Validité d’une clause stipulant l’abandon réciproque de l’exclusivité en cours de préavis

YVER Katia

Avocat

CA Paris, 13 juin 2018, n°15-14.893

Il est de principe que, sauf circonstance particulière, l’octroi d’un préavis suppose le maintien de la relation commerciale aux conditions antérieures, faute de quoi le délai de préavis est privé de son intérêt.

Ce qu’il faut retenir : Il est de principe que, sauf circonstance particulière, l’octroi d’un préavis suppose le maintien de la relation commerciale aux conditions antérieures, faute de quoi le délai de préavis est privé de son intérêt. Il appartient donc de vérifier, en présence d’un litige portant sur l’effectivité d’un préavis octroyé dans le cadre d’une rupture des relations commerciales établies, si l’auteur de la rupture a concrètement maintenu les relations commerciales antérieures. Cette appréciation in concreto exclut que l’on puisse retenir que l’application, par le concédant, d’une clause contractuelle convenue entre les parties à un contrat de concession tendant à l’abandon réciproque de l’exclusivité, constitue en soi une modification de la relation commerciale imputable au concédant, de nature à déséquilibrer l’exécution du contrat pendant le préavis et à le priver d’effectivité. La partie victime de la rupture qui allègue que la relation commerciale ne s’est pas maintenue dans les conditions antérieures doit démontrer que l’auteur de la rupture en est responsable. Ce dernier ne saurait en effet assumer les circonstances particulières relatives à sa propre baisse d’activité ou une conjoncture économique défavorable.

Pour approfondir : La société J. (ci-après « le Concessionnaire ») était spécialisée dans la vente, l’entretien et la réparation de matériel agricole.

Elle a conclu, en 1982, un contrat de concession exclusive d’une durée de 3 ans avec la société A. (ci-après « le Concédant »), qui est spécialisée dans le secteur d’activité du commerce de gros de matériel agricole et détient des droits pour distribuer et exploiter les produits de la société M.-F. Les relations entre les parties se sont ensuite poursuivies dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, les parties ayant conclu, en dernier lieu, un contrat à durée indéterminée le 30 novembre 2005, stipulant notamment :

  • Une exclusivité de distribution sur le territoire concédé au concessionnaire,
  • Une obligation d’approvisionnement exclusif auprès du concédant.

L’article 10 du contrat de concession (à ne pas confondre avec un contrat de franchise notamment) prévoyait, par ailleurs, que  » chacune des parties pourra mettre fin au présent contrat par notification écrite par lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis d’au moins un an. Toutefois, à l’expiration des six premiers mois de préavis et en dérogation aux dispositions de l’article 2 du présent contrat, le concessionnaire ne sera plus tenu, vis-à-vis (du Concédant), à son obligation d’exclusivité de marque et (le Concédant) aura en contrepartie la faculté de nommer un ou plusieurs distributeurs ou autres futurs concessionnaires (de la Marque du Concédant) sur le territoire défini à l’annexe 1 du présent contrat pour tout ou partie de la durée du préavis restant à courir « . 

Par lettre recommandée du 19 juillet 2013, le Concédant a indiqué au Concessionnaire qu’il entendait mettre fin au contrat de concession à compter du 27 juillet 2015, soit 24 mois plus tard. Dans ce courrier, le Concédant a précisé au Concessionnaire qu’il avait la possibilité de nommer un ou plusieurs distributeurs sur le territoire concédé, à l’expiration d’un délai de six mois à compter dudit courrier, selon les stipulations de l’article 10 du contrat du 30 novembre 2005. 

Par exploit d’huissier du 2 décembre 2013, le Concessionnaire a assigné le Concédant devant le Tribunal de Commerce de Lille Métropole pour dénoncer la rupture brutale des relations commerciales établies. 

Par courrier recommandé du 28 janvier 2014, le Concédant a informé le Concessionnaire qu’à compter de ce jour  » les Ets F. dont le siège social est à Crest représenteront également la marque M.-F. ». Il était également rappelé au concessionnaire que par réciprocité telle que prévue à l’article 10 du contrat, il n’était plus tenu à son obligation d’exclusivité de marque à compter de ce même jour. 

Par jugement du 25 mars 2014, le Tribunal de commerce d’Aubenas a prononcé la liquidation judiciaire du Concessionnaire avec poursuite d’activité jusqu’au 31 mars 2014.

