Rappel utile sur l’étendue de la protection des marques renommées – Cass. com., 9 juillet 2013, pourvoi n°12-21.628

Les dispositions de l’article L.713-5 du CPI sont applicables que les produits concernés soient similaires ou non ; le titulaire d’une marque renommée peut donc opter pour une action fondée sur l’article L.713-5 du CPI, même en présence d’une contrefaçon.

Les marques dites « renommées » sont celles bénéficiant d’une aura toute particulière, c’est-à-dire reconnues d’une part significative du public. Pour cette raison, il a paru légitime de leur conférer une protection plus large que celle traditionnellement conférée par le droit des marques qui, de manière classique, sanctionne au titre de la contrefaçon la reprise d’un signe identique ou similaire pour des produits identiques ou similaires à ceux couverts par la marque contrefaite.

Cette exigence traditionnelle en droit des marques relative à l’identité ou la similarité des produits désignés par les marques en présence, connue sous le nom de principe de spécialité, conduit à exclure toute contrefaçon lorsque les produits concernés sont différents.

Le code de la propriété intellectuelle comporte une disposition excluant donc ce principe de spécialité pour les marques renommées, à condition bien sûr que ce caractère soit établi. L’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle dispose en effet : « La reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ».

Le texte prévoit donc expressément une protection étendue aux produits « non similaires », c’est tout le sens de la protection élargie des marques renommées qui ne peuvent être reprises, même pour désigner des produits différents. Mais qu’en est-il en présence de produits similaires, c’est-à-dire en présence d’une contrefaçon stricto sensu?

Dans un premier temps, la jurisprudence a appliqué strictement les dispositions précitées refusant l’application du texte lorsque les produits étaient similaires, ce qui revenait à conférer une protection moindre en cas d’atteinte plus manifeste. Le titulaire de ladite marque, qui bénéficie selon les dispositions de l’article L.713-5 du CPI d’une protection en cas d’usage de celle-ci « de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière », retombait alors dans le droit commun de la contrefaçon lui imposant de rapporter la preuve d’un risque de confusion. En d’autres termes, l’atteinte était plus flagrante, mais la protection moindre.

La jurisprudence communautaire (dans une décision citée par la Cour de cassation dans l’arrêt commenté) a effectué un rappel à l’ordre en soulignant que la protection spécifique des marques renommées, en cas d’usage par un tiers d’un signe postérieur identique ou similaire, avait vocation à s’appliquer aussi bien pour des produits ou services non similaires que pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux couverts par la renommée.

En l’espèce, la Haute Cour casse l’arrêt qui a méconnu cette règle en rejetant la demande fondée sur l’article L.713-5 du CPI aux motifs que les produits en cause étaient similaires. Voilà donc les choses nettement posées par la Cour de cassation : les dispositions de l’article L.713-5 du CPI sont applicables que les produits concernés soient similaires ou non.

Le titulaire d’une marque renommée pourra donc opter pour une action fondée sur l’article L.713-5 du CPI, même en présence d’une contrefaçon, laquelle obéit à des conditions propres et nécessite en particulier de rapporter la preuve de l’existence d’un risque de contrefaçon.

En effet, une telle exigence peut conduire à un certain aléa, alors que, dans le cadre de l’action spéciale de l’article L.713-5 du CPI, qui exige alternativement une faute (« une exploitation injustifiée ») ou un préjudice (« de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque »), la preuve de l’existence d’un « lien » suffit, ce qui constitue une exigence probatoire moins forte et, surtout, moins aléatoire tant le « risque de confusion » implique une subjectivité.

Selon la Cour de cassation, les marques renommées – celles connues d’une large fraction du public – doivent donc bénéficier d’une protection pleine et entière, ce qui rassurera leurs titulaires. 


Sommaire

Autres articles

some
Publication d’un avis de la Commission Supérieure du Numérique et des Postes portant recommandations dans le domaine de la sécurité numérique
La CSNP a publié [...] un avis portant recommandations dans le domaine de la sécurité numérique, et plaidant notamment pour la création d’un parquet national consacré à la cybercriminalité et pour la création d’un dispositif dédié au paiement des rançons
some
Le Conseil d’Etat se prononce sur la conservation des données de connexion à des fins de sauvegarde de la sécurité nationale
Dans une décision en date du 21 avril 2021, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la conformité du droit français au droit européen en matière de conservation des données de connexion par les fournisseurs de services de communications électroniques.
some
La cour d’appel de Paris apporte des précisions sur le régime applicable en matière de violation de licence de logiciel
La cour d’appel de Paris a, dans un arrêt du 19 mars 2021, considéré que la violation d’un contrat de licence de logiciel ne relevait pas de la responsabilité délictuelle mais de la responsabilité contractuelle.
some
Le révolutionnaire avis client
À l’heure où le marketing traditionnel est remis en cause, l’importance de l’avis client est grandissante. 88 % des internautes consultent les avis clients avant un achat en ligne et 73 % avant un achat en boutique .
some
La Commission européenne apporte des éclaircissements concernant les transferts de données personnelles vers le Royaume Uni
La Commission européenne a annoncé avoir engagé des démarches pour autoriser de façon générale les transferts de données à caractère personnel vers le Royaume Uni en publiant le 19 février 2021 deux projets de décisions dites « d’adéquation ».
some
Dépôt d’une marque de mauvaise foi et intention d’usage
La CJUE précise que le dépôt d’une marque sans intention de l’utiliser peut être considéré comme ayant été effectué de mauvaise foi, que si la preuve en est rapportée ; aucune présomption ne découle du fait que le demandeur au…