Droit d’auteur et concurrence déloyale autour d’un bijou

CA Paris, 7 mars 2017, n°15/10150

Un bijou peut faire l’objet de droits d’auteur lorsqu’il répond à la condition d’originalité ; à défaut une protection indirecte par l’exercice de l’action en concurrence déloyale peut être exercée pour contester la commercialisation de produits similaires.

Ce qu’il faut retenir : Un bijou peut faire l’objet de droits d’auteur lorsqu’il répond à la condition d’originalité ; à défaut une protection indirecte par l’exercice de l’action en concurrence déloyale peut être exercée pour contester la commercialisation de produits similaires.
 

Pour approfondir : Dans cette affaire, une société ayant pour activité la création, la fabrication et le négoce de bijoux faisait valoir ses droits d’auteur sur un modèle de bijou pendentif. Après avoir constaté la vente d’un bijou similaire au sien reproduit sur un catalogue et sur un site internet marchand, elle avait engagé une action en contrefaçon et concurrence déloyale et parasitisme.

La Cour va examiner en premier lieu la demande au titre de la contrefaçon de droit d’auteur. Les juges vont tout d’abord retenir la preuve de la titularité de droit d’auteur du fait du dépôt d’une enveloppe Soleau, de l’exploitation paisible et non équivoque, sous son nom, de l’œuvre revendiquée (le pendentif).

Ensuite, les juges vont rechercher l’originalité du modèle, condition sine qua non de sa protection au titre du droit d’auteur.

Après avoir rappelé les principes connus selon lesquels « ... l’originalité d’une œuvre résulte notamment de partis pris esthétiques et de choix arbitraires qui lui donnent une physionomie propre reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur »  et « … la combinaison d’éléments qui en eux-mêmes ne présentent pas d’originalité ne peut manifester un effort créatif que si elle confère au produit concerné une physionomie propre qui le distingue des autres modèles appartenant au même genre et si elle traduit un parti pris esthétique du créateur révélant l’empreinte de sa personnalité », les juges du fond vont procéder à un examen circonstancié du modèle revendiqué.

Cet examen va porter sur tous les éléments présentés comme caractérisant l’originalité du modèle selon la société revendiquant des droits d’auteur. A l’issue de cet examen, les juges vont décider : «  … la cour fait sienne l’appréciation des premiers juges qui ont estimé que la combinaison des éléments constituant la création revendiquée ne lui confère pas une physionomie propre ni ne traduit un parti pris esthétique, mais résulte seulement de la mise en œuvre d’un savoir-faire aboutissant à la représentation, dépourvue d’originalité, d’un chat stylisé en position assise ; que, dans ces conditions, le pendentif revendiqué ne peut bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur ; que le jugement doit être confirmé de ce chef et en ce qu’il a, en conséquence, débouté la société X de ses demandes au titre de la contrefaçon de droit d’auteur ».

La demande fondée sur la contrefaçon ayant été rejetée, celle formée sur le fondement de la concurrence déloyale et le parasitisme présentait alors tout son intérêt. La Cour va entrer en voie de condamnation après avoir rappelé les principes suivants : « Considérant que la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce ; que l’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité, la notoriété de la prestation copiée ; que les agissements parasitaires constituent entre concurrents l’un des éléments de la concurrence déloyale ; qu’ils consistent, pour une personne morale ou physique, à titre lucratif et de façon injustifiée, à s’inspirer ou à copier une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissement ». Cette affaire illustre l’intérêt de formuler une demande subsidiaire sur le fondement de la concurrence déloyale lorsque, comme en l’espèce, les juges rejettent la demande principale fondée sur la contrefaçon.
 

A rapprocher : article L.112-2 du Code de la propriété intellectuelle

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