Panorama de jurisprudence (Droit de la Franchise)

Panorama de Jurisprudence : Franchise (2009)

L'identification du contrat de franchise

1.         La franchise s’est développée aux côtés des autres systèmes de distribution. Son essor récent et la volonté du législateur de conserver la souplesse de cette formule commerciale peuvent expliquer l’absence d’encadrement légal spécifique du contrat de franchise qui, de ce fait, n’est pas défini par nos lois, au contraire de bon nombre de contrats. Ainsi, aucune définition du contrat de franchise n’a été donnée par la loi Doubin ou son décret d’application (Ces textes sont désormais codifiés aux articles L.330-3 et R.330-1 et s. du code de commerce). Une définition précise se dégage en jurisprudence, essentiellement inspirée de l’article 2.5 des lignes directrices sur les restrictions verticales (Lignes directrices sur les restrictions verticales, JOCE Communication de la Commission n° C. 291 du 13 oct. 2000, pp.1-44) complétant le règlement n°2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999 (Règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999 concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées) et à l’article 1er du Code de déontologie européen de la franchise. Il appartient donc au juge, conformément au droit commun (Par application de l’article 12, alinéa 2 du CPC, en effet, le juge doit « donner ou restituer leur exacte qualification aux (…) actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ». Le juge doit procéder à cette rectification, en donnant à l’acte une qualification lorsque les parties ne l’ont pas fait, ou en restituant la qualification qui convient, lorsque les parties ont attribué à l’acte une qualification erronée (H. Solus et R. Perrot, Droit judiciaire privé, t. III, n°102). La règle donne lieu à un contrôle constant de la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 15 mai 2007, Juris-Data n°2007-038905 : rendu au visa de l’article 12, alinéa 2 du CPC (vente mobilière)). Par dérogation à ce qui précède, l’article 12, alinéa 3 du CPC prévoit que le juge « ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat »), de rechercher si le contrat conclu entre les parties correspond effectivement à un contrat de franchise.

Ce faisant, le juge est appelé à distinguer le contrat de franchise des contrats voisins issus du droit commercial (I) et du contrat de travail (II).

I. Distinction du contrat de franchise et des contrats voisins

2.         Il convient de distinguer le contrat de franchise de contrats voisins intéressant le droit commercial (Le contrat de franchise se distingue des autres contrats notamment des contrats cadres de distribution par la réunion de trois obligations essentielles : l’utilisation d’un nom ou d’une enseigne communs et une présentation uniforme des locaux et/ou moyens, la communication par le franchiseur au franchisé d’un savoir-faire, la fourniture continue par le franchiseur au franchisé d’une assistance commerciale ou technique pendant la durée de l’accord (v. not., en ce sens, CA Poitiers, 13 sept. 2005, Juris-Data n°2005-287162)) tels que, notamment, le contrat de distribution sélective, la licence de marque, le contrat de prêt d’enseigne, le contrat d’affiliation, le contrat de mandat d’intérêt commun, etc. Nous avions relevé lors des précédentes éditions de ce numéro spécial (François-Luc Simon, Les Petites Affiches, 15 nov. 2007, Droit de la franchise, §§. 2 et suivants ; Les Petites Affiches, 9 nov. 2006, Le contrat de franchise : un an d’actualité, §§. 5 et suivants) les décisions distinguant le contrat de franchise d’autres catégories de contrat : le contrat de concession (CA Poitiers, 13 sept. 2005, Juris-Data n°2005-287162), le contrat de commission-affiliation (Cass. com., 18 déc. 2007, pourvoi n°06-15.970, inédit), le contrat de licence de marque et de savoir-faire (CA Nîmes, 17 avril 2008, Juris-Data n°2008-363533), le contrat d’agent commercial (CA Paris, 21 juin 2006, Juris-Data n°2006-304912 ; CA Nîmes, 14 février 2006, Juris-Data n°2006-301670), le contrat de vente (CA Colmar, 31 janvier 2006, Juris-Data n°2006-304798), le contrat de mandat (CA Lyon, 26 oct. 2006, Juris-Data n°2006-320959), et le contrat de partenariat commercial (CA Paris, 19 juillet 2006, Juris-Data n°2006-311531).

La présente étude complète les précédentes, en invitant à distinguer le contrat de franchise des contrats d’affiliation et de concession (A). Il nous faut dire également quelques mots sur la notion particulière de société créée de fait (B).

A. Contrat de franchise et contrats usuels de droit commercial

3.         L’actualité juridique nous conduit à rappeler la distinction à opérer entre, d’une part, le contrat de franchise et, d’autre part, les contrats d’affiliation (1) et de concession (2).

1) Contrat de franchise et contrat d’affiliation

Six décisions commentées : Cass. com., 9 juin 2009 (Juris-Data n°2009-048751, pourvoi n°08-14.301) ; CA Paris, 9 avril 2009 (RG n°08/07996) ; Cass. com., 2 décembre 2008 (Juris-Data n°2008-046125) ; CA Paris, 24 septembre 2008 (Juris-Data n°2008-374079) ; CA Douai, 11 septembre 2008 (Juris-Data n°2008-377142) ; CA Montpellier, 10 juin 2008 (Juris-Data n°2008-002221)

4.         Le contrat d’affiliation est la convention par laquelle se trouve recherchée une discipline commerciale des « affiliés », permettant d’obtenir des conditions plus avantageuses auprès de fournisseurs Ce type de contrat peut inclure des dispositions relatives à une marque, une enseigne, ou encore une présentation commune des produits. Dans un tel cas, la ressemblance avec la franchise est forte : les affiliés, comme les franchisés, disposent de symboles communs (enseigne et marque) et bénéficient d’une assistance leur permettant de mettre en œuvre une stratégie commerciale commune.

5.         Il ressort cependant de la jurisprudence que la méthode commerciale communiquée dans le cadre d’un contrat d’affiliation ne revêt pas toujours les caractères du savoir-faire transmis en application du contrat de franchise, soit un savoir-faire « identifié, secret, et substantiel », « constitué par un ensemble de techniques originales expérimentées par le franchiseur et que le franchisé n’aurait pu acquérir qu’après de longs efforts de recherches »(CA Toulouse, 25 mai 2004, Juris-Data n°2004-247226 ; CA Pau, 14 nov. 1991, Juris-Data n°1991-050268).

6.         C’est en effet souvent le seul critère qui permet de distinguer ces deux contrats.

Ainsi, saisie d’une demande tendant à faire requalifier un contrat d’affiliation en contrat de franchise, fondée sur l’engagement du groupement à fournir aux affiliés des informations générales sur la conception et l’aménagement du magasin et une assistance technique quant à leur gestion, la Cour d’appel de Paris a débouté les demandeurs par un arrêt remarqué (CA Paris, 31 mars 1993, Juris-Data n°1993-021781, RJDA 7/13, n°613), au motif que si la dénomination de contrat d’affiliation donnée par les parties à la convention litigieuse ne paraît pas recouvrir exactement les obligations contractées de part et d’autres, ladite convention ne saurait être analysée en un contrat de franchise précisément en l’absence de toute référence dans les engagements souscrits à l’existence, la transmission, et l’acquisition d’un savoir-faire spécifique, confidentiel et original, élément essentiel de toute convention de ce type. Ainsi, l’intérêt pour l’affilié de démontrer que les parties avaient entendu conclure un contrat de franchise et non un simple contrat d’affiliation est de mettre à la charge de son cocontractant une obligation de transmission d’un savoir-faire identifié, confidentiel et substantiel.

Par un arrêt du 24 septembre 2008, relatif à la situation inverse, dans laquelle un franchisé souhaitait obtenir la requalification de son contrat de franchise en contrat d’affiliation, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 24 septembre 2008, Juris-Data n°2008-374079 ; RG n°06/04334) a souligné – à juste titre selon nous – qu’il n’y a pas lieu d’examiner si le contrat doit être requalifié en contrat d’affiliation et d’enseigne dès lors qu’il reprend les éléments essentiels du contrat de franchise, en particulier le savoir-faire. En l’espèce, le franchisé ne pouvait alléguer une absence de transmission du savoir-faire pour avoir participé à plusieurs reprises à des stages de formation et à des réunions de franchisés, puis bénéficié de conseils personnalisés et de l’assistance du franchiseur pour conduire des campagnes de publicité.

7.         On signalera enfin, pour mémoire, certaines des décisions intéressantes – quoique classiques – rendues en matière d’affiliation.

Ainsi, un arrêt rendu le 10 juin 2008 par la Cour d’appel de Montpellier (CA Montpellier, 10 juin 2008, Juris-data n°2008-002221) rappelle les conditions nécessaires à la mise en œuvre de l’action en soutien abusif. Un arrêt rendu le 11 septembre 2008 par la Cour d’appel de Douai (CA Douai, 11 septembre 2008, Juris-Data n°2008-377142) apporte des précisions utiles en matière de débauchage et d’imitation de documents publicitaires diffusés par la tête de réseau. On citera également, l’arrêt rendu le 2 décembre 2008 par la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 2 décembre 2008, Juris-Data n°2008-046125, pourvois n°07-17.539 et 07-19.201), approuvant une cour d’appel d’avoir adopté, en matière d’affiliation, une solution voisine de celles  que l’on rencontre en matière de franchise lorsque le cocontractant de la tête de réseau met prématurément fin à son contrat et procède à la vente de son fonds de commerce au profit d’un tiers concurrent connaissant – ou ne pouvant ignorer – la clause de non-réaffiliation figurant au contrat (En l’espèce, estimant qu’une société affiliée avait manqué à ses obligations contractuelles, d’une part, en rompant avant le terme convenu deux contrats d’affiliation et d’approvisionnement et, d’autre part, en violant le pacte de préférence stipulé en sa faveur dans son contrat d’affiliation, la société cocontractante avait engagé une procédure d’arbitrage. Le tribunal arbitral avait prononcé la résolution des deux contrats aux torts exclusifs de l’affiliée, avait dit que cette dernière avait violé le pacte de préférence et, en conséquence, l’avait condamnée à payer à son cocontractant des dommages-intérêts. Estimant que l’acquéreur du fonds de la société affiliée et celui des parts de cette même société s’étaient rendus complices des manquements de la société affiliée à ses obligations contractuelles, la cour d’appel les a condamnés à payer à la société cocontractante à ce titre certaines sommes au titre de la violation du contrat d’approvisionnement, et de celle du pacte de préférence et de la clause de non-réaffiliation, stipulés dans le contrat d’affiliation. Après avoir relevé que l’achat par ces acquéreurs des parts et du fonds de commerce de la société affiliée avait pris effet exactement le lendemain de la prise d’effet de la rupture par cette dernière des contrats d’affiliation et d’approvisionnement la liant à la société demanderesse, l’arrêt en déduit que la juxtaposition de ces deux opérations n’est pas l’effet du hasard mais a été soigneusement étudiée et préparée. Ayant ainsi fait ressortir que les acquéreurs connaissaient les obligations contractuelles auxquelles l’affilié était tenue envers la société demanderesse, la cour d’appel a légalement justifié sa décision au regard de l’article 1382 du code civil).

Enfin, un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 9 avril 2009 (CA Paris, 9 avril 2009, RG n°08/07996) en matière de commission-affiliation nécessite une attention particulière. En l’espèce, un contrat de franchise avait été conclu initialement, auquel s’était ensuite substitué un « contrat d’affilié ». Ce contrat permettait à l’affilié d’utiliser la marque à titre d’enseigne et de disposer d’un stock de marchandises en consignation défini et financé par le commettant. Ce dernier résilie le contrat et le commissionnaire demande à ce qu’il soit requalifié en contrat d’agent commercial dans la mesure où, dans les faits, il se trouvait contractuellement tenu d’agir non seulement pour le compte mais aussi au nom du commettant. La cour d’appel accueille la demande du commissionnaire, considérant que « la plupart des éléments susceptibles de composer le fonds de commerce appartenaient au commettant ou était étroitement contrôlés par celui-ci, spécialement l’enseigne et le stock » et que la mention contractuelle selon laquelle l’affilié est propriétaire du fonds de commerce est de pure forme « destinée seulement à faire échec à l’application du statut d’ordre public d’agent commercial ».

2) Contrat de franchise et contrat de concession

Onze décisions commentées : CA Paris, 30 avril 2009 (RG n°06/19191, inédit) ; CA Paris, 13 mars 2009 (Juris-Data n°2009-377860) ; CA Aix-en-Provence, 26 février 2009 (Juris-Data n°2009-003319) ; Cass. com., 10 février 2009 (pourvoi n°07-21.095) ; CA Paris, 21 janvier 2009 (Juris-Data n°2009-003012) ; Cass. com., 16 décembre 2008 (pourvoi n°07-21.903) ; Cass. soc., 12 novembre 2008 (pourvoi n°07-43.256) ; CA Paris, 23 octobre 2008 (RG n°06/09559) ; CA Dijon, 16 octobre 2008 (Juris-Data n°2008-371952) ; Cass. soc., 11 juin 2008 (Juris-Data n°2008-044385) ; CA Nîmes, 5 juin 2008 (Juris-Data n°2008-005056)

8.          Classiquement, le contrat de concession se définit comme « la convention par laquelle un commerçant, appelé concessionnaire, met son entreprise de distribution au service d’un commerçant ou industriel, appelé concédant, pour assurer exclusivement, sur un territoire déterminé, pendant une période limitée et sous la surveillance de ce dernier, la distribution des produits dont le monopole de revente lui est concédé » (Cl. Champaud, La concession commerciale, RTD com., 1963, 451, n°24). Plus récemment, les lignes directrices sur les restrictions verticales issues du droit communautaire (Lignes directrices sur les restrictions verticales, JOCE Communication de la Commission n° C. 291 du 13 oct. 2000, pp. 1–44) le définissent comme l’accord de distribution exclusive par lequel « le fournisseur accepte de ne vendre sa production qu’à un seul distributeur en vue de la revente sur un territoire déterminé ».

Ainsi, le contrat de franchise et le contrat de concession présentent des similitudes, ce qui n’a rien d’étonnant puisqu’ils appartiennent tous deux à la catégorie des contrats de distribution : le franchisé et le concessionnaire sont des commerçants indépendants (Néanmoins, dans certaines hypothèses, le franchisé est un artisan indépendant, et non un commerçant indépendant (Cass. com., 25 oct. 1994, pourvoi n°93-11.415, inédit)) devant bénéficier de la transmission de signes distinctifs. Le parallèle est accru lorsque le contrat de franchise comporte une clause d’exclusivité territoriale, ce qui est fréquent.

Parmi les éléments notables différenciant le contrat de franchise et le contrat de concession (V. F.-L. Simon, Le contrat de franchise : un an d’actualité, Les Petites Affiches, numéro spécial, Av. propos, G. Canivet, 9 nov. 2006, n°6 et s. pp. 9-10), il convient de relever que le franchiseur transmet toujours son savoir-faire et fournit nécessairement une assistance, alors que le concédant n’y est pas obligé ; cette distinction est notoire (CA Paris, 29 nov. 2007, Juris-Data n°2007-353808 ; CA Poitiers, 13 sept. 2005, Juris-Data n°2005-287162, commenté in F.-L. Simon, Le contrat de franchise : un an d’actualité, Les Petites Affiches, numéro spécial, Av. propos, G. Canivet, 9 nov. 2006, n°6, p. 9 ; Cass. com., 4 juin 2002, pourvoi n°99-19.464, D. 2003, p. 2432, note D. Ferrier ; CA Versailles, 7 mars 2002, RG n°2000-4401). Une décision récente (CA Dijon, 16 octobre 2008, Juris-Data n°2008-371952), semblant parfois hésiter entre les deux notions (En effet, cette décision fait successivement référence au concédant ou franchiseur pour désigner la même entité, semblant ainsi faire un amalgame entre les notions – pourtant bien distinctes – de franchise et de concession), qualifie de contrat de concession la convention ne mettant à la charge de la tête de réseau aucune obligation d’assistance.

9.         De manière plus générale, on signalera enfin, pour mémoire, certaines des décisions intéressantes – quoique parfaitement classiques – rendues en matière de concession.

Ainsi, l’arrêt rendu le 16 décembre 2008 par la chambre commerciale de la Cour de cassation adopte une solution classique relativement à la question de l’abus du droit de résilier le contrat de concession (Cass. com., 16 décembre 2008, pourvoi n°07-21.903). Un arrêt rendu le 30 avril 2009 par la Cour d’appel de Paris sanctionne le concédant, sur le fondement de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce, pour avoir mis brutalement fin à des relations commerciales (CA Paris, 30 avril 2009, RG n°06/19191). Un arrêt rendu le 23 octobre 2008 par la Cour d’appel de Paris rappelle opportunément que la clause sanctionnant par la perte d’exclusivité le manquement du concédant à son obligation de régler un montant annuel minimum de redevances ne saurait exonérer ce dernier de son obligation de paiement (CA Paris, 23 octobre 2008, RG n°06/09559). Un arrêt rendu le 5 juin 2008 par la Cour d’appel de Nîmes (CA Nîmes, 5 juin 2008, Juris-Data n°2008-005056) condamne un concédant ayant commis un soutien abusif, à payer une partie de l’insuffisance d’actif du concessionnaire et rejette la demande de compensation entre sa dette de dommages intérêts due à l’ensemble des créanciers représentés par le mandataire judiciaire et la créance qu’il détient sur le débiteur, déclarée au passif de la procédure collective (Cette solution est classique (v. par ex., Cass. com., 28 mars 1995)). Deux arrêts rendus les 11 juin et 12 novembre 2008 (Cass. soc., 12 novembre 2008, pourvoi n°07-43.256 ; Cass. soc., 11 juin 2008, Juris-Data n°2008-044385) par la chambre sociale de la Cour de cassation concernent l’application des dispositions de l’article L.1224-1 du code du travail.

Enfin, plusieurs décisions récentes portent sur les modalités d’extinction du contrat de concession, qu’il s’agisse de la question du non-renouvellement du contrat à durée déterminée(CA Paris, 13 mars 2009, Juris-Data n°2009-377860), des conditions de la réorganisation d’un réseau de distribution (automobile) en vue de sa mise en conformité avec le règlement CE n° 1400/2002 du 31 juillet 2002 (CA Paris, 21 janvier 2009, Juris-Data n°2009-003012), ou de l’application du délai abrégé de préavis prévu par l’article 5 § 3 de l’ancien règlement CE n° 1475/95 (Cass. com., 10 février 2009, pourvoi n°07-21.095).

Une décision rendue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 26 février 2009, Juris-Data n°2009-003319) concerne la théorie du mandat apparent. En l’espèce un client, n’ayant pas été livré des marchandises qu’il avait commandées auprès du concessionnaire, cherchait à engager la responsabilité de la société concédante sur le fondement du mandat apparent dans la mesure où celle-ci apparaissait sur les bons et courriers qui lui avaient été adressés. Ainsi, le client soutenait qu’il avait légitimement cru que la société concédante était son cocontractant. La Cour d’appel rappelle à juste titre que si un franchisé peut être considéré « comme mandataire apparent du franchiseur du fait de son absence d’autonomie », la mention de la marque du concédant sur le bon de commande ne suffit pas en l’espèce à établir l’existence d’un mandat apparent.

B. Contrat de franchise et société créée de fait

Une décision commentée : Cass. civ. 1ère, 3 décembre 2008 (pourvoi n°07-13.043)

10.     La question du droit de l’époux ayant participé à l’activité commerciale de son conjoint à percevoir un paiement a toujours alimenté la jurisprudence. L’arrêt rendu le 3 décembre 2008 par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 3 décembre 2008, pourvoi n°07-13.043) en offre une nouvelle illustration.

En l’espèce, non sans une certaine force d’imagination, l’ancienne épouse d’un franchisé avait assigné ce dernier aux fins d’obtenir, à titre principal, la liquidation de la société créée de fait dont elle soutenait l’existence, tout en réclamant, à titre subsidiaire, le paiement d’une somme d’argent sur le fondement de l’enrichissement sans cause (art. 1371 du code civil).

Pour mieux comprendre cette décision, rappelons que la preuve de l’existence d’une société « créée de fait » suppose la réunion de trois conditions, à savoir : l’existence d’un affectio societatis, la mise en commun des apports par les associés, ainsi que le partage à la fois des bénéfices et des pertes.

La Cour de cassation approuve opportunément la cour d’appel d’avoir rejeté la demande de l’ancienne épouse du franchisé ; la motivation  retenue est aussi claire que justifiée : « Mais attendu que la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à la recherche inopérante invoquée par le moyen, a souverainement estimé que (…) Mme Z… (…) ne démontrait pas l’existence d’une volonté commune des époux de s’associer sur un pied d’égalité en partageant les bénéfices et les pertes dès lors que le compte commercial de l’entreprise n’avait fonctionné que sous la signature de M. X…, seul inscrit au registre du commerce et signataire du contrat de franchise, que les tâches accomplies par Mme Z… ne se rapportaient pas à la responsabilité de la gestion du fonds, que les époux s’étaient mariés pendant leur activité sous le régime de la séparation de biens et que M. X… avait acquis sans le concours de son épouse plusieurs biens immobiliers ».

Au vu des éléments de l’espèce, souverainement caractérisés par les juges du fond, l’affectio societatis faisait défaut et la société « créée de fait » n’existait donc pas.

II. Distinction du contrat de franchise et du contrat de travail

11.     La jurisprudence admet parfois la requalification du contrat de franchise en contrat de travail (A). Cette hypothèse doit être distinguée de celle qui, en dehors de toute requalification du contrat de franchise, permet l’application des dispositions du Code du travail uniquement au dirigeant de la société franchisée (B).

A. La requalification du contrat de franchise en contrat de travail

Quatre décisions commentées : CA Dijon, 23 avril 2009 (Juris-Data n°2009-376577) ; CA Agen, 27 février 2009 (Juris-Data n°2009-378158) ; Cass. soc., 16 décembre 2008 (pourvoi n°06-46.105) ; CA Paris, 6 novembre 2008 (Juris-Data n°2008-372730)

12.     Les ressources inépuisables du code du travail ont permis l’apparition, il y a quelques années, d’une jurisprudence consacrant la requalification du contrat de franchise en contrat de travail lorsque l’existence d’un « lien de subordination » est établie entre le franchiseur et son franchisé. On rappellera la règle de principe (1) et son application concrète à la franchise (2).

1) Le principe

13.     Le juge ne doit pas se limiter aux termes que les parties ont employés dans leur contrat. En effet, l’existence d’une relation pouvant constituer un contrat de travail ne dépend ni de la volonté que les parties ont exprimée, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles l’activité des travailleurs est exercée ; cette solution bien connue (V. pour un rappel de principe, CA Toulouse, 13 octobre 2006, Juris-Data n°2006-327205 ; v. aussi, CA Grenoble, 1er septembre 2003, Juris-Data n°2003-241377) suscite une fascination constante (V. pour une étude récente, E. Peskine, Entre subordination et indépendance : en quête d’une troisième voie, Revue de droit du travail 2008, n°6, p.371).

La Cour de cassation veille aux requalifications trop hâtives et s’assure que le juge du fond a stigmatisé, dans l’exercice du pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui sont soumis (V. pour la reconnaissance expresse (et parfaitement justifiée) de ce pouvoir souverain d’appréciation : Cass. Soc., 13 mai 2008, pourvoi n°07-40.466 ; Cass. com., 16 janvier 2008, pourvoi n°07-40.055, Juris-Data n°2008-042459), les éléments caractéristiques du lien de subordination (Cass. soc., 22 mars 2007, Juris-Data n°2007-038157). Ce dernier est « caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné » (Cass. soc., 23 novembre 2005, pourvoi n°04-40.749 ; Cass. soc., 12 juillet 2005, pourvoi n°03-45.394), étant précisé que « l’intégration dans un service organisé constitue un indice du lien de subordination lorsque les conditions de travail sont unilatéralement déterminées par le cocontractant »(Cass. soc., 20 septembre 2006, Juris-Data n°2006-035081 ; Cass. soc., 23 novembre 2005, pourvoi n°04-40.749).

Cette solution a été réaffirmée par arrêt rendu le 3 juillet 2008 par la Cour de cassation (Cass., civ. 1ère, 3 juillet 2008, pourvoi n07-15.551).

14.     Conformément à l’article 9 du code de procédure civile, la charge de la preuve de l’existence d’un « lien de subordination » pèse sur celui qui l’invoque (Cass. soc., 6 juin 2007, pourvoi n°06-42.951, Juris-Data n°2007-039434 ; v. aussi, CA Montpellier, 26 novembre 2003, Juris-Data n°2003-230351 ; CA Bordeaux, 18 septembre 2000, Juris-Data n°2000-124897). Aussi, le franchisé doit-il combattre la présomption de l’article L.120-3, alinéa 1er du code du travail, selon lequel « les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés (…) ainsi que les dirigeants des personnes morales immatriculées [audit registre] (…) sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ouvrage par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à cette immatriculation ».  Pour ce faire, le franchisé sollicite l’application de l’alinéa 2 du même article, selon lequel : « (…) l’existence d’un contrat de travail peut être établie lorsque les personnes citées au premier alinéa fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ouvrage dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci ».

15.     Ces règles ont conduit plusieurs décisions récentes à requalifier certains contrats commerciaux en contrat de travail. Il en a été ainsi notamment d’un contrat d’agent commercial(Cass. soc., 27 septembre 2006, pourvois n°04-48.589 et n°04-48.590), d’un contrat de gérance mandat signé entre un mandant franchisé et le gérant d’une société tierce chargée de gérer et d’assurer la direction d’un fonds de commerce(Cass. soc., 13 mai 2008, pourvoi n°07-40.466 ; Cass. soc., 7 mai 2008, pourvoi n°07-41.896, inédit ; Cass. soc., 27 mars 2008, pourvoi n°07-12.102, Juris-Data n°2008-043419 ; v. aussi, CA Montpellier, 29 novembre 2006, Juris-Data n°2008-328647 ; v. en sens contraire, Cass. soc., 6 juin 2007, pourvoi n°06-42.951, Juris-Data n°2007-039434), et de contrats de mandat (Cass. com., 16 janvier 2008, pourvoi n°07-40.055, Juris-Data n°2008-042459 : en l’espèce, une société avait conclu un contrat de « mandat » aux termes duquel elle prenait en charge la gestion d’un hôtel exploité en franchise par le mandant ; ses cogérants, soutenant qu’ils se trouvaient personnellement placés dans un état de subordination à l’égard du mandant dans l’exécution de leur travail, décidèrent en conséquence d’agir devant le juge prud’homal afin d’obtenir le paiement de salaires et de dommages-intérêts à leur profit. La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a déduit des faits de l’espèce que les mandataires se trouvaient placés dans un état de subordination à l’égard du mandant et qu’ils étaient ainsi liés à celui-ci par un contrat de travail, sans qu’il soit nécessaire d’établir que la société constituée par les demandeurs avait un caractère fictif ; v. aussi, CA Montpellier, 24 octobre 2007, RG n°07/00139, inédit : retenant que « la charge de la preuve de la co-existence d’un contrat de travail et d’un mandat social revient en principe à celui qui s’en prévaut c’est-à-dire au mandataire » et que « toutefois, lorsque le contrat de travail était antérieur à la nomination comme mandataire social, il incombe à la partie qui soutient qu’il a été mis fin au contrat de travail par la nomination du salarié à des fonctions de mandataire social d’en rapporter la preuve »).

Qu’en est-il de l’application de ces règles à la question de la requalification du contrat de franchise en contrat de travail ?

2) L’application du principe à la franchise

16.     Les juges du fond procèdent à une analyse au cas par cas tendant à déceler – par la réunion d’indices précis, graves et concordants – l’existence du lien de subordination entre le franchiseur et le franchisé (CA Paris, 6 novembre 2008, Juris-Data n°2008-372730).

(i)     Rejet de la requalification

17.     Les demandes de requalification d’un contrat de franchise en contrat de travail sont le plus souvent rejetées (V. not., Cass. Soc., 22 mars 2007, Juris-Data n°2007-038157 : pour condamner un franchiseur à payer des salaires et indemnités à l’un de ses franchisés et à le garantir au titre des condamnations prononcées au profit des salariés employés par ce dernier, une cour d’appel avait retenu que les circonstances ayant entouré l’entrée du franchisé dans le fonds de commerce et la conclusion d’un contrat de franchise révélaient l’existence d’un tel lien de subordination. La Cour de cassation a néanmoins cassé cette décision, au motif « qu’en statuant ainsi alors qu’il ne résulte de ses constatations, ni que M. X… était soumis, dans l’exécution de son travail, à l’autorité d’un employeur ayant le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements, ni que ses conditions de travail étaient unilatéralement déterminées par le franchiseur, dans le cadre d’un service organisé, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». ; v. aussi, CA Douai 27 mars 1992, Juris-Data n°1992-042865 ; CA Bordeaux, 17 avril 1991, Juris-Data n°1991-043846).

La circonstance que le contrat de franchise permette au franchiseur d’assumer de nombreuses tâches afférentes à l’exploitation du fonds est en soi insuffisante. La solution est logique car les indications du franchiseur participent le plus souvent du savoir-faire ou de l’assistance que le contrat lui impose de transmettre aux franchisés, et procèdent donc de l’exécution normale du contrat de franchise.

Ainsi le franchisé conserve-t-il de toute évidence l’autonomie requise – et ne peut donc invoquer l’existence d’un contrat de travail à son profit – lorsqu’il :

–      est dans l’impossibilité d’aménager les locaux à sa guise, le franchiseur exigeant une présentation uniforme des locaux (CA Dijon, 30 juin 2005, Juris-Data n°2005-283427) ;

–      se trouve lié par une obligation de réassort automatique (CA Dijon, 30 juin 2005, Juris-Data n°2005-283427) ;

–      dispose de moyens matériels (CA Paris, 30 novembre 2007, Juris-Data n°2007-351588 : soulignant que le fait que le franchisé ait disposé de moyens matériels ne suffit pas à lui seul à lui conférer la qualité de salarié) ;

–      demeure libre de choisir la quantité de marchandises figurant dans la gamme de produits du franchiseur, de pratiquer un prix autre que celui conseillé, de céder son fonds de commerce et d’embaucher du personnel (CA Dijon, 30 juin 2005, Juris-Data n°2005-283427) ;

–      assume en toute liberté le fonctionnement de l’établissement, qu’il exerce les prérogatives d’un chef d’entreprise à l’égard du personnel, qu’il n’est soumis à aucun horaire précis, n’a de compte à rendre à personne et aménage à sa guise ses périodes de congés (CA Rennes, 13 décembre 2005, Juris-Data n°2005-292457. Au contraire, la définition très précise des missions du demandeur (locataire-gérant du franchisé dans les espèces considérées), sa faible marge de manœuvre, notamment dans le cadre du paiement du personnel, ainsi qu’un contrôle très fréquent du cocontractant sur la gestion, constituent des indices de subordination juridique (CA Paris, 15 novembre 2007, RG n°07/02167, inédit, et 28 juin 2007 (deux arrêts), RG n°06/13483 et 06/13743, inédits)).

Encore faut-il, en outre, que soit rapportée la preuve de l’exercice d’un pouvoir disciplinaire autorisant l’employeur à infliger des sanctions au sens de l’article L.122-40 du Code du travail (CA Rennes, 13 décembre 2005, Juris-Data n°2005-292457).

Ces solutions prévalent aussi bien dans la franchise de distribution que dans la franchise de service (CA Paris, 30 novembre 2007, Juris-Data n°2007-351588 : il s’agissait en l’espèce d’une franchise ayant pour activité principale le conseil en fusions et acquisitions).

Dans la majeure partie des cas, il faut bien le dire, les obligations auxquelles les franchisés sont tenus tendent à imposer des règles communes à l’ensemble du réseau qui, destinées à obtenir d’eux la gestion rentable de leur magasin, n’entraînent à leur charge aucune sujétion de nature à les priver de l’indépendance qu’implique la qualité de commerçant (CA Bordeaux, 13 novembre 2007, Juris-Data n°2007-353158).

18.     Il convient également de souligner l’importance des stipulations contractuelles dans la qualification.

Le souci d’organiser rigoureusement la distribution des produits ou services n’entraînera pas la qualification de contrat de travail si cette volonté s’exprime dans le respect de l’indépendance du franchisé. Celle-ci doit ressortir des clauses énonçant les obligations qui s’imposent au franchisé dans le prolongement du savoir-faire qui lui est transmis. Ces obligations doivent en effet découler des contraintes inhérentes au transfert d’un savoir-faire, ce dont il doit normalement résulter que les obligations considérées créent, à la charge du franchisé (ou des gérants et associés de la société franchisée), une contrainte compatible avec sa qualité de commerçant indépendant. Pour qu’il en soit ainsi, les obligations imposées au franchisé ne doivent pas concerner l’organisation même de son travail, le pouvoir de direction caractéristique de la qualité d’employeur s’exerçant, avant tout, sur les modalités de déploiement d’une prestation de travail.

(ii)   Admission de la requalification

19.     Les hypothèses où les juridictions ont procédé à la requalification du contrat de franchise en contrat de travail correspondent à des cas extrêmes, dans lesquels plusieurs indices de subordination étaient réunis (CA Dijon, 23 avril 2009, Juris-Data n°2009-376577 ; CA Caen, 27 février 2009, Juris-Data n°2009-378158 ; V. CA Douai, 23 novembre 2006, Juris-Data n°2006-325137 (horaires et prix imposés par le prétendu franchiseur, qui établissait les contrats avec la clientèle et la développait seul) et Toulouse, 13 octobre 2006, Juris-Data n°2006-327205 (développement de la clientèle, fixation des horaires, fixation et perception des prix par le prétendu franchiseur, pouvoir de sanction sur le prétendu franchisé…) ; v. aussi, CA Paris, 19 novembre 1997, Juris-Data n°1997-024318) ; dans ces affaires, les franchisés étaient parvenus à démontrer, par l’accumulation de tels indices, que le choix de la forme du contrat de franchise avait pour but de se soustraire aux règles du droit social.

Par un arrêt du 6 novembre 2008, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 6 novembre 2008, Juris-Data n°2008-372730) a reconnu l’existence d’un contrat de travail au bénéfice d’un prétendu « franchisé » lié par un contrat de franchise à plusieurs sociétés pour assurer la distribution de colis par camion. En l’espèce, l’organisation mise en place lui imposait de respecter les consignes émanant des trois sociétés partenaires qui concouraient à l’organisation du travail, l’une de ces sociétés élaborant en particulier les tournées et une autre les itinéraires ainsi que le montant des frais de fonctionnement à déduire des sommes dues par les clients.

20.     Si, ainsi qu’on vient de le voir, le contrat de franchise peut être requalifié en contrat de travail, un arrêt rendu le 16 décembre 2008 par la chambre sociale de la Cour de cassation(Cass. soc., 16 décembre 2008, pourvoi n°06-46.105) apporte un éclairage particulier en raison de la liquidation judiciaire dont le franchisé avait fait l’objet. Sollicitant la requalification de contrats de franchise en contrat de travail, le liquidateur faisait grief aux juges du fond d’avoir écarté l’argument selon lequel « les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine (sont) exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur » et qu’en conséquence ledit liquidateur pouvait « exercer l’action en requalification du contrat de franchise en contrat de travail, une telle action concernant le patrimoine du débiteur ». La Cour de cassation approuve la cour d’appel au motif que « la demande en requalification d’un contrat de franchise en contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne de celui qui se prétend salarié et ne peut être exercé par les organes de la procédure collective ».

Autrement dit, le liquidateur d’une société franchisée ne peut pas exercer l’action en requalification du contrat de franchise en contrat de travail.

B. L’application des règles du code du travail en dehors de toute requalification

Dix-Neuf décisions commentées : Cass. soc., 25 mars 2009 (Juris-Data n°2009-047554, pourvoi n°07-41.242) ; CA Agen, 9 déc. 2008 (Juris-Data n°2008-006018) ; Cass. soc., 18 juin 2008 (pourvois n°06-46.478 à n°06-46.494 (dix-sept arrêts – jonction))

21.     En dehors même de toute requalification du contrat de franchise en contrat de travail, les dispositions du code de travail peuvent s’appliquer conformément à l’article L.7321-1 du même code. L’ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007, ratifiée par la loi n°2008-67 du 21 janvier 2008 et les décrets n°2008-243 (décret en conseil des ministres) et n°2008-224 (décret en Conseil d’Etat) du 7 mars 2008, ont en effet procédé à la recodification du code du travail, la partie législative du code du travail étant entrée en vigueur le 1er mai 2008.

Pour la clarté de l’exposé, on rappellera le texte du nouvel article L.7321-1 du code de travail dont les conditions d’application sont comparables à celles de l’ancien article L.781-1, 2° (1) ; surtout, on soulignera l’importance des décisions récentes rendues la matière qui, selon les cas, confirment des solutions connues ou en précisent la portée (2).

1) Conditions d’application du nouvel article L.7321-1 du code de travail

22.     Selon l’ancien article L.781-1, 2° du code du travail, les dispositions du code du travail visant les apprentis, ouvriers, employés, travailleurs étaient applicables « aux personnes dont la profession consiste essentiellement à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule entreprise industrielle et commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise ».

Lorsque les conditions requises par l’article L.781-1, 2° du code du travail étaient réunies (Cass. soc., 21 février 2007, Juris-Data n°2007-037640 ; Cass. soc., 8 février 2005, Juris-Data n°2005-026941 ; Cass. soc., 4 décembre 2001 (deux arrêts), Juris-Data n°2001-012006 et n°2001-012007 ; v. aussi, CA Nîmes, 13 décembre 2006, Juris-Data n°2006-324576 ; CPH Toulouse, 28 juin 2005, inédits (deux jugements), RG n°03/01366 et n°03/01367), ce texte trouvait à s’appliquer quelles que soient les énonciations du contrat et, surtout, « sans qu’il soit besoin d’établir un  lien de subordination ». La jurisprudence rendue en application de l’article L.781-1, 2° du code du travail a par ailleurs favorisé une application généralisée de ce texte(Encore faut-il que ce texte soit invoqué devant le juge du fond (Cass. soc., 18 octobre 2007, pourvoi n°06-45.344, inédit)) ; en particulier, l’argument selon lequel le franchisé avait exercé son activité au travers d’une société était inopérant(Cass. soc., 21 février 2007, Juris-Data n°2007-037640 ; CA Nîmes 13 décembre 2006, Juris-Data n°2006-324576).

Le franchisé ne pouvait toutefois revendiquer à son profit l’existence d’un contrat de travail : le franchisé, personne physique, peut en effet bénéficier des dispositions protectrices du droit social, néanmoins le contrat de franchise demeure ; il n’est procédé à aucune requalification. Alors que la chambre sociale de la Cour de cassation n’a eu de cesse de rappeler cette évidence (Cass. soc., 8 février 2005, Juris-Data n°2005-026941 ; CA Aix-en-Provence, 5 octobre 2005, inédit, RG n°05/210 ; v. aussi, CA Nîmes, 20 décembre 2002, Juris-Data n°2002-199407), certaines juridictions du fond ont néanmoins persisté à considérer que l’application de ce texte emporterait « requalification » du contrat de franchise en contrat de travail (CA Dijon, 30 juin 2005, Juris-Data n°2005-283427 ; CPH Toulouse, 28 juin 2005, inédits (deux jugements), RG n°03/01366 et n°03/01367 ; CA Montpellier, 15 décembre 2004, Juris-Data n°2004-265655 ; CA Toulouse, 9 décembre 2004, Juris-Data n°2004-269354 ; CA Nancy, 4 décembre 2002, Juris-Data n°2002-206150. – Plus prudemment, certaines décisions récentes ont retenu l’existence d’un lien de subordination, caractéristique d’un contrat de travail, tout en faisant application de l’article L.781-1 du Code du Travail (CA Toulouse, 13 octobre 2006, Juris-Data n°2006-327205 ; CA Aix-en-Provence, 21 juin 2006, Juris-Data n°2006-311567)).

23.     On le sait, l’ancien articleL.781-1 du code du travail a été remplacé par les articles L.7321-1 et L.7321-2 du même code, entrés en vigueur le 1er mai 2008.

L’article L.7321-1 du code du travail énonce désormais que les règles dudit code sont applicables aux gérants de succursales, sous réserves de certaines dispositions (Ces dispositions sont celles du titre II, du livre III, de la septième partie de la partie législative du code du travail).

Or, l’article L.7321-2 du code du travail définit parallèlement le gérant de succursale de la manière suivante : « Est gérant de succursale toute personne :

1º Chargée, par le chef d’entreprise ou avec son accord, de se mettre à la disposition des clients durant le séjour de ceux-ci dans les locaux ou dépendances de l’entreprise, en vue de recevoir d’eux des dépôts de vêtements ou d’autres objets ou de leur rendre des services de toute nature ;

2º Dont la profession consiste essentiellement :

a) Soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ;(On notera que depuis la dernière édition de ce numéro spécial, cet alinéa a été modifié à deux reprises, afin d’en limiter le champ d’application : tout d’abord par la LME (loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ) laquelle a précisé que le gérant doit avoir exercé dans le local fourni ou agréé par l’entreprise, et à ses conditions ou prix, puis plus récemment par la loi n°2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, disposant que pour que le gérant de succursale puisse se voir appliquer les règles du code du travail, l’entreprise doit lui imposer à la fois les conditions et les prix, alors que le texte introduit par la LME prévoyait que ces conditions étaient seulement alternatives) ;

b) Soit à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise».

Les dispositions précitées reprennent peu ou prou à elles deux le contenu de l’ancien article L.781-1 du code du travail. Aussi, les juridictions devraient-elles appliquer l’article L.7321-2, 2° dans les mêmes conditions (Trois conditions cumulatives doivent, selon ce texte, être vérifiées pour que le franchisé soit qualifié de gérant de succursale et bénéficie à ce titre des dispositions du code du travail. En premier lieu, la profession du franchisé doit consister essentiellement, « soit à vendre des marchandises de toute nature qui [lui] sont fournies exclusivement ou presque exclusivement » par le franchiseur, « soit à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, » pour le compte du franchiseur. En deuxième lieu, le local du franchisé doit être « fourni ou agréé » par le franchiseur. Or, il est fréquent que le franchiseur agrée le local choisit par le franchisé : cette démarche est souvent nécessaire à la conservation de l’image du réseau, dont le contrôle par le franchiseur est légitime. En troisième lieu, les conditions de travail et les prix doivent être imposés par le franchiseur) que l’ancien article L.781-1, al. 1, 2° (Déjà longtemps avant les inquiétudes provoquées par l’article L.7321-2 du code du travail, la doctrine s’était inquiétée de l’application de l’article L.781-1 aux contrats de distribution, 2°du code du travail. V. J.-M. Mousseron, La loi du 21 mars 1941, une loi en expansion ?, Cah. dr. entr. 1978, n°2 (force est pourtant de constater que cette application n’a pas « sonné le glas » desdits contrats, comme le craignaient les auteurs cités par J.-M. Mousseron). V. également, pour une critique de son application aux franchises de distribution Ph. Le Tourneau, op. cit., n°314  p.143).

2) Effets de l’application du nouvel article L.7321-1 du Code de travail

24.     Il n’est pas inutile de rappeler les conséquences de l’application de l’article L.7321-2 du code du travail (anciennement l’article L.781-1 du même code) : si elle n’emporte pas à proprement parler requalification du contrat de franchise en contrat de travail (a), l’application de ce texte est très lourde de conséquences en pratique (b).

(a) Absence de requalification

25.     Contrairement à ce que laissent penser certaines décisions rendues par les juridictions du fond (CA Toulouse, 26 octobre 2006, RG n°05/04686, inédit ; CA Dijon, 30 juin 2005, Juris-Data n°2005-283427 ; CPH. Toulouse, 28 juin 2005 (deux jugements), RG n°03/01366 et n°03/01367, inédits ; CA Montpellier, 15 décembre 2004, Juris-Data n°2005-265655 ; CA Toulouse, 9 décembre 2004, Juris-Data n°2004-269354 ; CA Nancy, 4 décembre 2002, Juris-Data n°2002-206150), les articles L. 7321-1 et L. 7321-2 du code du travail (anciennement l’article L.781-1), n’opèrent pas à proprement parler une « requalification » du contrat en contrat de travail. Ceci est notamment justifié par le fait qu’il n’est pas obligatoire, pour l’application de l’article L.7321-1 du code du travail, qu’un lien de subordination existe.

Ainsi, lorsque les conditions d’application du texte sont remplies, le franchisé reste lié par un contrat de franchise tout en bénéficiant – en raison de son état de dépendance économique (L. Leveneur, Application du droit du travail à un franchisé sans qu’il soit nécessaire d’établir un lien de subordination, note sous Cass. soc., 4 décembre 2001, JCP E, 2002, n°953 p. 1054 et H. Kenfack, Le prix de la dépendance : l’application des dispositions du code du travail à une relation commerciale, note sous Cass. soc., 4 décembre 2001, D. 2002, p. 1934 ; E. Peskine, Entre subordination et indépendance : en quête d’une troisième voie, Revue de droit du travail 2008, p. 37) – des dispositions protectrices du droit du travail.

26.     Les décisions requalifiant le contrat de franchise en contrat de travail sur le fondement de l’article L. 781-1 du code du travail (aujourd’hui remplacé par les articles L. 7321-1 et L. 7321-2 du même code) sont critiquables en ce qu’elles admettent qu’un contrat de travail puisse exister en dehors d’un lien de subordination. Cette considération est contraire à la notion même de contrat de travail et, au-delà, au mécanisme des qualifications juridiques. Certes, existe-t-il des « salariés par détermination de la loi » (les VRP, les journalistes, les mannequins, etc.), autrement dit des catégories professionnelles qui reçoivent, de source légale expresse, le titre de salarié, alors même qu’elles n’exercent pas leur activité en situation de subordination. Mais il s’agit de situations hautement dérogatoires, réservées au seul domaine de la loi, que la jurisprudence n’est pas habilitée à contrarier. Il n’existe pas de salariés « par détermination de la jurisprudence », et il convient donc de ne pas qualifier de « contrat de travail » une relation contractuelle dans laquelle fait défaut le pouvoir de subordination du créancier d’un travail à l’égard du débiteur (V. F.-L. Simon, Droit de la franchise, Les Petites Affiches, n°spécial, Av. propos, V. Lamanda, 15 novembre 2007, n°20, p. 12). A ce titre, il convient de rappeler que le législateur n’a pas profité de la réforme du 12 mars 2007 pour institué un nouveau salarié par détermination de la loi ; en effet, si les personnes répondant aux critères ci-dessus exposés sont aujourd’hui légalement qualifiés de « gérants de succursales », le Titre II du Livre III de la septième partie du code du travail, qui leur est consacré, ne contient aucune disposition relative à un quelconque contrat de travail, alors que le titre précédent, consacré au VRP, contient un chapitre III concernant le seul contrat de travail.

(b) Application des règles issues du code du travail

27.     Si la juridiction saisie constate que les conditions exigées sont remplies, le franchisé aura la qualité de gérant de succursale, en vertu de l’article L. 7321-2 du code du travail. En conséquence, par application de l’article L. 7321-1, les dispositions dudit code lui seront applicables, sous réserve de quelques dispositions spéciales.

Ainsi, le franchisé pourra notamment revendiquer à son profit :

–       des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (CA Toulouse, 26 octobre 2006 (onze arrêts), RG n°05/04688, 05/04690, 05/04696, 05/04698, 05/04685, 05/04686, 05/04687, 05/04692, 05/04689, 05/04684 et 05/04683, inédits) ;

–       une indemnité compensatrice de préavis (CA Nîmes, 9 mai 2007, Juris-Data n°2007-340953 ; CA Nîmes, 10 janvier 2007, Juris-Data n°2007-334649 ; CA Nîmes, 10 janvier 2007, Juris-Data n°2007-334649 : précisant que l’ancienneté à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement due au travailleur doit être celle remontant à la date du premier contrat de franchise ; v. aussi, Cass. soc., 14 décembre 2006, inédit, pourvoi n°05-40.844 ; CA Toulouse, 9 décembre 2004, Juris-Data n°2004-269354) ;

–       une indemnité de congés payés (Cass. soc., 14 décembre 2006 (trois arrêts), pourvois n°05-40.842, 05-40.843 et 05-40.844, inédits) ;

–       la garantie du salaire minimum prévu par la convention collective applicable (CA Toulouse, 26 octobre 2006 (onze arrêts), RG n°05/04688, 05/04690, 05/04696, 05/04698, 05/04685, 05/04686, 05/04687, 05/04692, 05/04694, 05/04689 et 05/04683, inédits : la rémunération du franchisé (soit en réalité son résultat net) est comparée avec le salaire minimum, et la différence lui est allouée le cas échéant ; les heures supplémentaires sont prises en compte) ;

–       le remboursement des frais de constitution d’une société à laquelle le franchisé aura été contraint de procéder (CA Nîmes, 9 mai 2007, Juris-Data n°2007-340953) ;

–       le remboursement du droit d’entrée réglé lors de la conclusion du contrat de franchise (Cass. soc., 14 décembre 2006, pourvoi n°05-40.844, inédit (cassant CA Toulouse, 9 décembre 2004, Juris-Data n°2004-269354) : « la créance relative au remboursement du droit d’entrée se rattachait à l’exécution du contrat de travail » ; CA Toulouse, 13 octobre 2006, Juris-Data n°2006-327205 : retenant, au contraire, que la créance résultant de ce préjudice n’est pas susceptible d’être garantie par l’Association pour la Gestion du régime de garantie des créances des Salariés (AGS) ; Cass. soc., 25 février 1998, pourvoi n°95-44.096, Bull. civ. V, n°106).

De même, la requalification du contrat de franchise en contrat de travail peut également entraîner, sous certaines conditions, la constitution du délit de travail dissimulé (V. not., pour une application récente, CA Douai, 23 novembre 2006, Juris-Data n°2006-325137), défini et exercé dans les conditions prévues par l’article L.324-10 du code du travail (Selon ce texte, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait, pour tout employeur, de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de l’une des formalités prévues aux articles L.143-3 (remise d’un bulletin de paie) et L.320 (déclaration d’embauche auprès des organismes de protection sociale) du même code), et réprimé aux articles L.362-3 (Selon ce texte, « toute infraction aux interdictions définies à l’article L.324-9 est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ») et suivants du même code.

28.     A l’occasion d’un arrêt rendu le 18 juin 2008 (Cass. soc., 18 juin 2008, pourvois n°06-46.478 à 06-46.494 (jonction), inédit), la Cour de cassation a confirmé la solution selon laquelle le franchisé peut notamment revendiquer à son profit une indemnité de congés payés.

En l’espèce, les juges du fond avaient fait droit à la demande fondée sur l’article L.781-1-2° du Code du travail, tout en rejetant la demande de congés payés y attachée (CA Toulouse 26 octobre 2006, inédit : « l’indemnité compensatrice de congés payés est un substitut du salaire qui, pour une période déterminée, ne peut se cumuler avec le salaire versé pendant cette période, sauf à pouvoir prétendre à des dommages-intérêts si le salarié établit que les congés payés n’ont pu être pris par la faute de son employeur ; (…) dans la mesure où le contrat de « franchise » permettait au « franchisé » d’organiser son remplacement, l’obligation contractuelle de livrer en toutes circonstances est insuffisante à démontrer un empêchement sur ce point susceptible d’être imputé à l’employeur »). La chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule les arrêts objets des pourvois en ces termes : « en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que l’employeur n’avait pas mis en place un système de congés payés conforme aux dispositions légales, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences des textes susvisés ».

29.     Par arrêt du 9 décembre 2008 (CA Agen, 9 décembre 2008, Juris-Data n°2008-006018), la Cour d’appel d’Agen retient que le franchisé (dont le contrat de franchise a donné lieu à l’application de l’article L.781-1-2° du code du travail) qui n’a pu bénéficier de congés payés par la faute du franchiseur (réputé employeur du fait de l’application du texte précité), et a été contraint de travailler en lieu et place de ces congés, a droit à une indemnité compensant le préjudice qui en est résulté, peu important que les salaires et les congés payés ne puissent être cumulés pour la même période ; l’arrêt précise qu’une telle créance indemnitaire, qui résulte de l’impossibilité pour le salarié d’exercer le droit à congé annuel pendant la période de congés payés, du fait de l’employeur, n’est pas soumise à la prescription quinquennale applicable au salaire.

30.     Les dispositions de l’article L. 7321-1 du code du travail ne s’appliquent pas exclusivement en matière de franchise. Elles ont par exemple été appliquées à un contrat de gérance libre d’un fonds de commerce par un arrêt du 19 février 2009(CA Paris, 19 février 2009, RG n°08/10255) ; dans cette espèce, les juges du fonds se sont attachés à vérifier que chacune des conditions d’application de ce texte était remplie, tout en rappelant que le lien de subordination n’était pas une condition d’application de ce texte. La décision est actuellement frappée d’appel.

31.     Par arrêt du 25 mars 2009 (Cass. Soc., 25 mars 2009, Juris-Data n°2009-047554 ; pourvoi n°07-41.242), la Cour de cassation avait à connaître d’une situation où un contrat   de   gérance  libre  avait  succédé à un contrat de franchise signé entre  les  mêmes parties. Au terme d’une procédure relativement  longue, le gérant avait obtenu l’application des articles précités.

Une première question subsistait néanmoins : l’ancienneté, qui détermine les indemnités de licenciement et de préavis, remontait-elle à la signature du contrat de franchise ou à celle du contrat de gérance libre ? Sur ce premier point, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir considéré que l’ancienneté remontait à la signature du contrat de franchise, dès lors que, précise la Haute juridiction, « tant le contrat de franchise que le contrat de gérance libre avaient pour même objet de vendre des produits (…) dans un magasin (…) exploité dans des conditions uniformes ».

Se posait en outre la question de l’applicabilité de la convention collective. La cour d’appel avait retenu que l’ex-franchisée ne pouvait revendiquer à son profit les dispositions d’une convention collective. Par l’arrêt commenté, la Cour de cassation considère qu’ « en statuant ainsi, alors que les travailleurs visés à l’article L. 781-1 du code du travail devenu les articles L. 7321-1 et L. 7321-3 bénéficient des dispositions de ce code et notamment de celles du titre V Livre II relatif aux conventions collectives et que par suite ils bénéficient de la convention collective à laquelle est soumis le chef d’entreprise qui les emploie, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

La formation du contrat de franchise

32.     L’enjeu qui préside à la formation du contrat de franchise n’est pas sans conséquence pour les parties. Le franchisé effectue des investissements importants et s’endette le plus souvent. Le franchiseur révèle à son cocontractant le secret de son savoir-faire auquel son activité commerciale et ses recherches ont donné naissance ; la conclusion d’un contrat de franchise déterminé peut même revêtir une dimension stratégique pour le franchiseur. Aussi, la période qui précède la conclusion de leur accord comprend en certaines circonstances une phase de négociation, qui peut donner lieu à la conclusion d’accords préalables comportant des obligations de nature et d’intensité variables ; le succès de ces négociations aboutit à la conclusion du contrat de franchise proprement dit, dont les conditions de validité nécessitent un examen approfondi.

La jurisprudence commentée dans le cadre de la présente étude fournit de nombreuses précisions tenant à la phase de l’entrée en pourparlers (I) et aux conditions requises pour la validité du contrat de franchise (II).

I.          L’entrée en pourparlers

Six décisions commentées : TGI Paris, Ordonnance de référé, 11 juin 2009 (RG n°09/52384) ; CA Paris, 29 avril 2009 (Juris-Data n° 2009-006977) Cass. civ 3ème, 25 mars 2009 (pourvoi n°08-11.326) ; Cass. civ 3ème, 25 mars 2009 (pourvoi n°08-12.237) ; Cass. com., 17mars 2009 (pourvoi n°08-12.380) ; Cass. civ. 3ème, 7 janvier 2009 (pourvoi n°07-20.783)

33.     L’entrée en pourparlers peut aboutir soit à un accord des parties (B), soit, au contraire, à la rupture des pourparlers par le franchiseur ou le candidat franchisé (A).

A.      La rupture des pourparlers

34.     Dans ce domaine, les décisions rendues en matière de franchise sont relativement rares (V. toutefois, CA Paris, 17 avril 2008, Juris-Data n°2008-365333 ; Cass. com., 26 mars 2008, pourvoi n°07-11.026, inédit ; CA Paris, 6 avril 2007, Juris-Data n°2007-338132 ; CA Nîmes, 10 octobre 2006, RG n°04/04182 ; CA Grenoble, 28 février 2002, Juris-Data n°2002-179643 ; CA Aix-en-Provence, 30 mars 2001, Juris-Data n°2001-145087 ; CA Paris, 1er juin 1995, Juris-Data n°1995-022850 ; CA Paris, 28 février 1995, Juris-Data n°1995-021263 ; CA Poitiers, 2 novembre 1994, Juris-Data n°1994-053428 ; Cass. com., 12 octobre 1993, pourvoi n°91-19.456, inédit ; CA Montpellier, 18 mars 1993, Juris-Data n°1993-034026), et ce alors même qu’en droit commun, la jurisprudence fournit de nombreuses illustrations de ruptures de pourparlers (V. par exemple l’abondante jurisprudence citée dans : Juris-Classeur, Civil Code, Art. 1146 à 1155, Fascicule 16-10 « Droit à réparation », 2002, points 27 et s.). La rupture des pourparlers peut intervenir en dehors de tout lien contractuel (1). Elle peut également intervenir dans le cadre « d’avant-contrats » dont l’objet est de régir la période pré-contractuelle (2) ; cette distinction s’impose d’autant plus que la nature de la responsabilité sera différente dans chacun de ces deux cas. On évoquera enfin les précautions pouvant être envisagées par le franchiseur (3).

1.       Rupture de pourparlers en dehors de tout lien contractuel

35.     En dehors de tout avant-contrat, le principe est celui de la liberté de rompre les négociations. Cependant, les parties pourraient voir leur responsabilité engagée dans l’hypothèse où elles les abuseraient de cette liberté: l’obligation de bonne foi dans l’exécution des conventions prévue par l’article 1134 du Code civil s’étend, selon la doctrine, aux pourparlers. Ainsi, dans certaines circonstances, le comportement de l’une des parties emporte pour elle une obligation de négocier. La Cour de cassation a consacré cette théorie dans un arrêt rendu par sa chambre commerciale le 20 mars 1972 (Cass. com., 20 mars 1972, Bull. civ. IV, n°93), et a plusieurs fois confirmé sa position depuis cette date (V. not., Cass. com., 8 novembre 2005, Juris-Data n°2005-030701), suivie par les juridictions du fond (V. not., CA Aix-en-Provence, 14 janvier 1997, Juris-Data n°1997-040104).

Le contrat projeté n’ayant, par définition, pas été conclu, et l’obligation de négocier de bonne foi n’ayant pas ici une origine contractuelle, la responsabilité de l’auteur de la rupture est de nature délictuelle ou quasi-délictuelle : elle est fondée sur les articles 1382 et 1383 du code civil(V. Cass. com., 26 mars 2002, pourvoi n°99-21.216 ; v. J.-P. Viennois, Contrats de distribution – Règles communes aux différents contrats de distribution, J.-Cl. Commercial, fasc. n°303, 2004, § 29 à 31).

La jurisprudence commentée par notre précédente étude(Cass. com., 26 mars 2008, pourvoi n°07-11.026, inédit) a établi que la rupture de pourparlers contractuels est constitutive d’une faute non seulement lorsqu’elle a lieu avec brutalité et sans raison valable, mais aussi lorsqu’elle s’accompagne d’un manquement quelconque à la bonne foi, ou à la loyauté contractuelle.

Le fondement de l’abus du droit de rompre étant la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle, aucun seuil minimum de gravité de la faute ne peut en effet être exigé : toute faute et toute négligence dans les circonstances entourant la rupture des pourparlers est de nature à entraîner la responsabilité de son auteur. En conséquence, la jurisprudence n’exige pas la démonstration d’une faute revêtant des caractères particuliers ; ainsi, si elle considère que la rupture abusive peut être caractérisée par l’intention de nuire(V. not., CA Paris, 6 avril 2001, Juris-Data n°2001-338132 ; CA Paris, 31 janvier 2001, Juris-Data n°2001-136755), selon une jurisprudence désormais classique(Cass. civ. 3e, 3 octobre 1972, Bull. civ. III, n°491), il ne s’agit pas d’une condition de l’engagement de la responsabilité délictuelle sur le fondement de la rupture abusive : la mauvaise foi suffit en effet à fonder cet abus(V. par exemple, CA Aix-en-Provence, 30 mars 2001, Juris-Data n°2001-145087 : « Attendu que (…) celui qui rompt de mauvaise foi les pourparlers, et viole ainsi le devoir général de bonne foi dans les relations précontractuelles qui lui impose de se comporter avec loyauté et honnêteté avec ses partenaires à la négociation, est susceptible de voir engager sa responsabilité pour faute sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, ou pour le dommage causé par sa négligence ou par son imprudence sur le fondement de l’article 1383 du Code de procédure civile »), ce qui est également le cas de la légèreté blâmable(V. not., Cass. com., 12 octobre 1993, pourvoi n°91-19.456).

En dépit de l’absence de seuil minimum de gravité de la faute constituant l’abus dans la rupture des négociations, le principe demeure celui de la liberté : la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée que si sa faute, fut-elle légère, est prouvée.

D’après les arrêts rendus en la matière, la légèreté blâmable semble être caractérisée par la rupture brutale de pourparlers prolongés(V., pour des cas où ces critères ont été réunis : CA Nîmes, 17 avril 2008, Juris-Data n°2008-363533 ; CA Paris, 7 février 2007, Juris-Data n°2007-333997 ; CA Bordeaux, 24 juin 1997, Juris-Data n°1997-042515 ; CA Paris, 4 avril 1997, Juris-Data n°1997-021076 ; v. pour un cas où la légèreté n’est pas constatée, faute de réunion de ces critères : CA Riom, 2 octobre 2002, Juris-Data n°2002-192849). La jurisprudence semble exiger, lorsque les pourparlers ont été longs, la démonstration de l’existence de motifs légitimes justifiant la rupture(V. not., Cass. civ. 2e, 13 janvier 2005, Juris-Data n°2005-026466 ; Cass. com., 29 janvier 2002, pourvoi n°98-15.952). La caractérisation de la mauvaise foi exige, outre ces critères, la démonstration de la volonté de l’auteur de la rupture de faire croire à son partenaire que la conclusion du contrat aura lieu(V. pour des cas où la mauvaise foi a été constatée : CA Versailles, 3 mars 2005, Juris-Data n°2005-277188 ; Cass. com., 26 novembre 2003, Juris-Data n°2003-021243 ; CA Lyon, 24 juillet 2002, Juris-Data n°2002-193214 ; CA Aix-en-Provence, 30 mars 2001, Juris-Data 2001-145087 ; Cass. com., 11 juillet 2000, Juris-Data n°2000-003185 ; CA Paris, 10 mars 2000, Juris-Data n°2000-133789 ; Cass. com., 5 mai 1987 ; v. pour des cas où elle ne l’a pas été : CA Paris, 6 avril 2007, Juris-Data n°2007-338132 ; Cass. com., 20 février 2007, pourvoi n°05-15.863, inédit ; CA Montpellier, 28 septembre 2004, Juris-Data n°2004-267953).

Toutefois, la rupture des pourparlers précontractuels, serait elle fautive, ne saurait obliger son auteur à indemniser l’autre partie de la perte de chance de tirer profit du contrat négocié. Cette solution est constante(V. par exemple Cass. com., 26 novembre 2003, pourvois n°00-100.243 et 00-10.949) et a d’ailleurs été récemment rappelée(Cass. civ. 3ème, 7 janvier 2009, pourvoi n° 07-20.783).

Dans tous les cas, la faute s’apprécie – et c’est bien normal – in concreto(CA Paris, 6 avril 2007, Juris-Data n°2007-338132 ; CA Nîmes, 17 avril 2008, Juris-Data n°2008-363333).

2.       Rupture de pourparlers en présence d’un avant-contrat

36.     Les parties peuvent choisir de conclure un avant-contrat, dont la pratique a créé de nombreuses formes. Ce dernier met à la charge des partenaires des obligations soit uniquement de négocier de bonne foi, soit de conclure ultérieurement le contrat de franchise. Le plus couramment l’avant-contrat conclu entre le franchiseur et le candidat franchisé est constitué par un accord de principe, une lettre d’intention, un contrat de réservation, ou encore un pacte de préférence.

Lorsque les parties ont conclu une convention de négociation, elles ont contracté l’obligation de négocier. Cette obligation, selon une partie de la doctrine, est une obligation de résultat, par opposition à celle d’aboutir au contrat projeté, qui n’est qu’une obligation de moyens. En conséquence, le fait pour une partie de mettre fin aux pourparlers, sans explication et sans s’être montrée sérieuse dans le cadre des négociations, est de nature à entraîner sa responsabilité contractuelle.

Dans un arrêt récent du 17 mars 2009(Cass. com., 17 mars 2009, pourvoi n°08-12.830), la Cour de cassation a jugé une affaire dans laquelle les parties avaient signé un protocole d’accord en vue de la conclusion d’un contrat de franchise, laquelle était soumise à l’accord préalable du comité du franchiseur. Avant que ledit comité ait donné son accord, le candidat franchisé a indiqué au franchiseur qu’il ne souhaitait plus conclure le contrat de franchise. La Cour de cassation considère que la responsabilité du franchisé n’est pas engagée pour avoir mis fin aux pourparlers, aux motifs d’une part qu’avant l’agrément du comité du franchiseur, le candidat franchisé restait libre de ne pas contracter, et d’autre part qu’en l’espèce, les négociations – qui n’avaient duré qu’un peu plus d’un mois – ne pouvaient pas être qualifiées de longues et continues.

Il existe d’autres types d’avant contrat, notamment les promesses de vente qui peuvent être synallagmatiques ou unilatérales.

Un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 25 mars 2009(Cass. civ 3ème, 25 mars 2009, pourvoi n°08-12.237) se prononce la question de savoir ce qu’il advient en cas de retrait par les vendeurs de leur promesse avant que les bénéficiaires ne lèvent l’option. En l’espèce ; les acheteurs assignent les promettant en exécution forcée de la vente. La Cour d’appel accueille leur demande au motif qu’il appartenait aux promettants de mettre préalablement en demeure le bénéficiaire de la promesse d’accepter ou de refuser celle-ci. Or, la Haute juridiction rappelle le principe selon lequel l’exécution forcée ne peut avoir lieu que si les bénéficiaires de la promesse ont levé l’option. A défaut, le promettant reste libre de la retirer. En l’espèce, la rétractation de la promesse unilatérale de vente est intervenue antérieurement à la levée d’option, justifiant ainsi la cassation de l’arrêt de la cour d’appel au visa des articles 1101 et 1134 du code civil.

Dans l’hypothèse d’une promesse synallagmatique de vente, l’article 1184 alinéa 2 du code civil réserve à la victime de l’inexécution contractuelle le choix soit d’opter en faveur d’une action en exécution forcée, soit de poursuivre la résolution du contrat. Toutefois, choisir l’une de ces voies implique de renoncer à l’autre et la question qui se pose est alors de savoir si ce choix est « irréversible » ou s’il est susceptible d’être modifié. La Cour de cassation s’est récemment prononcée sur cette question dans un arrêt rendu le 25 mars 2009 par la troisième chambre civile(Cass. civ 3ème, 25 mars 2009, pourvoi n°08-11.326), relatif à l’influence d’une action préalable en résolution du contrat sur une demande postérieure en exécution forcée de celui-ci. La Haute juridiction a précisé que l’option de la victime demeure tant qu’une décision passée en force de chose jugée n’a pas statué sur la demande initiale en résolution du contrat.

3.       Précautions pouvant être envisagées par le franchiseur

37.     Une distinction peut être faite selon que les pourparlers précèdent le contrat de franchise (a) ou qu’ils lui succèdent (b).

a.       Avant la conclusion du contrat de franchise

38.     Il est tout à fait envisageable pour le franchiseur qui verrait les pourparlers durer plus que de raison, de mettre le candidat franchisé en demeure de signer le contrat de franchise dans un délai raisonnable, et ce y compris en l’absence de toute disposition contractuelle en ce sens (CA Montpellier, 18 mars 1993, Juris-Data n°1993-034026). Néanmoins, en pratique, la solution n’est pas réellement satisfaisante, car ne constituant pas la meilleure entrée en matière. Il est en conséquence préférable de prévoir un ou plusieurs mécanisme(s) contractuel(s) permettant de prévenir une telle situation.

On rappellera ici les trois principaux mécanismes contractuels utilisés.

En premier lieu, le franchiseur peut faire signer au franchisé un contrat de réservation. Par ce contrat, le franchiseur s’engage à permettre au candidat franchisé (ou à toute personne morale, née ou à naître, constituée et contrôlée par ce dernier) d’ouvrir un point de vente sous son enseigne dans une zone géographique déterminée. Le franchiseur s’interdit de ce fait, pendant toute la durée du contrat de réservation, de proposer l’ouverture d’un tel point de vente à un autre candidat. Ce type de contrat est généralement signé à titre onéreux — c’est d’ailleurs là son avantage puisqu’il témoigne ainsi de l’intérêt que porte le candidat à la franchise —, le paiement effectué au titre de ce contrat s’imputant sur les sommes ultérieurement décaissées par le franchisé au titre de son droit d’entrée lorsque celui-ci décide finalement de signer le contrat de franchise (à défaut, le paiement effectué reste acquis au franchiseur, qui aura ainsi inutilement immobilisé sa zone d’exclusivité)(Si, en revanche, le contrat est assorti d’une condition suspensive, la non-réalisation de la condition pourra emporter restitution du droit d’entrée (Cass. com., 26 juin 2007, pourvoi n°06-13.211, Juris-Data n°2007-039825)).

En deuxième lieu, le franchiseur peut parfaitement indiquer au candidat franchisé, dès la signature du document d’information précontractuelle (DIP), qu’il dispose d’un délai déterminé pour signer le contrat de franchise, de sorte qu’à l’issue de ce délai, l’offre de contrat deviendra caduque.

En troisième lieu, le contrat de franchise peut parfaitement prévoir qu’à défaut pour le franchisé d’avoir effectivement ouvert et exploité son point de vente dans tel délai à compter de la signature dudit contrat de franchise, le franchiseur sera en droit de le résilier.

De nombreuses variantes peuvent être associées à ces différents mécanismes contractuels.

b.      Après le terme du contrat de franchise

39.     La jurisprudence récente fournit l’occasion de rappeler deux précautions d’usage, aussi évidentes que classiques, mais que certains praticiens semblent parfois oublier.

En effet, dans la lignée d’une décision bien connue rendue l’an passé(CA Lyon, 22 novembre 2007, Juris-Data n°2007-352364), une ordonnance du Tribunal de Grande Instance de Paris du 11 juin 2009 a confirmé que l’existence de pourparlers postérieurement à la survenance du terme d’un contrat de franchise à durée déterminée, ne peut justifier la poursuite par le franchisé de son activité sous l’enseigne du franchiseur(TGI Paris, Ordonnance de référé, 11 juin 2009, RG n°09/52384, inédit). Ainsi, ni les pourparlers en vue de la signature d’un nouveau contrat, ni l’absence pendant cette période de demande expresse, ou de mise en demeure de déposer l’enseigne ou de cesser d’utiliser les signes distinctifs, n’implique l’acceptation par le franchiseur de la continuation de l’activité sous son enseigne(TGI Paris, Ordonnance de référé, 11 juin 2009, RG n°09/52384, inédit : « Mais attendu que la tolérance de la société R., à la supposer établie, n’est pas de nature à démontrer son accord pour que la société M. continue son activité sous l’enseigne R. »). La solution est parfaitement logique(Sauf à ce que le contrat de franchise comporte une clause de tacite reconduction et que le franchiseur n’ait pas dénoncé le contrat. En l’espèce, le contrat prévoyait sa tacite reconduction mais le franchiseur avait expressément indiqué au franchisé que le contrat ne serait pas renouvelé à son terme) car la survenance du terme entraîne l’extinction automatique du contrat à durée déterminée, avec toutes les conséquences y attachées.

Par ailleurs, s’agissant de l’appréciation du caractère brutal de la rupture des relations commerciales unissant un franchiseur et son franchisé, les juges du fond refusent de prendre en compte le fait que les relations contractuelles se soient poursuivies après le terme de ce contrat entre les mêmes parties et avec le même objet(CA Dijon 15 novembre 2007, Juris-Data n°2007-355669 : en l’espèce, l’ex-franchisée avait maintenu le franchiseur dans la croyance légitime d’une pérennité des relations commerciales quel que soit leur cadre et avait continué à commander régulièrement des marchandises ; elle respectait par ailleurs l’exclusivité précédemment prévue par le contrat de franchise. Dans ce contexte, la cour d’appel retient qu’en limitant son préavis à deux mois, alors que le contrat de franchise avait prévu un délai de trois mois, l’ancienne franchisée a commis une faute ; v. en sens contraire, CA Paris 12 janvier 2005, Juris-Data n°2005-277027 : considérant qu’une fois le contrat de franchise à durée déterminée arrivé à son terme, le franchisé ne peut invoquer l’obligation de respecter un préavis en cas de rupture, prévue par l’article L. 442-6-I,5°du code de commerce).

B.      La preuve du contrat de franchise

40.     Le contrat de franchise présente un caractère consensuel (1), de sorte qu’il peut être prouvé par tous les moyens de preuve légalement admissibles (2).

1.       Le caractère consensuel du contrat de franchise

41.     Le contrat de franchise appartient à la catégorie des contrats consensuels (V. pour une illustration récente, CA Paris, 16 novembre 2006, Juris-Data n°2006-322715). Cette qualification implique qu’aucune formalité particulière n’est requise pour que le contrat de franchise soit valablement formé, pas même la présence d’un écrit. Ainsi, l’échange des consentements suffit à la conclusion du contrat.

La solution est couramment admise par les juridictions du fond, en témoigne une jurisprudence abondante(CA Paris, 16 novembre 2006, Juris-Data n°2006-322715 : alors que le projet de contrat de franchise avait été remis par le franchiseur mais n’avait jamais été retourné signé par le franchisé, la cour d’appel retient que l’existence du contrat de franchise résulte en l’espèce d’un faisceau d’indices précis, graves et concordants ; CA Paris, 11 décembre 1998, Juris-Data n°1998-024235 ; CA Paris, 3 novembre 1994, Juris-Data n°1994-025094 ; CA Nîmes, 23 octobre 1991, Juris-Data n°1991-030414 ; CA Paris, 15 septembre 1989, Juris-Data n°1989-024714 ; (voir contra un arrêt isolé ayant pu laisser planer un doute sur ce point : Cass. com., 7 janvier 2004, pourvoi n°02-12.366)) et récente(CA Paris, 29 avril 2009, Juris-Data n°2009-006977 : en l’espèce, les juges du fond retiennent en effet que si le projet de contrat de franchise n’a pas été signé par les parties, il n’en demeure pas moins que ces dernières sont contractuellement liées ; ainsi, les parties ont-elles entendu inscrire leurs rapports commerciaux de manière non équivoque dans le cadre d’une relation de franchise : le franchiseur a transmis un savoir-faire puisqu’il a mis une marque, une enseigne et une sélection de produits spécifiques et originaux de la franchise à la disposition du franchiseur, lequel bénéficiait en outre d’une exclusivité territoriale). Une telle solution doit être approuvée. L’article L. 110-3 du code de commerce pose certaines conditions au principe de la liberté probatoire qu’il énonce, puisqu’il précise qu’à l’égard des commerçants(Pour que le principe de la liberté probatoire s’applique, encore faut-il que l’on soit en présence de « commerçants ». Cette condition — fréquente en pratique — ne va pourtant pas de soi car, on le sait, la seule signature d’un contrat de franchise ne fait pas automatiquement de son signataire un commerçant (CA Versailles, 12 février 1992, Juris-Data n°1992-046442)) « les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens, à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi ». Or, les articles L.330-3 et R.330-1 du Code de commerce n’exigent pas que le contrat de franchise ait été établi par écrit : l’existence du contrat de franchise peut en conséquence être prouvée par tous moyens.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 17 mars 2009(Cass. com., 17 mars 2009, pourvoi n°08-12.830), a tranché un litige dans lequel le franchiseur et le candidat franchisé divergeaient quant au point de savoir si le contrat de franchise avait, ou non, été formé. En l’espèce, le consentement du franchiseur était subordonné à l’accord préalable de son comité d’agrément. Le candidat franchisé, qui avait donné son accord à la signature du contrat de franchise, y avait ensuite renoncé, et ce avant que le comité d’agrément du franchiseur ne donne son accord sur la conclusion du contrat. Pour décider que le contrat de franchise n’avait pas été conclu par les parties (malgré l’accord du comité du franchiseur intervenu postérieurement à l’annonce par le candidat franchisé de son refus de signer le contrat de franchise), la Haute juridiction prend en compte différents éléments indiquant que les parties n’avaient pas pu s’engager de manière définitive.

Tout d’abord, la Cour de cassation s’appuie sur les termes du protocole d’accord conclu entre les parties en vue de la conclusion du contrat de franchise, lequel mentionnait que les engagements des parties ne deviendraient réciproques qu’après acceptation du dossier par le comité d’agrément.

En outre, elle relève que le franchiseur avait lui-même prévu que le contrat de franchise pouvait ne pas être signé, dès lors qu’il avait mentionné qu’un budget d’enseigne serait versé en cas de concrétisation définitive de l’accord.

Enfin, elle retient que le franchiseur n’avait pas remis au candidat franchisé les informations précontractuelles prévues par l’article L.330-3 du code de commerce(Cass. com., 17 mars 2009, pourvoi n°08-12.830 : « (…) en l’absence des informations visées à l’article L.330-3 du code de commerce, seules susceptibles de permettre à M. X… de se déterminer en connaissance de cause, la société DCF ne pouvait exiger la signature du contrat… »).

2.       Les moyens de preuve légalement admissibles

42.     Tout moyen de preuve légalement admissible suffit à établir la preuve de l’existence du contrat de franchise dès lors que l’échange des consentements est parfait (CA Paris, 3 novembre 1994, Juris-Data n°1994-025094 : écartant l’existence d’un contrat de franchise au motif notamment que le défaut d’encaissement du chèque représentant le droit d’entrée apportait la preuve que le franchiseur était réticent à donner son accord). Il en va ainsi notamment lorsque le franchisé n’a élevé aucune protestation ni réserve sur les marchandises qui lui étaient livrées et ne les a jamais refusées (CA Nîmes, 23 octobre 1991, Juris-Data n°1991-030414) ou qu’il a revendiqué la qualité de franchisé et s’est comporté comme tel, en réglant les redevances mensuelles, tandis que, de son côté, le franchiseur lui a concédé l’usage de son enseigne et de sa marque (CA Paris, 11 décembre 1998, Juris-Data n°1998-024235) : il en ira de même si le franchiseur a reconnu la conformité du point de vente au style des franchises, et n’a pas réagi à la publicité faisant apparaître le point de vente comme franchisé du réseau (CA Paris, 15 septembre 1989, Juris-Data n°1989-024714).

II.        Les conditions de validité du contrat de franchise

43.     Les décisions objets de la présente étude conduisent à examiner deux conditions essentielles à la validité du contrat de franchise : le consentement des parties (A) et la cause du contrat (B).

A.      Le consentement

44.     Qu’elles soient de source légale ou conventionnelle, les obligations d’information qui pèsent sur le franchiseur donnent lieu à un abondant contentieux concernant la nullité du contrat de franchise, ainsi que l’octroi de dommages et intérêts au franchisé. De la jurisprudence se dégagent deux principes fondamentaux : il incombe au franchiseur de rapporter la preuve de l’absence de violation de l’obligation d’information (1) tandis que le franchisé doit démontrer l’existence du vice de son consentement (2).

1.       La preuve par le franchiseur de l’absence de violation d’une obligation d’information

45.     Les décisions récentes confirment l’état actuel du droit positif et en précisent le sens. Toutes ces décisions convergent en effet vers deux idées : la nullité du contrat de franchise implique la violation d’une obligation — de source légale ou contractuelle — lors de la formation du contrat (a) ; cette violation doit avoir eu pour effet de vicier le consentement du franchisé (b).

a.       La violation d’une obligation légale ou contractuelle

Neuf décisions commentées : CA Montpellier, 16 juin 2009 (RG n°08/04631) ; Cass. com., 17 mars 2009 (pourvoi n°08-12.380) ; CA Rouen, 19 février 2009 (Juris-Data n°2009-001655, RG n°05/03208) CA Paris, 9 janvier 2009 (Juris-Data n°2009-002245) ; CA Paris, 19 novembre 2008 (Juris-Data n°2008-372538) ; T. Com. Rouen, 29 septembre 2008 (RG n°06/003843) ; CA Paris, 24 septembre 2008 (RG n°06/04420, 06/04334 et 06/03859) ; CA Paris, 10 septembre 2008 (RG n°06/03262) ; T. Com Rouen, 11 juillet 2008 (RG n°07/008620)

46.     Il convient de distinguer selon que l’obligation d’information est de source légale ou conventionnelle.

i.      Obligation légale

α) Rappel

47.     Les obligations légales d’information précontractuelle dont la violation peut – sous réserve de constituer un vice du consentement (V. infra, § 43 et s.) – justifier le prononcé de la nullité du contrat de franchise sont déterminées, on le sait, aux articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce (L’alinéa 1er de l’article L. 330-3 du code de commerce fixe au moins deux conditions cumulatives à l’exigence de la fourniture au distributeur d’un document d’information précontractuelle : la mise à disposition d’un nom commercial, d’une marque ou d’une enseigne, et un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité. Ce texte s’applique à tout type de contrat (v. pour un exemple récent, en matière de location-gérance, CA Paris, 9 janvier 2009, Juris-Data n°2009-002245 ; RG n°08-00272) dès lors que ces conditions d’application se trouvent remplies (v. sur l’ensemble de la question, F.L. Simon, Théorie et Pratique du droit de la Franchise, Joly, 2009, §.129)). Le prononcé de la nullité du contrat de franchise est encouru lorsque des informations précontractuelles ainsi exigées par la loi et le décret font défaut ou sont grossièrement erronées.

Ces dispositions s’appliquent lorsque le franchiseur exige du franchisé « un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité ». Un arrêt récent rendu en matière de concession, dont la solution peut être étendue à la franchise, a précisé que conformément à l’esprit de la loi, destinée à s’appliquer au plus grand nombre de contrats possibles, la notion d’exclusivité mentionnée à l’article L.330-3 du code de commerce doit être examinée non au regard de l’activité globale du concessionnaire, mais uniquement dans le cadre de ses rapports avec le concédant. En l’espèce, le concessionnaire était tenu à une exclusivité d’utilisation des produits du concédant sur le territoire qui lui avait été confié, et bénéficiait en conséquence de la protection de l’article L.330-3 du code de commerce(CA Agen, 12 mars 2008, RG n°07/00393).

48.     On rappellera que les articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce ne font peser d’obligation d’information que sur le franchiseur, et le cas échéant sur le cédant du contrat de franchise si ce dernier est cédé par un franchisé à un autre franchisé (CA Metz, 23 septembre 2008, Juris-Data n°2008-371948 : « si l’article L.330-3 susvisé s’applique au premier chef au franchiseur, il s’applique également au cédant, en cas de cession du contrat de franchise, en ce qui concerne les caractéristiques et documents comptables propres à l’activité qu’il cède »). Néanmoins, le franchisé n’est pas pour autant dispensé de toute obligation d’information à l’égard du franchiseur, et ce notamment en application des règles de droit commun des contrats, et plus précisément de l’article 1134 alinéa 3 du code civil relatif à l’obligation de bonne foi.

49.     En application des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, le document d’information précontractuel (DIP) doit être fourni au moins vingt jours avant la signature du contrat, et doit notamment indiquer l’ancienneté et l’expérience du franchiseur, l’état et les perspectives de développement du marché concerné, l’importance du réseau d’exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.

Encore faut-il bien circonscrire le contenu de ces obligations, ainsi que le délai dans lequel elles doivent être délivrées.

50.     La jurisprudence a précisé, et récemment rappelé, que la date marquant la fin du délai de vingt jours était celle de la signature du contrat, et non celle de la prise d’effet du contrat. Ainsi, viole l’article L. 330-3 du code de commerce le franchiseur qui ne remet l’information précontractuelle que quatorze jours avant la signature du contrat, peu important à cet égard la date de prise d’effet dudit contrat (CA Paris, 13 juin 2007, Juris-Data n°2007-356116).

51.     L’article R. 330-1,5° du Code de commerce pose l’obligation pour le franchiseur de fournir une présentation de son entreprise ainsi que – et surtout – du réseau d’exploitants. Cette obligation est particulièrement importante car le candidat franchisé doit être mis loyalement en mesure d’apprécier le degré de stabilité, de performance et de rentabilité du réseau qu’il s’apprête à intégrer, engageant ainsi des frais et investissements parfois substantiels.

C’est pourquoi les articles R.330-1 et suivants du code de commerce sont particulièrement précis quant au contenu cette information qui, en substance, impose au franchiseur de présenter le réseau d’exploitants en précisant :

–        la liste des entreprises du réseau et leur mode d’exploitation ;

–        l’adresse des entreprises avec lesquelles le franchiseur est lié par des contrats de franchise, ainsi que la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats ;

–        le nombre de franchisés ayant cessé de faire partie du réseau au cours de l’année précédant celle de la délivrance du DIP (le document remis devant indiquer si le contrat concerné est venu à expiration ou s’il a été résilié ou annulé) ;

–        et, lorsque tel est le cas, la présence de tout établissement dans lequel sont offerts (avec l’accord exprès du franchiseur) les produits ou services faisant l’objet du contrat de franchise, dans la zone d’activité de l’implantation prévue par le contrat de franchise proposé.

Ainsi, un arrêt récent(CA Paris, 19 novembre 2008, Juris-Data n°2008-372538 ; RG n°06/02583) a annulé un contrat de franchise en considération du fait que le franchiseur n’avait pas informé le candidat franchisé de la présence d’un autre exploitant disposant d’une exclusivité territoriale sur le territoire concédé dans le contrat de franchise, cette situation ayant ultérieurement abouti à la résiliation du contrat de franchise concerné.

On relèvera enfin un arrêt de la cour d’appel de Montpellier, qui ayant pourtant pris la précaution de rappeler que le seul non respect des dispositions des articles L-330-3 et R.330-1 ne saurait à lui seul emporter la nullité du contrat de franchise, sanctionne par la nullité sans pour que le vice du franchisé soit rapporté à aucun moment (CA Montpellier, RG n°08/04631, Inédit).

β) Interprétation stricte de l’obligation légale

52.     En dehors de l’hypothèse d’un accord express des parties aux cours des négociations précontractuelles en ce sens, le franchiseur n’est tenu que du strict respect des dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce.

Ainsi, par exemple, la loi n’impose pas le respect de la norme Afnor Z 20-000 d’août 1987 relative aux relations contractuelles entre franchiseur et franchisé, dont le contenu ne peut donc être créateur d’obligations (en dehors, bien entendu, du cas dans lequel la norme aurait été intégrée dans le champ contractuel). De même, ainsi que le rappellent les décisions récentes, le franchiseur n’est tenu ni de fournir des comptes prévisionnels au franchisé (CA Paris, 24 septembre 2008, Juris-Data n°2008-374047 ; RG n°06/04420; CA Paris, 24 septembre 2008, RG n°06/03859 : « l’établissement d’un document prévisionnel relève de la seule responsabilité du franchisé » ; CA Paris, 10 septembre 2008, RG n°06/03262 ; T. Com. Rouen, 29 septembre 2008, RG n°2006/003843, inédit ; T. Com. Rouen, 11 juillet 2008, RG n°2007-008620, inédit), ni de leur indiquer la nature précise des produits vendus par ses concurrents ou encore de leur fournir une évaluation qualitative de leur projet d’implantation (CA Paris, 24 septembre 2008, RG n°06/03859).

53.     Dès lors, sauf convention contraire des parties, il n’appartient pas non plus au franchiseur de se substituer au candidat pour l’appréciation du risque de l’entreprise, en effectuant à sa place une « étude de marché » (Pour un rappel récent de cette règle, v. CA Paris, 24 septembre 2008, RG n°06/03859 et CA Paris, 10 septembre 2008, RG n°06/03262) pour informer le cocontractant de la clientèle potentielle qui demeure propre à son fonds de commerce, ou de se substituer à lui en réalisant une étude de faisabilité. Ainsi que le rappelle la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 24 septembre 2008 (CA Paris, 24 septembre 2008, RG n°06/03859 ; voir également CA Paris, 10 septembre 2008, RG n°06/03262), c’est bien aux futurs franchisés qu’il appartient de procéder à une analyse d’implantation précise leur permettant d’apprécier le potentiel et, par là même, la viabilité du fonds de commerce envisagé.

Une partie de la doctrine assimile le simple état du marché, dont la présentation est exigée par la loi, à une véritable étude de marché, et en déduit que le franchiseur serait tenu de remettre une telle étude au franchisé. Il s’agit là d’une interprétation séduisante, qui repose sur plusieurs arguments : selon cette théorie, la sincérité exigée par le texte imposerait au franchiseur de fournir au franchisé une étude de marché, ce qui serait légitime au regard du droit d’entrée et des redevances payées par le franchisé (S. Meresse, L’étude de marché est la quintessence du savoir-faire du franchiseur, RJ com. 1997, p. 260) ; l’état du marché devant porter sur les produits ou services objet du contrat, le franchiseur ne pourrait se contenter de fournir des renseignements vagues et généraux ; la présentation de l’état du marché et de ses perspectives impliquerait son étude préalable (O. Tiquant, Rétablir l’autorité de la loi… Doubin, D. 2002, Chron. 2597) ; le législateur n’aurait pu mettre à la charge du franchiseur la fourniture d’un simple état du marché que tout commerçant pourrait établir seul ; seul le franchiseur, qui a connaissance du savoir-faire, élément clé de la réussite, pourrait avoir conscience de son impact sur le marché et aurait donc la possibilité de procéder à l’étude de marché.

Cette théorie a été suivie par quelques juridictions du fond (CA Lyon, 24 janvier 2008, Juris-Data n°2008-365835 ; v. aussi, TGI Carcassonne, 2 mai 2002, D. 2002 chron. 2597, note O. Tiquant ; CA Lyon, 2 octobre 2001, D. 2002, chron. 2597, note O. Tiquant ; CA Lyon, 27 octobre 2000, Juris-Data n°2000-132234 ; CA Toulouse, 27 octobre 1992, Juris-Data n°1992-048701).

Elle se heurte cependant à plusieurs obstacles, au nombre desquels figure principalement le fait que l’obligation de remettre au franchisé les documents qui permettent d’établir un résultat prévisionnel (soit en particulier les études de marché), a été supprimée dans le texte définitif du décret (V. J.-P. Clément, La nouvelle donne juridique du contrat de franchise, Gaz. Pal. 1991, 1, doctr., p. 287) : le pouvoir réglementaire a donc bien envisagé qu’une étude de marché soit incluse dans le document d’information précontractuelle, pour finalement y renoncer.

Dans l’hypothèse où cet argument ne suffirait pas à démontrer qu’il n’entrait nullement dans la volonté du législateur de mettre à la charge du franchiseur l’obligation de remettre au franchisé une véritable étude de marché, il faudrait tenir compte des différences fondamentales qui existent entre les notions d’« état » et d’« étude ». En effet, l’idée d’analyse, et donc de décomposition, de recherche minutieuse qui est caractéristique de la notion d’étude de marché fait totalement défaut à celle d’« état du marché », qui évoque au contraire l’idée d’une photographie de faits bruts. Cette opposition est encore accentuée par l’emploi du terme « présentation », celle-ci étant nécessairement brève et succincte, et ne pouvant en conséquence s’appliquer à une étude de marché, par nature longue et approfondie.

En outre, contrairement à ce qu’avancent les auteurs précités, l’adjectif « sincère » ne saurait avoir pour effet de passer outre ces différences cruciales ; il fait simplement référence à l’exactitude des renseignements donnés.

Par ailleurs, le fait que texte précise que l’état du marché local doit porter sur les produits ou services objets du contrat, s’il impose au franchiseur de fournir des renseignements précis, n’implique pas pour autant la réalisation d’une étude de marché : en effet, cette précision porte exclusivement sur la description des éléments du marché, et ne suppose en aucun cas leur analyse par le franchiseur.

Il n’est pas anodin, par ailleurs, que le rapport explicatif de la loi type sur la divulgation des informations en matière de franchise rédigée par Unidroit – qui impose également la communication au franchisé d’un état des marchés général et local, et de leurs perspectives d’évolution (Art. 6 (1) O) – indique expressément que « bien qu’une telle exigence puisse apparaître détaillée, ce qui est visé n’est pas une étude de marché complète mais une brève présentation comportant des informations sur, par exemple, le chiffre d’affaires du secteur considéré, le nombre d’entreprises présentes dans ce secteur et les règles juridiques qui sont applicables ».

Enfin, l’assimilation des termes « état du marché » aux termes « étude de marché » se heurte non seulement à la lettre du texte mais également à l’esprit même du contrat de franchise : on voit mal comment l’étude de marché, qui a pour but de déterminer la stratégie précise de l’entreprise du franchisé, commerçant indépendant, pourrait être établie par le franchiseur (V. en ce sens, notamment, CA Aix-en-Provence, 11 février 2005, Juris-Data n°2005-272825). L’intervention du franchiseur dans la stratégie commerciale du franchisé ne serait justifiée que dans la mesure où cette stratégie ferait partie du savoir-faire, et tel n’est pas le cas s’agissant d’une étude de marché.

54.     L’ensemble de ces raisons explique clairement pourquoi l’idée selon laquelle le franchiseur serait légalement débiteur à l’égard du candidat franchisé de l’obligation de remettre une étude de marché est aujourd’hui très fermement rejetée par la Cour de cassation (Cass. com., 11 février 2003, pourvoi n°01-03.932, Juris-Data n°2003-017835), ainsi que par les juridictions du fond (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°2006-312416, comm. in F.-L. Simon, Droit de la Franchise, LPA 2007, n°229, Avant-propos, par V. Lamanda, 15 novembre 2007, n°41 ; CA Paris, 23 juin 2006, Juris-Data n°2007-312403 ; T. com. Chartres, 7 mars 2006, jugement n°115, inédit ; CA Paris, 7 décembre 2005, Juris-Data n°2005-296362 ; CA Nîmes, 6 octobre 2005, Juris-Data n°2005-311158 ; CA Aix-en-Provence, 11 février 2005, Juris-Data n°2005-272825 ; CA Rennes, 4 janvier 2005, Juris-Data n°2005-282001 ; CA Paris, 20 mars 2003, Juris-Data n°2003-216322 ; T. com. Paris, 5 novembre 2002, Juris-Data n°2002-199793 ; T. com. Paris, 14 octobre 2002, Juris-Data n°2002-201061 : « le franchisé est lui-même un commerçant qui ne saurait avoir un rôle totalement passif en exigeant que le franchiseur se substitue en totalité à lui » ; CA Paris, 31 janvier 2002, Gaz. Pal. du 3 juillet 2003, n°132, p. 16, note M. Petitier ; CA Paris, 31 janvier 2002, Juris-Data n°2002-170815 ; CA Lyon, 31 mars 2000, Juris-Data n°2000-120706). En effet, il appartient au franchisé, en sa qualité de commerçant indépendant, d’effectuer ou de faire effectuer par un tiers une étude de marché s’il le souhaite (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°2006-312416 ; CA Paris, 23 juin 2006, Juris-Data n°2006-312403 ; CA Paris, 7 décembre 2005, Juris-Data n°2005-296362 ; CA Aix-en-Provence, 11 février 2005, Juris-Data n°2005-272825 ; CA Paris, 20 mars 2003, Juris-Data n°2003-216322 ; CA Paris, 31 janvier 2002, Gaz. Pal. du 3 juillet 2003, n°132, p. 16, note M. Petitier ; CA Lyon, 11 février 2000, Juris-Data n°2000-151453 ; CA Aix-en-Provence, 30 novembre 1995, Juris-Data n°1995-050808 ; CA Paris, 15 février 1995 ; CA Douai, 5 décembre 1991 (deux arrêts), Juris-Data nos 1991-052267 et 1991-052153).

Une décision récente (CA Paris, 21 janvier 2009, RG n°06/11392 ; voir également T. Com. Rouen, 29 septembre 2008, RG n°2006/003843, inédit) résume parfaitement la jurisprudence désormais constante concernant les études de marché. La Cour d’appel de Paris y énonce que « le franchiseur n’est, en effet, pas tenu de faire réaliser une étude de marché et [il] appartient au futur franchisé, qui est un commerçant indépendant libre de sa stratégie et de ses choix économiques, de faire procéder, le cas échéant, à une telle étude ».

On relèvera néanmoins une décision du Tribunal de commerce de Rouen dans laquelle, tout en rejetant la demande de nullité du contrat de franchise, et après avoir d’une part rappelé que le franchiseur n’avait pas à établir une étude de marché et d’autre part constaté que le franchisé n’avait pas réalisé une telle étude en dépit de l’invitation du franchiseur, a reproché aux deux parties d’avoir « curieusement manqué de professionnalisme » (T. Com. Rouen, 29 septembre 2008, RG n°2006/003843, inédit : « les parties ont curieusement manqué de professionnalisme, l’une en ne procédant pas à cette formalité pourtant essentielle, l’autre en ne cherchant pas, comme elle le prévoyait [dans le DIP] à se faire communiquer l’étude de son franchisé, pourtant clé de la réussite »).

55.     Par ailleurs, la précision exigée du franchiseur a ses limites. En effet, il ne peut être reproché au franchiseur de ne pas avoir indiqué dans les documents précontractuels la présence d’un certain nombre de commerces vendant également et occasionnellement des produits comparables dès lors que lesdits commerces ne se situent pas précisément sur le même segment de marché et ne seront donc pas dans un rapport de concurrence directe (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°2006-312416 : en l’espèce, le DIP du franchisé, exerçant l’activité spécifique de « vente de chocolats », ne visait pas les « boulangeries-pâtisseries» existant sur le marché local ; CA Aix-en-Provence, 4 mars 2005, Juris-Data n°2005-275013 : à propos de l’état général du marché) avec le futur franchisé. Il sera précisé que cette solution consacrée par une jurisprudence établie doit pourtant être nuancée en raison de l’existence d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris mentionné dans notre précédente étude, lequel avait jugé en sens contraire (CA Paris, 22 mai 2008, Juris-Data n°2008-366630). Néanmoins, à ce jour, cette décision demeure isolée.

56.     Si les articles L.330-3 et R.330-1 du Code de commerce n’imposent aucune obligation pour le franchiseur d’établir une étude de marché, cette obligation peut en revanche être d’origine conventionnelle. En effet, les parties peuvent choisir de lister, dans un avant contrat, les documents qui seront remis par chacune d’entre elles à son cocontractant. Dans un tel cas, l’argument selon lequel les articles L.330-3 et R.330-1 du code de commerce n’imposent pas la réalisation d’une étude de marché sera inopérant. Telle fut la solution retenue dans une espèce tranchée par la Cour d’appel de Rouen le 19 février 2009, dans laquelle le franchiseur s’était engagé, dans le contrat préparatoire de franchise, à réaliser une étude de marché pour le compte du candidat franchisé (CA Rouen, 19 février 2009, Juris-Data n°2009-001655, RG n°05/03208).

ii.      Obligation contractuelle

57.     Les obligations d’information précontractuelle dont la violation peut justifier le prononcé de la nullité du contrat de franchise ne se limitent pas nécessairement à celles qu’énoncent les articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce. Le franchiseur peut, en effet, avoir adressé au franchisé des informations non prévues par ces textes ; il en va en particulier ainsi des comptes d’exploitation prévisionnels, que le franchiseur peut avoir fournis et qui, dans certains cas, s’avèrent déterminants de la volonté du franchisé de contracter.

Le franchiseur est rarement étranger à l’élaboration des comptes d’exploitation prévisionnels en pratique. En effet, selon une étude récente (Etude réalisée auprès de 416 enseignes par Franchise Magazine en mars 2009), 94 % des réseaux aident ou assistent le franchisé, à des degrés divers, dans l’élaboration de ses comptes prévisionnels : 47,1 % des réseaux déclarent lui fournir les éléments nécessaires ; 22,1 % déclarent confronter leurs propres prévisions avec celles du franchisé ; 13,7% déclarent se livrer aux deux prestations susvisées ; 11,1 % déclarent enfin se charger complètement de leur élaboration.

Selon la jurisprudence, l’annulation du contrat de franchise comme la mise en œuvre de la responsabilité précontractuelle du franchiseur, en raison de l’inexactitude des comptes prévisionnels, sont subordonnées à la réunion de trois conditions : les comptes prévisionnels doivent avoir été établis par le franchiseur, ils doivent être « grossièrement erronés » et avoir induit le franchisé en erreur.

α) Comptes prévisionnels

·         Paternité des comptes prévisionnels

58.     Pour que le contrat de franchise puisse encourir la censure sur le fondement des comptes prévisionnels, ceux-ci doivent avoir été établis par le franchiseur, ce qui exclut toute responsabilité lorsqu’il n’en est pas l’auteur.

La solution est classique (CA Paris, 1er février 2006, Juris-Data n°2006-309721 ; CA Paris, 7 décembre 2005, Juris-Data n°2005-296362 ; CA Paris, 31 janvier 2002, Juris-Data n°2002-170815 ; T. com. Rouen, 11 juillet 2008, RG n°2007-008620, inédit) : il appartient au franchisé d’établir la preuve que les comptes litigieux ont bien été établis par le franchiseur ; à défaut, ce dernier ne peut se voir attribuer la paternité d’un tel document et sa responsabilité ne peut donc être encourue.

Ainsi, une décision récente a exclu la nullité du contrat réclamée par les franchisés en constatant que la responsabilité de la fixation du chiffre d’affaires prévu n’avait pas dépendu du seul franchiseur, les franchisés y ayant pris une part active (T. Com. Rouen, 11 juillet 2008, RG n°2007-008620. La participation des franchisés à l’élaboration des comptes prévisionnels a notamment été déduite des termes de la lettre d’accompagnement du DIP adressée par le franchiseur).

59.     On rappellera que la preuve de ce que telle ou telle partie a elle-même réalisé les comptes prévisionnels peut être contractualisée (T. com. Chambéry, 26 août 2005, RG n°2004-00521, inédit : s’agissant d’une clause prévoyant que le Business plan est bien l’œuvre du franchisé qui doit vérifier ses données et prendre toutes les mesures nécessaires, notamment financières, pour le bon fonctionnement de son entreprise ; rappelons que les conventions en matière de preuve sont valables (C. civ., art. 1316-2) ; cependant, s’agissant d’un contentieux relatif à la validité du contrat de franchise, la stipulation contractualisant la réalisation des comptes prévisionnels par une des parties ne saurait empêcher une preuve contraire, rapportée par tous moyens, si cette preuve est destinée à établir un vice du consentement lui-même préalable à l’annulation du contrat ;  en décider autrement, serait donner autorité à un contrat nul).

60.     En outre, ainsi que le rappelle une décision récente, les comptes prévisionnels fournis par le franchiseur au candidat franchisé peuvent avoir un aspect purement indicatif. Dans cette affaire en effet, le Tribunal de commerce de Rouen écarte de la demande de nullité du franchisé aux motifs d’une part que ce dernier n’ayant pas réalisé d’étude de marché, l’établissement des comptes prévisionnels ne pouvait avoir qu’un aspect indicatif (basé sur des situations comparables d’autres franchisés), et d’autre part que le franchiseur avait indiqué dans un courrier adressé au franchisé que ce dernier devait être raisonnable dans sa prévision de chiffre d’affaires (T. Com. Rouen, 29 septembre 2008, RG n°2006/003843).

61.     En revanche, lorsque le franchiseur fournit de tels éléments, les informations qu’ils contiennent doivent être sincères (CA Rouen, 15 mai 2003, Juris-Data n°2003-218829). Les deux conditions ci-après restent alors à être vérifiées.

·         Caractère « grossièrement erronés » des comptes prévisionnels

62.     La deuxième condition fait l’objet d’un abondant contentieux : pour engager la responsabilité du franchiseur, les comptes prévisionnels doivent être « grossièrement erronés » ou « manifestement irréalistes » (CA Paris, 31 janvier 2002, Juris-Data n°2002-170815 ; CA Lyon 3 mars 2000, Juris-Data n°2000-151455 ; CA Paris, 1er décembre 1999, Juris-Data n°1999-117888 ; CA Paris 18 septembre 1996, Juris-Data n°1996-022995).

Autrement dit, le seul caractère erroné des comptes prévisionnels ne saurait suffire à constituer une faute du franchiseur, dès lors que l’exercice d’une activité commerciale est par essence sujette à des aléas (CA Nîmes, 23 juin 2005, Juris-Data n°2005-282018 ; T. com. Paris, 9 septembre 2005, RG n°2004-004816, inédit). C’est pourquoi la jurisprudence considère que le franchiseur n’est pas tenu, sauf stipulation contraire, à une obligation de résultat (CA Paris, 24 septembre 2008, Juris-Data n°2008-374047 ; RG n°06/04420 ; CA Nîmes, 6 octobre 2005, RG n°04/00563, inédit ; T. com. Paris, 9 septembre 2005, RG n°2004-004816, inédit ; CA Paris, 2 décembre 1993, Juris-Data n°1993-023635 ; CA Douai, 5 décembre 1991, Juris-Data n°1991-052153) et que sa responsabilité ne peut être retenue lorsque l’écart excessif entre les résultats prévus et ceux effectivement atteints s’explique notamment par des considérations inattendues (CA Paris, 23 novembre 2006, RG n°03/02384, inédit ; CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°2006-312416 ; CA Paris, 18 décembre 1998, Juris-Data n°1998-024288 ; CA Paris, 12 novembre 1997, Juris-Data n°1997-023531 ; CA Versailles, 4 juillet 1996, Juris-Data n°1996-043384). Selon la Cour d’appel de Paris, une solution contraire méconnaîtrait « directement le principe même de l’autonomie juridique et financière du commerçant indépendant qu’est tout franchisé » (CA Paris, 24 septembre 2008, Juris-Data n°2008-374047 ; CA Paris, 10 septembre 2008, RG n°06/03262).

Ainsi, dans une décision récente, la juridiction parisienne a rappelé qu’en qualité de commerçant indépendant, le franchisé ne peut faire état du chiffre d’affaires réalisé lors de la première année d’activité pour en déduire, a posteriori, que celui-ci n’étant pas conforme au chiffre d’affaires prévisionnel, son consentement a été vicié (CA Paris, 24 septembre 2008, Juris-Data n°2008-374079 ; RG n° 06/04334).

De même, le franchisé ne rapporte la preuve d’aucun dol ni d’aucune erreur de nature à justifier la nullité du contrat de franchise lorsqu’il se borne à contester la rapidité promise du retour sur investissement, l’existence des synergies alléguées par le franchiseur ou encore le montant des marges annoncées (CA Paris, 24 septembre 2008, Juris-Data n°2008-374047).

63.     Le franchisé reste tenu de « se » renseigner (Le franchisé est tenu, en toute circonstance, de « se » renseigner. Ce devoir est général. Il ne concerne pas seulement les comptes prévisionnels mais a pour objet toutes les obligations objets du contrat de franchise, tels que notamment la consistance du savoir-faire (CA Toulouse, 13 janvier 2000, Juris-Data n°2000-108290), l’étude de marché local (CA Aix-en-Provence, 30 novembre 1995, Juris-Data n°1995-050808) ou, plus généralement, tout étude de faisabilité (CA Aix-en-Provence, 11 février 2005, Juris-Data n°2005-272825)) dans tous les cas – que le réseau soit de taille limitée (Le franchisé est tenu de « se » renseigner lorsque le franchiseur ne présentait, lors de la signature du contrat, qu’une expérience extrêmement limitée et que les perspectives données étaient exprimées en prévisionnels, ce qui devait suffire pour alerter les candidats à la franchise et les inciter à demander des renseignements supplémentaires (v. en ce sens, CA Paris, 16 février 2005, Juris-Data n°2005-273091 ; CA Toulouse, 25 mai 2004, Juris-Data n°2004-247226 ; CA Paris, 29 mai 1991, Juris-Data n°1991-022336)) ou non (CA Nîmes, 23 juin 2005, Juris-Data n°2005-282018 ; T. com. Paris, 28 septembre 2005, RG n°2002-055929, inédit). Il en va ainsi lorsque le franchisé a pu faire vérifier par un expert-comptable les éléments utiles en sa possession (CA Paris, 20 mars 2003, Juris-Data n°2003-273091 ; CA Caen, 4 mai 2005, Juris-Data n°2005-282521).

64.     En revanche, le franchiseur peut avoir commis une faute lorsque l’écart constaté entre le chiffre d’affaires annoncé par le prévisionnel et celui effectivement réalisé par le franchisé est à ce point important que, non justifié par des circonstances postérieures à la signature du contrat, celui-ci traduit nécessairement un dol ou une erreur imputable au franchiseur (Pour un exemple récent : CA Rennes, 17 juin 2008, Juris-Data n°2008-006572 ; RG n° 08/01145 : la cour considère que les comptes prévisionnels, supérieurs de 86%, puis de 145% et 148% aux résultats obtenus par le franchisé (ces derniers étant conformes à la moyenne des chiffres d’affaires du réseau) étaient élaborés sans sérieux ; v. également CA Montpellier, 15 novembre 2005, RG n°2003/22, inédit ; T. com. Paris, 6 octobre 2005, RG n°2003-033054, inédit ; CA Lyon, 3 mars 2000, Juris-Data n°2000-151455 ; CA Paris, 1er décembre 1999, Juris-Data n°1999-117888 ; CA Paris, 18 septembre 1996, Juris-Data n°1996-022995).

Toutefois, la faute du franchiseur doit, pour pouvoir emporter sa responsabilité, être assimilée à une faute « lourde ». Ainsi que le rappelle la Cour d’appel de Paris, dans deux arrêts rendus le même jour, le seul fait qu’un écart soit apparu entre les prévisions de chiffre d’affaires indiquées par le franchiseur et les résultats concrets nés de l’exploitation ne saurait, en aucune façon, être démonstratif – à lui seul – de l’insincérité ou du manque de crédibilité des chiffres et documents fournis par le franchiseur (CA Paris, 24 septembre 2008 Juris-Data n°2008-374047 ; RG n° 06/04420 ;  CA Paris, 24 septembre 2008, RG n°06/03859 ; CA Paris, 10 septembre 2008, RG n°06/03262).

65.     Il est fréquent que les juges du fond choisissent de nommer un expert comptable auquel ils confient la mission d’établir un rapport leur permettant d’apprécier le caractère grossièrement erroné, ou non, des comptes prévisionnels, lorsqu’ils ont été établis par le franchiseur (V. par exemple CA Paris, 10 septembre 2008, RG n°06/03262 : un expert comptable avait été nommé avec pour mission de (i) analyser les conditions dans lesquelles l’exploitation du magasin franchisé a été envisagée puis décidée, (ii) dire si les études de marché réalisées ont été effectuées conformément aux règles de l’art en la matière et si elles reflétaient les données relatives aux facteurs de commercialité, et enfin (iii) déterminer les causes pour lesquelles les prévisions n’ont pas été atteintes).

Dans un tel cas, les conclusions du rapport d’expertise peuvent s’avérer déterminantes quant à l’issue du litige. A titre d’exemple, on citera une affaire récente (CA Rouen, 19 février 2009, Juris-Data n°2009-001655, RG n°05/03208) dans laquelle le rapport de l’expert comptable établissait que le chiffre d’affaires prévisionnel « était en dehors des normes habituelles » de la profession (En l’espèce, le montant du chiffre d’affaires prévisionnel était supérieur au double du chiffre d’affaires moyen de la profession, lequel comprenait des commerces anciens, ainsi qu’au double du chiffre d’affaires moyen réalisé par les membres du réseau de franchise à la même époque) et que le niveau d’activité visé par le compte prévisionnel était « irréalisable », alors que cette insuffisance du chiffre d’affaires constituait la cause des difficultés rencontrées par le franchisé.

En l’espèce, l’expert comptable avait mis en évidence que le chiffre d’affaires prévisionnel était supérieur au double du chiffre d’affaires moyen réalisé par les membres du réseau de franchise à la même époque, ainsi qu’au double du chiffre d’affaires moyen de la profession – la boulangerie – et ce alors même que ces chiffres d’affaires moyen comprenaient des commerces anciens, générant donc des chiffres d’affaires plus élevés que ceux d’une entreprise naissante telle que celle du franchisé.

·         Tromperie du franchisé

66.     La troisième et dernière condition est tout aussi importante : les comptes prévisionnels établis par le franchiseur doivent avoir induit le franchisé en erreur (CA Orléans, 26 octobre 2006, RG n°05/03269, inédit ; CA Paris, 16 février 2005, Juris-Data n°2005-273091 ; CA Paris, 31 janvier 2002, Juris-Data n°2002-170815).

L’argumentation avancée consiste alors à faire valoir que les chiffres d’affaires et résultats figurant dans les comptes prévisionnels constituaient pour le candidat franchisé un élément déterminant de sa volonté de contracter et qu’il a donc été trompé par leur caractère gravement erroné.

·         Le cas particulier du dol : la volonté de fausser le consentement du franchisé

67.     S’agissant du dol, bien que la jurisprudence tende parfois à omettre la vérification de cet élément, une condition supplémentaire doit être remplie : l’élément intentionnel. En effet, ainsi que le rappelle un jugement récent du Tribunal de commerce de Rouen, le franchisé doit prouver la volonté du franchiseur de fausser son consentement.

Dans cette affaire, le tribunal a rejeté la nullité du contrat invoquée par les franchisés, au motif que même si ces derniers avaient pu établir l’existence d’une importante différence entre le chiffre d’affaires prévisionnel et le chiffre effectivement réalisé par le franchisé, ils n’avaient pas prouvé l’existence d’une manœuvre volontaire qualifiable de dol, destinée à faire s’engager les franchisés dans des conditions fallacieuses (T. Com. Rouen, 11 juillet 2008, RG n°2007-008620, inédit : le tribunal précise néanmoins que les écarts constatés entre le prévisionnel et le chiffre réalisé étaient susceptibles de constituer une erreur voire une faute contractuelle).

68.     Au regard des différentes conditions ainsi requises en jurisprudence, quelle fonction le DIP et le contrat de franchise peuvent-ils donc jouer ?

La clause exonérant par avance toute responsabilité du franchiseur du fait de ses prévisions est inefficace lorsque celui-ci a commis une faute dolosive à l’occasion de l’élaboration des comptes prévisionnels (CA Orléans, 14 octobre 2005, RG n°62/2005, inédit). Ces clauses sont donc inutiles et dangereuses.

En revanche, ainsi que cela a été rappelé précédemment, la preuve de ce que telle ou telle partie a elle-même réalisé les comptes prévisionnels peut être contractualisée, conformément aux dispositions de l’article 1316-2 du code civil. Est donc parfaitement valable, la clause prévoyant que le business plan est bien l’œuvre du franchisé, qui doit vérifier ses données et prendre toutes les mesures nécessaires, notamment financières, pour le bon fonctionnement de son entreprise (T. com. Chambéry, 26 août 2005, RG n°2004-00521, inédit).

Ainsi, par exemple, le contrat de franchise pourra utilement préciser que « le franchisé reconnaît avoir réalisé ses propres comptes prévisionnels avec l’aide de son expert-comptable ». Autre variante, le contrat de franchise pourra également prévoir que « le franchisé reconnaît avoir réalisé ses propres comptes prévisionnels et s’être appuyé sur les bilans positifs et négatifs de différents magasins franchisés du réseau qu’il s’est procurés». Le contrat de franchise pourra encore ajouter, le cas échéant, que « le franchisé reconnaît avoir réalisé ses propres comptes prévisionnels au moyen notamment des fichiers électroniques fournis par le franchiseur ne comportant que les différents postes vierges et un plan type vierge du compte prévisionnel ». Quantité de variantes sont bien sûr envisageables : celles-ci dépendent notamment de la taille du réseau et du degré d’implication voulu par le franchiseur dans la relation qu’il entretient avec ses franchisés au stade précontractuel.

β) La réticence dolosive

69.     Le contrat de franchise peut être annulé lorsque les informations fournies par le franchiseur sont erronées. Il est également susceptible d’être annulé lorsque le franchiseur a omis de communiquer certaines informations, considérées comme déterminantes de l’engagement du franchisé (V. par exemple CA Rennes, 17 juin 2008, Juris-Data n°2008-006572 ; RG n°08/01145 : absence d’étude du marché local et comptes prévisionnels grossièrement erronés ; CA Agen, 12 mars 2008, RG n°07/00393, en matière de concession). Un arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 19 novembre 2008 fournit une illustration de ce principe (CA Paris, 19 novembre 2008, Juris-Data n°2008-372538 ; RG n°06/02583).