Par jugement du 26 mai 2015, le Tribunal de Commerce de Lille Métropole a débouté le liquidateur judiciaire du Concessionnaire de l’ensemble de ses demandes.

Ce dernier a interjeté appel du jugement le 9 juillet 2015, en demandant à la Cour d’Appel de PARIS de réformer le jugement au visa :

  • de l’article L.442-6, I, 5° du Code de Commerce sanctionnant la rupture brutale de relations commerciales établies,
  • de l’article L.442-6, I, 2° du Code de Commerce sanctionnant le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties,
  • et des articles 1134 et 1147 anciens du Code Civil sanctionnant la mauvaise foi dans l’exécution des conventions.

Par un arrêt du 13 juin 2018, la Cour d’Appel de Paris a débouté le liquidateur judiciaire du Concessionnaire de l’intégralité de ses demandes après avoir analysé la clause litigieuse stipulant l’abandon réciproque de l’exclusivité (article 10 du contrat de concession) au regard de l’article L.442-6, I, 5° sanctionnant la rupture brutale (a), de l’article L.442-6, I, 2° sanctionnant le déséquilibre significatif (b) et des articles 1134 et 1147 anciens du Code Civil sanctionnant la mauvaise foi dans l’exécution des conventions (c).

a) L’appréciation de la clause litigieuse au regard de l’article L.442-6, I, 5° sanctionnant la rupture brutale de relations commerciales établies :

La Cour a tout d’abord constaté que les parties ne contestaient pas l’existence de relations commerciales établies entre elles, ni la durée de celles-ci, d’un peu plus de 30 ans, et pas davantage la durée théorique du préavis raisonnable à octroyer, de 24 mois.

Les parties se sont, en revanche, opposées sur l’effectivité du préavis consenti et sur la brutalité de la rupture, le Concessionnaire soutenant que le préavis de 24 mois formellement octroyé par le Concédant n’avait pas été effectif, car les relations commerciales n’ont pas été maintenues aux conditions antérieures, l’exclusivité territoriale lui ayant été retirée au bout de six mois et un nouveau concessionnaire ayant été installé dans sa zone d’exclusivité à compter du 28 janvier 2014.

Le concessionnaire soutenait que la mise en œuvre de l’abandon réciproque d’exclusivité, prévu à l’article 10 du contrat, devait s’analyser comme une rupture brutale totale ou partielle, ou une absence de préavis effectif, puisque la durée de préavis effectif n’a été que de 6 mois, durée insuffisante au regard de la durée et de la nature des relations commerciales entre les parties, et sollicitait la condamnation du Concédant à lui payer une indemnité de 1.387.962 euros, correspondant à la marge brute escomptée sur une durée de 18 mois de préavis supplémentaire.

La Cour d’appel de Paris a tout d’abord rappelé qu’« il est de principe que, sauf circonstance particulière, l’octroi d’un préavis suppose le maintien de la relation commerciale aux conditions antérieures, faute de quoi le délai de préavis est privé de son intérêt »

Elle a ensuite précisé qu’« il appartient donc de vérifier, en présence d’un litige portant sur l’effectivité d’un préavis octroyé dans le cadre d’une rupture des relations commerciales établies, si l’auteur de la rupture a concrètement maintenu les relations commerciales antérieures.

Cette appréciation in concreto exclut que l’on puisse retenir que l’application, par le concédant, d’une clause contractuelle convenue entre les parties à un contrat de concession tendant à l’abandon réciproque de l’exclusivité, constitue en soi une modification de la relation commerciale imputable au concédant, de nature à déséquilibrer l’exécution du contrat pendant le préavis et à le priver d’effectivité. La partie victime de la rupture qui allègue que la relation commerciale ne s’est pas maintenue dans les conditions antérieures doit démontrer que l’auteur de la rupture en est responsable. Ce dernier ne saurait en effet assumer les circonstances particulières relatives à sa propre baisse d’activité ou une conjoncture économique défavorable ». 

En l’espèce, la Cour d’Appel a considéré que le Concessionnaire était défaillant dans la charge de la preuve, en retenant notamment que la date de la cessation des paiements du Concessionnaire avait été fixée au 15 juillet 2012, soit une année avant que le Concédant ne lui notifie la rupture des relations, et que l’analyse des comptes du Concessionnaire permettait d’établir que sa situation financière était obérée dès 2012.

