Confidentialité et saisie-contrefaçon

Cass. com., 1er mars 2017, n°15-16.159 Publié au Bulletin

Les pièces saisies à l’occasion d’une saisie-contrefaçon peuvent ne pas être transmises au saisissant si la partie saisie justifie d’un intérêt légitime, lequel peut résider dans la confidentialité des documents, à condition d’agir sans délai à cette fin.

Ce qu’il faut retenir : Les pièces saisies à l’occasion d’une saisie-contrefaçon peuvent ne pas être transmises au saisissant si la partie saisie justifie d’un intérêt légitime, lequel peut résider dans la confidentialité des documents, à condition d’agir sans délai à cette fin.
 

Pour approfondir : La procédure de saisie-contrefaçon est précisément encadrée par le Code de la propriété intellectuelle, notamment par l’article L.716-7 du Code de la propriété intellectuelle qui pose les conditions dans lesquelles cette mesure probatoire peut être sollicitée par le titulaire d’une marque, afin de rassembler les éléments de preuve de la contrefaçon.

Le Code de la propriété intellectuelle comporte en particulier une disposition, peu usitée en dépit de son intérêt pratique essentiel : l’article R716-5 du Code de la propriété intellectuelle. Selon cet article : « Le président du tribunal peut ordonner, au vu du procès-verbal de saisie, toute mesure pour compléter la preuve des actes de contrefaçon allégués. A la demande de la partie saisie agissant sans délai et justifiant d’un intérêt légitime, il peut également prendre toute mesure pour préserver la confidentialité de certains éléments ».

Ce texte présente un enjeu particulier pour préserver la confidentialité des documents et autres éléments saisis à l’occasion des opérations de saisie-contrefaçon, comme en témoigne l’affaire ayant conduit à l’arrêt commenté.

En l’espèce, après une saisie-contrefaçon, la société visée par ces mesures avait saisi le président du tribunal de grande instance ayant autorisé la saisie contrefaçon, pour voir prononcées des mesures de nature à préserver la confidentialité des documents saisis.

Le président du tribunal de grande instance a accueilli cette requête et ordonné à l’huissier instrumentaire de demander aux parties saisissantes de lui restituer l’intégralité des pièces annexées au procès-verbal de constat et de les conserver en son étude jusqu’à l’accord des parties ou toute décision à intervenir à ce sujet.

Une demande de rétractation de l’ordonnance prononçant ces mesures sur le fondement de l’article R.716-5 du Code de la propriété intellectuelle a été formée.

Cette demande a été rejetée par la Cour d’appel.

C’est contre cet arrêt qu’un pourvoi était formé, formulant différents griefs auxquels la Haute Cour va répondre, en apportant des précisions sur les conditions de l’article R.716-5 du Code de la propriété intellectuelle :

  • sur la forme : la saisie-contrefaçon étant ordonnée sur requête, c’est également par cette voie que la partie saisie peut agir sur le fondement de l’article R.716-5 du Code de la propriété intellectuelle, afin de solliciter que les conditions ou les conséquences de la saisie litigieuse soient précisées ;
     
  • sur le délai : le texte n’indique pas de délai pour agir et indique que le requérant doit agir « sans délai », en l’espèce la Cour de cassation va approuver les juges du fond d’avoir considéré que la requête, déposée le surlendemain de la notification du procès-verbal de saisie, respectait cette condition ;
     
  • sur l’intérêt légitime : l’auteur du pourvoi reprochait à la Cour d’appel d’avoir méconnu son droit à la preuve, en ordonnant des mesures de rétention de pièces qu’il estimait nécessaires au succès de son action en contrefaçon. Toutefois, la Haute Cour va considérer que l’intérêt légitime à s’opposer à la remise des pièces saisies étant établi, la Cour d’appel a pu approuver le maintien des mesures conservatoires sur les pièces saisies, sans interdire de rapporter la preuve des actes de contrefaçon, ni inverser la charge de la preuve de ceux-ci.
     

A rapprocher : article R.716-5 du Code de la propriété intellectuelle

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