Dans cette espèce, le franchiseur avait omis d’indiquer au franchisé qu’un autre exploitant disposait d’ores et déjà d’une exclusivité territoriale sur le territoire concédé dans le contrat de franchise. A la suite d’une action judiciaire du premier exploitant, le franchiseur s’est vu contraint de résilier le contrat de franchise du nouveau franchisé, deux mois seulement après l’ouverture de son point de vente.

La cour d’appel, considérant que la situation au jour de la conclusion du contrat était incompatible avec une disposition essentielle du contrat de franchise – la clause d’exclusivité territoriale – et constatant que le franchisé n’aurait pas conclu le contrat de franchise s’il avait connu le caractère illicite de son contrat, considère que le consentement du franchisé a été vicié et annule le contrat de franchise.

70.     En revanche, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 6 novembre 2008, Juris-Data n°2008-375289) a rejeté la demande d’un franchisé tendant à la nullité du contrat de franchise, basée sur le fait que le franchiseur aurait omis de transmettre des informations concernant les difficultés financières qu’il rencontrait au moment de la conclusion du contrat (ces difficultés financières ayant conduit à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire puis à la cession de la société du franchiseur deux ans après l’élaboration du document d’information précontractuelle).

La cour constate que le document d’information précontractuelle fourni au franchisé contenait l’ensemble des informations obligatoires, et qu’y étaient joints les bilans de la société franchiseur faisant état de son état d’endettement et d’un résultat encore bénéficiaire. En outre, le franchisé n’a pas établi que la situation du franchiseur était irrémédiablement compromise à la date de signature du contrat. Dès lors, la cour d’appel, considérant que le franchiseur n’a pas « sciemment caché des informations déterminantes du consentement du franchisé » (et notamment qu’il ne pouvait pas mettre le franchisé en garde contre la future crise du secteur d’activité concerné intervenue postérieurement à la signature du contrat), rejette la demande en nullité du contrat pour dol.

71.     Une autre espèce mérite d’être citée, car bien que relative à un contrat de location-gérance signé par un franchisé, elle apparaît transposable au contrat de franchise. Dans cette affaire, le franchiseur n’avait pas informé le franchisé de l’ouverture, deux semaines avant celui du franchisé, d’un point de vente concurrent, exploité sous une autre enseigne appartenant au franchiseur, et situé à seulement cinquante mètres du point de vente du franchisé. La Cour d’appel de Paris, considérant qu’en l’espèce l’absence de commerce concurrent à proximité constituait une qualité substantielle du fonds donné en location gérance, a prononcé la nullité du contrat de location-gérance pour dol (CA Paris, 05 novembre 2008, RG n°07/17215).

b.      La charge de la preuve

Six décisions commentées : CA Paris, 21 janvier 2009 (RG n°06/11392) ; CA Paris, 19 novembre 2008 (Juris-Data n°2008-372538) ; Cass. com., 12 novembre 2008 (pourvoi n°01-17.746) ; CA Paris, 6 novembre 2008 (Juris-Data n°2008-375289), CA Paris, 5 novembre 2008 (RG n°07/17215) et T. Com. Rouen, 29 septembre 2008 (RG n°2006/003843)

i.      Charge de la preuve de l’existence de l’obligation

72.     S’agissant de la preuve de l’obligation, il faut évidemment distinguer selon sa source : par définition, l’obligation de source légale s’impose au franchiseur, qui est légalement tenu.

En revanche, l’existence même de l’obligation de source contractuelle doit être prouvée par le franchisé, conformément à l’article 1315, alinéa 1er du code civil, selon lequel « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ».

Ainsi, la jurisprudence retient-elle que le franchiseur ne garantit pas contractuellement les comptes prévisionnels qu’il transmet simplement à titre indicatif (T. com. Rouen, 29 septembre 2008, RG n°2006/003843 ; CA Nîmes, 23 juin 2005, Juris-Data n°2005-282018 : « (…) la fixation d’un chiffre d’affaires minimum annuel (…) était en l’espèce insusceptible de tromper [la franchisée] et de lui laisser croire, comme elle le prétend, qu’il s’agissait d’un engagement de rentabilité pris par son cocontractant après une étude préalable » de sorte « qu’elle n’est pas fondée en conséquence à soutenir avoir cru que cette indication de chiffre d’affaires annuel constituait un engagement de son partenaire ou une promesse de rentabilité attendue reposant sur des études préalables applicables localement (…) » ; v. aussi, en ce sens, CA Paris, 31 janvier 2002, Juris-Data n°2002-170815 ; CA Chambéry, 10 octobre 2006, Juris-Data n°2006-322011).

ii.      Charge de la preuve de l’exécution de l’obligation

73.     Dès lors que l’existence et le contenu de l’obligation d’information ne sont pas contestés, il convient de déterminer la partie sur laquelle pèse la charge de la preuve de l’exécution de ladite obligation.

Classiquement, et conformément aux règles de droit commun des contrats, c’est au franchiseur qu’il appartient de rapporter la preuve de l’exécution de l’obligation d’information précontractuelle. La solution, régulièrement rappelée dans le contentieux de la franchise, n’est pas nouvelle (Cass. com., 16 mai 2000, pourvoi n°97-16.386 ; v. not. pour les juridictions du fond : CA Paris, 23 novembre 2006, RG n°03/02384, inédit ; CA Paris, 7 décembre 2005, Juris-Data n°2005-296362 ; CA Pau, 10 octobre 2005, Juris-Data n°2005-291080 ; CA Basse-Terre, 20 octobre 2003, Juris-Data n°2003-247239 ; CA Toulouse, 6 décembre 1995, Juris-Data n°1995-049535 ; CA Paris, 24 mars 1995, Juris-Data n°1995-021147). En outre, cette solution doit être étendue aux obligations de source conventionnelle car, depuis 1997, celui qui est légalement ou  contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de ladite obligation (Cass. civ. 1ère, 25 avril 1997, Bull. civ. I, n°75) ; cette solution est constamment réitérée (V. pour une décision plus récente : Cass. civ. 2ème, 20 septembre 2005, pourvoi n°04-10.548).

La Cour de cassation en rappelle régulièrement ce principe. On citera à titre d’exemple, qu’il est possible de qualifier de relativement sévère pour le franchiseur, un arrêt en date du 12 novembre 2008 (Cass. com., 12 novembre 2008, pourvoi n°01-17.746, inédit) dans lequel la Cour de cassation a refusé toute valeur probante à la mention, insérée dans le contrat, selon laquelle le franchiseur avait remis au franchisé une étude de marché et un compte d’exploitation prévisionnel avant la signature du contrat.

Néanmoins, la portée de cette décision, laquelle ne fait d’ailleurs l’objet d’aucune publication, doit être nuancée à plusieurs titres. D’une part, selon les termes de la Haute Juridiction, la mention concernée était « perdue dans un document de plus d’une centaine de pages n’ayant pas fait l’objet d’une approbation en marge » et d’autre part, en l’espèce, le dol était constitué par le fait que le franchiseur avait sciemment dissimulé au franchisé des éléments susceptibles de déterminer son consentement.  Enfin, un arrêt postérieur de la Cour d’appel de Paris en date du 21 janvier 2009 a pris en considération l’existence d’une mention contractuelle précisant que le franchisé avait reçu les informations prévues par l’article L.330-3 du code de commerce dans les délais légaux, cette mention étant par ailleurs corroborée par l’existence d’un accusé de réception du DIP (CA Paris, 21 janvier 2009, RG n°06/11392 : « Considérant qu’il résulte du contrat de franchise (…) que le franchisé y reconnaît avoir reçu de son cocontractant « 20 jours minimum avant la signature du présent contrat, le document d’information précontractuelle… » ; v. également CA Paris, 6 juin 2008, RG n°07/03323 prenant en compte les mentions, dans le contrat de franchise, de la remise de multiples informations, de l’insistance du franchiseur pour que les documents soient soumis au conseil du franchisé, et du fait que le franchisé déclarait remplir les conditions de compétences et de diplômes exigées pour exercer l’activité concernée).

74.     La preuve de l’exécution de son obligation d’information précontractuelle peut être rapportée par tous moyens par le franchiseur. Une décision récente de la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 19 novembre 2008, Juris-Data n°2008-372538 ; RG n°06/02583) illustre parfaitement ce fait, en retenant la possibilité pour le franchiseur de produire des documents postérieurs à la conclusion du contrat de franchise.

Dans cette affaire, le franchiseur soutenait avoir informé le franchisé de l’existence d’un autre exploitant sur la zone d’exclusivité territoriale concédée, disposant lui-même d’une exclusivité sur ledit territoire en vertu d’un contrat de licence de marque. Une procédure judiciaire intentée par le licencié, premier présent sur la zone concédée, avait contraint le franchiseur à résilier le contrat du franchisé, deux mois seulement après l’ouverture de son point de vente. Le franchiseur n’ayant pu produire aucun document précontractuel probant, la cour indique avoir pris en compte les termes de la lettre de résiliation du contrat de franchise émanant du franchiseur pour déterminer si le franchisé avait ou non été informé,: aux termes de la décision de la cour d’appel, si ce document avait fait allusion à une information préalable du franchisé ou à sa connaissance de la situation – en l’espèce, tel n’était pas le cas – la lettre de résiliation aurait été susceptible de constituer la preuve de l’information du franchisé par le franchiseur.

75.     Même si la preuve de l’exécution par le franchiseur de son obligation peut être rapportée par tous moyens, il est préférable pour le franchiseur d’aménager le contrat de franchise de telle sorte que la charge de la preuve soit renversée ; autrement dit, que le franchisé ait à rapporter la preuve de l’inexécution par le franchiseur de son obligation (V. pour une application, CA Paris, 23 novembre 2006, RG n°03/02384, inédit), ou encore de mettre en place une procédure interne permettant de constituer cette preuve, par exemple en prévoyant un accusé de réception du document d’information précontractuelle daté et signé par le franchisé (V. par exemple, CA Paris, 21 janvier 2009, RG n°06/11392) ou en demandant au candidat franchisé de parapher les documents d’information qu’il lui remet, et en en conservant une copie (Ainsi, la Cour d’appel de Paris a récemment rejeté l’argumentation d’un franchisé, lequel soutenait ne pas avoir reçu certaines informations prévues à l’article L.330-3 du code de commerce, en relevant qu’un document contenant ces informations avait été paraphé par les franchisés qui avaient alors expressément reconnu en avoir pris connaissance : CA Paris, 24 septembre 2008, RG n°06/03859).

76.     Lorsque le franchiseur apporte la preuve de l’exécution de l’obligation, il appartient alors au franchisé, conformément aux dispositions de l’article 1315 du code civil, de démontrer la mauvaise exécution qu’il invoque (T. com. Paris, 9 septembre 2005, RG n°2004-004816, inédit).

2.       Le franchisé doit démontrer l’existence d’un vice du consentement

Onze décisions commentées : TGI Paris, Ordonnance de référé, 11 juin 2009 (RG n°09/52384) ; CA Paris, 29 janvier 2009 (RG n°07/06438) ; CA Paris, 20 novembre 2008 (RG n°03/07603) ; CA Paris, 19 novembre 2008 (RG n°07/08568) ; CA Paris, 6 novembre 2008 (Juris-Data n°2008-375289) ; T. Com. Rouen, 29 septembre 2008 (RG n°2006/003843) ; CA Paris, 24 septembre 2008 (RG n°06/03859) ; CA Metz, 23 septembre 2008 (Juris-Data n°2008-371948) ; T. Com. Rouen, 11 juillet 2008 (RG n°06/008620) ; CA Paris, 6 juin 2008 (RG n°07/03323) et CA Paris, 4 juin 2008 (RG n°06/10329)

77.     Les décisions faisant l’objet de la présente étude réaffirment l’état du droit positif, qui peut se résumer en deux propositions : l’inexécution des obligations légales ou contractuelles n’est sanctionnée par la nullité du contrat de franchise que si le défaut d’information a eu pour résultat de vicier le consentement du franchisé (a) ; le franchisé doit, par tout moyen, rapporter la preuve de l’existence de ce vice (b).

a.       Un vice du consentement du franchisé

i.      Exigence d’un vice du consentement

78.     Le franchisé peut être tenté de solliciter la nullité du contrat de franchise. Se pose alors la question de savoir si cette nullité est susceptible de résulter de la seule constatation du non-respect par le franchiseur des obligations légales d’information précontractuelle ou s’il est nécessaire, en outre, de relever que ce manquement avait eu pour résultat de vicier le consentement du franchisé. La jurisprudence, désormais constante, retient cette dernière solution.

α) Évolution jurisprudentielle

79.     Les juridictions du fond ont tout d’abord fait preuve d’une franche hésitation sur cette question. Pour les unes, l’inexécution des obligations légales ou contractuelles ne pouvait être sanctionnée par la nullité du contrat de franchise que si le défaut d’information avait eu pour effet de vicier le consentement du franchisé (CA Paris, 19 novembre 1997, Juris-Data n°1997-024744 ; CA Paris, 26 mars 1999, Juris-Data n°1999-022939). Pour les autres, en revanche, le non-respect de la loi Doubin (Désormais codifiée aux articles L.330-3 et R.330-1 et s. du code de commerce), d’ordre public, justifiait à lui seul la nullité du contrat de franchise (CA Paris, 7 juillet 1995, Juris-Data n°1995-023106 ; CA Montpellier, 4 décembre 1997, Juris-Data n°1997-056968 ; CA Montpellier, 21 mars 2000, L. distrib. 2000/4 ; JCP E 2000, Cah. dr. entr. n°4, p. 18).

Depuis 1998, la Cour de cassation a arrêté sa position et rappelle régulièrement que l’inexécution des obligations légales ou contractuelles ne peut être sanctionnée par la nullité du contrat de franchise que si le défaut d’information a eu pour résultat de vicier le consentement du franchisé (Cass. com., 10 février 1998, Juris-Data n°1998-000524 ; Cass. com., 19 octobre 1999, pourvois n°97-14.366 et 97-14.367 (deux arrêts) ; Cass. com., 21 novembre 2000, pourvoi n°98-12.527 ; Cass. com., 5 décembre 2000, Juris-Data n°2000-007354). Cette solution a notamment été réaffirmée en 2005 par deux arrêts de principe rendus par la Cour de cassation au visa des articles L. 330-3 du code de commerce et 1116 du Code civil (Cass. com., 14 juin 2005 (deux arrêts), pourvois n°04-13.947 et 04-13.948 : par un attendu de principe rédigé en termes identiques dans les deux décisions, la Cour de cassation fait grief aux juges du fond d’avoir annulé un contrat de franchise sans avoir établi l’existence d’un vice du consentement : « Attendu qu’en se déterminant par ces motifs exclusivement pris de manquements à l’obligation d’information incombant au franchiseur, qui sont impropres à caractériser en eux-mêmes l’existence de manœuvres telles qu’il est évident que, sans elles, les franchisés n’auraient pas contracté, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision »), dont la portée est importante (La portée de ces deux décisions est d’autant plus importante qu’il s’agit d’arrêts de cassation rendus pour manque de base légale ; de surcroît, les franchisés étaient inexpérimentés dans les deux cas. Dans ces deux affaires, en effet, l’arrêt rendu par la Cour d’appel avait retenu qu’à raison du nombre et de l’importance des documents qui n’avaient pas été fournis dans le délai légal, les manquements du franchiseur à la loyauté et à l’obligation de contracter de bonne foi avaient interdit aux franchisés de s’engager en connaissance de cause, puisqu’ils ignoraient les conditions réelles dans lesquelles ils étaient amenés à contracter). Depuis lors, la solution est régulièrement reprise par la Cour de cassation (Cass. com., 20 mars 2007, Juris-Data n°2007-038114) et les juridictions du fond (CA Paris, 16 novembre 2006, Juris-Data n°2006-322715 ; CA Versailles, 20 octobre 2006, RG n°05/04972, inédit ; CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°2006-312420 ; CA Limoges, 2 mars 2006, Juris-Data n°2006-308976 ; CA Colmar, 31 janvier 2006, Juris-Data n°2006-304798 ; CA Dijon, 15 novembre 2005, RG n°04/01450, inédit ; CA Nîmes, 6 octobre 2005, RG n°04/00563, inédit ; CA Lyon, 31 mars 2005, Juris-Data n°2005-274619 ; CA Aix-en-Provence, 11 février 2005, Juris-Data n°2005-272825 ; CA Rennes, 4 janvier 2005, Juris-Data n°2005-282001), y compris au cours de l’année objet de la présente étude (CA Paris, 24 septembre 2008, Juris-Data n°2008-374079 ; RG n°06/04334 : « le défaut d’information pré-contractuelle n’emporte pas de plein droit le prononcé de la nullité du contrat de franchise, qu’il incombe au franchisé de démontrer que les manquements dont il se prévaut ont vicié son consentement » : en l’espèce, la nullité n’est pas prononcée alors que le franchiseur n’a semble-t-il pas communiqué la liste des franchisés ayant quitté le réseau ni celle des concurrents présents dans la zone d’exclusivité territoriale ; TGI Paris, Ordonnance de référé, 11 juin 2009, RG n°09/52384, inédit ; pour un exemple récent en matière de contrat de concession v. CA Paris, 24 septembre 2008, Juris-Data n°2008-374047 ; RG n° 06/04420 ; CA Rennes, 17 juin 2008, Juris-Data n°2008-006572 ; RG n°08/01145).

β) Appréciation in concreto

80.     Conformément à une jurisprudence désormais constante, les magistrats apprécient in concreto l’existence (ou non) d’un vice du consentement.

En pratique, la jurisprudence tient essentiellement compte de trois éléments :

–        la qualité de la personne du franchisé : son inexpérience peut constituer un indice non négligeable de vice de son consentement (Cependant, v. contra, CA Paris, 06 juin 2008, RG n°07/03323 : « qu’elle [la société franchisée] devait en tout état de cause être à même d’apprécier elle-même, quelles qu’aient pu être les activités professionnelles antérieures de son gérant, à partir du moment où elle affirmait connaître le concept des agences immobilières X. et disposer des compétences et diplômes nécessaires pour exercer la profession d’agent immobilier »), alors qu’au contraire, ainsi que l’a rappelé un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 29 janvier 2009, la formation du franchisé (notamment lorsqu’il est titulaires de diplômes en commerce) et son expérience (lorsque le franchisé est « rompu  aux affaires ») sont de nature à écarter le vice du consentement que ce dernier invoque (CA Paris, 29 janvier 2009, RG n°07/06438 : « Considérant également que rompu aux affaires en raison des fonctions de directeur commercial et de marketing exercées durant onze ans au sein de plusieurs entreprises, titulaire d’une maîtrise en commerce et en droit international, diplômé de l’institut de commercial international, M. X… était parfaitement qualifié pour appréhender les données en sa possession sur les perspectives de rentabilité de son projet et les risques inhérents aux premiers mois d’exploitation » ; v. également CA Paris, 24 septembre 2008, Juris-Data n°2008-374047 ; RG n° 06/04420 ; CA Paris, 10 septembre 2008, RG n°06/03262) ;

–        la durée du délai de réflexion dont il a disposé avant la signature du contrat. L’arrêt précité  (CA Paris, 29 janvier 2009, RG n°07/06438) a retenu, pour rejeter le vice du consentement du franchisé, que ce dernier avait disposé d’un délai de six mois entre la remise des informations précontractuelles et la signature du contrat de franchise, et avait ainsi pu « apprécier le potentiel de rentabilité de l’entreprise qu’il envisageait de créer » (V. pour un délai de cinq mois : CA Paris, 24 septembre 2008, RG n°06/03859 ; v. contra, en matière de concession, sur l’insuffisance d’un délai de cinq mois entre le dépôt de la candidature du concessionnaire et la signature du contrat : CA Agen, 12 mars 2008, RG n°07/00393) ;

–        et les conseils dont il a pu bénéficier durant cette période précontractuelle (CA Lyon, 30 avril 2008, Juris-Data n°2008-3649833).

De même le caractère « très partiel et limité de l’insuffisance dans la documentation fournie » permet-il aux juges d’écarter l’existence d’un vice du consentement du franchisé (CA Paris, 24 septembre 2008, RG n°06/03859).

81.     Cette appréciation in concreto connaît parfois des limites. Il est bien évident, en effet, que, dans certains cas, le dol (ou la réticence dolosive) imputable au franchiseur est à ce point déterminant que ni la qualité du franchisé, ni le délai de réflexion dont il a bénéficié ne suffisent à écarter la demande de nullité. Tel est le cas lorsqu’il peut s’induire des faits de la cause que le franchisé n’aurait certainement pas contracté s’il avait connu les risques auxquels il s’exposait en intégrant le réseau (CA Paris, 26 octobre 2006, Juris-Data n°2006-322712 : retenant qu’il en va ainsi lorsque le franchiseur a omis d’indiquer dans le DIP la fermeture de plus d’un tiers des points de vente franchisés en activité lors des douze derniers mois).

De même, la nullité du contrat pourra être prononcée lorsque le franchiseur (ou le cédant du contrat de franchise) n’a communiqué aucun DIP et qu’il ne rapporte pas la preuve qu’il a suppléé à cette carence (Cass. com., 27 mai 2008, pourvoi n°07-14.422, dans une affaire relative à un contrat de concession, transposable à la franchise, la Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel pour ne pas avoir recherché si, en l’absence de remise du DIP, le concédant n’avait pas communiqué les informations devant être fournies au concessionnaire lors d’un stage de formation ; CA Metz, 23 septembre 2008, Juris-Data n°2008-371948 : en l’espèce, l’ancien franchisé n’avait fourni aucun DIP au cessionnaire du contrat de franchise ; la cour prononce la nullité du contrat de cession du contrat de franchise, refusant de prendre en compte des éléments postérieurs à la signature de l’acte invoqués par le cédant (production a posteriori d’une attestation de revenus et stage de formation de trois jours) ; CA Lyon, 30 avril 2008, Juris-Data n°2008-364983 ; CA Rennes, 17 juin 2008, Juris-Data n°2008-006572 ; RG n°08/01145 : absence d’étude du marché local et comptes prévisionnels grossièrement erronés).

ii.      Nature du vice : dol ou erreur

82.     La plupart des décisions rendues sur le fondement d’un vice du consentement en matière de franchise portent sur le dol, au sens de l’article 1116 du Code civil. Néanmoins, le vice du consentement peut également être constitué par une erreur du franchisé, au sens de l’article 1110 du code civil, laquelle – si elle est constituée – est également sanctionnée par la nullité du contrat.

Les conditions de l’erreur sont à la fois plus larges et plus étroites que celles requises en matière de dol : plus larges, car l’erreur ne suppose aucune mauvaise foi chez le cocontractant de l’errans (Au contraire, s’agissant du dol, la jurisprudence exige une telle preuve, ainsi que le rappelle le Tribunal de commerce de Rouen, dans un arrêt du 29 septembre 2008, RG n°2006/003843, inédit) ; plus étroites aussi car, d’une part, l’erreur n’est cause de nullité que dans la mesure où elle porte sur une qualité substantielle de l’une des prestations (au nombre desquelles ne figure pas, par exemple, l’erreur sur la valeur) et, d’autre part, l’annulation peut être refusée s’il apparaît que l’errans, ayant manqué à son obligation de s’informer, a commis une erreur inexcusable.

Bien que les décisions rendues en matière d’erreur soient relativement rares, on citera un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris (CA Paris du 20 novembre 2008, RG n°03/07603 : « Que les Sous-Franchisés étaient parfaitement informés des conditions du contrat et n’établissent pas qu’ils auraient commis une erreur sur les qualités substantielles de ce contrat »), rendu dans des circonstances particulières propres à l’espèce. Le contrat de franchise avait initialement été conclu avec un master franchisé. Par un avenant audit contrat, le franchiseur était devenu le cocontractant du franchisé (à la suite de la résiliation du contrat de master franchise conclu entre le franchiseur et le master franchisé). Le franchisé reprochait en substance au master franchiseur de ne pas l’avoir informé, au jour de la signature de l’avenant, des difficultés d’adaptation du concept en France et de ne pas lui avoir fourni un état et les perspectives du marché local. La cour d’appel rejette l’argumentation du franchisé, indiquant d’une part que le franchisé avait expressément reconnu dans l’avenant avoir connaissance des conditions d’exploitation du concept, et d’autre part que le franchisé ayant exploité le concept depuis plus de deux ans au jour de la conclusion de l’avenant au contrat de franchise, connaissait le marché ainsi que les difficultés d’adaptation du concept, et n’avait donc pu en conséquence faire erreur sur les qualités substantielles du contrat de franchise.

83.     Les juridictions ont tendance à rechercher en premier lieu si le dol est établi et peuvent, à défaut, se placer sur le terrain de l’erreur (CA Paris, 06 juin 2008, RG n°07/03323 ; T com. Paris, 7 novembre 2005, Juris-Data n°2005-299489 ; CA Paris, 26 janvier 2001, Juris-Data n°2001-151449), bien que dans certaines affaires, telle que celle précitée (CA Paris du 20 novembre 2008, n°03/07603 (en matière de master franchise)), les franchisés n’invoquent que l’erreur.

Ces solutions sont d’une parfaite logique puisque le dol ne constitue jamais qu’une erreur provoquée.

Dans tout dol il y a une erreur, et la preuve d’une erreur permettant l’annulation du contrat, l’absence de preuve de son caractère provoqué ne saurait empêcher ce résultat. Les rappels jurisprudentiels s’expliquent par le fait que le demandeur a tendance à privilégier le dol – en général reproché au franchiseur – au point d’oublier (ou de faire oublier) que l’annulation est acquise dès que l’erreur est établie. Or la preuve des manœuvres dolosive est distincte de la preuve de l’erreur, quand bien même celles-ci auraient causé celle-là : du moment qu’un contractant peut démontrer avoir eu, sans faute de sa part, la conviction que tel ou tel fait existait ou n’existait pas, alors que la réalité était contraire, il a commis une erreur qui met à bas le contrat quand bien même la cause n’en serait pas établie ; il suffit, dans ce cas, que l’erreur n’émane pas d’une faute inexcusable de celui qui en est victime et dont la vigilance minimale aurait épargné la croyance erronée.

Néanmoins, la frontière entre l’erreur et le dol n’est pas toujours parfaitement nette, ainsi que l’illustre par exemple un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 19 novembre 2008, dans lequel la cour affirme, pour conclure que le franchisé n’a pas valablement contracté, que : « le dol, à tout le moins le vice du consentement, est ainsi caractérisé » (CA Paris, 19 novembre 2008, RG n° 07/08568 : « il est évident que si elle avait connu le caractère illicite de son contrat eu égard aux droits de Mme L., elle n’aurait pas contracté ; que le dol, à tout le moins le vice du consentement, est ainsi caractérisé ; que la SARL G. n’a donc pas valablement contracté »).

b.      Charge de la preuve et moyens de preuve

84.     Les vices du consentement ne se présument pas, et doivent en conséquence être prouvés (Pour un exemple récent, v. T. com. Rouen, 11 juillet 2008, RG n°2007-008620, inédit). C’est à celui qui soutient que son consentement a été vicié en raison de l’inexécution d’une obligation d’information – généralement le franchisé – de rapporter la preuve de ce vice (V. pour un rappel récent de cette règle : T. Com. Rouen, 29 septembre 2008, RG n°2006/003843, inédit : « Attendu que le vice du consentement ne se présume pas, doit être prouvé et requiert un élément intentionnel, la volonté de fausser le consentement de son cocontractant. Attendu que la charge de le prouver incombe à [la société franchisée] en sa qualité de demanderesse »). Ainsi, la Cour d’appel de Paris a justement rappelé que pour faire annuler son contrat pour dol, celui qui se prétendait franchisé devait préalablement « décrire et démontrer les manœuvres qui ont été mises en pratique par [le franchiseur] en vue de lui faire souscrire le contrat litigieux et sans lesquelles il était évident que [le franchisé] n’aurait pas contracté » (CA Paris, 04 juin 2008, RG n°06/10329).

Ainsi, la charge de la preuve du vice du consentement pèse sur le franchisé (V. pour des applications récentes : CA Paris, 06 novembre 2008, Juris-Data n°2008-375289 : « Considérant que [les franchisés] ne démontrent donc pas que [le franchiseur] aurait manqué à son obligation légale d’information et aurait sciemment caché des informations déterminantes du consentement du franchisé ; Que leur demande en nullité du contrat de franchise pour dol doit, en conséquence, être rejetée » ; CA Lyon, 13 septembre 2007, Juris-Data n°2007-344621). La solution n’est pas nouvelle ; elle est consacrée de longue date – tant pour l’erreur que pour le dol – par la Cour de cassation (Cass. com., 6 décembre 2005, pourvoi n°03-20.510, inédit ; 14 janvier 2003, pourvoi n°01-10.120, inédit ; 16 mai 2000, pourvoi n°97-16.386 ; 10 janvier 1995, pourvoi n°92-17.892) et les juridictions du fond (CA Versailles, 20 octobre 2006, RG n°05/04972, inédit : soulignant qu’« il appartient à la société (franchisée) de rapporter la preuve d’un vice du consentement et non à la société (franchiseur) de prouver que le consentement n’a pas été vicié même si le non-respect de l’obligation légale d’information était établi » ; v. aussi, CA Chambéry, 10 octobre 2006, Juris-Data n°2006-322011 ; CA Dijon, 15 novembre 2005, RG n°04/01450, inédit ; CA Basse-Terre, 20 octobre 2003, Juris-Data n°2003-247239 ; CA Paris, 26 février 1996, Juris-Data n°1996-020858 ; CA Bordeaux, 14 novembre 1994, Juris-Data n°1994-049779 ; CA Paris, 30 juin 1994, Juris-Data n°1994-023139).

85.     S’agissant d’un fait juridique, le vice du consentement peut être établi par tous moyens. En particulier, le franchisé peut se référer à tous éléments, notamment ceux survenus lors de l’exécution du contrat (Selon la Cour de cassation, en effet, n’inverse pas la charge de la preuve la Cour d’appel qui, pour se prononcer sur l’existence d’un vice du consentement au moment de la formation du contrat, se fonde sur des « éléments d’appréciation postérieurs à cette date » (Cass. com., 6 décembre 2005, pourvoi n°03-20.510)).

3.       La sanction de la violation de l’obligation d’information précontractuelle

Treize décisions commentées : CA Paris, 9 avril 2009 (RG n°06/14632) ; CA Rouen, 19 février 2009 (RG n°05/03208) ; Cass. com., 27 janvier 2009 (pourvoi n°07-21.616) ; CA Paris, 20 novembre 2008 (RG n° 07/03323 et 03/07603) ; CA Paris, 19 novembre 2008 (Juris-Data n°2008-372538) ; CA Paris, 6 novembre 2008 (Juris-Data n°2008-375289) ; Cass. com., 12 novembre 2008 (pourvoi n°01-17.746) ; CA Nancy, 22 octobre 2008 (RG n°00/00865) ; T. Com. Rouen, 29 septembre 2008 (RG n°2006/003843) ; CA Paris, 24 septembre 2008 (RG n°06/03859) ; CA Metz, 23 septembre 2008 (Juris-data n°2008-371948) ; CA Rennes 17 juin 2008 (Juris-Data n°2008-006572) ; CA Paris, 6 juin 2008 (RG n°07/03323)

a.       La sanction du dol

86.     Lorsqu’il est établi que la violation de l’obligation d’information précontractuelle a vicié le consentement du franchisé par l’effet d’un dol ou d’une erreur, la sanction généralement admise est la nullité du contrat de franchise, conformément aux termes de l’article 1116 du code civil.

Cette règle et ses conséquences ont récemment été rappelées par la jurisprudence (CA Rennes, 17 juin 2008, Juris-Data n°2008-006572 ; RG n°08/01145 ; CA Paris, 9 avril 2009, RG n°06/14632). En particulier, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 9 avril 2009, a indiqué qu’en conséquence de l’annulation du contrat de franchise, le franchiseur est tenu de restituer au franchisé la totalité des sommes qu’il a reçues au titre du droit d’entrée et des redevances de franchise. Les juges de première instance avaient refusé la restitution au franchisé des sommes qu’il avait versées au franchiseur dans le cadre d’un plan d’action promotionnel, considérant que le franchisé avait incontestablement bénéficié de ce plan : la cour d’appel infirme la décision des premiers juges sur ce point et restitue au franchisé les sommes versées au titre du plan d’action promotionnel, au motif qu’eu égard à l’annulation du contrat de franchise, le plan d’action promotionnel ne pouvait avoir eu aucune efficacité (CA Paris, 9 avril 2009, RG n°06/14632 ; v. également CA Metz, 23 septembre 2008, Juris-Data n°2008-371948 refusant la demande de paiement d’impayés formulée par le cédant du contrat de franchise, au motif qu’à la suite de la nullité du contrat de cession du contrat de franchise, il y a lieu de remettre les parties dans l’état antérieur à sa conclusion et CA Agen, 12 mars 2008, RG n°07/00393, refusant le remboursement du matériel informatique et de vidéoprojection acquis par un concessionnaire, au motif qu’il n’était pas établi que ces investissements étaient nécessaires pour l’exercice de son activité).

87.     Il est courant que la conclusion d’un contrat de franchise soit accompagnée d’un engagement de caution, destiné à protéger le franchiseur d’insolvabilité du franchisé. En principe, la nullité du contrat de franchise entraîne la nullité du cautionnement qui en constitue l’accessoire. Néanmoins, dans certaines hypothèses, la nullité du cautionnement n’est pas automatique, en particulier lorsque ce dernier n’a pas pour unique objet de garantir l’exécution du contrat de franchise. La Cour de cassation, au visa de l’article 2289 du code civil, a rappelé cette règle dans une décision en date du 12 novembre 2008 (Cass. com., 12 novembre 2008, pourvoi n°01-17746, inédit), concernant un acte de cautionnement dans lequel les cautions s’étaient également engagées au titre de l’encourt fournisseur. L’arrêt de la cour d’appel, qui avait prononcé la nullité du cautionnement en considération de la nullité des contrats de franchise et de location-gérance conclus par le franchisé, est censuré par la Cour de cassation. Selon cette dernière, certaines livraisons de marchandises demeurant impayées, l’acte de cautionnement ne pouvait pas être annulé du fait de la seule nullité des contrats de franchise et de location-gérance, mais devait au contraire conserver son efficacité à l’égard des obligations subsistantes (en l’espèce, les impayés).

88.     Ainsi que l’a récemment rappelé la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 19 novembre 2008, Juris-Data n°2008-372538 ; RG n°06/02593), la nullité du contrat de franchise a un effet rétroactif et contraint les deux parties à se placer dans l’état antérieur à la conclusion du contrat. Dans certaines situations, les conséquences de la nullité ne conviennent pas au franchisé qui invoque la violation de l’obligation précontractuelle (par exemple lorsqu’elle aboutit à d’importantes restitutions de matériel au franchiseur) ; dans un tel cas, le franchisé peut choisir de solliciter des sanctions alternatives à la nullité.

A ce titre, la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt en date du 27 janvier 2009 (Cass. com., 27 janvier 2009, pourvoi n°07-21.616, inédit), que le dol commis par le franchiseur, n’est pas nécessairement sanctionné par la nullité du contrat. En effet, conformément à une jurisprudence constante en droit des contrats (V. par exemple, Cass. civ. 1ère, 04 février 1975, Bull. civ. I, n°43 ; Cass. civ. 1ère, 04 octobre 1988, Bull. civ. I, n°265 ; Cass. com., 18 octobre 1994, D. 1995.180, note Atias (possibilité de demander des dommages et intérêts malgré le désistement de l’action en nullité pour dol)), le dol – qui constitue non seulement un vice du consentement mais également une faute civile – peut également être sanctionné par l’octroi de dommages et intérêts. La victime du dol peut également limiter sa demande à une simple réduction de prix (Cass. com., 14 mars 1972, pourvoi n°70-12659, D. 1972, 547 et 653).

Dans l’affaire commentée, la cour d’appel avait rejeté à tort la demande du franchisé au motif que ce dernier avait uniquement sollicité une condamnation du franchiseur à lui verser des dommages et intérêts alors que, selon la cour d’appel, la sanction d’une convention contractée avec dol aurait nécessairement supposé une demande de nullité du contrat. L’arrêt d’appel est censuré par la Cour de cassation qui réaffirme la possibilité pour le franchisé de solliciter exclusivement l’octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’il avait subi, à l’exclusion de toute demande de nullité du contrat.

b.      La responsabilité délictuelle du franchiseur

89.     Dans certaines hypothèses, notamment lorsqu’il n’est pas en mesure de prouver que la faute du franchiseur l’a incontestablement convaincu de conclure le contrat de franchise, ou qu’il ne souhaite pas voir le contrat de franchise annulé, le franchisé tend à privilégier la recherche de la responsabilité délictuelle du franchiseur. Cette alternative à la preuve d’un vice du consentement du franchisé, bien qu’elle permette en pratique de contourner les règles prétoriennes encadrant strictement l’application de l’article L.330-3 du code de commerce, est admise (Cass. com. 4 février 2004, Juris-Data n°2004-022354). Encore faut-il bien entendu que le franchisé rapporte la double preuve d’une part que le franchiseur a commis une faute et d’autre part que cette faute du franchiseur dans l’exécution de son obligation d’information précontractuelle est la cause du préjudice au franchisé (CA Paris, 7 décembre 2005, Juris-Data n°2005-296362 ; CA Caen, 3 novembre 2005, Juris-Data n°2005-286650).

L’admission de la responsabilité civile du franchiseur pour sanctionner une information précontractuelle défaillante a été récemment rappelée par la Cour d’appel de Rouen (CA Rouen, 19 février 2009, Juris-Data n°2009-001655 ; RG n°05/03208, dans lequel la cour d’appel se contente du constat d’une faute du franchiseur (en l’espèce le caractère totalement erroné des chiffres d’affaires prévisionnel) pour engager la responsabilité du franchiseur), laquelle, pour condamner le franchiseur, n’a pas fondé sa décision sur le dol ou sur l’erreur – et n’a donc pas annulé le contrat de franchise – mais a exclusivement retenu la faute du franchiseur (constituée par l’élaboration de comptes prévisionnels totalement erronés).

c.       L’indemnisation du préjudice subi par le franchisé

90.     Deux décisions récentes (CA Rouen, 19 février 2009, Juris-Data n°2009-001655 ; RG n°05/03208 ; CA Paris, 9 avril 2009, RG n°06/14632) se sont prononcées sur la question de savoir qui peut prétendre à une indemnisation en cas de violation par le franchiseur de son obligation d’information précontractuelle.

Dans la première espèce (CA Rouen, 19 février 2009, Juris-Data n°2009-001655 ; RG n°05/03208), les personnes physiques gérant la société franchisée demandaient réparation du préjudice qu’elles estimaient avoir subi à titre personnel, alors que le franchiseur soutenait que seule la société franchisée aurait pu formuler une telle demande. Selon la Cour d’appel de Rouen, un tel argument était inopérant : la faute du franchiseur ayant été commise non pas à l’égard de la société franchisée qui n’existait pas encore, mais à l’égard du couple de gérants, ce dernier pouvait en conséquence valablement solliciter une indemnisation du préjudice qu’il avait subi.

Dans la seconde espèce (CA Paris, 9 avril 2009, RG n°06/14632), la Cour d’appel de Paris étend le principe de l’indemnisation sans s’attacher à la qualité de signataire du contrat de franchise : elle indemnise à la fois la société franchisée, seule signataire du contrat de franchise, et son gérant personne physique.

91.     Par ailleurs, concernant le champ et le montant de l’indemnisation à laquelle le franchisé peut prétendre, les décisions des cours d’appel de Paris et de Rouen apportent plusieurs précisions, dont on relèvera que certaines sont contradictoires.

En effet, s’agissant des dommages et intérêts réclamés par les gérants de la société franchisée, en réparation des salaires qu’ils n’ont pas pu percevoir, les deux cours d’appel diffèrent. La Cour d’appel de Rouen (CA Rouen, 19 février 2009, RG n°05/03208) écarte l’évaluation de ces salaires basée sur les comptes prévisionnels, invoquant – à juste titre selon nous – le fait que l’exactitude de ces comptes prévisionnels étant précisément contestée à la fois par le franchisé et par la cour, (justifie d’ailleurs la nullité du contrat de franchise), ceux-ci ne sauraient donc servir de base de calcul pour l’indemnisation du franchisé. Or, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt postérieur (CA Paris, 9 avril 2009, RG n°06/14632), fonde l’indemnisation du gérant de la société franchisée sur le revenu escompté figurant dans les comptes prévisionnels fournis par le franchiseur.

En revanche, les deux cours d’appel ont jugé que le franchisé ne pouvait pas se prévaloir d’une perte de revenus (par exemple d’une perte de salaires) mais uniquement d’une perte de chance d’obtenir ces revenus, laquelle réduit substantiellement le montant de l’indemnisation à laquelle le franchisé peut prétendre (Dans la première espèce, le couple de franchisé avait sollicité l’indemnisation, pour chacun, de deux années de salaires. La cour d’appel de Rouen leur a respectivement octroyé une indemnisation de 30.000 euros s’agissant du dirigeant, et de 5.000 euros pour son épouse en sa qualité de vendeuse, sur le fondement d’une simple perte de chance. Dans la seconde espèce, le gérant de la société franchisée a obtenu une somme de 15.000 euros de dommages et intérêts au lieu des 95.000 euros initialement réclamés).

Enfin, les anciens franchisés obtiennent la condamnation de leur franchiseur à les indemniser de différents préjudices, dont pour certains le principe peut s’avérer contestable. En effet, la société franchisée faisant l’objet d’une liquidation judiciaire, la Cour d’appel de Rouen octroie à l’ancien gérant l’indemnisation d’une perte de chance d’obtenir le paiement de la créance en compte courant qu’il détient à l’encontre de la société franchisée, et admet le principe de l’indemnisation de la perte de rémunération dudit compte courant. Par ailleurs, l’ancien gérant de la société franchisée obtient la condamnation du franchiseur à lui rembourser le montant qu’il avait investi dans le capital social de la société franchisée, lequel était définitivement perdu du fait de la procédure collective. Enfin, l’ancien gérant et son épouse obtiennent la condamnation du franchiseur à indemniser leur préjudice moral (En l’espèce, l’indemnisation de la rémunération du compte courant est uniquement refusée au gérant de la société franchisée en raison d’un manque de preuve). S’agissant de la décision de la Cour d’appel de Paris, celle-ci octroie au gérant de la société franchisée le remboursement des sommes qu’il a versées en qualité de caution de la société franchisée, et admet le principe de l’indemnisation de la société franchisée pour les déficits d’exploitation cumulés, les intérêts de la dette bancaire valorisée au bilan, ainsi que le remboursement du compte courant d’associé restant dû au gérant (CA Paris, 9 avril 2009, RG n°06/14632).

d.      Prescription de l’action en nullité

Règle générale
92.     L’action en nullité se prescrit par cinq ans en vertu de l’article 1304 du code civil.

Néanmoins, et la Cour d’appel de Nancy l’a rappelé dans un arrêt du 22 octobre 2008 (CA Nancy, 22 octobre 2008, RG n°00/00865), l’exception de nullité est perpétuelle si elle tend à faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a encore reçu aucun commencement d’exécution. En pratique, l’intérêt du caractère perpétuel de l’exception de nullité demeure limité s’agissant du contrat de franchise, contrat à exécution successive, dont l’exécution a généralement débuté au jour où l’un des cocontractants entend se prévaloir de la nullité.

La spécificité de l’action en nullité pour dol ou erreur
93.     L’article 1304 du code civil précise que le point de départ du délai de prescription de l’action en nullité dans les cas de dol ou d’erreur est le jour où cette erreur ou ce dol est découvert.

Dans un arrêt du 12 novembre 2008 (Cass. com., 12 novembre 2008, pourvoi n°01-17.746, inédit), la Cour de cassation est venue préciser l’application de cet article en cas de violation de l’obligation d’information précontractuelle. Dans cette affaire, le franchiseur soutenait que la cour d’appel ayant prononcé la nullité du contrat en raison du défaut de remise de documents d’information précontractuelle, celle-ci aurait dû fixer le point de départ du délai de prescription au jour de la conclusion du contrat de franchise, date à laquelle le franchisé était à même de découvrir le dol. La Cour de cassation rejette l’argumentation du franchiseur : ce dernier ayant dissimulé des informations au franchisé susceptibles d’affecter son consentement, le vice ne pouvait être décelé à la date de conclusion du contrat. En conséquence, la cour d’appel avait pu valablement fixer le départ du délai de prescription à une date ultérieure, en l’espèce à la date de versement du dernier loyer du franchisé.

B.      La cause

Quatre décisions commentées : CA Grenoble, 23 avril 2009 (Juris-Data n°2009-004990) ; CA Paris, 21 janvier 2009 (RG n°06/11392) ; Cass. com., 12 novembre 2008 (pourvoi n°01-17.746) ; T. Com. Rouen,  29 septembre 2008 (RG n°003843)

94.     Afin d’obtenir la nullité du contrat de franchise, le franchisé invoque parfois un défaut de cause dudit contrat, objectant qu’il n’a pu bénéficier de l’une des obligations inhérentes au contrat de franchise (Pour la même raison, lorsqu’un savoir-faire n’est transmis qu’à titre accessoire, le contrat de concession ne pourra pas être requalifié en contrat de franchise (Cass. com.,18 décembre 2007, pourvoi n°06-15.970, inédit) ; de même, ne constitue pas un contrat de franchise une convention simplement intitulée « contrat » qui ne contient pas l’engagement de communiquer un savoir-faire à un distributeur contractuellement qualifié de dépositaire (CA Paris, 29 novembre 2007, Juris-Data n°2007-353808)) : la mise à disposition de signes distinctifs (marque, enseigne ou nom commercial), la transmission d’un savoir-faire, la fourniture d’une assistance technique et commerciale. Lorsque l’une de ces obligations fait défaut dans le contrat de franchise, celui-ci doit être annulé pour absence de cause, en application des articles 1108 et 1131 du code civil (CA Montpellier, 27 novembre 2001, Juris-Data n°2001-176699 ; CA Poitiers, 11 juin 1996, Juris-Data n°1996-056520 ; CA Paris, 14 avril 1995, Juris-Data n°1995-021571 ; CA Montpellier, 8 mars 1995, Juris-Data n°1995-034068 ; Cass. com., 9 octobre 1990, Juris-Data n°1990-002525). Un tel raisonnement juridique est classique et se rencontre au sujet de tout type de contrat commercial (V. par exemple, CA Grenoble, 23 avril 2009, Juris-Data n°2009-004990 : retenant que le débitant de boissons ne peut arguer de la nullité du contrat d’approvisionnement exclusif de bières et que son engagement n’est pas dépourvu de cause dès lors qu’il bénéficie, en contrepartie de son obligation de s’approvisionner exclusivement auprès du brasseur, du cautionnement du prêt professionnel qu’il a souscrit).

Ce faisant, le juge doit se placer à la date de formation du contrat, et non de son exécution ; la Cour de cassation y veille constamment, en matière de franchise notamment (Cass. com., 26 mars 1996, pourvoi n°94-14.853, Juris-Data n°1996-001397 ; 8 juillet 1997, pourvoi n°95-17.232, Juris-Data n°1997-003631). Cela implique que les trois éléments précités existent et qu’ils aient été effectivement transmis par le franchiseur au franchisé.

1.       Le savoir-faire

a.       L’existence du savoir-faire

95.     A titre préliminaire, il sera précisé que les développements jurisprudentiels relatifs au savoir-faire, notamment quant à sa définition, seront sans doute amenés à évoluer au cours des prochaines années.

En effet, en l’absence de définition du savoir-faire par le droit national, la jurisprudence se réfère à celle fournie par le règlement n°2790/1999 relatif à l’exemption par catégories des accords verticaux et des pratiques concertées, c’est-à-dire des ententes verticales. Or, ce dernier arrivant à expiration en mai 2010, la Commission Européenne a publié, le 28 juillet 2009, le projet de règlement communautaire destiné à le remplacer. Bien qu’il ne soit pas définitif, le projet de règlement apporte deux principales modifications concernant le savoir-faire, lesquelles s’avèreront en pratique principalement favorables aux franchiseurs, dont à ce jour il demeure difficile de mesurer précisément l’impact si elles étaient maintenues dans la version finale du nouveau règlement communautaire.

D’une part, le projet de règlement intègre le savoir-faire dans la définition des droits de propriété intellectuelle, lui conférant ainsi une protection renforcée, qui reste néanmoins à définir (Article 1.1.d) du projet de règlement : « «droits de propriété intellectuelle», les droits de propriété industrielle, les savoir-faire, les droits d’auteur et les droits voisins »).

D’autre part, il modifie la définition du savoir-faire pour l’assouplir. En particulier, le projet de règlement communautaire prévoit que le caractère substantiel du savoir-faire signifie que ce dernier devrait désormais uniquement être « important et utile » à l’acheteur aux fins de l’utilisation, de la vente ou de la revente des biens ou des services contractuels, alors que le règlement actuellement en vigueur impose que les informations contenues dans le savoir-faire soient « indispensables » à l’acheteur (Article 1.1.e) du projet de règlement : « «savoir-faire», un ensemble secret, substantiel et identifié d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du fournisseur et testées par celui-ci; dans ce contexte, «secret» signifie que le savoir-faire n’est pas généralement connu ou facilement accessible; «substantiel» signifie que le savoir-faire est important et utile à l’acheteur aux fins de l’utilisation, de la vente ou de la revente des biens ou des services contractuels; «identifié» signifie que le savoir-faire est décrit d’une façon suffisamment complète pour permettre de vérifier s’il remplit les conditions de secret et de substantialité»).

96.     Les décisions objets de la présente étude rendues en 2008 et 2009 précisent quant à elles les critères d’appréciation actuels propres à établir l’existence d’un savoir-faire et ceux qui, par nature, doivent être indifférents à cette appréciation.

Ces décisions sont importantes car :

–        si, en vertu du principe de droit commun actor incumbit probatio, reus in excipendo fit actor, la preuve de l’absence ou du manque d’originalité du savoir-faire incombe à celui qui l’invoque, cette solution doit être cependant nuancée dès lors qu’en pratique, les juridictions s’attachent en réalité le plus souvent à relever que des prestations ont bien été fournies au franchisé. Il n’est pas rare que le franchiseur doive apporter la preuve qu’il a transmis un concept au franchisé (Pour des hypothèses où cette preuve n’est pas rapportée : v. CA Nîmes, 14 février 2006, Juris-Data n°2006-301670 ; CA Poitiers, 11 juin 1996, Juris-Data n°1996-056520 ; Cass. com., 30 janvier 1996, pourvoi n°94-13.792 ; CA Paris, 14 avril 1995, Juris-Data n°1995-021571 ; CA Paris, 30 novembre 1994, Juris-Data n°1994-024505 ; CA Paris, 11 juin 1992, Juris-Data n°1992-022125 ; pour des hypothèses où la juridiction relève qu’un concept a bien été transmis au franchisé, v. par exemple, CA Paris, 23 novembre 2006, Juris-Data n°2006-339929 ; CA Aix-en-Provence, 30 novembre 1995, Juris-Data n°1995-050808 ; CA Pau, 21 décembre 1994, Juris-Data n°1994-051866 ; CA Bordeaux, 14 novembre 1994, Juris-Data n°1994-049779 ; CA Paris, 15 septembre 1994, Juris-Data n°1994-022528 ; CA Paris, 15 avril 1992, Juris-Data n°1992-021436 ; CA Aix-en-Provence, 10 janvier 1992, Juris-Data n°1992-040560 ; CA Grenoble, 25 janvier 1989, Juris-Data n°1989-042556), à charge pour le franchisé, une fois ceci établi, de démontrer que ce concept ne répond pas aux caractères du savoir-faire, et notamment qu’il est dépourvu d’originalité (CA Toulouse, 4 mai 2000, Juris-Data n°2000-122079 ; Cass. com., 6 avril 1999, pourvoi n°96-20.048 ; CA Montpellier, 23 mai 1996, Juris-Data n°1996-034666 ; CA Paris, 2 mars 1995 Juris-Data n°1995-021576 ; T. com. Paris, 19 septembre 1994, Juris-Data n°1994-046476 ; CA Paris, 16 avril 1991, Juris-Data n°1991-021700) ;

–        les juges du fond apprécient souverainement les éléments de preuve qui leur sont soumis pour justifier de la réalité du savoir-faire (Cass. com., 20 mai 2008, pourvoi n°06-19.234, inédit).

97.     En outre, la jurisprudence précise les critères d’appréciation que le juge doit exclure pour évaluer l’existence du savoir-faire.

Parmi les décisions récentes, on citera un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 21 janvier 2009 (CA Paris, 21 janvier 2009, RG n°06/11392 : « le savoir-faire que le franchiseur a obligation de transmettre au franchisé ne lui impose par de transmettre des éléments essentiellement originaux, que cette transmission peut, au contraire, être acquise, comme en l’espèce, par la mise à disposition du franchisé d’une gamme de produits sélectionnés (peu importe que chacun des produits concernés puisse être commercialisé par un tiers), d’un concept décliné par la « présentation » des boutiques, les conseils donnés pour les relations avec la clientèle et la mise à disposition de l’enseigne »), lequel a entériné une décision commentée dans notre précédente étude (CA Montpellier, 27 novembre 2007, Juris-Data n°2007-353372 : soulignant successivement que « certes les techniques sont connues et le dossier ne permet pas, en l’absence de test comparatif, de déterminer si l’un au moins des produits et le disque étaient originaux et d’une efficacité supérieure à ceux des concurrents autrement dénommés, une telle originalité n’étant cependant pas requise pour la validité d’un contrat de franchise » et que le franchisé « s’étant vu transmette des connaissances, schémas techniques, procédures et modes opératoires qui, globalement, permettaient de réaliser dans des conditions optimales l’objet de la franchise, l’existence du savoir-faire est contestée à tort »), en confirmant que l’originalité requise pour la constitution du savoir-faire ne doit pas nécessairement se rapporter à tous les éléments transmis par le franchiseur au franchisé.

Dans une autre affaire, les juges du fond ont rappelé que le savoir-faire d’un franchiseur n’est pas nécessairement original ou spécifique mais qu’il doit être évalué en fonction de son antériorité et du succès du réseau qu’il réunit (T. Com. Rouen, 29 septembre 2008, RG n°003843, inédit. En l’espèce, le tribunal précise que « le franchisé a choisi librement son franchiseur comme, depuis 1995, 150 autres à la date de remise du DIP »).

Il convient de rappeler également, à titre d’exemples, que la « simplicité du concept » n’est pas nature à remettre en cause l’existence du savoir-faire (CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°2006-312420), que l’insuffisance du « succès commercial » rencontré par le franchiseur comme son « expérience limitée » au moment de la signature du contrat de franchise ne suffisent pas à établir l’absence de tout savoir-faire (CA Paris, 23 novembre 2006, RG n°03/02384, inédit) et que l’inexpérience d’un franchiseur étranger sur le territoire français (T. com. Paris, 28 septembre 2005, RG n°2002-055929, inédit) ne suffit pas davantage à caractériser l’absence de savoir-faire. Ces solutions doivent être approuvées : la déconvenue commerciale, l’insuccès du concept ou l’insuffisante expérience du franchiseur sont extrinsèques au savoir-faire proprement dit. De tels évènements ne sauraient donc suffire à établir l’absence de savoir-faire. L’existence et l’originalité du savoir-faire peut être également déduite de la reconnaissance de l’efficacité du concept par des professionnels de la franchise (CA Toulouse, 11 décembre 2007, RG n°06/02396, inédit ; v. aussi, CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°2006-312420) ou par la presse (CA Toulouse, 11 décembre 2007, RG n°06/02396, inédit).

De même, dans une décision récente, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 21 janvier 2009, RG n°06/11392) a écarté l’argumentation d’un franchisé, lequel contestait l’existence du savoir-faire notamment en évoquant le fait qu’il aurait été l’un des premiers franchisés du réseau : la cour rejette cet argument aux motifs d’une part que le franchisé avait connaissance de cet élément en s’engageant dans le contrat de franchise, et d’autre part que ce fait ne peut constituer en soi un manquement à l’objet du contrat ou un vice du consentement conduisant à la nullité de celui-ci.

98.     Pour autant, les juges du fond estiment dans certains cas que le savoir-faire n’existe pas (V. par exemple Cass. com., 26 juin 2007, pourvoi n°06-13.211, Juris-Data n°2007-039825 ; T. Com. Marseille, 17 mars 2008, RG n°2007/F01813, inédit).

b.      La transmission du savoir-faire

99.     Le franchiseur est tenu d’une obligation de transmission de son savoir-faire au franchisé.

Cette transmission peut revêtir différentes formes. Elle peut intervenir par exemple par des formations pré-ouverture, la remise d’une bible codifiant le fonctionnement de la franchise et/ou d’autres guides, des réunions et séminaires de formation post-ouverture.

Ainsi, une décision récente de la Cour d’appel de Paris a pris en considération les éléments suivants pour établir la réalité de la transmission du savoir-faire : la participation du responsable de la franchise, à plusieurs reprises, à des stages de formation et à des réunions de franchisés, les conseils personnalisés adressés par le franchiseur au franchisé, l’assistance dans la conduite des campagnes publicitaires, et la transmission d’une série de produits spécifiques destinés à une clientèle spécialisée (CA Paris, 24 septembre 2008, 2008- n°374079).

On rappellera à toutes fins utiles que le savoir-faire n’a pas nécessairement à être transféré par écrit (CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°2006-312420 : « la circonstance que lesdites techniques soient transférées oralement aux franchisés aux cours de stage de formation est sans influence sur la réalité du savoir-faire considéré »), bien que la constitution d’une bible soit recommandée (CA Toulouse, 11 décembre 2007, RG n°06/02396, inédit : soulignant, pour caractériser la réalité du savoir-faire, que le franchiseur « remettait à chaque franchisé lors de son entrée dans le réseau une bible de 180 pages identifiant ses techniques propres et abordant les thèmes les plus importants à savoir le fonctionnement du magasin, les méthodes de vente, la formation et l’assistance »), ne serait-ce qu’à titre probatoire.

Une telle solution ne peut qu’être approuvée. S’il paraît normal, en effet, que les informations précontractuelles prévues par les articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce soient communiquées par écrit (V. en ce sens, CA Pau, 10 octobre 2005, Juris-Data n°2005-291080), ces textes prévoyant expressément la remise d’un « document », cette exigence n’est pas requise en ce qui concerne la transmission du savoir-faire, faute de texte le prévoyant expressément.

2.       Les signes distinctifs

100.  Parmi les éléments devant être transmis par le franchiseur au franchisé, figurent les droits sur les signes distinctifs du franchiseur, qu’il s’agisse du nom commercial, de l’enseigne, et/ou de la marque de ce dernier.

Bien que les décisions objet de la présente étude n’aient pas soulevé de débat particulier s’agissant de la transmission des droits sur les signes distinctifs, on rappellera qu’en l’absence des signes distinctifs, la jurisprudence retient que le contrat de franchise doit être annulé pour absence de cause, en particulier lorsque la marque n’a pas été enregistrée auprès de l’I.N.P.I. (Institut National de la Propriété Industrielle) avant la signature du contrat de franchise (Cass. com., 19 octobre 1999, pourvoi n°97-19.185, inédit ; CA Limoges, 2 mars 2006, Juris-Data n°2006-308976). En revanche, le contrat est toujours valable lorsque la marque a été enregistrée avant la conclusion du contrat de franchise (CA Versailles, 20 octobre 2006, RG n°05/04972, inédit) ; la solution n’est pas nouvelle (V. par exemple, CA Paris, 15 septembre 1994, Juris-Data n°1994-022528).

101.  À cet égard, il convient de préciser que si, au moment où le contrat de franchise est conclu, le franchiseur a seulement procédé au « dépôt » de la marque et non pas à son « enregistrement » (Le dépôt de la demande d’enregistrement est l’acte par lequel le déposant forme auprès de l’I.N.P.I. une demande d’enregistrement du signe distinctif. L’enregistrement de la marque par l’I.N.P.I. est l’acte juridique par lequel l’administration confère un titre au déposant. L’enregistrement produit ses effets à compter du jour du dépôt de la demande), un tel contrat pourrait encourir la nullité, puisqu’au moment de sa formation, un élément essentiel  – le droit sur la marque – fait encore défaut (En effet, aux termes de l’article L. 712-1 du code de la propriété industrielle, la propriété s’acquiert par l’enregistrement, ce dernier produisant effet à compter de la date de dépôt de la demande). La prudence recommanderait alors, à tout le moins (La plus grande prudence consisterait sans doute à attendre l’enregistrement de la marque pour signer le contrat), soit de prévoir une condition suspensive tenant à la bonne fin de la procédure d’enregistrement auprès de l’I.N.P.I., soit, de manière plus radicale, d’exclure expressément la marque des motifs constituant la cause impulsive et déterminante de la volonté du partenaire franchisé de contracter (Quoiqu’il s’agisse d’une hypothèse peu fréquente en pratique, le franchiseur peut concéder au franchisé un droit de jouissance ne portant que sur des signes distinctifs autres que la marque) (à la condition qu’un ou plusieurs autres signes distinctifs, tels que l’enseigne, fassent partie intégrante du contrat de franchise, sous peine que l’un des éléments constitutifs du contrat de franchise fasse défaut, conduisant ainsi à sa nullité).

On rappellera enfin que, conformément au droit commun, l’absence de cause affectant un contrat n’est protectrice que du seul intérêt particulier de l’un ou l’autre des cocontractants et s’analyse comme telle en une nullité relative soumise à la prescription quinquennale du premier alinéa de l’article 1304 du code civil (CA Dijon, 24 mai 2007, Juris-Data n°2007-335093 ; Cass. civ. 3e, 29 mars 2006, Bull. civ. III, n°88, Juris-Data n°2006-032919).

C.      Respect des règles du droit de la concurrence

Trois décisions commentées : CA Paris, 7 janvier 2009 (RG n°06/13301) ; Cons. conc., 29 octobre 2008 (déc. n° 08-D-25) ; CA Dijon, 16 octobre 2008 (Juris-Data n°2008-371952)

102.  Une décision récente de la Cour d’appel de Paris, bien qu’en l’espèce la demande en nullité formulée par le franchisé ait été rejetée, a utilement rappelé que la nullité du contrat de franchise peut être sollicitée, et ce même si l’ensemble des éléments prévus à l’article 1108 du code civil (consentement, capacité, objet et cause) était réuni au jour de la conclusion du contrat.

En effet, d’autres règles de droit sont susceptibles d’aboutir à la nullité du contrat de franchise (CA Dijon, 16 octobre 2008, Juris-Data n°2008-371952, rejetant la demande de nullité d’un contrat de concession conclu entre professionnels, basée sur une prétendue violation des règles posées par la loi n°94-665 du 04 août 1994, relative à l’emploi de la langue française. La cour, relevant que ce texte n’est applicable que dans les relations avec les consommateurs, refuse l’annulation du contrat rédigé en langue anglaise), en particulier les règles de droit de la concurrence, dont la violation peut entraîner la nullité de la clause concernée, voire, pour les violations les plus graves, la nullité de l’ensemble de l’accord. Parmi ces règles, figure l’interdiction des prix imposés, objet de la demande de nullité formulée par le franchisé dans la décision commentée. Ce dernier soutenait que le franchiseur lui imposait ses prix de revente, notamment par le pré-étiquetage des produits, l’existence de catalogues destinés aux consommateurs mentionnant ces prix et la fixation de pourcentages à appliquer lors des opérations promotionnelles. Néanmoins, dans cette affaire, la Cour d’appel de Paris écarte l’argumentation du franchisé en l’absence de preuve de l’imposition des prix par le franchiseur. En effet, le franchiseur avait établi devant la Cour que les prix qu’il communiquait à ses franchisés étaient purement indicatifs et non pas imposés ; en particulier, les franchisés étaient en mesure d’étiqueter eux-mêmes les produits avec les prix de leur choix et demeuraient libres de pratiquer des remises de prix (CA Paris, 7 janvier 2009, RG n°06/13301).

Il convient par ailleurs de faire état d’une décision rendue par le Conseil de la concurrence, se prononçant sur la licéité d’une clause par laquelle le fabriquant interdit à ses distributeurs sélectifs de vendre ses produits en ligne. Aux termes de cette décision, le Conseil de la Concurrence a considéré qu’une telle clause  constitue, en vertu du c) de l’article 4 du règlement, une restriction caractérisée, qui ne peut à ce titre bénéficier de l’exemption automatique par catégorie, les conditions permettant de bénéficier d’une exemption personnelle n’étant pas, par ailleurs, rapportées.  Cette décision, rendue en matière de distribution sélective est tout à fait transposable en matière de contrat de franchise (Cons. conc. 29 octobre 2008, déc. n° 08-D-25).

L'exécution du contrat de franchise

103.  Le contrat de franchise est un contrat bilatéral au sens de l’article 1102 du code civil, créant des obligations à la charge de chacune des deux parties contractantes. Cependant, pour l’analyse de son exécution, il convient de prendre en considération, par une vision plus globale, l’existence du réseau dans lequel le contrat de franchise s’inscrit. Au-delà de l’exécution du seul contrat, pris individuellement, qui lie chaque franchisé au franchiseur, chaque participant a en effet intérêt à développer le réseau auquel il appartient. Parce que ce réseau incarne l’intérêt collectif, commun à tous les intervenants, l’exécution du contrat de franchise puise naturellement dans le droit commun des contrats tout en le nourrissant parfois. Cette particularité se manifeste dans les relations entre le franchiseur et le franchisé comme dans celles qu’ils entretiennent avec les tiers.

Les décisions faisant l’objet de notre étude permettent d’envisager l’exécution du contrat de franchise dans ses deux aspects essentiels : les rapports entre les parties (I) ; les rapports qu’entretiennent les parties au contrat avec les tiers (II).

I. Les relations entre les parties

104.  Il convient de distinguer les obligations du franchiseur (A) de celles du franchisé (B).

A. Les obligations du franchiseur

105.  L’actualité jurisprudentielle permet de revenir sur certaines des obligations incombant au franchiseur en matière de savoir-faire (1), d’assistance (2), de publicité et de développement du réseau (3), d’approvisionnement (4) et enfin d’exclusivité territoriale (5).

1. Les obligations du franchiseur relatives au savoir-faire

Trois décisions commentées : CA Paris, 21 janvier 2009 (RG n°06/11392, inédit) ; CA Paris, 7 janvier 2009 (RG n°06/13301, inédit) ; Cass. com., 18 novembre 2008 (pourvoi n°07-18.599, inédit)

106.  Si l’existence du savoir-faire se rapporte, dans le cadre du contrat de franchise, à la notion de cause et donc à la formation du contrat, l’obligation de transmettre ce savoir-faire entre dans le champ des obligations contractuelles – essentielles – du franchiseur, au stade de l’exécution du contrat. Son non-respect est susceptible d’entraîner la résiliation du contrat, ainsi que cela ressort clairement d’un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris au début de l’année 2009 (CA Paris, 7 janvier 2009, RG n°06/13301, inédit).

En l’espèce, le franchisé fondait sa demande de résiliation sur l’absence de communication de certaines des informations imposées par l’article R. 330-1 du code de commerce, sur l’absence de transmission du savoir-faire et sur l’absence d’assistance technique.

Le moyen fondé sur l’absence de communication des informations légales est rejeté s’agissant d’une demande en résiliation du contrat de franchise, la Cour relevant à juste titre que « ces griefs, qui portent sur le respect par le franchiseur de la procédure précontractuelle, ne peuvent, de ce fait, servir de fondement à une demande de résiliation, celle-ci supposant qu’il soit démontré le non respect d’obligations contractuelles ».

En revanche, le moyen fondé sur l’absence de transmission du savoir-faire est examiné par la Cour, avant d’être également écarté, la Cour relevant qu’un savoir-faire avait bien été transmis par la remise au franchisé, outre de la « Bible » du réseau, des éléments relatifs à l’agencement du magasin, à la présentation des produits, et aux équipements commerciaux et informatiques.

107.           Les conditions de validité des conventions s’appréciant au moment de leur formation, leur disparition en cours d’exécution du contrat ne peut plus fonder une demande en nullité.

Aussi, la disparition du caractère secret du savoir-faire, de même que l’absence de transmission du savoir-faire, ne peuvent entraîner que la résiliation du contrat, voire la résolution judicaire de celui-ci lorsqu’il est démontré que le contrat n’a pas été exécuté ou lorsqu’il a été exécuté de manière imparfaite depuis sa conclusion (Cass. com., 30 avril 2003, Juris-Data n°2003-018805). Les auteurs du pourvoi ayant donné lieu à un arrêt de la Cour de cassation du 18 novembre 2008 (Cass. com., 18 novembre 2008, pourvoi n°07-18.599, inédit) ont à juste titre reproché à la cour d’appel, qui avait rejeté leur demande de résiliation du contrat de franchise, de s’être bornée « à affirmer que le franchiseur avait fourni un savoir-faire eu égard à l’originalité du concept (…), sans rechercher si ce concept avait été gardé secret lors de l’exécution du contrat (…) ». Néanmoins, leur moyen est rejeté par la Cour de cassation, étant à la fois nouveau et mélangé de fait et de droit.

2. L’obligation d’assistance

Dix décisions commentées : CA Paris, 18 mars 2009 (Juris-Data n°2009-002274) ; CA Paris, 29 janvier 2009 (RG n°07/06438, inédit) ; CA Paris, 21 janvier 2009 (RG n°06/11392, inédit) ; CA Paris, 7 janvier 2009 (RG n°06/13301, inédit) ; CA Paris, 20 novembre 2008 (RG n°03/07603, inédit) ; T. com. Rouen, 29 septembre 2008 (RG n°2006/003843, inédit) ; CA Paris, 24 septembre 2008 (RG n°06/03859, inédit) ; CA Paris, 24 septembre 2008 (Juris-Data n°2008-374079) ; CA Paris, 10 septembre 2008 (RG n°06/03262, inédit) ; T. com. Rouen, 11 juillet 2008 (RG n°2007/008620, inédit)

108.  Des trois éléments qui qualifient le contrat de franchise – transmission d’un savoir-faire, mise à disposition de signes distinctifs et assistance – l’obligation d’assistance est à la fois la seule obligation à exécution successive mise à la charge du franchiseur, et la notion dont les contours sont les plus incertains. Certes, l’obligation d’assistance trouve sa limite dans l’indépendance du commerçant franchisé, ce qui exclut l’ingérence du franchiseur dans la gestion de ce dernier, et le degré de soutien apporté aux salariés du franchisé ; en outre, il ne fait pas de doute qu’il s’agit bien d’une obligation à exécution successive, qui implique en conséquence des interventions répétées du franchiseur. A l’intérieur de ces limites, cependant, l’intensité de l’assistance (tant concernant son contenu que sa fréquence) dépend dans une large mesure des stipulations contractuelles ; à défaut de précision dans le contrat, c’est dans la jurisprudence qu’il faut rechercher les contours de l’assistance minimale, celle nécessairement induite par la nature même du contrat de franchise.

109.  La frontière entre le savoir-faire et l’assistance est parfois ténue ; en effet, une partie essentielle – sinon la totalité – de l’assistance paraît n’être en réalité que la suite de la transmission du savoir-faire : aide à la mise en œuvre – notamment par les visites du local du franchisé par les animateurs du réseau (V. T. com. Rouen, 29 septembre 2008, RG n°2006/003843, inédit) – et actualisation du savoir-faire (V. par ex. CA Paris, 29 janvier 2009, RG n°07/06438, inédit : l’assistance délivrée consiste en un stage d’information, une visite et un courrier contenant de nombreux conseils pour améliorer l’attractivité des produits en rayon (présentation, diversification), leur réassortiment et la suggestion de la réfection de la peinture de la façade ; CA Paris, 21 janvier 2009, RG n°06/11392, inédit).

La difficulté de différenciation des notions de savoir-faire et d’assistance apparaît dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 24 septembre 2008 (CA Paris, 24 septembre 2008, Juris-Data n°2008-374079 ; RG n°06/04334). En l’espèce, le franchisé prétendait qu’aucun savoir-faire ne lui avait été transmis. La cour rejette sa demande, déduisant la réalité de la transmission du savoir-faire notamment du fait que le franchisé a bénéficié « de conseils personnalisés et de l’assistance du franchiseur pour conduire des campagnes de publicité ».

110.  L’assistance implique notamment que le franchiseur vienne en aide au franchisé subissant des difficultés, si celui-ci en fait la demande (Le franchisé n’ayant formulé aucune demande d’aide auprès du franchiseur, il ne peut légitimement se plaindre que ce dernier ne lui ait apporté aucune aide : CA Paris, 7 janvier 2009, RG n°06/13301 ; CA Paris, 10 septembre 2008, RG n°06/03262, inédit). S’il n’est pas possible de définir la consistance exacte de l’aide qui doit être apportée obligatoirement par le franchiseur, un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 24 septembre 2008, RG n°06/03859, inédit) fournit une illustration des actions du franchiseurs considérées comme une assistance amplement suffisante ; en l’espèce, le franchiseur avait proposé au franchisé, outre la reprise des stocks invendus et l’annulation corrélative de factures, ainsi que la mise en place d’un échéancier, des suggestions écrites précises pour améliorer son exploitation et accroître son chiffre d’affaires.

111.  Dans de nombreux réseaux, le franchiseur offre aux franchisés des services complémentaires (V. par ex. CA Paris, 21 janvier 2009, RG n°06/11392, inédit), dont la nature dépend des prévisions contractuelles. Ainsi, il n’est pas rare de voir le franchiseur assister les franchisés, avant l’ouverture de leur établissement, dans la recherche d’un local. En pratique, le franchiseur dispose en effet généralement d’une structure nettement plus importante et développée que celle du franchisé, et est en mesure d’aider ce dernier avec efficacité dans le cadre d’une telle recherche.

Certains franchisés, après avoir obtenu de mauvais résultats, recherchent la responsabilité du franchiseur en lui reprochant d’avoir sélectionné un local ou un emplacement de mauvaise qualité. Néanmoins, une telle action n’a de chance d’aboutir que, d’une part, si le franchisé rapporte la preuve de la mauvaise qualité de l’emplacement (V. CA Paris, 29 janvier 2009, RG n°07/06438, inédit ; T. com. Rouen, 29 septembre 2008, RG n°2006/003843, inédit) et du préjudice qui en est résulté et, d’autre part, s’il prouve que la décision relative au choix du local émane du franchiseur.

S’agissant de la première de ces conditions, le franchisé ne peut se contenter de critiquer la qualité de l’emplacement pour engager la responsabilité du franchiseur à ce titre, mais doit apporter des preuves suffisantes pour appuyer ses affirmations, ainsi que la Cour d’appel de Paris a eu l’occasion de le rappeler au début de l’année 2009 (CA Paris, 29 janvier 2009, RG n°07/06438, inédit).

S’agissant de la seconde condition, lorsque le choix final du local n’est pas imposé par le franchiseur – et notamment dans l’hypothèse où le franchiseur s’est contenté d’apporter son aide au franchisé dans la recherche de l’emplacement – c’est bien du franchisé, commerçant indépendant, qu’a émané la décision finale du choix du local. Il ne peut se retourner contre le franchiseur pour obtenir réparation de son préjudice, ainsi que l’ont rappelé la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 29 janvier 2009, RG n°07/06438, inédit : en l’espèce, la Cour relevait que le franchisé avait disposé d’une période de six mois pour rechercher des emplacements – ce à quoi le contrat de réservation l’obligeait expressément – en comparer les prix et en estimer la fréquentation par les consommateurs) et le Tribunal de commerce de Rouen à deux reprises en 2008 (T. com. Rouen, 29 septembre 2008, RG n°2006/003843, inédit ; T. com. Rouen, 11 juillet 2008, RG n°2007-008620, inédit).

112.  Dans certaines affaires, telles que celles tranchées par la Cour d’appel de Paris le 18 mars 2009 (CA Paris, 18 mars 2009, Juris-Data n°2009-002274 ; RG n°07/01386, inédit), le franchisé conscient d’avoir commis certains manquements à ses obligations contractuelles (tels que le non paiement des redevances mensuelles) cherche à obtenir la résiliation du contrat aux torts du franchiseur en prétendant que ce dernier aurait manqué à son obligation d’assistance.

Les juridictions ne se laissent pas abuser par une telle démarche.

Ainsi, celle-ci est généralement vouée à l’échec lorsque le franchisé :

–                 se contente de procéder à des affirmations d’ordre général non corroborées par des faits (CA Paris, 18 mars 2009, Juris-Data n°2009-002274 ; RG n°07/01386, inédit ; CA Paris, 7 janvier 2009, RG n°06/13673, inédit) ;

–                 ne prouve pas avoir sollicité l’aide du franchiseur (CA Paris, 7 janvier 2009, RG n°06/13301 ; CA Paris, 10 septembre 2008, RG n°06/03262) ;

–                 a refusé de suivre les stages de formations et les conseils du franchiseur (CA Paris, 24 septembre 2008, RG n°06/03859, inédit) ;

–                 avance des arguments contradictoires en se plaignant à la fois de l’absence d’assistance et de l’ « omniprésence » et de la « direction de fait sur les actions de lancement et de promotion de l’enseigne » du franchiseur (CA Paris, 10 septembre 2008, RG n°06/03262, inédit).

113.  Le franchiseur peut quant à lui contrer les prétentions du franchisé en apportant la preuve de l’assistance qu’il a délivrée, laquelle peut découler notamment de rapports d’assistance initiale (CA Paris, 10 septembre 2008, RG n°06/03262, inédit) ou de visite et de courriers (CA Paris, 24 septembre 2008, RG n°06/03859, inédit), voire du propre aveu du franchisé (T. com. Rouen, 29 septembre 2008, RG n°2006/003843, inédit).

114.  En matière de master-franchise, l’assistance est délivrée aux franchisés par le master-franchisé. Aussi, l’action des franchisés à l’encontre du master-franchiseur pour violation de l’obligation d’assistance ne peut-elle aboutir. La Cour d’appel de Paris (CA Paris, 20 novembre 2008, RG n°03/07603, inédit) a néanmoins été saisie d’une telle demande, dans une hypothèse particulière. En l’espèce, le contrat de master-franchise avait été résilié alors que les contrats de franchise étaient en cours d’exécution. Le master-franchiseur avait alors signé avec les franchisés un avenant par lequel il se substituait au master-franchisé dans les contrats de franchise, puis, ainsi que l’y autorisait cet avenant, s’était substitué dans ce rôle une nouvelle société créée à cet effet en qualité de master-franchisé. Les franchisés tentaient de démontrer que le master-franchiseur était, malgré cette substitution, encore tenu par des liens contractuels avec eux. Cette argumentation est rejetée par la cour qui, ayant relevé que les manquements invoqués étaient tous postérieurs à l’entrée en activité du second master-franchisé, déboute les franchisés de leurs demandes.

3. Les obligations relatives à la publicité et au développement du réseau

Deux décisions commentées : Cass. com., 26 mai 2009 (pourvoi n°08-13.194, inédit) ; CA Nancy, 22 oct. 2008 (RG n°00/00865, inédit)

115.  Le franchiseur et les franchisés ont tous intérêt au développement de la notoriété de l’enseigne ; le contrat de franchise organise donc généralement les obligations des parties en matière de publicité. Dans la majorité des cas, le franchiseur régit la publicité nationale du réseau, alors que le franchisé organise la publicité locale autour de son point de vente soit, le cas échéant, dans sa zone d’exclusivité. Parfois, cependant, le franchiseur organise également en partie la publicité locale.

116.  Dans une affaire dont a eu à connaître la Cour d’appel de Nancy à la fin de l’année 2008 (CA Nancy, 22 octobre 2008, RG n°00/00865, inédit), le franchisé tentait d’imputer la résiliation anticipée du contrat de franchise au franchiseur, en se fondant notamment sur les poursuites dont ce dernier avait fait l’objet pour publicité mensongère. Son argumentation n’a cependant pas été accueillie, la Cour relevant que le franchisé ne justifiait d’aucune sanction prononcée à son égard ni d’aucun préjudice résultant des poursuites elles-mêmes.

117.  Le financement de la publicité et de la promotion organisée par le franchiseur est fréquemment issu d’une redevance spécifique versée par les franchisés à cette fin. Le contrat peut prévoir les modalités de répartition de cette redevance, par exemple, entre la publicité régionale et la publicité nationale. Dans un tel cas, le franchiseur ne peut pas modifier unilatéralement l’affectation de la redevance publicitaire, ni les modalités d’organisation de la publicité.

118.  L’affectation des redevances publicitaires à la publicité locale ou à la publicité nationale peut être soumise à certaines conditions, ainsi que l’illustre un arrêt rendu par la Cour de cassation au printemps 2009 (Cass. com., 26 mai 2009, pourvoi n°08-13.194, inédit). En l’espèce, le franchisé reprochait au franchiseur d’avoir affecté à la publicité nationale des sommes destinées à la publicité locale. Le franchiseur établissait qu’après avoir reçu une lettre émanant du franchisé à ce sujet, il avait offert à ce dernier de lui restituer les sommes litigieuses dès que les justificatifs des frais exposés par le franchisé pour la communication locale lui auraient été adressés, et ce conformément à ce qui était prévu au contrat. Le franchisé n’ayant jamais adressé ces justificatifs, la cour d’appel a pu rejeter la demande du franchisé tendant à la résiliation du contrat aux torts du franchiseur, puisque« ni l’affectation des sommes litigieuses à la communication nationale, ni l’absence de restitution de ces sommes ne constituaient un manquement du franchiseur à son devoir de loyauté envers le franchisé ».

4. L’obligation d’approvisionnement

Sept décisions commentées : CA Paris, 14 janvier 2009 (Juris-Data n°2009-000549) ; CA Paris, 7 janvier 2009 (RG n°06/13301, inédit) ; CA Paris, 6 novembre 2008 (Juris-Data n°2008-375289) ; CA Paris, 30 octobre 2008 (RG n°07/22044, inédit) ; CA Nancy, 22 oct. 2008 (RG n°00/00865, inédit) ; CA Paris, 24 septembre 2008 (RG n°06/03859, inédit) ; CA Juin, 3 juin 2008 (Juris-Data n°2008-007112)

119.  Il est fréquent, dans les réseaux de franchise que le franchiseur (ou une société de son groupe) souscrive une obligation d’approvisionnement à l’égard des franchisés. Tel est le cas notamment dans l’hypothèse où le franchiseur est le fabricant des produits, ou encore lorsque le réseau de franchise comprend une centrale d’achat, organisée directement par le franchiseur lui-même ou par une société distincte de la personne du franchiseur, qui peut avoir été créée spécifiquement à cet effet.  Le franchiseur – ou la société gérant la centrale d’achats – engage alors sa responsabilité en cas de manquement total ou partiel à son obligation, lorsque l’approvisionnement est réalisé avec des retards répétés ou importants, ou encore lorsque les produits livrés sont de mauvaise qualité.

La gravité de l’impact des retards de livraison dépend de la nature des produits objets de l’obligation d’approvisionnement, et de l’activité des membres du réseau. Ainsi, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 6 novembre 2008, Juris-Data n°2008-375289) a pu estimer que la livraison d’articles de mode effectuée avec retard en novembre et décembre, pour la collection automne-hiver, avait nécessairement causé une gêne au franchisé. De même, le franchiseur fait preuve de mauvaise foi en suspendant l’approvisionnement pendant la période pendant laquelle le magasin du franchisé, dont l’activité est saisonnière, réalise le meilleur chiffre d’affaires de l’année et équilibre son exercice, malgré le paiement par le franchisé de la plus grande parties des sommes dues (CA Paris, 3 juin 2008, Juris-Data n°2008-007112 ; RG n°05/02285).

En revanche, le franchisé ne peut obtenir gain de cause lorsqu’il se contente d’invoquer un manquement du franchiseur à son obligation d’approvisionnement sans rapporter d’élément probant (notamment lettres de plainte ou attestations de clients) « visant à démontrer la réalité de ces allégations et leur caractère substantiel » (tels que des lettres de plainte ou des attestations de clients) (CA Paris, 7 janvier 2009, RG n°06/13673, inédit ; CA Paris, 30 octobre 2008, RG n°07/22044, inédit).

120.  Certains contrats prévoient également les modalités selon lesquelles des ristournes seront accordées aux franchisés ; dans ce cas, le franchiseur ne peut écarter unilatéralement les conditions contractuelles dans lesquelles ces ristournes sont accordées, et engage sa responsabilité à l’égard du franchisé lorsqu’il omet de lui verser les sommes correspondant à ces ristournes alors même qu’il en a reconnu le principe (CA Nancy, 22 octobre 2008, RG n°00/00865, inédit).

121.  La Cour d’appel de Paris a rendu au début de l’année 2009 (CA Paris, 14 janvier 2009, Juris-Data n°2009-000549) un arrêt concernant une affaire dans laquelle le franchisé reprochait à la centrale d’achat du réseau – qui était en l’espèce une personne morale distincte du franchiseur – d’avoir abusé de sa situation dominante et de lui avoir imposé des conditions « manifestement dérogatoires aux conditions générales de vente » (Rappelons que cette notion, qui figurait à l’article L. 442-6 du code de commerce dans son ancienne rédaction, a été supprimée par la loi n°2008/776 de modernisation de l’économie, du 4 août 2008, et remplacée par la notion de « conditions manifestement abusives »), en soumettant la livraison des produits à leur paiement quinze jours à l’avance. La Cour a écarté ce raisonnement, en constatant que la convention passée entre la centrale d’achat et le franchisé contenait des stipulations relatives aux modalités de paiement qui n’avaient pas été respectées par le franchisé, et qu’en conséquence la centrale s’était uniquement « bornée à tirer les conséquences de la répétition d’impayés ». Aucune faute n’ayant été commise par la centrale d’achat, les demandes formées à l’encontre du franchiseur sur le fondement de la participation de ce dernier aux agissements de la centrale sont également rejetées.

5. L’obligation d’exclusivité territoriale

Six décisions commentées : T. com. Troyes, 22 juin 2009 (RG n°2009/000491, inédit) ; Cass. civ. 2, 19 nov. 2008 (pourvoi n°08-11.646, inédit) ; CA Paris, 6 novembre 2008 (Juris-Data n°2008-375289) ; CA Paris, 24 septembre 2008 (Juris-Data n°2008-374079) ; CA Toulouse, 2 juillet 2008 (RG n°08/01759, inédit) ; CA Paris, 4 juin 2008 (RG n°06/10329, inédit)

122.  La clause d’exclusivité territoriale ne relève pas de l’essence du contrat de franchise (V. pour une hypothèse dans laquelle l’existence de l’exclusivité territoriale a fait l’objet de débats, portant en premier lieu sur la poursuite du contrat lui-même, T. Com. Troyes, 22 juin 2009, RG n°2009/000491, inédit (le tribunal sursoit à statuer dans l’attente de la décision à venir au fond sur la question de la poursuite du contrat)) ; elle y est néanmoins extrêmement fréquente, et suscite une jurisprudence nourrie.

Ce type de clause interdit au franchiseur de fournir certaines prestations définies par le contrat dans une zone territoriale contractuellement définie. Le franchisé bénéficie ainsi de la garantie d’avoir le monopole des prestations visées dans la zone de chalandise s’étendant autour de son établissement.

On distingue essentiellement trois types d’exclusivité en matière de franchise, chacun contenant autant de variations que le permet l’imagination des parties, et pouvant être combiné avec l’un des autres (CA Toulouse, 2 juillet 2008, RG n°08/01759, inédit) : l’exclusivité de fournitures, par laquelle le franchisé est le seul à être approvisionné par le franchiseur dans le territoire délimité ; l’exclusivité de franchise, qui interdit au franchiseur d’implanter un autre magasin franchisé dans le territoire exclusif ; et enfin l’exclusivité d’enseigne, par laquelle le franchiseur s’interdit d’implanter un autre magasin – franchise ou succursale, par exemple – portant l’enseigne objet du contrat dans la zone concédée.

Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 24 septembre 2008, Juris-Data n°2008-374079 ; RG n°06/04334) illustre très clairement la distinction qui s’opère entre les différentes sortes d’exclusivités territoriales, et des conséquences de cette distinction. En l’espèce, la clause litigieuse interdisait au franchiseur de « commercialiser les produits griffés à [sa] marque (…) sur le territoire donné en exclusivité à tout autre que le franchisé ». Or, le franchisé prouvait que d’autres boutiques, implantées sur sa zone d’exclusivité, commercialisaient des produits revêtus de la marque du franchiseur. Ce dernier tentait d’échapper à sa responsabilité en soutenant que l’exclusivité consentie n’était qu’une exclusivité de franchise ; sans surprise, cette argumentation a été fermement rejetée par la cour.

Le type de l’exclusivité consentie au franchisé, s’il correspond en général à l’un des trois cas de figure précités, peut être différent, selon ce qui est désiré par les parties.

Ainsi, dans une affaire tranchée par la Cour d’appel de Dijon (CA Dijon, 10 mars 2009, Juris-Data n°2009-376068), la seule exclusivité dont disposait le franchisé était une exclusivité sur ses clients, à l’exclusion de toute exclusivité territoriale à proprement parler. Toutefois, le franchiseur s’engageait par ailleurs, au sein du contrat, à avertir le franchisé en cas d’implantation d’un nouveau franchisé au sein du même département, et à lui consentir un droit de préemption.

123.  La violation de l’obligation d’exclusivité territoriale entraîne, selon qu’elle soit bénigne et occasionnelle ou au contraire grave ou répétée, la réparation du préjudice ou la résiliation du contrat, l’une n’étant pas exclusive de l’autre. Un arrêt précité (CA Paris, 24 septembre 2008, Juris-Data n°2008-74079) fournit un exemple de violation d’une clause d’exclusivité de fourniture entraînant, de part son ampleur, la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur, en raison du nombre d’infractions constatées (six magasins situés dans la zone d’exclusivité commercialisaient les produits portant la marque du franchiseur), de l’importance  et de la nature des produits concernés (plusieurs dizaines de références) et de la durée de ces violations (de un à plusieurs mois).

124.  Les conséquences des distinctions entre les différentes exclusivités consenties par un franchiseur à l’un de ses franchisés se manifestent logiquement dans la sanction de leurs violations.

Ainsi, dans un affaire où les relations des parties étaient régies par un contrat contenant à la fois une exclusivité de distribution des produits portant la marque du franchiseur et une exclusivité d’enseigne, la Cour d’appel de Toulouse (CA Toulouse, 2 juillet 2008, RG n°08/01759, inédit) a condamné le franchiseur à payer des sommes correspondant à la liquidation de deux astreintes : la première relative à la violation de l’exclusivité de distribution de produits, et la seconde relative à la violation de l’exclusivité de d’enseigne.

125.  La responsabilité du franchiseur n’est pas engagée automatiquement du seul fait de la constatation de la commercialisation des produits portant la marque du franchiseur par des commerces situés dans la zone d’exclusivité.

Ainsi, dans une affaire dont les faits  présentaient des ressemblances avec une affaire précitée (CA Paris, 24 septembre 2008, Juris-Data n°2008-374079 ; RG n°06/04334) – le franchisé, qui bénéficiait d’une exclusivité de fourniture, se plaignait de la commercialisation de produits portant la marque du franchiseur par une solderie située sur son territoire d’exclusivité – la Cour d’appel de Paris a rejeté les demandes du franchisé.

En effet, ce dernier ne rapportait pas la preuve que le franchiseur avait approvisionné le concurrent.

En outre, la Cour relevait qu’il ne pouvait être reproché au franchiseur de n’avoir intenté aucune action à l’encontre dudit concurrent, le franchiseur ayant appris l’existence des agissements incriminés seulement quatre jours avant l’adoption du plan de cession ayant entraîné la résiliation du contrat de franchise.

126.  Outre la nature de l’exclusivité consentie, la clause d’exclusivité territoriale doit préciser les contours de la zone pour laquelle cette exclusivité est accordée, afin d’éviter toute ambigüité quant à l’étendue de l’obligation de ne pas faire imposée au franchiseur. La Cour de cassation a ainsi approuvé une cour d’appel d’avoir ordonné sous astreinte au franchiseur de cesser de livrer des marchandises à des tiers situés à proximité de Toulouse, après avoir constaté que « les termes « Toulouse et agglomération » sont usuellement compris comme l’ensemble des communes constituant la zone économique autour de Toulouse » (Cass. civ. 2ème, 19 novembre 2008, pourvoi n°08-11.646, inédit).

127.  Ne relevant pas de l’essence du contrat de franchise, la clause d’exclusivité territoriale doit être expressément stipulée dans le contrat, sauf à laisser au franchiseur toute liberté de concéder des franchises à des commerçants s’installant à proximité immédiate du franchisé.

Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris en matière de coopérative (CA Paris, 4 juin 2008, RG n°06/10329, inédit) – système qui, pas plus que la franchise, n’implique une exclusivité territoriale – vient néanmoins nuancer ce tableau, dans une hypothèse très particulière.

Un associé de la société coopérative exploitait un établissement situé au premier étage d’un immeuble. Postérieurement à l’entrée de l’associé dans ladite société, celle-ci avait agréé un nouvel associé, qui exerçait la même activité au rez-de-chaussée du même immeuble. Les deux associés – concurrents entre eux – se trouvaient ainsi exercer la même activité, sous la même enseigne et dans des locaux situés l’un au-dessus de l’autre.

Les statuts de la société coopérative ne faisaient pas bénéficier ses membres d’une exclusivité territoriale.

Néanmoins, la Cour considère que le premier associé pouvait au moins prétendre au droit d’être le seul adhérent à l’adresse considérée et qu’il pouvait donc reprocher à la société coopérative d’avoir admis son concurrent, la société coopérative « ayant, en effet, l’obligation d’organiser de manière rationnelle le réseau en évitant que deux de ses membres soient placés en situation d’exercer leur activité d’agents immobiliers sous la même enseigne (…), à la même adresse, de sorte que la situation géographique de l’une soit meilleure que celle de l’autre, ce même si leurs raisons sociales sont différentes ».

B. Les obligations du franchisé

128.  L’actualité jurisprudentielle invite à souligner certaines des obligations incombant au franchisé : ses obligations financières (1), celles inhérentes à l’achat et à la vente des biens qu’il commercialise (2), ainsi que celles découlant nécessairement du transfert de savoir-faire (3).

1. Les obligations financières du franchisé

Sept décisions commentées : CA Paris, 18 mars 2009 (Juris-Data n°2009-002274) ; CA Dijon, 10 mars 2009 (Juris-Data n°2009-376068) ; Cass. com., 3 mars 2009 (pourvoi n°07-16.527) ; CA Paris, 22 janvier 2009 (RG n°06/14035, inédit) ; Cass. com., 13 janvier 2009 (pourvoi n°08-12.375, inédit) ; CA Paris, 1er oct. 2008 (Juris-Data n°2008-374080) ; T. com. Paris, 5 juin 2008 (RG n°2007/080944, inédit)

129.  Dans la plupart des hypothèses, le contrat de franchise prévoit l’obligation pour le franchisé de payer au franchiseur :

–                 dès la conclusion du contrat, un droit d’entrée qui, schématiquement, est la contrepartie – comme son nom l’indique – de son entrée dans le réseau, de la transmission du savoir-faire, de l’enseigne, et, le cas échéant de l’exclusivité territoriale ;

–                 tout au long du contrat, des redevances, souvent mensuelles, en contrepartie de l’assistance délivrée et du droit d’usage des signes distinctifs du réseau.

Les obligations financières du franchisé faisant partie des obligations essentielles du contrat de franchise, leur violation est susceptible d’entraîner la résiliation du contrat de franchise aux torts – exclusifs ou partagés – du franchisé (CA Dijon, 10 mars 2009, Juris-Data n°2009-376068 ; CA Paris, 1er octobre 2008, Juris-Data n°2008-374080 ; RG n°06/10492).

De même, en cas de retard par le franchisé dans le paiement de ses redevances, des pénalités peuvent être prévues par le contrat de franchise. Il convient à ce titre de faire état d’un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans lequel il a été jugé que « les pénalités de retard sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être indiquées dans les conditions générales des contrats ». Cet arrêt, rendu au visa de l’article L 441-6 du code de commerce affirme donc l’origine légale des pénalités de retard, qui sont alors exigibles malgré le silence du contrat dans l’hypothèse d’un retard de paiement entre entreprises (Cass. com., 3 mars 2009, pourvoi n°07-16.527).

130.  Les redevances correspondent le plus souvent à un pourcentage du chiffre d’affaires mensuel réalisé par le franchisé ; aussi le contrat de franchise impose-t-il fréquemment au franchisé de déclarer ce chiffre d’affaires selon des modalités qu’il précise. Le non-respect de cette obligation, qui entraîne l’impossibilité pour le franchiseur de calculer le montant de la redevance due, est de nature à entraîner la responsabilité contractuelle du franchisé, ainsi que le souligne un arrêt récent(CA Paris, 18 mars 2009, Juris-Data n°2009-002274 ; RG n°07/01386).

131.  Dans de nombreux cas, l’assiette de la redevance correspond à l’intégralité du chiffre d’affaires réalisé par le franchisé ; néanmoins, cette assiette peut être sujette à interprétation, et il appartient alors au juge de déterminer l’activité dont le chiffre d’affaires doit être pris en compte dans le cadre de son pouvoir d’interprétation des clauses obscures. En l’absence de précision spécifique à cet égard, le juge se fonde sur l’activité objet de la franchise, telle qu’elle est désignée dans le contrat, ainsi que l’a récemment jugé le Tribunal de commerce de Paris(T. Com. Paris, 5 juin 2008, RG n°2007/080944, inédit).

132.  Les redevances peuvent être soumises à une clause de révision ou d’indexation(Cass. com., 13 janvier 2009, pourvoi n°08-12.375, inédit, CA Paris, 22 janvier 2009, RG n°06/14035). Dans ce cas, ainsi que l’illustre un arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 janvier 2009, il convient d’apporter une grande précision à la rédaction de la clause de révision et de définir la périodicité de la révision, la date anniversaire à laquelle elle doit intervenir, et surtout, le mode de calcul de cette révision et l’indice sur lequel elle est fondée. En l’espèce, la cour d’appel avait validé le calcul fait par le franchiseur, en approuvant l’analyse faite par ce dernier quant à la date de la révision, et en considérant que le nouveau taux de la redevance n’était pas autrement contesté. La Cour de cassation casse cet arrêt après avoir constaté que les franchisés « faisaient valoir que [le franchiseur] n’explicitait à aucun moment le mode de calcul et l’indice appliqué ».

133.  En cas de maladresse rédactionnelle, le juge pourra interpréter le contrat selon les principes fixés aux articles 1156 et suivants du code civil.

2. Les obligations inhérentes à l’achat et à la vente des produits commercialisés

134.  Dans le cadre de la commercialisation des produits objets de la franchise, le franchisé peut être obligé de s’approvisionner en tout ou partie auprès du franchiseur (a) ; il reste libre ensuite de fixer ses prix de revente (b).

a) L’obligation relative à l’achat de produits par le franchisé

Cinq décisions commentées : CA Paris, 21 janvier 2009, (RG n°06/11392, inédit) ; CA Paris, 5 novembre 2008 (RG n°07/17215, inédit) ; CA Nancy, 22 oct. 2008 (RG n°00/00865, inédit) ; T. com. Rouen, 29 septembre 2008 (RG n°2006/003843, inédit) ; CA Paris, 24 septembre 2008 (RG n°06/03859, inédit)

135.  Le contrat de franchise peut comprendre une clause d’approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif, dont la méconnaissance par le franchisé justifie la résiliation du contrat (CA Paris, 21 janvier 2009, RG n°06/11392, inédit). En effet, dans la plupart des hypothèses, les clauses d’approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif emportent une obligation ferme à la charge du franchisé de s’approvisionner auprès du ou des fournisseurs désignés, et sont interprétées en ce sens par la jurisprudence. Cette généralité souffre cependant quelques exceptions, où l’obligation imposée par la clause d’approvisionnement est moins ferme (T. Com. Rouen, 29 septembre 2008, RG n°2006/003843, inédit).

136.  La preuve de la violation de l’obligation d’approvisionnement doit être rapportée par le franchiseur. Elle ne peut résulter de seuls courriers adressés par ce dernier au franchisé, ni du silence conservé par le franchisé (CA Paris, 24 septembre 2008, RG n°06/03859, inédit).

Le franchisé est évidemment tenu de régler le prix des marchandises livrées par le franchiseur dans le cadre des contrats de vente conclus avec le franchiseur en exécution des stipulations du contrat de franchise (CA Paris, 21 janvier 2009, RG n°06/11392, inédit ; CA Paris, 7 janvier 2009, RG n°06/13301, inédit), quand bien même le franchiseur ne l’aurait-il pas relancé pour obtenir ce paiement (CA Paris, 5 novembre 2008, RG n°07/17215, inédit).

137.  Les clauses d’approvisionnement (exclusif ou quasi-exclusif) sont fréquentes dans les contrats de franchise ; il n’existe pas en droit communautaire de texte interdisant, par principe, la clause d’exclusivité d’approvisionnement ; le droit français, quant à lui, s’est contenté d’organiser l’information précontractuelle du débiteur de l’obligation (C. com., art. L. 330-3) et de limiter sa durée à dix ans (C. com., art. L. 330 -1 et L. 330-2). Le droit communautaire puis les autorités nationales ont toutefois décidé d’en limiter la portée, la clause d’exclusivité constituant une entrave au libre jeu de la concurrence.

L’arrêt Pronuptia rendu par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE, 28 janvier 1986, Pronuptia de Paris MmbH c/ Pronuptia de Paris Irmgard Schillgalis, aff. 161/84 : « grâce au contrôle exercé par le franchiseur sur l’assortiment offert par le franchisé, le public pourra trouver auprès de chaque franchisé des marchandises de même qualité. Il peut être impraticable dans certains cas, comme dans le domaine des articles de mode, de formuler des spécifications objectives. Veiller au respect de ces spécifications peut également, en raison du grand nombre de franchisés, entraîner un coût trop élevé. Une clause prescrivant au franchisé de ne vendre que des produits provenant du franchiseur ou de fournisseurs sélectionnés par lui doit être considérée comme nécessaire à la protection de la réputation du réseau ») a ainsi initié ce contrôle. Cette solution a été reprise dans une large mesure par le règlement n°4087/88 du 30 novembre 1988 (L’article 3.1 dudit règlement énonçait que les obligations de « vendre ou utiliser dans le cadre de la prestation de services, des produits fabriqués seulement par le franchiseur ou par des tiers désignés par lui, lorsqu’il n’est pas possible en pratique, en raison de la nature des produits qui font l’objet de la franchise, d’appliquer des spécifications objectives de qualité » ne font pas obstacle à l’exemption prévue par l’article 1 du règlement, « dans la mesure où elles sont nécessaires pour protéger les droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour maintenir l’identité commune et la réputation du réseau franchisé ». Pour une étude sur cet article, v. J.-E. Cockborne, Les accords de franchise au regard du droit communautaire de la concurrence, R.T.D. eur., avril-juin 1989, pp. 181 s., spéc. pp. 206-209). Ultérieurement, le Conseil de la concurrence et les juridictions françaises, à la suite de l’arrêt Phildar (Cass. com., Phildar, 10 janvier 1995, pourvoi n°92-17.892 ; Les Petites Affiches, 5 mai 1995 n°54, p. 13, comm. O. Gast ; v. également sur cet arrêt Y. Marot, Franchise et approvisionnements exclusifs, Gaz. Pal. 1995 pp. 1088 s.) s’inspirant de la jurisprudence et du droit dérivé communautaires, ont dégagé essentiellement deux critères permettant d’apprécier la validité d’une clause d’approvisionnement exclusif (Dans certains cas, la licéité de la clause d’approvisionnement exclusif a cependant pu être déduite de l’avantage concurrentiel qu’elle procurait aux franchisés (Cons. conc., 11 avril 2000, déc. n°00-D-10)).

Le premier porte sur le caractère indispensable de la clause au regard de la réitération du concept du franchiseur et de la bonne mise en œuvre du savoir-faire, lesquelles sont nécessaires au maintien et à la préservation de l’identité commune et de la réputation du réseau (Il a pu être admis qu’en raison de la gamme étendue des marchandises proposées ainsi que de l’évolution constante des techniques de fabrication de celles-ci, la formulation des spécifications objectives de qualité que les franchisés pourraient eux-mêmes appliquer s’est révélée impraticable de même que la mise en place d’un contrôle effectif organisé auprès de chacun des points de vente du réseau. En conséquence, la clause d’approvisionnement exclusif a été regardée, eu égard au domaine d’activité considéré et à la nature des produits distribués, comme indispensable à la préservation de l’identité du réseau de franchise ainsi qu’à l’homogénéité de l’image de marque de celui-ci (Cass. com., 6 avril 1999, Juris-Data n°1999-001597 ; Cons. conc., 24 mai 1994, déc. n°94-D-31)).

Le second exige une impossibilité pratique, en raison de la nature des produits qui font l’objet de la franchise, de définir et d’appliquer des spécifications de qualité objectives suffisamment précises (Le Conseil de la concurrence, dans sa décision du 28 mai 1996, s’est prononcé sur la conformité de la clause au regard de l’article 7 de l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986, devenu l’article L. 420-1 du Code de commerce : « Un franchiseur n’est en droit d’imposer aux franchisés de s’approvisionner exclusivement auprès de sa société ou auprès des fournisseurs qu’il aura référencés qu’autant qu’il est prouvé qu’il n’est pas possible en pratique, en raison de la nature des produits qui font l’objet de la franchise, d’appliquer des spécifications de qualité objective ». En l’espèce, le franchiseur avait imposé aux franchisés de se fournir auprès de ses fournisseurs pour des caisses enregistreuses, des imprimantes d’ordinateurs et des cadeaux publicitaires. Cette clause, considérée comme trop limitative de la liberté de la concurrence, a été jugée contraire à l’article 7 de l’ordonnance. En effet, pour le Conseil, « l’obligation pour les franchisés qui souhaitent ou sont tenus de procéder à l’achat de tels produits, de s’adresser aux seules entreprises désignées par le franchiseur a pu avoir pour effet de limiter la liberté commerciale des franchisés au-delà de ce qui était nécessaire au maintien de l’identité commune du réseau et de restreindre la concurrence que pouvaient se faire les franchisés situés sur là même zone de chalandise, en limitant leurs sources d’approvisionnement et les conditions de celui-ci. Par ailleurs, cette obligation a pu avoir pour effet de limiter la concurrence sur les marchés de ces produits » (Cons. conc., 28 mai 1996, déc. n°96-D-38)) ou bien d’assurer le contrôle de ces spécifications en raison, par exemple, du nombre important de références, de l’importance du réseau, de la fréquence du renouvellement des produits, et du coût élevé que représenterait pour le franchiseur un tel contrôle.

Le règlement de 1988, duquel est inspirée la jurisprudence actuelle, a été remplacé par le règlement n°2790/99 du 22 décembre 1999, dont les dispositions sont éclairées par les lignes directrices issues de la Commission (Lignes directrices sur les restrictions verticales, JOCE Communication de la Commission n°C-291 du 13 octobre 2000). Selon les dispositions combinées de ces textes, les clauses d’approvisionnement quais-exclusif ou exclusif entrant dans le champ d’application du droit communautaire de la concurrence sont exemptées si elles sont inférieures à 80 % et/ou prévues pour une durée inférieure à cinq ans, et, si elles ne remplissent aucune de ces deux conditions, lorsqu’elles sont nécessaires au maintien de l’identité du réseau.

Il entrerait dans la logique de la politique actuelle de l’Autorité de la concurrence – qui, suivant en cela son prédécesseur, le Conseil de la concurrence (V. not. Cons. conc., 21 juillet 2006, décembre n°06-D-22), s’inspire ouvertement du droit communautaire (Aut. Conc., 30 juin 2009, décembre n°09-D-23) lorsqu’elle est appelée à statuer sur le fondement du droit de la concurrence interne – d’adopter le raisonnement communautaire dans le cadre de l’application du droit interne.

Cependant, les juridictions internes semblent poursuivre l’application des critères classiques inspirés du règlement de 1988. Aussi, les franchisés continuent d’invoquer, notamment, l’absence de caractère indispensable de la clause pour la mise en œuvre du savoir-faire. Par exemple, dans une affaire tranchée par la Cour d’appel de Paris au début de l’année 2009 (CA Paris, 21 janvier 2009, RG n°06/11392, inédit), le franchisé contestait la validité de la clause d’approvisionnement exclusif en soutenant que le savoir-faire du franchiseur n’était pas suffisamment abouti. En toute logique, cet argument n’a pas prospéré, la cour d’appel ayant constaté l’existence du savoir-faire.

138.  Les clauses d’approvisionnements prévues dans les contrats de franchise ne s’analysent pas systématiquement en une obligation d’approvisionnement ferme. La Cour d’appel de Nancy (CA Nancy, 22 octobre 2008, RG n°00/00865, inédit) a ainsi pu considérer qu’une clause imposant au franchisé de s’approvisionner en priorité auprès du franchiseur tout en lui offrant la possibilité de s’approvisionner auprès d’autres fournisseurs, dès lors qu’il était en mesure de démontrer que ces approvisionnements lui permettaient de pratiquer une politique nécessaire à la spécificité de son point de vente, préservait suffisamment la liberté d’approvisionnement du franchisé.

b) Les obligations inhérentes à la vente

α) La prohibition des prix imposés

Deux décisions commentées : Aut. Conc., 30 juin 2009 (décembre n°09-D-23) ; CA Paris, 7 janvier 2009 (RG n°06/13301, inédit)

139.  L’indépendance du franchisé se manifeste notamment par la libre détermination de sa marge bénéficiaire et de ses prix de vente.

140.  Si le franchiseur peut conseiller un prix, il ne peut en revanche mettre en œuvre une politique de « prix imposés » fixes ou minima. Outre le fait qu’elle heurte l’exigence d’indépendance du franchisé et peut donner lieu à l’application des articles L. 7321-1 et suivants du code du travail, une telle pratique est contraire aux droits national (C. com., art. L. 420-1) et communautaire (Article 81 § 1 du Traité CE) de la concurrence. Précisons que si les prix minima imposés et les prix fixes imposés sont interdits, en revanche, les prix maxima imposés sont tolérés.

S’il entend remettre en cause les dispositions du contrat de franchise ou le contrat dans son ensemble, le franchisé doit rapporter la preuve que le franchiseur lui impose ses prix. Pour déterminer si le prix est imposé ou non, le Conseil de la concurrence (Cons. conc., 28 mai 1996, décembre n°96-D-38 ; Cons. conc., 24 septembre 2001, décembre n°2001-D-58), désormais remplacé par l’Autorité de la concurrence, et les juridictions nationales (CA Lyon, 12 juillet 2005, Juris-Data n°2005-292526) examinent les stipulations du contrat de franchise (α) et le comportement adopté par les parties lors de son exécution (β).

i) Les stipulations contractuelles

141.  L’obligation de pratiquer le prix déterminé par le franchiseur peut découler explicitement ou implicitement des termes du contrat.

La Cour d’appel de Paris a eu à connaître d’une affaire dans laquelle le franchisé soutenait que le contrat lui imposait implicitement de pratiquer les prix indiqués par le franchiseur (CA Paris, 7 janvier 2009, RG n°06/13301, inédit).

En l’espèce, le contrat contenait une clause conforme aux exigences légales rédigée comme suit : « le partenaire, commerçant indépendant, pourra déterminer librement ses prix de vente, et facturera lui-même ses produits au consommateur, les prix de vente [indiqués par le franchiseur] étant des prix conseillés simplement indicatifs ». Néanmoins, la clause suivante imposait au franchisé l’obligation d’informer préalablement le franchiseur lorsqu’il envisageait de pratiquer des prix différents ou de réaliser des promotions, ce qui avait pour effet, selon le franchisé, de nier la liberté affirmée par la première clause.

Néanmoins, la Cour d’appel de Paris ne suit pas ce raisonnement : la simple obligation d’informer imposée par le contrat ne permet pas au franchiseur d’intervenir sur les prix pratiqués par le franchisé, et est donc licite.

142.  L’Autorité de la concurrence a quant à elle eu à connaître d’une clause imposant une uniformité des prix au sein du réseau (Aut. Conc., 30 juin 2009, déc. n°09-D-23), insérée dans un contrat sui generis proche, semble-t-il, du contrat de commission-affiliation (Même si l’objet des poursuites était l’entente sur les prix, le raisonnement tenu par l’Autorité de la concurrence cité dans ce paragraphe et les suivants n’intervient pas dans le cadre de l’appréciation de l’existence des prix imposés eux-mêmes, mais de l’existence de deux entités commerciales distinctes, qui constitue l’une des conditions nécessaires pour qu’une entente puisse être constatée. Aussi, les discussions relatives aux prix de vente faisant l’objet du présent commentaire s’inscrivent dans le cadre de la recherche des critères de l’indépendance du distributeur vis-à-vis de la tête de réseau, et non de l’imposition du prix). La clause prévoyait en effet que le distributeur « pourrait gérer la vente des produits aux prix et aux conditions (…) établis conjointement entre le distributeur et [la tête de réseau], afin de maintenir la commercialisation uniforme des produits dans tout le réseau des établissements du territoire national concerné en respectant les marges accordées ».

ii) Le comportement des parties lors de l’exécution du contrat

143.  Lorsque le contrat de franchise n’impose pas au franchisé, directement ou indirectement, de suivre une politique de prix, les juridictions du fond s’attachent néanmoins à examiner le comportement des parties pendant l’exécution du contrat. La Cour de justice des Communautés européennes se livre à la même analyse (CJCE, 13 juillet 2006, aff. C-74/04 P).

144.  Les décisions antérieures ont fourni plusieurs exemples de pratiques permettant de caractériser la pratique des prix imposés. Cette jurisprudence est alimentée essentiellement par trois types de pratiques : le pré-enregistrement des prix sur les caisses enregistreuses, le pré-étiquetage des produits par le franchiseur et les campagnes publicitaires indiquant le prix des produits dont la réclame est faite. Dans chaque espèce, les juridictions vérifient in concreto que le franchisé a la possibilité de s’affranchir des prix indiqués par le franchiseur, à un coût qui ne paraît pas excessif.

L’arrêt précité de la Cour d’appel de Paris(CA Paris, 7 janvier 2009, RG n°06/13301, inédit) concerne la pratique du pré-étiquetage. En l’espèce, la cour considère que la liberté du franchisé est suffisamment préservée, notamment sur la foi de deux attestations. La première émanait du prestataire informatique qui indiquait que les franchisés pouvaient imprimer leurs propres étiquettes et effectuer des remises en caisse ; la seconde émanait d’un franchisé qui pratiquait des prix autres que ceux préconisés par le franchiseur.

145.           L’affaire tranchée par l’Autorité de la concurrence citée ci-dessus(Aut. Conc., 30 juin 2009, décembre n°09-D-23) concernait également pour partie le pré-étiquetage. Dans cette affaire, l’Autorité considère que le pré-étiquetage matérialise l’uniformité imposée par le contrat lui-même.

La tête de réseau prétendait cependant démontrer que le distributeur était libre de pratiquer un prix inférieur à celui indiqué en produisant un tableau faisant apparaître, pour certains établissements, un différentiel entre le chiffre d’affaires qui aurait résulté de l’application des prix recommandés et le chiffre d’affaires effectivement réalisé. Cette argumentation n’a pas convaincu l’Autorité de la concurrence, qui a relevé notamment que les écarts étaient constatés uniquement au sein de quatre magasins et étaient de surcroît modestes (situés entre 0 et 3 %, ce dernier écart étant exceptionnel).

β) Les obligations relatives à la vente sur Internet

Une décision commentée : CA Paris, 21 janvier 2009 (RG n°06/11392, inédit)

146.           Le franchisé peut être tenté par l’idée d’ouvrir un site Internet marchand ou simplement publicitaire. Cependant, un tel site peut entrer en conflit avec les intérêts du franchiseur, des autres franchisés ou du réseau, notamment en matière de préservation de l’image de l’enseigne. S’il est admis que le franchiseur puisse imposer au franchisé une charte graphique pour son site Internet, afin de préserver, dans la mesure du possible, l’image du réseau, en revanche, le droit de la concurrence s’oppose en principe aux interdictions et limitations relatives à l’exploitation d’un site Internet par le franchisé.

