Licence de marque et intuitu personae : le cas de la cession de contrôle – Cass. com., 29 janvier 2013, pourvoi n°11-23.676

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SIMON François-Luc

Avocat Associé-Gérant - Docteur en droit

En cas de cession de contrôle, à défaut de clause contraire, l’intuitu personae du contrat est sans effet dans la mesure où la personne du cocontractant n’est pas modifiée.

Deux sociétés avaient conclu un contrat de distribution et de licence de marque conférant au distributeur une exclusivité de vente sur un territoire. Le concédant, après avoir appris que l’intégralité du capital social de la société licenciée avait été transmis à un actionnaire unique, lequel avait procédé à un changement de dirigeant, mis un terme anticipé au contrat. La société licenciée, y voyant une rupture anticipée unilatérale fautive, engagea une action en responsabilité accueillie par la cour d’appel, et approuvée par la Haute Cour.

Se prononçant sur l’intuitu personae du contrat, la Cour juge : « ayant justement énoncéquen raison du principe d’autonomie de la personne morale cette dernière reste inchangée en cas de cession de la totalité des parts ou actions d’une société ou de changement de ses dirigeants et relevé l’absence de stipulation contractuelle autorisant la rupture avant échéance dans de telles hypothèses, la cour d’appel qui a ainsi fait ressortir qu’il n’était pas établi que la convention de distribution exclusive ait été conclue en considération de la personne du dirigeant, en a déduit à bon droit, sans écarter le caractère intuitu personae du contrat, qu’en l’absence d’une stipulation particulière, la convention était maintenue en dépit des changements intervenus (…) ».

L’arrêt rappelle que la cession de contrôle est sans effet sur la personne du cocontractant. La personne morale et les personnes physiques qui en détiennent le capital social sont des entités juridiques distinctes, par suite, si ces derniers cèdent leur participation, il n’en demeure pas moins que la personne morale reste inchangée.

La Cour en induit que le caractère intuitu personae du contrat – dont se prévalait le concédant – est sans effet, précisément parce que la personne du cocontractant n’est pas modifiée.

La Cour de cassation réserve toutefois l’hypothèse d’une clause contractuelle qui aurait permit de justifier la rupture anticipée du contrat dans ces circonstances, laquelle était absente en l’espèce.

Les parties peuvent en effet déterminer dans le contrat le champ de l’intuitu personae en l’étendant, au-delà de la seule personne du cocontractant, à d’autres éléments. Ainsi et notamment, pourront être visées la personne du dirigeant et la répartition du capital social. Ce n’est en effet que si de telles clauses ont prévu la rupture anticipée du contrat que celle-ci pourra valablement opérer dans des circonstances telles que celles de l’espèce.

La rédaction habile de ce type de clause permettra d’anticiper efficacement toutes les hypothèses envisagées. 


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