La Cour de Cassation avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur la validité d’une clause stipulant l’abandon réciproque de l’exclusivité en cours de préavis et avait considéré que « l’abandon réciproque de l’exclusivité conformément aux stipulations contractuelles n’est pas assimilable à une rupture partielle des relations commerciales » (Cass. Com., 9 juillet 2013, n° 12-20468).

La Cour d’appel de Paris avait également validé une telle clause en considérant « que cette clause prévoit un abandon réciproque et concomitant par les parties de leurs obligations d’exclusivité territoriale et d’approvisionnement exclusif et constitue l’aménagement contractuel de l’exécution du préavis en cas de rupture du contrat ; qu’elle n’a pas pour effet de déroger aux dispositions impératives de l’article L 442-6 I 5 ° du Code de commerce et ne s’analyse pas en rupture partielle des relations commerciales » (CA Paris, 13 janvier 2016, RG N° 13/11338), la même Cour ayant également considéré que l’abandon réciproque de l’exclusivité n’est pas non plus « assimilable à une rupture brutale des relations commerciales »   (CA Paris, 7 novembre 2016, RG N° 15/10249).

Cette jurisprudence a été vivement critiquée par la doctrine, ayant considéré notamment que « si, comme le souligne la Cour d’Appel, la levée de l’exclusivité de marque ne nuit évidemment pas à la reconversion du concessionnaire évincé, en revanche le priver du bénéfice de l’exclusivité territoriale est lourd de conséquence. En effet, pourtant encore soumis à toutes les contraintes du contrat de concession, ce concessionnaire est privé de leur contrepartie, à savoir son territoire exclusif et ce, alors même qu’il doit, en sus, organiser sa reconversion. Certes, la Cour de Cassation a admis que les parties peuvent « convenir des modalités de la rupture de leur relation commerciale » (Cass. com., 16 décembre 2014, n° 13-21363), mais elle a pris la précaution de rappeler au préalable que l’article L.442-6-I-5°) du Code de Commerce « institue une responsabilité d’ordre public à laquelle les parties ne peuvent renoncer par anticipation ». De sorte que, si l’aménagement des modalités de la rupture est possible, il ne peut s’agir de bouleverser l’économie du contrat, ni d’en modifier la substance. Or, tel est pourtant bien le cas s’agissant de la privation de l’exclusivité territoriale d’un contrat de concession » (J.L. Respaud, JCP Entreprises et Affaires n° 6-07, 9 Février 2017, 1079).

La Cour de cassation a cependant maintenu sa position en rejetant le pourvoi formé contre l’arrêt du 13 janvier 2016 après avoir considéré « qu’ayant constaté que (le Concédant) avait exprimé, lors de la notification de la rupture, sa volonté de faire application de l’article 10, alinéa 2, du contrat, afin de permettre aux parties de réorganiser leurs affaires avant la rupture, l’arrêt retient, par motifs adoptés, que cette disposition permet, d’un côté, au concédant de vendre ses produits par l’intermédiaire d’autres revendeurs et, de l’autre, au concessionnaire, de rompre le plus tôt possible l’interdiction de vendre d’autres marques et de se limiter à un territoire donné, afin de faciliter sa reconversion commerciale et, par motifs propres, que cette clause, qui prévoit un abandon réciproque et concomitant, par les parties, de leurs obligations d’exclusivité territoriale et d’approvisionnement exclusif et constitue l’aménagement contractuel de l’exécution du préavis, n’a pas pour effet de déroger aux dispositions impératives de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce » (Cass. Com., 11 mai 2017, n° 16-13464).

Dans le présent cas d’espèce, la Cour d’Appel a une position plus nuancée car, si elle considère que cette clause contractuelle ne constitue pas « en soi une modification de la relation commerciale imputable au concédant, de nature à déséquilibrer l’exécution du contrat pendant le préavis et à le priver d’effectivité », elle se réserve la possibilité de vérifier, au cas par cas, « en présence d’un litige portant sur l’effectivité d’un préavis octroyé dans le cadre d’une rupture des relations commerciales établies, si l’auteur de la rupture a concrètement maintenu les relations commerciales antérieures ».

Il s’infère de cette décision que, même en présence d’une telle clause, la Cour pourrait potentiellement sanctionner l’auteur de la rupture si la victime parvenait à démontrer que la relation commerciale ne s’est pas maintenue dans les conditions antérieures et que l’auteur de la rupture en est seul responsable.