S’agissant du droit communautaire, il ressort des lignes directrices(Lignes directrices sur les restrictions verticales, JOCE Communication de la Commission n°C-291 du 13 octobre 2000, p. 1-44, point n°51) que le franchiseur peut interdire au franchisé d’effectuer par Internet des ventes actives vers les territoires protégés d’autres franchisés, une vente active consistant alors en « un message non sollicité, transmis par courrier électronique à des clients individuels ou à un groupe de clientèle déterminé » ou encore un site spécialement conçu pour viser en premier lieu une clientèle déterminée « par exemple en utilisant des bandeaux publicitaires ou des liens dans les pages de fournisseurs d’accès visant spécifiquement la clientèle concédée ». Par ailleurs, le franchiseur peut interdire au franchisé de vendre les produits sur Internet, si cette interdiction est objectivement justifiée ; cette hypothèse étant très strictement limitée. On évoquera ici le projet de règlement communautaire devant remplacer le règlement n°2790/1999 du 22 décembre 1999 pour préciser que celui inclut, dans ladéfinition de l’obligation d’approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif, les interdictions de vendre des biens ou services par Internet, dès lors que l’interdiction a pour effet d’obliger le franchisé à limiter ses achats de biens ou services concurrents à moins de 20% du total de ses achats. Cette modification, sans constituer un apport majeur de la réforme,apporte une précision utile quant à l’applicabilité du régime instauré par le règlement n°2790/1999 aux vendeurs par Internet.

En revanche, le franchiseur ne peut interdire à son franchisé l’utilisation d’Internet, ni, à l’exception des cas – très strictement appréciés – où cette interdiction est objectivement justifiée, lui interdire de réaliser des ventes passives(Selon les points n°50 et 51 des lignes directrices précitées, la vente passive sur Internet correspond à « toute publicité ou action de promotion générale (…) qui atteint des clients établis sur les territoires exclusifs d’autres distributeurs (…) mais qui est un moyen raisonnable d’atteindre des clients situés en dehors de ces territoires, par exemple pour toucher des clients situés sur des territoires non exclusifs ou sur son propre territoire », étant précisé que « si un client visite sur internet le site d’un distributeur et prend contact avec ce dernier et si ce contact débouche sur une vente, et aussi une livraison, il s’agit là d’une vente passive ») sur Internet. En tout état de cause, le franchiseur ne peut se réserver la vente ou la publicité sur Internet ; cette solution ne peut être qu’approuvée : si l’interdiction de la vente sur internet est objectivement justifiée, elle s’impose également au franchiseur. En droit interne, le Conseil de la concurrence s’est montré favorable à l’application d’un régime similaire(Cons. conc., déc. n°06-D-28, 5 octobre 2006, § 32).

Afin de pallier les inconvénients découlant des restrictions imposées par le droit de la concurrence, dont notamment le fait que des sites disparates risquent de proliférer, alors qu’un contrôle efficace est matériellement difficile, certains auteurs ont proposé l’analyse suivante : si les lignes directrices font obstacle à ce que le fournisseur interdise aux distributeurs d’utiliser Internet, elles n’imposent pas – en tous cas pas expressément – que l’accès à Internet laissé au distributeur soit individuel. Aussi, il serait possible au franchiseur de créer un site Internet commun à l’ensemble du réseau, à l’exploitation duquel tous les franchisés seraient intéressés(V. sur ce point S. Alma-Delettre, Cyberdistribution. Réseaux de distribution sur Internet et droit de la concurrence. – Mise en place de la distribution en ligne. – Protection des réseaux de distribution contre les revendeurs parallèles sur Internet, J.-Cl. Commercial, Fasc. 815, 2006 § 38). La solution était séduisante, mais non sans danger, dans la mesure où il n’était pas certain qu’elle soit bien accueillie par les juridictions, la question de la validité d’une clause interdisant au franchisé d’avoir accès à Internet autrement que par le site officiel du réseau n’ayant jusqu’à récemment, à notre connaissance, jamais donné lieu à une décision.

Or, un pas semble avoir été fait en ce sens, s’agissant des juges du fond, au début de l’année 2009(CA Paris, 21 janvier 2009, RG n°06/11392).

La Cour d’appel de Paris était saisie d’une affaire dans laquelle le franchisé, auquel il était reproché d’avoir créé un site Internet de vente, malgré l’interdiction qui lui en était faite par le contrat de franchise, tentait d’échapper à sa responsabilité en soutenant que le site commun au réseau était verrouillé par le franchiseur.

Son argumentation n’a pas été accueillie par la cour, n’étant étayée d’aucune preuve. Certes, il ressort des termes de l’arrêt que le franchisé semblait ne pas contester par principe la validité de l’interdiction qui lui serait faite d’exploiter un site Internet propre, à condition qu’il ait accès à un site exploité en commun par tout le réseau. Il n’est donc pas certain que la question de la validité de ce système ait été posée à la cour. Néanmoins, celle-ci montre une faveur certaine envers celui-ci, non seulement en rejetant l’argumentation du franchisé tendant à voir déclarer non-écrite la clause litigieuse, mais encore en faisant peser sur le franchisé la charge de la preuve du fait que le site présenté comme commun bénéficie au seul franchiseur.

3. Les obligations inhérentes à la transmission du savoir-faire

147.  La transmission de son savoir-faire par le franchiseur emporte en contrepartie l’obligation pour le franchisé de respecter le concept (a) et l’obligation de non-concurrence (b).

a) Le respect du concept

Trois décisions commentées : CA Paris, 18 mars 2009 (Juris-Data n°2009-002274) ; CA Nancy, 22 oct. 2008 (RG n°00/00865, inédit) ; T. com. Rouen, 29 septembre 2008 (RG n°2006/003843, inédit)

148.  L’exploitation par le franchisé du savoir-faire du franchiseur est la finalité première du contrat de franchise ; il s’agit naturellement, au même titre que la transmission du savoir-faire par le franchiseur, d’une obligation essentielle du contrat. Aussi, lorsque le concept impose l’exploitation d’un établissement, le franchisé commet une faute justifiant la résiliation du contrat à ses torts en se contentant d’exercer une activité de livraison à domicile(CA Paris, 18 mars 2009, Juris-Data n°2009-002274 ; RG n°07/01386). De même, commet une faute contractuelle le franchisé qui ne respecte pas les normes de nomenclature comptable de gestion du réseau(CA Nancy, 22 octobre 2008, RG n°00/00865, inédit).

149.  Néanmoins, sauf clause contraire du contrat de franchise, la résiliation du contrat aux torts du franchisé implique la preuve que la violation du concept par ce dernier revêt une certaine gravité(T. Com. Rouen, 29 septembre 2008, RG n°2006/003843, inédit).

b) L’obligation de non-concurrence durant l’exécution du contrat

Une décision commentée : CA Paris, 6 juin 2008 (RG n°07/03323, inédit)

150.  Le contrat de franchise renferme souvent une obligation de non-concurrence applicable pendant la durée du contrat et destinée à protéger le savoir-faire.  La violation de cette obligation par le franchisé engage sa responsabilité contractuelle.

Une telle clause n’est cependant pas systématiquement stipulée. Or, selon une partie de la doctrine(Ph. Le Tourneau, Les contrats de franchisage, Litec, 2ème éd., 2007, n°232), l’obligation de non-concurrence pendant l’exécution du contrat de franchise existe nonobstant l’absence de clause expresse en ce sens, et découle de l’obligation générale de bonne foi.

Sans consacrer expressément cette théorie, la Cour d’appel de Paris a néanmoins rendu une décision (CA Paris, 6 juin 2008, RG n°07/03323, inédit) constatant l’existence d’une obligation de non-concurrence à la charge du franchisé alors que le contrat de franchise ne contenait pas de clause en ce sens, en déduisant ladite obligation de l’existence d’une exclusivité territoriale. En l’espèce, le gérant de la société franchisée était devenu associé d’une société qui avait ouvert un établissement concurrent sur le territoire exclusif. La Cour considère que « si (…) le tribunal a exactement relevé qu’il n[’]était pas interdit [à la société franchisée], par l’effet du contrat de franchise, d’ouvrir une nouvelle agence immobilière dans le périmètre du secteur concerné, il n’en reste pas moins que compte tenu de l’exclusivité contractuellement stipulée dans ce même contrat relativement à l’implantation de [l’enseigne] sur ce territoire, la société [franchisée] n’était pas en droit de déployer une activité secondaire concurrente de la première , au détriment de l’agence [franchisée] ». La formulation utilisée est contestable dès lors que seul le gérant de la société franchisée a une participation dans la nouvelle société exploitant dans la zone d’exclusivité et non pas la société franchisée elle-même.

Selon la cour, la violation de cette obligation, de même que l’utilisation faite par le franchisé de la publicité du réseau pour l’agence concurrente, légitime la résiliation unilatérale effectuée par le franchiseur.

On observe ainsi, d’une part, que l’obligation de non-concurrence mise à la charge du franchisé est déduite par la Cour d’appel de Paris de l’existence, au profit dudit franchisé, d’une exclusivité territoriale, et, d’autre part, que la violation de cette obligation justifie la résiliation du contrat alors même qu’elle n’aurait pas été commise directement par la société franchisée, mais indirectement, par l’intermédiaire de son gérant.

3. L’obligation de bonne foi contractuelle

Une décision commentée : CA Paris, 24 septembre 2008 (Juris-Data n°2008-374047)

151.  L’obligation de bonne foi contractuelle, principe fondamental du droit des contrats découlant de l’article 1134 du code civil, prend une teinte particulière en matière de contrat de franchise, considéré comme l’un des exemples types des contrats de collaboration. Ainsi, comme indiqué précédemment, il semble ressortir de l’exigence de bonne foi que l’obligation de non-concurrence durant l’exécution du contrat doive s’imposer au franchisé même en l’absence d’une clause expresse en ce sens.

Il n’est pas rare que l’intensité particulière de la loyauté contractuelle en matière de contrat de franchise soit soulignée par les juridictions ; un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 24 septembre 2008 (CA Paris, 24 septembre 2008, Juris-Data n°2008-374047 ; RG n° 06/04420) en est un exemple. En l’espèce, le franchisé avait diffusé par e-mail au sein du réseau une enquête parue dans la presse et relative aux risques de la franchise, informé l’ensemble du réseau du contentieux l’opposant au franchiseur et transmis dans ce cadre à tous ses co-franchisés les messages virulents qu’il avait adressés au franchiseur. La cour considère « qu’un tel comportement (…) révèle un manquement direct à l’obligation de loyauté contractuelle, celle-ci prenant un relief particulier entre les parties à un contrat de franchise » et justifie non seulement l’allocation de dommages intérêts, mais également la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchisé, cette violation du devoir de loyauté excluant « toute possibilité de poursuite, dans la confiance exigée pour sa pleine mise en œuvre », du contrat de franchise.

II. Les relations avec les tiers

152.  L’exercice de l’activité commerciale en franchise implique, comme toute activité commerciale, des interactions avec certains tiers, tels que les établissements dispensateurs de crédit, le bailleur commercial, la clientèle. A cette liste s’ajoutent certains rapports plus spécifiques de la distribution, tels que ceux relatifs à la défense des signes distinctifs ou au respect de la clause de non-réaffiliation(V. également CE, 17 décembre 2008, n°304524, pour un cas où les conflits existant entre le franchiseur et le franchisé d’une chaîne radiophonique, mettant en péril la survie du contrat de franchise, ont pu légitimement conduire le conseil supérieur de l’audiovisuel à rejeter la candidature du franchisé à l’exploitation d’un service de radiophonie sonore par voie hertzienne, au motif que le financement et les perspectives d’exploitation du service étaient incertains).

Il convient de distinguer la responsabilité des tiers à l’égard des parties (A) de celle des parties à l’égard des tiers (B).

A. La responsabilité des tiers à l’égard des parties

1. La responsabilité du dirigeant de la société franchisée en tant que caution

Une décision commentée : CA Nîmes, 19 juin 2008 (RG n°06/4867, inédit)

153.  Plusieurs obligations de nature financière pesant sur le franchisé – paiement du droit d’entrée, des redevances, de la participation à la publicité nationale, des marchandises – le franchiseur exige généralement la fourniture de garanties de paiement.

Parmi les différentes garanties pouvant être ainsi exigées, le cautionnement fourni par le ou les dirigeants de la société franchisée tient une place importante compte tenu de sa fréquence. Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Nîmes(CA Nîmes, 19 juin 2008, RG n°06/4867, inédit) offre une illustration des défenses parfois opposées par les cautions aux franchiseurs recherchant leur responsabilité. En l’espèce, un couple avait acquis les parts sociales d’une société franchisée subissant déjà des difficultés importantes, puis avait consenti au franchiseur, également fournisseur principal, plusieurs cautionnements solidaires. La société franchisée ayant été mise en liquidation judiciaire, le franchiseur poursuivait les cautions. Celles-ci lui opposaient la nullité des actes de cautionnement et recherchaient sa responsabilité.

Les moyens des cautions n’ont pas été accueillis par la cour.

154.  La Cour d’appel a d’abord rejeté la demande d’annulation fondée sur la violence économique.

S’agissant du premier cautionnement consenti, la Cour a constaté que la violence économique n’était pas prouvée ; les faits tendaient au contraire à démontrer le consentement non contraint de la caution. La cour a relevé à cet égard que les cautions avaient acquis les parts sociales de la société franchisée en pleine connaissance du passif et en a conclu que ces dirigeants étaient « mal venus de se plaindre de leur situation à l’égard [du franchiseur], si leur évaluation de la rentabilité commerciale future [des] magasins n’a pas ensuite correspondu à leurs attentes initiales ».

S’agissant des autres cautionnements, la cour a relevé que la contrainte alléguée n’était pas illégitime. Pour écarter définitivement l’hypothèse de la violence économique, la cour a souligné, d’une part, que les cautions étaient des commerçants expérimentés assistés régulièrement par un avocat et un expert-comptable et, d’autre part, qu’elles n’avaient jamais contesté la qualité de leur consentement avant que leur responsabilité de caution ne soit recherchée par le franchiseur.

155.  La Cour d’appel a également écarté la demande d’annulation des cautionnements fondée sur le dol, aucun des faits invoqués – suspension des livraisons dans l’attente de l’apurement des dettes exigibles et refus d’accorder un nouvel étalement des dettes après le non respect d’un protocole précédent – ne constituant une manœuvre frauduleuse.

156.  Enfin, la cour a rejeté la demande des cautions tendant à obtenir la condamnation du franchiseur à leur payer des dommages-intérêts, pour avoir exigé d’elles un engagement de caution manifestement disproportionné à leurs revenus et à leur patrimoine. Les juges ont en effet relevé que les cautions étaient des professionnels avertis, qu’il n’était pas soutenu que le franchiseur ait disposé, concernant l’opération projetée, d’informations que les cautions elles-mêmes ignoraient et enfin que le créancier n’était pas un organisme financier spécialisé dans l’octroi de prêts mais un commerçant pratiquant de façon occasionnelle le crédit-fournisseur à l’égard de ses franchisés.

2. La responsabilité du tiers, complice de l’inexécution par le franchisé de ses obligations contractuelles

157.           La jurisprudence admet aujourd’hui classiquement que le contrat, qui, en vertu du principe de l’effet relatif des conventions (C. civ., art. 1165), n’impose pas d’obligation contractuelle aux tiers, constitue néanmoins à leur égard un fait juridique(V. par ex. Cass. civ. 3ème, 21 mars 1972, pourvoi n°70-14.131, Bull. civ. III, n°193). En conséquence, le tiers faisant sciemment obstacle à l’exécution du contrat, en se rendant complice de l’inexécution de ce dernier par le débiteur, commet une faute délictuelle qui entraîne sa responsabilité à l’égard de la victime de l’inexécution(V. par ex. Cass. com., 11 octobre 1971, pourvoi n°70-11.892, Bull. civ. IV n°237). Dans le cadre de la franchise, la violation d’une obligation relative à la cession du fonds de commerce, ou encore d’une obligation de non-concurrence ou de non-réaffiliation implique l’intervention d’un tiers, souvent concurrent du franchiseur ; de même, la rupture fautive unilatérale et anticipée du contrat de franchise est généralement effectuée par le franchisé dans le but de s’affilier à un nouveau réseau. Aussi le franchiseur recherche-t-il parfois non-seulement la responsabilité contractuelle du franchisé, mais également la responsabilité délictuelle de son concurrent, devenu cocontractant du franchisé. La jurisprudence a rappelé au cours des derniers mois la consistance de la faute du tiers au contrat (a), les conditions d’existence de la complicité (b) et enfin la charge et les modalités de la preuve de la complicité (c).

a) La consistance de la faute du tiers au contrat

Six décisions commentées : Cass. com., 9 juin 2009 (pourvoi n°08-16.168, inédit) ; Cass. com., 26 mai 2009 (pourvoi n°08-11.588, inédit) ; Cass. civ. 2ème, 5 mars 2009 (pourvoi n°08-10.008, inédit) ; CA Paris, 2 octobre 2008 (Juris-Data n°2008-374078) ; CA Paris, 2 octobre 2008 (RG n°05/21966, inédit) ; CA Paris, 2 octobre 2008 (RG n°05/21301, inédit)

158.           La faute du complice du franchisé consiste en l’aide apportée au franchisé dans la violation de ses obligations contractuelles.

L’une des affaires soumises à la Cour d’appel de Paris(CA Paris, 2 octobre 2008, Juris-Data n°2008-374078 ; RG n°05/21289) offre des exemples en la matière. En l’espèce, la cour constate la faute délictuelle commise à l’égard du franchiseur par deux sociétés (l’une, principal acquéreur des parts sociales de la société franchisée, et l’autre, acquéreur de la part sociale restante et fournisseur de la nouvelle enseigne du franchisé), cette faute consistant, d’une part, dans l’aide apportée au franchisé dans le cadre de la rupture unilatérale et anticipée du contrat de franchise, et, d’autre part, dans la violation de la clause de non-réaffiliation.

159.           La faute du tiers est en revanche exclue lorsque le comportement incriminé est extérieur à la faute commise par le franchisé. Ainsi, le fournisseur concluant un contrat d’approvisionnement avec le franchisé, après que celui-ci a résilié de façon fautive le contrat de franchise comprenant une exclusivité d’approvisionnement, ne commet pas de faute à l’égard du franchiseur lorsqu’il ne s’est pas rendu complice de la rupture elle-même(Cass. com., 9 juin 2009, pourvoi n°08-16.168, inédit). Dans le même esprit, n’engage pas sa responsabilité le fournisseur qui n’a pas approvisionné le franchisé préalablement au terme du contrat(CA Paris, 2 octobre 2008, RG n°05/21301, inédit).

En outre, la faute du tiers ne peut consister en la violation de l’injonction prononcée à l’encontre d’autrui, quand bien même il aurait eu connaissance de cette injonction. Dans une affaire dont a eu à connaître la Cour de cassation(Cass. civ. 2ème, 5 mars 2009, pourvoi n°08-10.008, inédit), un concurrent s’était vu enjoindre en référé de cesser de livrer au franchisé les produits d’une certaine marque. Le franchiseur avait notifié l’ordonnance de référé à un second concurrent, pourtant non concerné par la procédure précitée, puis, cette notification n’ayant pas eu pour effet de modifier le comportement de son destinataire, avait assigné ce dernier aux fins d’obtenir des dommages et intérêts. La cour d’appel, considérant que le concurrent avait commis une faute en ne respectant pas l’injonction prononcée par le juge des référés, avait accueilli cette demande. Cette décision est cassée : la Cour de cassation rappelle en effet qu’il ne pouvait être reproché au second concurrent, qui n’était pas partie à l’audience de référé, la violation d’une obligation qui n’avait pas été mise à sa charge. La solution aurait pu être différente si le franchiseur avait fondé son action sur la complicité du tiers dans la violation par le franchisé de son obligation d’approvisionnement et non sur la violation de l’injonction.

160.           La faute du tiers étant liée à celle du franchisé, elle est en conséquence circonscrite par l’obligation mise à la charge du franchisé.

On se souvient de l’arrêt par lequel la Cour d’appel de Paris avait débouté le franchiseur de ses demandes formées à l’encontre du tiers qu’il considérait comme complice de la violation par le franchisé de son obligation de non-réaffiliation, au motif que la clause de non-réaffiliation interdisait uniquement au franchisé  de se réaffilier à une enseigne de renommée nationale ou régionale, alors que la nouvelle enseigne du franchisé était, à l’époque où ce dernier l’avait adoptée, portée par un faible nombre de magasins tant au niveau local qu’au niveau régional(CA Paris, 22 novembre 2007, Juris-Data n°2007-356526).

Si le raisonnement de la cour d’appel était emprunt de logique, l’arrêt a néanmoins été cassé en 2009(Cass. com., 26 mai 2009, pourvoi n°08-11.588). En l’espèce, en effet, le franchisé avait lui-même été condamné par une sentence arbitrale, pour violation de la clause de non-réaffiliation post-contractuelle, ce que le franchiseur n’avait pas manqué de faire valoir devant les juges étatiques. Or, souligne la Cour de cassation, les sentences arbitrales étant opposables au tiers, la cour d’appel aurait dû « rechercher, comme elle y était invitée, si la sentence arbitrale (…) n’avait pas définitivement retenu l’existence d’une violation de la clause de non-réaffiliation post-contractuelle ».

161.  Enfin, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 2 octobre 2008, RG n°05/21966, inédit) a précisé que la complicité n’était pas constituée dès lors qu’une tête de réseau présentait aux franchisés d’un second réseau les avantages de son enseigne. La cour a en effet estimé qu’« en régime de libre concurrence, il [était] loisible aux unes de faire valoir auprès des adhérents des réseaux des autres, les avantages allégués de leur mode de distribution, dès lors qu’elles ne souscriv[aient] pas de liens contractuels nouveaux tant que les anciens [étaient] encore en vigueur et qu’elles ne particip[aient] pas aux éventuelles violations des obligations contractuelles que pourraient commettre les franchisés vis-à-vis de leur franchiseur ».

b) Les conditions de l’existence de la complicité

Une décision commentée : Cass. com., 9 juin 2009 (pourvoi n°08-17.296, inédit)

162.           La complicité du tiers ne peut être établie que lorsque ce dernier a connaissance de l’obligation mise à la charge du franchisé.

L’une des affaires dont a eu à connaître la Cour de cassation au printemps 2009, en matière de clause de préférence, présente à cet égard un aspect original (Cass. com., 9 juin 2009, pourvoi n°08-17.296, inédit). En l’espèce, il ne faisait aucun doute que le tiers savait que l’obligation en cause avait existé : le franchiseur lui avait notifié le contrat de franchise dans ce but ; la difficulté résidait dans la question de savoir si le tiers avait eu connaissance du fait que l’obligation avait subsisté.

En effet, à l’époque des faits, un conflit existait entre le franchiseur et le franchisé quant à la date à laquelle les relations contractuelles avaient pris fin : le franchisé soutenait que le contrat avait pris fin dès le terme que ce dernier prévoyait expressément, alors que le franchiseur se prévalait de la prorogation du contrat au-delà dudit terme. Les démarches menées par le tiers en vue de l’acquisition du fonds de commerce du franchisé avaient commencé entre le terme indiqué dans le contrat et le terme de la période de prorogation dont se prévalait le franchiseur. Plus d’un an après la cession, le tribunal arbitral appelé à connaître de la question de la responsabilité du franchisé avait fait droit au franchiseur, et estimé que le contrat avait effectivement été prorogé au-delà du terme initialement prévu.

La cour d’appel, saisie de la question de la responsabilité du tiers acquéreur, avait estimé que ce dernier avait pu légitimement croire que les relations contractuelles avaient cessé au moment où il avait décidé d’acquérir le fonds. Même si le pourvoi formé est rejeté, ce motif est néanmoins jugé erroné par la Cour de cassation, selon laquelle il était établi que le tiers acquéreur avait eu connaissance de l’existence d’un conflit entre le franchiseur et le franchisé quant à la date du terme du contrat.

163.           Dans la même affaire, la Cour de cassation a rappelé que la responsabilité du tiers acquéreur du fonds de commerce du franchisé sur lequel le franchiseur disposait d’un droit de préférence implique, outre la connaissance dudit droit de préférence, celle de l’intention du franchiseur d’en faire usage (Cass. com., 9 juin 2009, pourvoi n°08-17.296, inédit ; v. sur ce point infra le chapitre consacré à la cession du contrat de franchise) et a, faute d’éléments probant en ce sens, jugé bien fondée la décision de la Cour d’appel qui n’avait pas retenu la responsabilité du tiers acquéreur n’est pas retenue.

c) La preuve de la complicité

Trois décisions commentées : Cass. com., 9 juin 2009 (pourvoi n°08-17.296, inédit) ; CA Paris, 2 octobre 2008 (RG n°05/21966, inédit) ; CA Paris, 2 octobre 2008 (RG n°05/21301, inédit)

164.           La preuve de la complicité du tiers poursuivi incombe, conformément au droit commun, au franchiseur. Les affaires précitées le rappellent, il appartient au franchiseur de prouver :

–                 l’existence d’une action commise par son concurrent, par exemple que son concurrent a approvisionné le franchisé lié par une clause d’approvisionnement exclusif avant le terme du contrat (CA Paris, 2 octobre 2008, RG n°05/21301, inédit) ;

–                 que son concurrent avait connaissance de l’obligation mise à la charge du franchisé, et, en matière de clause de préférence, de l’intention du franchiseur de s’en prévaloir (Cass. com., 9 juin 2009, pourvoi n°08-17.296, inédit).

165.           La Cour d’appel de Paris a en outre apporté des précisions sur les modalités de preuve de la complicité du tiers (CA Paris, 2 octobre 2008, RG n°05/21966, inédit).

Le franchisé ayant rompu de manière anticipée le contrat de franchise et le contrat d’approvisionnement le liant au franchiseur afin d’intégrer immédiatement un réseau concurrent, l’ancien franchiseur soutenait que ledit concurrent procédait à un démarchage de grande ampleur de ses franchisés.

La Cour d’appel de Paris a estimé que ce démarchage n’était prouvé ni par la mise en perspective des différents contentieux ayant opposé les deux réseaux lors de la rupture anticipée des contrats franchise du premier franchisé, ni du fait que le même avocat soit intervenu, pendant la même période, à la fois pour le franchisé et pour le nouveau franchiseur.

166.  L’appréciation de la preuve relative aux conditions d’existence de la complicité relève de la compétence souveraine des juges du fond. Ainsi, dans une hypothèse où le franchisé avait violé la clause de préférence dont bénéficiait le franchiseur, les juges ont souverainement retenu que le franchiseur ne démontrait pas que l’acquéreur du fonds aurait eu connaissance de son intention de faire usage de son droit de préférence (Cass. com., 9 juin 2009, pourvoi n°08-17.296, inédit).

3. La responsabilité du tiers auteur d’une atteinte aux signes distinctifs à l’égard des parties

Quatre décisions commentées : CA Paris, 19 nov. 2008 (RG n°07/08568) ; CA Paris, 1er octobre 2008, (RG n°07/11006) ; CA Paris, 4 juillet 2008 (RG n°07/07671) ; CA Paris, 6 juin 2008 (RG n°07/03323)

167.  Le franchiseur, tenu en vertu de la nature du contrat de franchise de transmettre à ses franchisés des signes attractifs de clientèle, est généralement titulaire d’une ou plusieurs marques déposées à l’I.N.P.I., et faisant à ce titre l’objet d’un droit privatif. Il est donc en droit de défendre cette marque contre les atteintes qui pourraient lui être portée par des tiers ; lorsque l’usage de cette marque est concédé aux franchisés, le franchiseur a le devoir de procéder à cette défense.

A cette fin, le franchiseur dispose, en tant que titulaire de la marque, de l’action spécifique en contrefaçon. Selon l’article L.716-1 du code de la propriété intellectuelle en effet, la contrefaçon est « l’atteinte portée au droit du propriétaire de la marque » (V. pour une hypothèse de contrefaçon par imitation : CA Paris, 19 novembre 2008, RG n°07/08568 : le défendeur, qui bénéficiait d’un contrat intitulé « contrat de partenariat », conclu avec le titulaire de la marque, prétendait que ce contrat lui donnait droit à l’usage de la marque. L’argumentation est néanmoins rejetée par la cour).

168.  Cependant, de nombreux signes distinctifs du réseau ne sont pas susceptibles d’être protégés par un droit privatif (enseigne et nom commercial en particulier) : en conséquence, le franchiseur ne peut pas agir en contrefaçon en cas d’atteinte à ces signes distinctifs. Il dispose en revanche des actions en concurrence déloyale et parasitisme, fondées sur la responsabilité délictuelle.

Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 6 juin 2008, RG n°07/03323, inédit) offre une illustration d’actes qualifiés de concurrence déloyale et de parasitisme – et qui, vraisemblablement, correspondaient à ce qui est aujourd’hui dénommé « concurrence parasitaire » – portant atteinte au slogan du réseau.

En l’espèce, un contrat de franchise avait été résilié par le franchiseur en raison de l’ouverture – sur le territoire exclusif – d’un établissement concurrent, par une société dont était associé le gérant de la société franchisée. A la suite de cette résiliation, le franchiseur avait diffusé dans le réseau un slogan publicitaire, qui avait été concomitamment utilisé non seulement par l’ancienne agence franchisée, mais également par l’agence concurrente dont l’ouverture avait motivé la résiliation du contrat de franchise.

L’ancien franchisé et l’agence concurrente soutenaient être les auteurs de leur slogan. La cour d’appel relevant, d’une part, que la preuve de cette affirmation n’était pas rapportée, et, d’autre part, que ces sociétés ne niaient pas que le slogan avait été diffusé par le franchiseur dans l’ensemble du réseau, en déduit l’existence d’actes parasitaires puisqu’en utilisant ledit slogan, les sociétés avaient « entendu se placer indûment dans le sillage de cette dernière au réseau de laquelle elles n’appartenaient pas et qu’elles [avaient] profité sans bourse délier de certains de ses investissements publicitaires ».

169.  Les actions en concurrence déloyale et en concurrence parasitaire étant toutes deux fondées sur l’article 1382 du code civil, il est fréquent que ces actions, qui correspondent à des hypothèses différentes, soient invoquées indistinctement par les parties. La Cour d’appel de Paris a ainsi eu l’occasion de préciser les contours respectifs de ces deux actions (CA Paris, 1er octobre 2008, RG n°07/11006, inédit).

L’espèce concernait un réseau de salons de coiffure comprenant une école de formation à destination des franchisés, dans lequel le franchiseur était licencié de la marque.

Deux sociétés extérieures au réseau avaient fait circuler un dépliant faisant la publicité de stages de formation, au sein duquel, d’une part, était indiqué que cette formation serait dispensée par l’ancienne co-directrice de l’école du réseau et, d’autre part, étaient reproduits l’image de coupes et l’argumentaire propres à ladite école.

Le franchiseur et le titulaire de la marque avaient assigné les deux sociétés auteurs du dépliant en contrefaçon, ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitaire. Le tribunal avait rejeté les demandes du titulaire de la marque, mais fait droit aux demandes du franchiseur fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire.

Les sociétés condamnées avaient interjeté appel de cette décision.

La Cour d’appel de Paris relève en premier lieu que même si les notions de concurrence déloyale et de concurrence parasitaire reposent toutes deux sur l’article 1382 du code civil, elles sont, « caractérisé[e]s de manière distincte ». Elle rappelle ensuite que « seule la concurrence déloyale fait référence à la notion de risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen (…) alors que la concurrence parasitaire repose sur la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir faire, d’un travail intellectuel et d’investissements ».

Les deux actions sont donc examinées séparément : si la concurrence déloyale n’est pas constatée, la cour considérant qu’il n’était pas démontré de risque de confusion entre le stage proposé et ceux de l’école du réseau, la concurrence parasitaire est quant à elle démontrée : la technique représentée sur les photographies et le slogan publicitaire « renvoient aux fruits d’un savoir faire, d’un travail intellectuel et d’investissements développés par l’école de formation [du franchiseur] ». En revanche, la cour juge qu’il ne pouvait être reproché aux appelantes d’avoir fait référence à l’expérience professionnelle acquise par leur formatrice au sein du réseau.

170.  Lorsque le franchisé est licencié exclusif ou lui-même titulaire de la marque, il dispose également du droit d’agir en contrefaçon à l’égard des tiers portant atteinte à la marque, ainsi qu’en concurrence déloyale et en parasitisme.

Un arrêt de la Cour d’appel de Paris a été rendu à la suite de l’action intentée par le franchisé pour la défense de ses droits (CA Paris, 4 juillet 2008, RG n°07/07671, inédit). L’espèce concernait un réseau exploitant une activité de formation et de conseil à destination des salariés des entreprises, et dont le franchiseur était implanté aux Etats-Unis. Le contrat de franchise autorisait le franchisé – français – à déposer la marque en France. Le franchisé était ainsi lui-même titulaire de la marque française. Ayant eu connaissance d’une publicité émanant d’un concurrent et dans laquelle figurait l’intitulé de la marque, le franchisé avait assigné ledit concurrent en contrefaçon et concurrence déloyale.

Néanmoins, dans cette affaire, la cour d’appel a confirmé l’annulation de marque prononcée par le jugement de première instance, au motif que ladite marque reproduisait l’expression utilisée pour désigner une théorie qui, après avoir connu un fort succès aux Etats-Unis, était arrivée en France avant le dépôt de la marque litigieuse, peu important à cet égard qu’elle ait été inconnue du grand public car elle était l’expression connue et utilisée par ceux qui y travaillaient et la diffusaient. Il s’en suivait que la marque reproduisait une expression nécessaire, ne pouvant par conséquent faire l’objet de droits privatifs, et devait donc être annulée, privant ainsi de tout fondement l’action en contrefaçon du franchisé.

Sa demande formulée au titre de la concurrence déloyale est également rejetée, la recherche d’une confusion et celle d’une appropriation de clientèle n’étant invoquées qu’en termes très généraux.

4. La responsabilité du banquier dispensateur de crédit à l’égard du franchisé

Huit décisions commentées : Cass. civ. 1ère, 25 juin 2009 (pourvoi n°08-16.434) ; Cass. com., 10 mars 2009 (pourvoi n°07-18.313, Juris-Data n°2009-047441) ; Cass. civ. 1ère, 18 février 2009 (pourvoi n°08-11.221) ; CA Paris, 11 décembre 2008 (Juris-Data n°2008-374966) ; CA Paris, 3 décembre 2008 (RG n°07/08087, inédit) ; CA Rouen, 30 octobre 2008 (RG n°08/03654, inédit) ; Cass. com., 30 septembre 2008 (pourvoi n°07-16.649, Juris-Data n°2008-045258) ; Cass. com., 30 septembre 2008 (pourvoi n°07-11.178, inédit)

171.  Contrairement à la première chambre civile la Cour de cassation, la chambre commerciale n’a longtemps admis la responsabilité du banquier dispensateur de crédit à l’égard de l’emprunteur que lorsque le banquier détenait des informations sur la situation de l’emprunteur ignorées de ce dernier (Cass. com., 11 mai 1999, Bull. civ. IV, n°95). Deux arrêts rendus en 2007 par la Cour de cassation réunie en chambre mixte (Cass. ch. mixte, 29 juin 2007, pourvois n°05-21.104 (Juris-Data n°2007-039908) et 06-11.673 (Juris-Data n°2007-039909), Bull. ch. mixte n°7 et 8) ont mis fin à la controverse en indiquant que le banquier avait un devoir de conseil à l’égard de l’emprunteur profane.

L’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 10 mars 2009 (Cass. com., 10 mars 2009, pourvoi n°07-18.313, Juris-Data n°2009-047441) s’inscrit dans ce courant.

En l’espèce, le dirigeant de la société crédit-bailleur et le franchiseur avaient élaboré le système suivant, pour procurer aux franchisés les fonds de roulement leur permettant de financer leur démarrage : le franchiseur adressait au crédit-bailleur, au nom des franchisés, des factures correspondant à des travaux d’aménagement partiellement ou totalement fictifs. Les franchisés bénéficiaient ainsi de prêts de sommes ne correspondant à aucun des travaux effectués ; cependant, les loyers du crédit-bail s’avérant exorbitants en raison des factures de travaux surévaluées, les franchisés n’ont plus été en mesure d’y faire face, et ont été condamnés à indemniser la société de crédit-bail.

Le franchiseur et le dirigeant de la société crédit-bailleur ayant été condamnés pénalement, deux franchisés, cautions solidaires de l’un des débiteurs, avaient obtenu des juges du fond la condamnation de la société crédit-bailleur à leur verser des dommages-intérêts. La société crédit-bailleur, s’estimant victime des agissements de son dirigeant, formait un pourvoi afin d’obtenir l’annulation de cette décision. Le pourvoi est rejeté : la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir estimé que la société crédit-bailleur était nécessairement consciente des agissements de son dirigeant, et avait « manqué à ses obligations contractuelles, notamment de conseil et d’information, d’abord en ne procédant ni à une étude financière sérieuse du projet des franchisés, ni à une étude d’implantation, ni à une vérification du patrimoine [des franchisés], ensuite en omettant de suivre les procédures de contrôle élémentaires applicables aux établissements financiers, enfin en mettant à la charge de M. et Mme X… un loyer qui s’est avéré exorbitant en raison des factures de travaux surévaluées ou non-causées ».

172.  Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Rouen (CA Rouen, 30 octobre 2008, RG n°08/03654, inédit) illustre la distinction à laquelle procède actuellement la jurisprudence entre les emprunteurs ou cautions avertis et non-avertis.

Les faits, classiques, étaient les suivants : la société franchisée avait souscrit un prêt, dont les associés de la société s’étaient portés cautions solidaires. La cour opère une distinction entre la société franchisée, son gérant et l’associée non gérante.

La demande de la société franchisée – mise en cause de la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation de mise en garde – est rejetée au motif, d’une part, que la banque ne disposait pas d’informations dont la société franchisée n’aurait pas disposé, et, d’autre part, que le montant du prêt n’était pas déraisonnable au regard des documents remis à la banque (étude de marché et compte prévisionnel), dont il n’était pas démontré qu’ils contenaient des erreurs que la banque aurait dû déceler.

Le gérant est quant à lui qualifié de caution avertie. On sait que le fait que l’emprunteur agisse à titre professionnel n’implique pas nécessairement qu’il soit un emprunteur averti (Cass. ch. mixte, 29 juin 2007, pourvoi n°05-21.104, Juris-Data n°2007-039908), cette qualité devant être démontrée. Néanmoins, la cour déduit la qualité de caution avertie du gérant précisément de cette qualité ; cette qualification est cependant renforcée par le fait que le gérant avait bénéficié des conseils d’un bureau d’études pour le montage du projet. Dans ces conditions, la responsabilité de la banque est exclue, dans la mesure où, d’une part, le gérant disposait des mêmes informations que la banque sur les perspectives de développement de la société franchisée lors de sa création et, d’autre part, le caractère erroné ou irréaliste du projet financé n’était pas prouvé.

L’associée non-gérante est en revanche considérée comme une caution non-avertie, bien que la banque ait fait valoir qu’elle était l’épouse du gérant et son assistante administrative. La banque a donc failli à son obligation de conseil et de prudence en lui faisant souscrire dans ces conditions un engagement de caution manifestement disproportionné.

173.  L’obligation de conseil et d’information du banquier va parfois jusqu’à une obligation de mise en garde. Cependant, cette obligation ne s’impose au banquier que dans l’hypothèse où il apparaît que le prêt sollicité dépasse les facultés de remboursement de l’emprunteur. La Cour de cassation a récemment approuvé une cour d’appel d’avoir raisonné en ce sens (Cass. com., 30 septembre 2008, pourvoi n°07-16.649, Juris-Data n°2008-045258). En l’espèce, le franchisé, ultérieurement mis en redressement judiciaire, avait préféré souscrire un prêt plutôt que de vendre les actions qu’il possédait. Par ailleurs, le franchisé n’apportait pas la preuve que les mauvais résultats de son entreprise étaient dus aux frais financiers qu’il supportait, ni que l’emprunt aurait été disproportionné par rapport à ses facultés de remboursement. Ces faits ayant été constatés, la cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, avait refusé de retenir la responsabilité du banquier (La cour d’appel avait également rejeté la demande du franchisé au motif que ce dernier ne rapportait pas la preuve de ce que la banque disposait d’informations sur les risques de l’opération qu’il aurait ignorées. Ce motif, correspondant à l’état de la jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation antérieur aux arrêts précités de la Chambre mixte du 29 juin 2007, était critiqué par le pourvoi. Celui-ci est néanmoins rejeté, abstraction faite dudit motif, les autres constatations de la cour d’appel permettant à elles seules de rejeter la responsabilité du banquier). Par un arrêt rendu le même jour (Cass. com., 30 septembre 2008, pourvoi n°07-11.178, inédit), la Cour de cassation a également rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt d’une cour d’appel qui, ayant constaté que les comptes prévisionnels remis au banquier n’étaient pas irréalistes, a considéré que le banquier n’avait pas manqué à son obligation de mise en garde des cautions en accordant un prêt au franchisé. De même, la Cour d’appel de Paris a refusé de retenir la responsabilité du banquier à l’égard de la caution, dirigeant de la société franchisée, après avoir constaté que l’étude de rentabilité effectuée par un professionnel du secteur concerné avait estimé que l’opération était promise à un « avenir florissant » , et qu’en conséquence aucun devoir de mise en garde ne pesait sur la banque (CA Paris, 11 décembre 2008, Juris-Data n°2008-374966).

La Cour d’appel de Paris a eu, à la fin de l’année 2008 (CA Paris, 3 décembre 2008, RG n°07/08087, inédit), l’occasion de statuer dans une affaire concernant une garantie à première demande consentie par un banquier en faveur du franchiseur, en garantie des sommes dues par le franchisé. En l’espèce, le franchiseur avait actionné la garantie à première demande et le banquier l’avait exécutée. Le franchisé, poursuivi par le banquier en remboursement des sommes versées au franchiseur, tentait de faire obstacle à cette action, notamment en reprochant au banquier d’avoir payé le franchiseur s’en l’en informer auparavant, alors, toujours selon le franchisé, que la mise en œuvre de la garantie par le franchiseur aurait été frauduleuse. Pour ce faire, le franchisé indiquait que la garantie avait été appelée pour le paiement des factures correspondant à des livraisons effectuées postérieurement à la prise d’effet de la résiliation du contrat imposant les obligations financières couvertes par la garantie à première demande.

La cour rejette l’argumentation du franchisé et rappelle que la fraude ne se présume pas et doit être prouvée. Par ailleurs, elle relève plusieurs éléments tendant à démontrer l’absence de fraude de la part du bénéficiaire de la garantie : au sein de la lettre de résiliation, le franchiseur proposait la mise en place d’une procédure de médiation et le maintien du bénéfice de l’enseigne et des services de la centrale d’achat sous réserve de définir les conditions de paiement et de garantie liées à toute commande ; de plus, les factures au titre desquelles la garantie a été mise en œuvre mentionnent des livraisons effectuées quelques semaines après la lettre de résiliation, ce dont il se déduit qu’elles ont parfaitement pu intervenir lors d’une phase de négociation, au cours de laquelle les parties auraient convenu de maintenir leurs relations de fournisseur à client en contrepartie du maintien de la garantie à première demande pour le paiement des livraisons effectuées au cours de cette période ; enfin, le franchiseur n’avait pas été attrait dans la cause, ce qui lui interdisait de s’expliquer sur le bien fondé de la garantie.

Il convient également de relever une décision rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 18 février 2009, pourvoi n°08-11.221), jugeant que le devoir de mise en garde mis à la charge du banquier disparaît dès lors que l’endettement n’est manifestement pas excessif et que le crédit ne fait courir aucun risque. Ainsi, si la déclaration faite par l’emprunteur (qu’elle soit sincère ou non) laisse à penser qu’il n’existe aucun risque d’endettement, le banquier n’est pas tenu d’aller plus loin et d’alerter son client sur les risques de non remboursement. Les emprunteurs doivent donc se montrer transparents quant à leur situation, sous peine de ne pouvoir ultérieurement engager la responsabilité de leur banquier. Cette décision a d’ailleurs été confirmée par la chambre commerciale (Cass. com., 7 juillet 2009, pourvoi n°08-18.251) de la Haute Juridiction.

Dans le même sens, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que la responsabilité du prêteur ne saurait être engagée en cas de déloyauté de l’emprunteur. Ainsi, l’emprunteur qui fournit des informations erronées sur sa situation financière ne saurait par la suite reprocher à la banque de se fonder sur des informations inexactes pour vérifier leurs capacités financières (Cass. civ. 1ère., 25 juin 2009, pourvoi n°08-16.434).

5. Les relations entretenues par le franchisé avec son bailleur

Trois décisions commentées : Cass. civ. 3ème, 26 mai 2009 (pourvoi n°08-13.623, inédit) ; CA Rouen, 25 septembre 2008 (Juris-Data n°2008-374511) ; CA Toulouse, 10 juin 2008 (RG n°06/04676, inédit)

174.  Dans la grande majorité des hypothèses, le franchisé est locataire du local dans lequel il exerce son activité. Il est donc susceptible d’être confronté aux mêmes situations, vis-à-vis de son bailleur, que tout commerçant locataire.

On note cependant que le statut de membre d’un réseau intervient souvent dans les rapports du franchisé avec son bailleur.

175.  Ainsi, l’appartenance du locataire à un réseau de franchise peut avoir une incidence sur le montant de l’indemnité d’éviction qui lui est due par le bailleur, ainsi que l’illustre un arrêt rendu par la Cour d’appel de Toulouse le 10 juin 2008 (CA Toulouse, 10 juin 2008, RG n°06/04676, inédit).

En l’espèce, le locataire avait acquis le droit au bail un an et demi avant son terme, aux fins d’exploiter un commerce en franchise. Le bailleur a donné congé au preneur pour la fin de la période en cours. Le litige porté devant la cour concernait la méthode d’estimation de l’indemnité d’éviction retenue par l’expert judiciaire désigné à cet effet. La Cour d’appel approuve l’expert d’avoir retenu une moyenne entre les pourcentages Ferbos et Annales des Loyers pour une franchise du réseau considéré, puis d’avoir corrigé cette moyenne en fonction des particularités du fonds de commerce considéré, et notamment de l’insuffisance de la superficie du magasin pour présenter toute la gamme du franchiseur.

176.  Dans l’affaire ayant donné lieu à un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation en mai 2009 (Cass. civ. 3ème, 26 mai 2009, pourvoi n°08-13.623, inédit), le franchisé implanté dans une galerie marchande, qui demandait la résiliation du bail aux torts du bailleur propriétaire de ladite galerie marchande, reprochait notamment à ce dernier d’avoir implanté un établissement concurrent à sa proximité, afin de reprendre le magasin qu’il avait aménagé à grands frais pour le mettre aux normes du réseau de franchise. La preuve de ces faits n’étant cependant pas rapportée, le franchisé est débouté de ses demandes.

Cette même affaire (Cass.civ.3ème, 26 mai 2009, pourvoi n°08-13.623, inédit) concernait également la signature d’un contrat de bail par le franchisé, ce dernier tentait d’engager la responsabilité de son mandataire à la signature du bail ainsi que celle du notaire ayant assisté à cette signature, au motif que ces derniers n’avaient pas tenu compte de la mention manuscrite ajoutée au mandat, aux termes de laquelle le mandataire devait signer un bail permettant au franchisé d’exercer, outre l’activité objet de la franchise, une activité annexe. Néanmoins, la demande du franchisé est rejetée aux motifs, d’une part car que la possibilité d’exercer une activité annexe n’avait jamais été évoquée pendant les négociations, d’autre part que la preuve de l’accord du franchiseur à l’exercice de cette activité annexe n’était pas rapportée, et enfin que l’exercice de l’activité sous l’enseigne du franchiseur était une condition du bail.

177.  Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Rouen à la fin de l’année 2008 (CA Rouen, 25 septembre 2008, Juris-Data n°2008-374511 RG n°07/02246) offre une illustration originale de l’incidence que peut avoir l’appartenance du franchisé à un réseau sur les relations que ledit franchisé entretient avec son bailleur.

En l’espèce, les conditions particulières du bail indiquaient que le bail serait résilié immédiatement si le locataire quittait le réseau – nommément désigné – auquel il appartenait. La cour d’appel a constaté que cette stipulation avait pour effet de réduire la possibilité pour le preneur – prévue par les conditions générales du bail – de céder le bail à l’acquéreur de son fonds de commerce avec l’accord du bailleur, à l’hypothèse où l’acquéreur du fonds de commerce s’apprêtait à devenir membre du même réseau. La possibilité de céder le bail était ainsi subordonnée à la décision d’un tiers audit bail, le franchiseur, alors même que l’autorisation donnée par le bailleur au changement d’enseigne n’aurait eu aucun effet, en raison de l’effet automatique de la résiliation. La Cour d’appel de Rouen conclut donc son raisonnement en appliquant à la clause litigieuse l’article L. 145-16 du code de commerce, qui frappe de nullité les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail à l’acquéreur de son fonds de commerce.

6. La responsabilité du séquestre du prix de vente du fonds de commerce

Une décision commentée : CA Paris, 13 janvier 2009 (RG n°07/06445, inédit)

178.           La Cour d’appel de Paris a tranché une affaire illustrant la responsabilité du séquestre du prix de vente du fonds de commerce à l’égard du franchiseur (CA Paris, 13 janvier 2009, RG n°07/06445, inédit).

En l’espèce, le franchiseur avait acquis les fonds de commerce détenus par une filiale du franchisé. Plusieurs créanciers de ladite filiale avaient formé opposition sur le prix de vente des fonds, dont une partie avait été mise sous séquestre. La filiale avait alors été placée en liquidation judiciaire, et le séquestre avait placé les fonds qu’il détenait entre les mains du liquidateur.

N’ayant pu obtenir paiement de sa créance dans le cadre de la procédure collective, l’un des créanciers s’était retourné contre le franchiseur, acquéreur des fonds de commerce, et avait obtenu la condamnation de ce dernier à lui payer le montant de sa créance.

Le franchiseur agissait alors à l’encontre du séquestre, lui faisant grief d’avoir libéré les fonds entre les mains du liquidateur, ce qui l’avait conduit à payer deux fois le montant de la somme séquestrée.

La Cour d’appel de Paris a constaté que le séquestre avait commis une faute en se défaisant des sommes qui lui étaient confiées en les transmettant au liquidateur, alors, d’une part, que celles-ci n’étaient jamais entrées dans le patrimoine du débiteur placé en liquidation judiciaire et que, d’autre part, cette faute avait eu pour effet que le franchiseur avait dû payer une deuxième fois le montant de la somme séquestrée. En conséquence, la cour condamne le séquestre à rembourser ladite somme au franchiseur.

7. La responsabilité du prestataire de service à l’égard du franchiseur

Une décision commentée : CA Paris, 7 janvier 2009 (RG n°06/13673, inédit)

179.  De nombreux réseaux créent en leur sein des instruments de fidélisation de la clientèle, tels que des cartes de fidélité.

La Cour d’appel de Paris a rendu au début de l’année 2009 (CA Paris, 7 janvier 2009, RG n°06/13673, inédit) une décision opposant le franchiseur au sous-traitant du prestataire auquel elle avait confié la confection de telles cartes. Le franchiseur reprochait à son adversaire d’avoir employé une technique inappropriée au but poursuivi, les cartes ayant rapidement présenté des traces d’usure et un effacement des couleurs.

La Cour n’a néanmoins pas suivi le franchiseur dans son raisonnement : le sous-traitant établissait qu’il n’avait jamais été averti du fait que les cartes devaient avoir une durée de vie minimum, et qu’il avait présenté à son client plusieurs devis, dont l’un portait sur la seule technique adaptée à la durée de vie souhaitée par le client. La Cour a donc estimé que le sous-traitant avait correctement rempli son devoir de conseil, et a en conséquence rejeté les demandes du franchiseur.

B. La responsabilité des parties à l’égard des tiers

1. La responsabilité des parties à l’égard de la clientèle

Une décision commentée : TGI Meaux, 31 décembre 2008 (RG n°08/00643, inédit)

180.  Le Tribunal de grande instance de Meaux a tranché une affaire concernant un accident dont fut victime une cliente de l’établissement franchisé. En l’espèce, la cliente avait fait une chute et subi de ce fait divers préjudices physiques, esthétiques et d’agrément. Le franchiseur – en tant que propriétaire des lieux – et le franchisé – en tant qu’exploitant des lieux – sont condamnés à réparer le préjudice de la victime sur le fondement de l’article 1384 du code civil (TGI Meaux, 31 décembre 2008, RG n°08/00643, inédit).

2. La responsabilité des parties en qualité d’employeur

Une décision commentée : CA Metz, 8 décembre 2008 (RG n°06/00927, inédit)

181.  On le sait, l’employeur d’un salarié se trouvant dans l’incapacité de poursuivre ses fonctions, notamment en raison d’une incapacité physique, ne peut licencier ce salarié sans chercher préalablement à le reclasser. L’employeur ne peut alors limiter ses recherches à sa propre entreprise, mais doit les étendre au groupe formé par « les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel » (Cass. soc., 5 avril 1995, deux arrêts, Bull. civ. V n°123 et 129).

Or l’indépendance réciproque des membres d’un réseau de franchise ne fait pas, par principe, obstacle à ce que ce réseau constitue un groupe  au sein duquel le reclassement doit être recherché ; la Cour de cassation exige en effet que les juges du fond recherchent, au cas par cas, s’il existe des permutations de personnel entre les membres du réseau (v. par ex. Cass. soc., 20 février 2008, pourvoi n°06-45.335, inédit).

182.  C’est à cet examen que s’est livrée la Cour d’appel de Metz le 8 décembre 2008 (CA Metz, 8 décembre 2008, Juris-Data n°2008-373333 ; RG n°06/00927, inédit).

En l’espèce, la salariée d’un franchisé s’était vue interdire tout poste nécessitant des gestes répétés des membres supérieurs ou une manutention manuelle. Aucun poste n’étant disponible au sein de son entreprise, le franchisé avait licencié la salariée, qui lui reprochait de ne pas avoir cherché à la reclassée au sein d’un autre magasin du réseau.

Le franchisé opposait l’indépendance réciproque des membres du réseau.

Après avoir rappelé le principe selon lequel « la recherche de reclassement doit être portée au niveau du groupe c’est-à-dire auprès de l’ensemble des entreprises dont les activités, l’organisation, ou le lieu d’exploitation permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel » et relevé que « la notion de groupe au regard de l’obligation de reclassement est donc une notion autonome bien plus vaste que la notion de groupe de sociétés commerciales, ou encore d’unité économique et sociale », la Cour souligne néanmoins que l’existence de plusieurs magasins exploitant la même enseigne « n’établit pas en soit l’existence d’un groupe, d’une possible permutation du personnel ».

L’employée n’évoquant pas l’existence de permutations et ne précisant avec quel autre magasin se feraient les échanges, la cour considère que le franchisé a convenablement rempli son obligation de reclassement.

3. La responsabilité du franchiseur à l’égard du prestataire de services

Une décision commentée : CA Paris, 25 mars 2009 (Juris-Data n°2009-377048, RG n°07/02560)

183.  Le franchiseur peut faire appel à certains prestataires de services pour l’assister dans ses différentes missions. La Cour d’appel de Paris a rendu en 2009 un arrêt (CA Paris, 25 mars 2009, Juris-Data n°2009-377048 ; RG n°07/02560) concernant un contrat d’animation de réseau de franchise.

En l’espèce, le franchiseur, filiale à 100 % d’une société de droit anglais, était à la tête d’un réseau de franchise exploitant le concept développé par la société britannique. Le franchiseur avait signé avec un prestataire un contrat d’animation de réseau de franchise. Moins de deux mois après la signature dudit contrat, les parts sociales de la société franchiseur avaient été cédées à une société de droit américain. En conséquence de cette cession, le franchiseur avait changé de dénomination sociale, et avait cessé d’exploiter le réseau anglais pour développer le réseau américain. Le prestataire invoquait deux moyens pour sortir du contrat et obtenir le paiement de certaines sommes.

En premier lieu, il soutenait que la clause d’incessibilité du contrat avait été violée. Cependant, la cour, relevant que seule la dénomination sociale avait changé, ce qui n’entraînait pas le changement de personnalité morale, a en toute logique rejeté ce moyen.

En second lieu, le prestataire sollicitait le prononcé la caducité du contrat pour disparition de sa cause, en se fondant sur le fait que le concept du réseau américain était différent de celui du réseau anglais. Contrairement au précédent, cet argument a été favorablement accueilli par les juges du fond considérant, après avoir relevé à plusieurs reprises dans le contrat des références au concept du réseau anglais, que « le contrat a[vait] perdu tant sa cause que son objet existant à la date de la signature et [était] donc devenu caduc ».

4. La responsabilité pénale des parties au contrat de franchise

Trois décisions commentées : Cass. crim., 19 novembre 2008 (pourvoi n°08-85.317) ; Cass. crim., 8 octobre 2008 (pourvoi n°08-81.098, inédit) ; CA Douai, 17 juin 2008 (Juris-Data n°2008-367494)

184.  Certaines infractions pénales sont commises par des franchiseurs ou des franchisés  à l’occasion de l’exécution du contrat de franchise (V. pour une hypothèse plus marginale, Cass. crim., 19 novembre 2008, pourvoi n°08-85.317 : le dirigeant de fait de la société franchisée est condamné pour banqueroute par détournement ou dissimulation d’actif et pour banqueroute par tenue d’une comptabilité irrégulière ou incomplète. Parmi les critères ayant permis à la cour d’appel de caractériser la gestion de fait, figure le fait que le prévenu a été le représentant de la société franchisée dans ses relations avec le franchiseur).

C’est notamment le cas des infractions commises dans le cadre de la publicité effectuée par le franchisé (Cela peut également être le cas pour la publicité effectuée par le franchiseur (par exemple diffusée au niveau national en application du contrat de franchise, qui pourrait s’avérer constitutive de publicité trompeuse)), et des infractions liées à l’activité franchisée elle-même.

185.  Si la publicité du réseau est généralement diffusée par le franchiseur au niveau national, le franchisé a souvent l’obligation de développer la publicité autour de son point de vente. Dans certaines hypothèses, le franchiseur fournit au franchisé le matériel nécessaire à la publicité locale.

La Cour d’appel de Douai (CA Douai, 17 juin 2008, Juris-Data n°2008-367494 ; RG n°07/02766) a récemment rendu une décision en matière de publicité mensongère concernant une publicité relative à un établissement franchisé. Le franchisé tentait de se dégager de sa responsabilité en soulignant que l’auteur de la publicité était le franchiseur. Néanmoins, la cour n’a pas reçu cette argumentation, relevant que le franchisé était à l’origine de la diffusion de la publicité, et aurait donc dû vérifier l’exactitude et la sincérité de cette publicité avant d’ordonner sa diffusion (V. pour une défense comparable opposée par le franchisé en matière fiscale, et également vouée à l’échec : CAA Bordeaux, 14 octobre 2008 (deux arrêts), n°06BX00691 et n°06BX00692 : le contrôle fiscal n’avait pu avoir lieu dans toute son ampleur, le franchisé n’ayant pas conservé sa comptabilité informatique sur l’ensemble de la période visée. Selon la cour, le franchisé ne pouvait échapper à l’évaluation d’office de son imposition en faisant valoir que le système de gestion informatique était celui préconisé par le franchiseur).

186.  La responsabilité pénale de la société franchiseur et de son dirigeant a en revanche été retenue dans le cadre d’une affaire, tranchée par la Cour de cassation à la fin de l’année 2008 (Cass. crim., 8 octobre 2008, pourvoi n°08-81.098, inédit), concernant l’activité du franchisé (Le contrat, intitulé « concession exclusive » semblait présenter en réalité les caractéristiques d’un contrat de franchise (paiement d’un droit d’entrée et de redevances par le « concessionnaire », mise à disposition d’une marque et d’une enseigne, remise d’une « Bible » et fourniture d’une assistance initiale et au long de l’exécution du contrat par le « concédant »).

En l’espèce, le franchisé, agent immobilier, avait été condamné pour escroquerie et acceptation irrégulière de fonds par un agent immobilier. La société franchiseur et son dirigeant étaient poursuivis, la première pour recel d’escroquerie et le second pour complicité d’escroquerie et d’acceptation irrégulière de fonds par un agent immobilier.

S’agissant de la complicité du dirigeant de la société franchiseur, la cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a caractérisé la connaissance que ce dernier avait des pratiques frauduleuses du franchisé en relevant plusieurs éléments, au nombre desquels figuraient, d’une part, le fait que la redevance perçue par le franchiseur était assise sur le chiffre d’affaires du franchisé, qui ne pouvait donc « que faire l’objet d’un contrôle de réalité », et, d’autre part, l’obligation imposée au franchisé par le contrat d’inscrire sur le serveur minitel, le site Internet et tous les services audio, toutes les conventions des locataires et toutes les conventions des propriétaires, obligation qui permettait au franchiseur d’avoir connaissance de la réalité des pratiques du franchisé.

La fourniture de moyens était quant à elle caractérisée par le fait que le dirigeant de la société franchiseur était l’auteur des méthodes et de la politique du réseau, matérialisées par la Bible, la documentation, les formulaires et le logiciel remis aux membres du réseau, méthodes et politique dont il connaissait les conséquences.

L'extinction du contrat de franchise

187.  Les relations contractuelles qu’entretiennent le franchiseur et le franchisé sont appelées à prendre fin un jour ou l’autre. Lorsqu’il s’agit – comme souvent – d’un contrat à durée déterminée, le contrat peut s’éteindre par la survenance du terme ; l’une des parties peut encore le résilier de manière anticipée, à ses risques et périls. Le fait générateur de cette rupture est en pratique très variable : l’une des parties peut être défaillante ; le franchisé peut vouloir cesser son activité, l’exercer de manière indépendante ou intégrer un réseau concurrent, tandis que le franchiseur peut envisager de substituer un autre franchisé ou une succursale à son cocontractant ou, plus simplement, ne pas faire reprendre l’exploitation considérée. L’extinction du contrat de franchise intervient dans des conditions et selon des modalités diverses ; elle entraîne toujours une pluralité d’effets voulus ou provoqués.

Au regard des décisions entrant dans le champ de la présente étude, il convient de rappeler que l’absence de renouvellement du contrat arrivé à terme (I) comme sa résiliation (II) justifient l’extinction du contrat de franchise. L’achèvement des relations commerciales laisse toutefois subsister des obligations à la charge des parties (III).

I.                    La survenance du terme et l’absence de renouvellement du contrat de franchise

Le renouvellement du contrat de franchise doit être distingué de sa prorogation dont il diffère par ses conditions d’application et son régime juridique (A). Le non renouvellement du contrat de franchise arrivé à terme est un droit pour les parties (B), dont l’exercice peut toutefois, dans certaines hypothèses, donner lieu à sanction (C).

A.      Le renouvellement et la prorogation du contrat de franchise

Deux décisions commentées : Cass. com., 27 janvier 2009 (pourvoi n°07-21.616) ; Cass. com., 18 novembre 2008 (pourvoi n°07-18.599)

188.  Conformément au droit commun des contrats, la prolongation du contrat de franchise peut intervenir suivant deux modalités distinctes : son renouvellement (1) ou sa prorogation (2).

1.       Le renouvellement du contrat

a)      Les conditions d’application du renouvellement

189.  Il est assez fréquent que le contrat de franchise prévoie une clause aménageant le renouvellement du contrat. Ainsi, le contrat de franchise peut être renouvelé selon plusieurs modalités :

–          par la tacite reconduction, laquelle aura pour effet de renouveler automatiquement le contrat de franchise, sauf expression de volonté contraire de l’un des cocontractants (CA Paris, 20 février 2008, RG n°05/02241 ; Cass. com., 29 janvier 2008, pourvoi n°06-13.462) ;

–          par la volonté d’une seule des parties (le plus souvent le franchisé) ;

–          par la manifestation expresse des deux cocontractants.

190.  Dans l’hypothèse où le contrat de franchise ne comporterait aucune clause relative à son renouvellement, il pourra être reconduit tacitement dans la mesure où le comportement des parties atteste qu’elles entendent renouveler ledit contrat (CA Lyon, 17 juin 1994, Juris-Data n°1994-045306 ; CA Dijon, 15 novembre 2007, Juris-Data n°2007-355669 : en présence d’un contrat de franchise d’une durée de 5 ans envisageant la signature d’un nouveau contrat 3 mois avant l’expiration du précédent, et après avoir relevé que les relations contractuelles se sont poursuivies entre les mêmes parties après le terme du contrat initial, la cour d’appel de Dijon retient (implicitement) l’existence d’un nouveau contrat).

Dès lors, le franchiseur doit se montrer vigilant lorsqu’il continue d’exécuter à titre précaire certaines obligations envers le franchisé dont le contrat est arrivé à terme. Ainsi, il convient d’indiquer par écrit que la poursuite de leurs relations contractuelles procède d’un arrangement transitoire. Il s’agit en effet d’une période dite de surveillance à laquelle il est nécessaire de fixer un terme précis, sous peine, à défaut, que le contrat soit considéré comme renouvelé, ou encore qu’il soit requalifié en contrat à durée indéterminée.

b) Le régime juridique du renouvellement

191.  Que le contrat de franchise prévoie expressément une clause de renouvellement ou que la reconduction du contrat intervienne tacitement, l’on est en présence d’un nouveau contrat de franchise, ce qui implique des conséquences juridiques substantielles. Ainsi, le contrat de franchise renouvelé doit répondre à certaines conditions :

–          il doit être précédé par la communication au franchisé des informations précontractuelles (Cass. com., 9 octobre 2007, pourvoi n°05-14.118 ; Cass. com., 11 février 2003, pourvoi n°00-17.074), ce qui est régulièrement omis en pratique ;

–          il est soumis à la loi applicable au jour du renouvellement et non à celle en vigueur à la conclusion du contrat initial ;

–          il entraîne nécessairement la disparition du contrat de cautionnement – simple ou solidaire – souscrit en garantie de l’exécution du contrat de franchise initial (Cass. com., 11 février 1997, Bull. civ. IV, n°46), sauf stipulation expresse contraire (CA Aix-en-Provence, 26 mai 2004, Juris-Data n°2004-261120) ;

–          sauf stipulation contraire, son contenu, hormis sa durée, est identique à celui du contrat initial. Il est donc vivement recommandé de prévoir, dans le contrat initial, qu’en cas de renouvellement du contrat, le franchisé se verra proposer le contrat-type en vigueur au sein du réseau à la date du renouvellement.

Il convient de faire état de deux arrêts rendus par la chambre commerciale de la cour de cassation qui traitent de l’obligation d’information en cas de renouvellement du contrat (Cass. com., 27 janvier 2009, pourvoi n°07-21.616 ; Cass. com., 18 novembre 2008, pourvoi n°07-18.599). Ces arrêts, qui ont été rendus en matière de sous licence d’exploitation et de distribution, sont transposables à la franchise.

On le sait, le renouvellement du contrat doit s’analyser juridiquement comme la conclusion d’un nouveau contrat, et il paraît donc logique que ce nouveau contrat, nouveau nogotium, respecte les conditions imposées par le régime juridique de la catégorie d’accord à laquelle il appartient. C’est ainsi que l’obligation d’information précontractuelle s’impose en cas de renouvellement (Cass. com., 9 octobre 2007, pourvoi n°05-14.118 ; Cass. com., 11 février 2003, pourvoi n°00-17.074). Toutefois, les conséquences attachées au manquement à cette obligation sont moins bien connues. D’une part, le franchisé pourra solliciter la nullité du contrat de franchise ainsi renouvelé à condition de démontrer que l’information communiquée ou dont il a été privé a vicié son consentement. Il doit en rapporter la preuve ;  à défaut, sa demande en nullité sera rejetée. C’est le principe rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt récent (Cass. com., 18 novembre 2008, pourvoi n°07-18.599). En l’espèce, une sous licence d’exploitation du savoir faire avait été souscrite pour une durée de cinq ans, puis avait été renouvelée par tacite reconduction. Le sous licencié, estimant que l’information précontractuelle, qui lui avait été donnée était insuffisante, demandait à ce que soit prononcée la nullité de la convention de sous-licence. La Cour d’appel rejette sa demande en nullité aux motifs qu’il appartenait au sous licencié d’établir l’insuffisance de l’information donnée et de démontrer en quoi celle-ci aurait vicié son consentement. La Cour de cassation confirme la décision et juge que l’insuffisance de l’information invoquée n’a pu vicier le consentement au sens de l’article L 330-3 du code de commerce. D’autre part, le franchisé peut également solliciter la mise en œuvre de la responsabilité du franchiseur pour défaillance dans son obligation de délivrer une information préalable ; dans ce cas, il appartiendra au franchisé de démontrer que l’insuffisance ou le défaut d’information lui a causé un préjudice au sens de l’article 1382 du code civil. Une décision intéressante rendue en matière de distribution (Cass. com., 27 janvier 2009, pourvoi n°07-21.616) s’est prononcée sur la question de savoir si le fait de ne solliciter que l’octroi de dommage et intérêts sur le fondement, non pas de l’article 1382, mais de l’article 1116 du code civil est inopérant. En l’espèce, le renouvellement du contrat de distribution n’avait donné lieu à aucune information précontractuelle. C’est ainsi que le distributeur sollicitait l’octroi de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation d’information prévue à l’article L 330-3 du code de commerce. La Cour d’appel rejette sa demande, considérant le moyen inopérant, aux motifs que le distributeur, qui soutenait l’existence d’un dol, sollicitait en réparation uniquement l’octroi de dommages et intérêts alors que la sanction d’une convention contractée avec dol suppose nécessairement une demande en nullité. La Haute juridiction, au visa de l’article L 330-3 du code de commerce casse l’arrêt d’appel, jugeant qu’il importe peu que le distributeur ne poursuive pas l’annulation du contrat litigieux.

2. La prorogation

192.  La prorogation d’un contrat, aussi appelée « substitution de terme », permet d’en différer le terme extinctif et, partant, de prolonger son existence. La clause de prorogation énonce les conditions (a) et les effets de cette prorogation (b).

a) Les conditions de la prorogation

193.  A la différence du renouvellement, la prorogation – encore appelée « substitution de terme » –ne fait pas naître un nouveau contrat, mais permet simplement de différer le terme du contrat initial : c’est donc ce même contrat qui s’applique au-delà du terme initialement convenu.

194.  Il convient de distinguer trois types de clauses de prorogation.

En premier lieu, les parties peuvent avoir accepté ab initio, sous réserve de la réalisation de certaines conditions, que la prolongation du contrat s’effectuera de plein droit. Ainsi, une fois le contrat arrivé à son terme, si les conditions prévues ab initio sont réunies, le contrat sera automatiquement prorogé pour une durée supplémentaire. Il est donc possible pour les parties de prévoir qu’en cas de la réalisation de tel chiffre d’affaire, la prorogation du contrat de franchise interviendra automatiquement.

En deuxième lieu, une promesse de prorogation peut être stipulée. Par ce mécanisme, la prolongation de la durée du contrat est abandonnée à la volonté d’une seule des parties, l’autre étant d’ores et déjà engagée. La partie qui entend proroger le contrat pourra manifester sa volonté de manière expresse ou tacite, en fonction de la rédaction de ladite promesse.

En troisième lieu, la prorogation du contrat de franchise peut être soumise à l’accord des deux parties. Ainsi, si chacune d’elle peut manifester sa volonté de poursuivre le contrat, elle dispose également de la faculté de s’y opposer. Ici encore, selon la rédaction retenue, l’acte de volonté de chacune des parties devra ou non être exprès.

195.  Il convient d’être vigilant quant au moment où les parties entendent décider de proroger la durée du contrat. En effet, elles doivent impérativement se mettre d’accord sur cette prorogation avant l’expiration du contrat initial car, passé ce délai, il ne s’agirait plus de proroger le contrat mais d’en conclure un nouveau, en dépit de la qualification de prorogation donnée par les parties (CA Paris, 29 novembre 2007, Juris-Data n°2007-353808).

b)      Effets de la prorogation

196.  Si les effets de la prorogation ne posent pas de problème entre les parties dans la mesure où il s’agit de différer le terme du contrat initialement prévu (α), ils apparaissent néanmoins plus difficiles à déterminer à l’égard des tiers (β).

α) Entre les parties

197.  La prorogation, à la différence du renouvellement, n’entraîne que le report du terme initial, impliquant des conséquences juridiques différentes :

–          il n’y a aucun changement dans le cours de l’exécution sauf concernant la durée (La durée du contrat prorogé court de la conclusion du contrat initial jusqu’au terme de la prorogation ; elle ne doit donc pas excéder la limite de 10 ans résultant des dispositions de l’article L. 330-1 du code de commerce) ;

–          la loi applicable au contrat reste celle qui présidait lors de la conclusion (CA Paris, 29 novembre 2007, Juris-Data n°2007-353808) ;

–          il n’est pas nécessaire que le franchiseur respecte, au moment de la prorogation du contrat, l’obligation d’information prévue aux articles L.330-3 et R.330-1 et suivants du code de commerce (CA Paris, 29 novembre 2007, Juris-Data n°2007-353808).

La prorogation du contrat peut s’accompagner d’une modification de certaines des obligations mises à la charge de l’une ou l’autre des parties (CA Colmar, 9 novembre 2004 : Juris-Data n°2004-274028 : constatant que, par leur volonté commune, les parties avaient décidé de proroger le contrat pour une durée de six mois tout en supprimant la clause de non-concurrence figurant dans le contrat).

β) A l’égard des tiers

198.  Les effets à l’égard des tiers restent plus délicats à appréhender, notamment dans une hypothèse particulière, celle de la caution dont le contrat principal garanti a été prorogé. Ainsi, la question qui se pose est celle de savoir si la prorogation doit être considérée comme un simple avenant venant uniquement différer le terme du contrat initial ou si, au contraire, elle fait naître des obligations supplémentaires pour la caution. Dans la première hypothèse, la caution reste tenue alors que dans la seconde, elle est libérée de son engagement dans la mesure où de nouvelles obligations sont mises à sa charge.

199.  Cette discussion, fondée sur l’article 2316 du code civil, laisse place à des hésitations jurisprudentielles (La jurisprudence n’est pas parfaitement fixée sur cette question). Toutefois, la plupart des décisions rendues considère que  la caution consentie en garantie de l’exécution du contrat de franchise initial n’est pas déchargée du seul fait de la prorogation du contrat de franchise(Cass. com., 3 avril 2002, RJDA octobre 2002, n°1085 ; CA Paris, 16 juin 1993, Juris-Data n°1993-022294).

B. Le non renouvellement est un droit pour les parties

200.  S’il est établi que le non renouvellement du contrat de franchise est un droit pour les parties (1), l’exercice de ce droit est toutefois limité par la notion d’abus (2).

1.       Le principe : l’absence de droit au renouvellement du contrat

Deux décisions commentées : CA Rennes 29 octobre 2008 (RG n°06/06561) et CA Angers 17 juin 2008 (RG n°07/02547)

201.  Le contrat de franchise a le plus souvent une durée déterminée et prévoit que, sauf manifestation de volonté en sens contraire des parties selon les modalités prévues au contrat, ce dernier sera renouvelé tacitement, soit pour une période définie – qui peut être différente de la période initiale – soit sans limitation de durée. Dès lors que les parties ou l’une d’entre elle a signifié sa volonté de ne pas renouveler le contrat, en respectant les formes qu’il prévoit et notamment le préavis contractuel, celui-ci prend fin à l’arrivée du terme stipulé au contrat (CA Chambéry, 8 janvier 2008, Juris-Data n°2008-356713).

202.  Ainsi, par principe, et en l’absence de stipulations contractuelles contraires, il n’existe ni pour le franchisé, ni pour le franchiseur, de « droit » au renouvellement du contrat de franchise. La Cour de cassation a d’ailleurs une jurisprudence constante à ce sujet tant en matière de distribution (Cass. com., 6 juin 2001, pourvoi n°99-10.768 ; Cass. com., 23 mai 2000, pourvoi n°97-10.553) qu’en matière de franchisage (CA Paris, 23 février 2000, Juris-Data n°2000-108177).

203.  En conséquence, le franchiseur est libre de ne pas renouveler le contrat de franchise, et ce, peu important les mérites de son franchisé, le rendement de son activité, l’importance des investissements qu’il a réalisés, ses perspectives d’évolution, l’absence de grief imputable au franchisé(CA Paris, 30 octobre 2003, Juris-Data n°2003-230107: retenant que le simple fait qu’aucun reproche n’ait été formulé à l’encontre du franchisé, qui ne se doutait pas de la résiliation, est inopérant, dès lors que, dans un contrat à durée déterminée, la résiliation au terme convenu est toujours prévisible), la durée des relations contractuelles appelées à disparaître, etc.

204.  Il s’agit en réalité pour le franchiseur d’exercer un droit contractuel, ce qui justifie qu’il ne soit pas tenu de motiver sa décision(Cass. com. 9 juillet 1952, RTD com. 195, p. 720, obs. J. Hemard) .En effet, la durée du contrat est déterminée par la volonté commune des parties et rien ne permettrait de justifier qu’il continue de produire ses effets par la volonté d’une seule d’entre elles, en l’espèce le franchisé.

205.  On aurait pu penser que la Haute juridiction ait institué un droit pour le franchisé au renouvellement de son contrat de franchise, notamment au vu d’une décision rendue par la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com. 9 Octobre 2007, pourvoi n°05-14.118). Toutefois, il n’en est rien dans la mesure où cet arrêt retient que la rupture intervenue aux torts exclusifs du franchiseur ouvre droit au franchisé à la réparation du préjudice qui en découle. Or, ce n’est là que l’application classique du droit des obligations.

206.  La volonté des parties de ne pas renouveler le contrat de franchise arrivé à terme doit être suffisamment claire et précise. La Cour d’appel de Douai (CA Douai, 28 Juin 2007, RG n°06/03867) a jugé qu’une telle volonté n’était pas caractérisée par le simple fait, pour le franchisé qui a conclu un contrat d’approvisionnement avec son franchiseur parallèlement au contrat de franchise, d’indiquer qu’il n’entend pas reconduire le contrat d’approvisionnement. Ainsi, la non reconduction du contrat d’approvisionnement n’entraîne pas, de facto, la résiliation du contrat de franchise. Récemment, l’indépendance juridique des conventions d’approvisionnement et de franchise a d’ailleurs été rappelée par un arrêt de la Cour d’appel d’Angers en date du 17 Juin 2008 (CA Angers, 17 Juin 2008, Juris-Data n° 2008-369900 ; RG n°07/02547).

207.   Faisant application du droit du franchiseur à ne pas renouveler le contrat, un arrêt récent a précisé que dans l’hypothèse où le franchiseur déciderait de ne pas renouveler le contrat de franchise, le franchisé ne saurait prétendre à une indemnisation pour les éléments du fonds de commerce qu’il aurait transmis au franchiseur (CA Rennes, 29 octobre 2008, RG n°06/06561). En l’espèce, le franchiseur avait manifesté sa volonté de ne pas procéder au renouvellement du contrat de franchise et avait ouvert un nouveau centre en reprenant le personnel de la société franchisée, laquelle avait cédé son droit au bail. L’ancien franchisé avait alors assigné le franchiseur aux fins d’obtenir une indemnisation pour les éléments du fonds de commerce qu’il lui aurait transmis, en l’espèce la clientèle. Or, la cour d’appel considère que le franchisé n’a pu s’accaparer la clientèle attachée aux produits de la marque du franchiseur et que c’est en pleine connaissance de cause qu’il a cédé son droit au bail. Elle en conclut que le franchisé ne pouvait dès lors prétendre à aucune indemnisation.

2.       La limite : le non renouvellement fautif du contrat

a) Le non respect des modalités contractuelles de non renouvellement

208.  Dès lors que le contrat est renouvelé tacitement, la rupture unilatérale dudit contrat sera fautive si elle n’est ni réalisée conformément aux dispositions contractuelles de résiliation du contrat, ni justifiée par le manquement d’une des parties aux obligations qui lui incombent. Ainsi, la rupture sera fautive dans l’hypothèse où le préavis ou les formes de la manifestation de la volonté de résilier n’auront pas été respectés.

209.  En revanche, par application de l’adage selon lequel « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude » la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que le franchisé qui s’est abstenu d’aller retirer la lettre recommandée avec avis de réception pourtant présentée à l’adresse exacte de ce dernier, ne saurait se prévaloir de sa propre négligence en invoquant le fait qu’il n’a pas été informé de l’intention du franchiseur de ne pas renouveler les contrats de franchise (Cass. com., 29 janvier 2008, pourvoi n°06-13.462).

210.  Toutefois, il arrive que l’une des parties soutienne que les contrats de franchise et, le cas échéant, d’approvisionnement se sont poursuivis par tacite reconduction malgré la dénonciation par l’une des parties du renouvellement dans les formes et délais prévus contractuellement. Or, la jurisprudence considère que le fait pour le franchisé, qui a dénoncé le contrat de franchise, de continuer de s’approvisionner auprès du franchiseur ne constitue pas une renonciation de sa part à la dénonciation du contrat de franchise (CA Chambéry, 8 janvier 2008, Juris-Data n°2008-356713). En effet, le simple fait de continuer de s’approvisionner auprès du franchiseur ne suffit pas à démontrer une volonté non équivoque du franchisé de poursuivre le contrat de franchise.

Ainsi, indirectement, la Cour de cassation rappelle l’indépendance juridique des contrats de franchise et d’approvisionnement, y compris dans l’hypothèse où ces contrats seraient conclus avec le même cocontractant (le franchiseur).

b)      L’abus

211.  Si le franchiseur dispose de la faculté de refuser de renouveler un contrat de durée déterminée arrivé à son terme, il peut l’exercer uniquement dans la limite de l’abus. Ainsi, le franchiseur pourra engager sa responsabilité en cas d’« abus de droit »(V. pour une étude d’ensemble sur cette notion : Encyclopédie Dalloz, « Abus de droit » ; C. Jamin, Typologie des théories juridiques de l’abus : Rev. conc. consom. juillet-août 1996, n°92). La jurisprudence considère que la responsabilité du contractant qui abuserait de son droit de ne pas renouveler le contrat est délictuelle (Cass. Com., 4 janvier 1994 : écartant l’abus au visa de l’article 1382 du code civil).

212.  Ainsi, le franchisé à qui la décision de refus de renouvellement aura été opposée devra démontrer l’existence d’un « abus » (Cass. com. 16 mai 2006, pourvoi n°05-15.794 ; Cass. com., 18 décembre 2001, pourvoi n°99-11.787 ; Cass. civ. 1ère, 2 mars 1999, pourvoi n°96-18.549 ; Cass. civ.,10 mai 1995, pourvoi n°93-17.665). En effet, la preuve de l’abus incombe à celui qui l’invoque soit, en règle général, le franchisé (CA Paris 12 janvier 2005, Juris-Data n°2005-277027 ; CA Paris, 5ème ch., 25 janvier 2006, inédit, RG n°03/07941 ; Cass. com., 5 juillet 1994, pourvoi n°92-17.918). Cette preuve est d’autant plus délicate à rapporter en pratique que, selon la jurisprudence, elle ne peut résulter de l’expression d’un simple refus (Cass. civ. 3ème, 3 juin 1998, pourvoi n°96-22.518), ni même d’ailleurs du caractère infondé de ce refus (Cass. civ. 2ème, 14 juin 2006, pourvoi n°04-18.250) ; un tel abus ne peut pas davantage s’inférer de la seule disproportion de la puissance économique des parties (CA Paris, 4ème ch., sect. B, 9 juin 1994, Juris-Data n°1994-023433).

213.  De même, ne saurait constituer un abus de droit le fait pour le franchiseur de refuser de renouveler le contrat de franchise en raison :

–          de la violation par le franchisé de ses obligations contractuelles (CA Paris, 13 juillet 1990, Juris-Data n°1990-023627 (non-paiement de redevances)) ;

–          de l’inefficacité du franchisé (Cass. com., 9 octobre 2007, Juris-Data n°2007-040801 (non-respect des quotas par le franchisé)) ;

–          d’une réorganisation du réseau de distribution.

214.  En revanche, à l’instar du droit commun, le non renouvellement du contrat de franchise à durée déterminée constitue un abus de droit lorsque l’un des cocontractants a commis une faute intentionnelle. Peut par exemple être abusif le fait pour le franchiseur :

–          d’avoir laissé croire au franchisé que son contrat serait renouvelé ;

–          de ne pas lui avoir signalé que son contrat serait substantiellement modifié ;

–          d’avoir fait réaliser au franchisé des investissements importants en vue d’un renouvellement ultérieurement refusé ;

–          de n’avoir pas avisé le franchisé du non renouvellement de son contrat dans un délai de préavis suffisant. Il sera donc possible pour le franchisé, pour caractériser l’abus, de se prévaloir de l’article L 442-6, I, 5° du code de commerce aux termes duquel est sanctionné le fait « de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit, tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (…) ».

215.  Si l’abus dans le droit de rompre la relation contractuelle peut émaner du franchiseur, il peut également être le fait du franchisé. Ainsi, un préavis de deux mois est-il considéré comme abusif au regard de la relation commerciale établie dès lors que le franchisé a continué à commander des produits – objets de la franchisé et respecter l’exclusivité prévue au contrat postérieurement à l’arrivée de son terme, ayant ainsi maintenu le franchiseur dans la croyance légitime d’une pérennité des relations commerciales, quel que soit leur cadre, en l’espèce sans contrat écrit(CA Dijon, 15 novembre 2007, RG n°07/00144, inédit). Le franchisé aurait du se conformer au préavis de 3 mois prévu dans le contrat initial.

Dans une autre espèce, il a été jugé que le fait pour le franchiseur de ne pas renouveler le contrat de franchise en raison du non respect des quotas par le franchisé, alors même qu’il a implanté de nouveaux partenaires à proximité de ses points de vente, ne constitue pas une rupture abusive dans la mesure où le franchiseur n’est pas tenu de garantir une exclusivité au franchisé (Cass. com., 9 octobre 2007, Juris-Data n°2007-040801).

II. La résiliation du contrat de franchise

216.  La résiliation du contrat de franchise peut survenir suivant différents types de modalités (A). Lorsqu’elle intervient de manière fautive, son auteur se doit de réparer les préjudices causés par sa faute (B).

A. Les modalités de la résiliation

217.  La résiliation peut naître de la volonté commune des parties (1) ou de la volonté unilatérale de l’une d’elles (2).

1.       La résiliation née du consentement mutuel des parties

Une décision commentée : Cass. com., 13 janvier 2009 (pourvoi n°08-12375)

a)      Les conditions de l’accord révocatoire

218.  Aux termes de l’article 1134 du code civil selon lequel «  les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites », il est parfaitement possible pour les cocontractants de trouver un accord en vue de mettre fin au contrat initial. En effet, par application de ce principe, ce que les parties ont fait, seules les parties peuvent le défaire.

219.  Pour que l’accord révocatoire produise ses effets, il doit être le fruit d’une offre de révocation suivie d’une acceptation par l’autre cocontractant, laquelle peut être expresse ou tacite. Dans l’hypothèse où l’acceptation est tacite, elle résulte de certaines circonstances dont l’appréciation appartient aux juges du fond, qui, pour ce faire, se fondent sur un faisceau d’indices. Ces derniers doivent être précis, graves et concordants et manifester la volonté commune des parties de mettre fin au contrat qui les liait. Il en sera ainsi lorsque les parties cessent mutuellement d’exécuter leurs obligations à partir d’une certaine date (TC Paris, 9 Septembre 2005, RG n°2004-004816) ou encore, lorsqu’une des parties a, par courrier, proposé la résiliation du contrat de franchise et que l’autre a pris acte de celle-ci (CA Riom, 20 juin 2007, RG n°06/01272 ; CA Paris, 28 novembre 1994, Juris-Data n°1994-024885 ; CA Paris, 1er mars 1990, Juris-Data n°1990-020781). De même, dans l’hypothèse où le franchiseur autoriserait le franchisé à céder son fonds de commerce, il ne saurait lui interdire la résiliation du contrat de franchise (T. Com. Paris, 3 juillet 2006, Juris-Data n°2006-314649).

b)      Les effets de l’accord révocatoire

220.  L’accord révocatoire devant être assimilé à un contrat, il convient d’en analyser la force obligatoire entre les parties (α) mais aussi les effets quant au préjudice pouvant en découler (β).

α) Quant à sa force obligatoire

221.  L’accord révocatoire émanant de la volonté des cocontractants peut être assimilé à un contrat. Il est donc logique qu’il ait force obligatoire entre les partie, ce qui implique que les parties ne pourront remettre en cause ses stipulations qu’au moyen d’un nouvel accord. Il a ainsi été jugé que la partie, victime d’une erreur dans l’appréciation de la date du terme du contrat, ne saurait revenir sur son sa volonté de résilier le contrat de manière anticipée (CA Caen, 6 mars 2008, Juris-Data n°2008-366373).

β) Quant au préjudice qui en découlerait

222.  Si les parties s’accordent sur le principe de la rupture ; celle-ci ne saurait être fautive. Un récent arrêt rendu par la Cour de cassation le confirme, dans la mesure où il précise que la clause prévoyant une indemnité en cas de résiliation du contrat de franchise ne saurait produire ses effets dès lors que la résiliation intervient non pas en raison de la faute d’une des parties mais par sa volonté (Cass. com., 13 Janvier 2009, pourvoi n°08-12.375). Ainsi, Cour de cassation infirme l’arrêt rendu par la cour d’appel,  les juges du fond ayant dénaturé les termes du contrat en considérant que cette clause devait être mise en œuvre en cas de résiliation amiable.

223.  Néanmoins, il n’est pas exclu qu’une partie  puisse subir un préjudice, c’est la raison pour laquelle les parties restent recevables à agir en réparation de leur préjudice ou en nullité (CA Riom, 20 juin 2007, RG n°06/01272, inédit). Dès lors, la prudence recommande que les parties, dans le cadre de l’accord révocatoire, s’accordent non seulement sur le principe de la rupture mais également sur ses effets. Il est par exemple possible de prévoir le maintien de la clause de non concurrence ou encore le fait que la résiliation amiable vaudra confirmation, emportant ainsi extinction du droit d’agir en nullité. A défaut, l’accord révocatoire laissera subsister la faculté pour l’une des parties d’agir en nullité ce qu’a d’ailleurs rappelé un arrêt de la Cour d’appel de Riom (CA Riom, 20 juin 2007, RG n°06/01272, inédit).

Un accord transactionnel, qui peut être matériel par une clause, permet de compléter efficacement l’accord de résiliation. Pour être valable, un tel accord nécessite l’existence de concessions réciproques des parties. Il permet de purger, pour le passé comme pour l’avenir, tout litige fondé sur la relation contractuelle amiablement éteinte.

2.       La résiliation unilatérale du contrat de franchise

224.  Aux termes de la prohibition en droit français des engagements perpétuels, toute partie à un contrat à durée indéterminée peut y mettre fin, dans la limite de l’abus de droit (CA Dijon, 15 novembre 2007, Juris-Data n°2007-355669). Ainsi, si en règle générale les contrats de franchise sont conclus pour une durée déterminée, il en va différemment lorsque le contrat est reconduit tacitement sans que le contrat initial n’ait prévu la durée des contrats reconduits.

Dans l’hypothèse où le contrat serait conclu à une durée déterminée, les parties disposent également de la faculté de rompre unilatéralement le contrat, mais dans des circonstances plus restreintes :

–          en application de la clause résolutoire stipulée au contrat ;

–          en présence de fautes graves d’une partie rendant impossible le maintien du lien contractuel, ainsi que la poursuite de l’engagement souscrit (Cass. civ 1re, 13 octobre 1998, pourvoi n°96-21.485 ; 20 février 2001, pourvoi n°99-15.170 ; 28 octobre 2003, pourvoi n°01-03.662 ; CA Paris, 2 avril 2008, Juris-Data n°2008-364977). Dans un tel cas, l’autre partie peut  mettre fin au contrat de façon unilatérale, mais à ses risques et périls.

En effet, rien n’interdit à la partie qui subit la résiliation de saisir le juge qui pourra, dans la première hypothèse, vérifier si la clause résolutoire a été mise en œuvre régulièrement – autrement dit, si le manquement dont se prévaut le créancier est avéré et sanctionné par la clause résolutoire – et dans la seconde hypothèse, si le comportement de la partie à l’encontre de laquelle le contrat est résilié, revêt une gravité suffisante pour justifier la rupture.  Selon les cas, il ordonnera la résiliation du contrat de franchise aux torts de l’une d’elles (a) ou aux torts partagés des deux parties (b).

a)      La résiliation prononcée aux torts exclusifs de l’une des parties

(i)                 La résiliation prononcée aux torts exclusifs du franchiseur

Quatre décisions commentées : CA Paris, 21 janvier 2009 (RG n°06/16463) ; CA Paris, 20 novembre 2008 (RG n°03/07603) ; CA Paris, 24 septembre 2008 (RG n°06/04334) et CA Rennes, 3 Juin 2008 (RG n°07/02085)

α) Le manquement du franchiseur à ses obligations contractuelles ou à son devoir général de loyauté

225.  Lorsque le franchiseur manque à ses obligations essentielles, la résiliation est prononcée à ses torts exclusifs. Le caractère essentiel des obligations du franchiseur est déterminé par le contrat de franchise ; le fait pour le franchiseur de manquer, par exemple,  à son obligation de mise à disposition de l’enseigne, d’exclusivité territoriale(CA Paris, 28 février 2008, Juris-Data n°2008-361041 ; CA Lyon, 28 février 2008, Juris-Data n°2008-365609) ou encore de communication du savoir-faire et de l’assistance(CA Douai, 6 septembre 2007, RG n°06/1777, inédit), justifie en principe que soit prononcée la résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs.

226.  Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris en témoigne(CA Paris, 24 septembre 2008, Juris-Data n° 2008-374079 ; RG n°06/04334). En l’espèce, un contrat de franchise ayant pour objet la commercialisation d’une marque de vêtement, prévoyait une clause d’exclusivité territoriale. Le franchisé demandait à ce que soit prononcée la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur, ce dernier ayant violé ladite clause en permettant à d’autres points de vente situés dans la zone d’exclusivité de commercialiser la marque concernée. Le Tribunal de commerce de Paris avait fait droit à la demande du franchisé et le franchiseur avait alors interjeté  appel de la décision, faisant valoir que ladite clause était territorialement limitée et interdisait uniquement au franchiseur d’ouvrir d’autres franchises dans la même zone. La Cour d’appel de Paris confirme le jugement rendu en première instance, considérant que la clause d’exclusivité stipulée dans le contrat de franchise interdit au franchiseur non seulement d’ouvrir d’autres franchises sur le territoire donné en exclusivité mais également de commercialiser sa marque dans d’autres magasins. Elle se fonde pour ce faire sur différents éléments, à savoir l’importance et la nature des produits griffés, ainsi que l’importance de leurs périodes de commercialisation.

La résiliation du contrat de franchise peut également être prononcée aux torts exclusifs du franchiseur lorsque celui-ci a manqué à son devoir général de loyauté et à son obligation d’exécuter le contrat de bonne foi(Cass.com. 28 novembre 2006, Juris-Data n°2006-036487 ; T. Com. Paris, 3 juillet 2006, Juris-Data n°2006-330083).

227.  Il est possible de s’interroger sur l’application de ces principes dans le cadre d’un contrat de master franchise. En effet, dans ce cas de figure, la relation contractuelle est tripartite. D’une part, le master franchiseur va accorder à un partenaire local, le master franchisé, une exclusivité d’exploitation et de développement du concept et du savoir associé à l’enseigne dans un pays considéré. D’autre part, le master franchisé qui assurera la fonction de franchiseur dans le pays qui lui est consenti, va conclure des contrats de franchise. Qu’advient-il des contrats de franchise en cas de résiliation du contrat conclu entre le master franchiseur et le master franchisé ? Cette rupture est elle de nature à justifier la résiliation des contrats de franchise aux torts exclusifs du master franchiseur ?

Pour répondre à ces interrogations, il convient de faire état de deux arrêts rendus par la Cour d’appel de Paris le 20 novembre 2008(CA Paris, 20 novembre 2008, RG n°03/07603). En l’espèce, un contrat de master franchise avait été conclu entre une société américaine et une société française. Le master franchisé avait alors conclu sur le territoire français un certain nombre de contrats de franchise. Ultérieurement, le master franchiseur ayant mis fin au contrat de master franchise, alors que les contrats de franchise étaient toujours en cours, a alors proposé aux franchisés français de se substituer au master franchisé dans les contrats qu’ils avaient conclus avec ce dernier. Après que les franchisés ont accepté ce changement de cocontractant, le franchiseur master s’est substitué un nouveau master franchisé, puis un certain nombre de difficultés sont intervenues. Les franchisés ont alors demandé que soit prononcée la résiliation de leur contrat de franchise en agissant tant à l’encontre du master franchisé que du master franchiseur, agissant contre ce dernier au plan quasi délictuel et contractuel. Le Tribunal de commerce de Paris rejette leur demande tendant à obtenir la résiliation de leur contrat de franchise, jugeant que les fautes ayant été commises par l’ancien master franchisé. La Cour d’appel de Paris confirme le jugement rendu en première instance et considère que la résiliation du contrat de master franchise intervenue entre le master franchiseur et le master franchisé ne peut être considérée comme un élément permettant de justifier une résiliation unilatérale des contrats de franchise aux torts exclusifs du master franchiseur.

β) La résiliation du contrat par le franchiseur sans juste motif

228.  En principe, en dehors des cas dans lesquels les parties ont prévu dans le contrat des cas de résiliation sans faute, le franchiseur n’est fondé à résilier le contrat que s’il peut se prévaloir d’une faute imputable au franchisé.

Si le franchiseur, pour fonder la résiliation du contrat s’appuie sur des fautes du franchisé qui apparaissent « dérisoires » par comparaison avec celles que lui-même a commises, la résiliation du contrat de franchise doit être prononcée à ses torts exclusifs. Afin d’évaluer la licéité de la résiliation, les juges du fond se livrent à un contrôle de proportionnalité.

Il a ainsi été jugé que le franchiseur n’est pas fondé à demander la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé dès lors qu’il a violé la clause d’exclusivité territoriale stipulée dans le contrat de franchise. En l’espèce, pour justifier sa demande de résiliation, le franchiseur se prévalait des retards de paiement de son franchisé. Toutefois, la cour d’appel considère que, quels que soient les griefs émis par le franchiseur, à partir du moment où il a violé de manière flagrante son obligation contractuelle d’exclusivité territoriale, cela suffit à justifier une résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs(CA Paris, 28 février 2008, Juris-Data n°2008-361041).

Il convient également de souligner l’existence d’un arrêt rendu par la Cour d’appel de Rennes le 3 Juin 2008(CA Rennes, 3 juin 2008, Juris-Data n°2008-007112 ; RG n°07/02085), lequel rappelle que la forme de la résiliation est susceptible d’en impacter la validité. Dans cette affaire, le franchiseur entendait se prévaloir de la clause résolutoire prévue par le contrat de franchise en raison de la violation, par le franchisé, de la clause de non concurrence stipulée dans le contrat. Cette clause permettait au franchiseur, dans un tel cas, de résilier immédiatement le contrat par simple lettre recommandée. Néanmoins, le franchiseur n’ayant pas visé dans son courrier la violation par le franchisé de la clause de non concurrence, la cour d’appel a considéré que la rupture unilatérale du contrat de franchise par le franchiseur revêtait un caractère fautif.

(ii)               La résiliation prononcée aux torts exclusifs du franchisé

Sept décisions commentées : Cass. com., 26 mai 2009 (pourvoi n°08-13.194) ; CA Paris, 18 mars 2009 (RG n°07/01386) ; CA Paris, 21 janvier 2009 (RG n°06/11392) ; CA Paris, 7 janvier 2009 (RG n°06/13301) ; CA Paris, 1er octobre 2008 (RG n°06/10492) ; CA Paris, 24 septembre 2008 (Juris-Data n°2008-374047) et CA Paris, 6 juin 2008 (RG n°07/03323),

α) Le manquement du franchisé à ses obligations contractuelles ou à son devoir général de loyauté

229.  Si la résiliation du contrat de franchise peut être prononcée aux torts exclusifs du franchiseur dès lors qu’il manque à ses obligations essentielles, il en est de même pour le franchisé. Ainsi, la résiliation du contrat de franchise sera prononcée aux torts exclusifs du franchisé dès lors qu’est établi le non-paiement des redevances (CA Paris, 20 juin 2007, RG n°05/04931 ; CA Toulouse, 11 décembre 2007, RG n°06/02396), le non-respect du concept et du savoir-faire du franchiseur (CA Toulouse, 11 décembre 2007, RG n°06/02396), de l’obligation d’assortiment minimum (CA Pau, 8 novembre 2007, 3 arrêts, RG n°06/00105, 06/00106 et 06/00935) ou d’approvisionnement (CA Toulouse, 11 décembre 2007, RG n°06/02396), ou encore le refus des visites de contrôle (CA Toulouse, 11 décembre 2007, RG n°06/02396). Le non respect de la clause de non concurrence pendant l’exécution du contrat constitue également une faute justifiant la résiliation : tel est le cas lorsque le franchisé exploite un magasin vendant le même type d’articles que celui objet de la franchise, alors qu’une disposition de son contrat de franchise lui fait interdiction d’exploiter, directement ou indirectement, pour son compte ou pour le compte d’autrui, des activité similaires à celles du franchiseur et ce, quelle que soit la localisation de cette exploitation (CA Paris, 6 juin 2008, RG n°07/03323 ; CA Bordeaux, 24 septembre 2007, RG n°06/00915).

Dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, il a été jugé que le franchisé manque à ses obligations essentielles lorsqu’il cède son droit au bail à un tiers exerçant une activité différente, sans obtenir l’agrément préalable du franchiseur, contrairement aux dispositions du contrat de franchise (CA Paris, 1er octobre 2008, Juris-Data n°2008-374080 ; RG n°06/10492).

En l’espèce, un contrat de franchise ayant pour objet l’exploitation d’un salon de coiffure sous l’enseigne « Jean Louis David » avait été conclu. Aux termes de la convention, il était stipulé que l’apport ou la cession de tout ou partie du fonds de commerce du franchisé était soumis à l’agrément préalable du franchiseur. La société franchisée souhaitant céder son fonds de commerce à un acquéreur exerçant une activité de prêt à porter, en a, conformément aux stipulations contractuelles, informé le franchiseur. Toutefois, elle n’a pas attendu que celui-ci lui donne son accord pour procéder à la cession de son fonds de commerce. Dès lors, la cour d’appel a considéré que cette cession, intervenue en violation directe des dispositions liant les parties, doit être regardée comme constitutive d’une résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé.

230.  De même, la Cour d’appel de Paris a récemment considéré que le franchisé manque à une de ses obligations essentielles lorsqu’il se contente d’exercer une activité de livraison à domicile alors que le contrat de franchise lui imposait l’exploitation d’un point de vente à des horaires précis (CA Paris, 18 Mars 2009, Juris-Data n°2009-002274 ; RG n°07/01386). En l’espèce, le contrat de franchise portait sur l’exploitation d’une pizzeria et prévoyait à la fois l’exploitation d’un restaurant et l’exercice d’une activité de livraison rapide à domicile. Ledit contrat imposait à cet effet que l’unité de restauration soit ouverte à la clientèle à des horaires précis. Or, le franchisé avait unilatéralement décidé de fermer le restaurant et de ne plus exercer que l’activité de livraison à domicile. La cour d’appel considère en l’espèce que le franchisé ayant violé une obligation déterminante du contrat de franchise doit être regardé comme ayant lui-même dénoncé unilatéralement son engagement et qu’ainsi, la résiliation du contrat de franchise doit être prononcée aux torts exclusifs du franchisé.

231.  Dans un arrêt du 26 mai 2009 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation, la Haute juridiction a jugé que le fait pour le franchiseur de ne pas restituer les sommes prélevées indument pour la communication nationale ne saurait justifier une résiliation prononcée à ses torts exclusifs dès lors que le franchisé ne produit pas les justificatifs nécessaires (Cass. com. 26 mai 2009, pourvoi n°08-13.194). Doit donc être approuvée la cour d’appel qui a prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé.

232.  Dans une autre affaire relative à l’obligation d’exécuter les contrats de bonne foi, la Cour d’appel de Pau a rejeté l’argumentation de plusieurs franchisés auxquels il était reproché d’avoir violé leur obligation d’assortiment minimum. Ils se prévalaient d’une définition figurant dans la motivation d’un arrêt d’appel d’ordonnance de référé pour se contenter de commandes mensuelles réduites à zéro ou symboliques (CA Pau, 8 novembre 2007, 3 arrêts, RG n°06/00105, 06/00106 et 06/00935), cette interprétation s’opposait à l’obligation générale d’exécution de bonne foi du contrat.

233.  La Cour d’appel de Paris a pu considérer que le fait, pour un franchisé, de dénigrer ouvertement le réseau de franchise auquel il appartient, justifie une résiliation du contrat de franchise prononcée à ses torts exclusifs (CA Paris, 24 Septembre 2008, Juris-Data n° 2008-374079 ; RG n°06/04334).

234.  Il a enfin été jugé que le fait pour le franchisé de mettre en place un site internet contrairement à l’interdiction faite dans le contrat de franchise justifie que la résiliation dudit contrat soit prononcée à ses torts exclusifs (CA Paris, 21 Janvier 2009, RG n°06/11392).

β) La résiliation du contrat par le franchisé sans juste motif

235.  La résiliation est également prononcée aux torts exclusifs du franchisé lorsque le manquement du franchiseur, dont il se prévaut pour justifier la résiliation du contrat, n’est pas avéré. L’actualité jurisprudentielle fournit plusieurs illustrations de cette hypothèse. Elles concernent des cas où il était reproché, à torts, au franchiseur de ne pas avoir respecté :

–          le processus décisionnel en matière de fidélisation de la clientèle (CA Paris, 7 Janvier 2009, RG n°06/029228) ;

–          les modalités de livraison (CA Lyon, 8 novembre 2007, RG n°05/06933) ;

–          son obligation d’approvisionnement (CA Lyon, 28 février 2008, Juris-Data n°2008-365609) ;

–          ses obligations d’assistance et de transmission du savoir-faire (CA Paris 20 juin 2007, RG n°05/04931 ; CA Lyon, 28 février 2008, Juris-Data n°2008-365609).

Il convient également de rappeler que c’est au franchisé ayant résilié le contrat qu’il incombe d’apporter la preuve des manquements commis par le franchiseur (CA Lyon, 28 février 2008, Juris-Data n°2008-365609 ; CA Lyon, 31 janvier 2008, RG n°06/00187 ; CA Paris, 20 juin 2007, RG n°05/04931 ; CA Lyon, 22 mars 2007, Juris-Data n°2007-332144).

236.  Au manquement contractuel non avéré ou démontré, il faut assimiler le cas où le manquement dont se prévaut le franchisé ne constitue pas une obligation contractuelle pour le franchiseur. Ainsi, dans une espèce où le franchisé faisait grief au franchiseur de ne pas lui avoir rendu compte du développement du réseau, la cour d’appel n’a pas accueillie son argumentation, au motif que le contrat faisait seulement obligation au franchiseur d’animer le réseau et ne contenait aucune obligation pour le franchiseur de rendre compte périodiquement à ses franchisés du développement du réseau (CA Lyon, 31 janvier 2008, RG n°06/00187).

De même, a-t-il été jugé que le franchisé ne peut légitiment invoqué le non respect par son franchiseur :

–          de son obligation d’approvisionnement aux motifs que la clause selon laquelle « le franchiseur offrira au franchisé un assortiment adapté à son type de magasin et à son environnement » ne peut être interprétée comme obligeant le franchiseur à satisfaire, à chaque fois, l’intégralité des commandes du franchisé dans le délai convenu, qu’il est douteux que le franchiseur ait contracté une telle obligation, les ruptures de stocks ponctuelles étant un évènement ordinaire et qu’il n’est pas démontré que les ruptures de stock aient eu, en l’espèce, une importance anormale (CA Lyon, 31 janvier 2008, RG n°06/00187 ; CA Lyon, 8 novembre 2007, RG n°05/06933) ;

–          des délais de livraison dès lors que le contrat stipule expressément que les délais de livraison prévus ne sont donnés qu’à titre indicatif et que les retards ne donnent pas le droit d’annuler la vente, de refuser la marchandise ou de réclamer des dommages et intérêts (CA Lyon, 8 novembre 2007, RG n°05/06933) ;

–          des délais d’envoi des factures dès lors qu’aucune disposition contractuelle ne prévoit de délai pour l’envoi des factures du franchiseur au franchisé (CA Lyon, 8 novembre 2007, RG n°05/06933).

237.  Dans une série d’affaires dont la Cour d’appel de Lyon a eu à connaître, les franchisés ont tenté de mettre à la charge de leur franchiseur une obligation de leur communiquer les accords négociés avec les producteurs et fournisseurs pour le compte du réseau et de leur reverser les avantages consentis par le fournisseur dans le cadre de la négociation des prix, alors qu’aucune clause du contrat ne prévoyait expressément le reversement au franchisé des remises et ristournes accordés par les producteurs et fournisseurs. Ils s’appuyaient sur la stipulation contractuelle selon laquelle « le franchiseur négocie directement avec les producteurs et fournisseurs et agit en tant que centrale de référencement et d’achat pour l’ensemble des produits, et ce pour le compte du réseau », pour soutenir que les franchisés étaient liés par un contrat de mandat ou de commission avec leur franchiseur et que ce faisant, ce dernier avait l’obligation de les faire bénéficier des remises, ristournes et autres rabais consentis par le producteur.

238.  La cour d’appel a rendu des décisions uniformes en rejetant les prétentions des franchisés (CA Lyon, 31 janvier 2008, RG n°06/00187 ; CA Lyon, 15 novembre 2007, RG n°05/07814 ; CA Lyon, 15 novembre 2007, RG n°06/01059 ; CA Lyon, 8 novembre 2007, RG n°05/07685 ; CA Lyon, 8 novembre 2007, RG n°05/07688 ; CA Lyon, 8 novembre 2007, RG n°05/06933). Interprétant le contrat de franchise à la lumière de la commune intention des parties (CA Lyon, 8 novembre 2007, RG n°05/06933), les juges ont estimé que peu important l’utilisation de l’expression « négocie pour le compte », les parties ne sont pas liées par un contrat de mandat ou de commission, mais que, dans ses relations avec le franchisé, le franchiseur agit en qualité de grossiste vis-à-vis d’un détaillant qui, après avoir négociés le prix de produits auprès de fournisseurs et les avoir achetés, les revend aux membres de son réseau, à un prix régulièrement fixé conformément au contrat de franchise.

Pour se déterminer ainsi, les juges se sont appuyés sur les stipulations contractuelles suivantes :

–          le franchisé s’est engagé à ne s’approvisionner qu’auprès du franchiseur ou de fournisseurs agrées par lui ;

–          le contrat prévoit que le franchiseur, pour les produits référencés et livrées directement par lui, assure le stockage sur entrepôt et en communique en permanence au franchisé le liste te la définition ;

–          le contrat mentionne la qualité de « franchisé-acheteur » ;

–          le contrat prévoit que le franchiseur facture au franchisé et se réserve la propriété des marchandises jusqu’au paiement intégral du prix ;

–          le contrat prévoit que le franchiseur communique régulièrement son tarif au franchisé et réserve au franchiseur la possibilité de modifier en hausse ou en baisse le prix des produits pour tenir compte des prix des producteurs et fournisseurs ;

–          se trouve joint au contrat un tarif client visant tous les produits référencés et contenant un prix de cession (pris de vente du franchiseur au franchisé), un pris de vente dans le magasin du franchisé et la marge ainsi réalisé.

239.  Dans une décision, les juges ont ajouté que la répartition des avantages consentis par les producteurs et fournisseurs, entre le franchiseur et les franchisés d’abord et entre les différents franchisés ensuite, aurait nécessité l’établissement d’un document contractuel en fixant les règles et modalités (CA Lyon, 8 novembre 2007, RG n°05/06933).

Les franchisés n’ont pas davantage eu gain de cause sur le fondement des articles L.442-6 I L. 420-1 du code de commerce, faute de rapporter la preuve qu’elle n’aurait pas bénéficié des mêmes avantages que ceux procurés à la concurrence par les fournisseurs ou d’une action concertée à laquelle aurait participé volontairement le franchiseur et une autre entreprise et qui aurait eu pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché (CA Lyon, 15 novembre 2007, RG n°05/07814 ; CA Lyon, RG n°06/01059 ; CA Lyon, 8 novembre 2007, RG n°05/07685 ; CA Lyon, 8 novembre 2007, RG n°05/07688).

Le fait que le franchiseur n’ai pas contesté les termes de la mise demeure du franchisé apparaît comme impropre à démontrer qu’il a reconnu implicitement l’obligation mise à sa charge par le franchisé (CA Lyon, 8 novembre 2007, RG n°05/06933). En revanche, le fait que le franchisé n’ait pas demandé, dans les premières années d’exécution du contrat, l’exécution de l’obligation dont il invoque la violation, constitue un indice en faveur du mal fondé de ses allégations (CA Lyon, 31 janvier 2008, RG n°06/00187 ; CA Lyon, 8 novembre 2007, RG n°05/06933 ; CA Lyon, 15 novembre 2007, RG n°05/07814).

Le franchisé résilie également sans juste motif le contrat de franchise lorsqu’il soutient, à tort, qu’il a fait connaître son intention de ne pas renouveler le contrat de franchisé à son échéance (CA Douai, 28 juin 2007, RG n°06/03867).

b)      La résiliation prononcée aux torts partagés du franchiseur et du franchisé

Deux décisions commentées : CA Dijon, 10 mars 2009 (RG n°08/00415) et T. Com. Rouen, 29 septembre 2008 (RG n°2006/003843)

240.  Le contrat est résilié aux torts réciproques du franchiseur et du franchisé dès lors que des fautes ont été commises de part et d’autre (CA Bordeaux, 24 janvier 2007, 2 arrêts, RG n°04/06592 et 04/06594). Ainsi dans une décision rendue par le Tribunal de commerce de Rouen le 29 Septembre 2008 (T. Com. Rouen, 29 Septembre 2008, RG n°2006/003843), la résiliation aux torts partagés du franchiseur et du franchisé a été prononcée aux motifs que les deux parties ont « curieusement manqué de professionnalisme », notamment dans l’établissement des documents précontractuels.

241.  La Cour d’appel de Dijon a également eu à se prononcer sur l’imputabilité de la rupture du contrat de franchise au cours de l’exécution duquel des manquements ont été commis de part et d’autre. En l’espèce, le contrat de franchise portait sur l’externalisation commerciale de la prospection des entreprises. De son côté, le franchisé invoquait le manquement du franchiseur à son obligation d’assistance. Le franchiseur quant à lui invoquait le manquement du franchisé à son obligation de paiement des redevances. Au regard de ces faits, la cour d’appel considère que le jugement rendu en première instance doit être confirmé en ce qu’il a prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts partagés des cocontractants, dans la mesure où il est établi que des fautes ont été commises par chacune des parties (CA Dijon, 10 mars 2009 RG n°08/00415).

242.  Toutefois, l’inégalité de la gravité des fautes commises peut justifier que la résiliation soit prononcée aux torts exclusifs de la partie ayant commis le manquement le plus grave. Ainsi, la Cour d’appel de Dijon a-t-elle jugé que la violation flagrante de la clause d’exclusivité territoriale justifie que la résiliation du contrat de franchise soit prononcée aux torts exclusifs du franchiseur « quels que soient les griefs émis par cette société, notamment quant aux retards de paiement de la part du franchisé » (CA Dijon, 10 Mars 2009, RG n°08/00415 – Voir aussi CA Paris, 28 février 2008, RG n°05/16764).

B. Les sanctions de la résiliation fautive

243.  Conformément au droit commun des obligations, la résiliation fautive du contrat de franchise justifie la réparation du préjudice que son auteur a causé à son cocontractant. L’évaluation de cette réparation relèvera de l’appréciation souveraine des juges du fond (1), à moins qu’elle ne soit prédéterminée par les parties elles-mêmes au moyen d’une clause pénale (2).

1.       La détermination par le juge des préjudices consécutifs à l’anéantissement du contrat

244.  Dès lors que ses conditions d’application son réunies (a), la résiliation fautive du contrat de franchise ouvre droit à réparation au profit du contractant non fautif (b).

a)      Les conditions du droit à réparation

Une décision commentée : CA Dijon, 10 mars 2009 (RG n°08/00415)

245.  La résiliation, quand bien même elle serait fautive, n’ouvre pas automatiquement un droit à réparation au profit de la partie victime. En effet, conformément au droit commun de la responsabilité, cette dernière doit rapporter la preuve d’un lien de causalité entre le préjudice qu’elle subit et la faute de son cocontractant. De même, la Cour d’appel de Dijon a récemment rappelé que le franchiseur qui ne démontre pas clairement l’existence d’un préjudice n’est pas fondé à demander l’octroi de dommages et intérêts (CA Dijon, 10 mars 2009, RG n°08/00415).

246.  La demande de réparation fondée sur la résiliation fautive du contrat ne peut être demandée que par le franchiseur au franchisé et vice-versa. En aucun cas, le dirigeant de la société contractante ne peut demander réparation sur un tel fondement : en l’absence d’un lien de droit entre la partie fautive et ledit dirigeant, ce dernier n’a pas intérêt à agir au sens de l’article 31 du code de procédure civile (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°2006-312416). De même, le franchisé, victime de la résiliation fautive, n’est pas fondé à demander la condamnation solidaire de son franchiseur et de son fournisseur dès lors que seul le franchiseur a signé le contrat de franchise et qu’il est en conséquence seul tenu aux obligations qui en découlent (CA Paris, 28 février 2008, RG n°05/16764).

