Nature juridique de la pénalité de retard de l’article L.441-6 du Code de commerce

Cass. com., 10 novembre 2015, pourvoi n°14-15.968

La pénalité de retard prévue par l’article L.441-6 du Code de commerce en matière de délais de paiement constitue un intérêt moratoire permettant la capitalisation des intérêts – anatocisme – prévu par l’article 1154 du Code civil.

Ce qu’il faut retenir : La pénalité de retard prévue par l’article L.441-6 du Code de commerce en matière de délais de paiement constitue un intérêt moratoire permettant la capitalisation des intérêts – anatocisme – prévu par l’article 1154 du Code civil.

Pour approfondir : Dans cette affaire, un acheteur ne s’étant pas acquitté de ses factures de marchandises envers le vendeur dans les délais requis reproche aux juges du fond d’avoir assujetti les pénalités de retard prévues par l’article L.441-6 du Code de commerce (d’un taux de 10,65% et 10,38% par an), à la capitalisation des intérêts prévue par l’article 1154 du Code civil, dite anatocisme. En d’autres termes, l’anatocisme signifie que les intérêts produisent eux-mêmes des intérêts.

L’acheteur estime que la pénalité de retard prévue par l’article L.411-6 du Code de commerce n’ayant pas la nature d’intérêts moratoires, l’article 1154 du Code civil ne lui est pas applicable ; il considère donc que les juges du fond ont violé l’article 1154 du Code civil en décidant de faire droit à la demande du vendeur tendant à appliquer la règle de l’anatocisme à la majoration de 10% issue de l’application de l’article L.441-6 du Code de commerce.

La capitalisation des intérêts est prévue par l’article 1154 du Code civil dans les termes suivants : « les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière ».

En vertu de ce texte, la capitalisation des intérêts s’applique aux intérêts légaux, dits aussi moratoires, de même qu’aux intérêts conventionnels.

Dès lors, la question qui se pose en l’espèce est celle de déterminer quelle est la nature de la pénalité prévue par l’article L.441-6 du Code de commerce.

L’article L.441-6 du Code de commerce dispose que « les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date ». Le texte ajoute que « sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d’intérêt légal, [le taux d’intérêt des pénalités de retard] est égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage ».

Tout d’abord, l’intérêt prévu par ce texte ne constitue pas un intérêt conventionnel ; le défaut de caractère conventionnel de cette pénalité a d’ores et déjà été reconnu par la Cour de cassation qui a jugé que les pénalités dues par l’application de l’article L.441-6 du Code de commerce ne constituent pas une clause pénale (Cass. com., 2 novembre 2011, pourvoi n°10-14.677, D. 2011. 2788, obs. E. Chevrier; RTD com. 2012. 182, obs. B. Bouloc). La Cour de cassation devait donc statuer sur le point de savoir si la pénalité constitue ou non un intérêt moratoire permettant ainsi l’application de l’article 1154 du Code civil, étant précisé que l’intérêt moratoire peut être défini comme le mode forfaitaire de réparation du dommage résultant du retard dans l’exécution d’une obligation (F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, Droit civil. Les obligations, 10e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2009, n° 190). Le débiteur le contestait. Toutefois, confirmant la solution de la Cour d’appel, la Cour de cassation qui rejette sur ce point le pourvoi du débiteur, affirme dans un attendu de principe limpide, que « la pénalité de retard prévue par l’article L.441-6 du Code de commerce constitue un intérêt moratoire » ; la Cour d’appel pouvait donc légitimement assortir la pénalité de la capitalisation prévue par l’article 1154 du Code civil conformément à la demande du créancier impayé.

A rapprocher : Cass. com., 2 novembre 2011, pourvoi n°10-14.677

Sommaire

Autres articles

some
La résiliation en trois clics c’est désormais possible !
La résiliation en trois clics c’est désormais possible ! Ce qu’il faut retenir : Afin de respecter les exigences de la réglementation relative à la résiliation en trois clics et ainsi, éviter toute sanction à ce titre, vous devez notamment :…
some
Le cumul des sanctions administratives validé par le Conseil constitutionnel
Cons. const., décision n°2021-984 QPC, 25 mars 2022 Le Conseil constitutionnel déclare conformes à la Constitution les dispositions de l’article L. 470-2 VII du Code de commerce relatif au cumul de sanctions administratives relevant de pratiques anticoncurrentielles. Partant, une même…
some
Clause de non-concurrence et justification du savoir-faire du franchiseur
CA Paris, Pôle 5, Chambre 4, 30 mars 2022, n°20/08551 La Cour d’appel de Paris est venue préciser la jurisprudence antérieure relative à l’application d’une clause de non-concurrence au sein d’un contrat de franchise. Elle a considéré que la clause…
some
Validité de l’acte de cautionnement comportant des termes non prévus par la loi
Cass. com., 21 avril 2022, n°20-23.300 Le fait que la mention manuscrite apposée sur l’acte de cautionnement comporte des termes non prescrits par l’article L.341-2 du Code de la consommation dans son ancienne rédaction n’affecte aucunement de manière automatique la…
some
Le règlement d’exemption, quel impact pour les réseaux ?
Retrouvez François-Luc Simon dans le podcast "Le Talk Franchise" lors de Franchise Expo Paris.
some
Rupture brutale et reprise d’activité par un tiers : de nouvelles précisions
La partie qui s’estime victime d’une rupture brutale des relations commerciales établies ne peut se prévaloir de la relation qu’elle avait nouée antérieurement à un plan de cession, sauf à démontrer l’intention du tiers cessionnaire de poursuivre les...