La Cour d’appel de Paris rejoint ainsi le raisonnement adopté par la Cour de Cassation dans une espèce où un fournisseur avait mis fin au contrat le liant à l’un de ses distributeurs en respectant un préavis, mais en assortissant la rupture de la perte de l’exclusivité territoriale dont le distributeur bénéficiait.

La Cour de cassation (Cass. com., 10 février 2015, n° 13-26414) confirme l’arrêt de la Cour d’appel ayant constaté la rupture brutale aux motifs suivants :

« sauf circonstances particulières, l’octroi d’un préavis suppose le maintien de la relation commerciale aux conditions antérieures ; qu’après avoir constaté que la société Seco Tools France avait elle-même estimé que la société Dorise avait droit à un préavis, ce qui excluait l’existence de manquements graves de la part de celle-ci, l’arrêt retient que les fautes qui lui sont reprochées dans la commercialisation des produits fabriqués par son fournisseur, à les supposer établies, ne sauraient justifier la fin prématurée de l’exclusivité territoriale dont elle bénéficiait et que le délai de préavis de douze mois accordé par la lettre de rupture du 22 janvier 2009 a été privé de son intérêt par la décision concomitante de retrait de l’exclusivité territoriale avec effet immédiat pour l’un des départements et à effet différé au 22 juillet 2009 pour les autres, plaçant la société Dorise dans l’impossibilité de mettre à profit le préavis pour se réorganiser ; qu’en l’état de ces constatations, la cour d’appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a pu estimer que la rupture avait été brutale ».

b) L’appréciation de la clause stipulant l’abandon réciproque de l’exclusivité au regard de l’article L.442-6, I, 2° du Code de Commerce sanctionnant le déséquilibre significatif :

Le Concessionnaire a, par ailleurs, soutenu, au regard de l’article L.442-6, I, 2° du Code de Commerce, que le Concédant l’a soumis à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, en lui imposant une clause selon laquelle les parties pourraient mettre fin à l’exclusivité consentie à l’expiration des 6 premiers mois du préavis, et que la clause litigieuse devait donc être réputée non écrite.

Le Concessionnaire soutenait également, au regard des articles 1170 et 1174 du code civil, que le caractère déséquilibré de la clause litigieuse ressortait de son caractère purement potestatif et que la soumission est caractérisée par l’existence d’un rapport de force déséquilibré entre les parties et par la dépendance du Concessionnaire à l’égard du Concédant. Elle soutenait également que cette clause ne peut être favorable qu’au Concédant, et est donc dépourvue de réciprocité, puisque le Concessionnaire n’a aucun intérêt à mettre fin à l’exclusivité qui lui est consentie à l’expiration des 6 premiers mois du délai de préavis.

En réplique, le Concédant soutenait que, loin de créer un déséquilibre significatif entre les parties, la clause litigieuse facilite au contraire la reconversion du Concessionnaire, qui n’est plus tenu d’une obligation d’exclusivité de distribution. 

La Cour d’Appel a rejeté la demande du Concessionnaire en considérant que :

« Les deux éléments constitutifs de cette pratique restrictive de concurrence sont, en premier lieu, la soumission ou la tentative de soumission et, en second lieu, l’existence d’obligations créant un déséquilibre significatif. L’insertion de clauses dans une convention type ou un contrat d’adhésion qui ne donne lieu à aucune négociation effective des clauses litigieuses peut constituer ce premier élément. L’existence d’obligations créant un déséquilibre significatif peut notamment se déduire d’une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d’une disproportion importante entre les obligations respectives des parties. 

Les clauses sont appréciées dans leur contexte, au regard de l’économie du contrat et in concreto. La preuve d’un rééquilibrage du contrat par une autre clause incombe à l’entreprise mise en cause, sans que l’on puisse considérer qu’il y a inversion de la charge de la preuve. Enfin, les effets des pratiques n’ont pas à être pris en compte ou recherchés. 

La circonstance que la clause critiquée a fait l’objet d’un avenant le 1er janvier 2002 et a été insérée dans le contrat de concession du 30 novembre 2005 ne saurait suffire à établir que le concédant a soumis ou tenté de soumettre son concessionnaire. La société appelante ne démontre pas qu’elle aurait fait part de réserves, mais n’aurait pu refuser la clause de peur de remettre en cause la continuité de la relation exclusive. Elle ne démontre pas plus que le concédant aurait subordonné la poursuite des relations à l’acceptation de la clause litigieuse ou ne lui aurait ménagé aucune possibilité de négociation. Dès lors, le premier élément caractéristique de la pratique restrictive de déséquilibre significatif n’est pas constitué ». 