247.  S’agissant du moment de la demande en réparation, il est indépendant de celui de l’inexécution de l’obligation.

b)      La mise en œuvre du droit à réparation

Onze décisions commentées : CA Dijon, 10 mars 2009 (RG n°08/00415) ; CA Paris, 21 janvier 2009 (RG n°06/11392 et n°06/16463) ; CA Paris, 7 janvier 2009 (RG n°06/13301) ; CA Paris, 19 novembre 2008 (RG n°06/02583) ; CA Paris, 1er octobre 2008 (RG n°06/10492) ; CA Paris, 24 septembre 2008 (RG n°06/04420 et n°06/04334) CA Aix-en-Provence, 11 septembre 2008 (RG n°06/12288) ; CA Paris, 10 septembre 2008 (Juris-Data n°2008-371740 ; RG n°06/12740) et CA Paris, 6 juin 2008 (RG n° 07/03323)

248.  En raison de son absence d’effet rétroactif, la résiliation fautive du contrat de franchise engage son auteur à réparer les préjudices qui en découlent, (i) lesquels sont différents des préjudices indemnisables en cas de nullité ou de résolution du contrat (ii).

(i)                 Les préjudices indemnisables en cas de résiliation du contrat de franchise

249.  La rupture du contrat de franchise est susceptible de causer au cocontractant non fautif un préjudice propre, distinct de celui issu de l’inexécution contractuelle ayant motivé la résiliation ou encore de celui causé par les fautes commises après l’extinction du contrat. Ainsi, les préjudices indemnisables  en cas de résiliation du contrat de franchise varient selon que la rupture est imputable au franchiseur (α) ou au franchisé (β).

α) Lorsque la résiliation est imputable au franchiseur

250.  Ainsi que cela a été précédemment rappelé, le préjudice du franchisé, doit pour être réparé, être établi et présenter un lien de causalité avec la résiliation prononcée aux torts du franchiseur.

La jurisprudence n’est pas uniforme quant à la question de l’indemnisation. Toutefois, l’examen des décisions permet de dégager quelques courants jurisprudentiels. Ainsi, le franchisé pourra ainsi obtenir, lorsqu’ils sont établis, la réparation des préjudices suivants :

–          les pertes d’exploitation lorsque les chiffres avancés par le franchisé sont établis par un professionnel du chiffre et attesté par lui, tout en étant corroboré par des déclarations fiscales (CA Nîmes, 23 juin 2005, Juris-Data n°2005-282018), étant précisé que :

o   le montant des charges passées à tort en perte d’exploitation alors qu’elles relèvent de l’amortissement doit être déduit (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°2006-312416) ;

o   la perte de marge brute ne peut être calculée que pour la période où le franchiseur a manqué à ses obligations (CA Douai, 6 septembre 2007, RG n°06/01777) ;

o   cette indemnisation de perte de revenus exclut toute allocation de dommages et intérêt supplémentaires correspondant à la perte de partie des « capitaux propres », qui n’est que le résultat d’une part de l’insuffisance de marge brute réalisée au cours de la période, et d’autre part de l’incapacité dans laquelle s’est trouvée le franchisé de faire valider quatre trimestres de cotisations à une caisse de retraite en raison de la faiblesse de ses revenus (CA Douai, 6 septembre 2007, RG n°06/01777) ; à défaut, en effet, cela reviendrait à réparer plusieurs fois le même préjudice ;

o   il a toutefois été rappelé que la non réalisation du chiffre d’affaire prévisionnel ne peut être reprochée au franchiseur dès lors que le franchisé ne rapporte pas de lien de causalité entre le préjudice qui en résulte et la faute du franchiseur (CA Paris, 24 septembre 2008, Juris-Data n°2008-374079 ; RG n°06/04334) ;

–          le manque à gagner – lequel doit être apprécié, non pas au regard du chiffre d’affaires prévisionnel mais de celui effectivement réalisé – est constitué par la seule privation des bénéfices attendus, après déduction des charges d’exploitation ;

–          les investissements financiers non amortis correspondant aux aménagements spécifiques à l’enseigne (CA Douai, 6 septembre 2007, RG n°06/01777) et au versement du droit d’entrée (CA Paris, 24 septembre 2008, Juris-Data n° 2008-374079 ; RG n°06/04334 ; CA Paris, 28 février 2008, RG n°05/16764) ;

–          le remboursement du solde de l’emprunt bancaire contracté pour les besoins du démarrage de l’activité, dès lors que le franchiseur est responsable des difficultés financières rencontrées par le franchisé (CA Douai, 6 septembre 2007, RG n°06/1777) ;

–          les frais engagés pour remplacer les éléments distinctifs du réseau devant être ôtés en raison de la résiliation ;

–          le préjudice commercial (CA Paris, 28 février 2008, RG n°05/16764), et notamment la perte de clientèle rendue inéluctable par la clause de non concurrence stipulée au contrat, étant précisé que l’indemnisation de ce poste de préjudice suppose que le franchisé puisse se prévaloir d’une clientèle propre et non exclusivement attachée au franchiseur (Cass. com., 9 octobre 2007, pourvoi n°05-14.118) ;

–          le préjudice moral.

251.  Le fait que le contrat de franchise soit résilié aux torts exclusifs du franchiseur ne fait pas obstacle à son droit d’obtenir le paiement de diverses sommes restées impayées, correspondant notamment aux marchandises livrées (CA Paris, 28 février 2008, RG n°05/16764 ; CA Douai, 6 septembre 2007, RG n°06/1777) et aux cotisations publicitaires, à moins que les prestations publicitaires aient été inutiles, par exemple du fait de la violation par le franchiseur de la clause d’exclusivité territoriale (CA Paris, 28 février 2008, RG n°05/16764).

252.  Dans l’hypothèse où le contrat de franchise serait résilié sans juste motif par le franchiseur, ou que cette rupture serait abusive (CA Aix-en- Provence, 11 septembre 2008, RG n°06/12288), celui-ci n’est pas fondé à demander une quelconque indemnisation. Un arrêt récent rendu par la Cour d’appel de Paris relatif à un contrat de réservation, mais transposable au contrat de franchise, en témoigne. En l’espèce, un contrat de réservation avait été conclu entre le franchiseur et le futur franchisé, en vue de l’implantation d’un centre destiné à développer le concept. En exécution de ce contrat, le futur franchisé avait effectué toutes les démarches nécessaires en vue de l’implantation dudit centre. Le franchiseur, considérant que les démarches effectuées par son cocontractant étaient insatisfaisantes, avait rompu le contrat. La cour d’appel considère alors que la résiliation du contrat doit être prononcée à ses torts exclusifs dans la mesure où il n’établit pas que les manquements étaient de nature telle qu’ils empêchaient la poursuite de la relation contractuelle qui s’était imposée. En conséquence, elle considère, au vu du caractère brutal et abusif de la rupture, que le franchiseur ne saurait être fondé à demander la réparation d’un quelconque préjudice, notamment celui résultant de l’immobilisation du projet ainsi que le préjudice d’image (CA Paris, 21 janvier 2009, Juris-Data n°2009-003528, RG n°06/16463).

β) Lorsque la résiliation est imputable au franchisé

253.  Lorsque la résiliation fautive est imputable au franchisé, le franchiseur peut notamment obtenir la réparation des préjudices suivants, lorsqu’ils sont caractérisés :

–          les redevances non réglées (CA Paris, 7 janvier 2009, RG n°06/13301 ; CA Paris, 21 janvier 2009, RG n°06/11392 ; CA Toulouse, 11 décembre 2007, RG n°06/02396) ;

–          le paiement des redevances de franchise jusqu’au terme du contrat (CA Paris, 1er octobre 2008, Juris-Data n02008-374080 ; RG n°06/10492 ; CA Paris, 20 juin 2007, RG n°05/04931 ; CA Bordeaux, 21 janvier 2008, RG n°07/03693 ; CA Bordeaux, 24 septembre 2007, RG n°06/00915 ; CA Lyon, 8 novembre 2007, RG n°05/07688 ; CA Bordeaux, 21 janvier 2008, RG n°07/03693 ; CA Lyon, 31 janvier 2008, RG n°06/00187) ou, lorsque la faute consiste à ne pas avoir respecté le préavis prévu par la clause de résiliation, le paiement des redevances de franchise jusqu’à la fin du préavis qui aurait dû être respecté (CA Dijon, 15 novembre 2007, RG n°07/00144). Lorsque le montant de la redevance est fixé proportionnellement au chiffre d’affaires et que le franchisé s’abstient de communiquer un tel chiffre, le montant de la redevance est calculé sur la base du dernier mois connu (CA Paris, 20 juin 2007, RG n°05/04931). Il a toutefois été jugé que la rupture prématurée du contrat en raison de la faute du franchisé ne constitue qu’une perte de chance pour le franchiseur de percevoir les redevances jusqu’au terme contrat ; ainsi, la Cour d’appel de Paris a considéré qu’il ne pouvait bénéficier que du versement d’une somme forfaitaire (CA Paris, 6 Juin 2008, RG n°07/03323) ;

–          le trouble commercial résultant du départ anticipé et brutal du franchisé (CA Bordeaux, 24 septembre 2007, RG n°06/00915) ;

–          le préjudice résultant de la violation de la clause de non affiliation ou de non concurrence (CA Paris, 21 janvier 2009, RG n°06/11392 ; CA Paris, 6 juin 2008, RG n°07/03323 ; CA Lyon, 8 novembre 2007, RG n°05/07688 ; CA Lyon, 31 janvier 2008, RG n°06/00187) ;

–          la perte de chance de percevoir une marge bénéficiaire réalisée sur la vente des produits au franchisé (CA Lyon, 31 janvier 2008, RG n°06/00187) ;

–          le préjudice subi en raison du dénigrement du réseau de franchise par le franchisé (CA Paris, 24 septembre 2008, Juris-Data n° 2008-374047 ; RG n°06/04420) ;

–          le manque à gagner résultant de la rupture (CA Paris, 7 janvier 2009, RG n°06/13301).

Lorsque le contrat est résilié aux torts du franchisé, celui-ci ne peut prétendre à aucune indemnisation du fait de cette rupture (CA Bordeaux, 24 septembre 2007, RG n°06/00915).

Il a également été jugé par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 11 septembre 2008, Juris-Data n° 2008-371740 ; RG n°06/12740) que le franchiseur est bien fondé en sa demande de restitution du mobilier lié à l’image du réseau dès lors que la rupture est imputable au franchisé. En l’espèce, une clause imposait au franchisé la restitution du mobilier dans le mois suivant la résiliation. Ce dernier invoquait le caractère léonin de ladite clause dans la mesure où la protection de la marque ne saurait justifier une telle obligation de restitution entrainant une dépossession injustifiée de biens payés par lui. La cour d’appel le déboute de sa demande,  considérant que  « le caractère déséquilibré ou purement potestatif de ladite clause n’est pas démontré dès lors que celle-ci est justifiée par l’intérêt même du contrat de franchise qui consiste pour le franchiseur à assurer ainsi le respect des éléments caractéristiques de son image, cette protection visant également à garantir à l’ensemble des franchisés une jouissance paisible desdits éléments pendant toute la durée du contrat ».

(ii)               Les préjudices indemnisables en cas de nullité ou de résolution du contrat de franchise

254.  L’annulation ou la résolution du contrat de franchise a, contrairement, à la résiliation, un effet rétroactif, ce qui a pour conséquence de remettre chacune des parties dans la situation qui aurait été la sienne si elle n’avait pas contracté. En raison de cet effet rétroactif, le franchiseur est notamment tenu de rembourser au franchisé :

–          le droit d’entrée (CA Lyon, 24 janvier 2008, RG n°06/07033) ;

–          les factures liées à la formation (CA Lyon, 24 janvier 2008, RG n°06/07033) ;

–          les redevances versées depuis la signature du contrat (CA Paris, 26 octobre 2006, Juris-Data n°2006-322712).

255.  Le franchisé, quant à lui, doit de restituer les matériels acquis dans le cadre du contrat annulé (CA Paris, 19 novembre 2008, Juris-Data n°2008-372538 ; RG n°06/02583), et doit cesser d’utiliser les signes distinctifs propres au réseau de franchise. Ainsi, le franchisé qui continue d’utiliser les signes distinctifs ainsi que les matériels acquis dans le cadre du contrat annulé est condamné à verser au franchiseur des dommages et intérêt sur le fondement du parasitisme économique (CA Paris, 19 novembre 2008, Juris-Data n°2008-372538 ; RG n°06/02583). Néanmoins, le franchisé ne peut être privé du bénéfice des restitutions réciproques au motif d’une implication insuffisante dans une activité à la rentabilité incertaine (CA Montpellier, 27 novembre 2007, RG n°07/01587).

256.  Les restitutions consécutives à la nullité ne se confondent pas avec l’indemnisation des préjudices résultant du dol dont a été victime l’une parties. Ainsi, le franchisé pourra obtenir réparation de ses préjudices matériel et moral (CA Lyon, 24 janvier 2008, RG n°06/07033 ; CA Montpellier, 27 novembre 2007, RG n°07/01587).

2.       La clause pénale

257.  La clause pénale présente des caractères spécifiques qui la distinguent des autres clauses contractuelles (a), notamment le fait que le juge dispose de la faculté de la réviser (b).

a)      Les caractères de la clause pénale

Quatre décisions commentées : Cass. civ. 1ère, 17 juin 2009 (pourvoi n°08-15.156) ;CA Paris, 1er Octobre 2008 (RG n°06/10492) ; Cass. civ. 3ème, 24 septembre 2008 (pourvoi n°07-13.989) et CA Paris, 10 Septembre 2008 (RG n°06/12740)

258.  Les parties disposent de la faculté d’évaluer par avance les dommages et intérêts dus par l’auteur d’une inexécution contractuelle, par l’insertion d’une clause pénale. Cette dernière, régie par les articles 1152 et 1126 et suivants du code civil, permet aux parties de s’accorder sur le fait que celui qui n’exécute pas l’obligation principale pesant sur lui versera à l’autre, à titre de peine privée, une somme d’argent déterminée à l’avance. Ainsi, la cause de l’obligation de payer consiste dans l’inexécution même du contrat.

259.   Cette clause, qui a la nature d’une peine privée, remplit essentiellement deux fonctions. En effet, il s’agit d’une clause indemnitaire qui joue également un rôle comminatoire.

La clause pénale influe nécessairement sur l’étendue des réparations. Tout d’abord, aux termes de l’article 1229 du code civil, « la clause pénale est la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l’inexécution de l’obligation principale. Il ne peut en même temps demander le principal et la peine, à moins qu’elle n’ait été stipulée pour le simple retard ». Cette disposition peut s’expliquer par la nature de la clause. En effet, cette dernière constitue une compensation des dommages et intérêts et ne peut donc permettre un cumul avec ces derniers.

Toutefois, l’absence de cumul ne signifie pas que la clause pénale qui sanctionne l’inexécution d’une obligation déterminée fasse échec à l’octroi de dommages et intérêts complémentaires dus au titre d’autres obligations. Ainsi, lorsqu’elle sanctionne la rupture fautive du contrat de franchise par le franchisé, le franchiseur peut obtenir la réparation du préjudice que lui cause par ailleurs la violation de l’interdiction d’affiliation post-contractuelle prévue par le contrat (CA Lyon, 8 novembre 2007, 3 arrêts, RG n°05/06933, n°05/07685 et n°05/07688).

260.  Par ailleurs, ayant une fonction de sanction dans le cas d’une inexécution, la clause pénale ne fait pas obstacle à l’exécution forcée de certaines obligations, et notamment à l’exécution forcée du paiement de sommes d’argent. Le débiteur est alors condamné à payer à son créancier, non seulement le montant de la clause pénale, mais également les sommes qu’il lui doit en exécution du contrat. Cela ne sera cependant pas le cas lorsque la clause pénale a pour rôle de sanctionner l’inexécution de l’obligation dont on demande l’exécution forcée, à moins qu’elle en sanctionne uniquement le retard.

261.  Il a récemment été rappelé que la clause pénale ne saurait être assimilée à une astreinte conventionnelle dans la mesure où cette dernière n’a aucune fonction indemnitaire ; ainsi, contrairement à la clause pénale, l’astreinte conventionnelle ne saurait être révisée (CA Paris, 10 septembre 2008, RG n°06/12740).

Dans un arrêt rendu le 24 septembre 2008, la Cour de cassation a jugé que constitue une clause pénale la clause par laquelle le dépôt de garantie versé par l’acquéreur reste acquis au vendeur en cas de faute du premier (Cass. civ 3ème, 24 septembre 2008, pourvoi n°07-13.989). En effet, cette clause ayant pour objet d’assurer au vendeur une bonne exécution par l’acquéreur de ses obligations.

Au contraire, la Cour d’appel de Paris a considéré que la clause contractuelle prévoyant une indemnité au cas où la rupture interviendrait aux torts du franchisé ne saurait être assimilée à une clause pénale. En effet, cette indemnité contractuellement prévue constitue une indemnité de résiliation et ne saurait donc être modulée, contrairement à la clause pénale, sauf à méconnaître les dispositions de l’article 1134 du code civil (CA Paris, 1er octobre 2008, Juris-Data n°2008-374080 ; RG n°06/10492).

Ces décisions, rendues en matière de franchise, sont conformes à celles que dégage de manière plus générale le droit commun des contrats (On relèvera par exemple, pour  ne citer qu’une décision récente, l’intéressante décision rendue le 17 juin 2009 par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 17 juin 2009, pourvoi n°) qui distingue la clause pénale de la clause de dédit : « la clause de résiliation anticipée autorisant la société U… à dénoncer, à tout moment, le contrat de maintenance s’analysait, en l’absence de toute notion d’inexécution, en une faculté de dédit, de sorte qu’elle ne constituait pas une clause pénale, peu important le mode de calcul de l’indemnité devant être payée si le contrat était arrivé à son terme »).

C’est dire, à cet égard notamment, l’importance de la rédaction du contrat de franchise.

b)      La révision judiciaire de la clause pénale

(i)                 Les critères d’appréciation de son caractère manifestement excessif ou dérisoire

Deux décisions commentées : CA Paris, 7 janvier 2009 (RG n°06/13301) et CA Rennes, 3 juin 2008 (RG n°05/02285)

262.  Alors que la définition judiciaire de la clause pénale est prévue aux articles 1226 et suivants du code civil, une loi du 9 juillet 1975 est venue conférer au juge un pouvoir modérateur dans l’évaluation de la clause pénale, à l’alinéa 2 de l’article 1152 du code civil. Cet alinéa prévoit en effet que « le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite » (CA Toulouse, 11 décembre 2007, RG n°06/02396).

La réduction ou l’augmentation du montant d’une clause pénale n’est qu’une simple faculté pour le juge, qui dispose en la matière d’un pouvoir discrétionnaire. Ainsi, les juges n’ont pas à motiver spécialement leur décision lorsque, faisant appel à l’appréciation pure et simple des conventions, ils refusent de modérer la peine forfaitairement convenue. En revanche, s’ils décident d’user de leur pouvoir de révision, ils doivent motiver leur décision et exposer les raisons qui les ont conduits à admettre que la somme convenue était manifestement excessive ou manifestement dérisoire. Afin de déterminer l’opportunité de réévaluer la clause pénale et, le cas échéant, les proportions dans lesquelles cette réévaluation doit être effectuée, les juges peuvent procéder à une appréciation objective (α) ou subjective (β).

α) Appréciation objective

263.  La révision judiciaire ne peut avoir lieu que s’il est établi qu’il existe une disproportion manifeste entre le montant de la pénalité et la valeur du préjudice. Dans ces conditions, l’absence d’écart considérable entre l’ampleur du dommage et la somme stipulée justifie le refus opposé au franchisé, obtenir la minoration de l’indemnité contractuellement prévue(CA Paris, 20 juin 2007, Juris-Data n°344968 ; CA Nancy, 15 mai 1986, Juris-Data n°0409876). De même, la clause pénale aux termes de laquelle il est stipulé que le franchiseur ne sera indemnisé que pour la perte des redevances perçues et non pour la perte de marge sur l’approvisionnement ni la perte d’emplacement ne saurait être considérée comme dérisoire (CA Lyon, 8 novembre 2007, RG n°05/07685 ; CA Lyon, 8 novembre 2007, RG n°05/07688 ; CA Lyon, 15 novembre 2007, RG 05/07814 ; CA Lyon, 15 novembre 2007, RG n°06/01059).

264.  Enfin, il ne faut pas oublier que la clause pénale ayant pour finalité l’exécution des obligations, le juge ne saurait lui enlever sa fonction comminatoire. C’est pourquoi, dans l’exercice de son pouvoir, le juge dispose d’une marge de manœuvre située  entre la peine et le dommage. Ainsi, il ne peut réduire substantiellement le montant fixé par la clause, ni élever ce montant à un niveau manifestement supérieur au montant du préjudice.

β) Appréciation subjective

265.  Le juge a également recours à des critères subjectifs pour décider s’il procédera, ou non, à la révision du montant de la peine contractuelle. A cette fin, il utilise son pouvoir modérateur (CA Paris, 7 janvier 2009, RG n°06/13301), et procède alors à un contrôle de proportionnalité. Les critères les plus fréquemment utilisés sont : la durée des relations contractuelles (Aussi, la brièveté des relations contractuelles entre le franchiseur et le franchisé peut justifier une minoration de la clause pénale si son montant est proportionné au temps restant à courir jusqu’au terme contractuel : CA Lyon, 11 février 2000, Juris-Data n°2000-151453 ; CA Paris, 12 septembre 1997, Juris-Data n°1997-023002 ; CA Limoges, 16 mars 1988, Juris-Data n°1988-041327), le profit tiré de l’exécution du contrat (Certaines décisions judiciaires ont fait état des avantages retirés par le franchisé à la fois pendant et postérieurement à l’exécution du contrat de franchise, pour refuser de réduire le montant de la clause pénale : CA Bordeaux, 1er décembre 2004, Juris-Data n°2004-267006 ; CA Paris, 4 avril 1998, Juris-Data n°1998-022498), mais aussi et surtout, l’attitude des parties (CA Aix-en-Provence, 4 mars 2005, Juris-Data n°2005-275013 : en l’espèce, la résiliation avait été motivée par le fait que le franchisé avait manqué à ses obligations financières ; cependant, des services impayés ayant été facturés par le franchiseur, la clause pénale est minorée. V. en outre, T. Com. Paris, 16 mai 1994, Juris-Data n°1994-042729 : les investissements effectués par le franchisé pour améliorer la station service concernée sont pris en compte dans le cadre de la minoration de la clause pénale).

266.  Pour procéder à la révision de la clause pénale, le juge, peut également prendre en considération la durée réelle de l’exécution du contrat. Ainsi, dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Rennes, un contrat de franchise conclu pour une durée de cinq ans et a été résilié après seulement un an d’exécution. Le contrat prévoyait que l’indemnité qui devait être versée en cas de résiliation anticipée était égale au montant des redevances qui auraient dû être perçues jusqu’à la fin du contrat, majorées de 50%. La cour juge que cette majoration de 50 % prévue au contrat était excessive en raison de la durée réelle de l’exécution du contrat et des difficultés intervenues entre les parties(CA Rennes, 3 juin 2008, Juris-Data n°2008-006641 ; RG n°05/02285).

267.  La situation de fortune du débiteur peut également justifier la réduction de la clause pénale. En effet, un arrêt de la Cour d’appel de Lyon s’appuie expressément non seulement sur le fait que le franchiseur a pu installer rapidement un nouveau franchisé dans le secteur, mais également sur la situation de redressement judiciaire du franchisé pour réduire le montant de la pénalité(CA Lyon, 28 février 2008, Juris-Data n°2008-365609).

(ii)               La charge de la preuve de son caractère manifestement excessif ou dérisoire

268.  Conformément au droit commun de la preuve, et mis à part le cas dans lequel le juge use de son pouvoir de révision d’office, il appartient au créancier de la clause pénale d’apporter la preuve de son caractère manifestement dérisoire et, inversement au débiteur, désireux d’obtenir sa réduction, de rapporter la preuve de son caractère manifestement excessif(En conséquence, le franchisé, aux torts duquel le contrat a été résilié, est débouté de sa demande de réduction dès lors qu’il « ne verse aux débats aucune pièce démontrant que son montant serait manifestement excessif » (CA Chambéry, 10 octobre 2006, Juris-Data n°2006-322011 ; CA Paris, 1er mars 1995, Juris-Data n°1995-021090).

Le caractère manifestement excessif ou dérisoire de la peine convenue s’apprécie au jour où le juge statue sur la demande tendant au paiement de la pénalité, et non au moment de la conclusion du contrat(Cass. civ. 1ère, 19 mars 1980, pourvoi n°78-13.151). Dès lors, si des paiements partiels sont déjà intervenus, le juge les prendra en considération dans l’appréciation du caractère excessif ou non de la clause pénale.

III. Les relations post-contractuelles

269.  Si dans la majeure partie des hypothèses, la rupture du contrat libère chacune des parties de ses obligations, il en est différemment en matière de franchise : lorsque le contrat de franchise arrive à terme, le franchiseur et le franchisé ne sont pas déchargés l’un envers l’autre de toute obligation. En effet, tandis que certaines obligations découlent de plein droit de la fin du contrat, d’autres sont imposées par le contrat. Une partie de celui-ci survit ainsi, prévoyant des obligations ayant pour objet soit de liquider le passé contractuel, soit de régir le comportement des parties postérieurement à la rupture du contrat de franchise. Ces obligations s’imposent aussi bien au franchiseur (A) qu’au franchisé (B), indépendamment du caractère fautif ou non de la rupture du contrat.

A.      Les obligations post-contractuelles du franchiseur

1.       Les obligations relatives au fichier clients du franchisé et aux cartes de fidélité

270.  Le franchisé peut tenir un fichier contenant des renseignements relatifs à sa clientèle. Le cas échéant, ce fichier peut être commun à l’ensemble du réseau. En tant que traitement de données personnelles, ce fichier doit être conforme aux dispositions de la loi dite « informatique et libertés » (Loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés).

Des difficultés sont susceptibles de survenir lors de la cessation des relations contractuelles, quant aux droits respectifs des parties sur ce fichier. Il semble résulter de l’arrêt Trévisan du 27 mars 2002 (Cass. civ. 3ème, 27 mars 2002, pourvoi n°00-20.732, Bull. civ. III n°77, Juris-Data n°2002-013715) que, si les conditions posées par cet arrêt pour que la clientèle locale soit considérée comme appartenant au franchisé sont remplies, le franchiseur n’a pas le droit de faire usage du fichier clients, sauf stipulation contraire du contrat de franchise. De même, un fichier clients appartient, là encore sauf stipulation contraire, à celui qui le constitue. En effet, en tant que base de données au sens de l’article L.112-3 du code de la propriété intellectuelle (L’alinéa 2 dudit article dispose en effet : « On entend par base de données un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen »),  il est protégé par le droit d’auteur, sous réserve de la réunion des conditions d’application de ce dernier, et notamment de la condition d’originalité. En outre, qualité de producteur, celui qui constitue la base de données dispose d’un droit sui generis lui permettant d’interdire l’extraction totale ou partielle de données et leur réutilisation par la mise à la disposition du public (C. Prop. Intell, art. L. 342-1).

271.  Cependant, il est plus prudent pour les parties de prévoir contractuellement le sort du fichier de clientèle élaboré par le franchisé. Ainsi, le contrat pourra stipuler que ce fichier est la propriété exclusive du franchisé, ou, au contraire, qu’il est transmis au franchiseur à la fin des relations contractuelles. Dans le premier cas, le franchiseur ne pourra, sauf à commettre une faute, exploiter ledit fichier (V. CA Paris, 24 janvier 2002, D. 2003, p. 2428, note D. Ferrier : commet un acte de concurrence déloyale par tentative de détournement de clientèle le franchiseur qui après le terme du contrat, viole la clause lui interdisant d’exploiter le fichier constitué par le franchisé « à l’issue du contrat quelle qu’en soit la cause ». V. également, pour une hypothèse proche, CA Colmar, 29 avril 2003, Juris-Data n°2003-232142 : le franchiseur, après avoir demandé à son ancien franchisé de lui transmettre sa liste de clients, afin de la communiquer au nouveau franchisé pour que ce dernier ne démarche pas la clientèle de l’ancien franchisé, lui a confirmé que le nouveau franchisé ne visiterait en aucun cas la clientèle visée dans la liste. L’engagement ainsi pris est analysé comme une promesse de porte fort. Le franchiseur, tenu d’une obligation de résultat, doit réparer le préjudice subi par l’ancien franchisé du fait du démarchage de sa clientèle par le nouveau franchisé). Dans le second, cette exploitation sera interdite au franchisé.

272.  La solution est différente pour les fichiers des titulaires de cartes de fidélité développées par l’enseigne, qui demeurent la propriété de l’enseigne (CA Chambéry, 2 octobre 2007, Juris-Data n°2007-353925 : La solution a été énoncée dans un arrêt récent de la Cour d’appel de Chambéry du 2 octobre 2007. En l’espèce, une société exploitant un point de vente sous une enseigne de la grande distribution a agi en concurrence déloyale contre d’autres sociétés exploitant à proximité des points de vente de la même enseigne. Elle leur reprochait un détournement de clientèle, lequel résulterait de l’envoi par les dirigeants d’un courrier à ses propres clients leur faisant connaître qu’ils pouvaient utiliser, dans leurs propres points de vente, la carte de fidélité développée par l’enseigne. La Cour, rejetant un tel grief, confirme le jugement déféré et écarte tout détournement de clientèle. Elle constate que le programme de fidélisation de la clientèle, se traduisant par l’émission de cartes de fidélité, avait été développé par l’enseigne, que ces cartes demeuraient la propriété de l’enseigne, et que le coût financier de ce programme était en définitive supporté par l’enseigne. Dès lors, l’utilisation des fichiers des titulaires de ces cartes par certains points de vente n’était aucunement fautive, en raison de l’attachement de la clientèle à l’enseigne. Or, selon la Cour d’appel, cette utilisation était justifiée en l’espèce, dans la mesure où la carte de fidélité n’était utilisable que dans le point de vente où elle avait été souscrite, et où le retrait de la société requérante de l’enseigne avait privé la possibilité pour la clientèle de ce point de vente d’utiliser la carte de fidélité souscrite. Par conséquent, la Cour d’appel conclue que l’envoi postérieur à ce retrait d’un courrier à cette clientèle l’informant des modalités de conservation et d’utilisation de la carte de fidélité correspondait à une information légitime de cette clientèle, et non à un détournement fautif de clientèle).

2.       Les obligations relatives aux stocks et au matériel du franchisé

273.  Il est fréquent qu’à la survenance du terme du contrat de franchise, des difficultés apparaissent en raison de la conservation par le franchisé du stock de marchandises fourni par le franchiseur ou sa centrale d’achats. Ainsi, la prudence recommande au franchiseur de prévoir au sein du contrat de franchise une stipulation relative à la reprise des stocks du franchisé par le franchiseur. De même, il est judicieux de préciser le sort du matériel qui a été acquis par le franchisé pour la mise en œuvre du savoir-faire, et qu’il ne sera plus amener à utiliser par la suite.

274.  Selon ce qui est souhaité par les parties, la reprise des stocks pourra être facultative ou obligatoire pour le franchiseur, concerner la totalité ou uniquement une partie – définie selon la nature des biens ou l’ancienneté de leur date d’achat – du stock conservé par le franchisé au moment de la fin du contrat. En outre, la clause devra indiquer la méthode permettant de fixer le prix de reprise ; ce prix peut ainsi correspondre au prix d’achat minoré d’un pourcentage défini au contrat.

Lorsque le contrat a été rompu par la faute du franchiseur, il se verra condamné à reprendre le stock à sa valeur (CA Douai, 6 septembre 2007, RG n°06/1777).

B. Les obligations post-contractuelles du franchisé

1.       L’interdiction d’utiliser les signes distinctifs

a)      Une obligation découlant de plein droit de la cessation du contrat de franchise

Neuf décisions commentées : Cass. com., 25 février 2009 (Juris-Data n°2009-003120) ; Cass. com., 10 février 2009 (pourvoi n°07-21.912) ; Cass. com., 27 janvier 2009 (pourvoi n°08-10.991) ; CA Paris, 20 novembre 2008 (RG n°03/07603) ; CA Paris, 19 novembre 2008 (RG n°06/02583), CA Paris, 1er octobre 2008 (RG n°06/10492) ; Cass. com., 1er juillet 2008 (pourvoi n°07-14.741) ; CA Paris, 6 juin 2008 (RG n°07/03323) et Cass. com., 3 juin 2008 (pourvoi n°07-15.050)

275.  L’obligation pour le franchisé de cesser d’utiliser les signes distinctifs découle de plein droit de la cessation du contrat de franchise dans la mesure où c’est en vertu du contrat de franchise que l’ancien franchisé disposait du droit, et même du devoir, d’employer les signes distinctifs du réseau. Ce droit disparaît lorsque le contrat prend fin (V. pour une hypothèse où des difficultés se sont présentées quant à la date de cessation des droits du franchisé sur les signes distinctifs, CA Toulouse, 23 novembre 2006, RG n°05/05405 : la difficulté était due au fait que le contrat de franchise avait été signé le même jour que trois autres contrats faisant référence à l’enseigne ; la cour tranche en constatant qu’aucune clause d’indivisibilité n’était contenue dans les contrats, lesquels étaient conclus entre des personnes différentes ou revêtant des qualités différentes, et que l’autorisation d’usage de l’enseigne ne procédait que du seul contrat de franchi), quelle que soit la cause de la cessation des relations contractuelles (V. également, pour une hypothèse où un doute existait sur la résiliation, mais où les parties n’exécutaient plus leurs obligations depuis longtemps, CA Colmar, 12 septembre 2006, Juris-Data n°2006-316629 : « Attendu que la marque (…) et l’enseigne ont été mises à la disposition de la société [franchisée] pour lui permettre d’établir son appartenance au réseau ; qu’en raison de la suspension de l’exécution du contrat de franchise, celle-ci n’agit plus comme un membre du réseau et elle n’est en conséquence plus fondée à utiliser ces signes distinctifs, sauf à tolérer qu’elle puisse continuer à tromper sa clientèle »), et ce même si les parties entreprennent, postérieurement à l’expiration de leur contrat, des négociations en vue de la signature d’un nouveau contrat de franchise (CA Lyon, 22 novembre 2007, RG n°06/05164 : l’ancien franchisé soutenait que les pourparlers entamés ainsi que l’absence de mise en demeure impliquaient l’acceptation par son ancien franchiseur de la continuation de son activité sous l’enseigne du franchiseur. L’argumentation n’a pas été accueillie par la cour d’appel qui a vu, dans l’inaction du franchiseur pendant les pourparlers, une simple volonté de conciliation dans le cadre des négociations en cours). Le franchisé doit cesser tout emploi de ces signes : marque (CA Colmar, 12 février 2008, RG n°06/05059), enseigne (CA Lyon, 22 novembre 2007, RG n°06/05164), nom commercial, nom de domaine (CA Montpellier, 21 septembre 2004, Juris-Data n°2004-263917. Décision de l’OMPI, 19 juillet 2007, DFR2007-0019, Refill24 GmbH c/ Reset Multiservices) : à compter de la date de la résiliation, le franchisé ne disposait plus du droit d’utiliser la marque à quel titre que ce soit et notamment au sein d’un nom de domaine ; le franchiseur était donc fondé à demander la transmission du nom de domaine litigieux à son profit), logo du réseau (CA Paris 19 novembre 2008, RG n°06/02483), initiales relatives à la franchise, aménagements et agencements du magasin spécifiques au concept du franchiseur (CA Paris, 1er octobre 2008, Juris-Data n°2008-374080 ; RG n°06/10492 ; CA Paris, 19 novembre 2008, Juris-Data n°2008-372538 ; RG n°06/02583 ; CA Pau, 8 janvier 2008, RG n°06/04111), documents publicitaires (CA Paris, 1er octobre 2008, Juris-Data n°2008-374080 ; RG n°06/10492 ; CA Aix-en-Provence, 18 mai 2006, Juris-Data n°2006-305117), slogan (CA Paris, 6 juin 2008, RG n°07/03323), mais aussi, le site internet propre au réseau de franchise (CA Paris, 19 novembre 2008, RG n°06/02483).

276.  Le plus souvent, le contrat prévoit que les supports physiques de ces signes doivent être, selon leur nature, soit restitués au franchiseur soit détruits ; en tout état de cause, l’ancien franchisé doit restituer au franchiseur les éléments dont ce dernier a conservé la propriété. Tel sera généralement le cas du matériel d’exploitation (CA Paris, 1er octobre 2008, Juris-Data n°2008-374080 ; RG n°06/10492 ; CA Paris, 19 novembre 2008, RG n°06/02483 ; CA Pau, 8 janvier 2008, RG n°06/04111), des documents relatifs au savoir-faire (CA Pau, 8 janvier 2008, RG n°06/04111) (bible ou manuel, par exemple) et aux normes du réseau (charte graphique, liasses des procès-verbaux (CA Caen, 6 mars 2008, RG n°06/2994) etc.). En cas de refus de restitué le matériel, le franchisé pourra y être contraint par décision de justice (T. com. Chambéry, 26 août 2005, RG n°2004-00323 : condamnation de l’ancien franchisé sous astreinte à la restitution de l’enseigne appartenant au franchiseur et louée audit ancien franchisé pendant la durée du contrat). En outre, la jurisprudence a reconnu l’urgence de mettre fin au risque que l’ancien franchisé fait courir à l’image du réseau en continuant à utiliser les signes distinctifs de ce dernier ; ainsi, le franchiseur peut toujours saisir le juge des référés afin qu’il ordonne, au besoin sous astreinte, le retrait par le franchisé de tout signe distinctif du réseau (V. pour une condamnation avec astreinte : Paris, 6 octobre 2006, Juris-Data n°2006-332901).

Il convient de préciser que la charge de la preuve, en cas de non respect des obligations post contractuelles par le franchisé, incombe au franchiseur. Dès lors, le franchiseur qui ne rapporte pas la preuve de l’utilisation de la marque, de l’enseigne, du logo et/ou des signes distinctifs du réseau par l’ancien franchisé, ne saurait demander réparation du préjudice qui en découlerait (CA Paris, 20 novembre 2008, RG n°03/07603).

277.  Toutefois, il faut réserver l’hypothèse dans laquelle le franchiseur a accordé un certain délai à son franchisé pour la mise en conformité de son local. Il n’est pas nécessaire que ce délai soit expressément mentionné dans le contrat : la jurisprudence a admis que ce délai puisse figurer, en caractères pré-imprimés, dans un formulaire rempli par un agent du franchiseur en visite sur les lieux pour procéder à des constatations (CA Colmar, 26 février 2008, RG n°06/0531) ou, de manière plus contestable, dans un avenant au contrat de franchise, portant en première page le nom du franchisé, lequel n’était ni daté ni signé (CA Colmar, 12 février 2008, RG n°05059). Dans les cas où le franchisé se trouve dans l’impossibilité de restituer ces éléments, les juges en prennent acte (CA Colmar, 26 février 2008 RG n°06/05031 ; CA Pau, 8 janvier 2008, RG n°06/04111) ainsi que, le cas échant de l’engagement du franchisé de les restituer au cas où il les retrouverait (Pour un manuel opératoire : CA Colmar, 26 février 2008, RG n°06/05031). Le défaut de restitution de tels éléments peut se résoudre en dommages et intérêts à condition pour le franchiseur de démontrer l’existence de son préjudice. Tel n’est pas le cas si les éléments distinctifs non restitués sont usagés, sans valeur et sans aucune réelle utilité pour le franchiseur (CA Pau, 8 janvier 2008, RG n°06/04111 : concernant un panneau de promo des vêtements à l’enseigne du franchiseur).

b)      Les actions à la disposition du franchiseur à l’encontre de l’ancien franchisé

278.  Le contrat de franchise étant rompu, l’ancien franchisé est désormais tiers au réseau. En conséquence, le franchiseur dispose à son encontre, en cas d’utilisation des signes distinctifs du réseau, des actions qu’il peut exercer à l’encontre de tout tiers portant atteinte auxdits signes.

Il est dès lors possible pour le franchiseur d’exercer une action en contrefaçon si que ce dernier poursuit l’exploitation de la marque du réseau auquel il a cessé d’appartenir. Ainsi, l’ancien franchisé commet un acte de contrefaçon en poursuivant son exploitation, sans autorisation, sous la marque du réseau auquel il a cessé d’appartenir (CA Aix-en-Provence, 18 mai 2006, Juris-Data n°2006-305117), et ce, même s’il fait précéder cette marque du terme « anciennement » (CA Aix-en-Provence, 18 mai 2006, Juris-Data n°2006-305117. V. également Cass. com., 15 décembre 1998, pourvoi n°96-21.675 : l’ancien concessionnaire d’un réseau commettait un acte de concurrence déloyale en se présentant comme « agent agréé » ou « spécialiste » dudit réseau). La contrefaçon est également caractérisée y compris si, au jour où le juge statue, la marque n’est plus protégée faute d’avoir été renouvelée, dès lors que le signe argué de contrefaçon a été apposé à une date à laquelle la marque était encore valable (CA Paris, 26 septembre 2007, RPI, novembre 2007, comm. n° 88).

279.  Le franchiseur peut également exercer une action en concurrence déloyale à l’encontre de l’ancien franchisé s’il établit que le franchisé continue à employer les signes distinctifs du réseau non protégés par des droits exclusifs. Dans un tel cas en effet, le franchisé engage sa responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle. Cette action en concurrence déloyale pourra être exercée dès lors que l’usage porte sur des signes distinctifs qui ne font pas l’objet d’un droit privatif, ainsi que lorsque les actes ne relèvent pas de la contrefaçon stricto sensu. Si l’ancien franchisé continue à employer les signes distinctifs du réseau non protégés par des droits exclusifs, il commet à l’égard du franchiseur un acte de concurrence déloyale, sanctionné sur le fondement du droit commun de la responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle (CA Paris, 20 juin 2007, RG n°05/04931. En outre, la personne qui cesse l’activité signalée par une enseigne a l’obligation, en vertu du troisième alinéa de l’article R.581-55 du code de l’environnement, du supprimer ladite enseigne et de remettre les lieux en état dans les trois mois de la cessation de l’activité). Toutefois, lorsque les restitutions et la dépose de l’enseigne sont prévues par le contrat, leur violation est sanctionnée sur le fondement contractuel, sans pouvoir être condamnée une seconde fois au titre de la concurrence déloyale et/ou du parasitisme (CA Lyon, 22 novembre 2007, RG n°06/05164).

Il appartient au franchiseur de prouver que le franchisé poursuit l’utilisation des signes distinctifs du réseau (CA Lyon, 19 février 2004, Juris-Data n°2004-237543), ce qu’il fera, la plupart du temps, au moyen de constats d’huissier.

La question qui se pose en la matière est de savoir comment articuler l’action en contrefaçon et l’action en concurrence déloyale. En effet, si en principe elles constituent deux actions distinctes et indépendantes, en pratique leur mise en œuvre s’avère délicate dans la mesure où l’action en concurrence déloyale est souvent intentée à titre de complément ou de substitut de l’action en contrefaçon.

C’est pourquoi, jusqu’à l’arrêt Bollée (Cass. com., 12 juin 2007, pourvoi n°05-17.349) de 2007, la jurisprudence exigeait, pour admettre une action en concurrence déloyale intentée en complément d’une action en contrefaçon, qu’elle soit fondée sur des faits distincts.

Depuis, la jurisprudence demeure incertaine, tantôt reprenant la position de l’arrêt Bollée (Cass. com., 10 février 2009, Juris-Data n°2009-047000), exigeant parfois de surcroit l’existence d’une faute (Cass. com., 3 juin 2008, pourvoi n°07-15.050) ou semblant revenir purement et simplement sur l’arrêt Bollée (Cass. Com., 16 décembre 2008, Juris-Data n°2008-046323 : dans cette décision, la Haute juridiction précise : « Attendu […] que la Cour d’appel a exactement jugé que l’action en concurrence déloyale n’est pas un succédané de l’action en contrefaçon et exige la preuve d’une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon »).

Toutefois, il convient de préciser que la jurisprudence reste incertaine en la matière, exigeant tantôt une faute (Cass. com., 3 juin 2008, pourvoi n°07-15.050), reprenant tantôt la formule de l’arrêt Bollée (Cass. com., 10 février 2009, pourvoi n°07-21.912).

En revanche, si une action en concurrence déloyale fondée sur le parasitisme est intentée, la jurisprudence exige systématiquement un fait distinct de celui ayant fondé l’action en contrefaçon sera exigé. Un arrêt rendu par la Haute juridiction le 1er juillet 2008 a d’ailleurs rappelé cette exigence d’un fait distinct de la contrefaçon (Cass. com., 1er juillet 2008, pourvoi n°07-14.741). En effet, la Cour de cassation rappelle à juste titre que si l’exploitation est contrefaisante, elle constitue par hypothèse un détournement des investissements d’autrui et qu’ainsi, la sanction de la contrefaçon répare aussi ce chef de préjudice, lequel ne peut plus alors être indemnisé une seconde fois au titre du parasitisme.

Enfin, la Cour de cassation a récemment confirmé que les actes de parasitisme, s’ils sont susceptibles d’aggraver le préjudice résultant de la contrefaçon, ne sont pas de nature à caractériser un fait distinct de la concurrence déloyale (Cass. com., 25 février 2009, Juris-Data n°2009-003120).

280.  L’ancien franchisé, en abandonnant les signes distinctifs du réseau dont il avait l’usage pendant la période d’exécution du contrat de franchise, est conduit en pratique à adopter une autre enseigne voire une autre marque. A moins d’adhérer à un autre réseau, l’ancien franchisé créera ces nouveaux éléments. Dans ce cas, l’ancien franchisé doit s’assurer que ceux-ci soient suffisamment différents de la marque du réseau qu’il a quitté afin de ne pas risquer de créer de confusion dans l’esprit du public. Il commettrait dans le cas contraire un acte de contrefaçon par imitation (CA Paris, 26 septembre 2007, RPI, novembre 2007, comm. n° 88).

Un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation vient rappeler que l’imitation pure et simple d’un produit concurrent n’est pas en soi fautive (Cass. com., 27 janvier 2009, pourvoi n°08-10.991) : en l’espèce, une société avait imité les produits d’un concurrent dans le cadre d’un appel d’offres d’une commune, compte tenu de la volonté d’harmonisation entre l’existant et la construction à venir manifestée par cette dernière. Faute pour la société concurrente de démontrer la réalité des efforts de commercialisation particuliers qu’elle aurait effectués concernant les produits imités, ni celle de la particulière notoriété de ces derniers, l’imitation ainsi faite n’est pas sanctionnable, ce d’autant plus que la société ayant répondu à l’appel d’offres n’avait entrepris aucune démarche tendant à profiter indûment de ses efforts.

2.       Les clauses de non-concurrence post-contractuelles et de non-réaffiliation

a)      La validité des clauses de non-concurrence post-contractuelles et de non-réaffiliation

(i)                 Présentation des clauses de non-concurrence post-contractuelles et de non-réaffiliation

Quatre décisions commentées : Cass. Com., 8 juillet 2008 (pourvoi n°07/20385) ; CA Angers 17 juin 2008 (RG n°07/005989 et n°07/02209) et Cass. Com., 3 juin 2008 (pourvoi n°07/11313)

281.  Par la clause de non-concurrence post-contractuelle, le franchisé s’interdit d’exercer une activité similaire à celle du réseau qu’il quitte, dans des limites de temps et de lieu définies (V., pour un mécanisme ayant un effet proche de celui de la clause de non-concurrence, Cass. civ. 3, 12 juillet. 2000, pourvoi n°98-21.671, Bull. civ. III n°139, Juris-Data n°2000-002876 : le franchiseur était également le bailleur du franchisé. Une clause du bail imposait au franchisé d’exercer son activité sous l’enseigne du réseau pendant toute la durée du bail. Le contrat de franchise est résilié. La clause précitée du bail est annulée : les conventions étant liées, la cour d’appel (CA Caen, 8 septembre 1998, Juris-Data n°1998-049662) en a justement déduit que « l’enseigne étant unique, l’obligation imposée au preneur d’exercer son activité sous telle enseigne précise ne lui permettait pas de faire valoir son droit à déspécialisation partielle, par adjonction d’activités connexes ou complémentaires ») ; il est ainsi fait obstacle à la poursuite par l’ancien franchisé de l’exploitation du savoir-faire de façon considérablement plus efficace qu’au moyen d’une clause d’interdiction d’utilisation du savoir-faire.

Cette clause est mise en œuvre quelles que soient les conditions de la rupture du contrat de franchise. Ainsi, même en cas de rupture aux torts exclusifs du franchiseur, cette clause produira ses effets (Cass. com., 3 juin 2008, pourvoi n°07-11.313, inédit).

282.  Par la clause de non-réaffiliation, le franchisé s’engage à ne pas s’affilier à un réseau concurrent du réseau qu’il quitte, dans des limites de temps et de lieu définies. Cette clause n’est pas associée à une clause de non-concurrence proprement dite (V. pour des illustrations de clauses combinant une obligation de non concurrence et une obligation de non affiliation : CA Lyon, 31 janvier 2008 (RG n°06/00187) ; CA Lyon, 15 novembre 2007 (RG 05/07814) ; CA Lyon, 15 novembre 2007 (RG n°06/01059) ; CA Lyon, 8 novembre 2007 (RG n°05/07685) ; CA Lyon, 8 novembre 2007, (RG n°05/07688) ; CA Lyon, 8 novembre 2007 (RG n°05/06933)), le franchisé conserve, sous certaines conditions, le droit d’exercer une activité similaire à celle qui était la sienne durant la période d’exécution du contrat (V., pour un arrêt s’attachant à différencier les clauses de non concurrence et de non-réaffiliation : CA Versailles, 31 janvier 2007, RG n°06/7909 : la cour précise que « la clause de non-réaffiliation présente un caractère spécifique qui la différencie de la clause de non concurrence en ce qu’elle ne vise pas à interdire au franchisé d’exercer toute activité pendant une durée déterminée et dans un espace donné mais préserve au contraire la possibilité pour celui-ci de maintenir son activité sans le recours à une enseigne de renommée concurrente dans une limite de temps et d’espace »).

Selon la rédaction de la clause, l’interdiction d’affiliation concerne tous les réseaux ou uniquement ceux qui bénéficient d’une renommée régionale ou nationale. Il appartient au franchiseur qui prétend que l’ancien franchisé a violé son obligation de non-réaffiliation de prouver que le réseau auquel ce dernier adhère bénéficie d’une telle renommée (Cass. Com., 20 mai 2008, pourvoi n°06-19.234).

Cette clause permet d’éviter que l’ancien franchisé, devenu membre d’un réseau concurrent, ne divulgue le savoir-faire du franchiseur à l’intérieur de ce réseau ; en effet, s’il est en règle générale contractuellement prévu une obligation de confidentialité post-contractuelle à la charge du franchisé, une telle obligation ne peut garantir le franchiseur initial contre une diffusion discrète de son savoir-faire à l’intérieur d’un réseau concurrent.

283.   Dans deux arrêts rendus le 17 juin 2008, la Cour d’appel d’Angers a eu l’occasion de préciser la portée des clauses de non réaffiliation. En l’espèce, le franchisé, après avoir demandé la résiliation du contrat de franchise au sein duquel était stipulée une clause de non-réaffiliation, procédait à la commercialisation de produit d’un franchiseur concurrent mais sans y apposer l’enseigne de ce dernier. Il considérait donc ne pas avoir violé la clause, cette dernière interdisant, selon lui, uniquement l’utilisation d’une enseigne concurrente et des signes de ralliement au réseau concurrent. La cour d’appel précise alors que « la clause de non réaffiliation imposée en cas de cessation de la franchise, claire et précise, ne souffre aucune interprétation ; que les deux interdictions, indépendantes l’une de l’autre, sont cumulatives et que retenir le contraire ajoute au texte des restrictions qu’il ne comporte pas » (CA Angers, 17 juin 2008, Juris-Data n°2008-369900 ; RG n°07/02547 et RG n°07/02209, Juris-Data n°2008-369035).

Si les clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence se distinguent dans leur définition, cette distinction demeure assez théorique puisqu’elles sont soumises au même régime.

(ii)               Les conditions de validité des clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence

Sept décisions commentées : Cass. com., 9 juin 2009 (pourvoi n°08-14.901) ; CA Paris, 21 janvier 2009 (RG n°06/11392) ; CA Caen, 15 janvier 2009 (RG n°07/03687), TGI Paris, 24 septembre 2008 (RG n°08/07021) ; Cass. Com., 8 juillet 2008 (pourvoi n° 07-20.385) ; CA Angers, 17 juin 2008 (RG n°07/005989 et n°07/02209)

284.   La clause de non-concurrence, si elle affecte le commerce intra-communautaire, entre dans le champs d’application de l’article 81 du traité CE ; elle peut bénéficier du régime d’exemption prévu à l’article 2 du règlement d’exemption de 1999 (Une précision terminologique doit être apportée : telle qu’elle est entendue dans le présent paragraphe, la clause de non-concurrence figure dans ledit règlement d’exemption sous l’expression « toute obligation directe ou indirecte interdisant à l’acheteur, à l’expiration de l’accord, de fabriquer, d’acheter, de vendre ou de revendre des biens ou des services » ; il faut rappeler qu’au sens du règlement d’exemption, le terme « obligation de non-concurrence » désigne l’obligation d’approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif (c’est-à-dire une obligation d’approvisionnement supérieur à 80% des achats)).

Néanmoins, une telle clause bénéficie de l’exemption si elle :

« – concerne des biens ou des services qui sont en concurrence avec les biens ou services contractuels et

– est limitée aux locaux et aux terrains à partir desquels l’acheteur a opéré pendant la durée du contrat et

– est indispensable à la protection d’un savoir-faire transféré par le fournisseur à l’acheteur, à condition que la durée d’une telle obligation de non-concurrence soit limitée à un an à compter de l’expiration de l’accord ».

285.  En droit interne, la validité des clauses de non-concurrence est appréciée au regard à la fois du droit commun des contrats et du droit de la concurrence (Dans la mesure où les conditions d’application de ce dernier droit sont remplies). Les conditions de validité issues du droit de la concurrence, bien qu’ayant une source distincte (C. com., art. L. 420-1), sont similaires à celles issues du droit commun.

Trois conditions doivent ainsi être réunies pour que la clause de non concurrence soit valable. En premier lieu, la restriction d’activité doit être limitée quant au type d’activité concerné. En deuxième lieu, la clause doit être limitée dans le temps et dans l’espace (TGI Paris, 24 septembre 2008, RG n°08/07021). Enfin, la restriction de concurrence doit être proportionnée aux intérêts légitimes du créancier de l’obligation, au regard de l’objet du contrat. Cette dernière condition se décompose en deux propositions bien distinctes : pour être valable, une telle clause doit, d’une part, tendre à la protection des « intérêts légitimes » de son bénéficiaire (critère de nécessité) – en l’espèce le franchiseur – et, d’autre part, produire une restriction de concurrence qui soit « proportionnée » aux intérêts légitimes à protéger (Cass. civ. 1ère, 11 mai 1999, Juris-Data n°1999-001924) (critère de proportionnalité).

En revanche, ni la jurisprudence (Cass. com., 4 décembre 2007, pourvoi n°06-15.137 : alors que le débiteur de l’obligation de non-concurrence prétendait que la clause litigieuse était nulle, faute de prévoir de contrepartie financière à ladite obligation, la Cour de cassation a approuvé la cour d’appel d’avoir considéré que la clause était valable, celle-ci répondant aux conditions de validité applicables en la matière), ni le législateur (Il avait été proposé lors des débats parlementaires sur le projet de loi de modernisation de l’économie d’ajouter un amendement qui aurait eu pour effet d’obliger le franchiseur à verser à son franchisé, li en fin de contrat par une clause de non-concurrence ou de non affiliation, une indemnité d’un montant au moins équivalent à la perte d’exploitation engendrée par la mise en œuvre de cette clause. Cet amendement a été rejeté par l’Assemblée Nationale) n’ont imposé, comme c’est le cas en droit du travail (Cass. soc., 10 juillet 2002, pourvoi n°00-45.387 ; Cass. soc., 4 octobre 2007, pourvoi n°06-41.975 ; Cass. soc., 4 juin 2008, pourvoi n°04-40.609), l’existence d’une contrepartie financière comme condition de validité de l’engagement de non concurrence. Il a d’ailleurs été rappelé que cette contrepartie financière n’est pas nécessaire, dans la mesure où le franchisé n’est pas un salarié mais un commerçant indépendant (CA Paris, 21 janvier 2009, RG n°06/11392).

La chambre commerciale de la Cour de cassation, au visa du règlement d’exemption de 1999, est a considéré que le bénéfice de l’exemption prévue à l’article 5 b) du règlement 2790/1999 en faveur des clauses de non-concurrence post-contractuelles est réservé exclusivement aux clauses limitées à une durée d’un an, portant sur les locaux et terrains à partir desquels celui qui l’a souscrite a opéré pendant la durée du contrat et qui sont indispensables à la protection du savoir-faire qui lui a été transféré par son cocontractant (Cass. com., 9 juin 2009, pourvoi n°08-14.301). En l’espèce, la décision de la cour d’appel est cassée pour avoir déclaré la clause de non concurrence valide.

286.  En ce qui concerne la clause de non réaffiliation, la Cour d’appel d’Angers, dans deux décisions rendues le 17 Juin 2008 (CA Angers, 17 juin 2008, Juris-Data n°2008-00369900 ; RG n°07/02547 et Juris-Data n°2008-369035 ; RG n°07/02209), a eu l’occasion d’en rappeler les conditions de validité. En l’espèce, le contrat précisait qu’en cas de résiliation le franchisé s’obligeait :

–       «  à ne pas utiliser durant une période d’une année, toute enseigne concurrente existante qui pourrait lui être proposée par un tiers (…) et à ne pas offrir en vente des marchandises dont les marques sont liées à cette enseigne » ;

–       « en cas de cession de son fonds de commerce ou de toute autre modification de l’intuitu personae, le franchisé s’oblige à interdire à tout successeur l’utilisation d’une enseigne concurrente qui pourrait lui être proposée par un tiers pendant une durée d’un an ».

Le franchisé dénonçait ladite clause aux motifs que celle-ci ne remplissait pas, selon lui, les conditions d’exemption du règlement CE du 22 décembre 1999 dans la mesure où elle n’apparaissait pas indispensable à la protection du savoir faire du franchiseur. La Cour d’appel considère que le savoir faire étant l’essence même de la franchise, la clause de non-réaffiliation apparaît comme étant le seul moyen d’assurer la protection de ce savoir faire pour empêcher que des éléments confidentiels ne profitent à un autre réseau sur le territoire où il a exploité la franchise. Qu’ainsi, la clause respectant les conditions de limitation dans le temps et dans l’espace, apparaît indispensable à la protection du savoir-faire du franchiseur. Elle est donc proportionnée aux intérêts à protéger et ne méconnaît pas en conséquence la réglementation communautaire de la concurrence. La Cour de cassation a d’ailleurs précisé que le règlement d’exemption se limite à établir les conditions qui, si elles sont remplies, font échapper certaines clauses contractuelles à l’interdiction et, par conséquent, à la nullité de plein droit prévue par l’article 81 § 2 du Traité CE (Cass. com., 8 juillet 2008, pourvoi n°07-20.385, inédit).

287.  A l’inverse, la Cour de cassation a déjà pu approuver une cour d’appel d’avoir écarté une clause de non concurrence en raison de son caractère disproportionné aux intérêts légitimes du franchiseur(Cass. com., 18 décembre 2007, pourvois n°05-21.441 et 06-10.381).

On rappellera par ailleurs que la clause de non concurrence répond principalement à deux intérêts du franchiseur : la protection de la clientèle à son profit et celle du savoir-faire ou de l’identité et de la réputation du réseau. Par conséquent, l’existence et la transmission du savoir-faire, conditions de validité du contrat de franchise, sont donc également une condition de validité de la clause de non-concurrence(Cf sur cette question, notamment : Cass. com., 10 janvier 2008, pourvoi n°07-13.558, Cass. civ. 2ème, 10 janvier 2008, pourvoi n°07-13.558, CA Lyon, 31 janvier 2008, RG n°06/00187).

Enfin, une clause de non-réaffiliation qui, en réalité dissimulerait une clause de non concurrence ne saurait être valable dans la mesure où, même si elle répond aux exigences de limitation dans le temps et dans l’espace, elle ne tend pas à la protection d’un savoir faire substantiel, identifié et secret propre au franchiseur(CA Caen, 15 janvier 2009, RG n°07/03687). En l’espèce, la clause litigieuse n’avait en réalité pour but que de dissuader le franchisé de résilier le contrat par anticipation et de rendre plus difficile la pénétration du marché par les enseignes concurrentes. La cour d’appel, considérant que la clause litigieuse portait une atteinte illégitime au libre jeu de la concurrence, l’a déclarée nulle.

b)      La mise en œuvre des clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation

Deux décisions commentées : T. Com. Rouen, 11 juillet 2008 (RG n°07/008620) et Cass. com., 8 juillet 2008 (pourvoi n°07-20.385)

288.  Si les clauses de non concurrence et de non-réaffiliation sont soumises à certaines conditions quant à leur validité, les modalités de leur mise en œuvre sont laissées à la liberté des parties. Outre les stipulations nécessaires à la validité de la clause – c’est à dire l’indication de l’activité, de la durée et du territoire concernés – les conditions dans lesquelles la clause sera appliquée en pratique.

Ainsi, les parties peuvent valablement prévoir que le non-respect de la clause sera sanctionné par une clause pénale (CA Paris, 20 juin 2007, RG n°05/04931). Le contrat peut prévoir que l’applicabilité de la clause dépend de la cause d’extinction des relations contractuelles. Par exemple, la stipulation prévoyant que la clause ne sera applicable si le contrat a été résilié aux torts du franchisé est évidement la plus courante (CA Lyon, 8 novembre 2007, RG n°05/06933 ; CA Lyon, 15 novembre 2007, RG n°05/07814 ; CA Lyon, 15 novembre 2007, RG n°06/01059 ; CA Lyon, 31 janvier 2008, RG n°06/00187) tout comme celle prévoyant qu’elle le sera quelle que soit l’origine de la cessation des relations contractuelles (CA Rennes, 22 janvier 2008, RG n°07/05074). Dans ce cas, le franchisé sera débiteur de l’obligation de non-concurrence en dépit du fait que la résiliation est due aux manquements contractuels du franchiseur (V. pour une telle hypothèse CA Aix-en-Provence, 24 septembre 1998, Juris-Data n°1998-046926 : en l’espèce, le franchisé a violé l’obligation de non-concurrence et est condamné à payer des dommages et intérêts au franchiseur, en application de la clause pénale modérée).

Enfin, dans un jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rouen (T. Com. Rouen, 11 juillet 2008, RG n°07/008620), il a été jugé que la clause de non concurrence ne saurait être mise en œuvre dès lors que le franchisé a été placé en liquidation judiciaire ; en effet, ce dernier n’ayant plus d’activité, la clause de non concurrence est dépourvue d’effet.

289.  La clause de non concurrence imposant à son débiteur une obligation de ne pas faire, il est important de prêter une attention particulière à sa rédaction et ce, d’autant plus qu’elle est d’interprétation stricte. Par exemple, une clause prévoyant qu’ « en cas de cessation du présent contrat (…) le franchisé s’oblige (…) à ne pas utiliser directement ou indirectement, (…) durant une période d’une année, toute enseigne concurrente existante qui pourrait lui être proposé par un tiers, (…) et à ne pas offrir en vente des marchandises dont les marques sont liées à cette enseigne » a été interprétée comme interdisant à l’ancien franchisé, d’une part, d’utiliser une enseigne concurrente et, d’autre part, d’offrir à la vente des produits de marque liées à cette enseigne, soit l’enseigne concurrente dont l’usage est prohibé.

290.  Concernant la clause de non-réaffiliation, il convient également de veiller à sa rédaction. On évoquera, à ce sujet, un arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 Juillet 2008. En l’espèce un contrat de franchise avait été conclu aux termes duquel était stipulée une clause de non réaffiliation. Le franchisé résilie le contrat de franchise et par la même occasion le contrat de location gérance permettant l’exploitation du point de vente. Peu de temps après, le franchiseur constate que l’ancien franchisé exploite au même endroit un fonds de commerce sous une enseigne concurrente. Il demande alors à ce que soit prononcée la violation de la clause de non réaffiliation et à ce que l’ancien franchisé soit astreint à mettre fin à l’exploitation de l’activité litigieuse. Néanmoins, en réalité, le fonds de commerce n’était pas exploité par l’ancien franchisé lui même mais par une société dont il était associé. La cour d’appel considère toutefois qu’en procédant ainsi, il continue d’exploiter indirectement et par personne interposée le fonds de commerce incriminé, et qu’en conséquence, la clause de non réaffiliation devait être mise en œuvre. Toutefois, la Cour de cassation infirme l’arrêt d’appel au visa de l’article 1134 et juge que la clause n’a pas à être mise en œuvre dans la mesure où il n’est pas clairement démontré en l’espèce, que l’ancien franchisé exploite directement ou indirectement le fonds de commerce (Cass. com., 8 juillet 2008, pourvoi n°07-20.385, inédit). La Cour de cassation rappelle ainsi un principe du droit des sociétés, à savoir que la personnalité juridique de la société fait écran. C’est pourquoi le débiteur de l’obligation de non-réaffiliation ne saurait être mis en cause dès lors que c’est une société – dont il est associé – qui exploite le fonds de commerce sous une enseigne concurrente. Si la solution est juridiquement juste, elle se révèle néanmoins inéquitable en pratique.

c)       Les sanctions de la violation de la clause de non concurrence et de non réaffiliation

Six décisions commentées : Cass. com., 9 juin 2009 (pourvoi n°08-16.168) ; CA Nîmes, 9 octobre 2008 (Juris-Data n°2008-007474, RG n°06/02379) ; CA Paris, 2 octobre 2008 (RG n°05/21289) ; CA Angers, 17 juin 2008 (RG n°07/005989 et n°07/02209) et Cass. Com., 3 juin 2008 (pourvoi n°07-11.313)

291.  Le débiteur de la clause de non-concurrence, qui viole son engagement, engage sa responsabilité contractuelle (i). Si la violation n’a pas cessé au jour de la décision, la juridiction saisie peut enjoindre à l’ancien franchisé d’y mettre fin, le cas échéant sous astreinte (ii).

i.                    La responsabilité contractuelle

292.  L’obligation de non concurrence post contractuelle est une obligation contractuellement prévue par les parties, prenant effet à l’occasion de la fin des relations contractuelles. Il en est de même pour l’obligation de non-réaffiliation. Ainsi, la violation d’une de ces clauses sera sanctionnée sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Bien que quelques juridictions opèrent en la matière une confusion regrettable(V. par ex. CA Pau, 10 oc. 2005, Juris-Data n°2005-291080 : l’ancien franchisé « a exercé (…) la même activité commerciale sur la même zone géographique moins de deux ans à compter de la résiliation du contrat de franchise en violation de la clause de non-rétablissement qui y était stipulée, faisant ainsi une concurrence déloyale à son ancien franchiseur » ; CA Nîmes, 27 juin 1996, Juris-Data n°1996-030264 ; CA Paris, 10 novembre 1994, Juris-Data n°1994-024568), la violation de l’obligation contractuelle de non-concurrence, faute contractuelle sanctionnée en tant que telle par l’application de l’article 1147 du code civil, ne constitue pas un acte de concurrence déloyale, notion relevant de la responsabilité délictuelle, soit des articles 1382 et suivants du code civil (Néanmoins, l’existence d’une clause de non-concurrence peut être prise en considération dans le cadre de l’appréciation du comportement d’un tiers au contrat de franchise en matière de concurrence : l’épouse d’un franchisé qui était tenu par une clause de non concurrence commet un acte de concurrence déloyale en ouvrant un cabinet ayant la même activité que le réseau juste après la rupture du contrat par son mari (CA Toulouse, 24 octobre 1991, Juris-Data n°1991-046765). V. au contraire pour une hypothèse où l’ouverture d’un établissement par l’époux de la franchisée tenue par une clause de non-concurrence n’est pas jugée fautive : CA Paris, 6 octobre 1986, Juris-Data n°1986-026884. Par ailleurs, lorsque la clause de non-concurrence est nulle, l’action en concurrence déloyale reste ouverte (v. en matière de contrat de travail Cass. Soc., 28 janvier 2005, pourvoi n°02-47.527, Bull. Civ. V n°36)).

Le débiteur fautif de l’obligation de non-concurrence doit réparer le préjudice causé à son cocontractant (V. par ex. CA Lyon, 31 janvier 2008, RG n°06-00187 ; CA Lyon, 15 novembre 2007 (deux arrêts), RG n°06/01059 et 05/07814 ; CA Lyon, 8 novembre 2007 (trois arrêts), RG n°05/07685,  05/07688 et 05/06933 ; CA Lyon, 22 mars 2007, Juris-Data n°2007-332144 ; CA Lyon, 11 février 2000, Juris-Data n°2000-151453 ; CA Paris, 26 novembre 1999, Juris-Data n°1999-117904 ; CA Paris, 26 juin 1997, Juris-Data n°1997-021609 ; CA Lyon, 9 septembre 1994, Juris-Data n°1994-049647 ; CA Paris, 12 janvier 1994, Juris-Data n°1994-020468 ; CA Montpellier, 18 mars 1993, Juris-Data n°1993-034026 ; CA Paris, 4 mars 1991, Juris-Data n°1991-021270 ; CA Paris, 4 mars 1991, Juris-Data n°1991-020964 ; CA Paris, 3 octobre 1989, Juris-Data n°1989-024552 ;  CA Paris, 6 mars 1987, Juris-Data n°1987-022226 ; CA Versailles, 30 janvier 2007, RG n°05/354. V. également, pour la violation de l’obligation de non-concurrence au travers d’une cession de fonds de commerce déguisée, CA Paris, 30 avril 1987, Juris-Data n°1987-025107. V. cependant pour une hypothèse où le comportement du franchiseur qui a notamment poursuivi les livraisons après la rupture du contrat – est tel que la juridiction considère qu’il a renoncé à se prévaloir de la clause de non-concurrence : CA Paris, 28 novembre 1994, Juris-Data n°1994-024885). Pèse alors sur ce dernier la charge de la preuve de l’existence et de l’étendue de son préjudice (V. pour une hypothèse où les dommages et intérêts ont été limités à un euro symbolique, faute pour le franchiseur d’avoir établi l’ampleur de son préjudice, CA Paris, 23 novembre 2006, Juris-Data n°2006-339929), dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond. Le préjudice ne saurait être fixé en considération de la valeur du fonds de commerce,  notamment car la clientèle du fonds appartient au franchisé (CA Lyon, 8 novembre 2007, RG n°05/06933).

293.  Par un arrêt du 3 juin 2008, la Cour de cassation réaffirme sa volonté de laisser aux juridictions du fond toute latitude pour déterminer, dans le cadre de leur pouvoir souverain d’appréciation, le montant du préjudice subi par un franchiseur en raison de la violation d’une clause de non concurrence par l’un de ses franchisés. En l’espèce, un franchisé avait assigné son franchiseur en annulation du contrat de franchise pour vice du consentement, après l’avoir dénoncé en raison des manquements de son franchisé à ses obligations ; reconventionnellement ce dernier avait sollicité l’octroi à son profit de dommages et intérêts pour violation des obligations de non-concurrence stipulées au contrat. L’arrêt attaqué avait limité l’indemnisation du préjudice résultant de la violation des obligations contractuelles de non-concurrence par le franchisé, à un euro symbolique, après avoir souligné que le franchiseur n’avait apporté aucun élément à l’appui de sa demande d’indemnisation. Le franchiseur a formé un pourvoi en cassation au motif que « l’inexécution d’une obligation de faire se résout en dommages-intérêts » et que « le juge qui constate l’existence d’un préjudice est tenu de l’évaluer ». Il avançait qu’en refusant d’évaluer le montant du dommage et en lui allouant la somme symbolique d’un euro, la cour d’appel avait violé les articles 4, 1142, 1147 et 1149 du code civil. Par une formule lapidaire, l’arrêt rejette sèchement le pourvoi dès lors que « la cour d’appel a justifié l’indemnisation du préjudice par l’appréciation souveraine qu’elle en a faite »(Cass. com., 3 juin 2008, pourvoi n°07-11.313).

294.  Cette décision appelle quatre séries d’observations :

–          l’indemnisation consécutive à la violation de la clause de non-concurrence implique tout d’abord que cette clause et le contrat de franchise qui la contient soient valables, ce qui explique sans doute qu’en l’espèce les franchisés aient recherché l’annulation du contrat ;

–          il appartient ensuite au créancier de la clause de non concurrence d’établir la réalité et l’ampleur du préjudice qu’il a subi ;

–          dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation, le juge du fond peut déterminer ce préjudice en fonction du comportement des parties ;

–          l’évaluation de ce préjudice peut justifier la désignation d’un expert (Cass. com., 9 octobre 2007, Juris-Data n°2007-040801).

Cette décision a été confirmée par deux arrêts rendus par la Cour d’appel d’Angers le 17 juin 2008(CA Angers, 17 juin 2008, Juris-Data n°2008-009936 ; RG n°07/02547 et Juris-Data n°2008-369035 ; RG n°07/02209), dans lesquels il a été jugé que le franchiseur, ne justifiant pas dans ses conclusions l’étendue du préjudice qu’il invoque, il appartient aux juridictions du fond d’en déterminer le montant.

Il convient également d’attirer l’attention sur un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 2 octobre 2008(CA Paris, 2 octobre 2008,Juris-Data n°2008-374078 ; RG n°05/21289). Dans cette affaire, le capital de la société franchisée avait été acquis par deux concurrents du franchiseur. Le franchisé avait alors déposé l’enseigne du franchiseur pour la remplacer par celle d’un de ses concurrents. Le franchiseur agit donc en responsabilité à l’encontre de son ancien franchisé, celui-ci ayant violé son obligation de non concurrence. Le franchiseur est également déclaré recevable à engager la responsabilité délictuelle du cessionnaire du franchisé dans la mesure où, ayant connaissance de la clause de non concurrence figurant dans le contrat de franchise, il s’est rendu complice de sa violation en procédant à l’acquisition du capital de la société franchisée. Il est ainsi condamné in solidum avec le franchisé à réparer le préjudice causé de ce chef.

La Cour de cassation a adopté une solution inverse dans un arrêt rendu le 9 juin 2009(Cass. com. 9 juin 2009, pourvoi n°08-16.168) : en effet, en l’espèce, il n’était pas démontré que la société cessionnaire avait connaissance de la clause de non concurrence figurant au sein du contrat de franchise.

En revanche, n’engage pas sa responsabilité le franchisé qui continue d’exercer, dans le même centre commercial, une activité concurrente de celle de son ancien franchiseur dès lors que la clause de non concurrence est expirée(CA Nîmes, 9 octobre 2008, Juris-Data n°2008-007474 ; RG n°06/02379).

ii.                  La cessation de la violation

295.  Le franchiseur qui constate la violation par le franchisé de son obligation de non réaffiliation peut, saisir le juge des référés afin que ce dernier prononce à l’encontre du franchisé l’interdiction pour lui d’utiliser l’enseigne en question, jusqu’à ce que le juge du fond, parallèlement saisi, se prononce sur le bien fondé de la résiliation du contrat de franchise considéré.

296.  Pour que le juge des référés prononce une telle interdiction, le franchiseur doit démontrer que la violation par le franchisé de son obligation de non réaffiliation est constitutive d’un dommage imminent qui lui cause un préjudice. Le juge, pour procéder à l’analyse de la situation litigieuse en cause, ne peut se livrer à une appréciation trop compliquée des droits et obligations des parties au risque d’outrepasser ses pouvoirs(CA Versailles, 31 janvier 2007, RG n°06/7909). C’est la raison pour laquelle, il se contentera souvent de caractériser le trouble manifestement illicite. Cette problématique incite certains plaideurs à compliquer le débat afin que le juge des référés se déclare incompétent : dans la plupart des cas, ils invoquent la nullité de la clause de non-affiliation ou les difficultés liées à son interprétation en particulier lorsque le contrat fait partie d’un ensemble contractuel. L’actualité jurisprudentielle fournit des illustrations de ces deux types d’arguments.

297.  Par ailleurs, la jurisprudence a pu considérer comme illicite une clause de non concurrence aux motifs que l’avantage économique apporté par le franchiseur en raison de l’originalité de son savoir faire n’était pas établi avec certitude(Cass. Civ. 2ème, 10 janvier 2008, pourvoi n°07-13.558. En l’espèce, la Haute juridiction a-t-elle approuvé les juges du fond d’avoir refusé le prononcé de la dépose de l’enseigne concurrente dans le cadre d’une procédure de référé au motif que le trouble manifestement illicite n’était pas établi avec certitude. La deuxième chambre civile de la Cour de Cassation refuse alors d’exercer un contrôle sur l’appréciation que le juge des référés porte quant à la validité de la clause de « non-affiliation » pour conclure à l’absence de trouble manifestement illicite. Cette décision est surprenante car elle s’inscrit en marge d’un courant jurisprudentiel bien établi, ayant posé le principe de présomption de validité des contrats – principe selon lequel le contrat doit être exécuté jusqu’à ce qu’il ait été considéré nul par le juge du fond – interdisant en cela au juge des référés d’exciper de la nullité possible de telle clause du contrat pour écarter l’existence du trouble manifestement illicite prévue à l’article 873 du code de procédure civile (Cass. civ. 1ère, 15 juin 2004, Bull. civ. I, n°172). Se dessine ainsi une divergence entre les positions de la première et de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation).

298.           La position adoptée par la Haute juridiction sur l’argument tiré de l’ensemble contractuel est plus tranchée. En effet, la Cour de cassation a pu censurer des cours d’appel qui, pour dire non étable l’existence d’un trouble manifestement illicite occasionnée au franchiseur au titre de la rupture avant terme du contrat de franchise et de l’apposition immédiate d’une enseigne concurrente, avaient retenu que les contrats de franchise en cause étaient inscrits sans un ensemble contractuel plus complexe, qui formait un tout indissociable. La Cour de cassation a considéré qu‘en statuant ainsi, après avoir relevé la suppression brutale de l’enseigne (du franchiseur) et la commercialisation de produits concurrents, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l’article 873 du code de procédure civile (Cass. com., 8 avril 2008, pourvoi n°06-16.732 ; Cass. com., 23 octobre 2007, pourvois n°06-16.733 et n°06-16.734). Elle a ainsi marqué un coup d’arrêt à la tentation de ceux qui voient dans l’existence d’un ensemble contractuel, la possibilité d’empêcher l’exercice de ses pouvoirs par le juge des référés.

La circulation du contrat de franchise

299.  Il n’existe pas de réglementation générale à la cession du contrat. Aussi, un premier courant doctrinal avait considéré que les modalités de cession d’un contrat étaient déterminées par le fait que le contrat soit, ou non, conclu intuitu personae. Ainsi, la circulation des contrats intuitu personae aurait exigé l’accord du cédé alors que celle des autres contrats se serait effectuée librement. Cette position fut rejetée par la Haute juridiction : en effet, par deux arrêts de principe (Cass. com., 6 mai 1997, pourvoi n°94-16.335 ; Bull. civ., IV, n°117; Juris-Data n°1997-002064 – Cass. com., 6 mai 1997, pourvoi n°95-10.252 ; Bull. civ. IV, n°118; Juris-Data n°1997-002065), la chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé que le cédé doit toujours donner son consentement à la cession (Le principe souffre toutefois une exception. L’article L.642-7 du code de commerce (L.621-88 ancien) organise la cession d’entreprise mise en redressement judiciaire et prévoit la possibilité d’une cession forcée des contrats de crédit-bail, de location ou de fournitures de bien ou services nécessaires au maintien de l’activité. La jurisprudence n’est pas unanime sur la question de savoir si le contrat de franchise peut, en application de cette disposition, faire l’objet d’une cession forcée), soit lors de la formation du contrat, soit ultérieurement.

En pratique, comme le démontrent les décisions objets de la présente étude, les modalités encadrant la cession du contrat de franchise diffèrent selon que la cession entraine substitution du franchiseur (I) ou substitution du franchisé (II).

I – La cession du contrat de franchise et la substitution de franchiseur

Deux décisions commentées : CA Paris, 25 mars 2009 (Juris-Data n°2009-377048 ; RG n°07/02560) ; TGI Paris, 24 septembre 2008 (RG n°08/07021, inédit)

300.  Classiquement, la substitution de franchiseur résulte d’une cession pure et simple du contrat de franchise (A) ; elle peut également, comme l’illustre l’actualité jurisprudentielle, découler d’une opération de restructuration, emportant transmission de patrimoine (B).

A. La substitution résultant de la cession pure et simple du contrat de franchise

301.  Les modalités encadrant la cession des contrats de franchise diffèrent selon que les parties ont envisagé la cession du contrat de franchise lors de la conclusion du contrat (1) ou qu’elles ne l’ont pas prévue à l’origine (2).

1. Les conditions encadrant la cession du contrat de franchise en présence d’une acceptation ab initio

302.  Le franchiseur peut insérer dans le contrat de franchise une clause lui permettant de céder librement les contrats de franchise (V. par exemple, CA Paris, 28 mars 1997, Juris-Data n°1997-021924). Par cette clause, les franchisés doivent consentir dès l’origine – ab initio – à la cession de leur contrat par le franchiseur. L’autorisation de cession ainsi donnée par le franchisé peut être expresse ou tacite ; la jurisprudence a, en matière de clause autorisant la cession ab initio, une interprétation extensive. Ainsi, la clause stipulée dans un contrat d’achat exclusif prévoyant que le débitant de boissons s’engageait à s’approvisionner auprès du brasseur ou de tout autre entrepositaire qu’il désignerait, a été interprétée comme une autorisation implicite donnée par le distributeur à la cession de cette convention à un autre entrepositaire. La prudence recommande néanmoins d’insérer dans le contrat une clause claire ne prêtant pas à interprétation.

Il est utile également que la clause précise les modalités suivant lesquelles les franchisés seront informés de la cession de leur contrat de franchise ainsi que de l’identité du nouveau franchiseur.

303.  Le contrat peut aussi renfermer une clause de cession sous condition d’agrément, le franchisé conservant le droit d’accepter ou de refuser la personne du cessionnaire qui lui sera proposée par le franchiseur. Il convient alors de veiller à ce que le « pouvoir » ainsi accordé aux franchisés ne soit pas totalement discrétionnaire : il est recommandé que la clause énonce, limitativement, les motifs pouvant valablement justifier un refus d’agrément, telle que par exemple une inexpérience du cessionnaire dans la franchise et/ou dans l’activité spécifique du réseau concerné.

Une telle clause devra fixer les modalités d’expression de la décision du franchisé : conditions de la communication des informations relatives au cessionnaire pressenti, délai dans lequel le franchisé devra faire connaître sa décision, expression de cette décision (il est judicieux de prévoir que le silence du franchisé vaudra acceptation).

2. Les conditions encadrant la cession du contrat de franchise en l’absence de clause autorisant la cession ab initio

304.  En l’absence de clause autorisant dès l’origine la cession du contrat de franchise, le franchiseur devra s’en tenir aux règles édictées par la jurisprudence et donc recueillir l’autorisation du franchisé à la cession (Il ne s’agit là que de l’application du droit commun des contrats. En effet, le droit positif ne permet la cession de contrat sans l’accord du cédé. Le principe a été affirmé par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt de principe du 6 mai 1997 (Cass. com., 6 mai 1997, Bull. civ., IV, n°117) et depuis lors confirmé (Cass. civ. 1ère, 6 juin 2000, Bull. civ., I, n°173 – Cass. com., 28 avril 2004, pourvoi n°00-22.354, inédit). La solution est conforme aux principes de la force obligatoire des contrats (C. civ., art. 1134 al. 1er) et de l’effet relatif des conventions (C. civ., art. 1165) : le premier fait obstacle à ce que le cédant puisse, sans l’accord du cédé, permettre à un tiers d’exécuter le contrat à sa place, tandis que le second interdit au cédé, parce qu’il est un tiers au contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire, d’être tenu par ce contrat).

L’acceptation de la cession par le franchisé peut être expresse ou tacite (L’accord du franchisé cédé pourra résulter, notamment, de la poursuite du contrat de franchise après que le franchisé a eu connaissance de la cession (Cass. com., 28 avril 2004, pourvoi n°00-22.354, inédit – Cass. com., 6 juillet 1999, RJDA 1999, n°1197)). Ainsi, l’acceptation du franchisé peut résulter de l’exécution du contrat postérieurement à la connaissance de la réalisation de l’opération de cession, par exemple par les paiements effectués entre les mains du cessionnaire (TGI Paris, 24 septembre 2008, RG n°08/07021 : le Tribunal de grande instance de Paris a considéré que le paiement effectué par le franchisé entre les mains du cessionnaire constitue une acceptation tacite du changement de franchiseur ; le contrat a donc été transféré régulièrement).

En revanche, l’acceptation du franchisé ne saurait résulter de la poursuite par le franchisé de son approvisionnement auprès de fournisseurs non agréés (Cass.com., 3 juin 2008, pourvoi n°06-18.007 ; Juris-Data n°2008-044215 et pourvoi n°06-13.761 ; Juris-Data n°2008-044216), postérieurement à la cession du contrat de franchise. De plus, la Haute juridiction a récemment énoncé dans un attendu de principe rendu au visa de l’article 1315 du code civil que « le silence opposé à l’affirmation d’un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait » (En l’espèce, la Cour considère que la poursuite de l’exécution du contrat par la société absorbante, alors que l’autre partie ne contestait pas être son franchisé, ne caractérise pas à elle seule l’accord du franchisé sur la transmission de son contrat).

L’acceptation du cédé à la cession permet, à elle-seule, au cessionnaire de se substituer au cédant dans l’exécution du contrat initial, lequel perdure dans toute sa plénitude. Le cessionnaire doit donc poursuivre l’exécution du contrat existant ; à défaut, il engage sa responsabilité (CA Paris, 25 mars 2009, Juris-Data n°2009-377048 ; RG n°07/02560).

En cas de refus du franchisé à la cession, le franchiseur est maintenu dans la relation contractuelle ; il devra donc poursuivre l’exécution du contrat de franchise. A défaut, le franchisé sera enclin à en solliciter et en obtenir la résiliation aux torts du franchiseur (Cass. com., 28 juin 2005, pourvoi n°04-10.038, inédit). Le fait que les autres franchisés ou la majorité d’entre eux aient donné leur accord à la cession est sans incidence, ceux-ci étant tiers au contrat conclu par le franchisé réfractaire.

En pratique la situation est délicate car lorsque le franchiseur cède les contrats de franchise qu’il a conclus, il cède également dans le même temps sa structure de franchiseur ; il lui est donc  particulièrement difficile par la suite de pouvoir poursuivre l’exécution des contrats des franchisés réfractaires à la cession.

Aussi, la Haute juridiction, consciente de cet état de fait, a pu considérer dans une espèce qu’il n’était pas « exigé que le franchiseur assure l’animation et le développement d’un réseau identique à celui existant avant la cession » mais qu’il restait débiteur des obligations essentielles telles que l’approvisionnement et la promotion du réseau de franchise (Cass. com., 28 juin 2005, pourvoi n°04-10.038, inédit).

305.   Il est possible d’introduire, dans le contrat de franchise, une clause encadrant la demande d’autorisation faite au franchisé, afin d’en faciliter la mise en œuvre : il peut être prévu les modalités dans lesquelles le franchiseur informera ses franchisés de son intention de céder ses contrats : notamment le délai dans lequel l’information interviendra, la forme de l’information (circulaire, télécopie, lettre recommandée avec avis de réception), le délai dont les franchisés disposeront pour donner ou non leur accord à la cession, etc.. Sur ce dernier point, il parait judicieux d’octroyer un délai au franchisé pour accepter ou refuser la cession et de prévoir les conséquences d’une absence de réponse du franchisé dans ledit délai, laquelle pourrait être réputée valoir acceptation de la cession envisagée, la contractualisation de la preuve de l’acceptation de la cession par le franchisé permettant de palier une éventuelle inertie des franchisés.

B. Le changement de franchiseur résultant d’un apport partiel d’actifs

Trois décisions commentées : CA Angers, 17 juin 2008 (Juris-Data n°2008-369900) ; Cass. com., 3 juin 2008 (pourvoi n°06-18.007, Juris-Data n°044215) et Cass. com., 3 juin 2008 (pourvoi n°06-13.761),

1. Le principe de transmission universelle de patrimoine

306.  La fusion de sociétés, visée à l’article L.236-1 alinéa 1er du code de commerce, peut résulter soit de la création d’une société nouvelle par plusieurs sociétés, soit de l’absorption d’une société par une autre. La scission, visée à l’article L.236-1 alinéa 2nd du code de commerce, est l’opération par laquelle le patrimoine d’une société est partagé en plusieurs fractions simultanément transmises à plusieurs sociétés existantes ou nouvelles.

Les opérations de fusion et de scission ont pour caractéristique commune la transmission de l’ensemble des éléments d’actif et de passif composant le patrimoine d’une société au profit d’une ou plusieurs autres sociétés, qui le recueillent en tout ou partie. Ces sociétés se substituent à la société absorbée ou scindée dans tous les droits ou obligations de celle-ci. Par l’effet de ces opérations de restructuration, les contrats sont donc automatiquement transférés, sauf réserve expresse.

307.  Toutefois, à ce principe de transmission universelle du patrimoine s’ajoutent quelques exceptions : la transmission universelle ne saurait porter sur des biens qu’une disposition légale a rendu intransmissibles, ni sur des contrats qui auraient été conclus intuitu personae.

Il est dès lors fondamental de savoir si le contrat de franchise est conclu intuitu personae, tant à l’égard du franchisé que du franchiseur.

2. L’exception au principe de transmission universelle de patrimoine : l’intuitu personae

308.  Certains contrats échappent au principe de la transmission universelle du patrimoine (L’article 1795 du code civil relatif au contrat de louage d’ouvrage précise que ce dernier est « dissout par la mort de l’ouvrier, de l’architecte ou entrepreneur » ; l’article 2003 du même code relatif au mandat énonce que ce contrat prend fin notamment par la mort du mandant ou du mandataire. Par ailleurs, la jurisprudence étend cette règle aux conventions d’ouverture de crédit ou de comptes courants), leur caractère intuitu personae étant consacré légalement. La question s’est posée de savoir si ces solutions pouvaient être transposées au contrat de franchise.

En la matière, l’incertitude (Cette incertitude peut être écartée par une clause contractuelle : CA Angers, 21 janvier 2003, Juris-Data n°2003-222223) liée au caractère réciproque ou non de l’intuitu personae entre le franchiseur et le franchisé rendait la détermination des modalités de la cession du contrat peu aisée. La jurisprudence demeure toujours partagée sur ce point, certaines décisions (CA Paris, 23 janvier 1992, Juris-Data n°1992-020122 – T.. com., Paris, 10 avril 1996, Juris-Data n°1996-042059 – CA Pau, 24 janvier 1996, Juris-Data n°1996-041922) considérant que le contrat de franchise ne présenterait pas de caractère intuitu personae envers le franchiseur, d’autres (CA Paris, 24 juin 1998, Juris-Data n°1998-024432) affirmant au contraire que ce contrat serait réciproquement intuitu personae.

309.  La Cour de cassation, par deux arrêts rendus le même jour (Cass. com., 3 juin 2008, Juris-Data n°2008-044215 ; pourvoi n°06-18.007 – Cass. com., 3 juin 2008, Juris-Data n°2008-044216 ; pourvoi n°06-13.761), s’est prononcée sur le sort du contrat de franchise lorsque la société franchiseur disparaît par suite d’une fusion-absorption ou d’un apport partiel d’actifs, même si la portée de ces décisions reste incertaine.

Dans la première espèce (Cass. com., 3 juin 2008, Juris-Data n°2008-044215 ; pourvoi n°06-18.007), le franchiseur ayant conclu le contrat de franchise avait ultérieurement fait l’objet d’une fusion-absorption au profit d’une autre société ; une cour d’appel (CA, Lyon, 3ème ch., 8 juin 2006, inédit) avait retenu que, du fait de cette opération, la société bénéficiaire de la fusion était la continuatrice des engagements souscrits par la société absorbée, de sorte que les contrats de franchise et avenants signés par l’absorbée avaient été automatiquement transmis à l’absorbante. La Cour de cassation retient fermement qu’ « en statuant ainsi, alors que le contrat de franchise, conclu en considération de la personne du franchiseur, ne peut être transmis par fusion-absorption à une société tierce qu’avec l’accord du franchisé, la cour d’appel à violé l’article 1844-4 du code civil ».

Dans la seconde espèce (Cass. com., 3 juin 2008, pourvoi n°06-13.761 ; Juris-Data n°2008-044216), la Cour de cassation retient encore que « le contrat de franchise conclu en considération de la personne du franchiseur ne peut, sauf accord du franchisé, être transmis par l’effet d’un apport partiel d’actif placé sous le régime des scissions » (CA Rennes, 2ème ch., 24 janvier 2006, inédit).

Il semblerait donc que le caractère intuitu personae du contrat de franchise lié à la personne du franchiseur soit consacré, et implique que l’accord du cédé doit être obtenu qu’il soit exprès ou tacite (CA Angers, 17 juin 2008, Juris-Data n°2008-369900 ; RG n°07/02547 : dans cette espèce, les activités de franchise et d’approvisionnement d’une société avaient été scindées entre deux sociétés ; la cour d’appel retient « qu’en poursuivant l’exécution du contrat plusieurs années après avoir été informé des tranferts en 2002 et en se fournissant auprès de la société […] à laquelle elle a réglé les factures, le franchisé a de fait consenti à la transmission du contrat de franchise et d’approvisionnement aux sociétés […] et […] »). Pourtant, la prudence recommande de rester vigilant : en effet, la connaissance parcellaire des faits des deux affaires ne permet pas de savoir si les deux contrats, objets des cassations, précisaient expressément que ceux-ci avaient été conclus en considération de la personne du franchiseur. Une incertitude demeure donc quant à la portée de cette jurisprudence.

Par ailleurs, s’agissant de la substitution de franchiseur du fait d’une scission, il convient de relever une décision intéressante de la Cour d’appel d’Angers (CA Angers, 17 juin 2008, Juris-Data n°2008-369900 ; RG n°07/02547) : en l’espèce, par l’effet d’un apport partiel d’actifs, les prestations d’approvisionnement et de franchise autrefois exercées par une seule entité ont été attribuées respectivement à deux sociétés. Or, le contrat d’origine prévoyait une indivisibilité entre le contrat de franchise et le contrat d’approvisionnement. Ainsi, le franchisé, n’ayant pas renouvelé son contrat de franchise, n’entendait pas poursuivre l’exécution de son contrat d’approvisionnement. La cour d’appel lui donne raison en considérant que « par l’effet même de la convention, la franchise est indissociable de l’approvisionnement et […] la poursuite de l’un ne se conçoit pas sans l’autre, […] les obligations découlant du contrat qui lie les parties étant indivisibles entre elles, la non-reconduction du contrat de franchise à son terme entraine nécessairement celle de l’engagement d’approvisionnement exclusif auprès de la personne morale qui se trouve aux droits du franchiseur par l’effet de l’apport partiel d’actif ».

II – La substitution de franchisé du fait de la cession du contrat et/ou de la cession de son fonds de commerce

310.  Le franchisé peut décider de céder son contrat de franchise ou bien encore son fonds de commerce. Dans les deux cas, il doit s’assurer qu’il n’est pas lié aux termes du contrat par une clause d’agrément (A) et/ou par une clause de préférence (B) au bénéfice de son franchiseur.

A. La clause d’agrément

Une décision commentée : CA Metz, 23 septembre 2008 (Juris-Data n°2008-371948)

311.  La clause d’agrément, en droit des contrats, permet au cocontractant cédé d’agréer son futur partenaire, le cessionnaire.

En matière de franchise, il est fréquent de rencontrer des clauses d’agrément aux termes desquelles le franchiseur se réserve le droit d’agréer le cessionnaire du contrat de franchise ou du fonds de commerce du franchisé (Il est également possible que le contrat de franchise contienne une clause  prévoyant expressément que le contrat est conclu en considération de la personne du franchisé. Il a ainsi été jugé que, dans le cas où un contrat de franchise stipulerait une telle clause ainsi que la nécessité de conclure un nouveau contrat en cas de cession de son fonds de commerce par le franchisé, le fait pour le franchiseur d’accepter tacitement que le nouveau franchisé poursuive l’exécution du contrat ne peut s’analyser en la conclusion d’un nouveau contrat au nom de celui-ci mais en une délégation imparfaite qui ne libère pas le franchisé initial de ses obligations (CA Paris, 23 mars 1993, Juris-Data n°1993-021780)). La clause s’applique également aux opérations d’apport partiel d’actifs telles que les fusions-absorptions (Cass. com., 13 décembre 2005, pourvoi n°03-16.878 : en l’espèce, un concessionnaire de véhicules automobiles avait conclu un contrat de distribution avec une société exploitant un garage. Le caractère « intuitu personae » du contrat était expressément envisagé. Le contrat stipulait en outre que les droits et obligations du revendeur n’étaient « pas cessibles ou transférables que ce soit totalement ou partiellement, sans accord préalable et écrit du concessionnaire ». La société exploitant le garage a ensuite été absorbée dans le cadre d’une fusion sans que le concessionnaire en ait été avisé. Ce dernier a donc résilié le contrat de revente automobile. La société absorbante a alors intenté une action en réparation du préjudice causé par la rupture du contrat de distribution en se fondant sur la non-application de la clause d’agrément, qui n’envisageait pas le cas d’une fusion emportant transmission universelle du patrimoine. La Haute juridiction a rejeté les prétentions de la société absorbante, considérant que si la fusion emportait transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante, les stipulations du contrat faisaient obstacle à sa transmission, faute d’accord exprès du concessionnaire), et aux modifications du capital social de la société franchisée (Cass. com., 15 janvier 1991, Juris-Data n°1991-000184 : en l’espèce, le contrat de franchise contenait une clause qui soumettait la cession dudit contrat à l’agrément du franchiseur. Or, la société franchisée cède 95% de ses actions à une société concurrente sans en avertir le franchiseur. Ce dernier demande alors la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé. La cour d’appel accueille sa demande aux motifs que la prise de contrôle de la société franchisée par un groupe concurrent du franchiseur constitue une « cause légitime » de résiliation du contrat de franchise. Le franchisé forme alors un pourvoi en cassation qui est rejeté. La Cour de cassation énonce que les contrats de franchise qui avaient été conclus subordonnaient la réalisation par le franchisé de certaines opérations juridiques, telle la cession du contrat de franchise, à l’accord préalable du franchise et que, même s’il n’était pas précisé que la cession d’actions de la société franchisée à un tiers était soumise à agrément, dans la mesure où la cession avait pour conséquence une prise de contrôle de la société franchisée et que le cessionnaire était un concurrent du franchiseur, ce dernier était justifié à prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé. Cette décision a également été reprise par le Tribunal de commerce de Paris le 25 janvier 1995 (T. Com. Paris, 25 janvier 1995, Juris-Data n°1995-041853)).

La jurisprudence reconnait la validité de la clause d’agrément, qui n’est pas selon elle une restriction à la concurrence mais qui constitue une modalité d’application de l’intuitu personae propre au contrat de franchise (CA Paris, 21 septembre 2005, Juris-Data n°2005-294284 : La Cour d’appel de Paris a en effet eu à connaître de la validité d’une clause d’agrément portant sur la cession de son fonds de commerce par le franchisé. Elle retient que le franchisé se fondait à tort sur « l’article 85-1 du traité de Rome (…) aujourd’hui repris dans l’article 81 T. COM.E, pour soutenir qu’il appartenait à la société (franchiseur) de justifier de la licéité de la clause d’agrément contenue dans le contrat de franchise au regard des dispositions du droit communautaire de la concurrence relatives aux ententes et demander à la Cour de déclarer cette clause abusive et dépourvue de tout effet, alors qu’il n’est nullement justifié que le réseau de franchise (…) serait susceptible d’affecter le commerce intra-communautaire ». V. également CA Angers, 19 décembre 2006, Juris-Data n°2006-330903 : la Cour d’appel a réaffirmé ce principe avec force : « les clauses par lesquelles le franchiseur interdit au franchisé de céder le contrat de franchise ou un élément essentiel de son fonds de commerce sans l’agrément du franchiseur et qui imposent au franchisé de proposer la vente en priorité au franchiseur sont licites et caractéristiques de l’intuitu personae du contrat de franchise ». En l’espèce, le droit de préférence était renforcé par une clause d’agrément. Ainsi, à défaut pour le franchiseur d’exercer son droit de préférence, le franchisé pouvait céder le fonds de commerce ou l’un de ses éléments, le franchiseur conservant alors le droit d’agréer ou non le cessionnaire. Le franchisé soutenait que ces deux clauses étaient abusives au motif que leur combinaison – quoique fréquente dans bien des domaines du droit – rendait impossible toute vente du fonds de commerce à un tiers. La Cour d’appel ne l’a pas suivi dans son argumentation, consacrant le caractère intuitu personae du contrat de franchise).

312.  Il est important d’expliciter, dans le contrat, l’intérêt d’une telle limitation de la liberté de la société franchisée ; elle pourrait être causée par la notion d’intuitu personae ou par la volonté légitime du franchiseur de protéger son savoir-faire.

Si le franchiseur accepte d’agréer le candidat, le contrat de franchise lui est transmis et il se substitue au cédant dans le rapport contractuel. C’est le même contrat qui se poursuit, et le franchiseur n’est donc pas tenu de délivrer le document d’information précontractuelle prévu par les articles L.330-3 et R.330-1 et suivants du code de commerce (CA Paris, 13 septembre 2002, Juris-Data n°2002-199474) ; la jurisprudence n’exige le respect des prescriptions légales que dans l’hypothèse de la conclusion d’un nouveau contrat, qu’il résulte de la signature d’un nouvel acte ou de l’effet produit par la tacite reconduction du premier (Cass. com., 14 janvier 2003, pourvoi n°00-11.781, inédit). En revanche, il incombe au franchisé cédant de donner au cessionnaire les informations suffisantes pour qu’il contracte en connaissance de cause et, pour ce faire, de se conformer aux exigences de l’article L. 330-3 du code de commerce (CA Metz, 23 septembre 2008, Juris-Data n°2008-371948). Le nouveau franchisé ne peut donc pas se prévaloir de l’inobservation de l’article L.330-3 du code de commerce dès lors qu’il a été averti, à l’occasion des négociations ayant précédé l’acquisition du fonds, de l’existence de la franchise, de ses modalité d’exécution et de ses résultats (CA Paris, 11 décembre 1998, Juris-Data n°1998-024235). La solution est différente si le franchiseur a préféré conclure un nouveau contrat de franchise avec le cessionnaire (CA Bordeaux, 28 août 2007, RG n°06/00512, inédit).

La jurisprudence a eu à s’interroger sur les modalités du refus d’agrément opposé par le franchiseur au franchisé. La question soulevée faisait écho au mouvement favorable à la motivation ayant vu le jour en droit des contrats.

La Cour de cassation a toutefois considéré que le refus d’agrément étant un droit discrétionnaire, il n’a pas à être motivé, sauf si le contrat impose une telle motivation (Cass. com., 2 juillet 2002, Bull. civ. IV, n°113 ; Juris-Data n°2002-015113 – Cass., com., 5 octobre 2004, pourvoi n°02-17.338 ; Bull. civ., IV, n°181 ; Juris-Data n°2004-025096 – Cass., com., 3 novembre 2004, Juris-Data n°2004-025481 ; pourvoi n°02-17.919  – CA Toulouse, 14 mai 1992, Juris-Data n°1992-042558).

En toute hypothèse, le refus d’agrément ne saurait faire échec au droit commun ; ainsi, le droit de refuser l’agrément trouve sa limite dans l’abus de droit (Cass. com., 3 novembre 2004, Juris-Data n°2004-025481 ; pourvoi n°02-17.919). Si les motifs n’ont pas à être exposés a priori au moment de la prise de décision, ils peuvent faire l’objet d’un contrôle a posteriori du juge saisi, en cas de litige. Il appartient donc au franchiseur de fonder son refus sur de justes motifs. L’examen des solutions jurisprudentielles rendues en la matière montre que la légitimité des motifs du refus est appréciée au regard des intérêts propres à l’agréant et au regard de l’économie générale du contrat de franchise.

L’abus de droit est sanctionné par l’allocation de dommages-et-intérêts, mais n’a pas pour effet de lever le refus d’agrément du cessionnaire ; il n’est pas possible d’imposer au franchiseur un nouveau franchisé qu’il n’aurait pas agréé, même si ce refus d’agrément est fondé sur des motifs abusifs.

Bien que les clauses d’agrément soient perçues comme des atteintes à la liberté du franchisé, il n’en demeure pas moins qu’elles n’aggravent pas sa situation par rapport au principe d’intransmissibilité du contrat conclu intuitu personae ; au contraire elles permettent de le surmonter.

La cession effectuée en violation d’une clause d’agrément constitue une faute du franchisé dans l’exécution du contrat et engage donc sa responsabilité contractuelle.

Le contrat peut prévoir que la sanction de violation de la clause d’agrément sera renforcée par l’application d’une clause pénale d’un montant suffisamment important pour dissuader le franchisé de violer la clause, mais pas excessif pour autant afin d’éviter tout risque de réduction de l’indemnité par le juge.

B. La clause de préférence

Six décisions commentées : Cass. Com., 9 juin 2009 (pourvoi n°08-17.296) ; Cass. civ. 2ème, 19 mars 2009 (pourvoi n°08-14778) ; CA Nancy, 22 octobre 2008 (RG n°00/00865, Inédit) ; CA Paris, 1er octobre 2008 (Juris-Data n°2008-374080), CA Riom, 24 septembre 2008 (Juris-Data n°2008-001998) et T. Com. Paris, 5 juin 2008 (RG n°2007/080944, Inédit)

313.  Aux termes d’une clause de préférence, une personne, le promettant, s’engage, pour le cas où elle se déciderait à vendre un bien, à l’offrir prioritairement à une autre, le bénéficiaire, qui jouit d’un droit de préemption devant s’exercer aux conditions proposées par un tiers (ou à des conditions prédéterminées). Ce type de clause est parfaitement valable (V. par exemple, CA Nancy, 22 octobre 2008, RG n°00/00865, inédit – CA Grenoble, 2 mars 1989, Juris-Data n°1989-042365 – CA Douai, 5 décembre 1991, Juris-Data n°1991-052196) ; le franchiseur y a souvent recours afin de se prémunir des conséquences de la cession par le franchisé de son fonds de commerce ou de son droit au bail. La réussite du réseau de franchise étant intimement liée aux emplacements de ses magasins franchisés, le franchiseur veille à préserver les magasins existants.

La responsabilité du franchisé et, le cas échéant, du tiers acquéreur peut être engagée en cas de violation de la clause de préférence (1), mais pas seulement. Leur responsabilité peut également être engagée alors même que le droit de préférence du franchiseur aurait préalablement été purgé (2).

1. La violation de la clause de préférence

314.  La violation de la clause de préférence est tout d’abord caractérisée lorsque le franchisé réalise la cession, objet du pacte, sans l’avoir proposée en priorité au franchiseur (V, CA Paris, 1er octobre 2008, Juris-Data n°2008-374080 ; RG n°06/10492 : en l’espèce le franchisé a cédé son bail sans l’autorisation du franchiseur et sans respecter son droit de préemption). Une cour d’appel a ainsi pu logiquement juger que la cession du bail sans l’autorisation du franchiseur et sans respecter le droit de préemption de ce dernier doit être regardée comme constitutive d’une résiliation unilatérale aux torts exclusifs du franchisé (CA Paris, 1er octobre 2008, Juris-Data n°2008-374080 ; RG n°06/10492 ;  le franchisé a été condamné au paiement de la clause pénale prévue dans le contrat, ainsi qu’aux redevances dues jusqu’au terme initial du contrat).

Par ailleurs, le droit de préférence est également violé lorsque le franchisé, après avoir proposé la vente au franchiseur qui l’a refusée, cède à un tiers à des conditions plus avantageuses (CA Paris, 7 décembre 2005, Juris-Data n°2005-289983) sans que le franchiseur ait été mis en mesure de pouvoir se substituer au cessionnaire à des conditions équivalentes. Il faut toutefois relever que la Cour de cassation ne semble pas tenir compte de l’évolution du marché puisqu’elle a jugé, de manière assez contestable, que le pacte de préférence ne peut plus être valablement invoqué par le bénéficiaire qui l’a d’abord refusé, dès lors que le bien vient à être vendu aux conditions de l’offre initiale, même si le marché a évolué (Cass. civ. 3ème, 29 janvier 2003, Bull. civ. III, n°24).

La jurisprudence retient que le pacte est violé, alors même que la cession s’est réalisée postérieurement à la survenance du terme de la clause de préférence, dès lors qu’il est établi que le cédant et le cessionnaire se sont entendus sur les conditions de la cession avant l’expiration dudit contrat (CA Douai, 7 décembre 2006, inédit, RG n°05/03872 – CA Douai, 21 décembre 2006, RG n°04/02929, inédit). Les juges veillent ainsi à sanctionner les comportements déloyaux. Autrement dit, la violation du droit de préférence est démontrée dès lors que le bénéficiaire du pacte établit qu’une offre précise et définitive existait avant l’expiration de la clause de préférence (CA Angers, 19 décembre 2006, Juris-Data n°2006-330903 – Cass. com., 13 décembre 2005, pourvoi n°04-18.243), sans qu’il en soit avisé.

Pour rapporter la preuve de discussions engagées avant l’extinction du contrat, le franchiseur peut saisir le juge des référés d’une demande de mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, sans que puisse lui être opposé le fait que la cession soit intervenue après le terme du contrat (Cass., com., 14 février 2006, pourvoi n°05-13.127). Toutefois, il ne sera fait droit à sa demande que s’il justifie d’un motif légitime (V. notamment CA Lyon, 26 février 2008, RG n°06/06384, inédit) ; la Cour de cassation a ainsi considéré que la simple existence d’une procuration donnée à un salarié, antérieurement à l’extinction du contrat, pour engager un processus de vente n’est pas un élément suffisant pour obtenir la communication de pièces (Cass. civ. 2ème, 19 mars 2009, pourvoi 08-14.778, inédit).

En revanche, la particularité des conditions de rachat présentée par le franchisé ne saurait constituer une faute de nature à engager sa responsabilité (CA Riom, 24 septembre 2008, Juris-data n°2008-001998 ; RG n°07/01503).

S’agissant de la sanction de la violation de la clause de préférence, celle-ci est calquée sur celle de la violation du pacte de préférence. Ainsi, le bénéficiaire du pacte peut engager la responsabilité contractuelle du débiteur de l’obligation qui ne respecte pas son engagement (Cass., civ. 1ère, 15 décembre 1965, Bull. Civ. 1ère n°718 – Cass. civ. 1ère, 5 mai 2004, pourvoi n°01-15.812) et parfois même celle du cessionnaire complice.

En outre, le franchiseur dispose de la faculté de résilier le contrat en raison du manquement du franchisé à son obligation contractuelle (Notamment : Cass. com., 13 décembre 2005, pourvoi n°04-18.243 – CA Paris 7 décembre 2005, Juris-Data n°2005-289983 : en l’espèce, l’article 11.4 du contrat de franchise prévoyait que « le franchiseur dispose d’un droit de préférence lui permettant de préempter le ou les biens concernés aux dispositions stipulées dans l’acte transmis et ce pendant le délai d’un mois (…). Dans le cas où le franchiseur n’exercerait pas son droit de préemption et où le franchisé céderait son fonds de commerce ou les actions ou parts de la société à un successeur non agréé par le franchiseur, il sera fait application de l’article 12 (résiliation) du présent contrat (…) ». La cour d’appel considère qu’il résulte de ces stipulations combinées, qu’en cas de vente du fonds de commerce exploité par le franchisé, le franchiseur dispose d’un droit de préférence supposant que le franchisé l’informe avec précision des conditions exactes de la cession projetée. En l’espèce, le franchisé avait annoncé un prix pour la cession du fonds de commerce au franchiseur qui, finalement, fut inférieur. Par conséquent, la cour d’appel juge qu’en l’absence de toute information sur les conditions effectives de la cession, le franchiseur n’a pas été en mesure de pouvoir exercer utilement le droit de préemption dont il disposait).

Le bénéficiaire du pacte (en pratique, le franchiseur) peut également engager la responsabilité délictuelle du tiers acquéreur lorsque celui-ci a contracté avec le cédant (le franchisé) en connaissance de l’existence du pacte de préférence (Notamment : Cass. com., 13 décembre 2005, pourvoi n°04-18.243 : en l’espèce, la Cour de cassation a retenu la responsabilité délictuelle du tiers puisque le juge du fond avait constaté que le tiers connaissait l’existence du pacte de préférence et avait incité le franchisé à faire preuve de discrétion envers le franchiseur).

Le franchiseur pourra obtenir la nullité de la vente si certaines conditions sont remplies : le tiers doit avoir, d’une part, eu connaissance de l’existence du droit de préférence et, d’autre part, appris que son bénéficiaire entendait s’en prévaloir (Cass., civ. 3ème, 7 décembre 2005, pourvoi n°04-16.237 ; Juris-Data n°2005-031225 – Cass. com., 7 janvier 2004, pourvoi n°00-11.692 ; Juris-Data n°2004-021750).

S’agissant de la possibilité pour le bénéficiaire d’un pacte de préférence d’être substitué au tiers acquéreur, celle-ci était, traditionnellement, totalement exclue (Cass. civ. 1ère, 4 mai 1957, Bull. civ. I, n°190 – Cass., Civ. 3ème, 30 avril 1997, pourvoi n°95-17598 ; Juris-Data n°1997-001811 – Cass. civ. 1ère, 10 juillet 2002, pourvoi n°00-13.669, inédit – Cass. com., 27 mai 1986, Juris-Data n°1986-099600 ; Bull. Joly, 1986, p.687). Or, par un arrêt du 26 mai 2006, ne concernant pas le droit de la franchise mais dont la généralité des termes permet d’en étendre la portée à tous les domaines du droit, la chambre mixte de la Cour de cassation a affirmé que : « si le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit (…) d’obtenir sa substitution à l’acquéreur c’est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir » (Cass. ch. mixte, 26 mai 2006, Juris-Data n°2006-033690). Puis, par un arrêt du 31 janvier 2007, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a considéré à son tour que le bénéficiaire d’un tel pacte « est en droit d’exiger l’annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d’obtenir sa substitution à l’acquéreur », tout en rappelant que ce droit est subordonné à « la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir » (Cass. civ. 3ème, 31 janvier 2007, pourvoi n°05-21.071 : la formule est identique à celle employée par l’arrêt précité, rendu en chambre mixte le 26 mai 2006).

La substitution du bénéficiaire aux lieu et place du tiers acquéreur est donc admise. Reste que la preuve des conditions requises pour qu’elle puisse être ordonnée (preuve de la connaissance par le tiers acquéreur du pacte et surtout de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir) est plus que délicate.

315.  La jurisprudence introduira peut-être à l’avenir une présomption portant sur la connaissance par le tiers de la volonté du bénéficiaire de se prévaloir du pacte ou, sinon, un devoir pour celui-ci de « se » renseigner (CA Douai, 21 décembre 2006, RG n°04/02939, inédit – CA Douai, 7 décembre 2006, RG n°05/0387, inédit : par ces deux arrêts inédits, la Cour d’appel de Douai a affirmé le principe selon lequel le tiers acquéreur professionnel a le devoir de « se » renseigner sur la situation juridique de son cocontractant). Pour l’heure, la Haute juridiction ne semble pas déterminée à s’engager dans l’une de ces voies.

2. La mise en œuvre de la responsabilité du franchisé et du tiers acquéreur en dehors de toute violation du pacte de préférence

316.  Il s’agit ici de l’hypothèse dans laquelle le franchiseur a été mis en demeure d’exercer son droit et y renonce, le franchisé décidant alors de céder son fonds de commerce, sans le contrat de franchise, à un tiers.

Dans ce cas, le franchisé engage sa responsabilité en mettant ainsi fin de manière anticipée à son contrat de franchise (T. Com. Paris, 5 juin 2008, RG n°2007/080944, Inédit). La jurisprudence limite l’étendue de l’indemnisation du franchiseur lorsqu’il est démontré que ce dernier a pu signer un nouveau contrat de franchise dans la zone sur laquelle le cessionnaire était implanté (T. Com. Paris, 5 juin 2008, RG n°2007/080944, Inédit).

