Sanction du dépôt frauduleux de marque

Cass. com., 11 janvier 2017, n°15-15.750, Publié au Bulletin

La fraude aux droits de tiers lors du dépôt d’une marque justifie soit son transfert soit sa nullité.

Ce qu’il faut retenir : La fraude aux droits de tiers lors du dépôt d’une marque justifie soit son transfert soit sa nullité.

Pour approfondir : Le dépôt d’une marque ne doit pas porter atteinte aux droits antérieurs de tiers, la règle est connue et chacun sait qu’il convient de procéder à des recherches préalables d’antériorité pour s’assurer que le signe est disponible. Néanmoins, tout signe non déposé n’est pas pour autant disponible : un tiers peut faire valoir une fraude à ses droits.

La fraude est en effet envisagée à l’article L.712-6 du code de la propriété intellectuelle qui prévoit : « Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice ». Cet article permet ainsi à la victime de la fraude de récupérer la propriété de la marque déposée frauduleusement. Outre cet article, la victime d’une fraude peut également faire valoir l’adage « fraus omnia corrompit » et solliciter la nullité de la marque frauduleusement déposée, dans ce cas celle-ci n’est pas transférée mais retombe dans le domaine public.

Les faits ayant conduit à l’arrêt commenté (Cass.com., 11 janvier 2017, n°15-15.750, Publié au Bulletin) illustrent un cas original de fraude. Dans cette affaire, les auteurs d’une chanson mettant en scène un personnage dénommé « Bébé Lilly » avaient signé un contrat de cession et d’édition pour un disque comprenant le titre « Allo Papy Bébé Lilly ».

Or, la maison de disque avait par la suite déposé la marque « Bébé Lilly » dépôt qui va être contesté à double titre :

  • après avoir rappelé « qu’un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu’il est effectué dans l’intention de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité », la Cour va censurer les juges qui n’avaient pas reconnu l’existence d’une fraude alors qu’en procédant au dépôt de la marque la société X. avait cherché à s’approprier la dénomination privant ainsi M. Y de la possibilité de développer des œuvres le mettant en scène ;
  • ensuite, au visa de l’article L.711-3 du code de la propriété intellectuelle (qui au point c) prohibe les signes « c) « De nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service »), la Cour va reprocher aux juges d’avoir rejeté la demande de nullité de la marque litigieuse formée sur ce fondement alors qu’une marque peut être déceptive lorsqu’elle est susceptible de tromper le consommateur sur la relation entre le signe qu’elle utilise et une œuvre relevant de la protection par le droit d’auteur ou un droit dérivé.

 

A rapprocher : articles L.711-3 et L.712-6 du code de la propriété intellectuelle

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