L’exception de parodie et le droit d’auteur

CA Paris, 22 décembre 2017, n°16/20387

La parodie est une exception au droit d’auteur, ce dernier s’incline devant la liberté d’expression lorsque les conditions d’application de cette exception sont réunies.

Ce qu’il faut retenir : La parodie est une exception au droit d’auteur, ce dernier s’incline devant la liberté d’expression lorsque les conditions d’application de cette exception sont réunies.

Pour approfondir : Dans cette affaire, la veuve d’un sculpteur agissait en contrefaçon à l’encontre d’un hebdomadaire français à qui elle reprochait d’avoir reproduit, sur la couverture de l’un de ses numéros, une des sculptures de son défunt époux.

La sculpture en cause est particulièrement connue puisqu’il s’agit du buste de Marianne sous les traits de l’actrice Brigitte Bardot.

La veuve faisait valoir une atteinte aux droits patrimoniaux, en raison de la reproduction non autorisée, et une atteinte au droit moral (le droit à la paternité), en raison de l’absence de mention du nom de l’auteur.

La Cour va en premier lieu admettre la qualité pour agir de la veuve, celle-ci ayant justifié, par la production du testament de son défunt mari, être la légataire universelle du sculpteur et la seule titulaire des droits patrimoniaux et moraux sur la sculpture en cause.

En revanche, les juges d’appel vont la débouter de ses demandes au titre de la contrefaçon admettant, en l’espèce, le bénéfice de l’exception de parodie. L’article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle dresse la liste des exceptions au droit d’auteur :

« Lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire (…) 4°La parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre ». 

En l’espèce, les juges vont considérer que la reproduction de la sculpture dans le cadre d’un photomontage présentant le buste en partie immergé destiné à illustrer les propos journalistiques sur le thème « la France coule » est une parodie.

La Marianne constitue une représentation de la République Française, et la reproduction litigieuse consiste en une métaphore de la République – sous la forme du buste – en train de sombrer.

Le photomontage, qui n’a représenté qu’une partie du buste (la tête) ne crée aucune confusion avec l’œuvre prétendument contrefaite, et constitue une illustration humoristique, les juges considèrent également que la reproduction a été ponctuelle, limitée à un seul numéro aujourd’hui écoulé.

La jurisprudence avait déjà explicité que la parodie d’une œuvre consiste en une reproduction de celle-ci – qu’on identifie immédiatement – mais qui s’en différencie et avec laquelle il ne doit pas y avoir de confusion, reproduction effectuée dans une intention humoristique ou critique (mais la jurisprudence admet des hypothèses plus éloignées de l’intention de faire rire), licite dès lors qu’elle respecte les « lois du genre ».

En l’espèce, le fait que l’œuvre en cause soit le symbole de la République n’a pas été neutre pour légitimer sa reproduction et admettre l’exception de parodie, car l’œuvre étant bien reproduite et utilisée telle quelle et, les juges le soulignent, le texte de l’article particulièrement sérieux.

A rapprocher : article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle

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