Quant au tiers acquéreur, qui serait un concurrent du franchiseur initial, la solution de principe est que le franchiseur faisant l’acquisition d’un fonds de commerce appartenant à l’un des franchisés de son concurrent ne commet aucune faute dès lors que son concurrent a régulièrement été mis en mesure d’exercer son droit de préférence et n’en a pas usé dans le délai qui lui était contractuellement imparti(Cass. com., 23 janvier 2007,Juris-Data n°2007-037125).

La solution est encore davantage favorable au tiers acquéreur, lorsque celui-ci a pu, au regard des informations qui ont été portées à sa connaissance, croire que le contrat de franchise a été rompu de sorte que le droit de préférence existant au profit du franchiseur s’est éteint(CA Rennes, 19 mars 2008, Juris-Data n°2008-001692, Cass., com., 9 juin 2009, pourvoi n°08-17.296).

317.  On le sait, la Cour de cassation réserve toutefois l’hypothèse dans laquelle l’acquéreur aurait agi avec déloyauté ou se serait rendu coupable d’une fraude (Cass. com., 15 mai 2007, Juris-Data n°2007-038953 ; Cass. com., 15 mai 2007, Juris-Data n°2007-0611583).

Franchise et procédures collectives

318.  Les procédures collectives permettent le traitement judiciaire des difficultés de l’entreprise et le règlement collectif des créanciers. L’ouverture d’une procédure collective est de plus en plus fréquente en raison du contexte actuel de crise et des évolutions législatives qui incitent davantage les dirigeants à s’y soumettre (Par exemple, l’ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008 a étendu le bénéfice de la suspension des poursuites aux personnes ayant affecté ou cédé un bien en garantie et à toutes les personnes ayant consenti une sûreté personnelle, alors que celle-ci ne bénéficiait jusqu’alors qu’au débiteur et aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti un cautionnement ou une garantie autonome. Les dirigeants étant souvent également les garants de leur société, cette disposition qui les avantage peut les inciter à se soumettre à une procédure collective). L’augmentation du nombre d’arrêts relatifs aux procédures collectives dans le cadre d’une franchise est d’ailleurs la preuve que le recours à ces procédures s’accroît (Vingt-quatre décisions commentées sur la période juin 2008 à juin 2009, contre cinq seulement un an plus tôt à la même période).

Dans ce contexte nouveau, il convient d’envisager successivement les relations entre les parties au contrat de franchise (I), ainsi que les relations entre les parties et les cautions (II), avant d’aborder les éléments de procédure spécifiques aux procédures collectives (III).

I. Les relations entre les parties au contrat de franchise

Une décision commentée : Cass. com., 7 avril 2009 (pourvoi n°07-16.061)

319.  La procédure collective peut être ouverte à l’encontre de l’une des parties au contrat de franchise mais elle peut aussi, lorsque les parties sont des sociétés et que certaines conditions sont réunies (Conditions de l’extension pour cause de confusion de patrimoine : flux financiers anormaux (Cass. com., 11 mai 1993, pourvoi n°91-10.569) ou confusion des comptes), être étendue au dirigeant lui-même, personne physique. L’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 7 avril 2009 (Cass. com., 7 avril 2009, pourvoi n°07-16.061 : extension en raison de la confusion du patrimoine) précise que la procédure collective d’une personne physique ou morale, par extension de la procédure d’une autre, ne rétroagit pas au jour du jugement d’ouverture de la première procédure.

Quel que soit le débiteur faisant l’objet d’une procédure collective, les règles à respecter pour ouvrir une procédure sont les mêmes. D’ailleurs, ces règles ne présentent aucune particularité concernant la franchise. Une fois la procédure ouverte (A), le mandataire judiciaire aura pour objectif d’augmenter l’actif du débiteur (B) et des interrogations quant au sort du contrat de franchise pourront survenir (C).

A. L’ouverture d’une procédure collective

320.  En vertu de l’article L. 631-5 du code de commerce, un créancier peut demander l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de son débiteur. Que la demande d’ouverture ait, ou non, été formulée à son initiative, le créancier devra alors prouver l’état de cessation des paiements du débiteur (1) et déclarer sa créance (2), laquelle devra par la suite faire l’objet d’une admission (2).

1. La preuve de l’état de cessation des paiements

Deux décisions commentées : CA Lyon, 12 février 2009 (Juris-Data n°2009-000919 ; RG n°08/02534) ; CA Paris, 18 septembre 2008 (Juris-Data n°2008-370878 ; RG n°07/17486)

321.  La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 18 septembre 2008 (CA Paris, 18 septembre 2008, Juris-Data n°2008-370878 ; RG n°07/17486), rappelle que pour établir l’état de cessation des paiements du débiteur, le créancier doit prouver que le débiteur ne peut plus faire face à son passif exigible (Ensemble des dettes certaines, liquides, exigibles de l’entreprise) avec son actif disponible (Actif immédiatement réalisable par l’entreprise).

Dans le cadre d’une exploitation en franchise, le passif exigible peut être constitué notamment par le droit d’entrée et une redevance de publicité nationale. Une interprétation a contrario de l’arrêt du  12 février 2009 de la Cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 12 février 2009, Juris-Data n°2009-000919 ; RG n°08/02534), laisse à penser que ces créances, lorsqu’elles sont exigibles lors de la demande d’ouverture d’une procédure collective, peuvent constituer ledit passif exigible ; en l’espèce, ces créances n’étant pas exigibles à la date à laquelle le liquidateur souhaitait le report de l’état de cessation des paiements, elles n’ont pas été prises en compte pour le calcul du passif exigible à cette date.

2. La déclaration des créances

Six décisions commentées : Cass. com., 10 mars 2009 (pourvoi n°07-21.528) ; CA Paris, 20 novembre 2008 (RG n°03/07603) ; Cass. com., 14 octobre 2008 (pourvoi n°07-17.791) ; T. Com. Rouen, 11 juillet 2008 (RG n°07/008620, inédit) ; CA Versailles, 2 juillet 2008 (RG n°06/02103) et Cass. com., 10 juin 2008 (pourvoi n°06-21.112)

322.  Conformément aux articles L. 622-24 (pour la sauvegarde) et L. 631-14 (pour le redressement) du code de commerce, le créancier doit déclarer toutes les créances antérieures au jugement d’ouverture, quelle que soit leur nature (civile ou commerciale) (Cass. com., 10 juin 2008, pourvoi n°06-21.112).

Sous l’empire du régime antérieur à la loi de sauvegarde des entreprises de 2005 (Loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises), si le créancier ne déclarait pas sa créance et s’il ne bénéficiait pas du relevé de forclusion, la créance était automatiquement éteinte (Cass. com., 10 juin 2008, pourvoi n°06 21.112). Dès lors, le créancier ne pouvait, en aucun cas, recouvrer un quelconque droit de poursuite individuelle contre le débiteur, après clôture pour insuffisance d’actif (CA Paris, 20 novembre 2008, RG n°03/07603).

Depuis la loi de 2005, le défaut de déclaration n’entraîne plus l’extinction de la créance. Celle-ci est uniquement inopposable à la procédure. En conséquence, si le créancier se trouve dans les hypothèses limitativement énumérées à l’article L. 643-11 du code de commerce (Article L.643-11 du code de commerce :

« I. – Le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, sauf si la créance résulte :

1°D’une condamnation pénale du débiteur ;

2°De droits attachés à la personne du créancier.

II. – Toutefois, la caution ou le coobligé qui a payé au lieu et place du débiteur peut poursuivre celui-ci.

III. – Les créanciers recouvrent leur droit de poursuite individuelle dans les cas suivants :

1°La faillite personnelle du débiteur a été prononcée ;

2°Le débiteur a été reconnu coupable de banqueroute ;

3°Le débiteur ou une personne morale dont il a été le dirigeant a été soumis à une procédure de liquidation judiciaire antérieure clôturée pour insuffisance d’actif moins de cinq ans avant l’ouverture de celle à laquelle il est soumis ;

4°La procédure a été ouverte en tant que procédure territoriale au sens du paragraphe 2 de l’article 3 du règlement (CE) n°1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité.

IV. – En outre, en cas de fraude à l’égard d’un ou de plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout créancier à l’encontre du débiteur. Le tribunal statue lors de la clôture de la procédure après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, le liquidateur et les contrôleurs. Il peut statuer postérieurement à celle-ci, à la demande de tout intéressé, dans les mêmes conditions.

V. – Les créanciers qui recouvrent leur droit de poursuite individuelle et dont les créances ont été admises ne peuvent exercer ce droit sans avoir obtenu un titre exécutoire ou, lorsqu’ils disposent déjà d’un tel titre, sans avoir fait constater qu’ils remplissent les conditions prévues au présent article. Le président du tribunal, saisi à cette fin, statue par ordonnance.

Les créanciers qui recouvrent l’exercice individuel de leurs actions et dont les créances n’ont pas été vérifiées peuvent le mettre en œuvre dans les conditions du droit commun »), il peut, sous réserve de l’interprétation de cet article par les juges, agir contre le débiteur à l’issue de la procédure.

323.  La créance doit être déclarée et son montant doit être prouvé. Il est possible, pour le créancier de se référer, pour ce faire, à l’aveu judiciaire du débiteur concernant la dette. Dans un arrêt du 14 octobre 2008, (Cass. com., 14 octobre 2008, pourvoi n°07-17.791) la Cour de cassation a cassé un arrêt d’appel, les juges du fond n’ayant pas répondu aux conclusions du créancier qui évoquait un aveu judiciaire auprès du juge commissaire.

Enfin, un arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles rappelle le principe selon lequel le salarié qui a introduit une instance prud’homale antérieurement à l’ouverture de la procédure collective est dispensé de déclaration des créances résultant de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail (CA Versailles, 2 juillet 2008, RG n°06/02103).

3.       L’admission des créances

Une décision commentée : Cass. com., 10 mars 2009 (pourvoi n°07-21.528)

324.  Une fois la déclaration de créance faite, le juge commissaire se prononce sur son admission. Si une instance relative à la créance qui est déclarée, est en cours, le juge commissaire sursoit à statuer (Article L. 624-2 du code de commerce : « […], le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence »). Cependant, le sursis à statuer n’opère pas le dessaisissement du juge commissaire. Dès lors, la juridiction saisie de l’instance en cours sur la créance déclarée n’est pas compétent pour en prononcer l’admission (T. Com. Rouen, 11 juillet 2008, RG n°07/008620, inédit).

325.  A ce titre, la Cour de cassation a récemment eu l’occasion de se prononcer sur la question de savoir si les règles relatives à la vérification des créances font échec au principe de la compensation des créances connexes, dans l’hypothèse où ces dernières seraient contestées (Cass. com., 10 mars 2009, pourvoi n°07-21.528). En l’espèce, les juges du fond avaient rejeté une demande de compensation des créances connexes effectuée lors d’une liquidation judiciaire. En effet, selon eux, la détermination de l’existence et du montant des créances relevait de la compétence exclusive du juge commissaire et, l’instance en contestation des créances déclarées étant actuellement en cours devant ce dernier, les demandes de compensations devaient être rejetées.

Or, la Cour de cassation, au visa de l’article 1289 du code civil, juge que le fait que les créances soient contestées n’empêche pas la compensation des créances dans son principe. Il faut par ailleurs préciser qu’en pratique, la compensation ne sera effective qu’à l’admission de la créance contestée et à hauteur de son montant.

B. La préservation et l’optimisation de l’actif du débiteur

326.  Le rôle du mandataire judiciaire consiste notamment à préserver et optimiser le patrimoine du débiteur en procédure collective, dans l’intérêt collectif des créanciers. Plusieurs actions lui sont ouvertes telles que l’action en nullité de la période suspecte (1) et l’action pour soutien abusif de crédit (2).

1. Les nullités de la période suspecte

Une décision commentée : Cass. com., 16 décembre 2008 (pourvoi n° 07-17.207)

327.   L’article L. 632-1 du Code de commerce (Article L. 632-1 du code de commerce :

« I. – Sont nuls, lorsqu’ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants :

1°Tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière ;

2°Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie ;

3°Tout paiement, quel qu’en ait été le mode, pour dettes non échues au jour du paiement ;

4°Tout paiement pour dettes échues, fait autrement qu’en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par la loi n°81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d’affaires ;

5°Tout dépôt et toute consignation de sommes effectués en application de l’article 2075-1 du code civil (1), à défaut d’une décision de justice ayant acquis force de chose jugée ;

6°Toute hypothèque conventionnelle, toute hypothèque judiciaire ainsi que l’hypothèque légale des époux et tout droit de nantissement ou de gage constitués sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées ;

7°Toute mesure conservatoire, à moins que l’inscription ou l’acte de saisie ne soit antérieur à la date de cessation de paiement ;

8°Toute autorisation et levée d’options définies aux articles L. 225-177 et suivants du présent code ;

9°Tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire, à moins que ce transfert ne soit intervenu à titre de garantie d’une dette concomitamment contractée ;

10°Tout avenant à un contrat de fiducie affectant des droits ou biens déjà transférés dans un patrimoine fiduciaire à la garantie de dettes contractées antérieurement à cet avenant.

II. – Le tribunal peut, en outre, annuler les actes à titre gratuit visés au 1°du I faits dans les six mois précédant la date de cessation des paiements ») permet d’annuler certains actes passés par le débiteur, par exemple des cessions, lorsqu’ils sont intervenus pendant la période suspecte (entre la date de cessation des paiements et le jugement d’ouverture). Ainsi, en invoquant cet article, le mandataire judiciaire pourra faire entrer des biens dans le patrimoine du débiteur et ainsi optimiser son actif pour augmenter ses chances de désintéresser les créanciers.

328.  La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 16 décembre 2008 (Cass. com., 16 décembre 2008, pourvoi n°07-17.207), a eu l’occasion de statuer sur un acte dont le liquidateur avait demandé l’annulation sur le fondement de l’article L. 621-107, 4° du Code de commerce (Ancienne numérotation de l’article L. 632-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi de 2005). L’acte concerné était la reprise, par le vendeur, des marchandises impayées et la constitution d’un avoir par ce dernier. Le fait d’annuler l’acte aurait permis de maintenir les marchandises dans l’actif du débiteur et de favoriser ainsi le paiement des créanciers de la procédure. Selon le liquidateur, l’acte constituait une dation en paiement. Faute d’usage entre les parties de ce mode de paiement, le liquidateur soutenait que l’acte devait être annulé. La Cour de cassation ne fait pas droit à sa demande : le vendeur bénéficiant d’une clause de réserve de propriété, les marchandises ne sont jamais entrées dans le patrimoine du débiteur. Dès lors, il pouvait les reprendre librement. Il ne s’agit aucunement d’un des actes énoncés à l’article L. 632-1 du code de commerce précité.

Cet arrêt souligne l’intérêt d’une clause de réserve de propriété pour éviter de tomber sous le coup des nullités de la période suspecte. Il pourra donc être très utile, pour le fournisseur du franchisé, dans le cadre d’un contrat d’approvisionnement, d’y insérer des clauses de réserve de propriété.

2. Les actions pour soutien abusif de crédit

Trois décisions commentées : CA Montpellier, 10 juin 2008 (Juris-Data n°2008-002221) ; CA Nîmes, 05 juin 2008 (Juris-Data n°2008-005056)

329.  Un arrêt de la Cour d’appel de Nîmes du 5 juin 2008 (CA Nîmes, 5 juin 2008, Juris-Data n°2008-005056) concerne une demande tendant à faire constater le soutien abusif de crédit commis par le concédant et fournisseur de crédit du débiteur en procédure collective. Bien qu’elle concerne un contrat de concession, cette décision est transposable à la franchise. Selon la cour d’appel, la situation du concessionnaire était irrémédiablement compromise. Dès lors, en ne réclamant pas les créances dont il disposait à l’égard du concessionnaire et en poursuivant ses relations avec ce dernier, le concédant a contribué à masquer la situation financière du concessionnaire, à retarder son dépôt de bilan, et à aggraver son passif. La cour d’appel condamne donc le concédant au paiement de dommages intérêts sur le fondement de l’article 1382 du code civil.

La Cour d’appel de Nîmes ajoute qu’une compensation est impossible entre ce que doit le concédant au titre du soutien abusif de crédit et ce que le débiteur en procédure collective doit au concédant. La compensation a lieu lorsque deux personnes sont réciproquement créancières et débitrices de l’autre. Cinq conditions sont nécessaires pour que la compensation légale ait lieu : réciprocité, fongibilité, liquidité, exigibilité et disponibilité des créances. Dans le cadre d’une procédure collective, la disponibilité fait défaut puisque toutes les actions en justice sont suspendues. En outre, on peut douter du critère de la réciprocité, ainsi que le souligne l’arrêt précité. En effet, en l’espèce, la somme due par le concédant au titre du soutien abusif de crédit revient à l’ensemble des créanciers déclarants et non au débiteur en procédure collective. Le concédant et le concessionnaire ne sont donc pas réciproquement créanciers et débiteurs.

Depuis la modification de l’article L.650-1 du code commerce, par l’ordonnance de 2008 (Ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008), « lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci ». Les actions pour soutien abusif de crédit devraient donc, désormais, être beaucoup plus rares ou à tout le moins succéder plus occasionnellement.

330.  On signalera également, pour mémoire, l’arrêt rendu le 10 juin 2008 par la Cour d’appel de Montpellier (CA Montpellier, 10 juin 2008, Juris-data n°2008-002221), rendu en matière d’affiliation, rappelant de manière générale les conditions bien connues nécessaires à la mise en œuvre de l’action en soutien abusif.

C. L’avenir du contrat de franchise

331.  Lorsque l’une des parties au contrat est soumise à une procédure collective, il est possible que l’exécution du contrat ne soit pas poursuivie (1). Dans ce cas et, de manière plus générale, dans tous les cas où il est mis fin au contrat, il convient en outre de s’interroger sur les relations post-contractuelles (2).

1. La question de la poursuite des contrats en cours

Trois décisions commentées : CA Paris, 27 janvier 2009 (Juris-Data n°2009-000536 ; RG n°07-04313) ; CA Paris, 23 octobre 2008 (RG n°06/09559) et CA Reims, 29 septembre 2008 (RG n°07/1731)

332.  Le contractant d’un débiteur en procédure collective peut souhaiter mettre fin au contrat qui le lie avec ce dernier. S’agissant de la procédure de sauvegarde, l’article L.622-13 du Code du commerce (C. com., article L.622-13 :

« I. – Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.

Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par le débiteur d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture. Le défaut d’exécution de ces engagements n’ouvre droit au profit des créanciers qu’à déclaration au passif.

II. – L’administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur.

Lorsque la prestation porte sur le paiement d’une somme d’argent, celui-ci doit se faire au comptant, sauf pour l’administrateur à obtenir l’acceptation, par le cocontractant du débiteur, de délais de paiement. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l’administrateur s’assure, au moment où il demande l’exécution, qu’il disposera des fonds nécessaires à cet effet. S’il s’agit d’un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l’administrateur y met fin s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.

III. – Le contrat en cours est résilié de plein droit :

1°Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l’administrateur et restée plus d’un mois sans réponse. Avant l’expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l’administrateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer ;

2°A défaut de paiement dans les conditions définies au II et d’accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles. En ce cas, le ministère public, l’administrateur, le mandataire judiciaire ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d’observation.

IV. – A la demande de l’administrateur, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.

V. – Si l’administrateur n’use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions du II ou encore si la résiliation est prononcée en application du IV, l’inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu’à ce qu’il ait été statué sur les dommages et intérêts.

VI. – Les dispositions du présent article ne concernent pas les contrats de travail. Elles ne concernent pas non plus le contrat de fiducie, à l’exception de la convention en exécution de laquelle le débiteur conserve l’usage ou la jouissance de biens ou droits transférés dans un patrimoine fiduciaire ») prévoit une procédure particulière, à savoir une mise en demeure adressée à l’administrateur. Si celle-ci demeure sans réponse pendant un mois, le cocontractant pourra mettre fin au contrat en cours. La même procédure est applicable au redressement judiciaire.

L’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 23 octobre 2008 (CA Paris, 23 octobre 2008, RG n°06/09559) statue sur la résiliation d’un contrat de concession en raison de l’ouverture d’une liquidation judiciaire et de certains manquements de la part du contractant en procédure collective. S’il est ici question de contrat de concession, l’arrêt commenté demeure parfaitement transposable à toutes les situations contractuelles et, en particulier, au contrat de franchise. La cour d’appel, dans un premier temps, rappelle qu’une résiliation fondée uniquement sur l’ouverture d’un redressement judiciaire n’est pas recevable. Dans un second temps, s’agissant d’un contrat en cours au sens de l’article L. 622-13 du code de commerce, elle précise que la résiliation doit respecter la procédure définie à ce même article, quand bien même d’importants manquements auraient été constatés. En l’espèce, les exigences de l’article L.622-13 dudit code n’ayant pas été respectées, la résiliation est irrégulière.

Il a également été jugé par la Cour d’appel de Toulouse qu’en cas de licenciement économique du directeur commercial d’une société franchisée, le périmètre de l’obligation de reclassement comprend à la fois la société franchisée mais également la société franchiseur. Ainsi, les juges du fonds ont-ils considéré que le seul fait que le reclassement n’ait pas été recherché au-delà de la société franchisée suffisait à considérer que la rupture était injustifiée (CA Toulouse, 18 juin 2008, RG n°07/01161).

Enfin, une décision rendue par la Cour d’appel de Reims (CA Reims, 29 septembre 2008, 07/1731) s’est prononcée sur la question de savoir si la responsabilité de l’avocat conseil de la société franchisée mise en liquidation judiciaire pouvait être engagée en raison du manquement à son devoir de conseil. En l’espèce, la société franchisée mise en liquidation judiciaire reprochait à l’avocat à qui elle avait fait appel d’avoir manqué à son devoir de conseil durant le déroulement de cette procédure dans la mesure où il avait autorisé la reprise du fonds de commerce pour une valeur insuffisante en raison de l’absence de mise en place d’un plan de continuation. La cour d’appel considère que l’absence de mise en place d’un plan de continuation de l’entreprise par l’avocat constitue une faute à l’origine du « préjudice constitué par la perte de chance de voir dans le cadre d’un plan de redressement par continuation, la situation de la société franchisée s’améliorer  et de ne pas subir les préjudices qu’elle invoque désormais ».

2. Les relations post-contractuelles

Une décision commentée : T. Com. Rouen, 11 juillet 2008 (RG n°07/008620, inédit)

333.  Les contrats de franchises comportent toujours une clause de non-concurrence par laquelle le franchisé s’interdit de faire concurrence au franchiseur. Très souvent, ces clauses s’appliquent aussi à la relation post-contractuelle. Ainsi, même si le contrat est arrivé à son terme ou est rompu, le franchisé ne pourra pas faire concurrence au franchiseur.

Ainsi que cela a été évoqué précédemment dans la présente étude, dans une décision quelque peu surprenante, le Tribunal de commerce de Rouen, le 11 juillet 2008 (T. Com. Rouen, 11 juillet 2008, RG n°07/008620, inédit), a statué sur une demande du franchiseur tendant à faire constater que le franchisé avait mis fin au contrat de franchise et était tenu d’une obligation de non-concurrence. Le tribunal affirme que la société franchisée a été liquidée et qu’elle n’a plus d’activité, pour en déduire que la demande du franchiseur était injustifiée et qu’il ne pouvait plus invoquer la clause de non-concurrence.

II. Les relations entre les parties et les cautions

Neuf décisions commentées : CA Paris, 29 janvier 2009 (RG n°07/06438) ; CA Paris, 11 décembre 2008 (RG n°07/10954) ; Cass. com., 12 novembre 2008 (pourvois n°07-17.746 et n°07-15.949) ; CA Rouen, 30 octobre 2008 (RG n°08-03.654) ; Cass. com., 30 septembre 2008 (pourvoi n°07-11.178) ; Cass. com., 8 juillet 2008 (pourvoi n°07-13.274) ; CA Nîmes, 19 juin 2008 (RG n°06/4867)

334.  Le créancier va agir contre la caution (A) laquelle va invoquer des moyens de défense (B).

A. La mise en œuvre du cautionnement

335.  La plupart du temps, les créanciers exigent des garanties de la part de leur débiteur, telles que des sûretés personnelles (cautionnement, garantie autonome ou lettre d’intention), afin de se prémunir contre les éventuels risques d’impayés. Ainsi, si le débiteur connaît des difficultés pour honorer ses dettes, le créancier pourra exercer un recours contre le garant.

Aux termes des articles L 341-2 et L 341-6 du code de la consommation, issus de la loi pour l’initiative économique du 1er août 2003 (Loi n°2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique), le cautionnement est subordonné à un certain formalisme, ce dispositif étant destiné à protéger la personne physique qui se serait portée caution envers un créancier professionnel. Depuis l’entrée en vigueur de ces articles, seules les juridictions du fond s’étaient prononcées sur le sens à donner à la notion de « créancier professionnel », sans que cela ait permis de dégager des lignes directrices. Un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation fournit enfin une définition générale de la notion de « créancier professionnel », sous la forme d’un véritable attendu de principe. Ainsi, un tel créancier s’entend « de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale » (Cass. civ. 1ère, 9 juillet 2009, pourvoi n°08-15.910).

Cependant, si le débiteur fait l’objet d’une procédure collective, le créancier ne pourra agir, dès l’ouverture de cette procédure, contre le garant, tout au moins lorsqu’il s’agit d’une personne physique (Tel ne sera pas le cas si le garant est une personne morale), car il bénéficie du principe de l’arrêt des poursuites individuelles énoncé à l’article L. 622-28 du code de commerce (Art. L. 622-28 du code de commerce : « Le jugement d’ouverture suspend jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ») (pour la sauvegarde) et à l’article L. 631-14 du même code (Art. L. 631-14 du code de commerce : « Les articles […] L. 622-13 à L. 622-33 sont applicables à la procédure de redressement judiciaire […] ») (pour le redressement). Le créancier ne pourra donc agir qu’une fois le plan de sauvegarde ou de redressement arrêté ou la liquidation prononcée (Cass. com., 24 mai 2005, pourvoi n°03-21.043 : « Attendu que l’action régulièrement engagée par le créancier contre la caution et suspendue par l’effet du jugement d’ouverture du redressement judiciaire du débiteur principal peut être reprise sans nouvelle assignation après le jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation judiciaire»).

Bien que le créancier ne puisse agir contre la caution dès le jugement d’ouverture, il n’en demeure pas moins que le bénéfice d’une sûreté personnelle est avantageux pour des créanciers. Quatre arrêts de rendus en 2008 témoignent des actions d’un créancier contre une caution dans le cadre d’un contrat de franchise (Cass. com. 30 septembre 2008, pourvoi n°07-11.178 ; CA Rouen, 30 octobre 2008, RG n°08/03654 ; CA Paris, 11 décembre 2008, Juris-Data n°2008-374966 ; RG n°07/10954 ; Cass. com., 12 novembre 2008, pourvoi n°07-17.746). L’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 30 septembre 2008 (Cass. com. 30 septembre 2008, pourvoi n°07-11.178), l’arrêt de la Cour d’appel de Rouen du 30 octobre 2008 (CA Rouen, 30 octobre 2008, RG n°08/03654) et l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 11 décembre 2008 (CA Paris, 11 décembre 2008, Juris-Data n°2008-374966 ; RG n°07/10954) concernent des actions mises en œuvre de cautions par des établissements de crédits, à l’encontre des cautions d’un franchisé soumis à une procédure collective. Le quatrième arrêt, celui de la chambre commerciale en date du 12 novembre 2008 (Cass. com., 12 novembre 2008, pourvoi n°07-17.746), est relatif à une demande de nullité des contrats de franchise et de location-gérance formulée par le liquidateur. Au préalable, le franchiseur avait assigné les cautions afin qu’elles exécutent les engagements d’un franchisé en liquidation judiciaire. Ces quatre arrêts révèlent l’importance d’un cautionnement pour un créancier dont le débiteur fait l’objet d’une procédure collective. Le créancier tentera d’obtenir le paiement  de sa créance par la caution. Malgré tout, l’action du créancier n’aboutira pas nécessairement, tout dépendant de la pertinence des moyens de défense opposée par la caution.

Enfin, il convient de faire état d’un arrêt dans lequel la Cour de cassation a eu à répondre du sort de la caution donnée pour garantir un plan de continuation, après résolution de ce plan et ouverture d’une liquidation judiciaire (Cass. com., 8 juillet 2008, pourvoi n°07-13.274). La question se posait de savoir si la caution reste tenue après résolution du plan et ouverture d’une nouvelle procédure de liquidation judiciaire. La chambre commerciale de la Cour de cassation répond par l’affirmative, jugeant qu’il importe peu que l’exécution de l’engagement de caution ait été demandée après l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire subséquente à la résolution du plan.

B. Les moyens de défense de la caution

336.  S’il arrive que la caution ne conteste pas son engagement (CA Paris, 29 janvier 2009, RG n°07/06438), elle cherche, le plus souvent, à remettre en cause sa validité en contestant la validité du contrat principal, ou à arguer du caractère disproportionné de son engagement.

Depuis la loi pour l’initiative économique du 1er août 2003 (Loi n°2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique), les cautionnements disproportionnés fournis par des personnes physiques aux créanciers professionnels sont inopposables (Code de la consommation, art. L. 341-6 : « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation »). Cette inopposabilité n’est applicable qu’aux cautionnements postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi, soit le 7 août 2003. Pour les cautionnements antérieurs, les cautions ne peuvent donc se prévaloir de l’inopposabilité. En revanche, la responsabilité civile (Code civil, art. 1147) du créancier peut être engagée, le cautionnement est alors réduit.

Dans un arrêt du 30 octobre 2008 (CA Rouen, 30 octobre 2008, RG n°08-03.654), la Cour d’appel de Rouen a apprécié le caractère profane ou averti des cautions pour en déduire les obligations de la banque à leur égard. Une des deux cautions va être qualifiée de profane : « la seule qualité d’associée à égalité avec son conjoint [gérant] et d’assistante administrative [dans la société] ne saurait lui conférer la qualité de caution avertie ». Son engagement étant disproportionné, la banque est condamnée à l’indemniser. Le cautionnement ayant été souscrit avant le 7 août 2003, il s’agit d’une indemnisation, fondée sur l’article  1147 du code civil et non d’une inopposabilité.

Le 11 décembre 2008, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 11 décembre 2008, Juris-Data n°2008-374966 ; RG n°07/10954) a fait application l’article L. 341-6 de code de la consommation. Dans cette affaire, la cour a affirmé que les cautionnements n’étaient pas disproportionnés et que la banque qui n’avait donc pas commis de manquement  pouvait se prévaloir du cautionnement.

La caution peut également contester la validité du contrat principal. Le 12 novembre 2008, la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 12 novembre 2008, pourvoi n°07-17.746), qui a eu l’occasion de se prononcer à ce sujet, a rappelé les dispositions de l’article 2289 du code civil suivant lesquelles « seule la disparition des obligations nées du contrat nul peut entraîner la disparition du cautionnement lequel conserve son efficacité à l’égard des obligations subsistantes ». Elle casse ainsi l’arrêt de la cour d’appel, celle-ci n’ayant pas recherché si la nullité du contrat éteignait l’obligation de payer les livraisons et si les obligations des cautions ne demeuraient pas, du fait  qu’elles s’étaient engagées au titre de l’encours du fournisseur. La nullité du contrat de franchise ne remet donc pas en cause de facto l’engagement de la caution.

Egalement, dans un arrêt rendu le même jour, la chambre commerciale a jugé que la banque ne saurait engager sa responsabilité à l’égard d’une caution avertie. En l’espèce, une caution, après s’être acquittée de son engagement, avait recherché la responsabilité de la banque, en vain. En effet, s’agissant d’une caution avertie, la Cour de cassation énonce que la banque n’était pas tenue d’une obligation de mise en garde à son égard dans la mesure où elle s’était faite assistée d’un conseiller (Cass. com., 12 novembre 2008, pourvoi n° 07-15.949).

La Cour d’appel de Nîmes (CA Nîmes, 19 juin 2008, RG n°06/04867) a eu à se prononcer sur la question de savoir s’il était possible pour la caution de se libérer de son engagement en invoquant la violence économique exercée par le franchiseur, lorsque ce dernier a sollicité l’engagement de caution solidaire du franchisé, destiné à garantir le recouvrement de sa créance. Elle a considéré qu’en l’espèce, la violence n’était pas caractérisée dans la mesure où, « pour vicier le consentement d’une partie à un acte, il convient que la contrainte économique alléguée soit illégitime ou traduise une exploitation abusive de la situation de dépendance économique de cette partie par son cocontractant ».

III. Eléments de procédure spécifiques aux procédures collectives

337.  Dans le cadre d’une procédure collective, il existe des particularités procédurales dont celles concernant la qualité pour agir (A), la compétence des tribunaux (B) et les voies de recours (C).

A. La qualité pour agir

338.  L’article 31 du code de procédure civile dispose que« l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ». Dans le cadre des procédures collectives, eu égard à la situation du débiteur et au caractère collectif de la procédure, la loi attribue le droit d’agir à certaines personnes déterminées. Le dessaisissement du débiteur au profit du liquidateur dans le cadre d’une liquidation judiciaire (1), et la qualité du mandataire, du liquidateur ou du commissaire à l’exécution du plan pour agir au nom des créanciers (2), constituent deux exemples d’attribution législative du droit d’agir.

1. Le dessaisissement du débiteur dans le cadre d’une liquidation judiciaire

Trois décisions commentées : Cass. com., 26 mai 2009 (pourvoi n°08-13.194) et Cass. soc., 16 décembre 2008 (pourvoi n°06-46.105) et Cass. com., 16 septembre 2008 (pourvoi n°07-13.713).

339.  Si les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire n’emportent pas le dessaisissement automatique du débiteur (Code de commerce, art. L. 622-1-I), tel n’est pas le cas de la procédure de liquidation judiciaire, ainsi que l’indique l’article L. 641-9 du code de commerce (Code de commerce, article L.641-9 :

« I. – Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d’établir la culpabilité de l’auteur d’un crime ou d’un délit dont il serait victime.

Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l’administrateur lorsqu’il en a été désigné.

II. – Lorsque le débiteur est une personne morale, les dirigeants sociaux en fonction lors du prononcé du jugement de liquidation judiciaire le demeurent, sauf disposition contraire des statuts ou décision de l’assemblée générale. En cas de nécessité, un mandataire peut être désigné en leur lieu et place par ordonnance du président du tribunal sur requête de tout intéressé, du liquidateur ou du ministère public.

Le siège social est réputé fixé au domicile du représentant légal de l’entreprise ou du mandataire désigné.

III. – Lorsque le débiteur est une personne physique, il ne peut exercer, au cours de la liquidation judiciaire, aucune des activités mentionnées au premier alinéa de l’article L. 640-2 »). Le débiteur dessaisi est représenté par le liquidateur pour tous les actes exigés par ses activités professionnelle et personnelle (Cass. com., 26 mai 2009, pourvoi n°08-13.194 : « que sur le pourvoi incident, relevé par Mme X…, agissant en qualité de liquidateur judiciaire [du franchisé] ». Le liquidateur exerce l’action en justice à la place du franchisé). Cependant, l’article prévoit deux types d’exceptions. La première consiste à permettre au débiteur de se constituer partie civile. La deuxième a un champ d’application plus large : elle vise tout ce qui n’est pas compris dans la mission du liquidateur. Cette deuxième exception a été introduite par la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 (LOI n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises) et consacre la jurisprudence qui avait exclu certains actes du dessaisissement, telle que la renonciation par le débiteur seul à une succession car elle constitue un droit attaché à la personne (Cass. com., 3 mai 2006, pourvoi n°04-10.115 : « Attendu que pour déclarer inopposable à la liquidation judiciaire la renonciation de Mme X… à la succession de sa mère, l’arrêt retient que les conséquences de la renonciation sont essentiellement patrimoniales et que l’option successorale appartient après le prononcé de la liquidation judiciaire au liquidateur et non au débiteur ; Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés »).

L’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 16 décembre 2008 (Cass. soc., 16 décembre 2008, pourvoi n°06-46.105), illustre cette deuxième exception. En l’espèce, un liquidateur avait saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la requalification des contrats de franchise en un contrat de travail. La Cour de cassation approuve la fin de non-recevoir pour défaut de qualité du liquidateur relevée par la cour d’appel. Elle affirme que « la demande en requalification d’un contrat de franchise en contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne de celui qui se prétend salarié et ne peut être exercé par les organes de la procédure ». La Cour de cassation précise d’ailleurs que la cour d’appel n’était pas tenue d’inviter le débiteur à se joindre à la procédure.

Enfin, il a été jugé qu’après l’adoption d’un plan de continuation, le débiteur, redevenu maître de ses biens est recevable à exercer une action en résolution d’un contrat, peu important l’inaction de l’administrateur pendant la période d’observation (Cass. com., 16 septembre 2008, pourvoi n°07-13.713).

2. La représentation des créanciers : l’exemple du plan de cession

Une décision commentée : CA Paris, 23 octobre 2008 (RG n°06/09559)

340.  L’article L. 622-20 du code de commerce (Code de commerce, art. L. 622-20 al. 1 : « Le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers […] ») donne compétence au mandataire pour agir au nom des créanciers. L’article L. 626-25 du code de commerce (Code de commerce, art. L. 626-25 al. 3 : « Le commissaire à l’exécution du plan est également habilité à engager des actions dans l’intérêt collectif des créanciers ») attribue cette compétence au commissaire à l’exécution du plan dans le cadre d’un plan de cession.

Un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 23 octobre 2008 (CA Paris, 23 octobre 2008, RG n°06/09559) a rappelé la compétence du commissaire à l’exécution du plan. Comme il a été précisé précédemment, cet arrêt relatif à la concession est applicable à la franchise et à toute situation contractuelle dans laquelle un plan de cession est arrêté. En l’espèce, le commissaire agissait dans le but d’obtenir le règlement de redevances. Le débiteur des redevances affirmait que le commissaire n’était pas compétent pour agir puisque les éléments incorporels faisant l’objet des redevances avaient été cédés au repreneur. La Cour d’appel de Paris constate que les éléments cités n’étaient pas compris dans le plan ; elle en conclut que le commissaire « [avait] bien qualité pour agir en recouvrement des actifs de la société […] non compris dans le plan, observation faite que la créance [avait] pris naissance antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ».

La Cour d’appel de Paris (CA Paris, 27 janvier 2009, Juris-Data n°2009-000536 ; RG n°07/04313 : en l’espèce, la société avait pour activité la formation aux techniques de vente, selon des méthodes et des supports spécifiques qui faisaient l’objet d’une franchise. Mise en liquidation judiciaire, le contrat de franchise est résilié amiablement et les salariés sont licenciés. Postérieurement aux licenciements, le fonds de commerce de la société fait l’objet d’une cession et la société cessionnaire ne reprend que six des anciens salariés. C’est pourquoi les autres salariés demandent à ce que soit déclaré sans effet le licenciement prononcé par le liquidateur et de constater le refus de reprise de leur contrat par la société cessionnaire. La Cour d’appel considère que si en cas de transfert d’entité économique, les contrats de travail en cours subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise, tel n’est pas le cas lorsque le transfert n’est que « partiel », la cession se limitant en l’espèce « au rachat de certains actifs ». En effet, l’offre en question prévoyant la résiliation amiable du contrat de franchise, avait pour conséquence le retour au franchiseur de ses droits de propriété intellectuelle qui revêtaient une grande importance au regard de l’activité exercée. Ainsi, la cession ne pouvait s’analyser comme la reprise intégrale de l’entité économique autonome constituée par l’ancienne société franchisée. En conséquence, la cour d’appel approuve la société cessionnaire de ne pas avoir repris l’ensemble des contrats de travail) a récemment eu a se prononcer sur la question de savoir si dans le cadre d’une résiliation amiable du contrat de franchise, intervenue dans l’hypothèse d’une liquidation judiciaire, la société qui acquiert le fonds de commerce est tenue de reprendre l’intégralité des contrats de travail qui avaient été conclus par société liquidée.

B. Les clauses compromissoires

Deux décisions commentées : CA Paris, 5 novembre 2008 (RG n°07/17215) ; CA Colmar, 9 octobre 2008 (RG n°06/04294)

341.  La Cour d’appel de Colmar, le 9 octobre 2008 (CA Colmar, 9 octobre 2008, RG n°06/04294), a eu l’occasion de statuer sur le sort d’une clause compromissoire. En l’espèce, le liquidateur avait agi à l’encontre du franchiseur, en réparation du préjudice subi par le franchisé qui prétendait avoir été « trompé […] par l’étude de marché purement théorique et réalisée sans aucun sérieux par le franchiseur ». Le contrat de franchise comportait une clause compromissoire. La Cour de cassation rappelle les articles 1458 et 1466 du Code de procédure civile selon lesquels il appartient à l’arbitre de statuer sur sa propre compétence, avant de préciser que « l’action [du liquidateur] n’est […] pas inhérente à la procédure collective et que la clause compromissoire, valablement conclue avant le jugement d’ouverture de la procédure collective, n’a pas lieu d’être écartée et est opposable [au liquidateur] ». Le liquidateur est, ainsi, tenu de se soumettre à la clause compromissoire.

La clause ne sera écartée que dans l’hypothèse où l’action n’entre pas dans le champ d’application de la clause. Un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 5 novembre 2008 (CA Paris, 5 novembre 2008, RG n°07/17215) en est une illustration. Cet arrêt statuait notamment sur la nullité d’un contrat de location-gérance. Toutes les conventions signées entre les parties comportaient une clause compromissoire, excepté le contrat de location-gérance. Ainsi, la juridiction étatique était compétente pour statuer sur la question de la nullité du contrat de location-gérance.

C. Les voies de recours : l’exemple de la tierce opposition

Trois décisions commentées : Cass. com., 10 mars 2009 (pourvois n°07-20.719 et 07-20.720) ; Cass. com., 10 février 2009 (pourvoi n°07-45.220)

342.  Les procédures collectives présentent des particularités procédurales concernant les voies de recours : certains jugements ou ordonnances sont insusceptibles de recours (Code de commerce, art. L. 661-4 : Les jugements ou ordonnances relatifs à la nomination ou au remplacement du juge-commissaire ne sont pas susceptibles de recours), d’autres ne sont susceptibles d’appel que de la part du ministère public (Code de commerce, art. L. 661-6 :

«  I. Ne sont susceptibles que d’un appel de la part du ministère public :

1°Les jugements ou ordonnances relatifs à la nomination ou au remplacement de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du commissaire à l’exécution du plan, du liquidateur, des contrôleurs, du ou des experts ;

2°Les jugements statuant sur la durée de la période d’observation, sur la poursuite ou la cessation de l’activité.

II.-Ne sont susceptibles que d’un appel de la part du débiteur ou du ministère public, les jugements relatifs à la modification de la mission de l’administrateur.

III.-Ne sont susceptibles que d’un appel de la part soit du débiteur, soit du ministère public, soit du cessionnaire ou du cocontractant mentionné à l’article L. 642-7 les jugements qui arrêtent ou rejettent le plan de cession de l’entreprise. Le cessionnaire ne peut interjeter appel du jugement arrêtant le plan de cession que si ce dernier lui impose des charges autres que les engagements qu’il a souscrits au cours de la préparation du plan. Le cocontractant mentionné à l’article L. 642-7 ne peut interjeter appel que de la partie du jugement qui emporte cession du contrat.

IV.-Ne sont susceptibles que d’un appel de la part du ministère public ou du cessionnaire, dans les limites mentionnées à l’alinéa précédent, les jugements modifiant le plan de cession.

V.-Ne sont susceptibles que d’un appel de la part du débiteur, de l’administrateur, du liquidateur, du cessionnaire et du ministère public les jugements statuant sur la résolution du plan de cession.

VI.-L’appel du ministère public est suspensif »). Des spécificités existent aussi concernant la tierce opposition.

Un des arrêts de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 10 mars 2009 (Cass. com., 10 mars 2009, pourvoi n°07-20.720) illustre cette dernière particularité. Le franchiseur avait formé tierce opposition à la décision arrêtant le plan de cession du franchisé. La cour d’appel avait déclaré le franchiseur irrecevable. La Cour de cassation rappelle que les jugements rendus sur tierce-opposition sont susceptibles des mêmes voies de recours que les décisions de la juridiction dont ils émanent. Les jugements arrêtant les plans de cession, comme c’est le cas en l’espèce, sont visés l’article L.623-6, II du code de commerce (Aujourd’hui : L.661-6-III). Or, l’article L. 623-7 du code de commerce (Aujourd’hui : L. 661-7) dispose que les arrêts rendus en application des paragraphes II et III de l’article L.623-6 ne sont susceptibles de pourvoi en cassation que de la part du ministère public. Ainsi, le franchiseur ne pouvait exercer de pourvoi en cassation concernant une telle décision. Ce recours est recevable uniquement en cas d’excès de  pourvoir : il s’agit alors d’une tierce-opposition nullité. En l’espèce, le franchiseur avait invoqué l’excès de pourvoir (Cass. com., 10 mars 2009, pourvoi n°07-20.719) parallèlement. Néanmoins, il invoquait un excès de pourvoir contre un jugement qui n’était pas celui dont il avait fait appel : son argument a donc été jugé inopérant.

343.  Les procédures collectives sont aussi, malgré tout, soumises à certaines règles du droit commun. Le recours en révision en constitue un exemple : comme en droit commun, le recours en révision exercé par le mandataire doit être communiqué au ministère public, ainsi que le rappelle un récent arrêt rendu le 10 février 2009 par la Cour de cassation (Cass. soc., 10 février 2009, pourvoi n°07-45.220).

Le contentieux du contrat de franchise (éléments de procédure)

344.  Le franchiseur et le franchisé rencontrent, au moins potentiellement, des situations conflictuelles. Les unes se dénouent au terme de discussions, qui empruntent des chemins divers – telles que la médiation, la conciliation et parfois même la transaction –, dont l’objectif commun est de tenter de parvenir à un accord, de favoriser la commune intention des parties et, d’une certaine manière, parfois, l’intérêt commun du réseau. Les autres, inextricables ou plus tenaces – soit que les parties n’ont pu trouver un terrain d’entente, soit qu’elles n’ont pas même tenté de le faire –, donnent lieu à une véritable « judiciarisation » du conflit, intensifiée lorsque l’enjeu dépasse le seul litige considéré. Ces situations conflictuelles conduisent à la saisine – voulue, subie ou provoquée – du juge, étatique ou arbitral, dont le contrat de franchise aura souvent déterminé la compétence.

La jurisprudence à laquelle notre étude se consacre nous conduit à rappeler successivement certaines des règles spécifiques aux contentieux étatique (I) et arbitral (II).

I. Contentieux étatique

345.  Il convient d’envisager les règles de procédures selon qu’elles sont communes à toutes les juridictions (A) ou qu’elles gouvernent la juridiction des référés (B).

A. Les règles communes à toutes les juridictions

Sept décisions commentées : CA Versailles, 3 décembre 2008 (RG n°08/00229) ; Cass. com., 2 décembre 2008 (Juris-Data n°2008-046125) ; Cass. civ. 1ère, 22 octobre 2008 (pourvoi n°07-15.823) ; Cass. com., 14 octobre 2008 (pourvoi n°07-17.791) ; CA Paris, 2 octobre 2008 (Juris-Data n°2008-374078) ; CA Paris, 1er octobre 2008 (Juris-Data n°2008-374080) ; T. Com. Bordeaux, 26 septembre 2008 (RG n°2006/F00673, inédit)

1) Responsabilité contractuelle

346.  Il peut être dérogé aux règles légales de compétence des articles 42 et 43 du code de procédure civile par une clause attributive de compétence territoriale, telle qu’envisagée à l’article 48 du même code, aux termes duquel : « Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles légales de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente ».

Les clauses attributives de compétence, visées à l’article 48 du code de procédure civile, permettent donc de déroger aux règles légales de compétence. Les conditions de validité de ce type de clause ressortent du texte : elles ne peuvent être prévues qu’entre commerçants (Sur cette question, v. Cass. com., 5 décembre 2006, Juris-Data n°2006-036489), elles doivent apparaître très clairement dans l’engagement des parties, et ne peuvent contrarier les règles de compétence territoriale d’ordre public. Dans la mesure où elles dérogent aux règles légales de compétence territoriales, leur interprétation est stricte mais doit respecter la volonté des parties.

La clause attributive de compétence insérée dans le contrat de franchise peut prévoir – ce qui est souvent le cas en pratique – que la juridiction du ressort du siège social du franchiseur est compétente pour trancher les différends relatifs à la validité, l’exécution ou l’interprétation du contrat. Sauf à ce que l’objet du litige ne relève pas du champ d’application de la clause attributive de compétence, la juridiction du ressort du siège social du franchiseur sera compétente en pareil cas.

C’est ce que confirment, sans surprise, deux décisions récentes.

347.  Dans une espèce ayant donné lieu à l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 1er octobre 2008 (CA Paris, 1er octobre 2008, Juris-Data n°2008-374080 ; RG n°06/10492), le franchisé avait soulevé une exception d’incompétence en raison de la clause attributive de juridiction stipulée dans le contrat de franchise en ces termes : « Tout différend découlant de l’exécution ou de l’interprétation du contrat sera, de convention expresse, soumis aux tribunaux du siège social du franchiseur ». Selon le franchisé, le litige ne relevait pas à proprement parler de « l’exécution ou de l’interprétation du contrat » au sens de cette clause. La cour retient opportunément que, en l’espèce, « l’objet du contentieux opposant les parties est, d’une part, d’obtenir le paiement de sommes visées à l’article 18 du contrat, d’autre part, de solliciter la restitution de différent éléments liés à la franchise, et ce en application de l’article 19 de ladite convention relatif aux effets de la cessation des relations entre les intéressés », de sorte que le litige en cause avait bien trait à « la mise en œuvre de stipulations contractuelles » et entrait bien dans le champ d’application de la clause attributive de compétence litigieuse.

348.  De même, dans une espèce assez récente, ayant donné lieu au jugement rendu par le Tribunal de commerce de Bordeaux le 26 septembre 2008 (T. Com Bordeaux, 26 septembre 2008, RG n°2006/F00673), le franchisé avait assigné le franchiseur devant le Tribunal de commerce de Bordeaux, lieu d’exécution du contrat de franchise, pour manquement à son obligation pré-contractuelle d’information et pour résiliation abusive du contrat de franchise.

Le franchiseur avait alors soulevé une exception d’incompétence en raison de la clause attributive de juridiction stipulée dans le contrat de franchise en ces termes : « Toutes les contestations entre les parties relatives à l’application, l’exécution ou l’interprétation du présent contrat non résolues à l’amiable dans le délai d’un mois à compter de la date de la survenance du litige, seront soumises aux tribunaux du siège social du franchiseur qui seront seuls compétents et ce, même en cas de pluralité d’instances ou de parties ou d’appel en garantie d’instances ou de parties ou d’appel en garantie. Cette clause s’appliquera également en matière de référé ».

En réponse, le franchisé faisait valoir que la clause ne visant pas les litiges fondés sur la rupture ou la résiliation du contrat et ses suites elle était inapplicable en l’espèce. Il considérait également que les litiges relatifs aux pourparlers et à l’information pré-contractuelle étaient également exclus de son champ d’application. Le Tribunal écarte l’argumentation du franchisé en relevant, d’une part, que la rupture du contrat fait partie de la non-exécution par le franchisé de ses obligations contractuelles et, d’autre part, que l’information précontractuelle fait partie intégrante du contrat, lequel y fait expressément référence. Après s’être déclaré incompétent, le tribunal a renvoyé l’affaire devant le tribunal de commerce désigné par la clause litigieuse.

349.  Ces solutions doivent être approuvées au risque, sinon, de vider de leur substance la plupart des clauses attributives de compétence. Ces décisions sont l’occasion de rappeler la nécessité d’apporter le plus grand soin à la rédaction des clauses attributives de compétence sous peine de se voir opposer une exception d’incompétence territoriale.

Aussi, il convient de faire état d’une décision rendue en matière de droit international privé (Cass. civ. 1ère, 22 octobre 2008, pourvoi n°07-15.583). En l’espèce, un contrat avait été conclu entre une société française et une société américaine aux termes duquel il était stipulé que les juridictions de San Francisco seraient compétentes pour tout litige en découlant. Après avoir résilié le contrat, la société française est assignée par son ancien cocontractant américain devant les juridictions françaises pour abus de dépendance économique en application de l’article L 442-6 du code de commerce. La Cour d’appel écarte la clause attributive de compétence aux motifs «qu’il s’agit d’appliquer des dispositions impératives relevant de l’ordre public économique constitutives de lois de police ».

Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation qui  relève que, compte tenu de sa généralité, la clause litigieuse doit être appliquée et ce, indépendamment de la détermination du fond du droit applicable au fond litige.

Il convient donc, en pratique, notamment lors de la rédaction de contrat de master-franchise, de prêter une attention particulière à la rédaction de la clause attributive de juridiction.

2) Responsabilité délictuelle

350.  En matière délictuelle, la victime peut saisir soit le tribunal du lieu où demeure le défendeur, soit « la juridiction du lieu du fait dommageable, ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi » en application de l’alinéa 2 de l’article 46 du code de procédure civile (CPC, art. 46, al. 3).

Dans une espèce ayant donné lieu à un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 2 octobre 2008 (CA Paris, 2 octobre 2008, Juris-Data n°2008-374078 ; RG n°05/2129 : en l’espèce, le cessionnaire s’était rendu complice de la violation de la clause de non réaffiliation par le franchisé, en ayant conclu avec lui, bien qu’ayant été informé par le cédant de la société franchisée de l’existence de la clause, un accord commercial visant à l’utilisation de son enseigne par le franchisé), le franchiseur, qui avait été indemnisé de son préjudice lié à la violation de la clause de non-réaffiliation par le franchisé par un tribunal arbitral, fut ensuite déclaré recevable à engager la responsabilité délictuelle du cessionnaire, sur le fondement de la concurrence déloyale.

Une décision analogue a été rendue le 2 décembre 2008 par la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 2 décembre 2008, Juris-Data n°2008-046125, pourvois n°07-17.539 et 07-19.201).

Il convient de faire état d’un arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles le 3 décembre 2008 (CA Versailles, 3 décembre 2008, RG n°08/00229), lequel se prononce sur la question de savoir quel est le juge compétent pour statuer sur la réparation du préjudice subi en raison de la rupture brutale et abusive par deux salariés des pourparlers contractuels engagés pour la conclusion d’un contrat de franchise. En l’espèce, la conclusion d’un contrat de franchise avait été projetée entre deux salariés et leur employeur en vue de la création d’un supermarché. Les deux salariés concernés ont abandonné ce projet et l’ont soumis au concurrent direct de leur employeur.

Ce dernier les licencie pour violation de l’obligation de loyauté et d’exécution de bonne foi du contrat de travail, ainsi que pour les actes de concurrence déloyale commis dans le cadre et à l’issue de pourparlers et attrait les deux anciens salariés devant le Tribunal de Grande instance de Versailles pour obtenir réparation du préjudice qui lui a été causé par ces mêmes faits. Les anciens salariés soulèvent alors l’incompétence du tribunal de grande instance pour connaître de ce litige, au profit du conseil de prud’hommes. Toutefois, le juge de la mise en état rejette l’exception d’incompétence soulevée, considérant dans son ordonnance que l’existence d’une rupture dommageable de pourparlers en vue de la conclusion d’un contrat de franchise est étrangère aux contrats de travail liant les parties. Les deux anciens salariés font alors appel de cette ordonnance, soutenant que le conseil de prud’hommes est compétent pour connaître des litiges nés à l’occasion du contrat de travail, qu’ils soient en lien direct avec le contrat ou nés à l’occasion de ce contrat, et que les griefs formulés à leur encontre sont relatifs à des faits survenus antérieurement à la rupture de leur contrat de travail et qui sont les mêmes que ceux qui ont motivés leur licenciement.

La Cour d’appel de Versailles infirme alors l’ordonnance rendue considérant que « la soumission et l’exécution des obligations réciproques nées d’un contrat passé entre un salarié et son employeur, autre que le contrat de travail, ne peuvent s’apprécier qu’au regard de l’existence préexistante du contrat de travail et du lien de subordination qu’il induit ».

Ainsi, la contestation indemnitaire sur la rupture des pourparlers en vue de la conclusion d’un contrat de franchise, étant née à l’occasion et pendant le travail, relève de la compétence du conseil de prud’hommes.

3) Aveu judiciaire

351.  Ainsi que cela a été précédemment évoqué, le 14 octobre 2008 (Cass. com., 14 octobre 2008, pourvoi n°07-17.791), la chambre commerciale de la Cour de cassation a eu à connaître d’une affaire concernant la preuve du montant de la créance déclarée par le franchiseur dans le cadre du redressement judiciaire du franchisé.

En l’espèce, le franchiseur avait déclaré une créance auprès du juge-commissaire, mais la Cour d’appel de Versailles n’avait admis ladite créance qu’en partie. En effet, le franchiseur n’apportait pas, selon la cour, la preuve de l’intégralité de la créance qu’il alléguait. En particulier, la cour estimait que l’intention du franchiseur de renouveler le contrat arrivé à terme au 31 décembre 2004 n’avait pas été dépourvue d’équivoque. Aussi, la réclamation du paiement notamment des redevances au terme initial du contrat était rejetée. La décision de la cour d’appel est cassée par la Cour de cassation pour n’avoir pas répondu à l’argument du franchiseur selon lequel le franchisé avait, devant le juge-commissaire, fait l’aveu judiciaire qu’il était débiteur à son égard d’une somme précise.

352.  Cet arrêt est l’occasion de rappeler que la preuve d’un contrat commercial, comme celle d’un contrat civil, peut résulter notamment d’un aveu. Ainsi, au terme de l’article 1356 du code civil, l’aveu judiciaire désigne « la déclaration que fait en justice la partie ou son fondé de pouvoir spécial. Il fait pleine foi contre celui qui l’a fait. Il ne peut être divisé contre lui. Il ne peut être révoqué, à moins qu’on ne prouve qu’il a été la suite d’une erreur de fait. Il ne pourrait être révoqué sous prétexte d’une erreur de droit ».

Reste à connaître la force probante de cet aveu judiciaire devant les juges du fond. Certains ont pu admettre l’existence de l’aveu judiciaire dans les conclusions d’appel, néanmoins il semblerait que cette opinion ne soit que peu suivie, à la fois par la doctrine et la jurisprudence. On comprend alors que la Cour de cassation souligne, dans l’espèce du 14 octobre 2008, non pas qu’il y avait bien aveu judiciaire, mais que les juges du fond auraient du rechercher et vérifier l’existence d’un tel aveu probant et recevable au regard des critères énoncés par l’article 1356 du code civil et en tirer les conséquences, le cas échéant.

On soulignera cependant que l’aveu est indivisible, de sorte que si le franchisé avoue à la fois être le débiteur d’une somme envers le franchiseur mais également en avoir d’ores et déjà remboursé une partie, le franchiseur ne pourra pas diviser ces déclarations pour ne retenir que celle qui lui est la plus favorable.

On le voit, l’aveu judiciaire du franchisé constitue, lorsque le franchiseur peut s’en prévaloir, une preuve très utile, notamment au regard de la détermination de l’intégralité de la créance de ce dernier.

Il revient cependant à l’appréciation des juges du fond d’accorder ou non la qualité d’aveu judiciaire aux déclarations du franchisé. Il convient donc que le franchiseur, afin d’éviter tout aléa dans la reconnaissance de ses créances, veille à se ménager d’autres preuves, non équivoques, de la continuation de son contrat avec le franchisé ainsi que du montant des obligations de ce dernier.

4) Action du liquidateur

353.  L’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 16 décembre 2008(Cass. soc., 16 décembre 2008, pourvoi n°06-46.105) rappelle que la demande en requalification d’un contrat de franchise en contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne de celui qui se prétend salarié et ne peut être exercé par les organes de la procédure collective ; autrement dit, le liquidateur ne peut exercer cette action lui-même.

En l’espèce, sollicitant la requalification de contrats de franchise en contrat de travail, le liquidateur faisait grief aux juges du fond d’avoir écarté l’argument selon lequel « les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine (sont) exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur » et qu’en conséquence ledit liquidateur pouvait « exercer l’action en requalification du contrat de franchise en contrat de travail, une telle action concernant le patrimoine du débiteur ». La Cour de cassation approuve la cour d’appel au motif que « la demande en requalification d’un contrat de franchise en contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne de celui qui se prétend salarié et ne peut être exercée par les organes de la procédure collective ».

B. Les règles inhérentes à la juridiction des référés

354.  En matière commerciale, le juge des référés peut être compétent en application des articles 872 (CPC, art. 872 : « Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend »), 873 (CPC, art. 873 : « Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite (al.1er). Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire (al.2nd) ») et 145 (CPC, art. 145 : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ») du code de procédure civile. Ces textes sont d’application fréquente en matière de franchise.

Un développement préalable doit être réservé à la question de la compétence du juge des référés lorsque le franchisé est en liquidation judiciaire (1). On examinera ensuite les mesures pouvant être ordonnées en référé et les conditions nécessaires à leur mise en œuvre (2).

1. La compétence du juge des référés lorsque le franchisé est en difficulté financière

Une décision commentée : CA Rouen, 21 octobre 2008 (Juris-Data n°2008-006444)

355.  La rapidité et la simplicité de la procédure en référé rendent cette voie très attractive pour obtenir une décision exécutoire. Si les pouvoirs du juge des référés sont étendus, il n’en reste pas moins qu’il convient de s’assurer qu’un autre juge ne dispose pas d’une compétence exclusive pour statuer.

On a vu, l’an passé (CA Paris, 21 septembre 2007, Juris-Data n°2007-351274 : en l’espèce, le franchisé avait subi une mesure de liquidation judiciaire. Le jugement prononçant la liquidation judiciaire avait autorisé la poursuite de l’activité pour une durée de deux mois et nommé un liquidateur judiciaire. Le franchiseur avait alors sollicité en référé la restitution du matériel et le paiement à titre de provision des sommes dues au titre de la poursuite du contrat de franchise. Le juge des référés avait alloué la provision mais s’était déclaré incompétent en ce qui concerne la demande de restitution du matériel. La cour d’appel infirme partiellement l’ordonnance et retient la compétence du juge des référés tant en ce qui concerne la restitution du matériel que le paiement de la provision sollicitée au titre des redevances dues pour la poursuite du contrat de franchise. – v. aussi, Sur la question de la compétence subsidiaire du juge des référés, plusieurs décisions avaient admis que « la compétence donnée au juge-commissaire (…) pour constater la résiliation de plein droit des contrats poursuivis après l’ouverture de la procédure collective n’excluait pas la compétence du juge des référés, appelé à statuer en application de la clause résolutoire insérée au bail et de l’article 25 du décret du 30 septembre 1953, indépendamment du déroulement de la procédure collective, la cour d’appel a légalement justifié sa décision » (Cass. com., 10 juillet 2001 : Bull. civ. 2001, IV, n°133. – Cass. com., 25 janvier 1994 : Bull. civ. 1994, IV, n°36)), que si le juge commissaire dispose d’une compétence exclusive, l’intervention du juge des référés reste toutefois possible lorsque la demande ne se rapporte pas directement au cœur de la compétence du juge spécialisé.

356.  Par un arrêt rendu par la Cour d’appel de Rouen le 21 octobre 2008 (CA Rouen, 21 octobre 2008, Juris-Data n2008-006444), il a été jugé que la clause de conciliation, mise en œuvre par les parties au contrat de franchise, n’empêche pas le franchisé de saisir le juge des référés, dès lors que la situation d’urgence est caractérisée, le franchisé se trouvant dans une situation financière telle que la survie de son entreprise est en jeu. Ainsi, le juge des référés demeure-t-il compétent par application des articles 872 et 873 du code de procédure civile.

2. Les pouvoirs du juge des référés

357.  Les décisions objets de la présente étude nous conduisent à examiner les mesures ordonnées sur le fondement des articles 873 (a) et 145 (b) du code de procédure civile.

a) Les mesures ordonnées sur le fondement de l’article 873 du code de procédure civile

358.  Aux termes de l’article 873, alinéa 1er du code de procédure civile, le juge des référés est compétent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite (i). Dès lors qu’est établi un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite, le juge des référés a le pouvoir de prononcer toutes les mesures conservatoires et de remise en état qui s’imposent (ii).

(i) Notions de « dommage imminent » et de « trouble manifestement illicite »

(α) Le dommage imminent

359.  Saisi sur le fondement de l’article 873 alinéa 1er, le juge des référés a le pouvoir de prescrire toutes les mesures qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent et ce, même en cas de contestation sérieuse.

(b) Le trouble manifestement illicite

360.  L’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile confère également au juge des référés le pouvoir d’ordonner les mesures qui s’imposent pour faire cesser un « trouble manifestement illicite ». Le trouble manifestement illicite est constitué par toute sorte d’évènement mettant en péril les droits de l’une ou l’autre des parties au contrat de franchise.

361.  Ainsi que le rappelle une décision rendue par la Cour d’appel d’Angers le 17 juin 2008 (CA Angers, 17 juin 2008, Juris-Data n°2008-369035 ; RG n°07/02209), un tel trouble est constitué lorsque l’ancien franchisé a violé son obligation de non-affiliation ou l’obligation lui faisant interdiction de vendre des marchandises dont les marques sont liées à l’enseigne sous le nom de laquelle il exerçait précédemment son activité.

(ii)  Les pouvoirs du juge des référés

Quatre décisions commentées : Cass. civ. 2ème, 5 mars 2009 (Juris-Data n°2009-047278); Cass. civ. 2ème, 5 mars 2009 (Juris-Data n°2009-047283) ; CA Toulouse, CA Nancy, 22 octobre 2008 (RG n°08/01894), 2 juillet 2008 (RG n°08/01759, inédit) ; CA Angers, 17 juin 2008 (Juris-Data n°2008-369035)

362.   Dès lors qu’est établi un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite, le juge des référés a le pouvoir de prononcer toutes les mesures conservatoires et de remise en état qui s’imposent. On le sait, parmi ces mesures, peuvent être prononcés notamment le rétablissement de l’enseigne du franchiseur (CA Douai, 28 juin 2007, RG n°06/03867, inédit – CA Pau, 8 novembre 2007, RG n°06/00935, inédit), le respect de l’assortiment minimum(CA Pau, 8 novembre 2007, RG n°06/00935, inédit), le retrait des produits concurrents(CA Pau, 8 novembre 2007, RG n°06/00935, inédit), l’interdiction de commercialisation(CA Colmar, 12 février 2008, RG n°06/05059, inédit), etc.

La Cour d’appel de Nancy a pu rappeler que le dommage imminent, ainsi que le trouble manifestement doivent être caractérisés ; en l’espèce, une société avait violé son contrat de distribution sélective en transférant sans autorisation son point de vente ; elle demandait néanmoins à ce que le contrat qu’elle avait signé se poursuive et qu’il soit imparti à la société cocontractante de poursuivre son approvisionnement, sous peine d’astreintes. La société demanderesse est déboutée, faute de remplir les conditions édictées aux articles 872 et 873 du code de procédure civile(CA Nancy, 22 octobre 2008, RG n°08/01894).

363.  Sur ce dernier point, c’est que confirme la décision rendue par la Cour d’appel d’Angers le 17 juin 2008 (CA Angers, 17 juin 2008, Juris-Data n°2008-369035 ; RG n°07/02209), laquelle fait interdiction au franchisé de vendre les produits visés par la clause ainsi rédigée : « en cas de cessation du présent contrat pour quelque cause que ce soit et notamment en cas de résiliation, le franchisé s’oblige (…) à ne pas offrir en vente des marchandises dont les marques sont liées à cette enseigne, ceci dans un territoire délimité à l’article 4 des présentes ».

364.  De telles mesures sont le plus souvent assorties d’une astreinte qui, au besoin, sera liquidée.

Les conditions dans lesquelles l’astreinte peut être liquidée sont encadrées par l’article 36 de la loi du 9 juillet 1991, selon lequel « le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. Le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation. L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère »(Il va de soi que l’injonction est prononcée in personam  (Cass. civ. 2ème, 5 mars 2009, Juris-Data n°2009-047283 : « Qu’en statuant ainsi, alors que la société X… n’était pas partie à l’instance en référé et qu’il ne pouvait lui être imputé à faute la violation d’une obligation qui n’avait pas été mise à sa charge, la cour d’appel a violé le texte susvisé »)).

Lorsqu’un franchisé ne respecte pas les termes de la décision ayant ordonné l’astreinte, le franchiseur peut saisir le juge de l’exécution (communément dénommé le « JEX ») d’une demande en fixation et/ou liquidation de l’astreinte. Comme l’an passé(CA Pau, 8 novembre 2007, RG n°06/00105, n°06/00106, n°06/00935, n°06/00575 et n°06/03377 (cinq arrêts inédits) : à la suite de l’action en référé du franchiseur, le franchisé s’était vu contraint de réapposer l’enseigne et de respecter l’obligation d’assortiment minimum prévue au contrat de franchise dont le juge ordonna le respect jusqu’à son terme. La cour d’appel fait droit à la demande en liquidation de l’astreinte après avoir examiné les conditions de l’article 36 de la loi du 9 juillet 1991 et conclu à l’absence de difficultés matérielles quant à l’obligation de respecter l’assortiment minimum prévue au contrat de franchise), des décisions récentes consacrent cette situation, qui peut donner lieu à de sévères condamnations au besoin, en témoigne une décision rendue par la Cour d’appel de Toulouse le 2 juillet 2008(CA Toulouse, 2 juillet 2008, inédit, RG n°08/01759 (pour une condamnation supérieure à 500.000 euros)).

Lorsqu’il s’agit d’ordonner l’exécution d’obligations découlant du contrat de franchise, une distinction s’impose. S’agissant des obligations en vigueur pendant la durée du contrat, l’astreinte ne peut concerner que la période antérieure à son terme ou à sa résiliation, ainsi qu’il ressort d’une décision rendue le 5 mars 2009 par la Cour de cassation(Cass. civ. 2ème, 5 mars 2009, Juris-Data n°2009-047278 : « Qu’en statuant ainsi, alors que la sentence arbitrale avait constaté la résiliation du contrat à une date antérieure à celle de la décision ordonnant l’astreinte, la cour d’appel a violé [l’article 1476 du CPC] »). S’agissant des obligations post-contractuelles, l’astreinte peut être ordonnée pendant toute la durée de l’obligation considérée.

b) Les mesures ordonnées sur le fondement de l’article 145 du CPC

Deux décisions commentées : Cass. civ. 2ème, 19 mars 2009 (pourvoi n°

365.  Préalablement à tout procès, il peut être utile d’obtenir, au besoin sous astreinte, le prononcé de mesures d’instruction afin de recueillir les preuves dont dépendra l’issue du litige(Ces mesures peuvent être requises par le demandeur de manière contradictoire ou non contradictoire. Dans le premier cas, le demandeur agira par voie d’assignation, au risque de se heurter à la pertinence des arguments que son adversaire lui opposera. Dans le second cas, le demandeur agira par voie de requête, à l’insu de son adversaire ; cette dernière voie paraît plus séduisante pour le demandeur qui s’épargne ainsi un débat contradictoire, mais elle comporte une double exigence supplémentaire : le demandeur doit justifier de l’urgence et des circonstances exigeant que les mesures prescrites ne soient pas prises contradictoirement (Cass.civ. 2ème, 7 mai 2008, pourvois n°07-14.858, n°07-14.857 et n°07-14.860)). Selon l’article 145 du code de procédure civile: « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».

Dans tous les cas, trois conditions cumulatives sont requises ; le demandeur doit en effet :

–       agir avant tout procès(L’utilisation de l’article 145 du CPC est exclue lorsque une procédure au fond est déjà ouverte devant le juge étatique : CA Paris, 3 mai 2006, Juris-Data n°2006-300894 ; ou devant le tribunal arbitral : Cass. civ., 1re, 25 avril 2006, pourvoi n°05-13.749) ;

–       démontrer l’utilité de sa demande(Cette condition n’est pas remplie lorsque des moyens de preuve existent déjà ou qu’il ne paraît pas possible d’en découvrir de nouveaux ; il en va ainsi de la demande de désignation d’un expert formée par le franchisé en vue d’établir la responsabilité du franchiseur lui ayant communiqué des chiffres d’affaires prévisionnels qui, selon lui, non réalisés par la suite avaient entraîné des pertes financières importantes et la revente du commerce, dès lors qu’il n’apparaît pas que puisse être révélé par l’expertise un fait dont pourrait dépendre la solution d’un litige : CA Douai, 18 mai 1995, Juris-Data n°1995-043368) ;

–       établir un motif légitime.

366.  S’agissant de cette troisième condition – l’existence d’un motif légitime – elle peut résider, par exemple, dans la nécessité pour le franchiseur d’obtenir la communication par le franchisé de documents relatifs à la mise en location gérance de son fonds de commerce pour établir la violation de son droit de préférence (Cass.com., 14 février 2006, pourvoi n°05-13.127). Quel que soit le motif invoqué, l’appréciation par le juge du caractère légitime de la demande tient compte du temps écoulé entre la date de la demande et celle de la situation qu’il y a lieu de corriger (CA Paris, 7 novembre 2008, Juris-Data n°2008-374992 ; RG n°08/06609 ; V. aussi CA Agen, 19 juin 2006, Juris-Data n°2006-317692).

Cette appréciation relève du pouvoir souverain du juge du fond, dans l’exercice duquel la Cour de cassation n’entend pas s’immiscer, ainsi qu’il ressort d’un arrêt rendu le 19 mars 2009 par la Cour de cassation(Cass. civ., 2ème, 19 mars 2009, pourvoi n° : « Mais attendu qu’ayant, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis par la société X…, retenu, par une décision motivée, que celle-ci ne caractérisait pas le litige potentiel qu’elle invoquait, de sorte qu’elle ne justifiait pas d’un motif légitime au sens de l’article 145 du CPC, la cour d’appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision » ; CA Paris, 7 novembre 2008, Juris-Data n°2008-374992 ; RG n°08/06609).

La mesure d’instruction sollicitée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile est assortie d’astreinte lorsqu’il y a lieu d’inciter la partie à s’exécuter dans les meilleurs délais. Toute difficulté relative à la liquidation de l’astreinte est soumise au juge de l’exécution, dont la compétence est limitée. Ainsi, la Cour d’appel de Pau a pu rappeler : « le juge de l’exécution connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée mais il n’a pas à ajouter à la décision servant de fondement à la procédure d’exécution » (CA Pau, 19 mai 2008, RG n° 07/3767, inédit).

III. Contentieux arbitral

367.  A la différence de nos précédentes éditions, qui avaient permis d’identifier un nombre important de décisions rendues en matière de franchise relativement au contentieux arbitral, la période couverte par la présente étude ne permet pas d’effectuer de longs développements, encore moins de cerner une quelconque évolution.

On rappellera les solutions rendues relativement aux cas d’ouverture du recours en annulation des sentences arbitrales (A) et à l’opposabilité » desdites sentences (B).

A. Les cas d’ouvertures du recours en annulation dirigé contre une sentence arbitrale

Sept décisions commentées : CA Paris, 9 octobre 2008 (Juris-Data n°2008-006484) ; CA Paris, 25 septembre 2008 (RG n° 07/01049, 07/01252, 07/01253) ; CA Paris, 11 septembre 2008 (Juris-Data n°2008-372386) ; CA Paris, 5 juin 2008 (RG n°07/10286) et CA Paris, 5 juin 2008 (RG n°07/10353)

368.  On le sait, le législateur a limitativement énuméré à l’article 1484 du code de procédure civile les six hypothèses d’ouverture du recours en annulation des sentences arbitrales (Cette règle est d’application générale ; elle vaut également pour les sentences rendues en amiable composition (Cass. com., 17 janvier 2006, Bull. civ. IV, n°9, Juris-Data n°2006-031799) afin de les préserver de recours formés pour des motifs futiles. Les décisions objets de la présente étude permettent de d’envisager chacune des ces hypothèses :

–       si l’arbitre a statué sans convention d’arbitrage ou sur convention nulle ou expirée ;

–       si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l’arbitre unique irrégulièrement désigné ;

–       si l’arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée ;

–       lorsque le principe de la contradiction n’a pas été respecté ;

–       dans tous les cas de nullité prévus à l’article 1480 du code de procédure civile (défaut de motivation, défaut de mentions relatives au nom des arbitres et à la date de la sentence, et défaut de signature) ;

–       si l’arbitre a violé une règle d’ordre public.

369.  Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 9 octobre 2008 (CA Paris, 9 octobre 2008, Juris-Data n°2008-006484 ; RG n°06/14539 : en l’espèce, une société de restauration rapide avait confié à une société marocaine l’implantation et le développement de son enseigne au Maroc et a conclu avec elle deux contrats de franchise portant sur l’ouverture de deux restaurants, respectivement à Casablanca et à Rabat. A la suite de la résiliation des trois contrats par la société de restauration, la société marocaine avait mis en œuvre la clause compromissoire insérée dans les trois contrats. Les arbitres ayant rendu une sentence à Paris en faveur de la société de restauration, la société marocaine a saisi la Cour d’appel de Paris d’un recours en annulation en arguant de la nullité de l’acte de mission. Le recours en annulation est rejeté, un tel argument ne relevant pas de l’article 1484 du code de procédure civile) rappelle que la nullité de l’acte de mission ne relève pas des cas d’ouverture du recours en annulation limitativement énumérés à l’article 1484 du code de procédure civile.

370.  Les sentences arbitrales peuvent faire l’objet d’un recours en annulation en cas de violation du principe de la contradiction.

Ainsi, viole le principe de la contradiction, le tribunal arbitral qui, sans convoquer ni inviter les parties à présenter leurs observations, décide d’office, sous couvert de rectification d’erreur matérielle, d’abaisser le montant des dommages et intérêts auquel l’une des parties avait été condamnée par une première sentence arbitrale (V. pour une illustration, CA Caen, 23 novembre 2006, inédit, RG n°05/0314). En revanche, comme le rappelle l’arrêt rendu le 11 septembre 2008 par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 11 septembre 2008, Juris-Data n°2008-372386), les arbitres statuent au vu des éléments de droit et de fait dont les parties sont amenées à débattre de manière contradictoire, et n’ont pas l’obligation, avant de rendre leur sentence, de soumettre à la discussion des parties le raisonnement juridique déduit des arguments de ceux-ci.

La Cour d’appel de Paris a eu l’occasion de rappeler, dans deux arrêts rendus le 5 juin 2008 (CA Paris, 5 juin 2008, RG n°07/10286 ; CA Paris 5 juin 2008, RG n° 07/10353), que le recours en annulation tiré de la violation par les arbitres d’une règle d’ordre public est strictement encadré. Ainsi, elle rappelle, à juste titre, qu’il faut que soit démontrée une violation « flagrante, effective et concrète d’une règle d’ordre public ». Or, en l’espèce, les parties se bornaient en réalité à critiquer leur motivation pour tenter d’obtenir une révision au fond de la sentence.

Enfin, par trois arrêts rendus le 25 septembre 2008 (CA Paris 25 septembre 2008, RG n°07/01049 ; CA Paris 25 septembre 2008, RG n°07/01252 ; CA Paris, 25 septembre 2008, RG n°07/01253), la Cour d’appel de Paris, saisie de trois recours en annulation contre une sentence arbitrale a eu l’occasion de rappeler les modalités d’appréciation de chacune des six hypothèses d’annulation d’une sentence arbitrale, envisagées par l’article 1484 du code de procédure civile.

B. L’opposabilité des sentences arbitrales

Trois décisions commentées : Cass. civ 2ème, 4 juin 2009 (pourvoi n°08-11.159) ; Cass. civ. 2ème, 5 mars 2009 (pourvoi n°08-12.172) ; Cass. com., 2 décembre 2008 (Juris-Data n°2008-046125 ; pourvois n°07-17.539 et 07-19.201)

371.  Les sentences arbitrales sont opposables aux tiers.

La solution, bien connue (V. sur l’ensemble de la question, E. Loquin, Arbitrage et cautionnement, Rev. arb. 1994, p.235, spéc. p.248), a été consacrée pour la première fois à notre connaissance en matière de cautionnement (V. en matière de cautionnement : CA Paris, 4 janvier 1960, Rev. arb. 1960, p.122 ; CA Paris, 21 mai 1964, D. 1964, p.602), avant d’être reprise dans d’autres domaines du droit (v. aussi, en matière de garantie à première demande, Cass. com., 20 décembre 1982, Rev. arb. 1984, p.477 ; v. en matière de stipulation pour autrui, Cass. civ. 1ère, 10 mai 1988, Rev. arb. 1989, p.51). Elle trouve à s’appliquer toutes les fois qu’un litige met en présence une relation à trois personnes.

372.  La solution est régulièrement consacrée en matière de franchise.

Par un arrêt de cassation rendu le 23 janvier 2007, distinguant les notions de chose jugée et d’opposabilité (Les deux notions sont totalement distinctes : l’autorité de la chose jugée produit ses effets entre les parties et permet donc à une partie à l’instance arbitrale d’invoquer la sentence pour la faire exécuter ; en revanche, l’opposabilité produit ses effets à l’égard des tiers et permet donc à un plaideur de se prévaloir d’une sentence rendue dans un litige distinct), la chambre commerciale retenait en effet : « si une sentence n’a autorité de la chose jugée qu’eu égard au litige qu’elle tranche, elle n’en est pas moins opposable aux tiers » (Cass. civ. 1ère, 23 janvier 2007, Juris-Data n°2007-037125 : C’est alors que s’est posée la question de l’autorité de la chose jugée ou de l’opposabilité de la sentence rendue à l’issue de l’instance opposant le premier franchiseur et son franchisé. Pour juger que le contrat de franchise avait pris fin à la date à laquelle le franchisé avait cédé son fonds de commerce au franchiseur concurrent – alors que le juge étatique avait jugé que le contrat de franchise avait été prorogé – et qu’aucune faute de ce dernier n’était donc démontrée à l’égard du demandeur, la cour d’appel a considéré que la sentence arbitrale n’avait autorité de la chose jugée qu’entre les parties et que l’objet du litige était en outre distinct de celui du litige arbitral. Mais c’était confondre l’autorité de la chose jugée et l’opposabilité de la sentence arbitrale).

De même, par un arrêt rendu le 2 décembre 2008 (Cass. com., 2 décembre 2008, Juris-Data n°2008-046125, pourvois n°07-17.539 et 07-19.201), rendu au visa des articles 1351 du code civil et 1476 du code de procédure civile, la chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle que toute « sentence arbitrale est opposable aux tiers, même lorsque les arbitres, en tant qu’amiables compositeurs, ont statué en équité ».

Enfin, deux arrêts rendus au visa de l’article 1476 du code de procédure civile par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation sanctionnent la Cour d’appel d’avoir prononcé la liquidation de l’astreinte à une date postérieure à celle de la sentence arbitrale ayant constaté la résiliation du contrat de franchise (Cass. civ 2ème, 4 juin 2009, pourvoi n°08-11.159 ; Cass. civ. 2ème, 5 mars 2009, pourvoi n° 08-12.172).

Panorama de Jurisprudence : Franchise (2008)

L'identification du contrat de franchise

(01)       Aucune définition du contrat de franchise n’est donnée par la loi Doubin ou son décret d’application. Une définition précise se dégage en jurisprudence (CA Poitiers, 13 sept. 2005, Juris-Data n°287162 : retenant que « le contrat de franchise est un contrat synallagmatique à exécution successive par lequel une entreprise confère à une autre ou plusieurs autres entreprises le droit de réitérer, sous l’enseigne du franchiseur, à l’aide de ses signes de ralliement de la clientèle et de son assistance continue, le système de gestion préalablement expérimenté par le franchiseur et devant, grâce à l’avantage concurrentiel qu’il procure, raisonnablement permettre à un franchisé diligent de faire des affaires profitables ».), essentiellement inspirée de l’article 2.5 des lignes directrices sur les restrictions verticales complétant le règlement n°2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999 et à l’article 1er du Code de déontologie européen de la franchise.

Il appartient donc au juge, conformément au droit commun (par application de l’article 12, alinéa 2 du CPC, en effet, le juge doit « donner ou restituer leur exacte qualification aux (…) actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ». Le juge doit procéder à cette rectification, en donnant à l’acte une qualification lorsque les parties ne l’ont pas fait, ou en restituant la qualification qui convient, lorsque les parties ont attribué à l’acte une qualification erronée (H. Solus et R. Perrot, Droit judiciaire privé, t. III, 1991, n°102) ; la règle donne lieu à un contrôle constant de la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 15 mai 2007, Juris-Data n°rendu au visa de l’article 12, alinéa 2 du CPC (vente mobilière)). Par dérogation à ce qui précède, l’article 12, alinéa 3 du CPC prévoit que le juge « ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat »,de rechercher si le contrat signé entre les parties correspond effectivement à un contrat de franchise.

Ce faisant, le juge est appelé à distinguer le contrat de franchise des contrats voisins issus du droit commercial (I) et du contrat de travail (II).

I. Distinction du contrat de franchise et des contrats voisins

F Cinq décisions commentées : CA Nîmes, 17 avr. 2008, Juris-Data n°363533 ; CA Caen, 6 mars 2008, Juris-Data n°366373 ; Cass. com., 26 févr. 2008, pourvoi n°06-20.772, Juris-Data n°042945 ; Cass. com., 18 déc. 2007, pourvoi n°06-15.970, inédit ; CA Paris, 29 nov. 2007, Juris-Data n°353808.

(02)            Il est parfois délicat de distinguer la franchise de contrats voisins intéressant le droit commercial (le contrat de franchise se distingue des autres contrats et notamment des contrats cadres de distribution par la réunion de trois obligations essentielles : l’utilisation d’un nom ou d’une enseigne communs et une présentation uniforme des locaux et/ou moyens, la communication par le franchiseur au franchisé d’un savoir faire, la fourniture par le franchiseur au franchisé d’une assistance commerciale ou technique pendant la durée de l’accord (v. not., en ce sens, CA Poitiers, 13 sept. 2005, Juris-Data n°287162))  tels que, notamment, la distribution sélective, la licence de marque, le prêt d’enseigne, le contrat d’affiliation, le mandat d’intérêt commun, etc.

Nous avions relevé lors des précédentes éditions de ce numéro spécial (F.-L. Simon, Droit de la Franchise, Les Petites Affiches, n° spécial, Av. propos, V. Lamanda, 15 nov. 2007,  §§. 2 et suiv. ; Le contrat de franchise : un an d’actualité, Les Petites Affiches, n° spécial, Av. propos G. Canivet, 9 nov. 2006, §§. 5 et suiv.) les décisions distinguant le contrat de franchise d’autres catégories de contrat : le contrat de concession (CA Poitiers, 13 sept. 2005, Juris-Data n°287162), le contrat d’agent commercial (CA Paris, 21 juin 2006, Juris-Data n°304912 ; CA Nîmes, 14 févr. 2006, Juris-Data n°301670), le contrat de vente (CA Colmar, 31 janv. 2006, Juris-Data n°304798), le contrat de mandat (CA Lyon, 26 oct. 2006, Juris-Data n°320959), le contrat d’agent commercial (CA Paris, 21 juin 2006, Juris-Data n°304912 ; CA Nîmes, 14 févr. 2006, Juris-Data n°301670)et le contrat de partenariat commercial (CA Paris, 19 juill. 2006, Juris-Data n°311531).

La présente étude vient compléter les précédentes, les décisions commentées invitant à distinguer le contrat de franchise du contrat de commission-affiliation (A), du contrat de concession commerciale (B) et du contrat de licence de marque et de savoir-faire (C).

A. Contrat de franchise et contrat de commission-affiliation

(03)       Il convient de rappeler tout d’abord que le contrat de commission-affiliation (v. pour une étude récente, v. D. Mainguy et J.-L. Respaud, A propos du contrat de « commission-affiliation », in Mélanges en l’honneur de Ph. Le Tourneau, Dalloz, 2008)est la convention par laquelle, le commissionnaire vend les produits appartenant au commettant en son nom (pour un litige portant sur la requalification d’un contrat de commission-affiliation en contrat d’agent commercial, le « commissionnaire » agissant non seulement pour le compte, mais aussi au nom du « commettant », v. CA Paris, 13 sept. 2006, Juris-Data n°312382 (en faveur de la requalification) cassé (Cass. com. 26 févr. 2008, pourvoi n°06-20.772, Juris-Data n°042945), en raison du fait que la cour d’appel avait constaté que le commissionnaire était propriétaire de son fonds de commerce, ce qui exclut la qualification d’agent commercial) mais pour le compte et sous l’enseigne du commettant, et touche une commission calculée sur le chiffre d’affaires. La commission-affiliation est une forme de commission à la vente, à cette nuance près que le commissionnaire défini par l’alinéa 1er de l’article L.132-1 du Code de commerce (C.com., art. L.132-1, al. 1er : « Le commissionnaire est celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social pour le compte d’un commettant »)est conçu comme un intervenant occasionnel, alors qu’il est ici permanent (v. sur ce point F. Auque, La commission-affiliation, AJDI 2001, p.1059). Ce mécanisme est fréquemment employé dans le domaine de la distribution de vêtements.

Les produits du commettant sont ainsi placés en dépôt-vente chez le commissionnaire, qui est rémunéré par une commission souvent calculée par rapport au prix de vente. L’avantage pour le commissionnaire est d’être dispensé de gérer un stock (v., pour une hypothèse où les parties ont nové un contrat de franchise en contrat de commission-affiliation (même si le terme n’est pas employé) en raison de la baisse du chiffre d’affaires du franchisé, Cass. com., 16 mai 1995, pourvoi n°93-10.100, inédit.) : il ne se consacre qu’à la vente. Le commettant, lui, a ainsi la possibilité de fixer lui-même les prix des produits, ce qui est interdit lorsque ceux-ci appartiennent au distributeur, et gère lui-même les stocks. La prohibition des prix imposés ne s’applique que lorsque ces prix sont imposés au revendeur, le propriétaire des biens ayant toute liberté pour en fixer le prix (cependant, la situation du commissionnaire peut provoquer l’application du droit du travail en vertu de l’article L.7321-2 du code du travail, notamment en raison du fait que le commettant fixe le prix de vente de ses produits).

(04)  Certaines similitudes peuvent être observées entre les deux catégories de contrats.

Tout comme le franchisé, le commissionnaire est un commerçant indépendant, qui exerce son activité sous l’enseigne de son cocontractant, et vend des produits portant la marque de ce dernier. Par ailleurs, il reçoit des informations régulières du commettant sur la présentation des produits, et la doctrine considère qu’il reçoit une assistance. Enfin, si le franchisé est en général propriétaire des biens qu’il vend, et les vend, de ce fait, pour son propre compte, la pratique du dépôt-vente n’est pas exclusive de la qualification de franchise, et dans certains cas, les franchisés vendent en leur nom les produits appartenant au franchiseur (v. not., CA Paris, 23 janv. 2001, Juris-Data n°142924  ; Cass. com., 9 oct. 1990, pourvoi n°89-13.000, Juris-Data n°002529 ; v. également en ce sens, Ph. Le Tourneau, Les contrats de franchisage, Litec, 2007, n°67.).

(05)            Des différences subsistent néanmoins. Le « savoir-faire » communiqué en pratique par les distributeurs qui exercent en vertu d’un contrat de commission-affiliation paraît trop lacunaire pour constituer un savoir-faire au sens du contrat de franchise ; en pratique, les contrats de commission-affiliation ne peuvent donc être qualifiés de contrats de franchise, faute de transmission de savoir-faire.

La question se pose de la possibilité de qualifier un contrat de commission-affiliation de contrat de franchise en cas de transmission d’un savoir-faire et d’apport d’une assistance. Si certains y sont favorables, on peut opposer la même objection qu’en manière d’affiliation : là encore, la cause essentielle de l’engagement du commissionnaire semble être l’approvisionnement par le commettant, et non le savoir-faire qui serait transmis, ce qui le différencie fondamentalement du franchisé (Cass. com., 18 déc. 2007, pourvoi n°06-15.970, inédit).

En outre, la commission-affiliation ne peut concerner que la distribution de biens, et non de services.

(06)            La distinction entre ces deux catégories de contrats présente un intérêt pratique.

Un commissionnaire peut avoir un intérêt à démontrer que son contrat cache en réalité un contrat de franchise pour reprocher à son cocontractant l’absence de fourniture d’un savoir-faire (D. Mainguy et J.-L. Respaud, op. cit., n°24, p.714 estiment cependant qu’un contrat de commission-affiliation contenant une clause de communication de savoir-faire pourrait « être l’occasion (…) d’éviter des débats souvent stériles sur l’existence du savoir-faire », cette question étant moins centrale dans le contrat de commission-affiliation que dans le contrat de franchise.). A l’inverse, un franchiseur dont les produits sont placés en dépôt-vente chez son franchisé peut avoir un intérêt à démontrer que les parties ont entendu conclure un contrat de commission-affiliation dépourvu de communication de savoir-faire au sens du contrat de franchise, afin d’échapper à une sanction en cas de caractère non substantiel du savoir-faire.

Pourtant, il arrive, de manière plus exceptionnelle, que les parties conviennent d’écarter la qualification qu’elles avaient originairement attribuée au contrat ; en pareil cas, le juge n’a pas d’autre choix que de retenir la qualification communément retenue par les parties (CA Caen, 6 mars 2008, Juris-Data n°366373 : soulignant qu’« il est admis par les parties que les contrats d’affiliation litigieux constituent en l’espèce des contrats de franchise »). C’est là l’application pure et simple de l’article 12, alinéa 3 du CPC (CPC, art. 12, al.3 : « Toutefois, il [le juge] ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat »), à laquelle la Cour de cassation est particulièrement attachée (V. not., Cass. com., 3 avr. 2007, Juris-Data n°038436 : le pourvoi reprochait à une Cour d’appel d’avoir requalifié une convention d’affiliation en contrat de franchise, en violation de l’article 12 alinéa 3 du CPC, dès lors que les parties s’étaient accordées expressément pour réfuter cette qualification dans leurs écritures. La Cour de cassation exerça son contrôle en relevant, en l’espèce, que le moyen manquait en fait dès lors que la cour d’appel n’avait pas requalifié la convention.).

B. Contrat de franchise et contrat de concession exclusive

(07)  Il convient de rappeler tout d’abord que, classiquement, le contrat de concession se définit comme « la convention par laquelle un commerçant, appelé concessionnaire, met son entreprise de distribution au service d’un commerçant ou industriel, appelé concédant, pour assurer exclusivement, sur un territoire déterminé, pendant une période limitée et sous la surveillance de ce dernier, la distribution des produits dont le monopole de revente lui est concédé » (Cl. Champaud, La concession commerciale, RTD com. 1963, 451, n°24 ; v. également la définition donnée par Ph. Le Tourneau, Concession exclusive – Conditions de validité au regard du droit des contrats – formation – prix et durée, J.-Cl. Contrats-Distribution, Fasc. 1025, 2006, § 6).

Plus récemment, les lignes directrices sur les restrictions verticales (Lignes directrices sur les restrictions verticales, JOCE Communication de la Commission n°C. 291 du 13 octobre 2000, pp.1–44.) le définissent comme l’accord de distribution exclusive par lequel « le fournisseur accepte de ne vendre sa production qu’à un seul distributeur en vue de la revente sur un territoire déterminé ».

(08)  Ainsi, le contrat de franchise et le contrat de concession présentent des similitudes : le franchisé et le concessionnaire sont des commerçants indépendants (néanmoins, dans certaines hypothèses, le franchisé est un artisan indépendant, et non un commerçant indépendant (Cass. com., 25 oct. 1994, pourvoi n°93-11.415)) devant bénéficier de la transmission de signes distinctifs. Le contrat de franchise présente encore une similitude avec le contrat de concession exclusive lorsqu’il comporte une clause d’exclusivité territoriale, ce qui est fréquent ; de ce fait, il a été proposé de qualifier le franchisage de forme particulière de concession (V. sur ce point J. Guyenot, La franchise commerciale, étude comparée des systèmes de distribution interentreprises constitutifs de groupements de concessionnaires, R.T.D. com., 1973, p.161).

(09)  Des différences importantes subsistent néanmoins (V. déjà sur ce point, F.-L. Simon, Le contrat de franchise : un an d’actualité, Les Petites Affiches, n° spécial, Av. propos G. Canivet, 9 nov. 2006, §§.6 et suiv.).

En premier lieu, ces deux types de contrats ont des objectifs distincts : le contrat de concession a pour seul objectif la commercialisation de produits (notamment automobiles, vêtements, cosmétiques) alors que le contrat de franchise a pour fonction de permettre la réitération d’une méthode commerciale originale et efficace, qui peut être appliquée aux produits comme aux services. En outre, le franchiseur, qui doit avoir expérimenté la méthode commerciale objet du contrat, doit être lui-même distributeur. Le concessionnaire peut, lui, être uniquement fabriquant (v. sur ce point J.-M. Leloup, op. cit., n°235).

En deuxième lieu, les obligations essentielles du franchiseur et du concédant diffèrent. A ce titre, la distinction essentielle vient de ce que le franchiseur transmet son savoir-faire et fournit une assistance, alors que le concédant n’y est pas obligé (CA Paris, 29 nov. 2007, Juris-Data n°353808 ; v. aussi, CA Poitiers, 13 sept. 2005, Juris-Data n°287162 ; CA Versailles, 7 mars 2002, RG n°2000-4401.).

Ainsi, comme le rappelle un arrêt de la Cour de cassation, lorsqu’un savoir-faire n’est transmis qu’à titre accessoire, le contrat de concession ne pourra pas être requalifié en contrat de franchise (Cass. com., 18 déc. 2007, pourvoi n°06-15.970, inédit.).

Réciproquement, le franchisé verse un droit d’entrée puis des redevances en contrepartie des avantages consentis, alors que le concessionnaire, qui ne bénéficie pas de ces prestations, ne supporte pas ces obligations financières. Enfin, il ressort des définitions précitées que l’exclusivité territoriale est intrinsèque au contrat de concession, ce qui est confirmé par la jurisprudence (CA Pau, 25 juin 1992, Juris-Data n°044385 ; CA Paris, 20 juin 1988, Juris-Data n°023989.). En revanche, l’absence d’exclusivité territoriale ne fait pas obstacle à la qualification du contrat de franchise (Cass. com., 19 nov. 2002, D. 2003, p. 2427, note D. Ferrier : « Attendu que l’accord de franchise ne stipulait aucune exclusivité territoriale et qu’aucune disposition réglementaire n’impose pareille exclusivité même en présence d’une exclusivité d’approvisionnement » ; l’auteur relève que la Cour d’appel de Lyon, dont l’arrêt était ainsi cassé, avait confondu « l’obligation d’accorder une exclusivité territoriale et l’obligation d’offrir au franchisé des conditions d’activité fructueuse le cas échéant par l’attribution d’une zone de chalandise » ; CA Paris, 12 janv. 1994, Juris-Data n°020468  ; Cass. com., 9 nov. 1993, Bull. civ. IV n°403  ; Cass. com., 16 janv. 1990, Juris-Data n°000058).

(10)  Il semble parfois (v. par ex. Cass. com., 14 janv. 2003, pourvoi n°01-11.010, inédit. V. également CA Poitiers, 13 sept. 2005, Juris-Data n°287162 : la cour refuse la requalification du contrat de concession en contrat de franchise, tout en constatant que la loi Doubin ne s’applique pas, en l’absence d’engagement d’exclusivité du concessionnaire ; le tribunal avait abouti à la même conclusion tout en ayant procédé, lui, à la requalification du contrat en contrat de franchise) que le concessionnaire tente (en vain) de faire requalifier son contrat de concession en contrat de franchise dans l’espoir de d’obtenir la nullité du contrat sur le fondement de l’article L.330-3 du Code de commerce. En revanche, la cause des obligations des parties, ainsi que ces obligations elles-mêmes, diffèrent selon que la convention est un contrat de franchise ou de concession. Par conséquent, il est nécessaire de déterminer lequel de ces deux types de contrats les parties ont entendu former pour examiner la validité et la bonne exécution du pacte. Il ressort de la jurisprudence que le contractant qui cherche, par exemple, à démontrer que les parties avaient la volonté de former non un contrat de concession, mais un contrat de franchise, a pour but l’annulation ou la résiliation du contrat aux torts de son cocontractant pour inexistence ou défaut de transmission du savoir-faire (Cass. com., 4 juin 2002, pourvoi n°99-19.464, inédit.).

A l’inverse, il est envisageable qu’un franchiseur cherche à démontrer que le contrat de franchise contenant une clause d’exclusivité territoriale est en réalité un contrat de concession exclusive pour démontrer qu’il s’agit de son obligation essentielle, et échapper ainsi à une nullité éventuelle du contrat.

C. Contrat de franchise et contrat de licence de marque et de savoir-faire

(11)  L’article L.714-1 du Code de la propriété intellectuelle énonce que « Les droits attachés à une marque peuvent faire l’objet en tout ou partie d’une concession de licence d’exploitation exclusive ou non exclusive ». La licence de marque n’est cependant pas définie en elle-même par le code. Le contrat de licence de marque est « celui par lequel le concédant autorise l’exploitation d’une marque à un licencié, moyennant versement d’une contrepartie» (V., J. Schmidt-Szwaleski, Marques de fabrique, de commerce ou de service, Rep. com. Dalloz, 2006, n°417.). La licence de marque est un louage de chose, et est en conséquence soumise au régime correspondant, soit aux articles 1713 et suivants du Code civil.

(12)  La licence de marque se rapproche donc du contrat de franchise en deux points : le licencié et le franchisé, peuvent utiliser la marque du donneur de licence ou du franchiseur, et versent une redevance à leur cocontractant.

(13)            En revanche, la licence de marque ne comprend ni transmission du savoir-faire, ni assistance. Ces deux éléments sont essentiels pour distinguer ces catégories de contrats et justifient, selon le cas, que le contrat de franchise soit requalifié en contrat de licence de marque ou inversement (CA Paris, 4 mars 1991 (3 arrêts), Juris-Data n°021270, 020964 et 020830).

L’arrêt rendu le 17 avril 2008 par la Cour d’appel de Nîmes en constitue une illustration supplémentaire. Un contrat intitulé « contrat de licence de marque et de savoir-faire » est requalifié en contrat de franchise, dès lors que ce contrat prévoyait en effet la concession d’une licence totale et exclusive d’exploitation d’une marque et d’un savoir-faire développé par le concédant, le droit d’utiliser l’enseigne de la marque, le bénéfice de l’assistance technique, commerciale et administrative nécessaire au bon développement des points de vente, notamment la politique d’achat du matériel et la fourniture de maquettes publicitaires, ainsi que celle d’un système d’accès informatisé relevant du seul concédant. De plus, le contrat interdisait au licencié d’exploiter directement ou indirectement la marque et le savoir-faire sur le même territoire pendant la durée de la convention. Le licencié devait en outre payer une redevance annuelle. Dès lors, la requalification doit être ordonnée d’autant que le concédant soutient qu’il dispose d’un savoir-faire propre et original en la matière. Toutefois, en l’espèce, cette requalification n’a pas permis d’accueillir l’action en nullité intentée pour manquement à l’obligation précontractuelle d’information, la convention n’ayant jamais été conclue par les parties à l’issue des pourparlers.

(14)            Quelques décisions montrent que des contractants ont cherché à faire requalifier leur contrat, les premiers, franchisés, pour contester le montant des redevances dues par eux, et le dernier, donneur de licence, pour sauver le contrat de la nullité. Il ne semble pas, pourtant, que la distinction entre contrat de franchise et licence de marque présente un réel intérêt de ces points de vue.

Ainsi, s’agissant des premiers cas, si le franchisé et le licencié ont tous deux l’obligation de verser une redevance à leur cocontractant, ces redevances, qui ne correspondent pas aux mêmes services, diffèrent en principe dans leur montant. Certains franchisés ont donc tenté de faire requalifier le contrat de franchise en contrat de licence de marque afin d’obtenir des juridictions une diminution de leur redevance (CA Paris, 4 mars 1991 (3 arrêts), Juris-Data n°021270, 020964 et 020830). Cependant, même en cas de requalification, les franchisés se seraient probablement heurtés au refus de la jurisprudence de rééquilibrer les prestations convenues par les parties, même en cas d’imprévision. S’agissant du dernier cas, dans une affaire tranchée par la Cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 7 mars 2002, Juris-Data n°225456), un donneur de licence d’une marque périmée a tenté de faire requalifier son contrat en contrat de franchise – afin de contrer l’argumentation de son cocontractant qui demandait l’annulation du contrat pour absence de cause – en alléguant que le contrat n’avait pas pour seule cause la licence de la marque, mais également la transmission d’un savoir-faire et la fourniture d’une assistance. Néanmoins, la mise à disposition de signes distinctifs communs est une obligation essentielle du franchiseur. Il est donc probable que le contrat aurait été annulé, ou tout au moins résilié aux torts du franchiseur, même si la qualification de contrat de franchise avait été adoptée (v. CA Paris, 14 déc. 1990, Juris-Data n°026080 : résiliation du contrat aux torts du franchiseur qui a perdu le droit à l’enseigne).

Un intérêt de la qualification réside dans l’existence ou non d’une obligation à la charge du titulaire de la marque de fournir un savoir-faire et une assistance technique à son cocontractant.

II. Distinction du contrat de franchise et du contrat de travail

(15)  La jurisprudence admet parfois la requalification du contrat de franchise en contrat de travail (A). Cette hypothèse doit être distinguée de celle qui, en dehors de toute requalification, permet néanmoins l’application des dispositions du Code du travail au dirigeant de la société franchisée (B). On évoquera enfin certains des effets conférés de l’application de ces deux textes (C).

A. La requalification du contrat de franchise en contrat de travail

F Douze décisions commentées : Cass. civ. 1ère, 3 juill. 2008, pourvoi n°07-15.551 ;Cass. soc., 13 mai 2008, pourvoi n°07-40.466 ; Cass. soc., 7 mai 2008, pourvoi n°07-41.896, inédit ; Cass. soc., 27 mars 2008, pourvoi n°07-12.102, Juris-Data n° 043419 ; Cass. com., 16 janv. 2008, pourvoi n°07-40.055, Juris-Data n°042459 ; CA Paris, 30 nov. 2007, Juris-Data n°351588 ; CA Paris, 15 nov. 2007, RG n°07/02167, inédit ; CA Bordeaux, 13 nov. 2007, Juris-Data n°353158 ; CA Montpellier, 24 oct. 2007, RG n°07/00139, inédit ; CA Paris 28 juin 2007 (deux arrêts), RG n°06/13483 et 06/13743, inédits ; Cass. soc., 6 juin 2007, pourvoi n° 06-42.951, Juris-Data n°039434.

(16)  On le sait, les ressources – souvent inépuisables – du Code du travail ont permis l’apparition, il y a quelques années, d’une jurisprudence consacrant la requalification du contrat de franchise en contrat de travail lorsque l’existence d’un « lien de subordination » est établie entre le franchiseur et son franchisé.

On rappellera la règle de principe (1) et son application concrète à la franchise (2).

1) Le principe

(17)  Le juge ne doit pas s’arrêter aux termes que les parties ont employés, l’existence d’une relation pouvant déterminer un contrat de travail ne dépendant ni de la volonté qu’elles ont exprimée, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; cette solution bien connue (v. pour un rappel de principe, CA Toulouse, 13 oct. 2006, Juris-Data n°327205 ; v. aussi, CA Grenoble, 1er sept. 2003, Juris-Data n°241377) suscite une fascination constante (v. pour une étude récente, E. Peskine, Entre subordination et indépendance : en quête d’une troisième voie, Revue de droit du travail 2008, n°6, p. 371.).

(18)  Ainsi qu’on l’a déjà signalé (F.-L. Simon, Droit de la Franchise, Les Petites Affiches, n° spécial, av. propos, V. Lamanda, 15 nov. 2007, §§. 9 et suiv.), la Cour de cassation veille aux requalifications trop hâtives et s’assure que le juge du fond a stigmatisé, dans l’exercice du pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui sont soumis (v. pour la reconnaissance expresse (et parfaitement justifiée) de ce pouvoir souverain d’appréciation, Cass., civ. 1ère, 3 juill. 2008, pourvoi n07-15.551, inédit ; Cass. Soc., 13 mai 2008, pourvoi n°07-40.466, Juris-Data n°044050 ; Cass. com., 16 janv. 2008, pourvoi n°07-40.055, Juris-Data n°042459.), les éléments caractéristiques du lien de subordination (Cass. Soc., 22 mars 2007, Juris-Data n°038157), lequel est « caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné » (Cass. Soc., 23 nov. 2005, pourvoi n°04-40.749, Juris-Data n°030952 ; Cass. Soc., 12 juill. 2005, pourvoi n°03-45.394 ; Bull. civ. V, n°244.), étant précisé que « l’intégration dans un service organisé constitue un indice du lien de subordination lorsque les conditions de travail sont unilatéralement déterminées par le cocontractant »(Cass. Soc., 20 sept. 2006, Juris-Data n°035081 ; Cass. Soc., 23 nov. 2005, pourvoi n°04-40.749, Juris-Data n°030952).

(19)  Conformément à l’article du 9 CPC, la charge de la preuve de l’existence d’un « lien de subordination » pèse sur celui qui l’invoque (Cass. soc., 6 juin 2007, pourvoi n° 06-42.951, Juris-Data n°039434 ; v. aussi, CA Montpellier, 26 nov. 2003, Juris-Data n°230351 ; CA Bordeaux, 18 sept. 2000, Juris-Data n°124897). Aussi, le franchisé doit-il combattre la présomption de l’article L.120-3, alinéa 1er du Code du travail, selon lequel « les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés (…) ainsi que les dirigeants des personnes morales immatriculées [audit registre] (…) sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ouvrage par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à cette immatriculation ».  Pour ce faire, il sollicite l’application de l’alinéa 2 du même article, selon lequel : « (…) l’existence d’un contrat de travail peut être établie lorsque les personnes citées au premier alinéa fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ouvrage dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci » (nous soulignons).

(20)  Ces mêmes principes ont conduit plusieurs décisions récentes à requalifier certains contrats commerciaux en contrat de travail. Il en va ainsi notamment du contrat d’agent commercial(Cass. soc., 27 sept. 2006, pourvois n°04-48.589, inédit, et n°04-48.590, inédit)et du contrat de gérance mandat signé entre un mandant franchisé et le gérant d’une société tierce chargée de gérer et d’assurer la direction d’un fonds de commerce(Cass. soc., 13 mai 2008, pourvoi n°07-40.466, Juris-Data n°044050 ; Cass. soc., 7 mai 2008, pourvoi n°07-41.896, inédit ; Cass. soc., 27 mars 2008, pourvoi n°07-12.102, Juris-Data n° 043419 ; v. aussi, CA Montpellier, 29 nov. 2006, Juris-Data n°328647 ; v. en sens contraire, Cass. soc., 6 juin 2007, pourvoi n° 06-42.951, Juris-Data n°039434), et du contrat de mandat (Cass. com., 16 janv. 2008, pourvoi n°07-40.055, Juris-Data n°042459 : en l’espèce, une société avait conclu un contrat de « mandat » aux termes duquel elle prenait en charge la gestion d’un hôtel exploité en franchise par le mandant ; ses cogérants, soutenant qu’ils se trouvaient personnellement placés dans un état de subordination à l’égard du mandant dans l’exécution de leur travail, décidèrent en conséquence d’agir devant le juge prud’homal afin d’obtenir le paiement de salaires et de dommages-intérêts à leur profit. La cour d’appel avait déduit que les mandataires se trouvaient placés dans un état de subordination à l’égard du mandant et qu’ils étaient ainsi liés à celui-ci par un contrat de travail, sans qu’il soit nécessaire d’établir que la société constituée par les demandeurs avait un caractère fictif ; v. aussi, CA Montpellier, 24 oct. 2007, RG n°07/00139, inédit : retenant que « la charge de la preuve de la coexistence d’un contrat de travail et d’un mandat social revient en principe à celui qui s’en prévaut c’est-à-dire au mandataire » et que « toutefois, lorsque le contrat de travail était antérieur à la nomination comme mandataire social, il incombe à la partie qui soutient qu’il a été mis fin au contrat de travail par la nomination du salarié à des fonctions de mandataire social d’en rapporter la preuve »).

Qu’en est-il de l’application de ces principes à la question de la requalification du contrat de franchise en contrat de travail ?

2) L’application du principe à la franchise

(21)  Les décisions statuant sur une demande de requalification de contrat de franchise en contrat de travail ne sont pas rares.

De telles demandes sont le plus souvent rejetées (V. not., Cass. Soc., 22 mars 2007, Juris-Data n°038157 : pour condamner un franchiseur à payer des salaires et indemnités à l’un de ses franchisés et à le garantir au titre des condamnations prononcées au profit des salariés employés par ce dernier, une Cour d’appel avait retenu que les circonstances ayant entouré l’entrée du franchisé dans le fonds de commerce et la conclusion d’un contrat de franchise révélaient l’existence d’un tel lien de subordination. Ce faisant la Cour de cassation avait cassé cette décision : « Qu’en statuant ainsi alors qu’il ne résulte de ses constatations, ni que M. X… était soumis, dans l’exécution de son travail, à l’autorité d’un employeur ayant le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements, ni que ses conditions de travail étaient unilatéralement déterminées par le franchiseur, dans le cadre d’un service organisé, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». ; v. aussi, CA Douai, 27 mars 1992, Juris-Data n°042865 ; CA Bordeaux, 17 avr. 1991, Juris-Data n°043846), et les hypothèses où les juridictions ont procédé à la requalification du contrat en contrat de travail correspondent à des cas extrêmes, où plusieurs indices de subordination étaient réunis (v. CA Douai, 23 nov. 2006, Juris-Data n°325137 (horaires et prix imposés par le prétendu franchiseur, qui établissait les contrats avec la clientèle et la développait seul) ; CA Toulouse, 13 oct. 2006, Juris-Data n°327205 (développement de la clientèle, fixation des horaires, fixation et perception des prix par le prétendu franchiseur, pouvoir de sanction sur le prétendu franchisé…) ; v. aussi, CA Paris, 19 nov. 1997, Juris-Data n°024318) ; dans ces affaires, les franchisés étaient parvenus à démontrer, par l’accumulation de tels indices, que le choix de la forme du contrat de franchise avait pour but d’échapper aux règles du droit social.

(22)  Le juge du fond procède à une analyse au cas par cas tendant à déceler – par la réunion d’indices précis, graves et concordants – l’existence du lien de subordination entre le franchiseur et le franchisé.

Ce faisant, tout est dans la mesure. La circonstance que le contrat de franchise permette au franchiseur d’assumer de nombreuses tâches afférentes à l’exploitation du fonds est en soi insuffisante. La solution est logique car les indications du franchiseur participent le plus souvent du savoir-faire ou de l’assistance que le contrat lui impose de transmettre aux franchisés, et procèdent donc de l’exécution normale du contrat de franchise.

Ainsi, le franchisé conserve-t-il de toute évidence l’autonomie requise – et ne peut donc invoquer l’existence d’un contrat de travail à son profit – lorsqu’il :

–      est dans l’impossibilité d’aménager les locaux à sa guise, le franchiseur exigeant une présentation uniforme des locaux (CA Dijon, 30 juin 2005, Juris-Data n°283427) ;

–      se trouve lié par une obligation de réassort automatique (CA Dijon, 30 juin 2005, Juris-Data n°283427) ;

–      dispose de moyens matériels (CA Paris, 30 nov. 2007, Juris-Data n°351588 : soulignant que le fait que le franchisé ait disposé de moyens matériels ne suffit pas à lui seul à lui conférer la qualité de salarié) ;

–      demeure libre de choisir la quantité de marchandises figurant dans la gamme de produits du franchiseur, de pratiquer un prix autre que celui conseillé, de céder son fonds de commerce et d’embaucher du personnel (CA Dijon, 30 juin 2005, Juris-Data n°283427) ;

–      assume en toute liberté le fonctionnement de l’établissement, qu’il exerce les prérogatives d’un chef d’entreprise à l’égard du personnel, qu’il n’est soumis à aucun horaire précis, n’a de compte à rendre à personne et aménage à sa guise ses périodes de congés (CA Rennes, 13 déc. 2005, Juris-Data n°292457. Au contraire, la définition très précise des missions du demandeur (locataire-gérant du franchisé dans les espèces considérées), sa faible marge de manœuvre, notamment dans le cadre du paiement du personnel, ainsi qu’un contrôle très fréquent du cocontractant sur la gestion, constituent des indices de subordination juridique (CA Paris, 15 nov. 2007, RG n°07/02167, inédit, et 28 juin 2007 (deux arrêts), RG n°06/13483 et 06/13743, inédits).