La Cour confirme ainsi sa jurisprudence antérieure en considérant que le Concessionnaire ne justifiait pas que le Concédant lui avait imposé cette clause (CA Paris, 13 janvier 2016, RG N° 13/11338 ; CA Paris, 7 novembre 2016, RG N° 15/10249), étant rappelé que la Cour avait, en outre, précédemment considéré que « cette clause acceptée par les parties lors de la signature du contrat de concession ne crée pas un déséquilibre significatif entre les parties dès lors que chacune d’elle en a tiré un bénéfice » (CA Paris, 7 novembre 2016, RG N°15/10249), mais aussi que « cette clause n’est pas dépourvue de réciprocité effective et le fait que (le Concessionnaire) ait tiré ou non parti de cet abandon ou ait renoncé à s’en prévaloir ne saurait avoir d’effet sur sa validité » (CA Paris, 13 janvier 2016, RG N° 13/11338).

c) L’appréciation de la clause stipulant l’abandon réciproque de l’exclusivité au regard des articles 1134 et 1147 anciens du Code Civil sanctionnant la mauvaise foi dans l’exécution des conventions :

Le Concessionnaire a soutenu que le Concédant n’avait pas exécuté le préavis de bonne foi en ne maintenant pas les conditions antérieures pendant l’intégralité du préavis et qu’il aurait manqué à son devoir de loyauté et de collaboration vis-à-vis de son cocontractant en faisant échec à la reconversion du Concessionnaire, ce dernier estimant que la perte d’exclusivité, qui est un élément essentiel du contrat, est constitutive d’une rupture abusive du contrat par le Concédant. 

La Cour d’Appel a débouté le Concessionnaire de sa demande fondée sur les articles 1134 et 1147 anciens du Code Civil aux motifs suivants :

« Si (le Concédant), en prononçant la résiliation du contrat de concession la liant (au Concessionnaire), n’a fait que mettre en œuvre les stipulations de ce contrat, une telle résiliation peut, néanmoins, revêtir un caractère abusif en raison des circonstances accompagnant la rupture. Il s’infère en effet des dispositions de l’alinéa 3 de l’article 1134 du code civil, dans sa version alors en vigueur, aux termes desquelles les conventions légalement formées  » doivent être exécutées de bonne foi « , que la faculté de résiliation d’un contrat de droit privé à durée indéterminée ne saurait être exercée dans des conditions exclusives d’une semblable bonne foi, telle, notamment, la création chez le partenaire d’une confiance légitime dans la pérennité des relations commerciales entretenues ou encore une initiative propre à faire échec à sa reconversion commerciale. 

En l’espèce, (le Concédant) ne s’est livré à aucune manœuvre ou manquement à la bonne foi de nature à tromper son concessionnaire et à l’empêcher de se reconvertir. La circonstance que (le Concédant) n’ait pas préalablement informé son concessionnaire de l’installation du nouveau distributeur sur sa zone d’exclusivité territoriale le 28 janvier 2014 ne saurait lui être reproché, dès lors que la lettre de résiliation du 19 juillet 2013 le prévenait que (le Concédant) avait la possibilité de nommer un ou plusieurs distributeurs sur le territoire concédé, à l’expiration d’un délai de six mois à compter dudit courrier, selon les stipulations de l’article 10 du contrat du 30 novembre 2005, soit après le 19 janvier 2014. Il ne peut davantage lui être fait grief d’avoir trompé son concessionnaire sur l’effectivité du préavis, celui-ci étant informé de la possible levée de l’exclusivité à l’issue de la période de six mois. L’appelante ne démontre par aucune pièce du dossier que (le Concédant) aurait divulgué l’information selon laquelle elle mettait fin à l’exclusivité qui lui était consentie, ni que cette société aurait refusé toute discussion a priori ». 

A rapprocher : Cass. com., 9 juillet 2013, n° 12-20468 ; Cass. Com., 11 mai 2017, n° 16-13464 ; CA Paris, 13 janvier 2016, n° 13/11338 ; CA Paris, 7 novembre 2016, n° 15/10249 ; Cass. com., 10 février 2015, n° 13-26414

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