Repos dominical dans les commerces de détail

GUILLÉ Jérôme

Avocat

Conseil d’Etat, 6 avril 2016, n° 396320

Par cette décision, le Conseil d’Etat considère la question de la conformité à la Constitution de la compétence du seul préfet, à Paris, pour prendre les décisions de dérogation au repos dominical comme sérieuse, et la renvoie au Conseil constitutionnel.

Ce qu’il faut retenir : Par cette décision, le Conseil d’Etat considère la question de la conformité à la Constitution de la compétence du seul préfet, à Paris, pour prendre les décisions de dérogation au repos dominical comme sérieuse, et la renvoie au Conseil constitutionnel.

Pour approfondir : L’article L. 3132-26 du code du travail, issu de la loi du 6 août 2015 dite « loi Macron », formalise les conditions dans lesquelles les autorités municipales peuvent prendre des décisions dérogatoires au repos dominical, dans la limite de douze dimanches par an (neuf en 2015 au terme du III de l’article 257 de la loi du 6 août 2015).

Cet article prévoit notamment que :

  • de telles décisions sont prises par le maire après avis du conseil municipal,
  • lorsque le nombre de dimanches supprimés excède cinq par an, la décision du maire est prise après avis conforme de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre.

L’article est clos par cette formule laconique : « A Paris, la décision mentionnée aux trois premiers alinéas est prise par le préfet de Paris. »

S’émouvant de cette particularité parisienne conduisant à la déposséder des prérogatives ci-dessus au profit du préfet de Paris, la ville de Paris a formé, devant le tribunal administratif de Paris le 19 octobre 2015, un recours en annulation pour excès de pouvoir des arrêtés rendus par le préfet de Paris 2 octobre 2015 et fixant pour l’année 2015 des dérogations collectives au repos dominical dans plusieurs branches professionnelles.

Au soutien de sa demande, la ville de Paris entendait soulever une question prioritaire de constitutionnalité aux fins que le Conseil Constitutionnel statue sur la conformité de l’article litigieux aux principes, notamment, d’égalité entre collectivités territoriales, de libre administration des collectivités territoriales, et de subsidiarité (ces deux derniers principes étant garantis par l’article 72 de la Constitution).

Une telle question prioritaire de constitutionnalité doit être soumise à un double filtre avant d’être transmise au Conseil Constitutionnel : le premier est opéré par la juridiction saisie du fonds qui décide, ou non, de transmettre au Conseil d’Etat ; le second est exercé par le Conseil d’Etat.

A chacune de ces étapes, les juges doivent déterminer si les conditions de transmission à l’échelon suivant sont remplies. Ces conditions sont rappelées dans la décision commentée ici et tiennent compte notamment du caractère sérieux de la question posée.

Par ordonnance du 18 janvier 2016, le tribunal administratif a décidé de transmettre au Conseil d’Etat, prioritairement à toute décision sur la demande de la ville de Paris, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L. 3132-26 du code du travail et du III de l’article 257 de la loi du 6 août 2015.

A son tour le 6 avril 2016, le Conseil d’État a accepté de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

Le Conseil Constitutionnel et son nouveau Président, Monsieur Laurent Fabius, seront donc amenés à se prononcer très prochainement sur cette disposition, déjà longuement débattue, de la loi Macron.

Une décision de non-conformité conduirait à l’annulation des décisions dérogatoires au repos dominical prises pour la ville de Paris.

L’enjeu de cette décision, dans un climat de tension sociale et à un moins d’un an d’élections nationales, est donc majeur, tant d’un point de vue économique et juridique que symbolique.

A rapprocher : Article L. 3132-26 du code du travail

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