Encore faut-il, en outre, que soit rapportée la preuve de l’exercice d’un pouvoir disciplinaire autorisant l’employeur à infliger des sanctions au sens de l’article L.122-40 du Code du travail (CA Rennes, 13 déc. 2005, Juris-Data n°292457).

Ces solutions prévalent aussi bien dans la franchise de distribution que dans la franchise de service, comme en témoigne une décision récente (CA Paris, 30 nov. 2007, Juris-Data n°351588 : il s’agissait en l’espèce d’une franchise ayant pour activité principale le conseil en fusions et acquisitions).

(23)  Dans la majeure partie des cas, il faut bien le dire, les obligations auxquelles les franchisés sont tenus tendent à imposer des règles communes à l’ensemble du réseau qui, destinées à obtenir d’eux la gestion rentable de leur magasin, n’entraînent à leur charge aucune sujétion de nature à les priver de l’indépendance qu’implique la qualité de commerçant (CA Bordeaux, 13 nov. 2007, Juris-Data n°353158).

Il convient aussi de souligner aussi l’importance des stipulations contractuelles dans la qualification.

Le souci d’organiser rigoureusement la distribution des produits ou services n’entraînera pas la qualification de contrat de travail si cette volonté s’exprime dans le respect de l’indépendance du franchisé. L’indépendance du franchisé doit ressortir des clauses mêmes énonçant les obligations qui s’imposent à lui dans le prolongement du savoir-faire qui lui est transmis. Les obligations doivent découler des contraintes inhérentes au transfert d’un savoir-faire, ce dont il doit normalement résulter que les obligations considérées créent, à la charge du franchisé (ou des gérants et associés de la société franchisée), une contrainte compatible avec sa qualité de commerçant indépendant. Et pour qu’il en soit ainsi, les obligations imposées au franchisé ne doivent pas concerner l’organisation même de son travail car le pouvoir de direction caractéristique de la qualité d’employeur s’exerce, avant tout, sur les modalités de déploiement d’une prestation de travail.

B. L’application des règles du Code du travail en dehors de toute requalification

FQuatre décisions : Cass. soc., 18 avr. 2008, pourvoi n°06-43.536, inédit ; Cass. soc., 18 oct. 2007, pourvoi n°06-45.344, inédit ; Cass. soc., 26 sept. 2007, pourvoi n°06-44.863 et n°06-44.864 (deux arrêts inédits).

FUn texte : Loi n°2008-67 du 21 janvier 2008

(24)  En dehors même de toute requalification du contrat de franchise en contrat de travail, les dispositions du Code de travail peuvent s’appliquer conformément à l’article L.781-1, 2° du Code du travail, dont le dispositif (1) a été essentiellement repris par le nouvel article L.7321-1 du même code(L’ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007, ratifiée par la loi n°2008-67 du 21 janvier 2008 et les décrets n°2008-243 (décret en conseil des ministres) et 2008- 224 (décret en Conseil d’Etat) du 7 mars 2008, ont procédé à la recodification du code du travail, la partie législative du code du travail étant entrée en vigueur le 1er mai 2008) il est vrai(2).

1) Le dispositif précédent

(25)  Le législateur s’est inquiété de la situation de certains professionnels qui, sans avoir avec leur cocontractant un lien de subordination juridique, étaient placés dans un état de dépendance économique. C’est pourquoi la loi du 21 mars 1941(JO du 9 avr. 1941, p. 1523) a étendu le bénéfice du droit du travail aux professionnels se trouvant dans cette situation, quel que soit le contrat par lequel ils sont liés(v., sur ce point, J.-M. Mousseron, La loi du 21 mars 1941, une loi en expansion ?, Cah. dr. entr. 1978, n°2.).

(26)  Ainsi, selon l’article L.781-1, 2° du Code du travail, les dispositions du Code du travail visant les apprentis, ouvriers, employés, travailleurs sont applicables « aux personnes dont la profession consiste essentiellement à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule entreprise industrielle et commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise ».

Lorsque les conditions requises par l’article L.781-1, 2° du Code du travail sont vérifiées (v. sur le contrôle exercé par la Cour de cassation, Cass. Soc., 8 févr. 2005, Juris-Data n°026941 ; v. aussi, CA Dijon, 30 juin 2005, Juris-Data n°183427), ce texte s’applique quelles que soient les énonciations du contrat et, surtout, « sans qu’il soit besoin d’établir un  lien de subordination ». Dernièrement réaffirmée par la Cour de cassation(Cass. Soc., 21 févr. 2007, Juris-Data n°037640) et les juges du fond(Pour considérer que les conditions de l’article L. 781-1-2° du code du travail étaient réunies, une Cour d’appel (CA Nîmes, 13 déc. 2006, Juris-Data n°324576) relève que la relation franchiseur-franchisé est caractérisée par l’ensemble des éléments suivants : la prestation est exécutée par le franchisé pour le compte exclusif du franchiseur aux conditions et tarifs imposés par celui-ci ; les contacts obtenus par le franchisé étaient traités et finalisés par un préposé de la société franchiseur ; le franchiseur imposait l’utilisation de vignettes de couleur différente selon la nature du transport de colis à effectuer qu’elle vendait préalablement au franchisé selon un tarif établi par ses soins ; le franchiseur établissait une feuille de route hebdomadaire lui permettant de contrôler la clientèle exploitée par le franchisé, et dressait mensuellement un état des enlèvements, des livraisons, des nouveaux clients et du chiffre d’affaires réalisé ; les conditions dans lesquelles ces transports de colis devaient être réalisés obéissaient à des prescriptions minutieuses imposant la possession constante d’un petit matériel dans le véhicule ; le véhicule devait recevoir sur la carrosserie des inscriptions obligatoires et le gérant devait revêtir le port d’une tenue qui était obligatoire), la solution n’est pas nouvelle(Cass. Soc., 4 déc. 2001 (deux arrêts), Juris-Data n°012006 et n°012007 ; v. aussi, Cass. Soc., 8 févr. 2005, Juris-Data n°026941 ; CPH Toulouse, 28 juin 2005 (deux jugements), RG n°03/01366 et n°03/01367, inédits).

La tendance est même à l’application généralisée de ce texte(Encore faut-il que ce texte soit invoqué devant le juge du fond (Cass. soc., 18 oct. 2007, pourvoi n°06-45.344, inédit)), qui ne peut être écartée en raison de ce que la société franchisée était en relation de travail avec plusieurs structures affiliées au franchiseur(CA Toulouse, 13 oct. 2006, Juris-Data n°327205 : retenant que « l’employeur était constitué par les trois sociétés qui, en raison de leur complémentarité, forment une seule et même entreprise »). De même, est indifférente la circonstance que le demandeur a exercé son activité de franchisé au travers d’une société, ainsi qu’il ressort de deux décisions notamment(Cass. Soc., 21 févr. 2007, Juris-Data n°037640 ; CA Nîmes, 13 déc. 2006, Juris-Data n°324576).

(27)  Le franchisé ne peut toutefois revendiquer à son profit un contrat de travail.

L’application de l’article L.781-1, 2° du Code du travail n’emporte pas « requalification » du contrat de franchise en contrat de travail. En effet, à la différence de l’article L.120-3 du Code du travail qui prévoit expressément la requalification du contrat, l’article L.781-1, 2° du Code du travail n’envisage que l’application des règles du Code du travail. Et c’est précisément pour cette raison que les dispositions du Code du travail sont applicables dès lors que les conditions énoncées par l’article L.781-1, 2° précité sont réunies, alors même que l’existence d’un lien de subordination – caractéristique du contrat de travail – ne serait pas établie.

Alors que la chambre sociale de la Cour de cassation n’a de cesse de rappeler cette évidence (Cass. Soc., 8 févr. 2005, Juris-Data n°026941 ; CA Aix-en-Provence, 5 oct. 2005, RG n°05/210, inédit ; v. aussi, CA Nîmes, 20 déc. 2002, Juris-Data n°199407), certaines juridictions du fond ont néanmoins persisté à considérer que l’application de ce texte emporterait « requalification » du contrat de franchise en contrat de travail (CA Dijon, 30 juin 2005, Juris-Data n°283427 ; CPH Toulouse, 28 juin 2005 (deux jugements), RG n°03/01366 et n°03/01367, inédits ; CA Montpellier, 15 déc. 2004, Juris-Data n°265655 ; CA Toulouse, 9 déc. 2004, Juris-Data n°269354 ; CA Nancy, 4 déc. 2002, Juris-Data n°206150).

Cette jurisprudence est critiquable en ce qu’elle admet qu’un contrat de travail puisse exister en dehors d’un lien de subordination. Un tel état de fait est contraire à la notion même de contrat de travail et, au-delà, au mécanisme des qualifications juridiques. Certes, existe-t-il des « salariés par détermination de la loi » (les VRP, les journalistes, les mannequins, etc.), autrement dit, des catégories professionnelles qui reçoivent, de source légale expresse, le titre de salarié, alors même qu’elles n’exercent pas leur activité en situation de subordination. Mais il s’agit de situations hautement dérogatoires, réservées au seul domaine de la loi, que la jurisprudence n’est pas habilitée à contrarier.

Il n’existe pas de salariés « par détermination de la jurisprudence », et il convient donc de ne pas qualifier de « contrat de travail » une relation contractuelle dans laquelle fait défaut le pouvoir de subordination du créancier d’un travail à l’égard du débiteur. L’article L.781-1, 2° du Code du travail applique le régime de la relation de travail à des non-salariés ; si la dérogation est moins marquée que pour les salariés par détermination de la loi, elle n’en est pas moins étrange…

Plus prudemment, certaines décisions récentes ont retenu l’existence d’un lien de subordination, caractéristique d’un contrat de travail, tout en faisant application de l’article L.781-1 du Code du Travail(CA Toulouse, 13 oct. 2006, Juris-Data n°327205 ; CA Aix-en-provence, 21 juin 2006, Juris-Data n°311567).

Il faut signaler enfin que, dans le cadre de l’article L.781-1 du Code du travail, la personne assimilée à un salarié en l’absence d’un lien de subordination reste un travailleur indépendant bénéficiant de l’application de certaines dispositions du Code du travail et ne peut prétendre qu’aux avantages accordés par ce code. Elle ne peut donc voir appliquées les dispositions d’une convention collective qui découlent des dispositions régissant les relations collectives entre employeurs et salariés au sens des articles L.131-2 du Code du travail (CA Nîmes, 10 janv. 2007, Juris-Data n°334649).

2) Les dispositions du nouveau Code du travail

(28)  L’ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007, rendue applicable à compter de l’entrée en vigueur de la nouvelle partie règlementaire du Code du travail, et au plus tard le 1er mars 2008, modifie l’ancien dispositif. L’ancien articleL.781-1 du Code du travail est remplacé par les articles L.7321-1 et L.7321-2 du même code.

(29)  L’article L.7321-1 du Code du travail énonce désormais que les règles dudit code sont applicables aux gérants de succursales, sous réserves de certaines dispositions.

Or, l’article L.7321-2 du Code du travail définit parallèlement le gérant de succursale de la manière suivante : « Est gérant de succursale toute personne :

1º Chargée, par le chef d’entreprise ou avec son accord, de se mettre à la disposition des clients durant le séjour de ceux-ci dans les locaux ou dépendances de l’entreprise, en vue de recevoir d’eux des dépôts de vêtements ou d’autres objets ou de leur rendre des services de toute nature ;

2º Dont la profession consiste essentiellement :

a) Soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise ;

b) Soit à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise».

(30)  Les dispositions précitées reprennent peu ou prou à elles deux le contenu de l’ancien article L.781-1 du Code du travail qui, cependant, se bornait à énoncer que les personnes correspondant aux critères figurant à présent dans l’article L.7321-2 se voyaient appliquer les dispositions du code, sans les qualifier de gérants de succursales(La pratique employait déjà ce terme. V. L. Leveneur, note sous Cass. soc., 4 déc. 2001, pourvoi n°99-41.265, Bull. civ. V n°373, Juris-Data n°012007, JCP E 2002, n°953, p. 1054).

Une seconde modification, encore plus bénigne en apparence que l’adoption de l’expression « gérant de succursale », est cependant de nature à susciter l’inquiétude des franchiseurs. Le texte compact du 2° du premier alinéa de l’article L.781-1 du Code de commerce a été scindé en deux subdivisions – a) et b) – ce qui présente a priori l’avantage d’une plus grande clarté. Seulement, la condition énoncée dans la dernière partie de l’article L.781-1, al. 1, 2° (A savoir : « lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise »), qui concernait les deux branches de l’alternative envisagée par ce paragraphe, ne parait aujourd’hui plus exigée que pour la seconde de ces branches : le nouveau découpage la place à la fin du b), et non à la ligne. Une interprétation littérale de l’article L.7321-2 voudrait donc que soit soumise au régime des gérants de succursale toute personne dont la profession consiste essentiellement « à vendre des marchandises (…) qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise », peu important que leur activité s’exerce ou non à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise ». En somme, tout franchisé tenu par une clause d’approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif bénéficierait des dispositions du Code du travail.

 

On imagine aisément les conséquences dramatiques qu’aurait une telle interprétation : la clause d’approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif fait partie du fonctionnement de la grande majorité des réseaux de franchise de distribution, et de très nombreux contrats actuellement en cours d’application comprennent une telle clause.  L’interprétation littérale du nouveau texte conduirait par conséquent à créer de graves difficultés financières à de nombreux chefs de réseaux, et à remettre en cause le fonctionnement de la franchise de distribution, voire à mettre fin à ce type de système commercial. Une telle révolution ne pouvait être dans l’intention du législateur qui, rappelons le, n’était habilité qu’à procéder à la recodification du Code du travail à droit constant (Loi n°2006-1770 du 30 déc. 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social, art. 57 I : « Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par ordonnance à l’adaptation des dispositions législatives du code du travail à droit constant, afin d’y inclure les dispositions de nature législative qui n’ont pas été codifiées, d’améliorer le plan du code et de remédier, le cas échéant, aux erreurs ou insuffisances de codification. »).

 

Aussi les juridictions interprèteront-elles selon toute probabilité l’article L.7321-2, 2° comme jadis l’article L.781-1, al. 1, 2° (Déjà longtemps avant les inquiétudes provoquées par l’article L. 7321-2 du code du travail, la doctrine s’était inquiétée de l’application de l’article L. 781-1 2° du code du travail aux contrats de distribution. V. J.-M. Mousseron, La loi du 21 mars 1941, une loi en expansion ?, Cah. dr. entr. 1978, n°2 (force est pourtant de constater que cette application n’a pas « sonné le glas » desdits contrats, comme le craignaient les auteurs cités par J.-M. Mousseron). V. également, pour une critique de son application aux franchises de distribution Ph. Le Tourneau, op. cit., n°314,  p. 143). Trois conditions doivent, selon ce texte, être réunies pour que le franchisé soit qualifié de gérant de succursale et bénéficie à ce titre des dispositions du Code du travail.

(31)  En premier lieu, la profession du franchisé doit consister essentiellement, « soit à vendre des marchandises de toute nature qui [lui] sont fournies exclusivement ou presque exclusivement » par le franchiseur, « soit à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, » pour le compte du franchiseur. Cette première condition consiste ainsi en une alternative à deux branches, qui permettent d’envisager l’application de l’article aux franchises de distribution comme aux franchises de service.

Dans la première branche – susceptible de concerner les franchises de distribution – qui consiste en la fourniture  exclusive ou quasi-exclusive des marchandises par le franchiseur(pour une hypothèse où la condition est remplie : Cass. com., 3 mai 1995, pourvoi n°93-12.981. Pour des hypothèses où la condition n’est pas remplie : Cass. soc., 11 oct. 2000, pourvoi n°99-10.922, inédit ; CA Nancy, 21 oct. 1998, Juris-Data n°174875) – quel que soit le mode de cette fourniture, vente ou dépôt –, on retrouve le problème de la notion de quasi-exclusivité, déjà abordé dans le cadre des critères d’application de la loi Doubin, à propos de l’activité du franchisé(Le législateur s’est inspiré de l’article L. 781-1 du code du travail pour introduire cette notion dans la loi du 31 déc. 1989). Une abondante jurisprudence a fixé le seuil de la quasi-exclusivité entre 75 et 80%(v. par ex. Cass. Soc. 19 déc. 1978, Bull. civ. V, n°896, p. 674 ; JCP 1979, IV, p. 257; Cass. Soc. 16 fév. 1983, Bull. civ. V, n°89, p. 61 ; Cass. Soc., 18 nov. 1981, Bull. civ. V, n°295 ; D. 1983, p. 242, note Saint-Jours  ; Cass. soc., 6 juill. 1982, Bull. civ. V, n°458 ; JCP 1982, IV, p. 331  Cass. soc. 12 janv. 1983, Bull. civ. V, n°14 ; Cas. soc. 13 mars 1985, JCP 1985, IV, p.190, précités, ainsi que CA Nancy, 21 oct. 1998, Juris-Data n°174875. La condition n’est pas remplie lorsque le franchisé s’engage tout au plus à « s’approvisionner de façon prioritaire auprès de la société [franchiseur] » (CA Douai, 29 juin 2006, RG n°04/01558)).

La seconde branche de l’alternative – susceptible de concerner les franchises de service – envisage l’hypothèse où l’activité du franchisé consiste « à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter » pour le compte du franchiseur. Cette hypothèse correspond, dans beaucoup de cas, à celle du transport de colis pour le compte du franchiseur(v. Cass. soc., 26 sept. 2007, pourvoi n°06-44.863 et n°06-44.864, inédits ; CA Nîmes, 9 mai 2007, Juris-Data n°340953 ; CA Nîmes, 13 déc. 2006, Juris-Data n°324576 ; CA Montpellier, 15 déc. 2004, Juris-Data n°265655 ; CA Riom, 29 juin 2004, Juris-Data n°253480 ; CA Nancy, 4 déc. 2002, Juris-Data n°206150 ; Cass. soc., 7 nov. 1995, pourvoi n°92-44.749, Juris-Data n°003067).

(32)  En deuxième lieu, le local du franchisé doit être « fourni ou agréé » par le franchiseur(Pour des hypothèses où la condition est remplie : CA Montpellier, 15 déc. 2004, Juris-Data n°265655 ; CA Toulouse, 9 déc. 2004, Juris-Data n°269354 ; CA Riom, 29 juin 2004, Juris-Data n°253480 ; CA Nancy, 4 déc. 2002, Juris-Data n°206150. Pour une hypothèse où la condition n’est pas remplie : CA Nancy, 21 oct. 1998, Juris-Data n°174875). Or, il est fréquent que le franchiseur agrée le local choisit par le franchisé : cette démarche est souvent nécessaire à la conservation de l’image du réseau, dont le contrôle par le franchiseur est légitime.

(33)  En troisième lieu, les conditions de travail et les prix doivent être imposés par le franchiseur(pour des hypothèses où les conditions de travail et les prix sont imposés par le franchiseur : CA Nîmes, 13 déc. 2006, Juris-Data n°324576 ; CA Montpellier, 15 déc. 2004, Juris-Data n°265655 ; CA Riom, 29 juin 2004, Juris-Data n°253480. Pour des hypothèses où la condition n’est pas remplie : CA Dijon, 30 juin 2005, Juris-Data n°183427 ; CA Nancy, 21 oct. 1998, Juris-Data n°174875 ; Cass. soc., 27 févr. 1974, Bull. civ. V, n°145. La condition a été considérée comme remplie dans une hypothèse où le prix n’était pas imposé au franchisé directement par le franchiseur, mais par les hypermarchés au sein desquels exerçait le franchisé, le prix résultant des accords passés entre lesdits hypermarchés et le franchiseur, accords auxquels le franchisé était tiers (CA Lyon, 11 mars 2004, RG n°2003/02660, inédit)). Cette condition se rapproche des indices permettant de caractériser un lien de subordination dans le cadre de l’application de l’article L.120-3 du Code du travail. On peut observer dans la jurisprudence que l’article L.781-1 a été appliqué dans des cas où la liberté du franchisé dans l’organisation de son travail était très faible (prospection de la clientèle effectuée par le franchiseur, horaires imposés, prix imposés…). Encore une fois, des stipulations faisant apparaître que le contrôle du franchiseur est limité à ce qui est rendu nécessaire par son obligation de transmission de savoir-faire permettent d’éviter l’application de l’article L.7321-2 du Code du travail.

Par ailleurs, les prix imposés au revendeur étant interdits au regard du droit de la concurrence, les franchises susceptibles de tomber sous le coup de l’application du texte sont principalement celles au sein desquelles le franchiseur place ses marchandises en dépôt-vente chez le franchiseur(Cass. com., 3 mai 1995, Juris-Data n°002448, Cont. conc. consom., oct. 1995, 10, comm. 160 ; D., 2 janv. 1997, n°1, p. 10, note L. Amiel Cosme ; JCP E, 23 nov. 1995, n°47, p. 337, note L. Leveneur).

Ces conditions sont cumulatives(J.-F. Cesaro, Gérants et mandataires de succursales, J.-Cl. Travail Traité, 2003, Fasc. 4-5, § 13 ; Cass. soc., 11 oct. 2000, pourvoi n°99-10.922, inédit) et, lorsqu’elles sont réunies, l’article L.7321-2 du Code du travail s’applique. Un arrêt rendu le 18 avril 2008 par la Cour de cassation rappelle qu’il importe peu, à cet égard, que lesdites conditions ne ressortent pas des termes du contrat, mais uniquement du comportement des parties lors de l’exécution de ce dernier(Cass. soc., 18 avr. 2008, pourvoi n°06-43.536, inédit : « Attendu (…) qu’il résulte de ce texte que dès lors que les conditions sus-énoncées sont, en fait, réunies, quelles que soient les énonciations du contrat, les dispositions du code du travail sont applicables, sans qu’il soit besoin d’établir un lien de subordination ; Qu’en statuant comme elle a fait, en se fondant seulement sur les mentions portées au contrat, sans rechercher comme cela lui était demandé, si M. X… n’exerçait pas, en fait, son activité de livraison à partir d’entrepôts loués par la société (franchiseur), la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».).

(34)  Il convient d’ajouter enfin qu’une condition a disparu et qu’une autre demeure exclue.

La condition tenant à l’exercice personnel de la profession par une personne physique a disparu. Longtemps, la jurisprudence a posé comme condition que le franchisé soit une personne physique(J.-M. Mousseron, La loi du 21 mars 1941, une loi en expansion ?, Cah. dr. entr., 1978, n°2 estimait également qu’il s’agissait d’une condition essentielle à l’application de l’article L. 781-1 du code du travail.). Les juridictions ont eu cependant à faire face aux manœuvres de certains contractants qui tentaient d’échapper aux dispositions de l’article L.781-1 du Code du travail en obligeant leur cocontractant à former une « société écran ». Dans un premier temps, les juges ont décelé ces sociétés et sont passés outre, lorsqu’ils constataient que le seul but de la constitution de la société avait été d’éviter l’application de l’article L.781-1 du Code du travail(CA Paris, 18 janv. 2000, Juris-Data n°116637 (à propos d’un gérant salarié) ; Cass. soc., 22 mars 2006, Juris-Data n°032830). Il semble qu’une telle démarche ne soit plus nécessaire : la Cour de cassation considère aujourd’hui que l’exercice de la profession par une personne physique à titre personnel n’est pas une condition d’application dudit article(Cass. soc., 21 févr. 2007, pourvoi n°05-45.048, Juris-Data n°037640 : la Cour d’appel avait rejeté l’application de l’article L. 781-1 du code du travail au motif que, le franchisé ayant constitué une EURL, il ne pouvait prétendre avoir voulu exercer son activité à titre personnel en temps que personne physique ; la Cour de cassation a cassé l’arrêt au motif « qu’en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés de la constitution par M. X… d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, alors qu’il lui appartenait seulement de rechercher si les conditions énoncées à l’article L. 781-1, 2, susvisé, étaient réunies, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » ; v. aussi, CA Nîmes, 13 déc. 2006, Juris-Data n°324576).

La condition tenant à l’existence d’un lien de subordination demeure exclue. Le lien de subordination n’est pas une condition d’application de l’article L.7321-2 du Code du travail. Si quelques juridictions du fond s’étaient auparavant appliquées à démontrer l’existence d’un tel lien pour pouvoir appliquer cette disposition(v. CA Nîmes, 30 oct. 2001, Juris-Data n°156638 ; CA Rennes, 8 déc. 1998, Juris-Data n°04865), la chambre sociale de la Cour de cassation a affirmé le principe (à propos de l’article L.781-1) par trois arrêts du 4 décembre 2001(Cass. Soc., 4 déc. 2001, (3 arrêts), pourvois n°99-44.452, 99-43.440, et 99-41.265, Bull. civ. V n°373, JCP E 2002, n°953, p. 1054, note L. Leveneur ; D. 2002, p. 1934, note H. Kenfack), et réaffirmé sa position par la suite(Cass. soc., 21 févr. 2007, Juris-Data n°037640 ; Cass. Soc., 8 févr. 2005, pourvoi n°03-40.731, Juris-Data n°026941), suivie par les juridictions du fond(CA Montpellier, 15 déc. 2004, Juris-Data n°265655 ; CA Toulouse, 9 déc. 2004, Juris-Data n°269354 ; CA Nîmes, 20 déc. 2002, Juris-Data n°199407).

(35)  Il n’est pas possible au franchiseur qui craint l’application de l’article L.7321-2 2° du Code du travail de prévenir cette éventualité en prévoyant une clause par laquelle le franchisé s’engagerait à renoncer à l’application des dispositions dudit code : cette disposition est d’ordre public(C. Trav., art. L. 7321-5).

C) Effets

FDeux décisions commentées : Cass. soc., 18 juin 2008, pourvois n°06-46.478 à 06-46.494 (jonction), inédit ; Cass. soc., 30 janv. 2008, pourvois n°06-43.975 à n°06-43.977 (jonction), inédit.

(36)  Les conséquences de la requalification du contrat de franchise en contrat de travail ou de l’application de l’ancien article L.781-1, devenu l’article L.7321-2, sont nombreuses. Lorsque les faits invoqués au soutien de ses prétentions le justifieront, le franchisé bénéficiaire des dispositions protectrices de ce texte peut notamment revendiquer à son profit, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis (CA Nîmes, 10 janv. 2007, Juris-Data n°334649 : précisant que l’ancienneté à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement due au travailleur doit être celle remontant à la date du premier contrat de franchise ; v. aussi, Cass. soc., 14 déc. 2006, pourvoi n°05-40.844, inédit ; CA Toulouse, 9 déc. 2004, Juris-Data n°269354), une indemnité de congés payés (Cass. soc., 14 déc. 2006, pourvoi n°05-40.844, inédit), et la réparation du préjudice résultant du paiement injustifié d’un droit d’entrée lors de la signature du contrat de franchise (Cass. soc., 14 déc. 2006, pourvoi n°05-40.844, inédit : précisant même qu’une telle créance doit être garantie par l’AGS ; CA Toulouse, 13 oct. 2006, Juris-Data n°327205 : retenant, au contraire, que la créance résultant de ce préjudice n’est pas susceptible d’être garantie par l’AGS). De même, la requalification du contrat de franchise en contrat de travail peut également entraîner, sous certaines conditions, la constitution du délit de travail dissimulé (v. not., pour une application récente, CA Douai, 23 nov. 2006, Juris-Data n°325137), défini et exercé dans les conditions prévues par l’article L.324-10 du Code du Travail (Selon ce texte, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait, pour tout employeur, de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de l’une des formalités prévues aux articles L. 143-3 (remise d’un bulletin de paie) et    L. 320 (déclaration d’embauche auprès des organismes de protection sociale) du même code), et réprimé aux articles L.362-3 (selon ce texte, « toute infraction aux interdictions définies à l’article L.324-9 est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ») et suivants du même code.

(37)  Dans une affaire récente, une précision utile est apportée en matière de congés payés.

Une Cour d’appel avait fait droit, sur le fondement du 2° de l’article L.781-1 du Code du travail, à la demande de requalification en contrat de travail de différents contrats de franchise, et avait néanmoins rejeté leur demande de congés payés(CA Toulouse, 26 oct. 2006, RG n°05/04692, inédit : « l’indemnité compensatrice de congés payés est un substitut du salaire qui, pour une période déterminée, ne peut se cumuler avec le salaire versé pendant cette période, sauf à pouvoir prétendre à des dommages-intérêts si le salarié établit que les congés payés n’ont pu être pris par la faute de son employeur ; (…) dans la mesure où le contrat de « franchise » permettait au « franchisé » d’organiser son remplacement, l’obligation contractuelle de livrer en toutes circonstances est insuffisante à démontrer un empêchement sur ce point susceptible d’être imputé à l’employeur »). Par arrêt du 18 juin 2008 (Cass. soc., 18 juin 2008, pourvois n°06-46.478 à 06-46.494 (jonction), inédit), la chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule les arrêts objets des pourvois en ces termes : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que l’employeur n’avait pas mis en place un système de congés payés conforme aux dispositions légales, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences des textes susvisés ».

(38)  Dans une autre affaire, il est rappelé que la prescription extinctive des créances salariales s’applique. Plusieurs franchisés avaient agi devant un conseil de prud’hommes afin d’obtenir la requalification de leurs contrats de franchise en contrat de travail, la condamnation de leur employeur (la société du franchiseur) et l’inscription au passif de ce dernier des diverses sommes dont ils s’estimaient créanciers à titre d’arrérages de salaires et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour juger que l’AGS ne pouvait opposer la prescription extinctive des créances salariales de plus de cinq ans, une décision de la Cour d’appel de Toulouse avait retenu que les salariés (ex-franchisés) n’avaient pas été placés dans un rapport contractuel de nature salariale et ne pouvaient donc avoir conscience de ce qu’ils étaient exposés à cet effet extinctif de leurs droits dont ils ignoraient la naissance.

Par un arrêt du 30 janvier 2008 (Cass. soc., 30 janv. 2008, pourvois n°06-43.975 à n°06-43.977 (jonction), inédit), la Cour de cassation censure l’arrêt au visa de l’article 2251 du Code civil. Elle considère que la cour d’appel ne caractérise pas une impossibilité absolue dans laquelle se seraient trouvés les salariés d’agir avant l’expiration du délai de prescription dont le cours n’était pas suspendu par l’ignorance prétendue de leurs droits.

La formation du contrat de franchise

(39)       A la lumière de la jurisprudence objet de la présente étude, il convient de revenir tout d’abord sur la phase particulière de l’entrée en pourparlers (I), pour examiner ensuite les décisions – bien plus nombreuses – relatives aux conditions requises pour la validité du contrat de franchise (II).

I. L’entrée en pourparlers

(40)       L’entrée en pourparlers conduit inexorablement, tôt ou tard, à l’accord des parties (B) ou à la rupture des pourparlers (A).

A. La rupture des pourparlers

FCinq décisions commentées : CA Nîmes, 17 avr. 2008, Juris-Data n°363333 ; Cass. com., 26 mars 2008, pourvoi n°07-11.026, inédit ; CA Lyon, 22 nov. 2007, Juris-Data n°352364 ; CA Dijon 15 nov. 2007, Juris-Data n°355669 ; Cass. com., 26 juin 2007, pourvoi n°06-13.211, Juris-Data n°039825.

(41)       Si, en droit commun, la jurisprudence fournit d’inépuisables illustrations concernant la rupture de pourparlers, les décisions rendues en matière de franchise se font plus rares (v. toutefois, CA Paris, 17 avr. 2008, Juris-Data n°365333 ; Cass. com., 26 mars 2008, pourvoi n°07-11.026, inédit ; CA Paris, 6 avr. 2007, Juris-Data n°338132 ; CA Nîmes, 10 oct. 2006, RG n°04/04182 ; CA Grenoble, 28 févr. 2002, Juris-Data n°179643 ; CA Aix-en-Provence, 30 mars 2001, Juris-Data n°145087 ; CA Paris, 1er juin 1995, Juris-Data n°022850 ; CA Paris, 28 févr. 1995, Juris-Data n°021263 ; CA Poitiers, 2 nov. 1994, Juris-Data n°053428 ; Cass. com., 12 oct. 1993, pourvoi n°91-19.456, inédit ; CA Montpellier, 18 mars 1993, Juris-Data n°034026). La rupture des pourparlers peut se situer en dehors de tout lien contractuel (1) ou au contraire dans le cadre « d’avant-contrats » dont l’objet est de régir la période pré-contractuelle (2) ; cette distinction s’impose d’autant plus que la nature de la responsabilité sera différente dans chacun de ces deux cas. On évoquera enfin les précautions pouvant être envisagées par le franchiseur (3).

1) Rupture de pourparlers en dehors de tout lien contractuel

(42)       En dehors de tout avant-contrat, le principe est celui de la liberté de rompre les négociations. Cependant, les contractants en puissance qui abuseraient de cette liberté verraient leur responsabilité engagée : l’obligation de bonne foi dans l’exécution des conventions prévue par l’article 1134 du Code civil s’étend, selon la doctrine, sur les pourparlers : dans certaines circonstances, le comportement de l’une des parties emporte pour elle une obligation de négocier. La Cour de cassation a consacré cette théorie dans un arrêt rendu par sa chambre commerciale le 20 mars 1972 (Cass. com., 20 mars 1972, Bull. civ. IV, n°93), et plusieurs fois confirmé sa position depuis cette date (v. not., Cass. com., 8 nov. 2005, Juris-Data n°030701), suivie par les juridictions du fond (v. not., CA Aix-en-Provence, 14 janv. 1997, Juris-Data n°040104). Le contrat projeté n’ayant, par définition, pas été conclu, et l’obligation de négocier de bonne foi n’ayant pas ici une origine contractuelle, la responsabilité de l’auteur de la rupture est de nature délictuelle ou quasi-délictuelle, et fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil (v. Cass. com., 26 mars 2002, pourvoi n°99-21.216 ; v. J.-P. Viennois, Contrats de distribution – Règles communes aux différents contrats de distribution, J.-Cl. Commercial, Fasc. n°303, 2004,  §§. 30 et 31).

(43)       Se pose la question du seuil de l’abus : celui-ci est-il constitué lorsqu’est seulement prouvée la légèreté ou la mauvaise foi (v. sur cette question, B. Petit, Contrats et obligations – Consentement, J.-Cl. Civil, art. 1109, Fasc. unique, 2004, n°54) ?

Une affaire récente nous éclaire sur la nature de la faute imputable à l’auteur de la rupture des pourparlers. Un récent arrêt de la cour d’appel de Nîmes (CA Nîmes, 10 oct. 2006, RG n°04/04182)avait précisé les conditions dans lesquelles la responsabilité du franchisé peut être engagée pour rupture des pourparlers précédant la signature du contrat de franchise. Dans cette espèce, le franchiseur et un candidat à la franchise avaient mené des pourparlers pendant deux ans. Le franchisé était entré en pourparlers avec, d’une part, le propriétaire d’un terrain sur lequel il envisageait de construire un édifice destiné à l’exploitation de son commerce ainsi que, d’autre part, un franchiseur dont il envisageait d’exploiter l’enseigne. A l’issue des discussions, d’une longueur inhabituelle il est vrai, le franchisé avait finalement décidé de ne pas y donner suite et décidait de se rapprocher d’un autre franchiseur concurrent du premier, avec lequel il conclu finalement un contrat de franchise. Le premier franchiseur assigna le franchisé et le propriétaire du terrain dommages-intérêts pour rupture fautive de ces pourparlers, estimant que son partenaire avait commis une faute « en rompant unilatéralement, brusquement et sans motif légitime les pourparlers qu’ils entretenaient » jusqu’alors. Saisis par le franchiseur, les premiers juges condamnèrent la société candidat à la franchise et son gérant pour avoir rompu les pourparlers et maintenu l’illusion de la conclusion à venir d’un contrat.

Or, pour infirmer la décision de première instance, la Cour d’appel avait indiqué que la rupture des pourparlers ne peut être sanctionnée que si l’exercice de ce droit dégénère en « abus » et qu’un tel abus est « caractérisé par la mauvaise foi, la légèreté blâmable ou l’intention de nuire du partenaire ayant rompu brutalement et sans raison valable des pourparlers avancés »(CA Nîmes, 10 oct. 2006, RG n°04/04182). Rejetant le pourvoi formé par ce franchiseur contre ledit arrêt ayant rejeté sa demande, l’arrêt rendu le 26 mars 2008 par la Cour de cassation (Cass. com., 26 mars 2008, pourvoi n°07-11.026, inédit) dégage un enseignement essentiel en droit. La Cour de cassation fait en effet grief à la cour d’appel d’avoir énoncé que la rupture de pourparlers contractuels ne peut devenir fautif que s’il y a abus caractérisé par la mauvaise foi, la légèreté blâmable ou l’intention de nuire du partenaire ayant rompu brutalement et sans raison valable des pourparlers avancés et que rien ne démontre, en l’espèce que les relations des parties ont été viciées par une quelconque volonté des candidats à la franchise de nuire à, ou de profiter déloyalement de, leur interlocuteur (la décision est d’autant plus remarquable que la Cour de cassation, qui rejette le pourvoi, indique que le motif relatif à l’intention de nuire avancé par la cour d’appel était surabondant, tout en prenant soin de préciser qu’il était néanmoins erroné). En effet, ainsi que le soulignait le pourvoi, la rupture de pourparlers contractuels est constitutive d’une faute non seulement lorsqu’elle a lieu avec brutalité et sans raison valable, mais aussi lorsqu’elle s’accompagne d’un manquement quelconque à la bonne foi, ou à la loyauté contractuelle. C’est l’enseignement majeur à retenir de cet arrêt.

(44)       Cette décision récente inspire quelques commentaires. Le fondement de l’abus du droit de rompre étant la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle, aucun seuil minimum de gravité de la faute ne peut être exigé : toute faute et toute négligence dans les circonstances entourant la rupture des pourparlers est de nature à entraîner la responsabilité de son auteur. En conséquence, la jurisprudence n’exige pas la démonstration d’une faute revêtant des caractères particuliers ; ainsi, si elle considère que la rupture abusive peut être caractérisée par l’intention de nuire (v. not., CA Paris, 6 avr. 2001, Juris-Data n°338132 ; CA Paris, 31 janv. 2001, Juris-Data n°136755) et, selon une jurisprudence classique (Cass. civ. 3ème, 3 oct. 1972, Bull. civ. III, n°491), il ne s’agit pas d’une condition de l’engagement de la responsabilité délictuelle sur le fondement de la rupture abusive : la mauvaise foi suffit en effet à fonder cet abus (v. par ex. CA Aix-en-Provence, 30 mars 2001, Juris-Data n°145087 : « Attendu que (…) celui qui rompt de mauvaise foi les pourparlers, et viole ainsi le devoir général de bonne foi dans les relations précontractuelles qui lui impose de se comporter avec loyauté et honnêteté avec  ses partenaires à la négociation, est susceptible de voir engager sa responsabilité pour faute sur le fondement de l’article 1382 du code civil, ou pour le dommage causé par sa négligence ou par son imprudence sur le fondement de l’article 1383 du code de procédure civile »), ce qui est également le cas de la légèreté blâmable (v. not., Cass. com., 12 oct. 1993, pourvoi n°91-19.456). En dépit de l’absence de seuil minimum de gravité de la faute constituant l’abus dans la rupture des négociations, le principe demeure celui de la liberté : la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée que si sa faute, fut-elle légère, est prouvée.

D’après les arrêts rendus en la matière, la légèreté blâmable semble être caractérisée par la rupture brutale de pourparlers prolongés (v., pour des cas où ces critères ont été réunis : CA Nîmes, 17 avr. 2008, Juris-Data n°363533 ; CA Paris, 7 fév. 2007, Juris-Data n°333997 ; CA Bordeaux, 24 juin 1997, Juris-Data n°042515 ; CA Paris, 4 avr. 1997, Juris-Data n°021076 ; v. pour un cas où la légèreté n’est pas constatée, faute de réunion de ces critères : CA Riom, 2 oct. 2002, Juris-Data n°192849). La jurisprudence semble exiger, lorsque les pourparlers ont été longs, la démonstration de l’existence de motifs légitimes justifiant la rupture (v. not. Cass. civ. 2, 13 janv. 2005, Juris-Data n°026466 ; Cass. com., 29 janv. 2002, pourvoi n°98-15.952). La caractérisation de la mauvaise foi exige, en plus de ces critères, la démonstration de la volonté de l’auteur de la rupture de faire croire à son partenaire que la conclusion du contrat aura lieu (v. pour des cas où la mauvaise foi a été constatée : CA Versailles, 3 mars 2005, Juris-Data n°277188 ; Cass. com., 26 nov. 2003, Juris-Data n°021243 ; CA Lyon, 24 juill. 2002, Juris-Data n°193214 ; CA Aix-en-Provence, 30 mars 2001, Juris-Data 145087 ; Cass. com., 11 juill. 2000, Juris-Data n°003185 ; CA Paris, 10 mars 2000, Juris-Data n°133789 ; Cass. com., 5 mai 1987 ; v. pour des cas où elle ne l’a pas été : CA Paris, 6 avr. 2007, Juris-Data n°338132 ; Cass. com., 20 févr. 2007, pourvoi n°05-15.863, inédit ; CA Montpellier, 28 sept. 2004, Juris-Data n°267953). Dans tous les cas, la faute s’apprécie in concreto, en témoignent deux récents arrêts des cours d’appel de Paris (CA Paris, 6 avr. 2007, Juris-Data n°338132 : en l’espèce, des pourparlers préalables à la conclusion d’un contrat de création et de vente d’une ligne de vêtements destinés au personnel des hôtels d’un réseau de franchise avaient été rompus par le franchiseur. C’est en vain que le créateur poursuivait la responsabilité quasi délictuelle du franchiseur, ce dernier n’ayant fait preuve d’aucune mauvaise foi ou intention de nuire) et Nîmes (CA Nîmes, 17 avr. 2008, Juris-Data n°363333 : retenant la faute d’un futur franchisé ayant rompu les pourparlers préalables à la conclusion du contrat de franchise, sous le prétexte que le franchiseur demandait le paiement de prestations indues, alors que ces prestations étaient prévues dans le contrat de franchise).

2) Rupture de pourparlers en présence d’un avant-contrat

(45)       La pratique a créé de nombreuses conventions dont l’objet consiste à mettre à la charge des partenaires des obligations soit de conclure un contrat, soit de négocier de bonne foi. Lorsque les parties ont conclu une convention de négociation, elles ont contracté l’obligation de négocier. Cette obligation, selon une partie de la doctrine, est une obligation de résultat, par opposition à celle d’aboutir au contrat projeté, qui n’est qu’une obligation de moyens. En conséquence, le fait pour une partie de mettre fin aux pourparlers, sans explication et sans s’être montrée sérieuse dans le cadre des négociations, est de nature à entraîner sa responsabilité contractuelle.

3) Précautions pouvant être envisagées par le franchiseur

(46)       Une distinction peut être faite selon que les pourparlers précèdent le contrat de franchise (a) ou qu’ils lui succèdent (b).

(a) Avant la conclusion du contrat de franchise

(47)       En dehors de toute prévision contractuelle, rien n’interdit tout d’abord au franchiseur, lorsque les pourparlers traînent véritablement en longueur, de mettre en demeure le candidat à la franchise d’avoir à signer le contrat de franchise dans tel délai raisonnable (CA Montpellier, 18 mars 1993, Juris-Data n°034026). La solution n’est pas franchement satisfaisante car l’on peut rêver d’une meilleure entrée en matière ; mieux vaut donc prévoir un ou plusieurs mécanisme(s) contractuel(s) permettant de prévenir une telle situation. On rappellera ici les trois principaux mécanismes contractuels utilisés.

(48)       En premier lieu, le franchiseur peut faire signer au franchisé un contrat de réservation. Par ce contrat de réservation, le franchiseur s’engage à permettre au candidat franchisé, ou à toute personne morale, née ou à naître, constituée et contrôlée par ce dernier, d’ouvrir un point de vente sous son enseigne dans telle zone géographique. Le franchiseur s’interdit de ce fait, pendant toute la durée du contrat de réservation, de proposer l’ouverture d’un tel point de vente à un autre candidat. Un tel contrat est généralement signé à titre onéreux – c’est d’ailleurs là son intérêt puisqu’il témoigne ainsi de l’intérêt que porte le candidat à la franchise –, le paiement effectué au titre de ce contrat s’imputant sur les sommes ultérieurement décaissées par le franchisé au titre de son droit d’entrée lorsque celui-ci décide finalement de signer ; à défaut, le paiement effectué reste acquis au franchiseur qui aura ainsi inutilement immobilisé sa zone d’exclusivité (si, en revanche, le contrat est assorti d’une condition suspensive, la non-réalisation de la condition pourra emporter restitution du droit d’entrée (Cass. com., 26 juin 2007, pourvoi n°06-13.211, Juris-Data n°039825)).

En deuxième lieu, le franchiseur parfaitement peut indiquer au candidat franchisé, dès la signature du Document d’Information Précontractuelle (DIP), qu’il dispose de tel délai pour signer le contrat de franchise, de sorte qu’à l’issue de ce délai, l’offre de contrat deviendra caduque.

En troisième lieu, le contrat de franchise peut parfaitement prévoir qu’à défaut pour le franchisé d’avoir effectivement ouvert et exploité son point de vente dans tel délai à compter de la signature dudit contrat de franchise, le franchiseur sera en droit de le résilier.

(49)       De nombreuses variantes peuvent être associées à ces différents mécanismes contractuels.

(b)  Après le terme du contrat de franchise

(50)       Deux décisions récentes permettent de rappeler deux précautions d’usage.

Par un arrêt rendu le 22 novembre 2007, la Cour d’appel de Lyon rappelle que l’existence de pourparlers postérieurement à la survenance du terme d’un contrat de franchise à durée déterminée, ne peut justifier la poursuite par le franchisé de son activité sous l’enseigne du franchiseur(CA Lyon, 22 nov. 2007, Juris-Data n°352364). Ainsi, ni les pourparlers en vue de la signature d’un nouveau contrat, ni l’absence pendant cette période de demande expresse, ou de mise en demeure de déposer l’enseigne, n’impliquent l’acceptation par le franchiseur de la continuation de l’activité sous l’enseigne du franchiseur. La solution est parfaitement logique(sauf à ce que le contrat de franchise comporte une clause de tacite reconduction) car la survenance du terme entraîne l’extinction automatique du contrat à durée déterminée, avec toutes les conséquences y attachées.

De plus, par un arrêt rendu le 15 novembre 2007, la Cour d’appel de Dijonsouligne qu’il importe peu, au regard de l’appréciation du caractère brutal ou non de la rupture des relations commerciales unissant un franchiseur et l’un de ses franchisés, que les relations contractuelles se soient poursuivies après le terme de ce contrat entre les mêmes parties et avec le même objet(CA Dijon 15 nov. 2007, Juris-Data n°355669 : en l’espèce, l’ex-franchisé avait maintenu le franchiseur dans la croyance légitime d’une pérennité des relations commerciales quel que soit leur cadre puisqu’en l’absence de contrat écrit, et avait continué à commander régulièrement des marchandises ; elle respectait par ailleurs l’exclusivité précédemment prévue par le contrat de franchise. Dans ce contexte, la Cour retient qu’en limitant son préavis à 2 mois, alors que le contrat de franchise avait prévu un délai de 3 mois, l’ancienne franchisée a commis une faute ; V. en sens contraire, CA Paris 12 janv. 2005, Juris-Data n°277027 : considérant qu’une fois le contrat de franchise à durée déterminée arrivé à son terme, le franchisé ne peut invoquer l’obligation de respecter un préavis en cas de rupture, prévue par l’article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce).

B. La preuve du contrat de franchise

F Une décision commentée : CA Dijon, 15 nov. 2007, Juris-Data n°355669.

(51)  Le contrat de franchise présente un caractère consensuel (1), de sorte qu’il peut être prouvé par tous les moyens de preuve légalement admissibles (2).

1) Le caractère consensuel du contrat de franchise

(52)       On le sait, le contrat de franchise est un contrat consensuel (v. pour une illustration récente, CA Paris, 16 nov. 2006, Juris-Data n°322715), c’est-à-dire un contrat qui se forme par le seul échange des consentements, sans qu’aucune formalité – tel qu’un écrit – ne soit nécessaire à sa validité. L’échange des consentements suffit à la conclusion du contrat. Même si un arrêt isolé a pu laisser planer un doute sur ce point (Cass. com., 7 janv. 2004, pourvoi n°02-12.366), la solution est couramment admise par les juridictions du fond, en témoigne une jurisprudence abondante (CA Paris, 11 déc. 1998, Juris-Data n°024235 ; CA Paris, 3 nov. 1994, Juris-Data n°025094 ; CA Nîmes, 23 oct. 1991, Juris-Data n°030414 ; CA Paris, 15 sept. 1989, Juris-Data n°024714) et parfois récente (CA Paris, 16 nov. 2006, Juris-Data n°322715 : alors que le projet de contrat de franchise avait été remis par le franchiseur mais n’a jamais été retourné signé, la Cour retient que l’existence du contrat de franchise résulte en l’espèce d’un faisceau d’indices précis, graves et concordants, le franchisé ayant : participé à une réunion avec un représentant du franchiseur, à l’issue de laquelle lui avait été adressé un document rappelant les principales conditions du contrat (montant du droit d’entrée, durée minimum du contrat, montant des rémunérations revenant au franchiseur) ; suivi un stage de formation ; utilisé l’enseigne et les supports publicitaires du franchiseur ; fait usage de la dénomination du franchiseur sur son propre K bis ; disposé des produits du franchiseur ; autorisé des prélèvements bancaires au bénéfice du franchiseur. Enfin, la Cour d’appel précise que ces éléments suffisent à démontrer l’existence du contrat de franchise, alors même que les obligations en découlant n’ont pas été parfaitement exécutées).

Une telle solution doit être approuvée. L’article L.110-3 du Code de commerce pose certaines conditions au principe de la liberté probatoire qu’il énonce puisqu’il précise qu’à l’égard des commerçants (pour que le principe de la liberté probatoire s’applique, encore faut-il que l’on soit en présence de « commerçants ». Cette condition – fréquente en pratique – ne va pourtant pas de soi car, on le sait, la seule signature d’un contrat de franchise ne fait pas automatiquement de son signataire un commerçant (CA Versailles, 12 févr. 1992, Juris-Data n°046442)) « les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens, à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi ». Or, la loi Doubin n’exige pas que le contrat de franchise ait été établi par écrit.

2) Les moyens de preuve légalement admissibles

(53)       Tout moyen de preuve légalement admissible suffit à établir la preuve de l’existence du contrat de franchise dès lors que l’échange des consentements est parfait (CA Paris, 3 nov. 1994, Juris-Data n°025094 : écartant l’existence d’un contrat de franchise au motif notamment que le défaut d’encaissement du chèque représentant le droit d’entrée apportait la preuve que le franchiseur était réticent à donner son accord).

Il en va ainsi notamment lorsque le franchisé n’a élevé aucune protestation ni réserve sur les marchandises qui lui étaient livrées et ne les a jamais refusées (CA Nîmes, 23 oct. 1991, Juris-Data n°030414) ou qu’il a revendiqué la qualité de franchisé et s’est comporté comme tel, en réglant les redevances mensuelles, tandis que, de son côté, le franchiseur lui a concédé l’usage de son enseigne et de sa marque (CA Paris, 11 déc. 1998, Juris-Data n°024235) : il en ira de même si le franchiseur a reconnu la conformité de la boutique au style des franchises, et n’a pas réagi à la publicité faisant apparaître la boutique comme franchisée (CA Paris, 15 sept. 1989, Juris-Data n°024714).

II. Les conditions de validité du contrat de franchise

(54)       Les décisions objets de la présente étude conduisent à examiner deux conditions essentielles à la validité du contrat de franchise : le consentement des parties (A) et la cause du contrat (B).

A. Le Consentement

(55)       Qu’elles soient de source légale ou conventionnelle, les obligations d’information qui pèsent sur le franchiseur donnent lieu à un abondant contentieux concernant la nullité du contrat de franchise (La Cour de cassation a récemment dû rappeler la solution évidente selon laquelle l’existence d’un vice du consentement ne peut justifier la « résiliation » du contrat de franchise (Cass. com., 12 févr. 2008, pourvoi n°07-10.462, Juris-Data n°042780 : « Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la violation de l’obligation précontractuelle d’information et de renseignements, prévue à l’article L.330-3 du code de commerce, si elle peut fonder la nullité du contrat de franchise en cas de vice du consentement, ne saurait entraîner à elle seule sa résiliation, la cour d’appel a violé les textes susvisés »). De la jurisprudence se dégagent deux principes fondamentaux : il incombe au franchiseur de rapporter la preuve de l’absence de violation de l’obligation d’information (1) tandis que le franchisé doit démontrer l’existence du vice de son consentement (2).

1) La preuve par le franchiseur de l’absence de violation d’une obligation d’information

F Dix décisions commentées : Trib. com. Rouen, 11 juill. 2008, RG n°2007/008620, inédit ; CA Paris, 22 mai 2008, Juris-Data n°366630 ; CA Lyon, 30 avr. 2008, Juris-Data n°364983 ; CA Toulouse, 5 mars 2008, Juris-Data n°365296 ; Cass. com., 12 févr. 2008, pourvoi n°07-10.462, Juris-Data n°042780 ; CA Lyon, 24 janv. 2008, Juris-Data n°365835 ; CA Montpellier, 27 nov. 2007, Juris-Data n°353372 ; CA Rennes, 25 sept. 2007, Juris-Data n°367062 ; CA Paris, 13 juin 2007, Juris-Data n°341064 ; CA Paris, 13 juin 2007, Juris-Data n°356116.

(56)       Les décisions récentes confirment l’état actuel du droit positif et en précisent le sens. Toutes ces décisions convergent en effet vers deux idées forces : la nullité du contrat de franchise implique la violation d’une obligation – de source légale ou contractuelle – lors de la formation du contrat (a) ayant eu pour effet de vicier le consentement du franchisé (b).

a) La violation d’une obligation légale ou contractuelle

(57)       Il convient de distinguer selon que l’obligation est de source légale (i) ou conventionnelle (ii).

(i) Obligation légale

(α) Rappel

(58)       Les obligations légales d’information précontractuelle dont la violation peut justifier le prononcé de la nullité du contrat de franchise sont déterminées, on le sait, aux articles L.330-3 du code de commerce et 1er du décret du 4 avril 1991 pris pour son application (sous réserve de constituer un vice du consentement (v. infra, §§. 79 et suiv.), le prononcé de la nullité du contrat de franchise est encouru lorsque des informations précontractuelles ainsi exigées par la loi et le décret font défaut). Selon ces textes, le document d’information précontractuel (DIP) fourni vingt jours avant la signature du contrat doit indiquer l’ancienneté et l’expérience de l’entreprise, l’état et les perspectives de développement du marché concerné, l’importance du réseau d’exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités. Encore faut-il bien circonscrire le contenu de ces obligations ainsi que le délai dans lequel elles doivent être délivrées.

(59)       Une cour d’appel a récemment rappelé que la date marquant la fin du délai de vingt jours était celle de la signature du contrat, et non celle de la prise d’effet du contrat. Viole ainsi l’article L.330-3 du code de commerce le franchiseur qui ne remet l’information précontractuelle que quatorze jours avant la signature du contrat, peu important à cet égard la date de prise d’effet dudit contrat (CA Paris, 13 juin 2007, Juris-Data n°356116).

(60)     L’article 1er, 5° du décret du 4 avril 1991 pose l’obligation pour le franchiseur de fournir une présentation du réseau d’exploitants. Cette obligation est particulièrement importante car le candidat franchisé doit être mis loyalement en mesure d’apprécier le degré de stabilité, de performance et de rentabilité du réseau dans lequel il s’apprête à se risquer. C’est pourquoi le décret est particulièrement précis quant au contenu de cette obligation qui, en substance, impose au franchiseur de présenter le réseau d’exploitants en précisant :

–        la liste des entreprises du réseau et leur mode d’exploitation ;

–        l’adresse des entreprises avec lesquelles le franchiseur est lié par des contrats de même nature, ainsi que la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats ;

–        le nombre d’entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l’année précédant celle de la délivrance du DIP, le document remis devant indiquer si le contrat est venu à expiration ou s’il a été résilié ou annulé ;

–        et, s’il y lieu, la présence, dans la zone d’activité de l’implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l’accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l’objet de celui-ci.

(61)       Un récent arrêt vient ainsi logiquement tirer les conséquences du contenu de l’obligation légale par l’annulation du contrat de franchise précédé par un document précontractuel ayant omis de faire connaître que des magasins du réseau avaient fait l’objet de procédures collectives alors que d’autres comportaient des capitaux propres négatifs (CA Toulouse, 5 mars 2008, Juris-Data n°365296). Cette solution s’inscrit dans un courant jurisprudentiel bien connu (CA Paris, 26 oct. 2006, Juris-Data n°322712 ; CA Paris, 23 juin 2006, Juris-Data n°312403 ; CA Aix-en-Provence, 29 mai 2006, Juris-Data n°306573 ; CA Aix–en-Provence, 4 mai 2006, Juris-Data n°304643 ; CA Limoges, 2 mars 2006, Juris-Data n°308976 ; Trib. com. Paris, 7 nov. 2005, Juris-Data n°299489 ; CA Caen, 3 nov. 2005, Juris-Data n°286650).

(β) Interprétation stricte de l’obligation légale

(62)       Le franchiseur n’est tenu de respecter, a minima, que les dispositions de l’article L.330-3 du Code de commerce et celles prises pour son application par le décret n°91-337 du 4 avril 1991 ; elle exclut donc toute application possible de la norme AFNOR Z 20-000 d’août 1987 relative aux relations contractuelles entre franchiseur et franchisé, dont le contenu ne peut donc être créateur d’obligations.

(63)       Il convient de relever un arrêt récent (CA Paris, 22 mai 2008, Juris-Data n°366630) aux termes duquel la Cour d’appel de Paris a livré l’interprétation qu’elle donne au point 5.c du Décret n°91-337 du 4 avril 1991, selon lequel il appartient au franchiseur de renseigner le candidat franchisé sur « le nombre d’entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l’année précédant celle de la délivrance du document ».

La Cour d’appel de Paris considère que l’année précédant celle de la délivrance du document ne s’entend pas de l’année civile précédant celle de la remise du document mais de la période constituée des douze mois précédant ladite remise. Il s’agit d’une interprétation téléologique du texte qui doit être approuvée dès lors que ce texte a pour objectif d’encourager la délivrance au candidat d’une information fidèle, complète et à jour de la situation du franchiseur et de son réseau au jour de la remise du document d’information précontractuelle (L’interprétation retenue par la Cour d’appel de Paris est d’autant plus justifiée que si le texte avait voulu désigner l’année civile expirée il aurait injustement fait varier l’intensité de l’obligation en fonction de la date de signature du DIP, ce qui n’aurait aucun sens). En l’espèce, le contrat en cause ayant été signé en novembre 2001 et l’information relative au point 5.c du décret susvisé portant sur l’année 2000, la Cour considère que l’information devait porter sur la période allant de mi-2000 à mi-2001 et annule le contrat de franchise sur ce fondement notamment.

(64)       Sauf convention contraire des parties, il n’appartient pas au franchiseur de se substituer au candidat, pour l’appréciation du risque de l’entreprise, en effectuant à sa place, une « étude de marché » pour informer le cocontractant de la clientèle potentielle qui demeure propre à son fonds de commerce, ou d’effectuer à sa place une étude de faisabilité. Une partie de la doctrine assimile l’état du marché dont la présentation est exigée par la loi à une étude de marché, et considère donc qu’incombe au franchiseur l’obligation de remettre une telle étude au franchiseur. Il s’agit là d’une interprétation séduisante, qui repose sur plusieurs arguments : la sincérité exigée par le texte impose, selon cette théorie, au franchiseur de fournir au franchisé une étude de marché, ce qui est légitime au regard du droit d’entrée et des redevances payées par le franchisé (S. Meresse, L’étude de marché est la quintessence du savoir-faire du franchiseur, RJ com. 1997, p. 260) ; l’état du marché devant porter sur les produits ou services objet du contrat, le franchiseur ne peut se contenter de fournir des renseignements vagues et généraux ; la présentation de l’état du marché et de ses perspectives implique son étude préalable (O. Tiquant, Rétablir l’autorité de la loi… Doubin, D. 2002 chron. 2597) ; le législateur ne pouvait mettre à la charge du franchiseur la fourniture d’un simple état du marché que tout commerçant pouvait établir seul ; seul le franchiseur, qui a connaissance du savoir-faire, élément clé de la réussite, peut avoir conscience de son impact sur le marché et donc la possibilité de procéder à l’étude de marché. Cette théorie a été suivie par quelques juridictions du fond (CA Lyon, 24 janv. 2008, Juris-Data n°365835 ; v. aussi, TGI Carcassonne, 2 mai 2002, D. 2002 chron. 2597, note O. Tiquant ; CA Lyon, 2 oct. 2001, D. 2002 chron. 2597, note O. Tiquant ; CA Lyon, 27 oct. 2000, Juris-Data n°132234 ; CA Toulouse, 27 oct. 1992, Juris-Data n°048701).

Elle se heurte cependant à plusieurs obstacles, dont le moindre n’est pas le fait que l’obligation de remettre au franchisé les documents qui permettent d’établir un résultat provisionnel, soit en particulier les études de marché, a été supprimée dans le texte définitif du décret (J.-P. Clément, La nouvelle donne juridique du contrat de franchise, Gaz. pal. 1991, 1, Doctr. p. 287) : le législateur a donc bien envisagé qu’une étude de marché soit incluse dans le document d’information précontractuelle, pour finalement y renoncer.

Dans l’hypothèse où cet argument ne suffirait pas à démontrer qu’il n’entrait nullement dans la volonté du législateur de mettre à la charge du franchiseur l’obligation de remettre au franchisé une véritable étude de marché, il faudrait tenir compte des différences fondamentales qui existent entre les notions d’« état » et d’« étude ». En effet, l’idée d’analyse, et donc de décomposition, de recherche minutieuse qui est caractéristique de la notion d’étude de marché fait totalement défaut à celle d’« état du marché », qui évoque au contraire l’idée d’une photographie de faits bruts. Cette opposition est encore accentuée par l’emploi du terme « présentation », celle-ci étant « nécessairement brève et succincte », et ne pouvant en conséquence s’appliquer à une étude de marché, par nature longue et approfondie. En outre, contrairement à ce qu’avancent les auteurs précités, l’adjectif « sincère » ne saurait avoir pour effet de passer outre ces différences cruciales ; il fait simplement référence à l’exactitude des renseignements donnés. Par ailleurs, le fait que le franchiseur doive communiquer un état du marché local portant sur les produits ou services objet du contrat, impose, certes, au franchiseur de fournir des renseignements précis, mais n’implique pas une étude de marché : cette précision est attachée à la description des éléments du marché, et ne suppose pas une analyse de ces éléments.

Il n’est pas anodin, par ailleurs, que le rapport explicatif de la loi type sur la divulgation des informations en matière de franchise rédigée par UNIDROIT – qui impose également la communication au franchisé d’un état des marchés général et local, et de leurs perspectives d’évolution (Art. 6 (1) O) – indique expressément que « bien qu’une telle exigence puisse apparaître détaillée, ce qui est visé n’est pas une étude de marché complète mais une brève présentation comportant des informations sur, par exemple, le chiffre d’affaires du secteur considéré, le nombre d’entreprises présentes dans ce secteur et les règles juridiques qui sont applicables ».

L’assimilation des deux termes se heurte donc à la lettre du texte ; elle se heurte, en outre, à l’esprit du contrat de franchise : on voit mal comment l’étude de marché, qui a pour but de déterminer la stratégie précise de l’entreprise du franchisé, commerçant indépendant, pourrait être établie par le franchiseur (v. en ce sens, notamment, CA Aix-en-Provence, 11 févr. 2005, Juris-Data n°272825). L’intervention du franchiseur dans la stratégie commerciale du franchisé n’est justifiée que dans la mesure où cette stratégie fait partie du savoir-faire. C’est pourquoi l’idée que le franchiseur est débiteur à l’égard du candidat franchisé de l’obligation de remettre une étude de marché est aujourd’hui très fermement rejetée par la Cour de cassation (Cass. com., 11 févr. 2003, pourvoi n°01-03.932, Juris-Data n°017835), ainsi que par les juridictions du fonds (CA Paris, 5 juill. 2006, Juris-Data n°312416, comm. in F.-L. Simon, Droit de la Franchise, Les Petites Affiches, n° spécial, Av. propos, V. Lamanda, 15 nov. 2007, n°41 ; CA Paris, 23 juin 2006, Juris-Data n°312403 ; Trib. com. Chartres, 7 mars 2006, jugement n°115, inédit ; CA Paris, 7 déc. 2005, Juris-Data n°296362 ; CA Nîmes, 6 oct. 2005, Juris-Data n°311158 ; CA Aix-en-Provence, 11 févr. 2005, Juris-Data n°272825 ; CA Rennes, 4 janv. 2005, Juris-Data n°282001 ; CA Paris, 20 mars 2003, Juris-Data n°216322 –Trib. com. Paris, 5 nov. 2002, Juris-Data n°199793 ; Trib. com. Paris, 14 oct. 2002, Juris-Data n°201061 : « le franchisé est lui-même un commerçant qui ne saurait avoir un rôle totalement passif en exigeant que le franchiseur se substitue en totalité à lui » ; CA Paris, 31 janv. 2002, Gaz. Pal. 3 juill. 2003, n°132, p. 16, note M. Petitier ; CA Paris, 31 janv. 2002, Juris-Data n°170815 ; CA Lyon, 31 mars 2000, Juris-Data n°120706). En effet, il appartient au franchisé, commerçant indépendant, d’effectuer ou de faire effectuer par un tiers une étude de marché s’il le souhaite (CA Paris, 5 juill. 2006, Juris-Data n°312416 ; CA Paris, 23 juin 2006, Juris-Data n°312403 ; CA Paris, 7 déc. 2005, Juris-Data n°296362 ; CA Aix-en-Provence, 11 févr. 2005, Juris-Data n°272825 ; CA Paris, 20 mars 2003, Juris-Data n°216322 ; CA Paris, 31 janv. 2002, Gaz. Pal. 3 juill. 2003, n°132, p. 16, note M. Petitier ; CA Lyon, 11 févr. 2000, Juris-Data n°151453 ; CA Aix-en-Provence, 30 nov. 1995, Juris-Data n°050808 ; CA Paris, 15 févr. 1995 ; CA Douai, 5 déc. 1991 (deux arrêts), Juris-Data n°052267 et 052153).

(65)       En revanche, la précision exigée du franchiseur a ses limites ; il ne peut être reproché en effet au franchiseur de ne pas avoir précisé dans les documents précontractuels la présence d’un certain nombre de commerces vendant également et occasionnellement des produits comparables dès lors que lesdits commerces ne se situaient pas précisément sur le même segment de marché et n’étaient donc pas dans un rapport de concurrence directe (CA Paris, 5 juill. 2006, Juris-Data n°312416 : en l’espèce, le DIP du franchisé, exerçant l’activité spécifique de « vente de chocolats », ne visait pas les « boulangeries-pâtisseries » existant sur le marché local). La solution n’est pas nouvelle (CA Aix-en-Provence, 4 mars 2005, Juris-Data n°275013 : à propos de l’état général du marché).

On relèvera néanmoins l’existence d’un arrêt isolé de la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 22 mai 2008, Juris-Data n°366630 : en l’espèce, la Cour d’appel reproche au franchiseur de ne pas avoir rempli son obligation d’information précontractuel en remettant au candidat un document intitulé « Etude de marché X », lequel « ne pouvait tenir lieu d’étude locale du marché car ne contenant que des données très générales, comme le nombre d’habitants de la ville de Rennes, leur répartition par tranches d’âges ou par catégories socio-professionnelles ». Le document pourrait être légitimement critiqué s’il ne renfermait aucune information relative à la concurrence dans la ville de l’implantation projetée par le candidat. Seulement, rien en ce sens n’est soulevé par la Cour) qui semble aller à l’encontre de cette jurisprudence pourtant fermement établie.

(ii) Obligation contractuelle

(66)       Les obligations d’information précontractuelle dont la violation peut justifier le prononcé de la nullité du contrat de franchise ne se limitent pas nécessairement à celles qu’énoncent les articles L.330-3 du Code de commerce et 1er du décret du 4 avril 1991 pris pour son application. Le franchiseur peut, en effet, avoir adressé au franchisé des informations non prévues par ces textes ; il en va en particulier des comptes d’exploitation prévisionnels, que le franchiseur peut avoir fournis et qui, dans certains cas, peuvent s’avérer déterminants de la volonté du franchisé de contracter. Le franchiseur est rarement étranger à l’élaboration des comptes d’exploitation prévisionnels en pratique : selon une étude récente, 95% des réseaux aident ou assistent le franchisé, à des degrés divers, dans l’élaboration de ses comptes prévisionnels : 46% des réseaux déclarent lui fournir les éléments nécessaires ; 28% déclarent confronter leurs propres prévisions avec celles du franchisé ; 8% déclarent se livrer aux deux prestations susvisées ; 13% déclarent enfin se charger complètement de leur élaboration.

Selon la jurisprudence, l’annulation du contrat de franchise comme la mise en œuvre de la responsabilité pré-contractuelle du franchiseur, en raison de l’inexactitude des comptes prévisionnels, sont subordonnées à la réunion de trois conditions : les comptes prévisionnels doivent avoir été établis par le franchiseur ; ils doivent être « grossièrement erronés » et avoir induit le franchisé en erreur.

(α) Paternité des comptes prévisionnels

(67)       La première condition paraît aller de soi : les comptes prévisionnels doivent avoir été établis par le franchiseur, ce qui exclut toute responsabilité lorsqu’il n’en est pas l’auteur. Cette solution classique (CA Paris, 1er févr. 2006, Juris-Data n°309721 ; CA Paris, 7 déc. 2005, Juris-Data n°296362 ; CA Paris, 31 janv. 2002, Juris-Data n°170815) est rappelée par un récent jugement (Trib. com. Rouen, 11 juill. 2008, RG n°2007/008620, inédit) : il appartient au franchisé d’établir la preuve que les comptes litigieux ont bien été établis par le franchiseur ; à défaut, ce dernier ne peut se voir attribuer la paternité d’un tel document et sa responsabilité ne peut donc être encourue.

(68)       On rappellera que la preuve de ce que telle ou telle partie a elle-même réalisé les comptes prévisionnels peut être contractualisée (Trib. com. Chambéry, 26 août 2005, RG n°2004/00521, inédit : s’agissant d’une clause prévoyant que le Business plan est bien l’œuvre du franchisé qui doit vérifier ses données et prendre toutes les mesures nécessaires, notamment financières, pour le bon fonctionnement de son entreprise ; rappelons que les conventions en matière de preuve sont valables (C. civ., art. 1316-2) ; cependant, s’agissant d’un contentieux de la validité du contrat de franchise, la stipulation contractuelle contractualisant la réalisation des comptes prévisionnels par telle des parties ne saurait empêcher une preuve contraire, rapportée par tous moyens, si cette preuve est destinée à établir un vice du consentement lui-même préalable à l’annulation du contrat et, en décider autrement, serait donner autorité à un contrat nul).

(69)  En revanche, lorsque le franchiseur fournit de tels éléments, les informations qu’ils contiennent doivent être sincères (CA Rouen, 15 mai 2003, Juris-Data n°218829). Les deux conditions ci-après restent alors à être vérifiées.

(β) Caractères « grossièrement erronés » des comptes prévisionnels

(70)       La deuxième condition fait l’objet d’un abondant contentieux : les comptes prévisionnels doivent être « grossièrement erronés » ou « manifestement irréalistes » (CA Paris, 31 janv. 2002, Juris-Data n°170815 ; CA Lyon 3 mars 2000, Juris-Data n°151455 ; CA Paris, 1er déc. 1999, Juris-Data n°117888 ; CA Paris 18 sept. 1996, Juris-Data n°022995). Autrement dit, le seul caractère erroné des comptes prévisionnels ne saurait suffire à constituer une faute du franchiseur, dès lors que l’exercice d’une activité commerciale est par essence sujette à des aléas (CA Nîmes, 23 juin 2005, Juris-Data n°282018 ; Trib. com. Paris, 9 sept. 2005, inédit, RG n°2004/004816). C’est pourquoi la jurisprudence considère que le franchiseur n’est pas tenu, sauf stipulation contraire, à une obligation de résultat (CA Nîmes 6 oct. 2005, inédit, RG n°04/00563 ; Trib. com. Paris, 9 sept. 2005, inédit, RG n°2004/004816 ; CA Paris, 2 déc. 1993, Juris-Data n°023635 ; CA Douai, 5 déc. 1991, Juris-Data n°052153) et que sa responsabilité ne peut être retenue lorsque l’écart excessif entre les résultats prévus et ceux effectivement atteints s’explique notamment par des considérations inattendues (CA Paris, 23 nov. 2006, RG n°03/02384, inédit ; CA Paris, 5 juill. 2006, Juris-Data n°312416 ; CA Paris, 18 déc. 1998, Juris-Data n°024288 ; CA Paris, 12 nov. 1997, Juris-Data n°023531 ; CA Versailles, 4 juill. 1996, Juris-Data n°043384).

(71)       Le franchisé reste tenu de « se » renseigner (Le franchisé est tenu, en toute circonstance, de « se » renseigner. Ce devoir est général. Il ne concerne pas seulement les comptes prévisionnels mais a pour objet toutes les obligations objets du contrat de franchise, tels que notamment la consistance du savoir-faire (CA Toulouse 13 janv. 2000, Juris-Data n°108290), l’étude de marché local (CA Aix-en-Provence, 30 nov. 1995 Juris-Data n°050808) ou, plus généralement, tout étude de faisabilité (CA Aix-en-Provence, 11 févr. 2005, Juris-Data n°272825)) dans tous les cas – que le réseau soit de taille limitée (le franchisé est tenu de « se » renseigner lorsque le franchiseur ne présentait, lors de la signature du contrat, qu’une expérience extrêmement limitée et que les perspectives données étaient exprimées en prévisionnels, ce qui devait suffire pour alerter les candidats à la franchise et les inciter à demander des renseignements supplémentaires  (v. en ce sens, CA Paris, 16 févr. 2005, Juris-Data n°273091 ; CA Toulouse, 25 mai 2004, Juris-Data n°247226 ; CA Paris, 29 mai 1991, Juris-Data n°022336) ou non (Doit être rejetée la demande de nullité du contrat de franchise dès lors que l’entreprise franchisée « avait la possibilité, qu’elle a manifestement négligée, de contacter la quinzaine d’autres magasins franchisés du réseau (…) dont elle avait reçu les coordonnées dans les informations précontractuelles, pour obtenir de leur part des informations sur l’évolution de leur chiffre d’affaires réalisé, mais aussi bien de comparer le chiffre d’affaires proposé avec ceux réalisés dans les villes de Cavaillon et de Lyon-Vaise par des commerces de détail concurrents de sa future activité, avant de s’engager contractuellement dans de telles circonstances). On signalera néanmoins, un récent arrêt de la Cour d’appel de Montpellier sanctionnant le franchiseur pour avoir notamment établi des comptes prévisionnels ne présentant aucune adéquation possible avec les comptes publiés des franchisés de son réseau (CA Montpellier, 27 nov. 2007, Juris-Data n°353372 : « Attendu que les documents d’information précontractuelle comportent, à titre indicatif et sans valeur contractuelle, des prévisions de chiffres d’affaires et de résultats, la première année étant présentée comme pouvant générer 60.979,61 euros de chiffre d’affaires et un résultat de 8.056,93 euros, la seconde année un chiffre d’affaires de 117.144,87 euros et un résultat de 15.013,33 euros, et la troisième année un chiffre d’affaires de 169.941,02 euros et un résultat de 16.473,18 euros ; que cependant, malgré les injonctions de Bernard X…, la société A… n’a pas produit les bilans à partir desquels ces prévisions ont été établies et n’a été en mesure de justifier que de quatre franchises atteignant ces résultats pour les années 2004 à 2006 ; qu’elle fait aussi grand cas du chiffre d’affaires de 212.775,94 euros obtenu par un autre franchisé au cours du premier exercice, de sept. 2005 à déc. 2006, le bénéfice étant cependant limité à 285,66 euros et le résultat d’exploitation à 2.696,30 euros ». La condamnation prononcée s’explique-t-elle sans doute par le refus du franchiseur de ne pas communiquer les éléments chiffrés sur la base desquels il indiquait avoir établi les comptes prévisionnels litigieux : « Attendu que les informations obtenues par Bernard X… sur six franchisés auprès d’infogreffe révèlent pour les années 2002 à 2004 un chiffre d’affaires annuel moyen de 51.186,22 euros et un bénéfice annuel moyen de 4.017,66 euros, en totale discordance avec les chiffres cités par la presse spécialisée qui fait état d’un chiffre d’affaires moyen de 100.000 euros en 2003 dont la véracité ne peut être retenue alors que la société A…, qui les détient, n’a pas daigné produire les comptes dont ils sont censés être issus ; qu’ il faut en déduire, dans la meilleure des hypothèses, que seules quelques unes des 80 franchises que comportait le réseau lorsque Bernard X… s’ est engagé étaient rentables et que leurs résultats ont été présentés comme correspondant à une moyenne alors que, le contrat litigieux ayant été conclu pour trois ans, Bernard X… avait toutes les chances de ne pas même récupérer sa mise de départ dans ce délai ».).

Il en va ainsi lorsqu’il a pu faire vérifier par un expert comptable les éléments utiles en sa possession (CA Paris, 20 mars 2003, Juris-Data n°273091 ; CA Caen, 4 mai 2005, Juris-Data n°282521).

(72)       En revanche, le franchiseur peut avoir commis une faute lorsque l’écart constaté entre le chiffre d’affaires annoncé par le prévisionnel et celui effectivement réalisé par le franchisé est à ce point important que, non justifié par des circonstances postérieures à la signature du contrat, celui-ci traduit nécessairement un dol ou une erreur imputable au franchiseur (v. par exemple, CA Montpellier 15 nov. 2005, RG n°2003/22, inédit ; Trib. com. Paris, 6 oct. 2005, RG n°2003/033054, inédit ; CA Lyon 3 mars 2000, Juris-Data n°151455 ; CA Paris, 1er déc. 1999, Juris-Data n°117888 ; CA Paris 18 sept. 1996, Juris-Data n°022995).

Toutefois, la faute du franchiseur doit, pour pouvoir emporter sa responsabilité, être assimilée à une faute « lourde ». Pour rendre compte de manière plus concrète des solutions dégagées en jurisprudence, et même si tout est affaire d’espèce, il est bon de rappeler que l’action du franchisé, fondée sur le caractère « grossièrement erroné » des comptes prévisionnels, demeure mal fondée alors même que le ratio « CA prévisionnel / CA réalisé » serait très faible (v. pour la première année d’exploitation du point de vente franchisé, sur la base du ratio « CA prévisionnel / CA réalisé » : 87,4% (Cass. com., 9 avr. 1996, pourvoi n°93-11.327), 86,7% (CA Bordeaux, 14 nov. 1994, Juris-Data n°049779), 83,3% (CA Paris, 4 oct. 1991, Juris-Data n°02420), 73% (CA Paris, 16 oct. 1998, Juris-Data n°024434), 52,2% (Cass. com., 8 juill. 2003, pourvoi n°02-11.691), 50% (CA Paris, 18 déc. 1998, Juris-Data n°024288), 32% (CA Paris, 4 oct. 1991, Juris-Data n°02420) et même 16,9% (CA Paris, 26 sept. 2001, Juris-Data n°155594) ; v. aussi, pour la deuxième année d’exploitation du point de vente franchisé, sur la base du même ratio : 60,7% (Cass. Com., 9 avr. 1996, pourvoi n°93-11.327, inédit), 42% (CA Bordeaux, 14 nov. 1994, Juris-Data n°049779), 32% (CA Paris, 18 déc. 1998, Juris-Data n°024288) ; v. enfin, pour la troisième année d’exploitation du point de vente franchisé, sur la base du même ratio : 70% (CA Bordeaux, 14 nov. 1994, Juris-Data n°049779), 27% (CA Paris, 18 déc. 1998, Juris-Data n°024288) ; v. aussi, pour le même ratio, mais en moyenne sur trois ans : 63,9% (Cass. com., 8 juill. 2003, pourvoi n°02-11.691)).

De même, lorsque la rentabilité indiquée par le bilan prévisionnel n’est pas atteinte au motif que le loyer du bail souscrit par le franchisé était deux fois supérieur à celui prévu dans ledit bilan, alors même que le franchiseur a participé aux négociations avec le bailleur : le franchisé, seul signataire du bail, avait le loisir de refuser de s’y engager(CA Rennes, 25 sept. 2007, Juris-Data n°367062). Dans la même décision, la Cour d’appel de Rennes a constaté que le caractère erroné du compte prévisionnel ne pouvait être démontré, celui-ci indiquant expressément qu’un compte correspondant plus précisément à la situation du franchisé devrait être établi.

(δ) Tromperie du franchisé

(73)       La troisième et dernière condition est tout aussi importante : les comptes prévisionnels établis par le franchiseur doivent avoir induit le franchisé en erreur (CA Orléans, 26 oct. 2006, RG n°05/03269, inédit ; CA Paris, 16 févr. 2005, Juris-Data n°273091 ; CA Paris, 31 janv. 2002, Juris-Data n°170815). L’argumentation avancée consiste alors à faire valoir que les chiffres d’affaires et résultats figurant dans les comptes prévisionnels constituaient pour le candidat franchisé un élément déterminant de sa volonté de contracter et qu’il a donc été trompé par leur caractère gravement erroné (v. pour une illustration récente, CA Montpellier, 27 nov. 2007, Juris-Data n°353372 : « Attendu qu’ il faut en déduire que Bernard X…, sauf concours de circonstances exceptionnel, avait, en s’ engageant, toutes les chances de ne travailler que pour récupérer sa mise de départ tout en se voyant contraint d’acquérir auprès de la société A…, pour un montant minimal substantiel et à des tarifs nettement au-dessus de ceux de la concurrence, les produits nécessaires à son activité ; qu’il a ainsi été trompé par des perspectives de gains chimériques de sorte qu’ à juste raison les premiers juges ont annulé le contrat ».).

(74)       Au regard des trois conditions ainsi requises en jurisprudence, quelle fonction le DIP et le contrat de franchise peuvent-ils donc jouer ?

La clause exonérant par avance toute responsabilité du franchiseur du fait de ses prévisions est inefficace lorsque celui-ci a commis une faute dolosive à l’occasion de l’élaboration des comptes prévisionnels (CA Orléans, 14 oct. 2005, RG n°62/2005, inédit). Ces clauses sont donc inutiles et dangereuses.

En revanche, la preuve de ce que telle ou telle partie a elle-même réalisé les comptes prévisionnels peut être contractualisée, conformément aux dispositions de l’article 1316-2 du Code civil. Est donc parfaitement valable, la clause prévoyant que le Business plan est bien l’œuvre du franchisé qui doit vérifier ses données et prendre toutes les mesures nécessaires, notamment financières, pour le bon fonctionnement de son entreprise (Trib. com. Chambéry, 26 août 2005, RG n°2004/00521, inédit). Ainsi, par exemple, le contrat de franchise pourra utilement préciser que « le franchisé reconnaît avoir réalisé ses propres comptes prévisionnels avec l’aide de son expert comptable ». Autre variante, le contrat de franchise pourra également prévoir que « le franchisé reconnaît avoir réalisé ses propres comptes prévisionnels et s’être appuyé sur les bilans positifs et négatifs qu’il s’est procuré de différents magasins franchisés ». Le contrat de franchise pourra encore ajouter, le cas échéant, que « le franchisé reconnaît avoir réalisé ses propres comptes prévisionnels au moyen notamment de la disquette fournie par le franchiseur ne comportant que les différents postes vierges et un plan type vierge du compte prévisionnel ». Quantité de variantes sont bien sûr envisageables : celles-ci dépendent notamment de la taille du réseau et du degré d’implication voulu par le franchiseur dans la relation qu’il entretient avec ses franchisés au stade précontractuel.

b) La charge de la preuve

(i) Charge de la preuve de l’existence de l’obligation

(75)       S’agissant de la preuve de l’obligation, il faut évidemment distinguer selon sa source : par définition, l’obligation de source légale s’impose au franchiseur, qui est légalement tenu. En revanche, l’existence même de l’obligation de source contractuelle doit être prouvée par le franchisé, conformément à l’article 1315, alinéa 1er du Code civil, selon lequel « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». Ainsi, la jurisprudence retient-elle que le franchiseur ne garantit pas contractuellement les comptes prévisionnels qu’il transmet simplement à titre indicatif (CA Nîmes, 23 juin 2005, Juris-Data n°282018 : «  (…) la fixation d’un chiffre d’affaires minimum annuel (…) était en l’espèce insusceptible de tromper [la franchisée] et de lui laisser croire, comme elle le prétend, qu’il s’agissait d’un engagement de rentabilité pris par son cocontractant après une étude préalable » de sorte « qu’elle n’est pas fondée en conséquence à soutenir avoir cru que cette indication de chiffre d’affaires annuel constituait un engagement de son partenaire ou une promesse de rentabilité attendue reposant sur des études préalables applicables localement (…) » ; v. aussi, en ce sens, CA Paris, 31 janv. 2002, Juris-Data n°170815). Ainsi, pour écarter l’argumentation par laquelle le franchisé reproche au franchiseur de l’avoir trompé par la remise de budgets prévisionnels ne tenant pas compte des difficultés d’approvisionnement en produits vendus et des conditions de financement de ceux-ci par le franchisé, un arrêt retient : « Mais attendu qu’il ne résulte pas des clauses du contrat de franchise, aux termes duquel il est rappelé que le franchisé est constitué en une entreprise indépendante qu’il gère sous sa seule responsabilité et qui doit bénéficier de sa propre capacité de financement, que le franchiseur se soit engagé à lui fournir d’autres éléments d’information que ceux visés et annexés au document d’information précontractuel et consistant en une étude de marché nantais et de la zone de chalandise » (CA Chambéry, 10 oct. 2006, Juris-Data n°322011).

(ii) Charge de la preuve de l’exécution de l’obligation

(76)       Lorsque le contenu de l’obligation n’est pas contesté, et qu’il s’agit donc de déterminer la preuve de l’exécution de l’obligation, nul besoin en revanche de distinguer selon la source – légale ou conventionnelle – de l’obligation.

Le débiteur de l’obligation légale d’information précontractuelle – le franchiseur – doit rapporter la preuve de son exécution. La solution, régulièrement rappelée dans le contentieux de la franchise, n’est pas nouvelle (Cass. com., 16 mai 2000, pourvoi n°97-16.386 ; v. not. pour les juridictions du fond : CA Paris, 23 nov. 2006, RG n°03/02384, inédit ; CA Paris 7 déc. 2005, Juris-Data n°296362 ; CA Pau, 10 oct. 2005, Juris-Data n°291080 ; CA Basse-Terre, 20 oct. 2003, Juris-Data n°247239 ; CA Toulouse, 6 déc. 1995, Juris-Data n°049535 ; CA Paris, 24 mars 1995, Juris-Data n°021147).

Cette solution classique est réaffirmée par une décision récente (CA Paris, 13 juin 2007, Juris-Data n°341064) mettant à la charge du franchiseur la preuve de l’exécution des obligations visées par la loi et le décret pris pour son application ; ajoutons que cette solution doit être étendue aux obligations de source conventionnelle car, depuis 1997, celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de l’obligation (Cass. Civ. 1ère,,25 avr. 1997, Bull. civ. I, n°75); cette solution est constamment rappelée (v. encore pour une décision assez récente : Cass. Civ. 2ème, 20 sept. 2005, pourvoi n°).

(77)       Même si la preuve de l’exécution par le franchiseur de son obligation peut être rapportée par tous moyens, il peut être préférable d’aménager le contrat de franchise de telle sorte que la charge de la preuve soit renversée ; autrement dit, que le franchisé ait à rapporter la preuve de l’inexécution par le franchiseur de son obligation (v. pour une application, CA Paris 23 nov. 2006, inédit, RG n°03/02384).

(78)       Lorsque le franchiseur apporte la preuve de l’exécution de l’obligation, il appartient alors au franchisé, conformément aux dispositions de l’article 1315 du Code civil, de démontrer la mauvaise exécution qu’il invoque (Trib. com. Paris, 9 sept. 2005, RG n°2004/004816, inédit).

2) Le franchisé doit démontrer l’existence d’un vice du consentement

(79)       Les dernières décisions rendues réaffirment l’état du droit positif, qui peut se résumer en deux propositions : l’inexécution des obligations légales ou contractuelles n’est sanctionnée par la nullité du contrat de franchise que si le défaut d’information a eu pour résultat de vicier le consentement du franchisé (a) ; le franchisé doit, par tout moyen, rapporter la preuve de l’existence de ce vice (b).

a) Un vice du consentement du franchisé

F Trois décisions commentées : CA Lyon, 30 avr. 2008, Juris-Data n°364983 ; Cass. com., 9 oct. 2007, pourvoi n°05-14.118, Juris-Data n°040801 ; CA Paris, 13 juin 2007, Juris-Data n°322715.

(i) Exigence d’un vice du consentement

(80)       Le franchisé peut être tenté de solliciter la nullité du contrat de franchise ; se pose alors la question de savoir si cette nullité peut résulter de la seule constatation du non respect par le franchiseur des obligations légales d’information précontractuelle (un préalable est requis : l’obligation violée doit peser sur le franchiseur lors de la formation du contrat, peu important que son inexécution ne se révèle qu’ultérieurement. Si une telle solution paraît évidente, elle fait encore l’objet de décisions récentes (CA Paris 23 nov. 2006, RG n°03/02384, inédit : rejetant la demande d’annulation du contrat de franchise au motif que les insuffisances d’information dénoncées par le franchisé ne concernent en réalité que des circonstances qui ne sont advenues que postérieurement à la conclusion des contrats et qu’elles ne peuvent donc être retenues comme ayant pu vicier le consentement donné antérieurement par ledit franchisé)) ou s’il est nécessaire, en outre, de relever que ce manquement avait eu pour résultat de vicier le consentement du franchisé (On rappellera également, pour mémoire, que le franchisé sollicitant la mise en œuvre de la responsabilité du franchiseur (et non plus la nullité du contrat de franchise) n’a plus à démontrer que le défaut d’information a vicié son consentement  (Cass. com., 9 oct. 2007, pourvoi n°05-14.118, Juris-Data n°040801 (s’agissant du renouvellement d’un contrat de franchise))).

(α) Evolution jurisprudentielle

(81)       Jusqu’en 1998, les juridictions du fond ont fait preuve d’une franche hésitation sur cette question. Pour les unes, l’inexécution des obligations légales ou contractuelles ne pouvait être sanctionnée par la nullité du contrat de franchise que si le défaut d’information avait eu pour effet de vicier le consentement du franchisé (CA Paris 19 nov. 1997, Juris-Data n°024744 ; CA Paris 26 mars 1999, Juris-Data n°022939). Pour les autres, en revanche, le non respect de la loi Doubin, d’ordre public, justifiait à lui seul la nullité du contrat de franchise (CA Paris, 7 juill. 1995, Juris-Data n°023106 ; CA Montpellier, 4 déc. 1997, Juris-Data n°056968 ; CA Montpellier 21 mars 2000, L. distrib. 2000/4 ; JCP E 2000, Cah. dr. entr. n°4, p. 18). On connaît le sort réservé aux décisions qui furent frappées de pourvoi puisque, depuis 1998, la Cour de cassation rappelle que l’inexécution des obligations légales ou contractuelles ne peut être sanctionnée par la nullité du contrat de franchise que si le défaut d’information a eu pour résultat de vicier le consentement du franchisé (Cass. com., 10 févr. 1998, Juris-Data n°000524 ; Cass. com., 19 oct. 1999, pourvois n°97-14.366 et n°97-14.367 (deux arrêts), Cass. com. 21 nov. 2000, pourvoi n°98-12.527, Cass. com., 5 déc. 2000, Juris-Data n°007354).

(82)       Cette solution a été réaffirmée en 2005 par deux arrêts de principe rendus par la Cour de cassation au visa des articles L.330-3 du Code de commerce et 1116 du Code civil (Cass. com., 14 juin 2005 (deux arrêts), pourvois n°04-13.947 et n°04-13.948 : « qu’en se déterminant pas ces motifs exclusivement pris de manquements à l’obligation d’information incombant au franchiseur, qui sont impropres à caractériser en eux-mêmes l’existence de manœuvres telles qu’il est évident que, sans elles, les franchisés n’auraient pas contracté, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » : la portée de ces deux décisions est d’autant plus importante qu’il s’agit d’arrêts de cassation rendus pour manque de base légale concernant, de surcroît, des franchisés inexpérimentés dans les deux cas), dont la portée est importante (la portée de ces deux décisions est d’autant plus importante qu’il s’agit d’arrêts de cassation rendus pour manque de base légale concernant, de surcroît, des franchisés inexpérimentés dans les deux cas. Dans ces deux affaires, en effet, l’arrêt rendu par la Cour d’appel avait retenu qu’à raison du nombre et de l’importance des documents qui n’avaient pas été fournis dans le délai légal, les manquements du franchiseur à la loyauté et à l’obligation de contracter de bonne foi avaient interdit aux franchisés de s’engager en connaissance de cause, puisqu’ils ignoraient les conditions réelles dans lesquelles ils étaient amenés à contracter.). Par un attendu de principe rédigé en termes identiques dans les deux décisions commentées, rendues au visa des articles L.330-3 du Code de commerce et 1116 du Code civil, la Cour de cassation fait grief aux juges du fond d’avoir annulé un contrat de franchise sans avoir établi l’existence d’un vice du consentement : « Attendu qu’en se déterminant pas ces motifs exclusivement pris de manquements à l’obligation d’information incombant au franchiseur, qui sont impropres à caractériser en eux-mêmes l’existence de manœuvres telles qu’il est évident que, sans elles, les franchisés n’auraient pas contracté, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ». Depuis lors, la solution est régulièrement reprise par la Cour de cassation (Cass. com., 20 mars 2007, Juris-Data n°038114) et les juridictions du fond (CA Paris, 16 nov. 2006, Juris-Data n°322715 ; CA Versailles, 20 oct. 2006, RG n°05/04972, inédit ; CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°312420 ; CA Limoges, 2 mars 2006, Juris-Data n°308976 ; CA Colmar 31 janv. 2006, Juris-Data n°304798 ; CA Dijon 15 nov. 2005, RG n°04/01450, inédit ; CA Nîmes 6 oct. 2005, RG n°04/00563, inédit ; CA Lyon, 31 mars 2005, Juris-Data n°274619 ; CA Aix-en-Provence, 11 févr. 2005, Juris-Data n°272825 ; CA Rennes, 4 janv. 2005, Juris-Data n°282001), en particulier au cours des douze mois objets de la présente étude (CA Lyon, 30 avr. 2008, Juris-Data n°364983 ; CA Paris, 13 juin 2007, Juris-Data n°322715 (statuant sur renvoi après cassation)).

(β) Appréciation in concreto

(83)       Dans la logique observée par cette jurisprudence désormais constante, la jurisprudence apprécie in concreto l’existence (ou non) d’un vice du consentement. Ainsi qu’on l’a déjà rappelé l’an passé dans notre étude (F.-L. Simon, Droit de la Franchise, Les Petites Affiches, n° spécial, Av.propos, V. Lamanda, 15 nov. 2007, §§. 64 et suiv.), une telle appréciation consiste essentiellement en pratique à tenir compte de :

–       la qualité de la personne du franchisé : l’expérience du franchisé est de nature à écarter le vice du consentement que ce dernier invoque (CA Lyon, 22 mars 2007, Juris-Data n°332144 ; CA Paris, 5 juill. 2006, Juris-Data n°312416 ; CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°312420) ; et, inversement, comme l’indique un arrêt récent, son inexpérience peut constituer un indice non négligeable de caractère vicié de son consentement (CA Paris, 13 juin 2007, Juris-Data n°322715),

–       de la durée du délai de réflexion dont il a disposé avant la signature du contrat,

–       et des conseils dont il a pu bénéficier durant cette période précontractuelle (CA Lyon, 30 avr. 2008, Juris-Data n°364983 : le fait que le franchisé ait été entouré par les conseils de son choix est de nature à écarter la notion de vice du consentement ; pour autant, la présence d’un expert-comptable ne suffit pas toujours à écarter l’annulation du contrat de franchise, quand bien même le vice du consentement porterait sur l’appréciation économique du projet et sa viabilité.).

(84)       Cette appréciation in concreto connaît parfois des limites. Il est bien évident, en effet, que, dans certains cas, le dol (ou la réticence dolosive) imputable au franchiseur est à ce point déterminant que ni la qualité du franchisé, ni le délai de réflexion dont il a bénéficié ne suffisent à écarter la demande de nullité. Tel est le cas lorsqu’il peut s’induire des faits de la cause que le franchisé n’aurait certainement pas contracté s’il avait connu les risques auxquels il s’exposait en intégrant le réseau (CA Paris, 26 oct. 2006, Juris-Data n°322712 : retenant qu’il en va ainsi lorsque le franchiseur a omis d’indiquer dans le DIP la fermeture d’une vingtaine de centres, correspondant à plus d’un tiers des points de vente franchisés en activité lors des douze derniers mois). De même, comme le montre encore un récent arrêt de la Cour d’appel de Lyon, la nullité du contrat pourra être prononcée lorsque le franchiseur n’a communiqué aucun DIP et qu’aucun élément ne montre que le franchiseur a suppléé à cette carence (CA Lyon, 30 avr. 2008, Juris-Data n°364983 : en l’espèce, la cour retient que l’examen des contrats fait apparaître une incohérence des dates de signature de ceux-ci et de la remise des documents d’information, de sorte qu’il est établi que les documents n’ont pas été remis avant la signature des contrats, qu’en outre, les documents élaborés par le franchiseur présentent des statistiques nationales du marché de la coiffure et de l’esthétique et analysent l’évolution des comportements de la clientèle, sans jamais pourtant comporter d’éléments chiffrés. Le franchiseur s’est donc abstenu d’informer son partenaire avec loyauté sur des éléments importants pour l’appréciation économique du projet et sa viabilité).

(ii) Nature du vice : dol ou erreur

(85)       Le vice du consentement sera le plus souvent constitutif d’un dol, au sens de l’article 1116 du Code civil. Il peut également s’agir d’une nullité pour erreur au sens de l’article 1110 du Code civil. Les conditions de l’erreur sont à la fois plus larges et plus étroites que celles requises en matière de dol : plus larges, car l’erreur ne suppose aucune mauvaise foi chez le cocontractant de l’errans ; plus étroites aussi car, d’une part, l’erreur n’est cause de nullité que dans la mesure où elle porte sur une qualité substantielle de l’une des prestations et, d’autre part, l’annulation peut être refusée s’il apparaît que l’errans, ayant manqué à son obligation de s’informer, a commis une erreur inexcusable. Les juridictions ont tendance à rechercher en premier lieu si le dol est établi et peuvent, à défaut, se placer sur le terrain de l’erreur (Trib. com. Paris, 7 nov. 2005, Juris-Data n°299489 ; CA Paris, 26 janv. 2001, Juris-Data n°151449).

(86)       Ces solutions sont d’une parfaite logique puisque le dol ne constitue jamais qu’une erreur provoquée. Dans tout dol il y a une erreur, et la preuve d’une erreur permettant l’annulation du contrat, l’absence de preuve de son caractère provoqué ne saurait empêcher ce résultat. Les rappels jurisprudentiels s’expliquent par le fait que le demandeur a tendance à privilégier le dol, en général du franchiseur, au point d’oublier (ou de faire oublier) que l’annulation est acquise dès que l’erreur est établie. Or, la preuve des manœuvres dolosive est distincte de la preuve de l’erreur, quand bien même celles-ci auraient causé celle-là : du moment qu’un contractant peut démontrer avoir eu, sans faute de sa part, la conviction que tel ou tel fait existait ou n’existait pas, alors que la réalité était contraire, il a commis une erreur qui met à bas le contrat quand bien même la cause n’en serait pas établie ; il suffit, dans ce cas, que l’erreur n’émane pas d’une faute inexcusable de celui qui en est victime et dont la vigilance minimale aurait épargné la croyance erronée.

(b) Charge de la preuve et moyens de preuve

F Une décision commentée : CA Lyon, 13 sept. 2007, Juris-Data n°344621.

(87)       C’est à celui qui soutient que son consentement a été vicié en raison de l’inexécution d’une obligation d’information de rapporter la preuve de ce vice. Ainsi que le rappelle logiquement une décision récente, la charge de la preuve du vice du consentement pèse sur le franchisé (CA Lyon, 13 sept. 2007, Juris-Data n°344621). La solution n’est pas nouvelle ; elle est consacrée de longue date – tant pour l’erreur que pour le dol – par la Cour de cassation (Cass. com., 6 déc. 2005, pourvoi n°03-20.510, inédit ; Cass. com. 14 janv. 2003, pourvoi n°01-10.120, inédit ; Cass. com., 16 mai 2000, pourvoi n°97-16.386 ; Cass. com., 10 janv. 1995, pourvoi n°92-17.892) et les juridictions du fond (CA Versailles, 20 oct. 2006, RG n°05/04972, inédit : soulignant qu’« il appartient à la société (franchisée) de rapporter le preuve d’un vice du consentement et non à la société (franchiseur) de prouver que le consentement n’a pas été vicié même si le non respect de l’obligation légale d’information était établi » ; v. aussi, CA Chambéry, 10 oct. 2006, Juris-Data n°322011 ; CA Dijon ,15 nov. 2005, RG n°04/01450, inédit ; CA Basse Terre, 20 oct. 2003, Juris-Data n°247239 ; CA Paris, 26 févr. 1996, Juris-Data n°020858 ; CA Bordeaux, 14 nov. 1994, Juris-Data n°049779 ; CA Paris, 30 juin 1994, Juris-Data n°023139).

(88)       S’agissant d’un fait juridique, le vice du consentement peut être établi par tous moyens. En particulier, le franchisé peut se référer à tous éléments, notamment ceux survenus lors de l’exécution du contrat (Selon la Cour de cassation, en effet, n’inverse pas la charge de la preuve la Cour d’appel qui, pour se prononcer sur l’existence d’un vice du consentement au moment de la formation du contrat, se fonde sur des « éléments d’appréciation postérieurs à cette date » (Cass. com., 6 déc. 2005, pourvoi n°03-20.510)).

B. La cause

F Dix décisions commentées : Cass.com., 20 mai 2008, pourvoi n°06-19.234 ;CA Nîmes, 17 avr. 2008, Juris-Data n°363533 ; T. com. Marseille, 17 mars 2008, RG n°2007/F01813, inédit ; CA Lyon, 24 janv. 2008, Juris-Data n°365835 ; Cass. com., 18 déc. 2007, pourvoi n°06-15.970, inédit ; CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit ; CA Paris, 29 nov. 2007, Juris-Data n°353808 ; CA Montpellier, 27 nov. 2007, Juris-Data n°353372 ; Cass. com., 26 juin 2007, pourvoi n°06-13.211, Juris-Data n°039825 ; CA Paris, 20 juin 2007, Juris-Data n°344968.

(89)       Le franchisé invoque parfois la nullité du contrat de franchise pour défaut de cause, objectant qu’il n’a pu bénéficier de l’une des obligations inhérentes à un tel contrat (Pour la même raison, lorsqu’un savoir-faire n’est transmis qu’à titre accessoire, le contrat de concession ne pourra pas être requalifié en contrat de franchise (Cass. com., 18 déc. 2007, pourvoi n°06-15.970, inédit) ; de même, ne constitue pas un contrat de franchise une convention simplement intitulée « contrat » qui ne contient pas l’engagement de communiquer un savoir-faire à un distributeur contractuellement qualifié de dépositaire (CA Paris, 29 nov. 2007, Juris-Data n°353808)) : la mise à disposition de signes distinctifs (marque, enseigne ou nom commercial), la transmission d’un savoir-faire, la fourniture d’une assistance technique et commerciale. Lorsque l’une de ces obligations fait défaut dans le contrat de franchise, celui-ci doit être annulé pour absence de cause, en application des articles 1108 et 1131 du Code civil (CA Montpellier, 27 nov. 2001, Juris-Data n°176699 ; CA Poitiers, 11 juin 1996, Juris-Data n°056520 ; CA Paris, 14 avr. 1995, Juris-Data n°021571 ; CA Montpellier, 8 mars 1995, Juris-Data n°034068 ; Cass. com., 9 oct. 1990, Juris-Data n°002525). Ce faisant, le juge doit se placer à la date de formation du contrat, et non de son exécution ; la Cour de cassation y veille constamment, en matière de franchise notamment (Cass. com., 26 mars 1996, pourvoi n°94-14.853, Juris-Data n°001397 ; Cass. com., 8 juill. 1997, pourvoi n°95-17.232, Juris-Data n°003631). Cela implique que le savoir-faire existe (1) et qu’il ait été transmis (2).

1) L’existence du savoir-faire

(90)       Les décisions rendues au fond (La contestation portant sur l’existence du savoir-faire échappe à la compétence du juge des référés (CA Angers, 19 juill. 2006, RG n°04/02520, inédit)), objets de la présente étude (On mettra ici de côté les décisions concernant le savoir-faire mais relatifs aux autres contrats que le contrat de franchise (v. not., CA Nîmes, 17 avr. 2008, Juris-Data n°363533 : rendu à propos d’un contrat qualifié de licence de marque et de savoir-faire)), précisent les critères d’appréciation propres à établir l’existence d’un savoir-faire et ceux qui, par nature, doivent être indifférents à cette appréciation. Ces décisions sont importantes car :

–       si, en vertu du principe de droit commun « actor incumbit probatio, reus in excipendo fit actor », la preuve de l’absence ou du manque d’originalité du savoir-faire incombe à celui qui l’invoque, cette solution doit être cependant nuancée dès lors en effet que les juridictions s’attachent à relever que des prestations ont bien été fournies au franchisé. Il n’est pas rare que le franchiseur doive apporter la preuve qu’il a transmis un concept au franchisé (Pour des hypothèses où cette preuve n’est pas rapportée, v. CA Nîmes, 14 févr. 2006, Juris-Data n°301670 ; CA Poitiers, 11 juin 1996, Juris-Data n°056520 ; Cass. com., 30 janv. 1996, pourvoi n°94-13.792 ; CA Paris, 14 avr. 1995, Juris-Data n°021571 ; CA Paris, 30 nov. 1994, Juris-Data n°024505 ; CA Paris, 11 juin 1992, Juris-Data n°022125 ; pour des hypothèses où la juridiction relève qu’un concept a bien été transmis au franchisé, v. par ex., CA Paris, 23 nov. 2006, Juris-Data n°339929 ; CA Aix-en-Provence, 30 nov. 1995, Juris-Data n°050808 ; CA Pau, 21 déc. 1994, Juris-Data n°051866 ; CA Bordeaux, 14 nov. 1994, Juris-Data n°049779 ; CA Paris, 15 sept. 1994, Juris-Data n°022528 ; CA Paris, 15 avr. 1992, Juris-Data n°021436 ; CA Aix-en-Provence, 10 janv. 1992, Juris-Data n°040560 ; CA Grenoble, 25 janv. 1989, Juris-Data n°042556), à charge pour le franchisé, ceci établi, de démontrer que ce concept ne répond pas aux caractères du savoir-faire, et notamment qu’il est dépourvu d’originalité (CA Toulouse, 4 mai 2000, Juris-Data n°122079 ; Cass. com., 6 avr. 1999, pourvoi n°96-20.048 ; CA Montpellier, 23 mai 1996, Juris-Data n°034666 ; CA Paris, 2 mars 1995, Juris-Data n°021576 ; Trib. com. Paris, 19 sept. 1994, Juris-Data n°046476 ; CA Paris, 16 avr. 1991, Juris-Data n°021700).

–       les juges du fond apprécient souverainement les éléments de preuve qui leur sont soumis pour justifier de la réalité du savoir-faire (Cass.com., 20 mai 2008, pourvoi n°06-19.234, inédit).

(91)       Ainsi qu’on l’a déjà indiqué (F.-L. Simon, Droit de la Franchise, Les Petites Affiches, n° spécial, Av. propos, V. Lamanda, 15 nov. 2007, §§. 74 et suiv.), des décisions récentes ont consacré une analyse concrète des circonstances de chaque espèce, en rappelant les critères pouvant être retenus par le juge pour apprécier l’existence du savoir-faire (CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°312420 : soulignant « que ce concept repose sur des techniques de vente empiriques fondées sur le ciblage de produits et leur adaptation à différents types de clientèle au regard de l’évolution de la mode et des saisons ainsi que sur la ‘’détection du signal achat’’ (…) »). Dans cette continuité, un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 20 juin 2007, Juris-Data n°344968) précise, s’agissant d’une franchise de services, que le savoir-faire résulte de la capacité pour le franchiseur à mettre en œuvre un concept spécifique, ce qu’établit la remise au franchisé des éléments techniques permettant d’agencer le magasin et d’exercer l’activité de vente de chaussures de sport selon le concept développé par le franchiseur.

(92)       En outre, la jurisprudence précise les critères d’appréciation que le juge doit exclure pour considérer l’existence du savoir-faire. Ainsi, un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier précise que l’originalité requise pour la constitution du savoir-faire ne doit pas nécessairement se rapporter à tous les éléments transmis par le franchiseur au franchisé (CA Montpellier, 27 nov. 2007, Juris-Data n°353372 : soulignant successivement que « certes les techniques sont connues et le dossier ne permet pas, en l’absence de test comparatif, de déterminer si l’un au moins des produits et le disque étaient originaux et d’une efficacité supérieure à ceux des concurrents autrement dénommés, une telle originalité n’étant cependant pas requise pour la validité d’un contrat de franchise » et que le franchisé « s’étant vu transmette des connaissances, schémas techniques, procédures et modes opératoires qui, globalement, permettaient de réaliser dans des conditions optimales l’objet de la franchise, l’existence du savoir-faire est contestée à tort ») ; on s’en doutait.

Il convient de rappeler également, à titre d’exemples, que la « simplicité du concept » n’est pas nature à remettre en cause l’existence du savoir-faire (CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°312420), que l’insuffisance du « succès commercial » rencontré par le franchiseur comme son « expérience limitée » au moment de la signature du contrat de franchise ne suffisent pas à établir l’absence de tout savoir-faire (CA Paris, 23 nov. 2006, RG n°03/02384, inédit) et que l’inexpérience d’un franchiseur étranger sur le territoire français (Trib. com. Paris, 28 sept. 2005, RG n°2002/055929, inédit) ne suffit pas davantage à caractériser l’absence de savoir-faire. Ces solutions doivent être approuvées : la déconvenue commerciale, l’insuccès du concept ou l’insuffisante expérience du franchiseur sont extrinsèques au savoir-faire proprement dit. De tels évènements ne sauraient donc suffire à établir l’absence de savoir-faire. L’existence et l’originalité du savoir-faire peut être aussi déduite de la reconnaissance de l’efficacité du concept par des professionnels de la franchise (CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit ; v. aussi, CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°312420)ou par la presse (CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit).

(93)       Pour autant, les juges du fond estiment dans certains cas que le savoir-faire n’existe pas. Ainsi, un arrêt rendu le 26 juin 2007 par la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre la décision des juges du fond ayant considéré que le savoir-faire du franchiseur faisait défaut, l’apport du franchiseur se bornant en l’espèce à résumer « un traité de (son secteur d’activité) » (Cass. com., 26 juin 2007, pourvoi n°06-13.211, Juris-Data n°039825). De même, un récent jugement rendu par le Tribunal de commerce de Marseille estime le savoir-faire du franchiseur trop théorique (Trib. com. Marseille, 17 mars 2008, RG n°2007/F01813, inédit).

2) La transmission du savoir-faire

(94)       On le sait, le savoir-faire peut être transmis par des formations pré-ouverture, la remise d’une bible codifiant le fonctionnement de la franchise et autres guides, des réunions et séminaires de formation post-ouverture, une assistance du franchiseur et une marque déposée à l’INPI.

Le savoir-faire n’a pas nécessairement à être transféré par écrit (CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°312420 : « la circonstance que lesdites techniques soient transférées oralement aux franchisés aux cours de stage de formation est sans influence sur la réalité du savoir-faire considéré ».). Une telle solution ne peut qu’être approuvée. Autant il paraît normal, en effet, que les informations précontractuelles prévues par les articles L.330-3 du Code de commerce et 1er du décret du 4 avril 1991 soient communiquées par écrit (v. en ce sens, CA Pau, 10 oct. 2005, Juris-Data n°291080), ces textes prévoyant expressément la remise d’un « document », autant cette exigence n’est pas requise en ce qui concerne la transmission du savoir-faire, faute de texte le prévoyant.

Une décision récente rappelle donc opportunément l’intérêt pour le franchiseur de constituer une bible du savoir-faire (CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit : soulignant, pour caractériser la réalité du savoir-faire, que le franchiseur « remettait à chaque franchisé lors de son entrée dans le réseau une bible de 180 pages identifiant ses techniques propres et abordant les thèmes les plus importants à savoir le fonctionnement du magasin, les méthodes de vente, la formation et l’assistance etc.»).

(95)       La transmission du savoir-faire implique le plus souvent que la marque ait été enregistrée à l’INPI avant la signature du contrat de franchise.

Lorsque tel n’est pas le cas, la Cour de cassation (Cass. com., 19 oct. 1999, pourvoi n°97-19.185, inédit) et les juridictions du fond (CA Limoges, 2 mars 2006, Juris-Data n°308976) retiennent que le contrat de franchise doit être annulé pour absence de cause. En revanche, le contrat est toujours valable lorsque la marqua a été enregistrée avant la conclusion du contrat de franchise (CA Versailles, 20 oct. 2006, RG n°05/04972, inédit) ; la solution n’est pas nouvelle (v. par exemple, CA Paris, 15 sept. 1994, Juris-Data n°022528). A cet égard, il nous faut indiquer que si, au moment où le contrat de franchise est conclu, le franchiseur a seulement procédé au « dépôt » (le dépôt de la demande d’enregistrement est l’acte par lequel le déposant forme auprès de l’INPI une demande d’enregistrement du signe distinctif. Cette demande fait l’objet d’un examen par les services de l’INPI, à l’issu duquel la marque est enregistrée) de la marque et non pas à son « enregistrement » (l’enregistrement de la marque par l’INPI est l’acte juridique par lequel l’administration confère un titre au déposant. L’enregistrement produit ses effets à compter du jour du dépôt de la demande), un tel contrat pourrait encourir la nullité, puisqu’au moment de sa formation, un élément essentiel, le droit sur la marque, fait encore défaut (en effet, aux termes de l’article L. 712-1 du CPI, la propriété s’acquiert par l’enregistrement, ce dernier produisant effet à compter de la date de dépôt de la demande). La prudence recommanderait alors, à tout le moins (la plus grande prudence consisterait sans doute à attendre l’enregistrement de la marque pour signer le contrat), soit de prévoir une condition suspensive tenant à la bonne fin de la procédure d’enregistrement auprès de l’INPI, soit, de manière plus radicale, d’exclure expressément la marque des motifs constituant la cause impulsive et déterminante de la volonté du partenaire franchisé de contracter (Quoiqu’il s’agisse d’une hypothèse peu fréquente en pratique, le franchiseur peut concéder au franchisé un droit de jouissance ne portant que sur des signes distinctifs autres que la marque).

(96)       Quel que soit le mode de transmission du savoir-faire, il appartient au franchiseur, débiteur de l’obligation, de prouver par tous moyens avoir transmis son savoir-faire au franchisé, ainsi que le rappelle une décision récente (CA Lyon, 24 janv. 2008, Juris-Data n°365835 ; v. aussi, CA Nîmes, 14 févr. 2006, Juris-Data n°301670). A défaut, le contrat de franchise serait privé de cause.

(97)       L’on rappellera enfin que, conformément au droit commun, l’absence de cause affectant un contrat n’est protectrice que seul intérêt particulier de l’un ou l’autre des cocontractants et s’analyse comme telle en une nullité relative soumise à la prescription quinquennale du premier alinéa de l’article 1304 du Code civil (CA Dijon, 24 mai 2007, Juris-Data n°335093 ; Cass. civ. 3ème, 29 mars 2006, Bull. civ. III, n°88, 032919).

L'exécution du contrat de franchise

(98)  Les décisions faisant l’objet de notre étude permettent d’envisager l’exécution du contrat de franchise dans ses deux aspects essentiels : les relations entre les parties (I) et celles entretenues par celles-ci avec les tiers (II).

I. Les relations entre les parties

(99)  Il convient de distinguer les obligations du franchiseur (A) de celles du franchisé (B).

A. Les obligations du franchiseur

(100)         L’actualité jurisprudentielle permet de revenir sur certaines des obligations incombant au franchiseur en matière d’assistance (1), d’approvisionnement (2), d’exclusivité territoriale (3), de publicité et de développement du réseau (4), et enfin de renégociation du contrat (5).

