Dépôt frauduleux de marque : illustration

CA Paris, 7 octobre 2016, RG n°16/02229

La fraude lors du dépôt d’une marque peut être rattrapée soit par l’exercice d’une action en revendication soit par l’exercice d’une action en nullité, c’est sur ce dernier fondement que s’était placée la société assignée en contrefaçon pour tenir en échec l’action dirigée contre elle.

Ce qu’il faut retenir : La fraude lors du dépôt d’une marque peut être rattrapée soit par l’exercice d’une action en revendication soit par l’exercice d’une action en nullité, c’est sur ce dernier fondement que s’était placée la société assignée en contrefaçon pour tenir en échec l’action dirigée contre elle.

Pour approfondir : Dans cette affaire une société de prêt-à-porter était assignée en contrefaçon par le titulaire d’une marque en raison de l’usage du signe par la première pour la vente d’un modèle. Or, ce signe était utilisé dès avant le dépôt de marque prétendument contrefaite. C’est pour cette raison que la société va contester la validité de la marque en soulevant sa nullité pour fraude. L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris permet de revenir sur les conditions à établir dans ce cas de figure.

Faisant référence à la jurisprudence communautaire (CJUE, 12 mars 2009, aff. C-529/07CJUE, 3 juin 2010, aff. C- 569/08) les juges mentionnent que le demandeur à la nullité d’une marque qui entend se fonder sur la mauvaise foi au moment du dépôt doit établir les circonstances qui permettent d’établir celle-ci. Elle est appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement et notamment le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé, l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe ainsi que le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé ; l’intention d’entraver la commercialisation d’un produit peut caractériser la mauvaise foi lorsqu’il s’avère ultérieurement que le déposant a fait enregistrer une marque sans avoir l’intention d’en faire usage.

En l’espèce, les juges vont se fonder sur une série d’éléments pour caractériser la mauvaise foi, à savoir :

  • le fait que le titulaire de la marque se contente de déclarer connaitre le monde du textile et d’avoir créé un tee-shirt dans l’atelier familial et d’avoir réservé un nom de domaine pour l’exploitation d’un site web, afin d’établir sa « potentialité réelle à exploiter la marque »,
  • l’ensemble des pièces produites pour établir la commercialisation depuis plusieurs années sous la dénomination litigieuse de modèles de vêtements,
  • l’absence d’éléments relatifs à l’absence d’usage de la marque ou de préparatifs en vue de celle-ci.

Les juges vont également relever le comportement du titulaire de la marque pendant la procédure pour renforcer leur appréciation de sa mauvaise foi.

Aussi, la conjonction de l’ensemble de ces éléments, permet aux juges d’en déduire que le dépôt de la marque n’a pas été effectué aux fins de distinguer les produits et services en identifiant leur origine et qu’il l’a détourné de sa fonction au détriment de la société X.

Pour ces raisons, les juges prononcent la nullité de la marque ce qui, par voie de conséquence emporte le rejet de l’action en contrefaçon initiée à son encontre.

Illustration du principe selon la fraude corrompt tout, cet arrêt est l’occasion de rappeler que, même lorsqu’il ne porte pas atteinte a priori, à un droit antérieur, le dépôt de la marque effectué avec une intention de nuire n’échappera pas à la sanction.

A rapprocher : article L712-6 du Code de la propriété intellectuelle

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