Élargissement du champ d’application des dispositions relatives au déséquilibre significatif

Photo de profil - SYED Suraya | Avocat | Lettre des réseaux

SYED Suraya

Avocat

Cass. com., 15 janvier 2020, n°18-10.512, Publié au Bulletin

Le juge du fond qui considère que la notion de « partenaire commercial » visée par l’ancien article L.442-6, I, 2° du Code de commerce implique « une volonté commune et réciproque d’effectuer de concert des actes ensemble dans des activités de production, de distribution ou de service » viole la loi en lui ajoutant des conditions qu’elle ne prévoit pas.

Dans l’arrêt commenté, la société C., société de fourniture de site internet, a conclu avec des clients professionnels un contrat dit d’abonnement de sites Internet et un contrat de licence d’exploitation, lequel était ensuite cédé à des loueurs financiers, les sociétés P. et L., ces dernières devenant alors créancières des sommes dues par le client.

Suite à la dénonciation par plusieurs clients des pratiques commerciales de la société C., cette dernière a été assignée le 18 novembre 2011 par le ministre de l’économie pour violation de l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce aux fins d’obtenir la cessation desdites pratiques, l’annulation des clauses contractuelles de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment des clients et le paiement d’une amende civile.

La cour d’appel de Paris avait considéré dans son arrêt du 27 septembre 2017 :

  • D’une part, que les textes relatifs aux pratiques restrictives de concurrence ne s’appliquaient pas aux sociétés de location financière car « l’article L.511-4 du Code monétaire et financier prévoit seulement que les articles L.420-1 à L.420-4 du Code de commerce sur les pratiques anticoncurrentielles s’appliquent aux établissements de crédit et aux sociétés de financement pour leurs opérations de banque et leurs opérations connexes définies à l’article L.311-2 du même code », de sorte que les activités exercées par la société L. dans le cadre des opérations de location financière ne relèvent pas du Code de commerce mais des dispositions spécifiques du Code monétaire et financier ;
  • D’autre part, que l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ne s’appliquait pas aux relations entre les sociétés C., P. et L. et leurs clients, qui, selon la cour, n’étaient pas des relations de partenariat car les conventions de création et d’exploitation d’un site Internet dans lesquelles étaient stipulées les clauses contestées « n’impliquaient pas une volonté commune et réciproque d’effectuer de concert des actes ensemble dans des activités de production, de distribution ou de service ».

Par l’arrêt commenté, la Cour de cassation a confirmé la position de la cour d’appel de Paris en ce qu’elle a refusé l’application des dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence aux sociétés de location financière.

En revanche, s’agissant des contrats conclus avec les clients professionnels, la Haute cour a censuré la position de la cour d’appel pour avoir violé l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce en lui ajoutant des conditions que le texte ne prévoit pas.

Bien que la Cour de cassation se soit prononcée au regard de l’ancien article L.442-6, I, 2° du Code de commerce, la solution qu’elle retient va sans doute dans le sens du nouvel article L.442-1 du Code de commerce, qui ne vise plus un « partenaire commercial », mais « l’autre partie ».

Si la notion de « partenaire commercial » pouvait jusqu’alors donner lieu à une interprétation de la part des juges du fond ayant pour effet de restreindre l’application de l’article L.442-6, I, 2° ancien, la nouvelle notion d’« autre partie », bien plus large (il serait difficile de faire plus large), devrait quant à elle assurément empêcher les juges de restreindre l’application du nouveau texte, ce qui aurait de facto pour conséquence d’élargir de manière significative le champ d’application de ce dernier.

A rapprocher : F.-L. SIMON, Le nouvel article L.442-1 du Code de commerce relatif aux pratiques restrictives de concurrence engageant la responsabilité de leurs auteurs, LDC Mars-Avril 2019

Sommaire

Autres articles

some
La résiliation en trois clics c’est désormais possible !
La résiliation en trois clics c’est désormais possible ! Ce qu’il faut retenir : Afin de respecter les exigences de la réglementation relative à la résiliation en trois clics et ainsi, éviter toute sanction à ce titre, vous devez notamment :…
some
Le cumul des sanctions administratives validé par le Conseil constitutionnel
Cons. const., décision n°2021-984 QPC, 25 mars 2022 Le Conseil constitutionnel déclare conformes à la Constitution les dispositions de l’article L. 470-2 VII du Code de commerce relatif au cumul de sanctions administratives relevant de pratiques anticoncurrentielles. Partant, une même…
some
Clause de non-concurrence et justification du savoir-faire du franchiseur
CA Paris, Pôle 5, Chambre 4, 30 mars 2022, n°20/08551 La Cour d’appel de Paris est venue préciser la jurisprudence antérieure relative à l’application d’une clause de non-concurrence au sein d’un contrat de franchise. Elle a considéré que la clause…
some
Validité de l’acte de cautionnement comportant des termes non prévus par la loi
Cass. com., 21 avril 2022, n°20-23.300 Le fait que la mention manuscrite apposée sur l’acte de cautionnement comporte des termes non prescrits par l’article L.341-2 du Code de la consommation dans son ancienne rédaction n’affecte aucunement de manière automatique la…
some
Le règlement d’exemption, quel impact pour les réseaux ?
Retrouvez François-Luc Simon dans le podcast "Le Talk Franchise" lors de Franchise Expo Paris.
some
Rupture brutale et reprise d’activité par un tiers : de nouvelles précisions
La partie qui s’estime victime d’une rupture brutale des relations commerciales établies ne peut se prévaloir de la relation qu’elle avait nouée antérieurement à un plan de cession, sauf à démontrer l’intention du tiers cessionnaire de poursuivre les...