1. L’obligation d’assistance

FDeux décisions commentées : CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit ; CA Douai, 6 sept. 2007, RG n°06/01777, inédit.

(101)        L’obligation d’assistance est l’une des obligations relevant de l’essence du contrat de franchise : l’assistance apportée au franchisé par le franchiseur fait en effet partie de la définition même de ce contrat ; aussi cette obligation est-elle souvent évoquée par le franchisé dans le cadre des litiges opposant les contractants, et la jurisprudence a-t-elle eu en maintes occasions l’opportunité d’en préciser les contours.

Un récent arrêt de la Cour d’appel de Douai (CA Douai, 6 sept. 2007, RG n°06/01777, inédit)s’inscrit dans ce cadre. Si cet arrêt rappelle les caractères aujourd’hui classiques de l’obligation d’assistance, il se démarque du courant jurisprudentiel habituel à deux égards.

(102)        S’agissant du rappel des caractères classiques de l’assistance, la Cour met l’accent, conformément à la jurisprudence antérieure, sur la nature d’obligation à exécution successive de ce devoir : elle rappelle en effet que celui-ci incombe au franchiseur « pendant toute la durée du contrat ». Il convient cependant de préciser que l’assistance due par le franchiseur au franchisé n’est pas une aide continue et permanente, comme le laisse penser l’expression de la cour, mais est délivrée de façon ponctuelle. Le franchiseur n’a en effet pas l’obligation, sauf exception et notamment dans les premiers jours de l’installation du franchisé, d’être quotidiennement aux côtés du franchisé qui reste un commerçant indépendant.

La Cour rappelle dans un deuxième temps les deux principaux domaines de l’assistance faisant l’objet de l’obligation du franchiseur : d’une part, l’actualisation du savoir-faire et, d’autre part, l’aide apportée au franchisé rencontrant des difficultés. L’arrêt précise à ce titre que le franchiseur averti des difficultés rencontrées par le franchisé dans le cadre de la mise à jour du savoir-faire doit l’assister dans la recherche de solutions.

(103)        Dans tout ce qui précède, la décision de la Cour d’appel de Douai est conforme à la jurisprudence antérieure. D’autres éléments de l’arrêt s’en démarquent au contraire singulièrement.

C’est le cas, en premier lieu, du fondement donné par la Cour à l’obligation d’assistance : celle-ci découlerait de l’ « exigence de réussite commerciale pendant toute la durée du contrat » qui pèserait, aux dires de la Cour, sur le franchiseur. Or, si le principe de la franchise repose sur la réitération par le franchisé d’une réussite commerciale obtenue par le franchiseur, la réussite commerciale du franchisé n’est en aucun cas une obligation du franchiseur ; l’obligation du franchiseur est limitée pour l’essentiel, à transmettre au franchisé des moyens susceptibles de reproduire ladite réussite : savoir-faire, assistance et signes distinctifs attracteurs de clientèle. Lorsque ces éléments ont été effectivement apportés par le franchiseur, le franchisé est seul responsable de son éventuel échec, ainsi que le souligne régulièrement la jurisprudence (v. par ex. CA Aix-en-Provence, 6 nov. 2002, Juris-Data n°200803 ; Trib. com. Paris, 5 nov. 2002, Juris-Data n°199793 ; CA Paris, 28 juin 2002, Juris-Data n°188814 ; CA Douai, 5 déc. 1991, Juris-Data n°052196).

La décision de la Cour d’appel de Douai suscite, en second lieu, l’étonnement par l’étendue remarquable qu’elle donne à l’obligation d’assistance pesant sur le franchiseur lorsque le franchisé subit des difficultés. Ainsi, le franchiseur aurait, selon la Cour, l’obligation de vérifier que l’actualisation du savoir-faire a été convenablement réalisée par le franchisé ; or, il semble légitime qu’il appartienne au franchisé subissant des difficultés d’en avertir le franchiseur. En outre, la Cour indique que l’obligation d’assistance du franchisé peut aller jusqu’à « une modification des éléments de la franchise qui apparaîtraient inadaptés, voire en mettant fin au contrat pour tenir compte de l’insuffisance de son offre de savoir-faire ». Il incombe certes au franchiseur d’adapter son savoir-faire originel au contexte économique, au goût du jour et aux progrès technologiques ; néanmoins, l’exigence de la modification du savoir-faire n’apparaît que lorsque ce dernier est inadapté à la réussite commerciale de façon générale et non à un franchisé particulier. Par ailleurs, il est contraire à l’article 1134 du Code civil d’imposer à une partie de mettre fin avant terme à une convention légalement formée.

(104)        Par ailleurs, un arrêt rendu par la Cour d’appel de Toulouse (CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit)donne un exemple des modalités de preuve de l’apport de l’assistance apportée au franchisé. Ce dernier reprochait en l’espèce au franchiseur de n’avoir pas cherché à améliorer le savoir-faire. La preuve contraire est apportée par « les très nombreux courriers » adressés par le franchiseur au franchisé établissant non seulement que le franchiseur cherchait à faire évoluer et à améliorer son concept, mais apportait également une formation continue à ses franchisés et effectuait des visites de contrôle.

2. L’obligation d’approvisionnement

FSept décisions commentées : CA Paris, 2 avr. 2008, Juris-Data n°364977 ; CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit ; CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit ; Cass. com., 4 déc. 2007, Juris-Data n°041853 ; CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, n°05/07688 et n°05/07685 (trois arrêts inédits).

(105)        Le franchiseur peut exercer une fonction de centrale d’achats ; dans ce cas, il est fréquent que le franchisé s’engage à s’approvisionner auprès du franchiseur, ce qui constitue alors, dans de nombreuses hypothèses, une obligation essentielle du contrat de franchise. Le franchiseur s’engage alors souvent à approvisionner le franchisé ; dans ce cadre, le franchiseur engage sa responsabilité lorsqu’il manque à son obligation totalement ou partiellement (CA Paris, 2 avr. 2008, Juris-Data n°364977), lorsque l’approvisionnement est réalisé avec des retards répétés ou importants, ou lorsque les produits livrés sont de mauvaise qualité.

Il est recommandé de préciser contractuellement les contours de l’obligation d’approvisionnement mise à la charge du franchiseur, notamment quant aux produits concernés par cette obligation, et aux délais de livraison. Deux arrêts rendus par la Cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit ; CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, inédit) offrent une illustration de l’opportunité de telles prévisions : dans les deux espèces, le franchiseur se voyait reprocher par son franchisé des retards dans l’approvisionnement et des produits manquants. Or, le contrat stipulait dans les deux espèces que les délais mentionnés l’étaient à titre indicatif ; la responsabilité du franchiseur ne pouvait donc être engagée de ce fait. La responsabilité du franchiseur fondée sur les produits manquants est également écartée : dans la première espèce, le contrat précisait que l’obligation portait « sur les seuls produits du franchiseur » (CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit), alors que les produits manquants concernaient presqu’exclusivement des produits n’appartenant pas à cette catégorie ; dans la seconde espèce (CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, inédit), la Cour d’appel de Lyon a déduit de « la multiplicité et de la variété du nombre des produits mis en vente, [de] la propre dépendance du franchiseur vis-à-vis de ses fournisseurs, et de la brièveté du délai de 48 heures prévu au contrat » que le contrat ne pouvait mettre à la charge du franchiseur qu’une obligation de moyen.

Ces deux arrêts illustrent également l’utilité de prévoir une procédure de réclamation au profit du franchisé : lorsqu’une telle procédure est prévue, le franchisé est tenu de la mettre en œuvre, faute de quoi il est mal venu à se plaindre de manquements du franchiseur.

La Cour d’appel de Lyon a également précisé, par une série d’arrêts (CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, n°05/07688 et n°05/07685 (trois arrêts inédits)), qu’à moins que certaines conditions, tenant notamment à l’obligation que pourrait prendre le franchiseur de rendre des comptes sur les négociations menées avec ses fournisseurs, le franchiseur agissait en tant que grossiste et non en tant que mandataire ou commissionnaire, peu important à cet égard que le contrat indique que le franchiseur « négocie pour le compte » des franchisés auprès des fournisseurs, ce qui exclut que les franchisés aient droit, en l’absence de clause contraire, à un droit de reversement des avantages consentis par les fournisseurs.

La détermination des obligations du franchiseur en matière d’approvisionnement permet également de légitimer l’approvisionnement du franchisé subissant des difficultés financières. En effet, dans une espèce où le franchisé en situation déficitaire reprochait au franchiseur d’avoir poursuivi les approvisionnements, la Cour de cassation a approuvé la cour d’appel d’avoir rejeté la demande de réparation du franchisée fondée sur un prétendu soutien abusif ; les juges du fond avaient en effet relevé que la situation correspondait à l’exécution normale du contrat d’approvisionnement et non à un soutien exceptionnel non prévu au contrat (Cass. com., 4 déc. 2007, n°06-19.316, Juris-Data n°041853).

(106)        Dans le cadre de la mise en œuvre de la clause d’approvisionnement, le franchiseur, à qui est reconnu le droit de fixer unilatéralement le prix des produits, doit s’abstenir de commettre un abus à l’occasion de cette fixation (Cass. A. P., 1er déc. 1995, Bull. civ. A. P. n°8). Il appartient au franchisé de prouver l’abus dont il se prévaut. La Cour d’appel de Toulouse a récemment rappelé ce principe (CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit). En l’espèce, la Cour soulignait que le franchisé qui prétendait que le franchiseur pratiquait des prix abusivement élevés n’avait pas rempli l’obligation qui lui était faite de proposer au franchiseur d’inscrire dans la liste des fournisseurs agréés des fournisseurs moins chers s’il en découvrait, et ne pouvait donc se prévaloir de tarifs plus intéressants. En outre, la Cour estimait que, faute d’être tenu par une clause d’approvisionnement exclusif, le franchisé ne pouvait se plaindre d’un abus dans la fixation du prix, ayant la liberté de s’adresser à d’autres fournisseurs. La Cour indiquait par ailleurs que la preuve d’un prix abusivement élevé ne pourrait ressortir que d’« une comparaison de prix portant sur un même produit, de même qualité, vendu en même quantité à un instant T ».

3. L’obligation d’exclusivité territoriale

FCinq décisions commentées : CA Paris, 28 févr. 2008, Juris-Data n°361041 ; CA Toulouse, 11 déc. 2007, Juris-Data n°364023 ; Trib. com. Paris, 9 nov. 2007, Juris-Data n°364073 ; CA Toulouse, 25 oct. 2007, RG n°07/04795, inédit ; Cass. com., 9 oct. 2007, pourvoi n°05-14.118, Juris-Data n°040801.

(107)        Par la clause d’exclusivité territoriale, le franchiseur s’interdit, dans un territoire s’étendant aux alentours du point de vente du franchisé et contractuellement défini, de fournir certaines prestations, également contractuellement définies, à des tiers. Le franchisé est ainsi assuré d’avoir le monopole desdites prestations dans les environs immédiats de son établissement. Il existe essentiellement trois types d’exclusivité en matière de franchise : l’exclusivité de fournitures, par laquelle le franchisé est le seul à être approvisionné par le franchiseur dans le territoire délimité ; l’exclusivité d’enseigne, par laquelle le franchiseur s’interdit d’implanter un autre magasin dans la zone concédée ; l’exclusivité de marque, qui garantit au franchisé d’être le seul à pouvoir utiliser les signes distinctifs du franchiseur sur le territoire considéré. Si les parties en conviennent, ces différents types d’exclusivité peuvent être cumulés (CA Paris, 28 févr. 2008, Juris-Data n°361041 : exclusivité de franchise et de fourniture).

(108)        Bien que souvent indispensable à la rentabilité du commerce du franchisé, la clause d’exclusivité territoriale ne relève pas de l’essence du contrat de franchise. Aussi, doit-elle être stipulée, sauf à laisser au franchiseur toute liberté de concéder des franchises à des commerçants s’installant à proximité immédiate du franchisé, ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt récent (Cass. com., 9 oct. 2007, pourvoi n°05-14.118, Juris-Data n°040801). En l’espèce, le liquidateur judiciaire du franchisé reprochait à la cour d’appel de n’avoir pas recherché si le non respect des quotas contractuels par le franchisé n’était pas imputable au franchiseur qui avait implanté d’autres établissements à proximité de ses points de vente. Or, la cour d’appel ayant constaté que le franchiseur n’avait pas l’obligation de garantir une exclusivité au franchisé, sa décision n’encourait pas le grief.

(109)        Lorsque la zone d’exclusivité territoriale correspond à une agglomération dont les contours ont été modifiés depuis la signature du contrat, le juge se place au jour de la signature du contrat pour apprécier l’étendue dudit territoire exclusif (CA Toulouse, 25 oct. 2007, RG n°07/04795, inédit).

(110)        La fin de l’année 2007 a vu paraître l’arrêt rendu sur renvoi après l’un des fameux arrêts de Cour de cassation du 14 mars 2006 (Cass. com., 14 mars 2006 (3 arrêts), pourvoi n°03-14.639, Bull. Civ. IV n°65, JCP E 2006, n°231902, p. 1012 ; D. 2006, n°2, p. 1901 ; Gaz. Pal. 20 juill. 2006 n°201, p.37 ; pourvoi n°03-14.316, Juris-Data n°032759 et pourvoi n°03-14.640, inédit), concernant l’impact du site Internet marchand du franchiseur sur l’exclusivité territoriale consentie au franchisé. On se souvient que la Cour d’appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 26 févr. 2003, Juris-Data n°217863 et 217893) avait considéré que l’ouverture d’un tel site constituait une violation de ladite exclusivité territoriale ; ces arrêts avaient été cassés au motif que « la création d’un site Internet n’est pas assimilable à l’implantation d’un point de vente dans le secteur protégé » (Rappelons que l’exclusivité consentie était une exclusivité de franchise et non de fourniture). La Cour d’appel de Toulouse (CA Toulouse, 11 déc. 2007, Juris-Data n°364023), adoptant la position de la Cour de cassation, décide que « le franchiseur s’[était] seulement interdit d’autoriser l’ouverture d’un autre point de vente « le Jardin des fleurs » sur le territoire d’exclusivité concédé au franchisé et que la création d’un site internet n’est pas assimilable à l’implantation d’un point de vente dans un secteur protégé ».

La Cour ajoute que l’ouverture du site litigieux ne constituait pas un manquement du franchiseur à son obligation générale de bonne foi. En effet, la Cour relève que les franchisés avaient été avertis de cette ouverture. Par ailleurs, la Cour souligne que, si les franchisés n’avaient dans un premier temps tiré aucun profit du site qu’ils contribuaient à financer, le franchiseur les avait avertis qu’il cherchait à fixer la commission qui leur serait reversée, et que la mise en place d’un tel système ne pouvait se faire du jour au lendemain ; cette commission avait d’ailleurs été fixée et acceptée moins de deux ans après l’ouverture du site. La Cour relève ainsi que l’ouverture du site s’est faite en toute transparence et dans l’intérêt du réseau et non du seul franchiseur. Enfin, la Cour a mis l’accent sur le caractère indispensable de l’ouverture d’un site Internet marchand pour faire face à la concurrence.

(111)        Lorsque le contrat stipule une obligation d’exclusivité territoriale à la charge du franchiseur, la violation de cette clause entraîne, selon qu’elle soit bénigne et occasionnelle ou au contraire grave ou répétée, la réparation du préjudice ou la résiliation du contrat, l’une n’étant pas exclusive de l’autre. Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 28 févr. 2008, Juris-Data n°361041) illustre ce qui constitue « une violation flagrante de l’obligation d’exclusivité territoriale » entraînant, en raison de sa gravité, la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur. Le contrat prévoyait en l’espèce une exclusivité de franchise et de fourniture au profit du franchisé, et ne mentionnait aucun magasin commercialisant les produits du franchiseur dans la zone concédée en exclusivité. Un message publicitaire mentionnant que les produits du franchiseur étaient commercialisés dans les boutiques situées au sein de cette zone a pourtant été diffusé, et un constat d’huissier en avait confirmé la véracité.

Le Tribunal de commerce de Paris a précisé que, lorsque des discussions en vue de mettre fin au contrat de franchise sont en cours entre les parties, le franchiseur ne commet pas de faute en entrant en pourparler avec un tiers pour la conclusion d’un contrat de franchise portant sur la zone consentie en exclusivité (Trib. com. Paris, 9 nov. 2007, Juris-Data n°364073).

4. Les obligations relatives à la publicité et au développement du réseau

FDeux décisions commentées : CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit ; CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit.

(112)        L’obligation du franchiseur de transmettre au franchisé des signes distinctifs et attractifs de clientèle, telle qu’une marque et une enseigne, a pour corollaire celle d’entretenir voire de développer la notoriété desdits signes distinctifs et du réseau. La jurisprudence récente permet de préciser l’étendue des obligations du franchiseur au regard de cette notoriété. Celle-ci dépend en effet non seulement des campagnes publicitaires effectuées par le franchiseur et les franchisés, mais également de l’étendue du réseau lui-même : la présence d’établissements portant la même enseigne dans de nombreux territoires développe la reconnaissance de ladite enseigne par la clientèle. Il n’est pas rare en conséquence que les franchisés cherchent à faire constater aux juridictions que pèse sur le franchiseur une obligation de maintenir, voire de développer le réseau.

Ainsi que l’illustre un arrêt de la Cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit), la jurisprudence rejette cependant ce type d’argumentation, à moins que le contrat lui-même ne mette une telle obligation à la charge du franchiseur. En l’espèce, un article paru dans la presse avait annoncé que le franchiseur procèderait à 60 à 80 ouvertures annuelles ; le franchisé reprochait au franchiseur de ne pas s’être tenu à cet engagement. La Cour d’appel, constatant que cette obligation ne figurait pas au contrat, dont le contenu ne pouvait être modifié par l’article de presse, ne fait pas droit à la demande formulée par le franchisé.

(113)        Afin d’effectuer la publicité du réseau, il est fréquent que le franchiseur prélève une redevance spécifique auprès de ses franchisés. Le contrat peut prévoir les modalités de répartition de cette redevance, par exemple, entre la publicité régionale et la publicité nationale. Le franchiseur ne peut en aucun cas modifier unilatéralement l’affectation de la redevance publicitaire. La Cour d’appel de Toulouse a rappelé à ce titre que la charge de la preuve incombait au franchisé prétendant que le franchiseur utilise la redevance publicitaire à d’autres fins qu’à celle de la communication (CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit).

5. L’obligation de renégocier le contrat

FUne décision commentée : T. com. Bobigny, 29 janv. 2008, R.G. n°2007/F00373, inédit.

(114)        La force obligatoire des conventions légalement formées, principe fondamental du droit des contrats énoncé par l’article 1134 alinéa 1er du Code civil, ainsi que le rejet traditionnel (v. par ex. Cass. civ,. 6 mars 1876, DP 1876, 1, Jur. p. 193) de la théorie de l’imprévision, s’opposent à l’obligation qui pourrait être mise à la charge d’une partie par le juge, en l’absence de toute clause en ce sens, de renégocier un contrat en cours d’exécution.

Un jugement du Tribunal de commerce de Bobigny (Trib. com., Bobigny, 29 janv. 2008, RG n°2007/F00373, inédit), ne concernant pas directement le contrat de franchise mais aisément transposable à la matière, a néanmoins inséré un doute sur la question. Dans cette espèce, le litige opposait un voyagiste à l’association regroupant ses agents et mandataires exclusifs. Entre autres griefs, il était reproché à la tête de réseau d’avoir profité du silence du contrat pour créer un site Internet marchand par lequel il exerçait l’activité de vente de billets d’avion qui, générant près de 20% de son CA, était pour partie concurrente de celle ses agents et mandataires. Ceux-ci ne percevaient aucune rémunération, alors qu’ils se trouvaient de surcroît dans l’obligation d’assurer gratuitement le service après-vente correspondant à cette activité. Le Tribunal de commerce de Bobigny, tout en rappelant qu’aucune obligation n’existe de renégocier le contrat en droit, et que la théorie de l’imprévision ne trouve pas application en droit privé des contrats, estime que manque à l’obligation d’exécuter les contrats de bonne foi le chef de réseau qui, par ses actions délibérées, cause un préjudice à ses agents commerciaux en raison notamment de la situation de dépendance dans laquelle ils se trouvent. En conséquence, le Tribunal décide que le contrat continue à s’appliquer dans son état actuel jusqu’à ce que les parties parviennent à trouver un accord sur sa modification avec l’aide éventuelle d’un conciliateur que le Tribunal se déclare disposé à nommer à la demande d’une partie.

Cette décision, rendue dans une espèce très particulière (les juges mettent en particulier l’accent sur « l’esprit coopératif et quasi amical, reposant sur des relations personnelles » ayant animé le fondateur du réseau, et dont ses successeurs, en créant le site Internet litigieux, se seraient détournés), ne peut être généralisée.

Quelques principes méritent donc d’être rappelés à la lumière du droit positif.

(115)        En effet, par ses arrêts Huard et Chevassus-Marche, la Cour de cassation a érigé une obligation de renégociation en cas de changement imprévu de circonstances économiques lorsque l’un des contractants fait preuve de mauvaise foi lors de l’exécution du contrat. Dans l’arrêt Huard (Cass. com., 3 nov. 1992, Bull. civ. IV, n°338 ; JCP G 1993, II, 22164 note G.-J. Virassamy ; RTD civ. 1993, p. 124, n°7, obs. J. Mestre ; Defrénois 1993, p. 1377, obs. J.-L. Aubert ; D. 1995, Somm. p. 85, obs. D. Ferrier ; Juris-Data n°002431), la Cour de cassation avait condamné le comportement déloyal d’une compagnie pétrolière, qui imposait à l’un de ses distributeurs des prix d’achat très supérieurs aux prix de revente que parvenaient à pratiquer les autres contractants de la compagnie, bénéficiant ainsi d’un statut nettement plus favorable. En l’espèce, la Cour de cassation avait justement considéré qu’en privant son distributeur « des moyens de pratiquer des prix concurrentiels », la société « n’avait pas exécuté le contrat de bonne foi ». Dans l’arrêt Chevassus-Marche (Cass. com., 24 nov. 1998, RTD civ. 1999, p. 98, obs. J. Mestre et 646, obs. P.-Y. Gautier ; Defrénois, 1999, p. 371, obs. D. Mazeaud ; JCP 1999, I, 143, obs. Ch. Jamin ; D. 1999, IR p.9 ; Contrats, conc., consomm. 1999, Comm. n°56, obs. M. Malaurie-Vignal ; Juris-Data n°004489), les données du litige étaient somme toute assez proches de celles de l’arrêt Huard. En l’espèce, un agent commercial se plaignait de la très vive concurrence à laquelle il se trouvait confronté, notamment de la part de centrales d’achat qui se fournissaient directement auprès de ses mandants. La chambre commerciale casse l’arrêt ayant débouté l’agent infortuné, au motif que les juges du fond auraient dû rechercher si les sociétés avaient pris « des mesures concrètes pour permettre à leur mandataire de pratiquer des prix concurrentiels »(La Cour de cassation se fonde sur l’article 4 de la loi n°91-593 du 25 juin 1991, selon lequel « les rapports entre l’agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté »).

Ainsi, par ces deux arrêts, il s’est agit de sanctionner « la mauvaise foi d’un contractant qui refuse obstinément d’aider son cocontractant à sortir de l’impasse économique qu’il a largement contribué à provoquer » (D. Mazeaud, note sous Cass. com., 16 mars 2004, D. 2004, p. 1754, spéc. §.8) ; autrement dit, d’imposer aux contractants une obligation de renégocier dès lors que le changement de circonstances procède d’un fait imputable à l’un des d’eux (N. Molfessis, Les exigences relatives au prix en droit des contrats, in Le contrat : questions d’actualité, Les Petites Affiches, 5 mai 2000, p. 41, spéc. n°29 : soulignant que « le contexte n’est pas celui de l’imprévision, puisque dans les deux hypothèses, loin d’être dues à des événements fortuits, les situations justifiant l’aménagement du prix avaient été le fait de l’un des contractants »), et non pas d’un événement « extérieur » à leur volonté (v. aussi, l’étude retranscrite au rapport annuel pour 2003, par laquelle un conseiller de la Cour de Cassation écrit : « l’obligation de renégocier en cas de changement de circonstances existe en tant que telle et de manière générale (…) s’explique peut-être par le souci de laisser condamner la partie dont le comportement, postérieur à la conclusion du contrat, avait contribué à en rendre l’exécution ruineuse par l’autre » (J. Cedras, liberté, égalité, contrat : le solidarisme en doctrine et devant la Cour de Cassation, spéc. II.B.2-b))).

B. Les obligations du franchisé

(116)        L’actualité jurisprudentielle invite à souligner certaines des obligations incombant au franchisé ; celles inhérentes à l’achat et à la vente des biens qu’il commercialise (1), et celles inhérentes au transfert de savoir-faire (2).

1. Les obligations inhérentes à l’achat et à la vente des produits commercialisés

(117)        Dans le cadre de la commercialisation des produits objets de la franchise, le franchisé peut être obligé d’acheter en tout ou partie auprès du franchiseur (a) ; il reste libre par suite de fixer ses prix de revente (b).

a) L’obligation relative à l’achat de produits par le franchisé

F Trois décisions commentées : CA Riom, 20 Juin 2007, Juris-Data n°340383 ; CA Versailles, 4 oct. 2007, RG n°06/03666, inédit ; CA Limoges, 28 nov. 2007, Juris-Data n°347137.

(118)        Le contrat peut comprendre une clause d’approvisionnement exclusif (CA Riom, 20 juin 2007, RG n°06/01272) ou quasi-exclusif (CA Versailles, 4 oct. 2007, RG n°06/03666, inédit) dont la méconnaissance par le franchisé justifie la résiliation du contrat. Le franchisé est évidemment tenu de régler le prix des marchandises livrées par le franchiseur en application des contrats de vente conclus avec le franchiseur en exécution des stipulations du contrat de franchise (CA Riom, 20 juin 2007, RG n°06/01272, inédit).

Ainsi que l’illustre un arrêt récent (CA Limoges, 28 nov. 2007, Juris-Data n°347137), le franchiseur peut exiger que le dirigeant de la société franchisée s’engage en tant que caution en cas de non paiement des marchandises livrées en application de la clause d’approvisionnement. En l’espèce, une procédure de redressement judiciaire ayant été ouverte à l’encontre du franchisé, la caution prétendait être déchargée de son obligation en raison d’une faute exclusive du créancier : la caution reprochait au franchiseur de n’avoir pas exercé son action en revendication en application de l’article L.621-115 du Code de commerce. La Cour d’appel, estimant que la caution, dirigeant de l’entreprise, avait nécessairement accepté que le franchiseur n’exerce pas ce droit, qui aurait eu pour effet de priver la société franchisée d’une partie de son stock et de compromettre ses chances de redressement, en a conclu que le défaut d’exercice de l’action en revendication n’était pas exclusivement imputable au franchiseur. Par ailleurs, la Cour souligne que la caution ne subissait aucun préjudice issu de ce défaut d’action, le contrat lui faisant interdiction de se prévaloir de toute subrogation qui aurait pour résultat de la faire venir en concours avec le créancier tant que ce dernier n’aurait pas été désintéressé par la totalité des sommes qui lui seraient dues.

(119)        Les clauses d’approvisionnement (exclusif ou quasi-exclusif) se rencontrent souvent en matière de franchise ; il n’existe pas en droit communautaire de texte interdisant, par principe, la clause d’exclusivité d’approvisionnement ; le droit français, quant à lui, s’est contenté d’organiser l’information précontractuelle du débiteur de l’obligation (C. com., art. L.330-3) et de limiter sa durée à dix ans (C. com., art. L.330 -1 et L.330-2). Le droit communautaire puis les autorités nationales ont toutefois décidé d’en limiter la portée, la clause d’exclusivité constituant une entrave au libre jeu de la concurrence.

L’arrêt Pronuptia rendu par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE, 28 janv. 1986, Pronuptia de Paris MmbH c/ Pronuptia de Paris Irmgard Schillgalis, aff. 161/84 : « grâce au contrôle exercé par le franchiseur sur l’assortiment offert par le franchisé, le public pourra trouver auprès de chaque franchisé des marchandises de même qualité. Il peut être impraticable dans certains cas, comme dans le domaine des articles de mode, de formuler des spécifications objectives. Veiller au respect de ces spécifications peut également, en raison du grand nombre de franchisés, entraîner un coût trop élevé. Une clause prescrivant au franchisé de ne vendre que des produits provenant du franchiseur ou de fournisseurs sélectionnés par lui doit être considérée comme nécessaire à la protection de la réputation du réseau ») a ainsi initié ce contrôle. Cette solution a été reprise dans une grande mesure par le règlement n°4087/88 du 30 novembre 1988 (L’article 3.1 dudit règlement énonce que les obligations de « vendre ou utiliser dans le cadre de la prestation de services, des produits fabriqués seulement par le franchiseur ou par des tiers désignés par lui, lorsqu’il n’est pas possible en pratique, en raison de la nature des produits qui font l’objet de la franchise, d’appliquer des spécifications objectives de qualité » ne fait pas obstacle à l’exemption prévue par l’article 1, « dans la mesure où elles sont nécessaires pour protéger les droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour maintenir l’identité commune et la réputation du réseau franchisé ». Pour une étude sur cet article, v. J.-E. COCKBORNE, Les accords de franchise au regard du droit communautaire de la concurrence, RTD. eur., avr.-juin 1989, pp. 181 et suiv., spéc. pp. 206-209). Par suite, le Conseil de la concurrence et les juridictions françaises, à la suite de l’arrêt Phildar (Cass. com., Phildar, 10 janv. 1995, pourvoi n°92-17.892 ; Les Petites Affiches, 5 mai 1995 n°54, p. 13, comm. O. GAST ; v. également sur cet arrêt Y. MAROT, Franchise et approvisionnements exclusifs, Gaz. Pal. 1995, pp. 1088 et suiv.)s’inspirant de la jurisprudence et du droit dérivé communautaires, ont dégagé essentiellement deux critères permettant d’apprécier la validité d’une clause d’approvisionnement exclusif (Dans certains cas, la licéité de la clause d’approvisionnement exclusif a pu être déduite de l’avantage concurrentiel qu’elle procurait aux franchisés (Cons. conc., 11 avr. 2000, déc. n°00-D-10)).

Le premier porte sur le caractère indispensable de la clause au regard de la réitération du concept du franchiseur, de la bonne mise en œuvre du savoir-faire, lesquelles sont nécessaires au maintien et à la préservation de l’identité commune et la réputation du réseau (Il a pu être admis qu’en raison de la gamme étendue des marchandises proposées ainsi que de l’évolution constante des techniques de fabrication de celles-ci, la formulation des spécifications objectives de qualité que les franchisés pourraient eux-mêmes appliquer s’est révélée impraticable de même que la mise en place d’un contrôle effectif organisé auprès de chacun des points de vente du réseau. En conséquence, la clause d’approvisionnement exclusif a été regardée, eu égard au domaine d’activité considéré et à la nature des produits distribués, comme indispensable à la préservation de l’identité du réseau de franchise ainsi que de l’homogénéité de l’image de marque de celui-ci (Cass. com., 6 avr. 1999, Juris-Data no 001597 ; Cons. conc., 24 mai 1994, déc. n°94-D-31)). Le second exige une impossibilité pratique, en raison de la nature des produits qui font l’objet de la franchise, de définir et d’appliquer des spécifications de qualité objectives suffisamment précises (Le Conseil de la concurrence, dans sa décision du 28 mai 1996, s’est prononcé sur la conformité de la clause au regard de l’article 7 de l’ordonnance n°86-1243 du 1er déc. 1986, devenu l’article L.420-1 du Code de commerce : « un franchiseur n’est en droit d’imposer aux franchisés de s’approvisionner exclusivement auprès de sa société ou auprès des fournisseurs qu’il aura référencés qu’autant qu’il est prouvé qu’il n’est pas possible en pratique, en raison de la nature des produits qui font l’objet de la franchise, d’appliquer des spécifications de qualité objective ». En l’espèce, le franchiseur avait imposé aux franchisés de se fournir auprès de ses fournisseurs pour des caisses enregistreuses, des imprimantes d’ordinateurs et des cadeaux publicitaires. Cette clause, considérée comme trop limitative de la liberté de la concurrence, a été jugée contraire à l’article 7 de l’ordonnance. En effet, pour le Conseil « l’obligation pour les franchisés qui souhaitent ou sont tenus de procéder à l’achat de tels produits, de s’adresser aux seules entreprises désignées par le franchiseur a pu avoir pour effet de limiter la liberté commerciale des franchisés au-delà de ce qui était nécessaire au maintien de l’identité commune du réseau et de restreindre la concurrence que pouvaient se faire les franchisés situés sur là même zone de chalandise, en limitant leurs sources d’approvisionnement et les conditions de celui-ci. Par ailleurs, cette obligation a pu avoir pour effet de limiter la concurrence sur les marchés de ces produits » (Cons. conc., 28 mai 1996, déc. n°96-D-38)) ou bien d’assurer le contrôle de ces spécifications en raison, par exemple, du nombre important de références, de l’importance du réseau, de la fréquence du renouvellement des produits, et du coût élevé que représenterait pour le franchiseur un tel contrôle.

Le Conseil de la concurrence développe aujourd’hui une nouvelle approche, s’inspirant de celle qui, élaborée par la Commission européenne, a conduit à l’adoption du règlement n°2790/99 du 22 décembre 1999 (Ce règlement applicable depuis le 1er janv. 2000 aux accords de franchise remplace le règlement n°4087/88). En effet, le Conseil de la concurrence s’appui ouvertement sur les principes dégagés dans le nouveau règlement d’exemption (Le Conseil de la concurrence a pu indiquer que ledit règlement peut servir de « guide utile dans l’analyse des restrictions verticales » (Cons. conc., 21 juill. 2006, déc. n°06-D-22)) comme en atteste notamment son rapport annuel de l’année 2002 aux termes duquel il a été précisé que « les restrictions verticales, mêmes lorsqu‘elles sont examinées au regard du droit interne, doivent être analysées en tenant compte des principes énoncés par le règlement de la Commission européenne n°2790/99 du 22 décembre 1999 (…). Le règlement précité constitue, dans le cadre de l’application du droit interne, un « guide d’analyse » (…) ».

Le règlement de 1999 est beaucoup plus souple que la réglementation antérieure ; il considère que certaines pratiques sont autorisées, dès lors que l’entreprise les mettant en œuvre détient moins de 30 % du marché pertinent (l’exemption s’applique exclusivement lorsque la part de marché du fournisseur est inférieure ou égale à 30 % du marché pertinent sur lequel l’opération est réalisée). En vertu de ce texte, les clauses d’approvisionnement imposant un approvisionnement inférieur ou égal à 80% sont licites. Au-delà (le Règlement de 1999 qualifie les clauses d’approvisionnement dépassant 80% de « clauses de non-concurrence » ; en effet, la définition suivante est donnée à cette expression : « toutes obligations directes ou indirectes interdisant à l’acheteur de fabriquer, d’acheter, de vendre ou de revendre des biens ou des services qui sont en concurrence avec les biens ou les services contractuels, ou toutes obligations directes ou indirectes imposant à l’acheteur d’acquérir auprès du fournisseur ou d’une autre entreprise désignée par le fournisseur plus de 80% de ses achats annuels en biens ou en services contractuels et en biens et en services substituables sur le marché pertinent » (art. 1, pt b du règlement)), elles ne peuvent être prévues pour une durée supérieure à cinq ans ; à défaut elles constituent des « clauses noires » (appellation donnée par la doctrine et la jurisprudence aux clauses constituant des atteintes intolérables à la concurrence ; ces clauses sont prohibées de manière absolue, sans possibilité d’exemption). L’obligation d’approvisionnement exclusif doit donc être limitée à cinq ans.

(120)        Le Conseil de la concurrence a ainsi infligé à un fournisseur une amende de 300.000 € pour avoir inséré dans ses contrats de distribution sélective une clause d’approvisionnement exclusif, une telle pratique étant contraire aux articles 81 du Traité CE et L.420-1 du Code de commerce (Cons. conc., 21 juill. 2006, déc. n°06-D-22). Le Conseil qualifie cette stipulation de « clause noire » (le règlement d’exemption précise en effet que « les accords prévoyant une durée déterminée mais qui sont prorogés automatiquement à défaut d’une résiliation doivent être considérés comme conclus pour une durée indéterminée ». En l’espèce, le contrat comportant l’obligation d’approvisionnement exclusif se reconduisait tacitement à l’arrivée de son terme), de telle sorte qu’elle ne peut bénéficier de l’exemption prévue par le règlement du 22 décembre 1999. Cette décision montre qu’une attention toute particulière doit être portée à la rédaction des clauses d’approvisionnement à plus de 80 %.

(121)        Reste néanmoins que la validité de la clause d’approvisionnement exclusif ne peut être mise en cause au regard du droit interne ou communautaire de la concurrence que dans la mesure où elle est susceptible d’affecter cette concurrence. Or, en droit interne, l’article L.464-6-1 du Code de commerce (issu de l’Ordonnance n°2004-274 du 25 mars 2004) permet au Conseil de la concurrence de décider de ne pas poursuivre lorsque, entre autres, « la part de marché cumulée détenue par les entreprises ou organismes parties à l’accord ou à la pratique en cause ne dépasse pas (…) 15 % sur l’un des marchés affectés par l’accord ou la pratique lorsqu’il s’agit d’un accord ou d’une pratique entre des entreprises ou organismes qui ne sont pas concurrents existants ou potentiels sur l’un des marchés en cause ». Les clauses d’approvisionnement exclusif prévues par des entreprises ne dépassant pas ce palier pourront donc échapper au contrôle du Conseil de la concurrence.

b) Les obligations inhérentes à la vente

F Une décision commentée : CA Riom, 20 Juin 2007, Juris-Data n°340383.

(122)        L’indépendance du franchisé se manifeste notamment par la libre détermination de sa marge bénéficiaire et de ses prix de vente.

(123)        Si le franchiseur conserve la possibilité de conseiller un prix, il ne peut mettre en œuvre une politique de « prix imposés » ; outre qu’elle heurte l’exigence d’indépendance du franchisé et peut donner lieu à l’application de l’article L.781-1, 2° du Code du travail, une telle pratique est contraire aux droits nationaux (C. com., art. L.420-1) et communautaire (règlement n°2790/99 du 22 déc. 1999) de la concurrence. Précisons que sont interdits les prix minima imposés et les prix fixes imposés ; en revanche, les prix maxima imposés sont tolérés.

Il appartient au franchisé de rapporter la preuve que le franchiseur lui impose ses prix (CA Riom, 20 juin 2007, RG n°06/01272) ; une telle preuve n’est pas rapportée lorsque le franchisé ne verse au débat aucune pièce venant attester que le franchiseur aurait exigé de lui des prix imposés ou qu’il pouvait craindre des mesures de rétorsion au cas où il n’aurait pas suivi les indications du franchiseur. Pour déterminer si le prix est imposé ou non, le Conseil de la concurrence (Cons. conc., 28 mai 1996, déc. n°96-D-38 ; 24 sept. 2001, déc. n°2001-D-58) et les juridictions nationales (CA Lyon, 12 juill. 2005, Juris-Data n°292526) examinent les stipulations du contrat de franchise (α) et le comportement adopté par les parties lors de son exécution (β).

α) Les stipulations contractuelles

(124)        La Cour d’appel de Riom a rendu en la matière une décision singulière (CA Riom, 20 juin 2007, RG n°06/01272). En effet, les termes du contrat en cause laissaient entendre que les prix étaient imposés. La clause reproduite par la Cour stipulait en effet « le franchisé (…) a l’obligation de respecter les prix et les démarques imposées par le franchiseur et cela pendant toute la durée du contrat ». Ce fondant sur le motif – erroné – que seuls les prix minima sont interdits au regard du droit de la concurrence, la Cour a écarté le moyen tendant à la nullité du contrat (si en droit commun la nullité d’une clause n’entraîne celle du contrat que si elle est essentielle dans l’esprit des parties – position adoptée par le tribunal dans l’espèce étudiée – en droit de la concurrence, la clause noire, incluant la clause imposant un prix de revente, entraîne par sa seule présence la nullité du contrat la contenant. En effet, les contrats contenant de telles clauses sont exclues du champ d’application du règlement d’exemption en droit communautaire de la concurrence, et donc soumis à la nullité prévue par l’article 81§2 du traité ; or, on a vu que le Conseil de la concurrence s’inspirait ouvertement du règlement communautaire dans l’interprétation du droit interne. Rappelons cependant que la nullité, sanction des pratiques anticoncurrentielles prévue par les textes internes et communautaires, n’est prononcée en réalité que par les juridictions internes. La sanction en cas de clause de prix imposés dépend donc de l’adoption, ou non, par ces juridictions, de la politique d’interprétation du droit interne adoptée par le Conseil de la concurrence), alors même que la clause paraissait imposer un prix fixe. A l’appui de cette décision, la Cour souligne que l’obligation mise à la charge du franchisé « n’était assortie d’aucune sanction, d’aucune clause pénale ni même d’aucune contrainte ou menace de rétorsion directe ou indirecte ». La Cour, ayant ainsi curieusement constaté que rien ne permettait dans le contrat d’affirmer que ce dernier imposait au franchisé de prix minima, s’est ensuite attachée à analyser le comportement des parties.

β) Le comportement des parties lors de l’exécution du contrat

(125)        Cette démarche s’inscrit dans le courant actuel de la jurisprudence. En effet, lorsque le contrat de franchise n’impose pas au franchisé, directement ou indirectement, de suivre une politique de prix, les juridictions du fond s’attachent néanmoins à examiner le comportement des parties pendant l’exécution du contrat. La Cour de justice des Communautés européennes se livre à la même analyse (CJCE, 13 juill. 2006, aff. C-74/04 P).

(126)        Analysant les courriers adressés par le franchiseur au franchisé, la Cour constate que seuls des reproches tenant à la majoration des prix de vente ont été formulés, et que si ces reproches étaient accompagnés de menaces, celles-ci étaient vagues et « manifestement de circonstance », et n’avaient reçu aucune suite. La Cour, après avoir estimé en conséquence que les éléments apportés par le franchisé ne suffisaient pas à caractériser une pratique de prix minima imposés, a relevé que la pratique qu’elle qualifie dès lors de « prix conseillés » n’allait pas au-delà de ce qui était indispensable pour préserver l’identité et la réputation du réseau.

(127)        La jurisprudence antérieure a donné plusieurs exemples de pratiques permettant de caractériser la pratique des prix imposés. Le premier consiste pour le franchiseur à procéder au pré-enregistrement des prix sur des caisses enregistreuses. Le Conseil de la concurrence(Cons. conc., 6 juill. 1999, déc. n°99-D-49) considère que les systèmes informatisés de facturation ne sont pas contraires à l’article L.420-1 du Code de commerce lorsqu’il est établi que le logiciel n’était pas programmé de telle sorte qu’il était impossible à un franchisé de procéder à une tarification différente du tarif préenregistré. Par le deuxième, proche du précédent, le franchiseur pré-étiquette les marchandises fournies au franchisé, qui peut ainsi se voir contraint de suivre la tarification. Un tel procédé ne constitue une pratique prohibée que si le franchisé ne dispose pas de la possibilité de modifier les prix préconisés par le franchiseur(CA Paris, 7 mai 2002, Juris-Data n°212444). En effet, lorsque le changement d’étiquetage implique un travail important représentant un coût pour le franchisé de nature à le dissuader d’y procéder(Cons. conc., 28 mai 1996, déc. n°96-D-36), alors la pratique est sanctionnée. À l’inverse, elle ne l’est pas s’il est loisible au franchisé de fixer ses prix de revente à un autre niveau et de réaliser l’étiquetage correspondant(CA Lyon, 12 juill. 2005, Juris-Data n°292526). Une autre pratique enfin consiste pour le franchiseur à engager des campagnes publicitaires mentionnant une tarification.

Selon le Conseil de la concurrence, est prohibée la pratique qui consiste à procéder à des campagnes publicitaires imposant aux franchisés de pratiquer les prix annoncés(Cons. conc., 28 mai 1996, déc. n°96-D-36).  Il faut noter également que constitue un indice de l’existence de prix imposés, les contrôles opérés par le fournisseur(Cons. conc., 21 juill. 2006, déc. n°06-D-22). Ceux-ci ne suffisent pas à caractériser l’infraction, mais ils peuvent être corroborés par d’autres éléments, tels que notamment l’existence de sanctions infligées aux distributeurs réfractaires(Cons. conc., 7 déc. 2006, déc. n°06-D-37).

Toute sanction peut être évitée en apposant pour chaque campagne la mention « prix maximums conseillés », laquelle permet au franchiseur de conduire une opération nationale, tout en laissant les franchisés, commerçants indépendants, libres dans la fixation de leur prix de vente(CA Lyon, 12 juill. 2005, Juris-Data n°292526).

2. Les obligations inhérentes à la transmission du savoir-faire

(128)        Le savoir-faire du franchiseur emporte l’obligation pour le franchisé de respecter le concept (a) et l’obligation de non-concurrence (b).

a) Le respect du concept

F Une décision commentée : CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit.

(129)        L’exploitation par le franchisé du savoir-faire du franchiseur est la finalité première du contrat de franchise ; il s’agit naturellement, tout comme la transmission du savoir-faire par le franchiseur, d’une obligation essentielle du contrat, sanctionnée en cas de non-respect significatif par la résiliation de ce dernier(CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit). Afin de s’assurer du respect du savoir-faire par le franchisé, le contrat de franchise prévoit de façon générale que le franchiseur effectue des visites de contrôle dans l’établissement du franchisé. La Cour d’appel de Toulouse a rappelé que le fait pour le franchisé de se soustraire à ces visites était constitutif d’une faute(CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit).

b) L’engagement de non-concurrence durant l’exécution du contrat

F Deux décisions commentées : CA Caen, 6 mars 2008, Juris-Data n°366373 ; CA Rennes, 23 oct. 2007, Juris-Data n°367061

(130)        Le contrat de franchise renferme souvent une obligation de non-concurrence applicable pendant la durée du contrat et destinée à protéger le savoir-faire.  La violation de cette obligation par le franchisé entraîne sa responsabilité contractuelle ; conformément au droit commun, le franchiseur ne pourra obtenir réparation en vertu de la faute du franchisé que s’il prouve qu’il a subi un préjudice de ce fait(CA Caen, 6 mars 2008, Juris-Data n°366373). Il semble ressortir de l’exigence de bonne foi dans l’exécution des conventions, imposée par l’article 1134 alinéa 3 du Code civil, que l’obligation de non-concurrence doive s’imposer au franchisé même en l’absence d’une clause expresse en ce sens.

(131)        Contrairement aux clauses de non-concurrence post-contractuelles, les clauses de non-concurrence applicables pendant la durée du contrat ne sont pas soumises à des conditions de validité particulières. Leur légitimité, eu égard à la protection du savoir-faire, est en effet indubitable. Elles sont ainsi présumées valables en droit communautaire(Selon les Lignes directrices sur les restrictions verticales, texte certes dépourvu de force obligatoire mais permettant d’interpréter le Règlement d’exemption n°2790/99 du 22 décembre 1999, ces clauses sont présumées valables).

On notera pour autant qu’une cour d’appel(CA Rennes, 23 oct. 2007, Juris-Data n°367061) a cependant estimé nécessaire de soumettre la validité d’une telle clause à la démonstration de son caractère indispensable au maintien de l’identité commune et de la réputation du réseau. Ce critère est emprunté aux conditions de validité des clauses de non-concurrence post-contractuelles. Ce caractère indispensable a été démontré en l’espèce : la réalité du savoir-faire transmis étant constatée, la cour relève que son importance et celle de la réussite de l’entreprise franchisée pour la réputation de l’ensemble du réseau et donc pour le franchiseur, « justifie que ce dernier soit en mesure de s’assurer d’une part que le franchisé aura la disponibilité nécessaire pour s’investir entièrement dans le succès de son magasin, et d’autre part qu’il lui restera loyal et ne détournera pas le savoir-faire auquel il aura accès ».

II. Les relations avec les tiers

(132)        Il convient de distinguer la responsabilité des tiers à l’égard des parties (A) de celle des parties à l’égard des tiers (B).

A. La responsabilité des tiers à l’égard des parties

1. La responsabilité du tiers, complice de l’inexécution par le franchisé de ses obligations contractuelles

F Quatre décisions commentées : CA Paris, 22 nov. 2007, Juris-Data n°356526 ; CA Lyon, 15 nov. 2007, RG n°05/07814 et n°06/01059 (deux arrêts inédits) ; CA Versailles, 4 oct. 2007, RG n°06/03666, inédit

(133)        Si, du fait du principe de l’effet relatif des conventions (C. civ., art. 1165), les tiers ne sont pas obligés par un contrat qu’ils n’ont pas signé, ledit contrat constitue à leur égard un fait juridique(V. par ex. Cass. civ. 3ème, 21 mars 1972, pourvoi n°70-14.131, Bull. civ. III, n°193) ; aussi les tiers engagent-ils leur responsabilité à l’égard de la victime de l’inexécution lorsqu’ils font obstacle à l’exécution dudit contrat. En effet, il est admis de façon classique que le tiers qui aide, en connaissance de cause, le débiteur à ne pas exécuter le contrat commet une faute délictuelle(V. par ex. Cass. com., 11 oct. 1971, pourvoi n°70-11.892, Bull. civ. IV, n°237).

En matière de franchise, le tiers dont la responsabilité est engagée est le plus souvent un concurrent direct du franchiseur. Ce dernier se rend complice du franchisé fautif lorsque qu’il accorde au franchisé l’usage de son enseigne ou de sa marque tout en ayant connaissance, d’une part, de l’existence d’un contrat de distribution liant l’entreprise avec laquelle il traite à un autre distributeur et, d’autre part, de l’engagement de non-réaffiliation, de non-concurrence ou d’approvisionnement exclusif inclus dans ledit contrat.

(134)        Ainsi que l’illustre un arrêt de la Cour d’appel de Paris(CA Paris, 22 nov. 2007, Juris-Data n°356526), les clauses de non-concurrence ou de non-réaffiliation, qui portent atteinte à la liberté de la concurrence, sont d’interprétation stricte. Aussi, lorsque la clause de non-réaffiliation limite l’interdiction faite au franchisé d’exercer son activité sous une nouvelle enseigne, aux enseignes de renommée nationale ou régionale, n’engage pas sa responsabilité le tiers qui, après la cessation des relations contractuelles, concède à l’ancien franchisé l’usage d’une enseigne portée par un faible nombre de magasins tant au niveau local qu’au niveau régional. La même décision a souligné que le propriétaire de la marque utilisée par le franchisé n’était susceptible d’engager sa responsabilité à l’égard du franchiseur que dans l’hypothèse où il a lui-même mis ladite marque à disposition du franchisé : la seule propriété de la marque utilisée par le franchisé en violation de ses obligations contractuelles ne suffit pas à établir la complicité de cette violation.

(135)        La complicité du tiers ne peut être établie que si celui-ci a connaissance de l’obligation mise à la charge du franchisé. Cette connaissance est parfois déduite de la qualité du tiers : il a été jugé qu’un tiers, « en sa qualité de grossiste approvisionnant très habituellement les commerces de proximité, (…) ne pouvait pas ignorer que les contrats de franchise, quels qu’ils soient, comportent au moins l’obligation de ne pas adhérer à une autre organisation (…) pendant la durée de la franchise »(CA Paris, 22 nov. 2007, Juris-Data n°356526) ; le même raisonnement a été tenu, dans la même décision, s’agissant de la clause d’approvisionnement. Une décision rendue à la fin de l’année 2007 par la Cour d’appel de Versailles(CA Versailles, 4 oct. 2007, RG n°06/03666, inédit) donne une illustration particulière de la preuve de cette connaissance. En l’espèce, un distributeur s’était vu enjoindre sous astreinte par un arrêt de la Cour d’appel de Paris statuant en référé de cesser d’approvisionner l’ancien franchisé d’un réseau. La tête dudit réseau, conscient qu’un second distributeur approvisionnait également le franchisé en produits marqués, avait notifié audit distributeur l’arrêt de la Cour d’appel de Paris. Celui-ci ayant poursuivi ses approvisionnements, le franchiseur victime de ces agissements avait demandé réparation de son préjudice. Le distributeur poursuivi avait alors, entre autres arguments, opposé au franchiseur qu’il ne pouvait lui être reproché de ne pas tenir compte d’une décision à laquelle il n’était pas partie. La Cour d’appel de Versailles a rejeté cette argumentation au motif que, au vu des circonstances, le distributeur ne pouvait se méprendre sur la portée de la notification qui lui avait été faite.

(136)        Dans une hypothèse proche, le concurrent se rend complice de la résiliation fautive effectuée par le franchisé. La Cour d’appel de Lyon a eu à statuer récemment(CA Lyon, 15 nov. 2007, RG n°05/07814 et 06/01059, inédits) dans une affaire où le franchiseur reprochait à des tiers d’avoir aidé le franchisé à violer son contrat dans le but que ce dernier adopte l’enseigne desdits tiers. La Cour n’a pas fait droit à cette demande : la complicité des tiers dans la résiliation du contrat n’était pas démontrée, en dépit du fait que les tiers avaient connaissance de l’affiliation du franchisé préalablement à ce qu’il contracte avec eux, ladite résiliation ayant été fondée sur la fixation des prix des marchandises vendues par le franchiseur au franchisé et sur la loyauté du franchiseur lors de l’exécution du contrat.

2. La responsabilité du tiers auteur d’une atteinte aux signes distinctifs à l’égard des parties

F Deux décisions commentées : TGI Paris, 14 nov. 2007, RG n°06/03588, inédit ; CA Montpellier, 5 juin 2007, Juris-Data n°343795

(137)        Le franchiseur, tenu en vertu de la nature du contrat de franchise de transmettre à ses franchisés des signes attractifs de clientèle, est généralement titulaire d’une ou plusieurs marques déposées à l’INPI, et faisant à ce titre l’objet d’un droit privatif. Il est donc en droit de défendre cette marque contre les atteintes qui pourraient lui être portée par des tiers ; lorsque l’usage de cette marque est concédé aux franchisés, le franchiseur a le devoir de procéder à cette défense. A cette fin, le franchiseur dispose, en tant que titulaire de la marque, de l’action spécifique de la contrefaçon. Selon l’article L.716-1 du Code de la propriété intellectuelle en effet, la contrefaçon est « l’atteinte portée au droit du propriétaire de la marque ». Cette contrefaçon peut prendre plusieurs formes.

Un jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris(TGI Paris, 14 nov. 2007, RG n°06/03588, inédit) offre une illustration d’une contrefaçon par reproduction d’une marque appartenant à un franchiseur : une entreprise ayant pour objet la conception, la création, la promotion, l’organisation sous tous ses aspects de toutes activités d’édition et de publicité avait reproduit tant dans son nom de domaine que sur son site Internet plusieurs marques appartenant au franchiseur, dans le but de s’attirer la clientèle des franchisés du réseau. La contrefaçon par reproduction étant constatée, l’entreprise contrefactrice est condamnée à réparer le préjudice issu pour le franchiseur de cette infraction aux droits des marques. Le Tribunal rappelle par ailleurs que le titulaire de la marque prétendant obtenir, outre la réparation issue de la contrefaçon, des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle, pour concurrence déloyale ou parasitisme, doit démontrer que cette faute délictuelle lui a causé un préjudice distinct de celui causé par la contrefaçon.

(138)        Le franchisé, qui n’est ni titulaire de la marque, ni licencié exclusif, ne dispose en principe pas du droit d’agir en contrefaçon à l’égard des tiers portant atteinte à la marque. En revanche, il dispose des actions en contrefaçon et en parasitisme fondées sur la responsabilité délictuelle.

La Cour d’appel de Montpellier a dû se prononcer en la matière dans une hypothèse originale(CA Montpellier, 5 juin 2007, Juris-Data n°343795) : le gérant de la société concurrente du franchisé était également gérant de sociétés appartenant au même réseau que ledit franchisé, mais exploitées dans des villes différentes. Les demandes formées par le franchisé fondées sur le fondement de la concurrence déloyale sont rejetées par la Cour : le franchisé ne disposant pas d’exclusivité des produits, la vente de produits identiques par son concurrent ne constitue pas une concurrence déloyale ; de même, le slogan publicitaire employé est trop banale pour que l’utilisation de termes similaires par le concurrent soit constitutive d’une telle faute ; enfin, la confusion entre les deux enseignes a touché les fournisseurs et non les consommateurs.

3. La responsabilité du banquier dispensateur de crédit à l’égard du franchisé

F Une décision commentée : CA Colmar, 16 janv. 2008, RG n°05/02611, inédit.

(139)        La Chambre commerciale de la Cour de cassation, contrairement à la Première chambre civile de la même Cour, n’a longtemps admis la responsabilité du banquier dispensateur de crédit à l’égard de l’emprunteur que lorsque le banquier détenait des informations sur la situation de l’emprunteur que ledit emprunteur ignorait lui-même, et retenait cette information(Cass. com., 11 mai 1999, Bull. civ. IV, n°95).  Deux arrêts rendus en 2007 par la Cour de cassation réunie en chambre mixte(Cass. ch. mixte, 29 juin 2007, pourvois n°05-21.104 (Juris-Data n°039908) et 06-11.673 (Juris-Data n°039909), Bull. ch. mixte, n°7 et 8) ont indiqué que le banquier avait à l’égard de l’emprunteur profane un devoir de conseil ; or l’emprunteur agissant en tant que professionnel n’est pas nécessairement un emprunteur averti(Cass. ch. mixte, 29 juin 2007, pourvoi n°05-21.104, Bull. ch. mixte, n°7, Juris-Data n°039908 : l’arrêt de la cour d’appel, qui avait indiqué que « l’établissement bancaire qui consent un prêt n’est débiteur d’aucune obligation à l’égard du professionnel emprunteur », est cassé au motif que la cour s’est prononcée « sans préciser si M. X… était un emprunteur non averti »).

C’est pourtant dans le sens inverse que s’est prononcée la Cour d’appel de Colmar dans une affaire récente(CA Colmar, 16 janv. 2008, RG n°05/02611, inédit) : estimant qu’ « il appartient au professionnel recourant à un crédit pour les besoins de son activité de s’ assurer que les conditions de succès de l’ opération qu’ il entreprend sont réunies », la Cour a rejeté la demande formulée par le franchisé à l’encontre de son banquier au motif qu’il n’était pas établi que le banquier ait eu au moment de l’accord du prêt des informations sur la situation du franchiseur ignorées du franchisé.

B. La responsabilité des parties à l’égard des tiers

1. La responsabilité des parties à l’égard de leurs employés

F Sept décisions : Cass. soc., 20 févr. 2008, pourvoi n°06-45.335, inédit ; CA Orléans 13 déc. 2007, Juris-Data n°157177 ; CA Lyon, 9 nov. 2007, RG n°07/00969 ; Cass. soc., 31 oct. 2007, pourvois n°06-44.029 à n°06-44.031 (trois arrêts inédits) ; CA Paris, 18 sept. 2007, RG n°06/01736, inédit.

(140)        Le franchiseur et le franchisé sont dans de nombreux cas employeurs ; pèsent à ce titre sur chacune des parties les obligations incombant à tout employeur. Comme dans toute relation entre employeur et salarié, des litiges sont susceptibles de survenir entre l’une ou l’autre des parties et son employé. Quelques décisions récentes ont ainsi trait à la rupture abusive d’un contrat de travail pendant la période d’essai(Cass. soc., 31 oct. 2007, pourvois n°06-44.029 à n°06-44.031 (trois arrêts inédits)) ou à un licenciement sans cause réelle et sérieuse(CA Paris, 18 sept. 2007, RG n°06/01736).

Le fait que l’employeur soit partie à un contrat de franchise n’entraîne dans la plupart de ces hypothèses aucune conséquence particulière. Il en va cependant différemment de l’obligation de reclassement qui s’impose dans certaines circonstances à l’employeur.

(141)        Les articles L.1233-4 et L.1226-10 du Code du travail imposent à l’employeur, lorsque le salarié ne peut plus demeurer dans ses fonctions, soit en raison des difficultés économiques de l’entreprise, soit parce qu’il est devenu inapte à son emploi à la suite d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, une obligation de reclassement, qui lui prescrit, dans la mesure du possible, de proposer au salarié un autre emploi. L’employeur ne peut alors licencier le salarié que si ce reclassement se révèle impossible ou si l’emploi régulièrement proposé est refusé par le salarié. Or, le périmètre de reclassement n’est pas nécessairement limité à l’entreprise où travaillait le salarié ; en effet, « les possibilités de reclassement des salariés doivent être recherchées à l’intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel »(Cass. soc., 5 avr. 1995 (deux arrêts), pourvois n°93-43.866 et 93-42.690, Bull. civ. V, n°129).

Il est donc nécessaire de déterminer si le réseau est constitutif d’un groupe au sein duquel le reclassement du salarié du franchisé serait possible. Si l’indépendance des membres du réseau entre eux semble devoir s’opposer à une telle qualification – c’est en ce sens que se prononcent certaines juridictions du fond(CA Lyon, 9 nov. 2007, RG n°07/00969) – aucune solution générale ne peut être prononcée en la matière, et l’indépendance des franchisés n’exclut pas en elle-même la possibilité que le réseau constitue un groupe constituant le périmètre du reclassement du salarié du franchisé. Ainsi que l’illustre un arrêt récent, la Cour de cassation exige en effet que les juges du fond s’attachent à rechercher concrètement s’il existe des permutations de personnel entre les membres du réseau concerné(Cass. soc., 20 févr. 2008, pourvoi n°06-45.335, inédit).

(142)        La Cour d’appel d’Orléans a eu récemment à connaître d’une affaire originale opposant un franchisé à l’un de ses salariés(CA Orléans 13 déc. 2007, Juris-Data n°357177). En l’espèce, le salarié avait été employé successivement de deux franchisés appartenant au même réseau. Le second employeur avait mis fin au contrat au cours de la période d’essai. Le franchisé prétendait, sur le fondement de l’article L.122-12 du code du travail (aujourd’hui article L.1224-1 du même code), que le contrat l’ayant lié au premier franchisé avait perduré lorsqu’il avait été engagé par le second franchisé ; cette disposition énonce en effet que les contrats de travail subsistent lors de la modification de la situation juridique de l’employeur. Le franchisé tentait ainsi de démontrer qu’une nouvelle période d’essai ne pouvait lui être imposée, puisqu’il n’avait pas changé d’employeur. La Cour, constatant que les deux employeurs successifs étaient deux sociétés distinctes, autonomes et coexistantes, n’ayant comme point commun que leur enseigne dont elles bénéficiaient en vertu de contrat de franchise, a rejeté l’argumentation du franchisé.

2. L’absence de responsabilité du franchiseur du fait du franchisé

F Une décision commentée : CA Montpellier, 19 févr. 2008, Juris-Data n°361563.

(143)        Le franchiseur et le franchisé étant des commerçants indépendants, le second n’est pas le préposé du premier au sens de l’article 1184 du Code civil. De même, chacun agissant en son nom et pour son compte, le franchiseur ne peut être tenu de payer les fournisseurs du franchisé, ceux-ci étant exclusivement les contractants de ce dernier.

La Cour d’appel de Montpellier a eu récemment à connaître d’une espèce particulière où le franchisé était une société détenue à 100% par le franchiseur(CA Montpellier, 19 févr. 2008, Juris-Data n°361563) ; les fournisseurs du franchisé demandaient que le franchiseur soit condamné à payer les factures des franchisés. Le jugement de première instance avait rejeté à juste titre leur demande au motif que les commandes concernaient les franchisés, personnes morales distinctes du franchiseur, et avaient été réceptionnées par eux. Les fournisseurs entendaient en appel obtenir gain de cause en soulignant que la société franchiseur était la société mère des sociétés franchisées. Cependant, la société mère et sa filiale ayant des personnalités juridiques distinctes, les fournisseurs ont également été déboutés de ce chef.

La circulation du contrat de franchise

(144)          Si le Code civil envisage quelques hypothèses de cession de contrat, il ne contient pas de règlementation générale. En dehors des cessions légales ainsi prévues, c’est donc la jurisprudence qui est venue préciser le régime des cessions conventionnelles. Elle a posé le principe selon lequel la cessibilité de tout contrat est possible mais implique nécessairement l’accord du cédé, c’est-à-dire du cocontractant de celui qui cède son contrat et perd ainsi la qualité de partie.

Le contrat de franchise obéît au droit commun : le franchiseur, souhaitant céder un ou plusieurs de ses contrats de franchise, devra recueillir l’accord de ses cocontractants ; cet accord peut être donné par avance dans le contrat (I). Il en est de même pour le franchisé qui devra, de surcroît, respecter les clauses destinées à encadrer la cession de son contrat de franchise et/ou de son fonds de commerce (II).

I. La cession par le franchiseur du réseau et des contrats de franchise y afférents

(145)         La cession de ses contrats de franchise par le franchiseur intervient selon des modalités déterminées (A) et, lorsqu’elle est permise, produit certains effets (B).

A. Les modalités de la cession

F Deux décisions commentées : Cass.com., 3 juin 2008, pourvoi n°06-18.007, Juris-Data n°044215 ; Cass. com., 3 juin 2008, pourvoi n°06-13.761, Juris-Data n°044216.

(146)         Les règles issues de la jurisprudence ne s’appliquent qu’à défaut de clause contractuelle aménageant conventionnellement la cession. En effet, les parties n’ont parfois pas envisagé la cession du contrat de franchise (1) ou, au contraire, ont inséré une clause autorisant ab initio la cession (2).

1) En l’absence de clause autorisant la cession ab initio

(147)         Le franchiseur désireux de céder son contrat de franchise doit obligatoirement obtenir l’accord du franchisé à la cession.

Ce n’est là que l’application du droit commun des contrats. Le droit positif ne permet pas la cession de contrat sans l’accord du cédé. Le principe a été affirmé par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt de principe du 6 mai 1997 (Cass. com., 6 mai 1997, Bull. civ. IV, n°117), plusieurs fois confirmé depuis lors (Cass. civ. 1ère, 6 juin 2000, Bull. civ. I, n°173 ; Cass. Com., 28 avr. 2004, pourvoi n°00-22.354, inédit).

Comme pour toute manifestation de volonté, l’accord du franchisé cédé peut être exprès ou tacite. Il pourra résulter, notamment, de la poursuite du contrat de franchise après que le franchisé a eu connaissance de la cession (Cass. com., 28 avr. 2004, pourvoi n°00-22.354, inédit ; Cass. com., 6 juill. 1999, RJDA 1999, n°1197).

En l’absence d’accord du franchisé à la cession, qui reste libre de refuser la cession, le franchiseur est maintenu dans la relation contractuelle, peu important à cet égard que les autres franchisés membres du réseau, aient donné ou non leur accord. La cession est ainsi inopposable au franchisé-cédé qui pourra exiger du franchiseur-cédant la poursuite des ses obligations contractuelles à son égard. S’il n’est pas exigé de ce dernier qu’il assure l’animation et le développement d’un réseau identique à celui existant avant la cession, il demeure néanmoins débiteur des obligations essentielles telles que l’approvisionnement et la promotion (Cass. com., 28 juin 2005, pourvoi n°04-10.038, inédit). Le franchiseur doit donc honorer ses engagements jusqu’au terme du contrat même si, du fait de la cession, il ne peut plus exécuter ses obligations dans la même mesure. A défaut, le franchisé-cédé pourra, aves succès, demander la résiliation du contrat aux torts du franchiseur-cédant et/ou lui réclamer des dommages et intérêts.

(148)         L’accord du franchisé reste nécessaire même lorsque la transmission du contrat de franchise résulte d’une fusion-absorption ou d’un apport partiel d’actif. Tel est l’enseignement de deux arrêts rendus par la chambre commerciale le 3 juin 2008 (Cass. com., 3 juin 2008, Juris-Data n°044215 et 044216).

Dans la première, le franchiseur ayant conclu le contrat de franchise avait ultérieurement fait l’objet d’une fusion-absorption au profit d’une autre société. La Cour d’appel avait retenu que, du fait de la fusion-absorption, la société bénéficiaire de la fusion était la continuatrice des engagements souscrits par la société absorbée, de sorte que, selon la cour d’appel, le contrat de franchise et ses avenants avaient été transmis avec le patrimoine de la société absorbée. La Cour de cassation retient fermement « qu’en statuant ainsi, alors que le contrat de franchise, conclu en considération de la personne du franchiseur, ne peut être transmis par fusion-absorption à une société tierce qu’avec l’accord du franchisé, la cour d’appel a violé l’article 1844-4 du Code civil ».

Dans la seconde espèce, la Cour de cassation retient encore par principe que « le contrat de franchise, conclu en considération de la personne du franchiseur, ne peut, sauf accord du franchisé, être transmis par l’effet d’un apport partiel d’actif placé sous le régime des scissions » et casse en conséquence l’arrêt ayant déclaré les sociétés bénéficiaires de l’apport partiel d’actif recevables à agir contre la société complice de la rupture abusive du contrat par le franchisé aux motifs que les traités d’apport partiels d’actifs soumis au régime des scissions emportent transmission universelle de tous les droits, biens et obligations afférents à la branche de l’activité de l’apport, de la société apporteuse à la société bénéficiaire et que, parmi ces droits, biens et obligations figurent les décisions de justice que la société bénéficiaire est fondée à faire exécuter pour son propre compte. Selon la Cour de cassation, le franchisé n’avait pas consenti à la transmission du contrat de franchise : ce dernier avait notifié au franchiseur la fin de leurs relations contractuelles et avait continué à s’approvisionner, exclusivement ou principalement, auprès d’une autre société, après la réalisation, sous le régime des scissions, des apports partiels d’actifs. Il avait ainsi refusé la cession qui ne pouvait lui être imposée sans son accord.

Ces deux décisions retiennent une solution qui ne peut surprendre. Les fusions comme les apports partiels d’actif placés sous le régime des scissions entraînent toujours la transmission universelle du patrimoine de la société qui disparaît (société absorbée, fusionnée ou scindée) au profit d’une ou plusieurs autres sociétés qui le recueillent en tout ou partie (C. com., art. L.236-3, I) ; autrement dit, dans les deux cas, la société absorbante (ou bénéficiaire de l’apport partiel d’actif) se substitue à la société absorbée (ou apporteuse), la partie signataire au contrat de franchise se voit donc substituée par une société tierce, étrangère au contrat. Dès lors, l’accord du franchisé est obligatoirement requis si le contrat de franchise n’autorise pas par avance la substitution de franchiseur.

(149)         Il est donc conseillé d’introduire une clause autorisant le changement du franchiseur par avance et encadrant l’information du franchisé. Aux termes de cette clause, le franchisé consent, a priori, dès la conclusion du contrat, à la cession et le franchiseur s’engage à l’informer de toute substitution de cocontractant. Une telle clause relève de la liberté contractuelle et sa validité ne prête pas à discussion

2) En présence d’une clause autorisant la cession ab initio

(150)         Devant la nécessité d’obtenir le consentement de l’ensemble des franchisés à la cession, le franchiseur a tout intérêt à insérer dans le contrat de franchise une clause lui permettant de céder librement les contrats de franchise.

La clause pourrait être ainsi rédigée : « les modifications qui pourraient intervenir dans la personne du franchiseur, telles que par exemple, fusion, scission, absorption, apport partiels d’actifs, cession ou tout accords juridique ou commercial avec un tiers, ne sauraient remettre en cause l’existence ou l’exécution du présent contrat ».

De cette manière, les franchisés consentent ab initio à la cession de leur contrat de franchise et, par conséquent, ne peuvent tirer argument de la cession pour résilier valablement le contrat de franchise ou sa nullité pour dol lorsque la cession intervient quelques jours après la conclusion du contrat de franchise (CA Angers, 26 sept. 2006, RG n°05/02269, inédit : en l’espèce, le franchiseur avait cédé son enseigne à une société concurrente quelques jours après la conclusion d’un contrat de franchise. Le franchisé a sollicité la nullité du contrat pour dol au motif qu’il n’avait pas été tenu informé de ce rachat et qu’il avait été tenu dans l’ignorance de ce que les produits du franchiseur étaient destinés à ne plus être distribués. Pour rejeter sa demande et déclarer le contrat de franchise valide, les juges du fond ont notamment retenu que l’opération de cession par le franchiseur de son enseigne entrait dans les prévisions du contrat de franchise. La Cour d’appel a rejeté l’argument du franchisé qui soutenait qu’une telle clause présentait un caractère léonin, a relevé que la politique du groupe était bien de maintenir la marque du franchiseur-cédant avant de préciser, enfin, qu’en raison du principe de confidentialité présidant aux négociations relatives au rachat et fusion entre sociétés, le franchiseur n’avait pas à informer le franchisé des négociations en cours).

(151)         Il convient par ailleurs de préciser les modalités suivant lesquelles le franchisé sera informé de la cession de sa position contractuelle par le franchiseur et de l’identité du cessionnaire ; cette information est indispensable à l’effectivité de la substitution du franchiseur cessionnaire au franchiseur cédant dans la relation avec le franchisé.

(152)         Les parties peuvent préférer une clause de cession sous condition d’agrément. Par cette stipulation, le franchisé conserve le droit d’accepter ou de refuser la personne du cessionnaire.

Afin que ce pouvoir ne soit pas totalement discrétionnaire, la clause peut énoncer, limitativement, les types de motifs aptes à justifier un tel refus (expérience/inexpérience du cessionnaire dans la franchise, et/ou dans l’activité du réseau ; insuffisance des garanties commerciales, financières, etc..). Cette exigence oblige le franchisé à motiver précisément son refus. Le contrat peut prévoir qu’un défaut ou une insuffisance de motivation prive d’effet un refus d’agrément et permet donc la cession.

La clause de cession sous condition d’agrément doit organiser les modalités d’expression de la décision du franchisé, à savoir : les conditions de communication du projet de cession, tout particulièrement quant à la personne du cessionnaire pressenti ; le délai dans lequel le franchisé devra faire connaître sa décision au franchiseur ; les formes d’expression de cette décision (il est judicieux de prévoir que le silence du franchisé vaudra acceptation). Le non respect de ces formalités est sanctionné par l’inopposabilité de la cession au franchisé.

B. Les conséquences de la cession du contrat de franchise
(153)         En cas de cession des contrats à un nouveau franchiseur, celui recueille tous les droits et, corrélativement, supporte toutes les obligations créées par le contrat de franchise : il est tenu d’exécuter les contrats existants jusqu’à leur terme, sans pouvoir en modifier unilatéralement les dispositions contractuelles (Cass. com., 3 janv. 1996, pourvoi n°94.12.314). A défaut, le contrat sera résilié aux torts exclusifs du nouveau franchiseur, qui pourra, le cas échéant, être condamné au paiement de dommages et intérêts.

(154)         Cette substitution dans la qualité da partie ne se produit que pour l’avenir : le franchiseur-cessionnaire reste étranger aux droits et obligations nés antérieurement à la cession (Cass. com., 6 janv. 1998, Bull. civ. IV, n°7) et, à l’inverse, le franchiseur-cédant continue à supporter les obligations et à profiter des créances nées antérieurement à la cession.

Toutefois le cédant et le cessionnaire peuvent en convenir autrement en stipulant une clause de solidarité entre eux ou une clause de subrogation dans les droits et obligations du cédant pour les créances et dettes nées antérieurement à la cession.

II. La cession par le franchisé de son contrat et de son fonds de commerce

F Six décisions commentées : Cass. civ. 3ème, 27 mars 2008, pourvoi n°07-11.721, Juris-Data n°; CA Lyon, 26 févr. 2008, RG n°06/06384, inédit ; CA Douai, 25 sept. 2007, Juris-Data n°345683 ; CA Lyon, 21 juin 2007, Juris-Data n°342097 ; CA Rouen, 16 janv. 2008, Juris-Data n°355585 ; CA Bordeaux, 28 août 2007, Juris-Data n°344888.

(155)         A son tour, le franchisé peut décider de céder son contrat de franchise ou son fonds de commerce. Il devra alors, conformément au droit commun, outre respecter les formalités relatives à la cession des fonds de commerce (CA Lyon, 21 juin 2007, Juris-Data n°342097 : la cession de l’activité constitue une cession de fond de commerce, nonobstant le fait que l’activité cédée s’exerce par le moyen d’une franchise de service. En conséquence, les formalités prévues à l’article L. 141-1 du code de commerce doivent être respectées), nécessairement recueillir l’accord du franchiseur pour la cession (A). Mais dans la plupart des cas, le contrat de franchise stipule au profit du franchiseur une clause d’agrément et/ou une clause de préférence, dont les modalités de mise en œuvre obéissent à des règles particulières (B).

A.   L’accord du franchiseur à la cession

(156)         Le franchisé qui désire céder son fonds de commerce et son contrat de franchise doit recueillir l’accord du franchiseur. Le contrat de franchise sera alors transmis au nouvel exploitant du fonds. Le franchiseur et l’acquéreur peuvent aussi très bien conclure un nouveau contrat de franchise mais dans ce cas, le franchiseur devra transmettre au franchisé le document d’information, précontractuelle prévue par la loi Doubin.

(157)         La question s’est posée en jurisprudence de savoir quelle était l’incidence de la rupture du contrat de vente sur le contrat de franchise conclu avec l’acquéreur du fond. La Cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 28 août 2007 (CA Bordeaux, 28 août 2007, Juris-Data n°344888), y a répondu par une formule lapidaire : « la rupture du contra de vente entraîne la caducité du contrat de franchisé ».

En l’espèce, des époux se sont engagés à acquérir des fonds de commerce exploités en franchise, sous diverses conditions suspensives, et notamment l’accord du franchiseur. Les diverses conditions suspensives se sont réalisées et un nouveau contrat de franchise a été signé avec versement d’un droit d’entrée de 8000 euros. Par la suite, les époux ont refusé de réitérer l’acte de vente au motif qu’ils auraient été trompés sur la valeur des fonds et ont proposé de nouvelles conditions d’achat auxquelles la société venderesse a répondu par d’autres conditions qui n’ont pas été acceptées par les époux. Face au refus des acquéreurs de réitérer l’acte dans les conditions prévues par celui-ci, la société venderesse les a assignés en régularisation. Elle a été déboutée de sa demande par la cour d’appel qui a considéré que, en leur faisant une nouvelle proposition, elle avait admis le bien fondé de leur refus. Or cette contre-proposition, qui par définition ne correspondait pas aux exigences posées par les époux, constituait une nouvelle offre que ces derniers pouvaient refuser à bon droit. La société doit donc être condamnée à rembourser la somme reçue au titre de l’indemnité d’immobilisation et le franchiseur, dont le contrat était devenu caduc, à restituer la somme perçue au titre du droit d’entrée.

B. La mise en œuvre des clauses d’agrément et de préférence

(158)         Les clauses d’agrément (1) et de préférence (2) constituent des instruments de contrôle entre les mains du franchiseur de la circulation du contrat et de l’implantation de son réseau. Leur validité n’est pas discutée (La jurisprudence rappelle régulièrement que les clauses par lesquelles le franchiseur interdit au franchisé de céder le contrat de franchise ou un élément essentiel de son fonds de commerce sans l’agrément du franchiseur et qui imposent au franchisé de proposer la vente en priorité au franchiseur sont licites et caractéristiques de l’intuitu personae du contrat de franchise (CA Angers, 19 déc. 2006, Juris-Data n°330903). V. aussi en ce sens, CA Paris, 21 sept. 2005, Juris-Data n°294284 : ayant eu à connaître de la validité d’une clause d’agrément portant sur la cession de son fonds de commerce par le franchisé, la Cour retient que le franchisé se fondait à tort sur « l’article 85-1du Traité de Rome (…) aujourd’hui repris dans l’article 81 TCE, pour soutenir qu’il appartenait à la société (franchiseur) de justifier de la licéité de la clause d’agrément contenue dans le contrat de franchise au regard des dispositions du droit communautaire de la concurrence relatives aux ententes et demander à la Cour de déclarer cette clause abusive et dépourvue de tout effet, alors qu’il n’est nullement justifié que le réseau de franchise (…) serait susceptible d’affecter le commerce intracommunautaire », avant de préciser que la clause d’agrément n’est pas une restriction à la concurrence mais constitue un modalité d’application de l’intuitu personae propre au contrat de franchise. La Cour de cassation a jugé que la clause d’agrément insérée dans un contrat de distribution pouvait s’appliquer aux opérations de fusion-absorption (Cass. com., 13 déc. 2005, pourvoi n°03-16.878, Bull. civ. IV, n°255)).

1) La clause d’agrément

(159)         La clause d’agrément confère au franchiseur le droit de refuser (a) ou d’autoriser (b) la cession.

a) Le refus du franchiseur

(160)         Le refus du franchiseur d’agréer le candidat cessionnaire peut faire l’objet d’un contrôle par le juge (i) et emporte plusieurs conséquences (ii).

i) Le contrôle du refus d’agrément

(161)         La clause d’agrément permet au franchiseur de contrôler le choix du cessionnaire. Si le contrat en est dépourvu, le franchiseur peut refuser discrétionnairement la cession : son refus est libre. La clause d’agrément est donc plutôt favorable au franchisé car, si le refus du franchiseur est valable, encore faut-il qu’il ne soit pas abusif (Cass. com., 3 nov. 2004, pourvoi n°02-17.919, Juris-Data n°025481). Cela ne veut pas dire que l’agréant doit obligatoirement motiver son refus – à moins que le contrat en dispose autrement –, mais que les motifs de son refus pourront être contrôlés par le juge en cas de litige (Cass. com., 2 juill. 2002, Bull. civ. IV, n°113 ; Cass., com., 5 oct. 2004, pourvoi n°02-17.338, Bull. civ. IV, n°181 ; Cass., com., 3 nov. 2004, pourvoi n°02-17.919, Juris-Data n°025481).

(162)         Le refus d’agrément doit être fondé sur de justes motifs. L’analyse des solutions jurisprudentielles en la matière révèle que la légitimité des motifs du refus est appréciée au regard des intérêts propres à l’agréant et au regard de l’économie générale du contrat de franchise. Par ailleurs, les motifs du refus peuvent tenir à des considérations étrangères au candidat présenté : il peut tenir par exemple à l’absence de viabilité économique du projet, dans la mesure où l’établissement serait acquis à un prix trop élevé (Cass. com., 5 oct. 2004, pourvoi n°02-17.338, Bull. civ. IV, n°181).

(163)         Si le refus est déclaré abusif par le franchisé sera en droit, non pas de passer outre le refus, mais d’obtenir réparation du préjudice consécutif au refus subi par le franchisé.

(ii) Les conséquences du refus d’agréer

(164)         Si le franchisé passe outre le refus légitime du franchiseur, le contrat sera résilié aux torts exclusifs du franchisé (CA Paris, 21 sept. 2005, Juris-Data n°294284 énonçant que la « cession, effectuée en violation des dispositions du contrat de franchise, a entraîné la résiliation automatique anticipée de ce contrat aux torts exclusifs du franchisé »). Cette rupture peut être immédiate ou différée, lorsqu’il paraît préférable que les parties disposent d’un délai pour organiser sereinement la situation appelée à faire suite au contrat.

Le contrat peut prévoir que la cession effectuée en violation de la clause d’agrément sera sanctionnée par le paiement d’une clause pénale dissuasive pour le franchisé mais dont le montant pourra être réduit par le juge en cas d’excès.

b) L’accord du franchiseur

(165)         Si le franchiseur accepte d’agréer le candidat, le contrat de franchise lui est transmis et il se substitue au cédant dans le rapport contractuel. C’est le même contrat qui se poursuit, et le franchiseur n’est donc pas tenu de délivrer le document d’information précontractuelle prévu par la loi Doubin (CA Paris, 13 sept. 2002, Juris-Data n°199474), à moins que le franchiseur ait conclu un nouveau contrat de franchise avec le cessionnaire (CA Bordeaux, 28 août 2007, Juris-Data n°344888). En effet, pour l’heure, la jurisprudence n’exige le respect des prescriptions légales que dans l’hypothèse de la conclusion d’un nouveau contrat, qu’il résulte de la signature d’un nouvel acte ou de l’effet produit par la tacite reconduction du premier (Cass. com., 14 janv. 2003, pourvoi n°00-11.781, Juris-Data n°017359). Le nouveau franchisé ne peut donc pas se prévaloir de l’inobservation de l’article L.330-3 du Code de commerce dès lors qu’il a été averti, à l’occasion des négociations ayant précédé l’acquisition du fonds, de l’existence de la franchise, de ses modalités d’exécution et de ses résultats (CA Paris, 11 déc. 1998, Juris-Data n°024235).

2. La clause de préférence

(166)         Aux termes d’une clause de préférence, une personne – le promettant – s’engage, pour le cas où elle se déciderait à vendre un bien, à l’offrir prioritairement à son bénéficiaire, qui jouit d’un droit de préemption. La clause conférant un droit de préférence au franchiseur en cas de cession de son fonds de commerce par le franchisé est très fréquente dans le domaine de la franchise. Elle permet au franchiseur, détenteur de la marque, de maintenir son implantation, donc de préserver son réseau.

(167)         Il faut envisager l’hypothèse de la violation du droit de préférence consenti au franchiseur (a) et celle où le franchiseur, mis en mesure d’exercer son droit de préférence, n’en a pas usé dans le délai imparti (b).

a) La violation du droit de préférence consenti au franchiseur

(168)         La violation du droit de préférence intervient dans plusieurs hypothèses (i) et, lorsqu’elle est caractérisée, donne lieu à des sanctions (ii).

(i) La nature de la violation

(169)         La violation du droit de préférence peut intervenir dans trois hypothèses bien distinctes.

(170)         En premier lieu, la violation est bien sûr caractérisée lorsque le franchisé réalise la cession, objet du pacte, sans l’avoir proposée en priorité au franchiseur, étant précisé qu’une offre présentée postérieurement à la conclusion du contrat litigieux ne saurait exonérer le promettant de sa responsabilité ; une telle attitude n’ayant aucun effet sur la violation du pacte (Cass. civ. 1ère, 11 juill. 2006, Juris-Data n°034537).

(171)         En second lieu, le droit de préférence est violé lorsque le franchisé, après avoir proposé la vente au franchiseur qui l’a refusée, cède à un tiers à des conditions plus avantageuses (CA Paris, 7 déc. 2005, Juris-Data n°289983). En pareil cas, le franchiseur, qui n’a pas été mis en mesure de pouvoir se substituer au cessionnaire à des conditions équivalentes, est légitime à invoquer la violation de la clause. Il faut  – mais il suffit – que l’offre présentée ultérieurement au tiers soit similaire à celle soumise au franchiseur, étant précisé que la Cour de cassation ne semble pas tenir compte de l’évolution du marché puisqu’elle a jugé, de manière assez contestable, que le pacte de préférence ne peut plus être valablement invoqué par le bénéficiaire qui l’a d’abord refusé, dès lors que le bien vient à être vendu aux conditions de l’offre (Cass. civ. 3ème, 29 janv. 2003, Bull. civ. III, n°24).

(172)         Enfin, la jurisprudence retient que le pacte est violé, alors même que la cession s’est réalisée postérieurement à la survenance du terme du contrat de franchise, dès lors qu’il est établi que le cédant et le cessionnaire se sont entendus sur les conditions de la cession avant l’expiration dudit contrat. En principe, lorsque le droit de préférence est stipulé dans un contrat conclu pour une durée déterminée, la survenance du terme entraîne l’extinction du droit de préférence : le promettant retrouve la liberté de céder son bien sans le proposer en priorité au bénéficiaire. Mais les juges, soucieux de sanctionner les comportements déloyaux, considèrent que la violation est caractérisée dès lors qu’il est établi que la période de discussion et de négociation s’est déroulée peu avant le terme du contrat de franchise (CA Douai, 7 déc. 2006, RG n°05/03872, inédit ; CA Douai, 21 déc. 2006, RG n°04/02929, inédit).

Autrement dit, la violation du droit de préférence est démontrée dès lors que le bénéficiaire du pacte établit qu’une offre précise et définitive existait avant l’expiration du contrat de franchise (CA Angers, 19 déc. 2006, Juris-Data n°330903 ; Cass. com., 13 déc. 2005, pourvoi n°04-18.243, inédit).

Pour ce faire, il peut saisir le juge des référés d’une demande de mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du NCPC, sans que puisse lui être opposé le fait que la cession soit intervenue après le terme du contrat (Cass., com., 14 févr. 2006, pourvoi n°05-13.127, inédit). Toutefois, il ne sera fait droit à sa demande que s’il justifie d’un motif légitime. La Cour d’appel de Lyon a jugé récemment que tel n’était pas le cas du franchiseur qui, pour établir que des tractations avaient eu lieu alors que le contrat de franchise était encore en cours, se prévalait d’une procuration dont l’acte de vente faisait état et daté d’avant la cession. Il s’agissait d’une procuration donnée à un salarié de l’acquéreur du fonds de commerce à une date où le contrat de franchise n’avait pas encore expiré. La Cour d’appel a estimé que cette seule procuration donnée à un salarié ne constituait pas, à elle seule, un projet de vente intervenu avant l’expiration du contrat de franchise et, ce faisant, a rejeté la demande de communication de ladite procuration, le litige étant, selon la cour d’appel, insuffisamment caractérisé (CA Lyon, 26 févr. 2008, RG n°06/06384, inédit).

(ii) Les sanctions de la violation

(173)         Quelle que soit l’hypothèse considérée, le franchiseur dont le droit de préférence a été violé dispose de deux types d’actions, non exclusives l’une de l’autre : une action en responsabilité dirigée contre le ou les auteur(s) de la violation du pacte (a) et une action en nullité du contrat conclu en fraude de ses droits aux fins de substitution au tiers acquéreur (b).

(a) La responsabilité des protagonistes ayant violé le droit de préférence

(174)         Le franchiseur dont le droit de préférence a été violé peut engager la responsabilité contractuelle de son franchisé et résilier, à ses torts exclusifs, le contrat en raison du manquement à l’obligation contractuelle.

(175)         Le franchiseur peut également engager la responsabilité délictuelle du tiers acquéreur dès lors qu’il rapporte la preuve que ce dernier a contracté en connaissance de l’existence du pacte de préférence (Cass. com., 13 déc. 2005, pourvoi n°04-18.243, inédit). Cette preuve est facilitée par le fait que la jurisprudence a posé un « devoir de se renseigner » à la charge du tiers acquéreur professionnel (CA Douai, 21 déc. 2006, RG n°04/02939, inédit ; CA Douai, 7 déc. 2006, RG n°05/03872, inédit) qui ne peut donc se retrancher derrière une prétendue ignorance du pacte.

(176)         Le franchiseur dont le droit de préférence a été violé est indemnisé de sa perte de chance de perception des cotisations de franchise, de sa perte de chance de perception de bénéfice brut sur les approvisionnements et de son préjudice commercial résultant de l’atteinte à l’image du réseau de franchise auquel donne lieu le passage d’un franchisé à une enseigne concurrente (CA Douai, 21 déc. 2006, RG n°04/02939 ; CA Douai, 7 déc. 2006, RG n°05/03872).

(b) La nullité du contrat conclu en fraude des droits du franchiseur et sa substitution au tiers acquéreur

(177)         La sanction la plus efficace pour le franchiseur est l’exécution forcée de son droit de préférence, c’est-à-dire la nullité de la cession intervenue en violation de ses droits et sa substitution au tiers au tiers acquéreur.

Depuis le revirement réalisé par la chambre mixte de la Cour de cassation le 26 mai 2006 (Cass. mixte, 26 mai 2006, Juris-Data n°033690 : « Si le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit (…) d’obtenir sa substitution à l’acquéreur c’est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir »), et confirmée depuis (Cass. civ. 3ème, 31 janv. 2007, pourvoi n°05-21.071, publié au Bulletin : la formule est identique à celle Cass. civ. 3ème, 14 févr. 2007, pourvoi n°05-21.814, publié au Bulletin ; CA Rouen, 16 janv. 2008, Juris-Data n°355585), cette sanction est possible mais elle ne peut être ordonnée qu’à la double condition que le tiers acquéreur dernier ait eu connaissance de l’existence du pacte de préférence et de la volonté de son bénéficiaire de s’en prévaloir.

(178)         Ces deux conditions sont très rigoureuses et le franchiseur aura d’autant plus de mal à en apporter la preuve que, pour l’heure, la jurisprudence ne s’est pas expressément prononcée en faveur d’une présomption de connaissance par le tiers du pacte et de la volonté du bénéficiaire de s’en prévaloir, ni même en faveur d’une obligation de se renseigner pour le tiers acquéreur.

Il est donc vivement conseillé au franchiseur d’introduire une clause d’exécution forcée. La validité d’une telle clause vient d’ailleurs d’être reconnue par la jurisprudence (Cass. civ. 3ème, 27 mars 2008, pourvoi n°07-11.721, Juris-Data n°; il s’agissait de la violation par le promettant d’une promesse unilatérale de vente mais la solution est transposable au pacte de préférence) mais la question de savoir si elle pourra recevoir application en cas de bonne foi du tiers acquéreur demeure entière.

(179)         En outre, la substitution ne sera pas prononcée si elle est impossible : tel est le cas en cas de disparition de l’objet du contrat conclu en fraude des droits du bénéficiaire du pacte (V. pour une illustration, CA Paris, 15 nov. 2006, Juris-Data n°332074 : plusieurs franchisés appartenant à un même groupe avaient cédé les actions des sociétés dont ils étaient actionnaires à un tiers concurrent de leur franchiseur, alors que le contrat de franchise qu’ils avaient signé prévoyait en pareil cas un droit de préemption au bénéfice du franchiseur. Ce dernier réclamait l’annulation de cette cession et sa substitution dans les droits du cessionnaire. Constatant la violation par les franchisés et le tiers cessionnaire du droit de préférence stipulé au bénéfice du franchiseur ainsi que la connaissance du tiers de l’existence du droit de préférence et de l’intention de son bénéficiaire de s’en prévaloir, la Cour d’appel a prononcé la nullité de l’action mais a refusé de prononcer la substitution du franchiseur dans les droits du tiers cessionnaire, en raison de la disparition des titres litigieux par suite de l’opération de fusion-absorption des sociétés cédées).

(180)         De plus, lorsque le fonds de commerce est attribué à un tiers dans le cadre du plan de cession de l’entreprise franchisée, mais que le contrat de franchise n’est pas cédé, le franchiseur ne pourra obtenir la substitution. En effet, le franchiseur n’est dans ce cas pas recevable à interjeter appel du jugement arrêtant le plan de cession, en vertu de l’article L.661-6 du code de commerce (CA Douai, 25 sept. 2007, Juris-Data n°345683 : l’article L. 661-6 II (reprenant les termes de l’article L. 621-6 II applicable à l’époque des faits) réserve en effet l’appel de tels jugements à une liste limitative de personnes).

b) Le non exercice par le franchiseur de son droit de préférence

(181)         Lorsque le franchiseur averti du projet de vente n’exerce pas son droit de préférence, le franchisé retrouve la liberté de vendre son fonds de commerce à toute personne de son choix. Pour autant, le respect du droit de préférence n’exclut pas, dans certains cas, la mise en œuvre de la responsabilité du franchisé-cédant (i) et celle du tiers acquéreur (ii).

(i) La responsabilité du franchisé – cédant

(182)         Le respect par le franchisé du droit de préférence ne fait pas obstacle à ce que sa responsabilité soit engagée pour rupture fautive du contrat de franchise. En effet, lorsque le franchisé céder son fonds de commerce sans le contrat de franchise et que cette cession intervient avant le terme du contrat de franchise, elle a pour effet d’empêcher l’exécution de celui-ci et entraîne donc sa rupture. En pareil cas, la responsabilité de la rupture est imputée au franchisé (CA Nîmes, 8 sept. 2005, RG n°03/03202, inédit : en l’espèce, le franchiseur, après avoir eu connaissance de l’offre du candidat repreneur, ne s’était pas porté acquéreur du fonds de commerce de son franchisé, lequel avait cédé son fonds au repreneur qui n’avait pas repris le contrat de franchise. La Cour d’appel a considéré que la cession du fonds de commerce sans le contrat de franchise avait emporté la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé. Elle a indiqué que le franchiseur pouvait actionner le franchisé afin d’obtenir la réparation du préjudice qu’il avait subit du fait de la rupture anticipée du contrat de franchise. Cf. également pour une solution implicite : Cass. com., 15 mais 2007, Juris-Data n°038953 : la Cour de cassation juge que l’acquisition d’un fonds de commerce, faite sans déloyauté et dans le respect du droit de préemption du franchiseur, ne constitue pas une faute de nature à rendre l’acquéreur complice de la rupture, même fautive, du contrat de franchise. Par cet obiter dictum, la Haute juridiction a implicitement mais nécessairement jugé que la résiliation du contrat de franchise résultant de la cession du fonds de commerce pouvait être imputée au franchisé-cédant, alors même que le franchiseur, invité à se porter acquéreur, n’avait pas fait usage de son droit de préemption).

(183)         Cette solution n’a toutefois vocation à s’appliquer que si le contrat de franchise ne contient pas une clause autorisant expressément le franchisé a cédé son fonds à un non-franchisé car, dans ce cas, la jurisprudence considère que la résiliation ne peut être fautive, le franchiseur ayant donné, par avance son consentement (Trib. com. Paris, 3 juill. 2006, Juris-Data n°314649).

(184)         Enfin, il est précisé que le juge des référés est incompétent pour connaître de la question de la responsabilité du franchisé-cédant ayant respecté le droit de préemption du franchiseur dans la mesure où « le franchisé qui a informé le franchiseur de son intention de céder son fonds de commerce et l’a mis en mesure d’exercer son droit de préférence contractuel n’a pas méconnu de manière flagrante ses obligations contractuelles » (CA Paris, 3 nov. 2006, Juris-Data n°326129). C’est donc le juge du fond que le franchiseur devra saisir le cas échant.

(ii) La responsabilité du tiers acquéreur

(185)         Qu’en est-il lorsque le franchiseur mis en mesure d’exercer son droit de préférence n’en use pas dans le délai imparti ? Le tiers acquéreur du fonds de commerce peut-il encore, dans ce cas, engager sa responsabilité à l’égard du franchiseur, alors même que le droit de préférence a été respecté ?

(186)         La solution de principe est que le franchiseur faisant l’acquisition d’un fonds de commerce appartenant à l’un des franchisés de son concurrent ne commet aucune faute dès lors que son concurrent a régulièrement été mis en mesure d’exercer son droit de préférence et n’en a pas usé dans le délai qui lui était contractuellement imparti(Cass. com., 23 janv. 2007,Juris-Data n°037125).

La Cour de cassation réserve toutefois l’hypothèse où l’acquéreur aurait agi avec déloyauté ou se serait rendu coupable d’une fraude»(Cass. com., 15 mai 2007, Juris-Data n°038953 ; Cass. com., 15 mai 2007, pourvoi n°06-11.583, inédit).

L'extinction du contrat de franchise

(187)         L’extinction du contrat de franchise peut résulter, soit de l’absence de renouvellement du contrat arrivé à terme (I), soit de sa résiliation (II). La fin des relations commerciales laisse subsister des obligations à la charge des parties (III).

I. L’arrivée du terme et l’absence de renouvellement du contrat de franchise

(188)         Le renouvellement du contrat de franchise doit être distingué de sa prorogation dont il diffère par ses conditions d’application et son régime juridique (A). Le non renouvellement du contrat de franchise arrivé à terme est un droit pour les parties (B), qui peut toutefois donner lieu à sanction  (C).

A. Renouvellement et prorogation du contrat de franchise

F Cinq décisions commentées : CA Paris, 20 févr. 2008, RG n°05/02241, inédit ; Cass. com., 29 janv. 2008, pourvoi n°06-13.462, Juris-Data n°042529 ; CA Paris, 29 nov. 2007, Juris-Data n°353808 ; Cass. com., 9 oct. 2007, pourvoi n°05-14.118, Juris-Data n°040801 ; CA Dijon, 15 nov. 2007, Juris-Data n°355669.

(189)         Conformément au droit commun des contrats, la prolongation du contrat de franchise peut intervenir suivant deux modalités distinctes : son renouvellement (1) ou sa prorogation (2).

1. Le renouvellement du contrat

a) Les conditions d’application du renouvellement

(190)         La plupart des contrats de franchise prévoit une clause aménageant le renouvellement du contrat, lequel peut :

–     s’effectuer automatiquement, sauf expression de volonté contraire de l’un des contractantes, on est alors en présence d’une tacite reconduction (CA Paris, 20 févr. 2008, RG n°05/02241, inédit ; Cass. com., 29 janv. 2008, pourvoi n°06-13.462, Juris-Data n°042529) ;

–     être abandonné à la volonté d’une seule des parties (le plus souvent le franchisé) ;

–     résulter de la volonté expresse des deux parties.

(191)         Même en l’absence de clause aménageant le renouvellement, le contrat peut être reconduit tacitement, pour une durée indéterminée lorsque, à l’arrivée de son terme, le comportement des parties montrent qu’elles ont entendu poursuivre le contrat (CA Lyon, 17 juin 1994, Juris-Data n°045306 ; CA Dijon, 15 nov. 2007, Juris-Data n°355669 : en présence d’un contrat de franchise d’une durée de 5 ans envisageant la signature d’un nouveau contrat 3 mois avant l’expiration du précédent, et après avoir relevé que les relations contractuelles se sont poursuivies entre les mêmes parties après le terme du contrat initial, la cour d’appel de Dijon retient (implicitement) l’existence d’un nouveau contrat).

La prudence recommande ainsi au franchiseur continuant d’exécuter, à titre précaire, certaines de ses obligations au profit de l’ex-franchisé, d’indiquer par écrit que la poursuite de leurs relations contractuelles procède d’un arrangement transitoire ; et même qu’il fixé un terme précis à cette période de surveillance.

b) Le régime juridique du renouvellement

(192)         Dans tous les cas, le renouvellement du contrat a cette particularité de donner naissance à un nouveau contrat, ce qui emporte les conséquences juridiques suivantes :

–        il doit être précédé par la communication au franchisé des informations précontractuelles (Cass. com., 9 oct. 2007, pourvoi n°05-14.118, Juris-Data n°040801 ; Cass. com., 11 févr. 2003, pourvoi n°00-17.074) ;

–        il est soumis à la loi applicable au jour du renouvellement et non à celle en vigueur à la conclusion du contrat initial ;

–        il entraîne nécessairement la disparition du contrat de cautionnement – simple ou solidaire – souscrit en garantie de l’exécution du contrat de franchise initial (Cass. com., 11 févr. 1997, Bull. civ. IV, n°46), sauf stipulation expresse contraire (CA Aix-en-Provence, 26 mai 2004, Juris-Data n°261120) ;

–        sauf stipulation contraire, son contenu, hormis sa durée, est identique à celui du contrat initial. Il est donc vivement recommandé de prévoir que le franchisé se verra proposer, lors du renouvellement, le contrat alors en vigueur au sein du réseau.

2. La prorogation

(193)         La prorogation d’un contrat, aussi appelée « substitution de terme », permet d’en différer le terme extinctif et, partant de prolonger son existence. La clause de prorogation énonce les conditions (a) et les effets de ce prolongement (b).

a) Les conditions de la prorogation

(194)         A la différence du renouvellement, la prorogation – encore appelée « substitution de terme » ne fait pas naître un nouveau contrat, mais permet simplement de différer le terme du contrat initial : c’est donc ce même contrat qui s’applique au-delà du terme initialement convenu.

(195)         Il convient de distinguer trois types de clauses de prorogation.

En premier lieu, la prolongation de la durée du contrat peut s’effectuer automatiquement, indépendamment de la volonté des parties, qui l’ont acceptée ab initio, sous réserve de la réunion de certaines conditions. Ainsi, lorsque, à la survenance du terme, les conditions auxquelles les parties ont à l’avance donné effet un prorogateur sont réunies, le contrat est prorogé de plein droit. Par exemple, les parties pourraient-elles convenir que le contrat de franchise sera automatiquement prorogé pour telle durée supplémentaire pour le cas où le franchisé aurait réalisé tel chiffre d’affaires.

En deuxième lieu, la prolongation de la durée du contrat peut être abandonnée à la volonté d’une seule des parties, l’autre étant d’ores et déjà engagée. La clause correspond ici à une promesse de prorogation. Selon la rédaction retenue, l’acte de volonté de son bénéficiaire devra ou non être exprès.

Enfin, les contractants peuvent décider de soumettre la prorogation de la durée de leur contrat à la réitération de leur volonté respective, chacune d’elles ayant alors la faculté de s’y opposer. Ici encore, selon la rédaction retenue, l’acte de volonté de chacune des parties devra ou non être exprès.

(196)         Les parties peuvent toujours décider de proroger la durée du contrat pendant son exécution, c’est-à-dire de prolonger son exécution pour une nouvelle période. Elles doivent impérativement se mettre d’accord sur cette prorogation avant l’expiration du contrat initial car, passé ce délai, il ne s’agirait plus de proroger le contrat mais d’en conclure un nouveau, en dépit de la qualification de prorogation donnée par les parties (CA Paris, 29 nov. 2007, Juris-Data n°353808).

b) Effets de la prorogation

(197)         Parce que la prorogation n’entraîne que le report du terme initial, son régime juridique diffère de celui du renouvellement :

–        il n’y a aucun changement dans le cours de l’exécution sauf concernant la durée(La durée du contrat prorogé court de la conclusion du contrat initial jusqu’au terme de la prorogation ; elle ne doit donc pas excéder la limite de 10 ans résultant des dispositions de l’article L. 330-1 du Code de commerce) ;

–        la loi applicable au contrat reste celle qui présidait lors de la conclusion(CA Paris, 29 nov. 2007, Juris-Data n°353808),

–        il n’est pas nécessaire que le franchiseur respecte, au moment de la prorogation du contrat, l’obligation d’information découlant du décret n°91-337 du 4 avril 1991(CA Paris, 29 nov. 2007, Juris-Data n°353808).

La prorogation du contrat peut s’accompagner d’une modification de certaines des obligations mises à la charge de l’une ou l’autre des parties (CA Colmar, 9 nov. 2004 , Juris-Data n°274028 : constatant que, par leur volonté commune, les parties avaient décidé de proroger le contrat pour une durée de 6 mois tout en supprimant la clause de non-concurrence figurant dans le contrat).

(198)         Les effets à l’égard des tiers restent néanmoins plus délicats à appréhender : il suffit d’envisager le cas de la caution dont le contrat principal garanti a été prorogé. La discussion qui s’instaure à partir de l’article 2316 du Code civil, consiste à déterminer si cet avenant n’opère qu’une prorogation du terme du contrat principal, auquel cas la caution reste tenue ou si, en revanche, cette prorogation fait naître des obligations supplémentaires à sa charge, ce qui la libérera alors de ses engagements.Si l’on ne peut nier l’existence de d’hésitations en jurisprudence (La jurisprudence n’est pas parfaitement fixée sur cette question), il ressort de la plupart des décisions rendues que  la caution consentie en garantie de l’exécution du contrat de franchise initial n’est pas déchargée(Cass. com., 3 avr. 2002, RJDA oct. 2002, n°1085 ; CA Paris, 16 juin 1993, Juris-Data n°022294).

B. Le non renouvellement est un droit pour les parties

F Trois décisions commentées : CA Chambéry, 8 janv. 2008, Juris-Data n°356713 ; Cass. com., 9 oct. 2007, pourvoi n°05-14.118, Juris-Data n°040801 ; CA Douai, 28 juin 2007, RG n°06/03867, inédit.

1.      Le principe

(199)         Le contrat de franchise a le plus souvent une durée déterminée et prévoit que, sauf manifestation en sens contraire des parties selon les modalités prévues au contrat, le contrat sera renouvelé tacitement, soit pour une période définie – qui peut être différente de la période initiale – soit sans limitation de durée. Dès lors que les parties ou l’une d’entre elles a manifesté sa volonté de ne pas renouveler le contrat, en respectant les formes prévues au contrat et le préavis contractuel, celui-ci prend fin à l’arrivée du terme stipulé au contrat (CA Chambéry, 8 janv. 2008, Juris-Data n°356713).

(200)         En effet, sauf stipulations contractuelles contraires, il n’existe ni pour le franchisé, ni pour le franchiseur, de « droit » au renouvellement du contrat de franchise. La Cour de cassation affirme régulièrement qu’il n’existe pas de droit au renouvellement des contrats de distribution en général ([1] Cass. com., 6 juin 2001, pourvoi n°99-10.768 ; Cass. com., 23 mai 2000, pourvoi n°97-10.553) et des contrats de franchise en particulier (CA Paris, 23 févr. 2000, Juris-Data n°108177).

La solution est d’application générale : le franchiseur est libre de ne pas renouveler le contrat de franchise, quels que soient les mérites de son franchisé, le rendement de son activité, l’importance des investissements qu’il a réalisés, ses perspectives d’évolution, l’absence de grief imputable au franchisé(CA Paris, 30 oct. 2003, Juris-Data n°230107: retenant que le simple fait qu’aucun reproche n’ait été formulé à l’encontre du franchisé, qui ne se doutait pas de la résiliation, est inopérant, dès lors que, dans un contrat à durée déterminée, la résiliation au terme convenu est toujours prévisible), la durée des relations contractuelles appelées à disparaître, etc.

Et quelles que soient ses motivations lorsqu’il décide de ne pas renouveler son contrat de franchise, le franchiseur ne fait finalement qu’exercer un droit contractuel(Cass. com., 9 juill. 1952, RTD com. 1953, p. 720, obs. J. Hémard) ; autrement dit, rien ne peut justifier que le contrat, dont la durée a été déterminée par la volonté commune des parties, puisse continuer de produire, par la volonté d’un seul, quelque effet au-delà du terme initialement convenu. C’est pourquoi la jurisprudence considère –  à fort juste titre – que le franchiseur refusant de renouveler le contrat de franchise n’est pas tenu de motiver sa décision.

(201)         Un arrêt ambigu rendu le 9 octobre 2007 par la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 9 oct. 2007, pourvoi n°05-14.118, Juris-Data n°040801) a introduit un doute, et certains l’ont interprété comme instituant un droit pour le franchisé au renouvellement de son contrat de franchise. Il n’en est rien. L’arrêt retient tout au plus que la rupture du contrat de franchise aux torts du franchiseur ouvre droit à indemnisation pour le franchisé, ce qui n’est que l’application classique du droit commun des obligations.

(202)         La volonté des parties de ne pas renouveler le contrat de franchise arrivé à terme doit être univoque. La Cour d’appel de Douai a jugé qu’une telle volonté n’était pas caractérisée dans une affaire dont elle a eu à connaitre (CA Douai, 28 juin 2007, RG n°06/03867, inédit). En l’espèce, le franchisé avait conclu, un contrat d’approvisionnement puis, 8 ans plus tard, un contrat de franchise. Il a informé son fournisseur de son intention de ne pas reconduire les termes de son contrat d’approvisionnement et informé son franchiseur de cette non reconduction du contrat d’approvisionnement en lui précisant son intention d’utiliser le préavis contractuel pour obtenir une renégociation du contrat de franchise. Quelques mois, plus tard, le franchisé a déposé son enseigne et l’a remplacé par une enseigne concurrente. La question posée était donc celles de savoir si le courrier adressé au franchiseur pouvait ou non s’analyser en une lettre de résiliation. La Cour d’appel répondit par la négative. Elle considéra que, « sans même s’arrêter à la maladresse bien compréhensible d’un courrier adressé par des commerçants non juristes, il n’est pas possible d’y voir une résiliation quant y figurent les mots « meilleure proposition », « poursuite de nos relations », « accueil réservé à la présente » et, en a déduit que le commerçant a seulement « entendu se libérer de son obligation de se fournir prioritairement en produit du groupe [du franchiseur] mais n’a pas entendu, ou pas valablement, se libérer de sa franchise, laquelle continue donc de produire ses effets ». La Cour d’appel s’est également attachée à démontrer que les conventions d’approvisionnement et de franchise étaient, en l’espèce, juridiquement indépendantes et que par conséquent, la résiliation de l’une n’emportait pas, de facto, la résiliation de l’autre (CA Douai, 28 juin 2007, préc.).

2. La limite : le non renouvellement fautif du contrat

a) Le non respect des modalités contractuelles de non renouvellement

F Deux décisions commentées : Cass. com., 29 janv. 2008, pourvoi n°06-13.462, Juris-Data n°042529 ; CA Chambéry, 8 janv. 2008, Juris-Data n°356713.

(203)         Lorsque les modalités définies par le contrat pour faire obstacle au renouvellement tacite ne sont pas respectées, le contrat est renouvelé et la rupture unilatérale du contrat ainsi renouvelé sera fautive si elle n’est pas justifiée par une faute de l’autre partie. Tel sera le cas lorsque le préavis ou les formes de la manifestation de volonté n’auront pas été respectés.

(204)         En revanche, le franchisé qui s’est abstenu d’aller retirer la lettre RAR pourtant présentée à l’adresse exacte de ce dernier, ne saurait se prévaloir de sa propre négligence en invoquant le fait qu’il n’a pas été informé de l’intention du franchiseur de ne pas renouveler les contrats de franchise. Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 29 janvier 2008 (Cass. com., 29 janv. 2008, pourvoi n°06-13.462, Juris-Data n°042529). En l’espèce, conformément au contrat, un franchiseur avait informé l’un ses franchisés, par lettre RAR envoyées à l’adresse de ses deux fonds de commerce, de son intention de ne pas renouveler les contrats de franchise. Lesdites lettres lui avaient été retournées avec  la mention « non réclamé – retour à l’envoyeur ». Le franchiseur avait par la suite résilié, avec préavis, les contrats signés avec ce franchisé. Reprochant au franchiseur de ne pas avoir fait signifier par voie d’huissier le non-renouvellement des contrats, une fois que les lettres RAR lui avaient été retournées, le franchisé a assigné le franchiseur en réparation du préjudice résultant de son exclusion injustifiée et irrégulière du réseau. La Cour de cassation rejette le pourvoi ainsi formé en considérant que c’est à bon droit que la cour d’appel a pu retenir, dans son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que le franchisé ne pouvait invoquer la non-réception des deux courriers de notification, retournés au franchiseur avec la mention « non réclamé, Retour à l’envoyeur » dès lors que n’était pas rapportée, ni même alléguée, la preuve d’une erreur d’adresse des destinataires.

(205)         Il arrive que, en dépit de la dénonciation par l’une des parties du renouvellement dans les formes et délais prévus contractuellement, l’autre soutienne que les contrats de franchise et d’approvisionnement se sont néanmoins poursuivis par tacite reconduction. Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Chambéry le 8 janvier 2008 en fournit une illustration (CA Chambéry, 8 janv. 2008, Juris-Data n°356713).

En l’espèce, le franchisé avait manifesté son intention de mettre fin aux relations contractuelles. Le franchiseur soutenait que le franchisé, ayant continué à s’approvisionner auprès de lui après l’expiration du terme, avait renoncé à la dénonciation du contrat et que le contrat s’était poursuivi par tacite reconduction.

L’argumentation n’est pas accueillie par la cour d’appel, faute pour le franchiseur de rapporter la preuve que le franchisé a manifesté de façon expresse et non équivoque son intention de revenir sur la dénonciation du contrat et d’en accepter le renouvellement. La cour d’appel a jugé qu’une telle volonté ne pouvait résulter du seul fait que le franchisé avait continué de s’approvisionner auprès du franchiseur et de payer les redevances postérieurement à l’arrivée du terme, dès lors que la poursuite de l’approvisionnement était imposé par les circonstances et que le franchisé ne pouvait mettre fin seul aux prélèvements automatiques des redevances sans que le franchiseur consente à lever les cautions bancaires qu’il avait souscrites en sa faveur. En effet, les juges du fond ont considéré que la poursuite de l’approvisionnement procédait de l’impérative nécessité pour le franchisé, désireux de céder son fonds de commerce, de maintenir l’exploitation du fonds en attendant la vente afin de lui conserver sa clientèle et que la volonté du franchisé de sortir du réseau était confirmé par la dépose de l’enseigne du franchiseur et la communication au franchiseur, bénéficiaire d’un droit de préférence, de la proposition d’achat du fonds par un tiers.

b) L’abus

F Trois décisions commentées : CA Paris, 29 nov. 2007, Juris-Data n°353808 ; CA Dijon, 15 nov. 2007, Juris-Data n°355669 ; Cass. com., 9 oct. 2007, pourvoi n°05-14.118, Juris-Data n°040801.

(206)         Si le franchiseur a le droit de refuser de renouveler un contrat de durée déterminée arrivé à son terme, sa responsabilité pourra être engagée en cas d’« abus de droit »(V. pour une étude d’ensemble sur cette notion : Encyclopédie Dalloz, « Abus de droit » ; C. Jamin, Typologie des théories juridiques de l’abus, Rev. conc. consom. juill.-août 1996, n°92). La jurisprudence considère que la responsabilité du contractant qui abuserait de son droit de ne pas renouveler le contrat est délictuelle(Cass. Com., 4 janv. 1994, Bull. civ. IV, n°13 : écartant l’abus au visa de l’article 1382 du code civil).

