004. La procédure de liquidation judiciaire dont il a fait l’objet a été prononcée le 24 mai 1988 et clôturée le 26 janvier 2000. Elle a ensuite été rouverte par un jugement du 7 octobre 2003, en vertu de l’article L643-13 du Code de commerce. M. X a été défaillant dans le remboursement des échéances du prêt. La banque, après avoir prononcé la déchéance du terme le 12 décembre 2011, l’a assigné en paiement.

Pour se soustraire à son engagement, M. X prétend que la procédure de liquidation judiciaire qui a été rouverte en 2003 n’a jamais été clôturée par la suite.

Il estime donc que le prêt qu’il a conclu en 2004 doit être déclaré irrégulier puisqu’il était dessaisi de ses droits à l’époque.

Il ajoute que l’action en paiement engagée par la banque doit dans tous les cas être suspendue jusqu’au prononcé de la clôture de la liquidation judiciaire, et ce en vertu du principe de l’arrêt des poursuites individuelles posé par l’article L.622-21 du Code de commerce.

Le Cour d’appel rejette cette argumentation pour des motifs factuels. Elle considère tout simplement que M. X ne rapporte pas la preuve que la reprise de la liquidation judiciaire n’avait pas déjà été clôturée avant qu’il n’ait contracté avec la banque. Elle condamne donc M. X à rembourser son prêt avec intérêts de retard.

La Cour de cassation valide la solution de la Cour d’appel mais substitue un motif de pur droit à ceux de la juridiction du fond. Selon elle, la reprise de la liquidation judiciaire a un effet rétroactif. Dès lors qu’elle est décidée, le débiteur est dessaisi à compter du prononcé de la clôture de la liquidation (et non pas du prononcé de la reprise !).

Le dessaisissement est ainsi continu de l’ouverture initiale de la procédure collective jusqu’à la clôture de la reprise. Cependant, cet effet rétroactif est limité à la réalisation des actifs et à l’exercice des actions qui ont été omis dans la procédure clôturée.

Dans le cas d’espèce, le contrat de prêt a été conclu après la clôture de la liquidation judiciaire. Cet acte juridique n’a donc jamais pu être compris dans le champ de la procédure collective. La réouverture de celle-ci ne change rien à cette situation. M. X ne peut donc pas invoquer le dessaisissement du débiteur et l’arrêt des poursuites individuelles pour se soustraire à ses nouvelles obligations vis-à-vis de la banque.

La Cour de cassation avait déjà, par le passé, affirmé l’effet rétroactif associé à la reprise de la liquidation judiciaire (Cass. com., 16 mars 2010, n°08-13.147). Elle vient au travers de l’arrêt du 22 mars 2017 en limiter pour la première fois la portée. Cette solution garantit une plus grande protection des créanciers face à la mauvaise foi d’un débiteur qui serait tenté de détourner le droit des entreprises en difficulté pour se soustraire à ses obligations.

A rapprocher : Cass. com., 16 mars 2010, n°08-13.147

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