(207)         Reste donc au franchisé à qui la décision de refus de renouvellement aura été opposée d’invoquer l’existence d’un « abus » (Cass. com. 16 mai 2006, pourvoi n°05-15.794, Juris-Data n°033807 ; Cass. com., 18 déc. 2001, pourvoi n°99-11.787, Bull. civ. IV, n°201 ; Cass. civ. 1ère, 2 mars 1999, pourvoi n°96-18.549, inédit ; Cass. civ., 10 mai 1995, pourvoi n°93-17.665, inédit). La preuve de l’abus incombe à celui qui l’invoque soit, en règle général, le franchisé (CA Paris 12 janv. 2005, Juris-Data n°277027 ; CA Paris, 5ème ch., 25 janv. 2006, RG n°03/07941, inédit ; Cass. com., 5 juill. 1994, pourvoi n°92-17.918, Juris-Data n°002223). Cette preuve est d’autant plus délicate à rapporter en pratique que, selon la jurisprudence, elle ne peut résulter de l’expression d’un simple refus (Cass. civ. 3ème, 3 juin 1998, pourvoi n°96-22.518, inédit), ni même d’ailleurs du caractère infondé de ce refus (Cass. civ. 2ème, 14 juin 2006, pourvoi n°04-18.250, inédit) ; un tel abus ne peut pas davantage s’inférer de la seule disproportion de la puissance économique des parties(CA Paris, 9 juin 1994, Juris-Data n°023433).

De même, ne saurait constituer un abus de droit le fait pour le franchiseur de refuser de renouveler le contrat de franchise en raison :

–        de la violation par le franchisé de ses obligations contractuelles(CA Paris, 13 juill. 1990, Juris-Data n°023627 (non-paiement de redevances)) ;

–        de l’inefficacité du franchisé(Cass. com., 9 oct. 2007, pourvoi n°05-14.118, Juris-Data n°040801 (non-respect des quotas par le franchisé)) ;

–        d’une réorganisation du réseau de distribution.

(208)         En revanche, l’abus sera caractérisé si le franchiseur ne respecte pas un délai de préavis suffisant. Le franchisé peut, dans ce cas, se prévaloir de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce, lequel sanctionne le fait de « rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (…) ».

La Cour d’appel de Paris a eu à se prononcer sur cette question dans un arrêt du 29 novembre 2007 (CA Paris, 29 nov. 2007, Juris-Data n°353808). En l’espèce, du fait de la succession de contrats, prorogés et/ou renouvelés, les parties étaient dans une relation commerciale établie depuis plus de 21 ans au jour de l’expiration du dernier contrat en cours. Le franchiseur a consenti par écrit, un préavis d’un an environ, à son franchisé. Pour apprécier si la durée de ce préavis était suffisante au regard de l’ancienneté de la relation commerciale, la Cour d’appel a tenu compte, non pas d’usages ou d’accords interprofessionnels puisqu’ils n’étaient pas invoqués dans le débat, mais des échanges épistolaires des parties depuis 6 ans, aux termes desquels le franchiseur indiquait qu’il ne pourrait pas renouveler le contrat en cours si des aménagements et un nouvel emplacement ne lui étaient pas proposés. Constatant que le franchisé n’avait jamais sérieusement proposé de nouvel emplacement, ni justifié avoir effectué des travaux d’aménagement mettant ses boutiques aux standards des autres boutiques du franchiseur, les juges du fond ont estimé que le préavis écrit d’un an qui a été consenti était suffisant au regard de la relation commerciale établie.

(209)         Dans cette affaire, le franchisé soutenait également que son cocontractant, en renouvelant plusieurs fois le contrat initial et en prorogeant à plusieurs reprises les périodes en cours, le franchiseur l’avait entretenu dans l’illusion d’un éventuel renouvellement plus durable. On sait en effet que la jurisprudence juge abusif le non renouvellement du contrat lorsque le franchiseur a incité son cocontractant à effectuer des investissements ne pouvant être amortis durant la période de préavis (CA Paris, 30 oct. 2003, Juris-Data n°230117) ou l’a entretenu dans la croyance erronée que le contrat serait renouvelé (CA Paris, 12 janv. 2005, Juris-Data n°277027 ; Cass. com., 5 oct. 2004, Rev. Lamy Droit Civil, n°12, janv. 2005 ; CA Paris, 30 oct. 2003, Juris-Data n°230117). L’argument du franchisé n’a pas davantage été accueilli par la cour d’appel qui s’est prononcée au regard de la courte durée du renouvellement, des diverses prorogations et du rappel systématique du manquement du franchisé à ses obligations.

En revanche, cet argument a prospéré au bénéfice du franchiseur dans une affaire où le franchisé avait rompu un contrat devenu à durée indéterminée en raison de sa prorogation tacite. La cour d’appel a estimé que, le franchisé en continuant à commander des marchandises selon un rythme croissant et à respecter l’exclusivité jusqu’au jour de la rupture de la relation commerciale de plus de 8 ans, avait maintenu le franchiseur dans la croyance légitime d’une pérennité des relations commerciales et que ce faisant, la durée de du préavis de deux mois consenti par le franchisé était insuffisante et la rupture fautive (CA Dijon, 15 nov. 2007, Juris-Data n°355669).

(210)         Dans une autre espèce, le franchisé invoquait la mauvaise foi du franchiseur qui avait refusé de renouveler les contrats de franchise en raison du non respect des quotas par le franchisé. Débouté par les juges du fond, le franchisé a formé un pourvoi aux termes duquel il faisait valoir que la cour d’appel ne pouvait écarter toute rupture abusive sans rechercher, ainsi que l’y était invité, si le non respect des quotas n’était pas imputable au comportement du franchiseur qui avait implanté de nouveaux partenaires à proximité de ses points de vente. La Cour de cassation, constatant que le franchiseur n’avait pas l’obligation de garantir une exclusivité au franchisé, a approuvé les juges du fond d’avoir écarté l’imputation de mauvaise foi du franchiseur (Cass. com., 9 oct. 2007, pourvoi n°05-14.118, Juris-Data n°040801).

II. La résiliation du contrat de franchise

(211)         La résiliation du contrat de franchise peut survenir suivant différents types de modalités (A). Lorsqu’elle intervient de manière fautive, le contractant fautif se doit de réparer les préjudices causés par sa faute (B).

A. Les modalités de la résiliation

(212)         La résiliation peut naître de la volonté commune des parties (1) ou de la volonté unilatérale de l’une d’elles (2).

1. La résiliation née du consentement mutuel des parties

FDeux décisions commentées : CA Caen, 6 mars 2008, Juris-Data n°366373; CA Riom, 20 Juin 2007, Juris-Data n°340383.

a) Les conditions de l’accord révocatoire

(213)         Les parties peuvent se mettre d’accord en vue de mettre fin au contrat initial. Cette résiliation opérée d’un commun accord – le mutuus dissensus – est une conséquence de la force obligatoire du contrat : ce que les parties on fait, seules les parties peuvent le défaire.

(214)         La révocation résulte, comme tout contrat, d’une offre dé révocation suivie d’une acceptation et, est souvent exprès. Cependant, un tel accord, qui n’est soumis à aucune condition de forme, peut être tacite et résulter des circonstances dont l’appréciation appartient aux juges du fond. Aussi, si la preuve de l’accord de l’ensemble des parties doit être apportée, il n’est pas nécessaire que cette preuve soit écrite. Les juges retiennent un faisceau d’indices précis, graves et concordants manifestant la volonté commune du franchiseur et du franchisé de résilier le contrat qui les liait. Tel est le cas, notamment, de l’inexécution de leurs obligations par l’ensemble des parties à compter d’une certaine date (Trib. com. Paris, 9 sept. 2005, RG n°2004/004816, inédit), ou d’un échange de courrier duquel il résulte que l’une des parties a proposé la résiliation et l’autre a pris acte de celle-ci (CA Riom, 20 juin 2007, RG n°06/01272, inédit ; CA Paris, 28 nov. 1994, Juris-Data n°024885 ; CA Paris, 1er mars 1990, Juris-Data n°020781). De même, il a été jugé que, lorsque le franchiseur permet à son franchisé de céder son fonds de commerce à un non-franchisé, il ne saurait, sauf à adopter un comportement contradictoire, lui interdire la résiliation de son contrat de franchise (Trib. com. Paris, 3 juill. 2006, Juris-Data n°314649).

b) Les effets de l’accord révocatoire

(215)         Comme tout contrat, l’accord révocatoire a force obligatoire entre les parties. Elles ne peuvent donc pas remettre en cause ses stipulations, sauf nouvel accord. Aussi, la partie ayant donné son accord écrit à la résiliation anticipé ne saurait revenir unilatéralement sur son engagement quand bien même son accord résulterait d’une erreur dans l’appréciation de la date d’arrivée du terme. Une décision de la Cour d’appel de Caen s’est prononcée en ce sens (CA Caen, 6 mars 2008, Juris-Data n°366373). En l’espèce, le franchisé avait notifié à son franchiseur une lettre de résiliation du contrat de franchise, à son échéance puis avait sollicité la confirmation par son cocontractant de la date d’échéance du contrat au 18 octobre 2003 et réitéré sa décision de résiliation à cette date. En réponse, le franchiseur a pris acte de la résiliation à terme en précisant que la date d’échéance était le 28 juillet 2003, sans aucune réserve quand au non respect du préavis contractuel. Puis, le franchiseur a fait connaître à son franchisé qu’une erreur de plume avait été commise dans la date d’expiration du contrat et qu’il expirait en réalité le 28 juillet 2004 et non en 2003. Le franchisé ayant quitté le réseau du franchiseur pour s’affilier à un réseau concurrent, le franchiseur a assigné son ancien franchisé aux fins de voir déclarer fautive la rupture du contrat à ses torts exclusifs. Le tribunal a fait droit à sa demande mais l’arrêt a été infirmé par la cour d’appel qui a jugé, qu’à compter de la notification du franchiseur, un accord était intervenu entre les parties relatif à la rupture anticipée des contrats litigieux et que la rectification tardivement effectuée unilatéralement était dénuée de toute valeur contractuelle. La décision peut paraître sévère mais la cour d’appel a pris le soin de relever que, s’il est vrai que la date d’échéance figurant sur le courrier du franchisé était erronée, il n’était ni allégué, ni démontré, que cette erreur ait été commise de mauvaise foi et qu’en outre, le franchiseur n’avait nullement protesté lorsque le franchisé lui avait réclamé, postérieurement à l’accord amiable, les documents nécessaires au respect des formalités administratives applicables lors de la résiliation du contrat à la date du 28 juillet 2003.

(216)         Lorsque la  rupture n’est pas fautive (CA Caen, 6 mars 2008, Juris-Data n°366373) les parties restent recevables à agir en réparation de leur préjudice ou en nullité en raison de faits antérieurs ou postérieurs à l’accord révocatoire. Il est donc conseillé aux parties, dans le cadre de l’accord révocatoire, d’en fixer les effets, par exemple en prévoyant le maintien de la clause de non-concurrence. Elles peuvent également prévoir des dédommagements, la reprise des stocks par le franchiseur, ou encore décider que la résiliation amiable vaudra confirmation et emportera extinction du droit d’agir en nullité.

A défaut d’une telle précaution, la résiliation amiable laisse subsister pour l’une ou l’autre des parties la faculté d’agir en nullité ainsi que vient de le rappeler la Cour d’appel de Riom en des termes lapidaires : « le franchisé est recevable à faire constater et prononcer la nullité du contrat de franchise, même après un accord de résiliation de la convention » (CA Riom, 20 juin 2007, RG n°06/01272, inédit).

Une clause de transaction permet de compléter efficacement un contrat de résiliation, sous réserve de respecter les conditions de validité ce qui requiert, des concessions réciproques des parties. Il permet de purger, pour le passé, comme pour l’avenir tout litige fondé sur la relation contractuelle amiablement éteinte.

2. La résiliation unilatérale du contrat de franchise

(217)         Dans les contrats à durée indéterminée, compte tenu de la prohibition en droit français des engagements perpétuels, chacune des parties peut y mettre fin sous réserve de ne pas commettre d’abus (CA Dijon, 15 nov. 2007, Juris-Data n°355669). Le contrat de franchise a parfois une durée indéterminée, notamment lorsqu’il s’agit d’un contrat reconduit tacitement sans que le contrat initial n’ait prévu la durée des contrats reconduits.

(218)         Dans les contrats à durée déterminées – hypothèse plus fréquente – les parties disposent d’une faculté de résiliation unilatérale dans deux séries de cas :

–        sur le fondement de la clause résolutoire stipulée au contrat ;

–        en présence de fautes graves d’une partie rendant impossible le maintien du lien contractuel ainsi que la poursuite de l’engagement souscrit (Cass. civ. 1ère, 13 oct. 1998, pourvoi n°96-21.485, Bull. civ. I, n°300 ; Cass. civ. 1ère, 20 févr. 2001, pourvoi n°99-15.170, Bull. civ. I, n°40 ; Cass. civ. 1ère, 28 oct. 2003, pourvoi n°01-03.662, Bull. civ. I, n°211 ; CA Paris, 2 avr. 2008, Juris-Data n°364977),  l’autre partie peut y mettre fin de façon unilatérale mais à ses risques et périls.

Dans ces deux cas, le juge pourra toujours être saisi par la partie ayant subi la résiliation et ce dernier vérifiera, en présence d’une clause résolutoire, si cette dernière a été mise en œuvre régulièrement – autrement dit si le manquement dont se prévaut le créancier est avéré et sanctionné par la clause résolutoire – et à défaut, si le comportement de la partie revêtait une gravité suffisante pour justifier la rupture.

Selon les cas, il ordonnera la résiliation du contrat de franchise aux torts de l’une d’elles (a) ou aux torts partagés des deux parties (b).

a) La résiliation prononcée aux torts exclusifs de l’une des parties

(i) La résiliation prononcée aux torts exclusifs du franchiseur

FQuatre décisions commentées : CA Paris, 28 févr. 2008, Juris-Data n°361041 ; Cass. com., 9 oct. 2007, pourvoi n°05-14.118, Juris-Data n°040801 ; CA Douai 6 sept. 2007, RG n°06/01777, inédit ; CA Paris, 13 juin 2007, Juris-Data n°356116.

(α) Le manquement à ses obligations contractuelles ou à son devoir général de loyauté

(219)         La résiliation est prononcée aux torts exclusifs du franchiseur lorsque celui-ci manque aux obligations essentielles du contrat de franchise. Il suffit de se référer à la définition du contrat de franchise pour considérer que la violation des obligations de mises à disposition de l’enseigne et de la marque, d’exclusivité territoriale(CA Paris, 28 févr. 2008, Juris-Data n°361041 ; CA Lyon, 28 févr. 2008, Juris-Data n°365609), de communication du savoir-faire et de fourniture de l’assistance commerciale ou techniques(CA Douai, 6 sept. 2007, RG n°06/1777, inédit) peuvent justifier la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur.

Une décision de la Cour d’appel de Douai(CA Douai, 6 sept. 2007, RG n°06/1777, inédit) a précisément prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur pour manquement de ce dernier à son obligation d’aide et d’assistance. En l’espèce, le franchisé avait dégagé des résultats sensiblement conformes aux prévisions jusqu’à ce que le franchiseur instaure une formule de pilotage à distance du rayon prêt à porter qu’elle n’a pu refuser. Les résultats du magasin du franchisé ont alors chuté. Le franchisé justifiait cette perte de chiffre d’affaires par le fait qu’elle n’a pas pu tester au préalable le mode de pilotage à distance de ses approvisionnements, qu’elle s’est trouvée à la tête de modèles et tailles qui ne correspondaient pas à sa clientèle, qui lui étaient expédiées sans égard à ses capacités d’écoulement, que ces volumes excédentaires ont généré des difficultés de trésorerie, lesquels ont provoqué en retour des retards de réassort de la part du franchiseur, qui ont détourné partie de sa clientèle. La cour d’appel a estimé que la chute de rentabilité du magasin du franchisé et la perte de la maîtrise de ses approvisionnements étaient établies et, constatant que le franchiseur n’avait jamais proposé de solution propre à remédier aux problèmes que lui signalait son franchisé après la mise en place du pilotage à distance du rayon prêt-à-porter, a jugé que le franchiseur avait failli à ses obligations et que, ce faisant la résiliation anticipée du contrat par le franchisé, n’était pas fautive.

(220)         La résiliation du contrat de franchise peut également être ordonnée aux torts exclusifs du franchiseur lorsque celui-ci a manqué à son devoir général de loyauté et à son obligation d’exécuter le contrat de bonne foi(Cass. com., 28 nov. 2006, Juris-Data n°036487 ; Trib. com. Paris, 3 juill. 2006, Juris-Data n°330083).

Au vu des décisions rendues l’année dernières et commentées dans notre précédente revue, il était à craindre un recours excessif à la notion de bonne foi pour sanctionner le manquement d’obligations non prévues par le contrat. On songe notamment à l’obligation de « discussion sur les modalités de résiliation amiable » proposées par le franchisé en situation d’urgence qu’à semblé consacrer le Tribunal de commerce de Paris à la charge du franchiseur(Trib. com. Paris, 3 juill. 2006, Juris-Data n°330083). L’actualité de cette année est plutôt rassurante de ce point de vue. La Cour de cassation a approuvé une cour d’appel d’avoir rejeté l’argumentation du franchisé qui faisait valoir que le franchiseur avait exécuté la contrat de mauvaise foi en le résiliant en raison du non respect des quotas par le franchisé, alors que le non respect des quotas était imputable au comportement du franchiseur qui avait implanté de nouveaux partenaires à proximité de ses points de vente et l’avait évincé des listes de ses magasins dans ses documents commerciaux. La Haute juridiction a rejeté l’argument au motif que le franchiseur n’avait pas l’obligation de garantir une exclusivité au franchisé(Cass. com., 9 oct. 2007, pourvoi n°05-14.118, Juris-Data n°040801).

(221)         En revanche, la mise en œuvre par le franchisé de la faculté de résiliation unilatérale mise à sa disposition par le contrat rend sans objet la demande de résiliation aux torts du franchiseur formée postérieurement à cette mise en œuvre(CA Paris, 13 juin 2007, Juris-Data n°356116).

(β) La résiliation du contrat par le franchiseur sans juste motif

(222)         Le franchiseur n’est fondé à résilier le contrat que s’il peut se prévaloir d’une faute imputable au franchisé.

(223)         Le contrat sera également résilié aux torts exclusifs du franchiseur si les fautes commises par le franchisé et sur lesquelles s’est appuyé le franchiseur pour mettre en œuvre la clause résolutoire sont « dérisoires » eu égard à celles commise par le franchiseur.

Dans une affaire dont la Cour d’appel de Paris a eu à connaitre, le franchiseur avait résilié le contrat de franchise en raison des retards de paiement par son franchisé. Le franchisé avait alors saisi le juge aux fins que soient constatés les manquements contractuels du franchiseur, et qu’en conséquence, la résiliation soit prononcée à ses torts exclusifs. Pour faire droit à sa demande, les juges ont tout d’abord constaté que si le franchiseur avait bien communiqué l’information précontractuelle prévue par le législateur, ce document ne faisait état que de conditions générales et ne visait aucune information sérieuse sur l’état du marché et les perspectives de développement du marché local par rapport au commerce envisagé. Ensuite et surtout, les juges ont estimé que le franchiseur avait violé de manière flagrante la clause d’exclusivité territoriale et en ont conclu que, quels que soient les griefs émis par le franchiseur, notamment quant au retard de paiement de la part du franchisé, la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur était justifiée. Il est vrai qu’en l’espèce, la violation par le franchiseur de son obligation d’exclusivité territoriale était particulièrement grave : d’une part, des messages publicitaires avaient été émis sur une radio locale à la demande de magasins concurrents citant la marque du franchiseur et leur nom, d’autre part, la marque du franchiseur était commercialisée par deux magasins situés sur le territoire concédé en exclusivité(CA Paris, 28 févr. 2008, Juris-Data n°361041).

(ii) La résiliation prononcée aux torts exclusifs du franchisé

FQuinze décisions commentées : CA Lyon, 28 févr. 2008, Juris-Data n°365609 ; CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit ; CA Bordeaux, 21 janv. 2008, RG n°07/03693, inédit ; CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit ; CA Lyon, 15 nov. 2007, RG n°05/07814 et n°06/01059 (deux arrêts inédits) ; CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/07685, n°05/07688 et n°05/06933 (trois arrêts inédits) ; CA Pau, 8 nov. 2007, RG n°06/00105, n°06/00106 et n°06/00935 (trois arrêts inédits) ; CA Bordeaux, 24 sept. 2007, Juris-Data n°346971 ; CA Douai, 28 juin 2007, RG n°06/03867, inédit ; CA Paris, 20 juin 2007, Juris-Data n°344968.

(α) Le manquement à ses obligations contractuelles ou à son devoir général de loyauté

(224)         La résiliation est prononcée aux torts exclusifs du franchisé lorsqu’il manque à ses obligations essentielles. Il en est notamment ainsi en cas de non-paiement des redevances (CA Paris, 20 juin 2007, RG n°05/04931 ; CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit), de non-respect du concept et du savoir-faire du franchiseur (CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit), de l’obligation d’assortiment minimum (CA Pau, 8 nov. 2007, RG n°06/00105, n°06/00106 et n°06/00935 (trois arrêts inédits)) ou d’approvisionnement (CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit), ou encore de refus des visites de contrôle (CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit). Le non-respect de la clause de non concurrence pendant l’exécution du contrat constitue également une faute justifiant la résiliation : tel est le cas lorsque le franchisé exploite un magasin qui vend le même type d’article que celui objet de la franchie alors qu’une disposition de son contrat de franchise lui faisait interdiction d’exploiter directement ou indirectement pour son compte ou pour le compte d’autrui des activité similaires à celles du franchiseur et ce, quelle que soit la localisation de cette exploitation (CA Bordeaux, 24 sept. 2007, Juris-Data n°346971).

(225)         Sur le fondement de l’obligation d’exécuter les contrats de bonne foi, la Cour d’appel de Pau a rejeté l’argumentation de plusieurs franchisés auxquelles il était reproché d’avoir violé leur obligation d’assortiment minimum. Ils se prévalaient d’une définition figurant dans la motivation d’un arrêt d’appel d’ordonnance de référé pour se contenter de commandes mensuelles réduites à zéro ou symbolique (CA Pau, 8 nov. 2007, RG n°06/00105, n°06/00106 et n°06/00935 (trois arrêts inédits)).

(β) La résiliation du contrat par le franchisé sans juste motif

(226)         La résiliation est également prononcée aux torts exclusifs du franchisé lorsque le manquement du franchiseur, dont il se prévaut pour justifier la résiliation du contrat, n’est pas avéré. L’actualité jurisprudentielle fournit plusieurs illustrations de cette hypothèse. Elles concernent des cas où il était reproché, à torts, au franchiseur de ne pas avoir respecté:

–       le processus décisionnel en matière de fidélisation de la clientèle et l’affectation de la redevance de communication, tel que prévus au contrat (CA Bordeaux, RG n°07/03693),

–       les modalités de livraison (CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, inédit),

–       son obligation d’approvisionnement (CA Lyon, 28 févr. 2008, Juris-Data n°365609),

–       ses obligations d’assistance et de transmission du savoir-faire (CA Paris 20 juin 2007, RG n°05/04931 ; CA Lyon, 28 févr. 2008, Juris-Data n°365609).

(227)         C’est au franchisé ayant résilié le contrat qu’il incombe d’apporter la preuve des manquements commis par le franchiseur (CA Lyon, 28 févr. 2008, Juris-Data n°365609 ; CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit ; CA Paris, 20 juin 2007, RG n°05/04931 ; CA Lyon, 22 mars 2007, Juris-Data n°332144).

(228)         Au manquement contractuel non avéré ou démontré, il faut assimiler le cas ou le manquement dont se prévaut le franchisé ne constitue pas une obligation contractuelle pour le franchiseur. Ainsi, dans une espèce où le franchisé faisait grief au franchiseur de ne pas lui avoir rendu compte du développement du réseau, la cour d’appel n’a pas accueillie son argumentation, au motif que le contrat faisait seulement obligation au franchiseur d’animer le réseau et ne contenait aucune obligation pour le franchiseur de rendre compte périodiquement à ses franchisés du développement du réseau (CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit).

De même, a-t-il été jugé que le franchisé ne peut légitiment invoqué le non respect par son franchiseur :

–        de son obligation d’approvisionnement aux motifs que la clause selon laquelle « le franchiseur offrira au franchisé un assortiment adapté à son type de magasin et à son environnement » ne peut être interprétée comme obligeant le franchiseur à satisfaire, à chaque fois, l’intégralité des commandes du franchisé dans le délai convenu, qu’il est douteux que le franchiseur ait contracté une telle obligation, les ruptures de stocks ponctuelles étant un évènement ordinaire et qu’il n’est pas démontré que les ruptures de stock aient eu, en l’espèce, une importance anormale (CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit ; CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, inédit).

–        des délais de livraison dès lors que le contrat stipule expressément que les délais de livraison prévus ne sont donnés qu’à titre indicatif et que les retards ne donnent pas le droit d’annuler la vente, de refuser la marchandise ou de réclamer des dommages et intérêts (CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, inédit) ;

–        des délais d’envoi des factures dès lors qu’aucune disposition contractuelle ne prévoit de délai pour l’envoi des factures du franchiseur au franchisé (CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, inédit).

(229)         Dans une série d’affaires dont la Cour d’appel de Lyon a eu à connaître, les franchisés ont tenté de mettre à la charge de leur franchiseur une obligation de leur communiquer les accords négociés avec les producteurs et fournisseurs pour le compte du réseau et de leur reverser les avantages consentis par le fournisseur dans le cadre de la négociation des prix, alors qu’aucune clause du contrat ne prévoyait expressément le reversement au franchisé des remises et ristournes accordés par les producteurs et fournisseurs. Ils s’appuyaient sur la stipulation contractuelle selon laquelle « le franchiseur négocie directement avec les producteurs et fournisseurs et agit en tant que centrale de référencement et d’achat pour l’ensemble des produits, et ce pour le compte du réseau », pour soutenir que les franchisés étaient liés par un contrat de mandat ou de commission avec leur franchiseur et que ce faisant, ce dernier avait l’obligation de les faire bénéficier des remises, ristournes et autres rabais consentis par le producteur.

La cour d’appel a rendu des décisions uniformes en rejetant les prétentions des franchisés (CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit ; CA Lyon, 15 nov. 2007, RG n°05/07814, inédit ; CA Lyon, 15 nov. 2007, RG n°06/01059 ; CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, n°05/07685 et n°05/07688 (trois arrêts inédits)). Interprétant le contrat de franchise à la lumière de la commune intention des parties (CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, inédit), les juges ont estimé que, « peu important l’utilisation de l’expression « négocie pour le compte », les parties ne sont pas liées par un contrat de mandat ou de commission, mais que, dans ses relations avec le franchisé, le franchiseur agit en qualité de grossiste vis-à-vis d’un détaillant qui, après avoir négociés le prix de produits auprès de fournisseurs et les avoir achetés, les revend aux membres de son réseau, à un prix régulièrement fixé conformément au contrat de franchise ».

Pour se déterminer ainsi, les juges se sont appuyés sur les stipulations contractuelles suivantes:

–        le franchisé s’est engagé à ne s’approvisionner qu’auprès du franchiseur ou de fournisseurs agrées par lui ;

–        le contrat prévoit que le franchiseur, pour les produits référencés et livrées directement par lui, assure le stockage sur entrepôt et en communique en permanence au franchisé le liste te la définition ;

–        le contrat mentionne la qualité de « franchisé-acheteur » ;

–        le contrat prévoit que le franchiseur facture au franchisé et se réserve la propriété des marchandises jusqu’au paiement intégral du prix ;

–        le contrat prévoit que le franchiseur communique régulièrement son tarif au franchisé et réserve au franchiseur la possibilité de modifier en hausse ou en baisse le prix des produits pour tenir compte des prix des producteurs et fournisseurs ;

–        se trouve joint au contrat un tarif client visant tous les produits référencés et contenant un prix de cession (pris de vente du franchiseur au franchisé), un prix de vente dans le magasin du franchisé et la marge ainsi réalisée.

Dans une décision, les juges ont ajouté que la répartition des avantages consentis par les producteurs et fournisseurs, entre le franchiseur et les franchisés d’abord et entre les différents franchisés ensuite, aurait nécessité l’établissement d’un document contractuel en fixant les règles et modalités (CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, inédit).

Les franchisés n’ont pas davantage eu gain de cause sur le fondement des articles L.442-6-I et L.420-1 du Code de commerce, faute de rapporter la preuve qu’elle n’aurait pas bénéficié des mêmes avantages que ceux procurés à la concurrence par les fournisseurs ou d’une action concertée à laquelle aurait participé volontairement le franchiseur et une autre entreprise et qui aurait eu pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché (CA Lyon, 15 nov. 2007, RG n°05/07814 et n°06/01059 (deux arrêts inédits) ; CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/07685 et n°05/07688 (deux arrêts inédits)).

(230)         Le fait que le franchiseur n’est pas contesté les termes de la mise demeure du franchisé est impropre à démontrer qu’il a reconnu implicitement l’obligation mise à sa charge par le franchisé (CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, inédit). En revanche, le fait que le franchisé n’ait pas demandé, dans les premières années d’exécution du contrat, l’exécution de l’obligation dont il invoque la violation, constitue un indice en faveur du mal fondé de ses allégations (CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit ; CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933 ; CA Lyon, 15 nov. 2007, RG n°05/07814, inédits).

(231)         Le franchisé résilie également sans juste motif le contrat de franchise lorsqu’il soutient, à tort, qu’il a fait connaître son intention de ne pas renouveler le contrat de franchisé à son échéance (CA Douai, 28 juin 2007, RG n°06/03867, inédit).

b) La résiliation prononcée aux torts partagés du franchiseur et du franchisé

FUne décision commentée : CA Paris, 28 févr. 2008, Juris-Data n°361041.

(232)         Le contrat est résilié aux torts réciproques du franchiseur et du franchisé dès lors que des fautes ont été commises de part et d’autre (CA Bordeaux, 24 janv. 2007, 2 arrêts, RG n°04/06592 et 04/06594, inédits).

(233)         Toutefois, l’inégalité de la gravité des fautes commises peut justifier que la résiliation soir prononcée aux torts exclusifs de la partie ayant commis le manquement le plus grave. Ainsi, la Cour d’appel de paris a-t-elle jugé que la violation flagrante de la clause d’exclusivité territoriale justifie que la résiliation du contrat de franchise soit prononcée aux torts exclusifs du franchiseur « quels que soient les griefs émis par cette société, notamment quant aux retards de paiement de la part du franchisé » (CA Paris, 28 févr. 2008, Juris-Data n° 361041).

B. Les sanctions de la résiliation fautive

(234)         La résiliation fautive du contrat de franchise justifie la réparation du préjudice que son auteur a causé à son cocontractant : cette réparation relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (1), à moins qu’elle ne soit prédéterminée par les parties elles-mêmes au moyen d’une clause pénale (2).

1. La détermination par le juge des préjudices consécutifs à l’anéantissement du contrat

(235)         Dès lors que ses condition d’application son réunies (a), la résiliation du contrat de franchise ouvre droit à réparation au profit du contractant non fautif (b).

a) Les conditions du droit à réparation

FQuatre décisions commentées : CA Caen, 6 mars 2008, Juris-Data n°366373 ; CA Paris, 28 févr. 2008, Juris-Data n°361041 ; CA Montpellier, 27 nov. 2007, Juris-Data n°353372 ; CA Riom, 20 Juin 2007, Juris-Data n°340383.

(236)         Conformément au droit commun de la responsabilité, la résiliation, même fautive, n’entraîne pas automatiquement droit à réparation au profit de la partie victime : des trois éléments de la responsabilité, elle ne constitue que la faute. En encore faut-il qu’elle démontre avoir subi un préjudice causé par la faute, ce que les juridictions sont parfois amenée à rappeler (CA Riom, 20 juin 2007, RG n°06/01272, inédits). Ainsi, par exemple, la violation de la clause de non affiliation ne peut donner lieu à indemnisation du franchiseur qui ne produit aucun document, et notamment aucune pièce comptable de nature à permettre à la cour d’appel de chiffrer le préjudice (CA Caen, 6 mars 2008, Juris-Data n°366373).

(237)         La demande de réparation fondée sur la résiliation fautive du contrat ne peut être demandée que par le franchiseur au franchisé et vice-versa. En aucun cas, le dirigeant de la société contractante ne peut demander réparation sur un tel fondement : en l’absence d’un lien de droit entre la partie fautive et ledit dirigeant, ce dernier n’a pas intérêt à agir au sens de l’article 31 du Code de procédure civile (CA Paris, 5 juill. 2006, Juris-Data n°312416). De même, le franchisé, victime de la résiliation fautive, n’est pas fondé à demander la condamnation solidaire de son franchiseur et de son fournisseur dès lors que seul le franchiseur à signer le contrat de franchise et, est donc, seul tenu aux obligations qui en découlent (CA Paris, 28 févr. 2008, Juris-Data n°361041).

(238)         Le fait pour la partie non fautive, de ne pas demander la résiliation du contrat ou de ne pas mettre en œuvre la clause de résiliation au moment de l’inexécution n’implique pas, par principe, qu’elle tolère cette inexécution et renonce à agir sur son fondement. Par conséquent, lorsque la partie fautive résilie le contrat, son cocontractant dispose de la possibilité de demander en justice que la résiliation soit prononcée à ces torts et de demander réparation de son préjudice (CA Bordeaux, RG n°04/06594, inédit). De même, le fait que la partie non fautive n’ait pas demandé la résiliation du contrat pendant son exécution est sans incidence sur son droit à demander réparation à l’expiration du contrat (CA Angers, 19 déc. 2006, Juris-Data n°330903).

En revanche, la nullité du contrat en raison d’un dol du franchiseur exclut que sa rupture anticipée par le franchisé puisse être considérée comme fautive (CA Montpellier, 27 nov. 2007, Juris-Data n°353372).

b) La mise en œuvre du droit à réparation

F Douze décisions commentées : CA Paris, 28 févr. 2008, Juris-Data n°361041 ; CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit ; CA Lyon, 24 janv. 2008, Juris-Data n°365835 ; CA Bordeaux, 21 janv. 2008, RG n°07/03693, inédit ; CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit ; CA Montpellier, 27 nov. 2007, Juris-Data n°353372 ; CA Dijon, 15 nov. 2007, Juris-Data n°355669 ; CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/07688, inédit ; Cass. com., 9 oct. 2007, pourvoi n°05-14.118, Juris-Data n°040801 ; CA Bordeaux, 24 sept. 2007, Juris-Data n°346971 ; CA Douai, 6 sept. 2007, RG n°06/1777, inédit ; CA Paris, 20 juin 2007, Juris-Data n°344968.

(239)         En raison de son absence d’effet rétroactif, la résiliation emporte des effets différents (i) de ceux de la nullité (ii).

(i) Les préjudices indemnisables en cas de résiliation du contrat de franchise

(240)         Les effets de la résiliation remontent, selon les cas, à la date à laquelle les parties ont décidé de faire cesser leurs relations contractuelles, à la date des effets du préavis, à la date du jugement. C’est le juge qui, au cas par cas, constate ou fixe la date des effets de la résiliation. La plupart du temps, il la fixera au jour où le débiteur a cessé d’exécuter ses obligations (CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit).

Les préjudices indemnisables varient selon que la résiliation est imputable au franchiseur  (α) ou au franchisé (β).

(α) La résiliation est imputable au franchiseur

(241)         Lorsque la résiliation fautive est imputable au franchiseur, le franchisé pourra notamment obtenir, lorsqu’elle est établie, la réparation des préjudices suivants :

–        les pertes d’exploitation lorsque les chiffres avancés par le franchisé sont établis par un professionnel du chiffre et attesté par lui, tout en étant corroboré par des déclarations fiscales (CA Nîmes, 23 juin 2005, Juris-Data n°282018), étant précisé que :

o  le montant des charges passées à tort en perte d’exploitation alors qu’elles relèvent de l’amortissement doit être déduit (CA Paris, 5 juill. 2006, Juris-Data n°312416) ;

o  la perte de marge brute ne peut être calculée que pour la période où le franchiseur a manqué à ses obligations (CA Douai, 6 sept. 2007, RG n°06/01777, inédit) ;

o  cette indemnisation de perte de revenus exclut toute allocation de dommages et intérêts supplémentaires correspondant à la perte de partie des « capitaux propres », qui n’est que le résultat de l’insuffisance de marge brute réalisée au cours de la période, et de l’incapacité dans laquelle s’est trouvée le franchisé de faire valider 4 trimestres de cotisations à une caisse de retraite en raison de la faiblesse de ses revenus (CA Douai, 6 sept. 2007, RG n°06/01777, inédit) ; car cela reviendrait à réparer plusieurs fois le même préjudice ;

–        le manque à gagner, lequel doit être apprécié, non pas au regard du chiffres d’affaires prévisionnel mais compte tenu de celui effectivement réalisé et, est constitué par la seule privation des bénéfices attendus, après déduction des charges d’exploitation,

–        les investissements financiers non amortis correspondant aux aménagements spécifiques à l’enseigne (CA Douai, 6 sept. 2007, RG n°06/01777, inédit) et au versement du droit d’entrée (CA Paris, 28 févr. 2008, Juris-Data n°361041),

–        le remboursement du solde de l’emprunt bancaire contracté pour les besoins du démarrage de l’activité dès lors que le franchiseur est responsable des difficultés financières rencontrées par le franchisé (CA Douai, 6 sept. 2007, RG n°06/1777, inédit),

–        les frais engagés pour remplacer les éléments distinctifs du réseau devant être ôtés en raison de la résiliation,

–        le préjudice commercial (CA Paris, 28 févr. 2008, Juris-Data n° 361041) et notamment la perte de clientèle rendue inéluctable par la clause de non concurrence stipulé au contrat, étant précisé que l’indemnisation de ce poste de préjudice suppose que le franchisé puisse se prévaloir d’une clientèle propre et non exclusivement attaché au franchiseur (Cass. com., 9 oct. 2007, pourvoi n°05-14.118, Juris-Data n°040801),

–        le préjudice moral.

(242)         Le fait que le contrat de franchise soit résilié aux torts exclusifs du franchiseur ne fait pas obstacle à son droit d’obtenir le paiement de diverses sommes restées impayées correspondants notamment aux marchandises livrées (CA Paris, 28 févr. 2008, Juris-Data n° 361041 ; CA Douai, 6 sept. 2007, RG n°06/1777, inédit) et au cotisations publicitaires, à moins que les prestations publicitaires aient été inutiles du fait de la violation par le franchiseur de la clause d’exclusivité territoriale (CA Paris, 28 févr. 2008, Juris-Data n° 361041).

(β) La résiliation est imputable au franchisé

(243)         Lorsque la résiliation fautive est imputable au franchisé, le franchiseur pourra notamment obtenir la réparation des préjudices suivants, lorsqu’ils sont caractérisés :

–        les redevances non réglées (CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit),

–        le paiement des redevances de franchise jusqu’au terme du contrat (CA Paris, 20 juin 2007, RG n°05/04931, inédit ; CA Bordeaux, 21 janv. 2008, RG n°07/03693, inédit ; CA Bordeaux, 24 sept. 2007, Juris-Data n°346971 ; CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/07688, inédit ; CA Bordeaux, 21 janv. 2008, RG n°07/03693, inédit ; CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit) ou, lorsque la faute consiste à ne pas avoir respecté le préavis prévu par la clause de résiliation, le paiement des redevances de franchise jusqu’à la fin du préavis qui aurait dû être respecté (CA Dijon, 15 nov. 2007, Juris-Data n°355669). Lorsque le montant de la redevance est fixé proportionnellement au chiffre d’affaires et que le franchisé s’abstient de communiquer un tel chiffre, le montant de la redevance est calculé sur la base du dernier mois connu (CA Paris, 20 juin 2007, RG n°05/04931, inédit),

–        le trouble commercial résultant du départ anticipé et brutal du franchisé (CA Bordeaux, 24 sept. 2007, Juris-Data n°346971),

–        le préjudice résultant de la violation de la clause de non affiliation ou de non concurrence (CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/07688, inédit ; CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit),

–        la perte de chance de percevoir une marge bénéficiaire réalisée sur la vente des produits au franchisé (CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit).

(244)         Lorsque le contrat est résilié aux torts du franchisé, celui-ci ne peut prétendre à aucune indemnisation du fait de cette rupture (CA Bordeaux, 24 sept. 2007, Juris-Data n°346971).

(ii) Les préjudices indemnisables en cas de nullité ou résolution du contrat de franchise

(245)         L’annulation ou la résolution du contrat de franchise a, contrairement, à la résiliation, un effet rétroactif : chacune des parties est replacée dans la situation dans laquelle elle se trouvait antérieurement au contrat.

En raison de cet effet rétroactif, le franchiseur est tenu de restituer au franchisé :

–        le droit d’entrée (CA Lyon, 24 janv. 2008, Juris-Data n°365835) ;

–        les factures liées à la formation (CA Lyon, 24 janv. 2008, Juris-Data n°365835) ;

–        les redevances versées depuis la signature du contrat (CA Paris, 26 oct. 2006, Juris-Data n°322712).

(246)         Le franchisé ne peut être privé du bénéfice des restitutions réciproques au motif d’une implication insuffisante dans une activité à la rentabilité incertaine (CA Montpellier, 27 nov. 2007, Juris-Data n°353372).

Les restitutions consécutives à la nullité ne se confondent pas avec l’indemnisation des préjudices résultant du dol dont a été victime l’une parties. Ainsi, le franchisé pourra obtenir réparation de ses préjudices d’ordre matériel et moral (CA Lyon, 24 janv. 2008, Juris-Data n°365835 ; CA Montpellier, 27 nov. 2007, Juris-Data n°353372).

2. La clause pénale

(247)         La clause pénale (a) peut être révisée par le juge dans certains cas (b).

a) Les caractères de la clause pénale

F Cinq décisions commentées : CA Lyon, 28 févr. 2008, Juris-Data n°365609 ; CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit ; CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/07685, n°05/07688 et n°05/06933 (trois arrêts inédits).

(248)         La clause pénale, régie par les articles 1152 et 1226 et suivants du Code civil, s’entend comme la stipulation conventionnelle aux termes de laquelle les parties s’accordent sur le fait que celui qui n’exécutera pas l’obligation principale à sa charge versera à l’autre, à titre de peine privée, une somme d’argent déterminée à l’avance. La mise en œuvre de la clause par le créancier suppose donc une inexécution fautive de la part du débiteur (CA Lyon, 28 févr. 2008, Juris-Data n°365609).

(249)         Le premier alinéa de l’article 1152 du Code civil dispose : « lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre ». Ainsi, lorsque le contrat de franchise contient une clause pénale obligeant le franchisé à payer une certaine somme dans l’hypothèse où le contrat serait rompu à ses torts, il ne peut être tenu qu’aux dommages et intérêts ainsi prévus et le franchiseur ne peut demander une indemnité supplémentaire correspondant, par exemple à la perte de marge sur approvisionnement ou la perte d’emplacement (CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, n°05/07685 et n°05/07688 (trois arrêts inédits) ; CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit), à moins que ce soit du fait de son dol que l’obligation n’est pas exécutée ou d’une faute lourde (CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/07685 et n°05/07688 (deux arrêts inédits)).

Cependant, lorsque la clause pénale ne sanctionne que l’inexécution d’une obligation déterminée, elle ne fait pas obstacle à l’octroi de dommages et intérêts complémentaires lorsque le débiteur méconnaît d’autres obligations. Ainsi, lorsqu’elle sanctionne la rupture fautive par le franchisé, le franchiseur peut obtenir la réparation du préjudice que lui cause par ailleurs la violation de l’interdiction d’affiliation post-contractuelle prévue par le contrat (CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, n°05/07685 et n°05/07688 (trois arrêts inédits)).

(250)         Par ailleurs, ayant une fonction de sanction dans le cas d’une inexécution, la clause pénale ne fait pas obstacle à l’exécution forcée de certaines obligations, et notamment à l’exécution forcée du paiement de sommes d’argent ; le débiteur est alors condamné à payer à son créancier le montant de la clause pénale, mais également les sommes qu’il doit en exécution du contrat. Cela ne sera cependant pas le cas lorsque la clause pénale a pour rôle de sanctionner l’inexécution de l’obligation dont on demande l’exécution forcée, à moins qu’elle n’en sanctionne que le retard.

b) La révision judiciaire de la clause pénale

(i) Les critères d’appréciation de son caractère manifestement excessif ou dérisoire

FNeuf décisions commentées : CA Lyon, 28 févr. 2008, Juris-Data n°365609 ; CA Lyon, 7 févr. 2008, RG n°06/01563, inédit ; CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit ; CA Lyon, 15 nov. 2007, RG n°05/07814 et n°06/01059 (deux arrêts inédits) ; CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/07685, n°05/07688 et n°05/06933 (trois arrêts inédits) ; CA Paris, 20 juin 2007, Juris-Data n°344968.

(251)         La révision judiciaire de la clause pénale, prévue par l’article 1152 alinéa 2 du Code civil étant d’ordre public, toute stipulation de nature à lui porter atteinte est donc réputée non écrite (CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit).

La réduction ou l’augmentation d’une clause pénale n’est qu’une simple faculté pour le juge, qui dispose en la matière d’un pouvoir discrétionnaire. En principe, le caractère manifestement excessif ou dérisoire de la clause pénale s’apprécie objectivement en comparant l’écart existant entre la valeur du dommage et celle de l’indemnité contractuellement fixée (α). Or, l’analyse des décisions jurisprudentielles révèle que les juges n’hésitent pas à compléter cette approche par des considérations plus subjectives en recherchant si cet écart peut être justifié au regard de l’économie générale du contrat et du comportement des partie (β).

(α) Appréciation objective

(252)        La constatation d’une disproportion manifeste entre le montant de la pénalité et la valeur du préjudice est, en toute hypothèse, exigée pour justifier l’exercice du pouvoir de révision judiciaire.

Dans ces conditions, l’absence d’écart considérable entre l’ampleur du dommage et la somme stipulée justifie le refus opposé au franchiseur, créancier de la clause pénale, d’augmenter le montant prévu par ladite clause. Dans quatre décisions récentes, la Cour d’appel de Lyon a refusé d’augmenter, et donc de considérer come manifestement dérisoire, la peine contractuellement prévue égale au montant de la redevance annuelle multiplié par le nombre d’années à courir jusqu’à l’année du terme avec un minimum de 12 mois, en raison de l’absence de disproportion entre cette peine et le préjudice subi par le franchiseur qui ne justifiait pas de l’impossibilité d’implanter dans la même localité un fonds de commerce d’une surface identique à celui de la société franchisée (CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/07685 et n°05/07688 (deux arrêts inédits) ; CA Lyon, 15 nov. 2007, RG n°05/07814 et n°06/01059 (deux arrêts inédits)).

Dans une autre affaire, la Cour d’appel a refusé de considérer comme dérisoire la clause pénale dont les modalités de calcul reviennent à n’indemniser le franchiseur que pour la perte de redevance et non pour la perte de marge sur approvisionnement et la perte d’emplacement, aux motifs suivants: « en raison de la liberté laissée au franchiseur de se fournir ailleurs que chez le franchiseur, le  préjudice relatif à la perte de marge n’aurait pu constituer qu’une perte de chance. Quant au préjudice de perte d’emplacement, pour la période restant à courir jusqu’au terme du contrat, il correspond au préjudice pour perte de redevance, et pour la période postérieure, il n’existe pas du fait que le franchiseur, à qui la clientèle du fond n’appartient pas, n’a aucun droit à disposer d’un emplacement dans la zone de chalandise » (CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, inédit).

(253)         De même, en l’absence d’un écart manifeste entre le montant dû au titre de la clause pénale et celui équivalent au préjudice, le franchisé ne peut obtenir la minoration de l’indemnité contractuellement prévue. Ainsi, la Cour d’appel de Paris a considéré que la clause pénale n’était pas manifestement excessive au regard du préjudice subi par le franchiseur qui, en raison du comportement fautif du franchisé, s’est trouvé privé de 7 mois de redevances et sans franchisé dans la région parisienne pour une durée incertaine (CA Paris, 20 juin 2007, RG n°05/04931, inédit).

(254)         L’exigence de la caractérisation d’une disproportion manifeste semble imposer la comparaison entre deux montants définis : celui indiqué dans la clause et celui correspondant aux préjudices ; néanmoins, il a été jugé récemment que le fait que le préjudice soit difficilement quantifiable, loin d’exclure la possibilité de constater le caractère manifestement excessif de la clause était, au contraire, de nature à l’établir (CA Lyon, 7 févr. 2008, RG n°06/01563, inédit).

(β) Appréciation subjective

(255)         Le juge a également recours à des critères subjectifs pour décider si oui ou non, il procédera à la révision du montant de la peine contractuelle. Les critères les plus fréquemment utilisés sont la durée des relations contractuelles (Aussi, la brièveté des relations contractuelles entre le franchiseur et le franchisé peut justifier une minoration de la clause pénale si son montant est proportionné au temps restant à courir jusqu’au terme contractuel : CA Lyon, 11 févr. 2000, Juris-Data n°151453 ; CA Paris, 12 sept. 1997, Juris-Data n°023002 ; CA Limoges, 16 mars 1988, Juris-Data n°041327), le profit tiré de l’exécution du contrat (Certaines décisions judiciaires ont fait état des avantages retirés par le franchisé pendant l’exécution du contrat de franchise et postérieurement, pour refuser de réduire le montant de la clause pénale : CA Bordeaux, 1er déc. 2004, Juris-Data n°267006 ; CA Paris, 4 avr. 1998, Juris-Data n°022498), mais aussi et surtout, l’attitude des parties (CA Aix-en-Provence, 4 mars 2005, Juris-Data n°275013 : en l’espèce, la résiliation avait été motivée par le fait que le franchisé avait manqué à ses obligations financières ; cependant, des services impayés ayant été facturés par le franchiseur, la clause pénale est minorée. V. en outre Trib. com. Paris, 16 mai 1994, Juris-Data n°042729 : les investissements effectués par le franchisé pour améliorer la station service concernée sont pris en compte dans le cadre de la minoration de la clause pénale).

A cet égard, la motivation d’un arrêt récent de la Cour d’appel de Toulouse est particulièrement intéressante. L’indemnité contractuelle était égale à 48 mois de redevances mensuelles et a été jugée manifestement disproportionnée. La Cour d’appel, après avoir reconnu que le départ anticipé d’un franchisé est pénalisant, que tout manquement à l’obligation d’approvisionnement désorganise les circuits de distribution ou encore que la rupture est d’autant plus préjudiciable qu’elle est soudaine, ajoute, pour justifier la réduction de la clause pénale que, le franchiseur n’a formulé aucune critique tout au long de l’exécution du contrat de franchise, que ce n’est pas le franchisé qui a pris l’initiative de la procédure et qu’en définitif son préjudice n’a pris naissance que quelques mois avant la délivrance de l’assignation (CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit).

(256)         La situation de fortune du débiteur peut également justifier la réduction de la clause pénale. En effet, un arrêt de la Cour d’appel de Lyon, s’appuie expressément, non seulement sur le fait que le franchiseur a pu installer rapidement un nouveau franchisé dans le secteur, mais également sur la situation de redressement judiciaire du franchisé pour réduire le montant de la pénalité(CA Lyon, 28 févr. 2008, Juris-Data n°365609).

(ii) La charge de la preuve de son caractère manifestement excessif ou dérisoire

(257)         Conformément au droit commun de la preuve, et mis à part le cas où le juge use de son pouvoir de révision d’office, il appartient au créancier de la clause pénale d’apporter la preuve de son caractère manifestement dérisoire et, inversement, au débiteur désireux d’obtenir sa réduction, de rapporter la preuve de son caractère manifestement excessif. Par conséquent, le franchisé, aux torts duquel le contrat a été résilié, est débouté de sa demande de réduction dès lors qu’il « ne verse aux débats aucune pièce démontrant que son montant serait manifestement excessif »(CA Chambéry, 10 oct. 2006, Juris-Data n°322011 ; CA Paris, 1er mars 1995, Juris-Data n°021090).

(258)         Il est précisé que le caractère manifestement excessif ou dérisoire de la peine convenue s’apprécie au jour où le juge statue sur la demande tendant au paiement de la pénalité et non au moment de la conclusion du contrat(Cass. civ. 1ère, 19 mars 1980, pourvoi n°78-13.151) Par conséquent, si des paiements partiels sont déjà intervenus, il les comparera aux sommes restant dues.

III. Les relations post-contractuelles

(259)         Lorsque les obligations régissant les relations des parties pendant la période d’application du contrat prennent fin, le franchiseur et le franchisé ne sont pas déchargés l’un envers l’autre de toute obligation. En effet, tandis que certaines obligations découlent de plein droit de la fin du contrat ; d’autres sont imposées par le contrat. Une partie de celui-ci survit ainsi aux obligations contractuelles fondamentales. Ces obligations ont pour objet soit de liquider le passé contractuel, soit de régir le comportement des parties postérieurement à la rupture du contrat de franchise. Elles s’imposent aussi bien au franchiseur (A) qu’au franchisé (B), indépendamment du caractère fautif ou non de la rupture du contrat.

A. Les obligations post-contractuelles du franchiseur

FDeux décisions commentées : CA Chambéry, 2 oct. 2007, Juris-Data n°353925 ; CA Douai, 6 sept. 2007, RG n°06/1777, inédit.

1. Les obligations relatives au fichier client du franchisé et aux cartes de fidélité

(260)         Le franchisé peut tenir un fichier contenant des renseignements relatifs à sa clientèle. Le cas échéant, ce fichier peut être commun à l’ensemble du réseau. En tant que traitement de données personnelles, ce fichier doit être conforme aux dispositions de la Loi informatique et libertés (Loi n°78-17 du 6 janv. 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés).

(261)         Des difficultés sont susceptibles de survenir lors de la cessation des relations contractuelles, quant aux droits respectifs des parties sur ce fichier. Il semble résulter de l’arrêt Trévisan  du 27 mars 2002(Cass. civ. 3ème, 27 mars 2002, pourvoi n°00-20.732, Bull. civ. III, n°77 ; Juris-Data n°013715) que, si les conditions posées par cet arrêt pour que la clientèle locale soit considérée appartenir au franchisé sont remplies, le franchiseur n’a pas le droit d’en faire usage, sauf stipulation contraire. De même, un fichier appartient, là encore sauf stipulation contraire, à celui qui le constitue. En effet, il constitue une base de données au sens de l’article L.112-3 du Code de la propriété intellectuelle(L’alinéa 2 dudit article dispose en effet que « on entend par base de données un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen ») et est protégé en tant que tel par les droits d’auteur, sous réserve de la réunion des conditions d’application de ce dernier, et notamment de la condition d’originalité ; en outre, en tant que producteur, celui qui constitue la base dispose d’un droit sui generis qui lui permet d’interdire l’extraction totale ou partielle de données, et leur réutilisation par la mise à la disposition du public(CPI, art. L.342-1).

(262)         Cependant, il est prudent que les parties prévoient contractuellement le sort du fichier de clientèle élaboré par le franchisé. Ainsi, le contrat pourra stipuler que ce fichier est la propriété exclusive du franchisé, ou, au contraire, qu’il est transmis au franchiseur à la fin des relations contractuelles. Dans le premier cas, le franchiseur ne pourra, sauf à commettre une faute, exploiter ledit fichier(V. CA Paris, 24 janv. 2002, D. 2003, p. 2428, note D. Ferrier : commet un acte de concurrence déloyale par tentative de détournement de clientèle le franchiseur qui après le terme du contrat, viole la clause lui interdisant d’exploiter le fichier constitué par le franchisé « à l’issue du contrat quelle qu’en soit la cause ». V. également, pour une hypothèse proche, CA Colmar, 29 avr. 2003, Juris-Data n°232142 : le franchiseur, après avoir demandé à son ancien franchisé de lui transmettre sa liste de clients, afin de la communiquer au nouveau franchisé pour que ce dernier ne démarche pas la clientèle de l’ancien franchisé, lui a confirmé que le nouveau franchisé ne visiterait en aucun cas la clientèle visée dans la liste. L’engagement ainsi pris est analysé comme une promesse de porte fort. Le franchiseur, tenu d’une obligation de résultat, doit réparer le préjudice subi par l’ancien franchisé du fait du démarchage de sa clientèle par le nouveau franchisé). Dans le second, cette exploitation sera prohibée au franchisé.

(263)         La solution est différente pour les fichiers des titulaires de cartes de fidélité développées par l’enseigne qui demeurent la propriété de l’enseigne. La solution a été énoncée dans un arrêt récent de la Cour d’appel de Chambéry du 2 octobre 2007 (CA Chambéry, 2 oct. 2007, Juris-Data n°353925).  En l’espèce, une société exploitant un point de vente sous une enseigne de la grande distribution a agi en concurrence déloyale contre d’autres sociétés exploitant à proximité des points de vente de la même enseigne. Elle leur reprochait un détournement de clientèle, lequel résulterait de l’envoi par les dirigeants d’un courrier à ses propres clients leur faisant connaître qu’ils pouvaient utiliser, dans leurs propres points de vente, la carte de fidélité développée par l’enseigne. La Cour, rejetant un tel grief, confirme le jugement déféré et écarte tout détournement de clientèle. Elle constate que le programme de fidélisation de la clientèle, se traduisant par l’émission de cartes de fidélité, avait été développé par l’enseigne, que ces cartes demeuraient la propriété de l’enseigne, et que le coût financier de ce programme était en définitive supporté par l’enseigne. Dès lors, l’utilisation des fichiers des titulaires de ces cartes par certains points de vente n’était aucunement fautive, en raison de l’attachement de la clientèle à l’enseigne. Or, selon la Cour d’appel, cette utilisation était justifiée en l’espèce, dans la mesure où la carte de fidélité n’était utilisable que dans le point de vente où elle avait été souscrite, et où le retrait de la société requérante de l’enseigne avait privé la possibilité pour la clientèle de ce point de vente d’utiliser la carte de fidélité souscrite. Par conséquent, la Cour d’appel conclut que l’envoi postérieur à ce retrait d’un courrier à cette clientèle l’informant des modalités de conservation et d’utilisation de la carte de fidélité correspondait à une information légitime de cette clientèle, et non à un détournement fautif de clientèle.

2. Les obligations relatives aux stocks et au matériel du franchisé

(264)         Pour pallier les problèmes pouvant survenir en fin de contrat du fait que le franchisé a conservé un stock de marchandises fournies par le franchiseur ou sa centrale d’achat, il est souhaitable, en particulier dans le cadre des réseaux de franchise de distribution, que le contrat prévoie une stipulation relative à la reprise des stocks du franchisé par le franchiseur ; de même, il est judicieux de préciser le sort du matériel qui a été acquis par le franchisé pour la mise en œuvre du savoir-faire, et qu’il ne sera plus amené à utiliser par la suite.

Selon ce qui est souhaité par les parties, cette reprise des stocks pourra être facultative ou obligatoire pour le franchiseur, concerner la totalité ou une partie – définie selon la nature des biens ou l’ancienneté de leur date d’achat – du stock conservé par le franchisé au moment de la fin du contrat. En outre, la clause devra indiquer la méthode permettant de fixer le prix de reprise ; ce prix peut ainsi correspondre au prix d’achat minoré d’un pourcentage défini au contrat.

 

Lorsque le contrat a été rompu par la faute du franchiseur, il se verra condamné à reprendre le stock à sa valeur, toute clause contractuelle contraire ne pouvant s’appliquer (CA Douai, 6 sept. 2007, RG n°06/1777, inédit).

B. Les obligations post-contractuelles du franchisé

1. L’interdiction d’utiliser les signes distinctifs

FHuit décisions commentées : CA Caen, 6 mars 2008, Juris-Data n°366373 ; CA Colmar, 26 févr. 2008, RG n°06/05031, inédit ; CA Colmar, 12 févr. 2008, RG n°06/05059, inédit ; CA Pau, 8 janv. 2008, Juris-Data n°355369 ; CA Lyon, 22 nov. 2007, Juris-Data n°352364 ; CA Paris, 26 sept. 2007, RPI, nov. 2007, comm. n°88 ; CA Paris, 20 juin 2007, Juris-Data n°344968 ; Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI, 19 juin 2007, n°DFR2007/0019.

(265)         C’est en vertu du contrat de franchise que l’ancien franchisé disposait du droit, et même du devoir, d’employer les signes distinctifs du réseau. Ce droit disparaît lorsque le contrat prend fin (V. pour une hypothèse où des difficultés se sont présentées quant à la date de cessation des droits du franchisé sur les signes distinctifs, CA Toulouse, 23 nov. 2006, RG n°05/05405, inédit : la difficulté était due au fait que le contrat de franchise avait été signé le même jour que trois autres contrats faisant référence à l’enseigne ; la cour tranche en constatant qu’aucune clause d’indivisibilité n’était contenue dans les contrats, qui étaient conclus entre des personnes différentes ou revêtant des qualités différentes, et que l’autorisation d’usage de l’enseigne ne procédait que seul contrat de franchise), quelle que soit la cause de la cessation des relations contractuelles (V. également, pour une hypothèse où un doute existait sur la résiliation, mais où les parties n’exécutaient plus leurs obligations depuis longtemps, CA Colmar, 12 sept. 2006, Juris-Data n°316629 : « Attendu que la marque (…) et l’enseigne ont été mises à la disposition de la société [franchisée] pour lui permettre d’établir son appartenance au réseau ; qu’en raison de la suspension de l’exécution du contrat de franchise, celle-ci n’agit plus comme un membre du réseau et elle n’est en conséquence plus fondée à utiliser ces signes distinctifs, sauf à tolérer qu’elle puisse continuer à tromper sa clientèle »), et ce même si les parties entreprennent, postérieurement à l’expiration de leur contrat, des négociations en vue de la signature d’un nouveau contrat de franchise (CA Lyon, 22 nov. 2007, Juris-Data n° 352364 : l’ancien franchisé soutenait que les pourparlers entamés ainsi que l’absence de mise ne demeure impliquaient l’acceptation par son ancien franchiseur de la continuation de son activité sous l’enseigne du franchiseur. L’argumentation n’a pas été accueillie par la Cour d’appel qui a vu, dans l’inaction du franchiseur pendant les pourparlers, une volonté de conciliation dans le cadre des négociations en cours).

Le franchisé doit cesser tout emploi de ces signes : marque (CA Colmar, 12 févr. 2008, RG n°06/05059, inédit), enseigne (CA Lyon, 22 nov. 2007, Juris-Data n°352364), nom commercial, nom de domaine (CA Montpellier, 21 sept. 2004, Juris-Data n°263917 ; Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI, 19 juin 2007, n°DFR2007/0019 : à compter de la date de la résiliation, le franchisé ne disposait plus du droit d’utiliser la marque à quel titre que ce soit et notamment au sein d’un nom de domaine, et le franchiseur était fondé à demander la transmission du nom de domaine litigieux à son profit), logo du réseau, initiales relatives à la franchise, aménagements et agencements du magasin spécifiques au concept du franchiseur (CA Pau, 8 janv. 2008, Juris-Data n°355369), documents publicitaires (CA Aix-en-Provence, 18 mai 2006, Juris-Data n°305117).

(266)         Le plus souvent, le contrat prévoit que les supports physiques de ces signes doivent être, selon leur nature, restitués au franchiseur ou détruits ; en tout état de cause, l’ancien franchisé doit restituer au franchiseur les éléments dont ce dernier a conservé la propriété, ce qui sera le plus souvent le cas du matériel d’exploitation(CA Pau, 8 janv. 2008, Juris-Data n°355369), des documents relatifs au savoir-faire(CA Pau, 8 janv. 2008, Juris-Data n°355369) (bible ou manuel, par exemple) et aux normes du réseau (charte graphique, liasses des procès-verbaux(CA Caen, 6 mars 2008, Juris-Data n°366373),…), et pourra y être contraint par décision de justice en cas de refus(Trib. com. Chambéry, 26 août 2005, RG n°2004-00323, inédit : condamnation de l’ancien franchisé sous astreinte à la restitution de l’enseigne appartenant au franchiseur et louée audit ancien franchisé pendant la durée du contrat). De plus, la jurisprudence a reconnu l’urgence s’attachant à mettre fin au risque que l’ancien franchisé fait courir à l’image du réseau en continuant à utiliser les signes distinctifs de ce dernier, et le franchiseur peut toujours saisir le juge des référés afin qu’il ordonne, au besoin sous astreinte, le retrait de tout signe distinctif du réseau(V. pour une condamnation avec astreinte : CA Paris, 6 oct. 2006, Juris-Data n°332901).

(267)         Toutefois, il faut réserver le cas où le franchiseur a laissé un certain délai à son franchisé pour les mises en conformité de son local. Il n’est pas nécessaire que ce délai soit expressément mentionné dans le contrat : il peut figurer, en caractère pré-imprimé, dans un formulaire rempli par un agent du franchiseur en visite sur les lieux pour procéder à des constatations(CA Colmar, 26 févr. 2008, RG n°06/0531, inédit) ou, de manière plus contestable, dans un avenant au contrat de franchise, portant en première page le nom du franchisé, mais ni daté ni signé(CA Colmar, 12 févr. 2008, RG n°05059, inédit).

(268)         Dans les cas où le franchisé se trouve dans l’impossibilité de restituer ces éléments, les juges en prennent acte (CA Colmar, 26 févr. 2008, RG n°06/05031, inédit ; CA Pau, 8 janv. 2008, Juris-Data n°355369) ainsi que, le cas échant, de l’engagement du franchisé de les restituer au cas où il les retrouverait (Pour un manuel opératoire : CA Colmar, 26 févr. 2008, RG n°06/05031, inédit). Le défaut de restitution peut se résoudre en dommages et intérêts à condition pour le franchiseur de démontrer l’existence d’un préjudice. Tel n’est pas les cas si les éléments distinctifs non restitués sont usagés, sans valeur et sans aucune réelle utilité pour le franchiseur (CA Pau, 8 janv. 2008, Juris-Data n°355369 : concernant un panneau de promo des vêtements à l’enseigne du franchiseur).

(269)         L’ancien franchisé étant devenu tiers au réseau, le franchiseur dispose à son encontre, en cas d’utilisation des signes distinctifs du réseau, des actions qu’il peut exercer à l’encontre de tout tiers portant atteinte auxdits signes.

(270)         Aussi l’ancien franchisé commet-il un acte de contrefaçon en poursuivant, sans droit son exploitation, sous la marque du réseau auquel il a cessé d’appartenir (CA Aix-en-Provence, 18 mai 2006, Juris-Data n°305117), et ce, même en faisant précéder cette marque du terme « anciennement » (CA Aix-en-Provence, 18 mai 2006, Juris-Data n°305117. V. également Cass. com., 15 déc. 1998, pourvoi n°96-21.675 : un ancien concessionnaire Yamaha commettant un acte de concurrence déloyale en se présentant comme « agent agréé » ou « spécialiste » Yamaha). La contrefaçon est également caractérisée même si, au jour où le juge statue la marque n’est plus protégée faute d’avoir été renouvelée, dès lors que le signe argué de contrefaçon a été apposé à une date où la marque était encore valable (CA Paris, 26 sept. 2007, RPI, nov. 2007, comm. n°88).

(271)         Le franchiseur dispose de l’action en concurrence déloyale si l’usage porte sur des signes distinctifs qui ne font pas l’objet d’un droit privatif ou si les actes ne relèvent pas de la contrefaçon stricto sensu. Si l’ancien franchisé continue à employer les signes distinctifs du réseau non protégés par des droits exclusifs, il commet à l’égard du franchiseur un acte de concurrence déloyale, sanctionné sur le fondement du droit commun de la responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle(CA Paris, 20 juin 2007, RG n°05/04931, inédit. En outre, la personne qui cesse l’activité signalée par une enseigne a l’obligation, en vertu du troisième alinéa de l’article R.581-55 du code de l’environnement, du supprimer ladite enseigne et de remettre les lieux en état dans les trois mois de la cessation de l’activité). Toutefois, lorsque les restitutions et la dépose de l’enseigne sont prévues par le contrat, leur violation est sanctionnée sur le fondement contractuel sans pouvoir être sanctionnée une seconde fois au titre de la concurrence déloyale et/ou du parasitisme(CA Lyon, 22 nov. 2007, Juris-Data n°352364).

Il appartient au franchiseur de prouver que le franchisé poursuit l’utilisation des signes distinctifs du réseau (CA Lyon, 19 févr. 2004, Juris-Data n°237543), ce qu’il fera, la plupart du temps, au moyen de constat d’huissier.

(272)         L’ancien franchisé, en abandonnant les signes distinctifs du réseau dont il avait l’usage pendant la période d’exécution du contrat de franchise, est conduit en pratique à adopter une autre enseigne voire une autre marque ; à moins d’adhérer à un autre réseau, l’ancien franchisé crée ces éléments. Dans ce cas, l’ancien franchisé doit faire en sorte que ceux-ci soient suffisamment différents de la marque du réseau qu’il a quitté pour ne pas risquer de créer de confusion dans l’esprit du public. Il commettrait, dans le cas contraire, un acte de contrefaçon par imitation (CA Paris, 26 sept. 2007, RPI, nov. 2007, comm. n°88).

2. Les clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation

a) La validité des clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation

(i)   Présentation des clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence

FSept décisions commentées : Cass. com., 20 mai 2008 (pourvoi n°06-19.234) ; CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit ; CA Lyon, 15 nov. 2007, RG n°05/07814 et n°06/01059 (deux arrêts inédits) ; CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/07685, n°05/07688 et n°05/06933 (trois arrêts inédits).

(273)         Par la clause de non-concurrence post-contractuelle, le franchisé s’interdit d’exercer une activité similaire à celle du réseau qu’il quitte, dans des limites de temps et de lieu définies (V., pour un mécanisme ayant un effet proche de celui de la clause de non-concurrence, Cass. civ. 3ème, 12 juill. 2000, pourvoi n°98-21.671, Bull. civ. III n°139 ; Juris-Data n°002876 : le franchiseur était également le bailleur du franchisé. Une clause du bail imposait au franchisé d’exercer son activité sous l’enseigne du réseau pendant toute la durée du bail. Le contrat de franchise est résilié. La clause précitée du bail est annulée : les conventions étant liée, la cour d’appel (CA Caen, 8 sept. 1998, Juris-Data n°049662) en a justement déduit que « l’enseigne étant unique, l’obligation imposée au preneur d’exercer son activité sous telle enseigne précise ne lui permettait pas de faire valoir son droit à déspécialisation partielle, par adjonction d’activités connexes ou complémentaires ») ; il est ainsi fait obstacle à la poursuite par l’ancien franchisé de l’exploitation du savoir-faire de façon considérablement plus efficace qu’au moyen d’une clause d’interdiction d’utilisation du savoir-faire.

(274)         Par la clause de non-réaffiliation, le franchisé s’engage à ne pas s’affilier à un réseau concurrent du réseau qu’il quitte, dans des limites de temps et de lieu définies. Si cette clause n’est pas associée à une clause de non-concurrence proprement dite(V. pour des illustrations de clause combinant une obligation de non concurrence et une obligation de non affiliation : CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit ; CA Lyon, 15 nov. 2007, RG 05/07814, inédit ; CA Lyon, 15 nov. 2007, RG n°06/01059, inédit ; CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, n°05/07685 et n°05/07688 (trois arrêts inédits)), le franchisé conserve le droit d’exercer une activité similaire à celle qui était la sienne durant la période d’exécution du contrat(V., pour un arrêt s’attachant à différencier les clauses de non concurrence et de non-réaffiliation, CA Versailles, 31 janv. 2007, RG n°06/7909, inédit : la cour précise que « la clause de non-réaffiliation présente un caractère spécifique qui la différencie de la clause de non concurrence en ce qu’elle ne vise pas à interdire au franchisé d’exercer toute activité pendant une durée déterminée et dans un espace donné mais se préserve au contraire la possibilité pour celui-ci de maintenir son activité sans le recours à une enseigne de renommée concurrente dans une limite de temps et d’espace »).

Selon la rédaction de la clause, l’interdiction d’affiliation concerne tous les réseaux ou uniquement ceux qui bénéficient d’une renommée régionale ou nationale. Cette clause permet d’éviter que l’ancien franchisé, devenu membre d’un réseau concurrent, ne divulgue le savoir-faire à l’intérieur de ce réseau ; en effet, s’il est en règle générale contractuellement prévu une obligation de confidentialité post-contractuelle à la charge du franchisé, une telle obligation ne peut garantir le franchiseur initial contre une diffusion discrète de son savoir-faire à l’intérieur d’un réseau concurrent. Il appartient au franchiseur qui prétend que l’ancien franchisé a violé son obligation de non-réaffiliation de prouver que le réseau auquel ce dernier adhère bénéficie d’une telle renommée (Cass. Com., 20 mai 2008, pourvoi n°06-19.234, inédit).

Si les clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence se distinguent dans leur définition, cette distinction reste bien théorique puisqu’elles sont soumises au même régime.

(ii) Les conditions de validité des clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence

F Onze décisions commentées : Cass. com., 8 juill. 2008, pourvoi n°07-20.385, Juris-Data n°044845 ; CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit ; Cass. civ. 2ème, 10 janv. 2008, pourvoi n°07-13.558, Juris-Data n°042210 ; Cass. com., 18 déc. 2007, pourvois n°05-21.441 et 06-10.381 (jonction), Juris-Data n°042105 ; CA Lyon, 15 nov. 2007, RG n°05/07814 et n°06/01059 (deux arrêts inédits) ; CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/07688 n°05/07685 et n°05/06933 (trois arrêts) ; CA Rennes, 23 oct. 2007, Juris-Data n°367061 ; Cass. soc., 4 oct. 2007, pourvoi n°06-41.975, inédit.

(275)         La clause de non-concurrence figure au sein de l’article 5 du règlement d’exemption de 1999 (Une précision terminologique doit être apportée : telle elle qu’elle est entendue dans le présent paragraphe, la clause de non-concurrence figure dans ledit règlement d’exemption sous l’expression « toute obligation directe ou indirecte interdisant à l’acheteur, à l’expiration de l’accord, de fabriquer, d’acheter, de vendre ou de revendre des biens ou des services » ; il faut rappeler qu’au sens du règlement d’exemption, le terme « obligation de non-concurrence » désigne l’obligation d’approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif (c’est-à-dire supérieur à 80% des achats)) : elle ne bénéficie pas de l’exemption prévue par l’article 2 dudit règlement – et est donc soumise à l’article 81 du traité CE si elle affecte le commerce communautaire – sans pour autant entraîner avec elle le reste du contrat.

Ainsi, la Cour de cassation (Cass. com., 8 juill. 2008, pourvoi n°07-20385, Juris-Data n°044845) a approuvé une cour d’appel d’avoir décidé qu’il appartenait au franchisé de prouver que la clause de non-réaffiliation exerçait une influence sur les courants d’échanges entre Etats membres de manière à affecter le commerce intra-communautaire ou fausser le jeu de la concurrence pour que le bénéficiaire de la clause de non- réaffiliation ait à justifier de la validité de ladite clause au regard du droit communautaire. La Haute juridiction considère en effet qu’ « un règlement d’exemption aux dispositions de l’article 81, paragraphe 1, du Traité CE, n’établit pas de prescriptions contraignantes ou obligeant les parties contractantes à y adapter le contenu de leur contrat mais se limite à établir des conditions qui, si elles sont remplies, font échapper certains clauses contractuelles à l’interdiction et, par conséquent, à la nullité de plein droit prévues par l’article 81, paragraphe 1 du Traité CE » et que la cour d’appel ayant constaté qu’il n’était pas établi que la clause incriminée exerçait une influence sur le commerce entre Etats membres, elle n’avait donc pas inversé la charge de la preuve.

(276)         Néanmoins, lorsqu’elle affecte le commerce le commerce intra communautaire, la clause de non-concurrence ou de non-réaffiliation bénéficie de l’exemption si elle :

« – concerne des biens ou des services qui sont en concurrence avec les biens ou services contractuels, et

– est limitée aux locaux et aux terrains à partir desquels l’acheteur a opéré pendant la durée du contrat, et

– est indispensable à la protection d’un savoir-faire transféré par le fournisseur à l’acheteur, à condition que la durée d’une telle obligation de non-concurrence soit limitée à un an à compter de l’expiration de l’accord ».

(277)         En droit interne, la validité des clauses de non-concurrence est appréciée à la fois au regard du droit commun des contrats et du droit de la concurrence(Dans la mesure où les conditions d’application de ce dernier droit sont remplies). Les conditions de validité issues du droit de la concurrence, bien qu’ayant une source distincte(Art. L. 420-1 C. com), sont similaires à celles qui sont issues du droit commun.

Trois conditions doivent ainsi être réunies. La restriction d’activité doit, en premier lieu, être limitée quant au genre d’activité concernée. En deuxième lieu, la clause doit être limitée dans le temps et dans l’espace. Enfin, la restriction de concurrence doit être proportionnée aux intérêts légitimes du créancier de l’obligation, au regard de l’objet du contrat. Cette condition se décompose en deux propositions bien distinctes : pour être valable, une telle clause doit, d’une part, tendre à la protection des « intérêts légitimes » de son bénéficiaire (critère de nécessité) et, d’autre part, produire une restriction de concurrence qui soit « proportionnée » aux intérêts légitimes (critère de proportionnalité).

En revanche, ni la jurisprudence(Cass. com., 4 déc. 2007, pourvoi n°06-15.137 : alors que le débiteur de l’obligation de non-concurrence prétendait que la clause litigieuse était nulle, faute de prévoir de contrepartie financière à ladite obligation, la Cour de cassation a approuvé la cour d’appel d’avoir considéré que la clause était valable, celle-ci répondant aux conditions de validité applicable en la matière), ni le législateur(Il avait été proposé lors des débats parlementaires sur le projet de loi de modernisation de l’économie d’ajouter un amendement qui aurait eu pour effet d’obliger le franchiseur à verser à son franchisé une indemnité d’un montant au moins équivalent à la perte d’exploitation engendrée par la mise en œuvre de cette clause. Cet amendement a été rejeté par l’Assemblée Nationale) ne sont venus imposer, comme c’est le cas en droit du travail(Cass. soc., 10 juill. 2002, pourvoi n°00-45.387, Bull. civ. V, n°239 ; Cass. soc., 4 oct. 2007, pourvoi n°06-41.975, inédit ; Cass. soc., 4 juin 2008, pourvoi n°04-40.609, publié au Bulletin), l’existence d’une contrepartie financière comme condition de validité de l’engagement de non concurrence.

(278)         Ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt précité (Cass. com., 8 juill. 2008, pourvoi n°07-20.385, Juris-Data n°044845), la validité d’une clause de non-concurrence ou de non-réaffiliation ne peut être soumise aux conditions définies par le droit communautaire que lorsque le contrat entre dans le champ d’application de celui-ci. Certaines cours d’appel contrôlent pourtant la validité des clauses de non-concurrence au regard du Règlement communautaire du 22 décembre 1999, sans vérifier au préalable que le commerce entre Etats membres est affecté.

C’est dans ce sens que s’est notamment prononcée la Cour d’appel de Rennes (CA Rennes, 23 oct. 2007, Juris-Data n°367061). La clause de non-réaffiliation a néanmoins été jugée valable, les conditions posées par ledit Règlement ayant été respectées : la clause était limitée à un an après la cessation des relations contractuelles, au territoire précédemment concédé en exclusivité à l’ancien franchisé, et justifiée au regard du savoir-faire. Par ailleurs, elle était proportionnée à cet objectif, l’ancien franchisé conservant la faculté d’exercer son activité sans intégrer un réseau concurrent.

(279)         Dans six arrêts rendus à quelques semaines d’intervalle, la Cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, n°05/07685 et n°05/07688 (trois arrêts inédits) ; CA Lyon, 15 nov. 2007, RG n°06/01059 et 05/07814 (deux arrêts inédits) ; CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit) s’est prononcée sur la validité de la clause interdisant au franchisé, « dans le cas de rupture du contrat à ses torts, d’exploiter ou de participer d’une quelque manière ou par personne interposée, à l’exploitation, la gestion, l’administration, le contrôle d’un fonds de commerce ou d’une entreprise ayant une activité identique ou similaire à l’unité en franchise, et de s’affilier, d’adhérer ou de participer de quelque manière que ce soit, à une chaine concurrente du franchiseur ou d’en créer une lui-même, et plus généralement de se lier à tout groupement, organisme ou entreprise concurrente du franchiseur ». Cette interdiction était valable pendant un an dans un rayon à vol d’oiseau de trois kilomètres du fonds de commerce exploité dans quatre des affaires et dans un rayon de cinq kilomètres dans les deux autres.

Les franchisés, qui avaient immédiatement poursuivi l’exploitation de leur commerce sous l’enseigne d’un franchiseur concurrent et donc violé la clause, soutenaient que ladite clause était contraire aux prévisions du droit communautaire fixé par le Règlement d’exemption du 22 décembre 1999 n°2790/1999. Après avoir relevé que cette clause est limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle ne s’applique uniquement en cas de rupture fautive du franchisé, les juges de Lyon ont estimé qu’elle est valable à tout le moins en ce qu’elle interdit au franchisé de s’affilier à une chaîne concurrente du franchiseur, dans la mesure où :

–        elle est limitée dans le temps et d’ans l’espace,

–        elle s’avère nécessaire et proportionnée à la défense des intérêts légitimes du franchiseur,

–        elle n’interdit pas la poursuite d’une activité commerciale identique et individuelle dans les mêmes locaux.

Autrement dit, les juges ont dissocié la clause de non-concurrence et la clause de non réaffiliation et ont estimé que la clause de non affiliation, violée par les franchisés, était valable au regard des dispositions d’ordre public du droit communautaire ou du droit interne.

(280)         A l’inverse, la Cour de cassation, dans un arrêt du 18 décembre 2007(Cass. com., 18 déc. 2007, pourvois n°05-21.441 et 06-10.381 (jonction), Juris-Data n°042105) a approuvé une cour d’appel d’avoir écarté une clause de non concurrence en raison de son caractère disproportionné aux intérêts légitimes du franchiseur. Il s’agissait d’un contrat de franchise en vue de l’exploitation d’un fonds de commerce de supermarché sous enseigne. La clause de non concurrence interdisait à l’ancien franchisé, pendant un an, sur la commune d’implantation du fonds de commerce et sur les communes avoisinantes, de recourir à une enseigne nationale et de s’approvisionner hors de tout réseau national ou régional, de quelque nature que ce soit. Cette clause a été jugée trop générale au regard de l’objet du contrat de franchise, consistant à protéger le savoir-faire transféré par le franchisé au franchiseur, et disproportionnée par rapport aux intérêts légitimes du franchiseur au regard de l’objet du contrat.

(281)         Cet arrêt est l’occasion de rappeler que la clause de non concurrence répond principalement à deux intérêts du franchiseur : la protection de la clientèle à son profit et celle du savoir-faire ou de l’identité et de la réputation du réseau. Par conséquent, l’existence et la transmission du savoir-faire, conditions de validité du contrat de franchise, sont donc également une condition de validité de la clause de non-concurrence. La Cour de cassation(Cass. civ. 2ème, 10 janv. 2008, pourvoi n°07-13.558, Juris-Data n°042210) l’a récemment réaffirmé en approuvant une cour d’appel, qui après avoir rappelé que « la licéité d’une clause de non-concurrence (est) subordonnée tant à l’existence d’un savoir-faire transmis par le franchiseur qu’au caractère proportionné de l’interdiction faite au franchisé au regard des intérêts du franchiseur », a refusé d’ordonner les mesures de dépose des enseignes concurrentes qui lui étaient réclamées par le franchiseur aux motifs que l’avantage économique apporté par le franchiseur en raison de l’originalité de son savoir faire n’était pas établi avec certitude, que l’interdiction d’affiliation à un réseau concurrent faite au franchisé n’était pas proportionnelle à la sauvegarde des intérêts légitimes du franchiseur et que la possibilité laissée au franchisé d’exercer son activité hors de tout réseau était purement formelle.

A l’inverse, il a été jugé que le franchisé est mal fondé à contester le caractère « nécessaire » de la clause de non-concurrence, lorsqu’il a reconnu, dans le contrat, l’originalité du savoir-faire(CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit).

b) La mise en œuvre des clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation

FHuit décisions commentées : CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit ; CA Rennes, 22 janv. 2008, RG n°07/05074, inédit ; CA Lyon, 15 nov. 2007, RG n°05/07814 et n°06/01059 (deux arrêts inédits) ; CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, n°05/07688 et n°05/07685 (trois arrêts inédits) ; CA Paris, 20 juin 2007, Juris-Data n°344968.

(282)         Outre les stipulations nécessaires à la validité de la clause – c’est-à- dire l’indication de l’activité, de la durée et du territoire concernés – les parties peuvent prévoir les modalités de sa mise en œuvre.  Ainsi, le non-respect de cette clause peut être sanctionné par une clause pénale (CA Paris, 20 juin 2007, RG n°05/04931, inédit). En outre, le contrat peut prévoir que l’applicabilité de la clause dépend de la cause d’extinction des relations contractuelles. Par exemple, il est possible de prévoir que la clause ne sera pas applicable si le contrat a été résilié aux torts exclusifs du franchisé (CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, n°05/07685 et n°05/07688 (trois arrêts inédits) ; CA Lyon, 15 nov. 2007, RG n°05/07814 et n°06/01059 (deux arrêts inédits) ; CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit). Le contrat peut prévoir, au contraire, que la clause sera applicable quelle que soit l’origine de la cessation des relations contractuelles (CA Rennes, 22 janv. 2008, RG n°07/05074, inédit) : dans ce cas, le franchisé sera débiteur de l’obligation de non-concurrence en dépit du fait que la résiliation est due aux manquements contractuels du franchiseur (V. pour une telle hypothèse CA Aix-en-Provence, 24 sept. 1998, Juris-Data n°046926 : en l’espèce, le franchisé a violé l’obligation de non-concurrence et est condamné à payer des dommages et intérêts au franchiseur, en application de la clause pénale modérée).Enfin, les parties peuvent décider que le franchisé recevra une contrepartie financière.

(283)         La rédaction de la clause de non-concurrence est capitale car elle permet de cerner l’étendue de l’obligation de ne pas faire de son débiteur et, cela est d’autant plus vrai, qu’elle est d’interprétation stricte. Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Rennes, le 22 janvier 2008, en témoigne(CA Rennes, 22 janv. 2008, RG n°07/05074, inédit). En l’espèce, la clause prévoyait que «en cas de cessation du présent contrat (…) le franchisé s’oblige (…) à ne pas utiliser directement ou indirectement, (…) durant une période d’une année, toute enseigne concurrente existante qui pourrait lui être proposée par un tiers, (…) et à ne pas offrir en vente des marchandises dont les marques sont liées à cette enseigne ». La cour d’appel interprète cette clause comme interdisant à l’ancien franchisé, d’une part, d’utiliser une enseigne concurrente et, d’autre part, d’offrir à la vente des produits de marque liés à cette enseigne, soit l’enseigne concurrente dont l’usage est prohibé. Ce faisant la Cour d’appel écarte l’argumentation du franchiseur qui faisait valoir que ces dispositions interdisent la vente de produits de marque liés à une ou plusieurs enseignes concurrentes, dès lors que l’enseigne elle-même n’est pas utilisée. La Cour ajoute qu’une telle interprétation reviendrait à interdire de façon générale toute vente de produits de marque liés à des enseignes concurrentes, interdiction dont la généralité serait incompatible avec la nécessité de permettre à l’ancien franchisé de poursuivre l’exploitation de son fonds de commerce.

c) Les sanctions de la violation de la clause de non concurrence

F Huit décisions commentées : Cass. com., 3 juin 2008, pourvoi n°07-11.313, inédit ; Cass. com., 8 avr. 2008, pourvoi n°06.16-732, Juris-Data n°043568 ; CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit ; Cass. civ. 2ème, 10 janv. 2008, pourvoi n°07-13.558, Juris-Data n°042210 ; Cass. com., 9 oct. 2007, pourvoi n°05-14.118, Juris-Data n°040801 ; CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, inédit ; Cass. com., 23 oct. 2007, pourvoi n°06-16.734 ; Cass. com., 23 oct. 2007, pourvoi n°06-16.733, Juris-Data n°041058.

(284)         Le débiteur de la clause de non-concurrence, qui viole son engagement, engage sa responsabilité contractuelle (α). Si l’infraction n’a pas cessé au jour de la décision, la juridiction saisie peut enjoindre à l’ancien franchisé d’y mettre fin, le cas échéant sous astreinte (β).

α) La responsabilité contractuelle

(285)         L’obligation de non-concurrence ou de non-réaffiliation étant stipulée par les parties, la violation de ladite obligation entraîne la responsabilité contractuelle de son auteur. Bien que quelques juridictions opèrent en la matière une confusion regrettable (V. par ex. CA Pau, 10 oc. 2005, Juris-Data n°291080 : l’ancien franchisé « a exercé (…) la même activité commerciale sur la même zone géographique moins de deux ans à compter de la résiliation du contrat de franchise en violation de la clause de non-rétablissement qui y était stipulée, faisant ainsi une concurrence déloyale à son ancien franchiseur » ; CA Nîmes, 27 juin 1996, Juris-Data n°030264 ; CA Paris, 10 nov. 1994, Juris-Data n°024568), la violation de l’obligation contractuelle de non-concurrence, faute contractuelle sanctionnée en tant que telle par l’application de l’article 1147 du Code civil, ne constitue pas un acte de concurrence déloyale, notion relevant de la responsabilité délictuelle et donc des arrêts 1382 et suivants du Code civil (Néanmoins, l’existence d’une clause de non-concurrence peut être prise en considération dans le cadre de l’appréciation du comportement d’un tiers au contrat de franchise en matière de concurrence : l’épouse d’un franchisé qui était tenu par une clause de non concurrence commet un acte de concurrence déloyale en ouvrant un cabinet ayant la même activité que le réseau juste après la rupture du contrat par son mari (CA Toulouse, 24 oct. 1991, Juris-Data n°046765). V. au contraire pour une hypothèse où l’ouverture d’un établissement par l’époux de la franchisée tenue par une clause de non-concurrence n’est pas jugée fautive CA Paris, 6 oct. 1986, Juris-Data n°026884. Par ailleurs, lorsque la clause de non-concurrence est nulle, l’action en concurrence déloyale reste ouverte (v. en matière de contrat de travail Cass. Soc., 28 janv. 2005, pourvoi n°02-47.527, Bull. Civ. V, n°36)).

(286)         Le débiteur fautif de l’obligation de non-concurrence doit réparer le préjudice causé à son cocontractant(V. par ex. CA Lyon, 31 janv. 2008, RG n°06/00187, inédit ; CA Lyon, 15 nov. 2007 (deux arrêts), RG n°06/01059 et 05/07814 ; CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, n°05/07685 et n°05/07688 (trois arrêts inédits) ; CA Lyon, 22 mars 2007, Juris-Data n°332144 ; CA Lyon, 11 févr. 2000, Juris-Data n°151453 ; CA Paris, 26 nov. 1999, Juris-Data n°117904 ; CA Paris, 26 juin 1997, Juris-Data n°021609 ; CA Lyon, 9 sept. 1994, Juris-Data n°049647 ; CA Paris, 12 janv. 1994, Juris-Data n°020468 ; CA Montpellier, 18 mars 1993, Juris-Data n°034026 ; CA Paris, 4 mars 1991, Juris-Data n°021270 ; CA Paris, 4 mars 1991, Juris-Data n°020964 ; CA Paris, 3 oct. 1989, Juris-Data n°024552 ;  CA Paris, 6 mars 1987, Juris-Data n°022226 ; CA Versailles, 30 janv. 2007, RG n°05/354, inédit. V. également, pour la violation de l’obligation de non-concurrence au travers d’une cession de fonds de commerce déguisée, CA Paris, 30 avr. 1987, Juris-Data n°025107. V. cependant pour une hypothèse où le comportement du franchiseur qui a notamment poursuivi les livraisons après la rupture du contrat est tel que la juridiction considère qu’il a renoncé à se prévaloir de la clause de non-concurrence, CA Paris, 28 nov. 1994, Juris-Data n°024885). Pèse également sur ce dernier la charge de la preuve de l’existence et de l’étendue de son préjudice(V. pour une hypothèse où les dommages et intérêts ont été limités à 1 € symbolique, faute pour le franchiseur d’avoir établi l’ampleur de son préjudice, CA Paris, 23 nov. 2006, Juris-Data n°339929) dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond. Le préjudice ne saurait être fixé en considération de la valeur du fonds de commerce, du fait notamment, que la clientèle du fonds appartient au franchisé(CA Lyon, 8 nov. 2007, RG n°05/06933, inédit).

(287)         Par un arrêt du 3 juin 2008, la Cour de cassation réaffirme sa volonté de laisser aux juridictions du fond toute latitude pour déterminer, dans le cadre de leur pouvoir souverain d’appréciation, le montant du préjudice subi par un franchiseur à raison de la violation d’une clause de non concurrence par l’un de ses franchisés. En l’espèce, un franchisé avait assigné son franchiseur en annulation du contrat de franchise pour vice du consentement, après l’avoir dénoncé en raison des manquements de son franchisé à ses obligations ; reconventionnellement ce dernier avait sollicité l’octroi à son profit de dommages et intérêts pour violation des obligations de non-concurrence stipulées au contrat. L’arrêt attaqué avait limité l’indemnisation du préjudice résultant de la violation des obligations contractuelles de non-concurrence, à 1 € symbolique, après avoir souligné que le franchiseur n’avait apporté aucun élément à l’appui de sa demande d’indemnisation. Le franchiseur a formé un pourvoi en cassation au motif que « l’inexécution d’une obligation de faire se résout en dommages-intérêts » et que « le juge qui constate l’existence d’un préjudice est tenu de l’évaluer ». Il avançait qu’en refusant d’évaluer le montant du dommage et en lui allouant la somme symbolique d’1 €, la cour d’appel avait violé les articles 4, 1142, 1147 et 1149 du Code civil. Par une formule lapidaire, l’arrêt rejette sèchement le pourvoi dès lors que « la cour d’appel a justifié l’indemnisation du préjudice par l’appréciation souveraine qu’elle en a faite »(Cass. com., 3 juin 2008, pourvoi n°07-11.313, inédit).

Cette décision appelle quatre séries d’observations :

–     l’indemnisation consécutive à la violation de la clause de non-concurrence implique tout d’abord que cette clause et le contrat de franchise qui la contient soient valables, ce qui explique sans doute que, en l’espèce, les franchisés aient recherché l’annulation du contrat ;

–     il appartient ensuite au créancier de la clause de non-concurrence d’établir la réalité et l’ampleur du préjudice qu’il a subi ;

–     dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation, le juge du fond peut déterminer ce préjudice en fonction du comportement des parties ;

–     l’évaluation de ce préjudice peut justifier la désignation d’un expert(Cass. com., 9 oct. 2007, pourvoi n°05-14.118, Juris-Data n°040801).

β) La cessation de la violation

(288)         Lorsque le franchisé viole son obligation de non-réaffiliation en apposant une enseigne concurrente, le franchiseur peut saisir le juge des référés, pour lui demander d’interdire immédiatement l’utilisation par le franchisé de cette enseigne jusqu’à ce que le juge du fond, parallèlement saisi, se prononce sur le bien fondé de la résiliation du contrat de franchise considéré.

Le juge des référés doit prévenir le dommage imminent que constitue cette situation, de nature à causer un préjudice au franchiseur ; mais, juge de l’évidence, il ne peut cependant se livrer à une analyse trop compliquée des droits et obligations des parties en présence et doit donc limiter son analyse à l’existence d’un trouble manifestement illicite, au risque d’empiéter sur les pouvoirs réservés du juge du fond(CA Versailles, 31 janv. 2007, RG n°06/7909, inédit). Cette problématique incite certains plaideurs à compliquer le débat afin que le juge des référés se déclare incompétent : dans la plupart des cas, ils invoquent la nullité de la clause de non-affiliation ou les difficultés liées à son interprétation en particulier lorsque le contrat fait partie d’un ensemble contractuel. L’actualité jurisprudentielle fournit des illustrations de ces deux types d’arguments.

(289)         Dans un arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 10 janvier 2008(Cass. civ. 2ème, 10 janv. 2008, pourvoi n°07-13.558, Juris-Data n°042210), le franchisé soutenait que la clause de non-concurrence était illicite. De manière assez inattendue, la Haute juridiction a approuvé les juges du fond d’avoir refusé d’ordonner la dépose de l’enseigne concurrente au motif que la licéité de la clause, et donc le trouble manifestement illicite, n’apparaissait avec l’évidence requise devant la juridiction des référés dès lors que les juges ont relevé que l’avantage économique apporté par le franchiseur en raison de l’originalité de son savoir faire n’était pas établi avec certitude, que l’interdiction d’affiliation à un réseau concurrent faite au franchisé n’était pas proportionnelle à la sauvegarde des intérêts légitimes du franchiseur et que la possibilité laissée au franchisé d’exercer son activité hors de tout réseau était purement formelle. Ainsi, la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation se refuse-t-elle à exercer un contrôle sur l’appréciation que le juge des référés porte quant à la validité de la clause de « non-affiliation » pour conclure à l’absence de trouble manifestement illicite. Cette décision est surprenante car elle s’inscrit en marge d’un courant jurisprudentiel bien établi, ayant posé le principe de présomption de validité des contrats – principe selon lequel le contrat doit être exécuté jusqu’à ce qu’il ait été considéré nul par le juge du fond – interdisant en cela au juge des référés d’exciper de la nullité possible de telle clause du contrat pour écarter l’existence du trouble manifestement illicite prévue à l’article 873 du Code de procédure civile(Cass. civ. 1ère, 15 juin 2004, Bull. civ. I, n°172). Se dessine ainsi une divergence entre la position de la deuxième chambre civile et celle de la première.

(290)         La position adoptée par la Haute juridiction sur l’argument tiré de l’ensemble contractuel est plus tranchée. En effet, par trois arrêts, la Cour de cassation a sèchement censuré des cours d’appel qui, pour dire non établie l’existence d’un trouble manifestement illicite occasionné au franchiseur au titre de la rupture avant terme du contrat de franchise et de l’apposition immédiate d’une enseigne concurrente, ont retenu que les contrats de franchise en cause sont inscrits dans un ensemble contractuel plus complexe, qui forme un tout indissociable. Selon la Haute juridiction, « en statuant ainsi, après avoir relevé la suppression brutale de l’enseigne (du franchiseur) et la commercialisation de produits concurrents, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé (l’article 873 du Code de procédure civile) » (Cass. com., 8 avr. 2008, pourvoi n°06.16-732, Juris-Data n°043568 ; Cass. com., 23 oct. 2007, pourvoi n°06-16.734 ; Cass. com., 23 oct. 2007, pourvoi n°06-16.733, Juris-Data n°041058).

La Cour de cassation porte ainsi un coup d’arrêt à la tentation de ceux qui voient dans l’existence d’un ensemble contractuel, la possibilité d’empêcher l’exercice de ses pouvoirs par le juge des référés.

Le contrat de franchise et les procédures collectives

(291)         Signe probable de la performance accrue des réseaux de franchise, les décisions concernant les procédures collectives restent peu nombreuses. Quelques décisions récentes seulement intéressent la mise en œuvre de la responsabilité du franchisé (I), du franchiseur (II) ou des tiers (III).

I. Procédures collectives et mise en œuvre de la responsabilité du franchisé

F Une décision commentée : Cass. com., 12 juin 2007, pourvoi n°05-21.301, inédit.

(292)         Le principe de l’arrêt des poursuites individuelles – qui concerne tous les créanciers, tel le franchiseur notamment – est énoncé à l’article L.621-40 du Code de commerce (devenu l’article L.622-21 depuis le 1er janvier 2006). Selon ce texte, le prononcé du jugement d’ouverture « interrompt » ou « interdit » toute action en justice fondée sur une créance antérieure audit jugement, tendant notamment au paiement d’une somme d’argent. Cette règle est dans le prolongement naturel de l’article L.621-24, alinéa 1er du même code (devenu l’article L.622-7 depuis le 1er janvier 2006), selon lequel « le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture ».

Le franchiseur ne peut donc introduire ou poursuivre toute action en recouvrement de créances (redevances, livraisons, etc.) échues avant le jugement d’ouverture.

(293)         Dans une affaire récente (Cass. com., 12 juin 2007, pourvoi n°05-21.301, inédit), le franchiseur avait résilié les contrats de franchise le liant à trois sociétés franchisées et les avait assignées en paiement de diverses sommes (redevances restant dues, créances de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, etc.).

 

Les juges du fond avaient fait droit à sa demande en dépit de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre des franchisés, intervenue entre temps.

L’arrêt est sèchement cassé au visa de l’article L.621-40 du Code de commerce, les créances dont le paiement était sollicité trouvant leur origine avant le jugement d’ouverture.

(294)         Il convient de rappeler également qu’en présence d’un contrat de franchise rompu de façon anticipée en raison du plan de cession de l’entreprise du franchisé en redressement judiciaire, en l’espèce au profit d’un concurrent du franchiseur, la Cour d’appel de Paris retient que la créance du franchiseur se limite au montant du droit d’entrée dû par le franchisé.

Le franchiseur doit donc être débouté de sa demande d’admission d’une créance indemnitaire égale aux redevances prévues jusqu’au terme contractuel. Pour justifier cette solution, l’arrêt souligne que, d’une part, le contrat ne prévoit pas le versement d’une indemnité de résiliation anticipée et que, d’autre part, les articles L.621-28 et L.621-32 du Code de commerce applicables à l’espèce (devenus les articles L.622-13 et L.622-17 du Code de commerce depuis le 1er janvier 2006) consacrent la faculté, en matière de redressement judiciaire, de mettre fin de façon unilatérale et discrétionnaire à un contrat, sans que puisse être invoquée une quelconque faute(CA Paris, 6 mars 2007, Juris-Data n°330841).

II. Procédures collectives et mise en œuvre de la responsabilité du franchiseur

F Trois décisions commentées : Cass. com., 10 juin 2008, pourvoi n°06-21.112, Juris-Data n°044370 ; CA Lyon, 28 févr. 2008, Juris-Data n°365609 ; CA Caen, 13 déc. 2007, RG n°06/03531, inédit.

(295)          La responsabilité du franchiseur peut être recherchée à raison de fautes commises tant avant qu’après le prononcé du jugement d’ouverture de la procédure collective.

(296)         Ainsi, le franchiseur ayant manqué à ses obligations contractuelles peut-il être condamné au paiement de tout ou partie du montant du passif admis lorsque les fautes qu’il a commises présentent un lien de causalité direct avec l’existence de la procédure collective. Ainsi, a été condamné au montant du passif admis, soit en l’espèce 263.507, 81 €, le franchiseur ayant manqué à ses obligations de formation, d’assistance et d’apport de savoir dès que ces fautes ont directement causé la procédure collective du franchisé, et que ce dernier n’avait par ailleurs commis aucune faute de gestion(CA Caen, 13 déc. 2007, RG n°06/03531, inédit).

(297)         Postérieurement à l’ouverture du redressement judiciaire du franchisé, lerefus d’approvisionnement de ce dernier peut justifier une action en responsabilité à l’encontre du franchiseur. Encore faut-il évidement que celui-ci ait commis une faute : tel n’est pas le cas lorsque le franchiseur justifie avoir livré et facturé, sur la période considérée, les marchandises commandées et n’avoir cessé l’approvisionnement du franchisé qu’après la constatation de l’existence de plusieurs factures impayées(CA Lyon, 28 févr. 2008, Juris-Data n°365609).

(298)          Dans un tout autre ordre d’idée, il convient de rappeler que le créancier (en l’espèce, un franchisé) d’une personne soumise à une procédure collective (en l’espèce, un franchiseur)  ne peut attaquer un acte pour fraude à ses droits que s’il a déclaré sa créance à cette procédure. Une cour d’appel ayant fait droit à l’action paulienne engagée par le créancier après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, alors que la créance, dont il n’était pas contesté qu’elle n’avait pas été déclarée à la procédure de liquidation judiciaire du débiteur, était éteinte, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt objet du pourvoi pour violation de l’article 1167 du Code civil et l’article L.621-46 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises(Cass. com., 10 juin 2008, Juris-Data n°044370).

III. Procédures collectives et mise en œuvre de la responsabilité des tiers

F Une décision commentée : CA Limoges, 28 nov. 2007, Juris-Data n°347137.

(299)         Face à l’intangible rigueur du principe de l’arrêt des poursuites individuelles énoncé à l’article L. 621-40 du Code de commerce, il peut être utile de garantir ses créances – notamment par un cautionnement bancaire ou la caution de la personne physique dirigeante de la société débitrice – , la réforme issue de la loi du 26 juillet 2005 n’ayant pas modifié le principe selon lequel la caution ne peut invoquer à son profit la règle de l’arrêt des poursuites individuelles dont bénéficie le débiteur principal (Cass. civ. 1ère, 14 juin 2000, Bull. civ. I, n°182). Il est donc loisible à un créancier antérieur d’exercer, après jugement d’ouverture, une action en paiement contre la caution, à tout le moins lorsqu’il s’agit d’une caution solidaire (En revanche, la caution simple devrait pouvoir refuser de payer si elle démontre que le créancier pourra obtenir des fonds de la réalisation des biens du débiteur. Il convient toutefois de préciser que, les « personnes physiques coobligées ou ayant consenti un cautionnement ou une garantie autonome » bénéficient de l’arrêt des poursuites pendant toute la durée de la période d’observation (C. Com., art. L. 622-28 al. 2). Par cette exception, le législateur a voulu inciter les personnes physiques qui se portent caution des engagements des sociétés qu’ils dirigent à déclarer la cessation des paiements de ces dernières, sans avoir à craindre une action des créanciers sociaux impayés sur leurs biens personnels. Mais le créancier bénéficiaire de la garantie peut prendre des mesures conservatoires (C. Com., art. L. 622-28, al 3) ; il doit alors engager une instance au fond dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, l’instance étant toutefois suspendue jusqu’au jugement qui arrête le plan de redressement ou prononce la liquidation judiciaire du débiteur principal (Cass. com., 24 mai 2005, Bull. IV, n°116)).

(300)          Dans une affaire récente(CA Limoges, 28 nov. 2007, Juris-Data n°347137), un franchisé avait signé avec le franchiseur un contrat d’approvisionnement contenant une clause selon laquelle si les marchandises n’étaient pas payées comptant, mais à terme, la société franchisée s’engageait à faire cautionner le montant des marchandises ainsi acquises. La société franchisée s’étant trouvée dans l’impossibilité de payer comptant les marchandises vendues par le franchiseur, ce dernier accepta de lui consentir des délais de paiement à la condition que la dette soit garantie « par une caution irrévocable », conformément aux termes du contrat d’approvisionnement.

Le franchisé – et c’est l’intérêt de cette décision – souleva en vain la nullité de ladite clause.

 

Selon lui, en effet, le franchiseur avait fait pression sur lui et exploité la situation de dépendance économique de son franchisé pour le contraindre à faire signer un acte de cautionnement à son dirigeant. L’argument pouvait paraître d’autant plus convaincant que l’acte de cautionnement avait été signé moins de deux mois avant la date de cessation des paiements et de mise en redressement judiciaire de sa société franchisée. La Cour de Limoges écarte l’argument au motif que la contrainte alléguée n’était pas illégitime, dès lors que la fourniture d’une caution avait été envisagée par les deux contractants dès la signature du contrat de franchise. On perçoit ici tout l’intérêt pour le franchiseur d’insérer une telle clause dans son contrat de franchise. La Cour de Limoges ajoute également que le franchisé n’établit pas en quoi le franchiseur aurait exploité ses difficultés financières pour le contraindre à conclure la convention de cautionnement. Aussi, selon la Cour d’appel, le franchiseur n’avait pas cherché à abuser des difficultés financières de son franchisé mais l’avait au contraire aidé à éviter un dépôt de bilan en lui consentant des délais pour payer sa dette. En conséquence, l’acte de cautionnement ainsi consenti était parfaitement valable.

Le contentieux du contrat de franchise (éléments de procédure)

(301)         La jurisprudence à laquelle notre étude se consacre nous conduit à effectuer un premier rappel relatif aux règles procédurales communes à toutes les catégories de juridictions (I), avant d’envisager successivement les règles spécifiques aux contentieux étatique (II) et arbitral (II).

I. Règles procédurales communes à toutes les catégories de juridiction

F Une décision commentée : Cass. civ. 1ère., 28 mai 2008, pourvoi n°07-13.266, inédit.

(302)         Saisi par suite de la résiliation d’un contrat de franchise, un tribunal arbitral avait statué sur la responsabilité de la rupture d’un contrat de franchise et la dépose d’une enseigne intervenue en violation de la clause de non-réaffiliation insérée dans ce contrat ; le tribunal arbitral n’avait pas été invité à trancher le litige sur les dommages-intérêts consécutifs à cette violation. Une seconde sentence arbitrale ayant été annulée, la cour de Versailles, sur renvoi après cassation(Cass. civ. 2ème, 8 juill. 2004, Bull. civ. II, n°350), statuant aux lieu et place du tribunal arbitral, devait donc connaître du fond de l’affaire. Ladite cour avait alors déclaré recevable la demande de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-réaffiliation prévue au contrat de franchise formulée par le franchiseur dans la deuxième instance, au motif que, dans la première instance, il n’avait formulé qu’une demande tendant à la dépose de l’enseigne.

L’arrêt rendu le 28 mai 2008 par la chambre commerciale casse cette décision, considérant que la demande de dommages-intérêts aurait dû, pour être recevable, être formée dès la saisine du premier tribunal arbitral ; elle souligne à ce titre en effet « qu’il incombe au demandeur de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur la même cause et qu’il ne peut invoquer dans une instance postérieure un fondement juridique qu’il s’était abstenu de soulever en temps utile »(Cass. civ. 1ère., 28 mai 2008, pourvoi n°07-13.266, inédit).

(303)         L’arrêt commenté étend ainsi à l’arbitrage la solution issue de l’arrêt rendu le 7 juillet 2006 par l’Assemblée Plénière, selon lequel « il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci »(Cass. Ass. Plén., 7 juill. 2006, Juris-Data n°034519 ; Bull. AP., n°8 ; RTD civ. 2006, p. 825, obs. R. Perrot).

II. Contentieux étatique

(304)         L’actualité est marquée par l’adoption du Règlement ROME I qui contient des dispositions relatives aux contrats de franchise et comporte des modifications des règles de droit international qu’il convient d’exposer du fait de leur prochaine application (A). S’y ajoutent de nombreuses décisions relatives à la procédure (B).

A.        Les règles internationales : détermination de la loi applicable au contrat

F Un Texte commenté : Règlement (CE) n°593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008, JOCE L 177 du 4 juillet 2008 (Rome I)

(305)         L’article 65 b) du Traité instituant la Communauté européenne énonce que « Les mesures relevant du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière, qui doivent être prises conformément à l’article 67 et dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur, visent entre autres à (…) favoriser la compatibilité des règles applicables dans les États membres en matière de conflits de lois et de compétence ».

(306)         Dans cette optique ont été adoptés plusieurs règlements, concernant respectivement, notamment, la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale(Règlement (CE) n°44/2001 du Conseil du 22 déc. 2000 dit « Bruxelles I », JOUE L 12 du 16 janv. 2001, p. 1), la loi applicable aux obligations non-contractuelles(Règlement (CE) n°864/2007 du Parlement et du Conseil du 11 juill. 2007 dit « Rome II », JOUE L 199 du 31 juill. 2007, p. 40), et, plus récemment, la loi applicable aux obligations contractuelles(Règlement n°593/2008 du Parlement et du Conseil du 17 juin 2008 dit « Rome I », JOUE L 177 du 4 juill. 2008, p. 6). Ledit règlement remplace la convention de Rome du 19 juin 1980(Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, JOCE L266 du 9 oct. 1980, p. 1), et sera applicable aux contrats conclus à compter du 17 décembre 2009.

(307)         Le nouveau texte laisse moins de liberté au juge que ne le faisait la convention de Rome. Ainsi que l’indiquent en effet le Parlement et le Conseil dans le sixième considérant préalable à ce dernier règlement, « le bon fonctionnement du marché intérieur exige, afin de favoriser la prévisibilité de l’issue des litiges, la sécurité quant au droit applicable et la libre circulation des jugements que les règles de conflits de lois en vigueur dans les Etats membres désignent la même loi nationale quel que soit le pays dans lequel l’action est introduite ». Le règlement précise qu’il n’affecte pas l’application des conventions internationales relatives aux conflits de lois en matière d’obligations contractuelles auxquelles les Etats membres sont parties au moment de son adoption. En revanche, il prévaut sur les conventions conclues exclusivement entre des Etats membres.

Entrent dans le champ d’application dudit règlement les « obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale » lorsqu’un conflit de lois se présente(Art. 1er du Règlement) ; si certaines situations sont expressément exclues de ce champ d’application, ce n’est pas le cas du contrat de franchise, qui fait, au contraire, l’objet d’une disposition particulière dans le règlement. Aussi, est-il nécessaire de présenter le contenu du règlement qui s’appliquera aux contrats de franchises conclus dans un futur proche. Les dispositions du règlement permettent de déterminer la loi applicable tant au fond du contrat (1) qu’à la forme de celui-ci (2). Précisons que la loi ainsi désignée s’applique, même si elle n’est pas celle d’un Etat membre(Art. 2 du Règlement).

La loi applicable au contrat
(308)         L’article 12 du règlement précise que la loi applicable au contrat régit notamment l’interprétation, l’exécution, les conséquences de l’inexécution, les modes d’extinction des obligations et les conséquences de la nullité du contrat ; par ailleurs, ladite loi régit la charge de la preuve et les présomptions légales applicables en matière d’obligations contractuelles(S’agissant de la preuve de l’existence du contrat, v. infra sur la loi applicable à la validité du contrat). Le règlement permet au juge saisi d’une affaire concernant des obligations contractuelles et présentant un conflit de lois de désigner la loi applicable au contrat (a) ; par ailleurs, ledit texte prévoit des exceptions à l’application de la loi ainsi désignée (b).

a) Désignation de la loi applicable au contrat

(309)         Le règlement « Rome I » s’inscrit dans la théorie dualiste du règlement des conflits de lois en matière contractuelle(Deux théories ont été développées par la doctrine en la matière : selon la conception unitaire, la loi applicable est déterminée en fonction de la localisation du contrat, qui résulte de l’étude des clauses de celui-ci ; la clause désignant la loi applicable a dans ce cadre un rôle prédominant. Selon la conception dualiste, deux situations sont distinguées : dans la première, la volonté des parties ressort du contrat ; la loi applicable est alors celle choisie par les parties ; dans la seconde, la volonté des parties ne ressort pas du contrat ; sont alors appliquées des règles de conflits de lois supplétives de volonté. V. sur l’ensemble de cette question B. Audit, Droit international privé, Economica, 2000, n°148 s), à l’instar de la convention de Rome qu’il remplace et de la jurisprudence française antérieure à ladite convention(Cass. civ. 1, 6 juill. 1959, Rec. Crit. 1959.708 : « à défaut de déclaration expresse de leur part, il appartient aux juges du fond de rechercher, d’après l’économie de la convention et les circonstances de la cause, quelle est la loi qui doit régir les rapports des contractants »). Il prévoit, en premier lieu, que la loi applicable est celle qui est choisie par les parties (i) et énonce, en second lieu, les différentes règles supplétives de volonté (ii).

i) Application de la loi choisie par les parties

(310)         La loi applicable au contrat est en principe celle qui est choisie par les parties. Ce choix peut ressortir du contrat lui-même, les parties ayant fixé dès la formation de ce dernier la loi qui régirait leurs relations contractuelles. Ce choix peut être exprès ou tacite, à condition qu’il soit identifié avec certitude. Le choix tacite des parties ressort soit des stipulations du contrat lui-même, soit « des circonstances de la cause »(Art. 3 du règlement), ce qui offre au juge une large palette pour découvrir l’intention des parties. Les parties peuvent décider que la loi choisie par elles s’appliquera à l’ensemble du contrat, ou à l’une de ses parties seulement.

(311)         Le règlement offre expressément aux parties la possibilité de modifier la loi applicable au contrat postérieurement à la formation de celui-ci. S’appliquera alors, selon la décision des parties, une loi qu’elles indiqueront ou la loi désignée à l’aide des règles supplétives de volonté prévues par le règlement. La modification ainsi opérée ne porte pas atteinte aux droits des tiers.

ii) Règles supplétives de volonté

(312)         Le règlement « Rome I » prévoit des règles permettant de désigner la loi applicable lorsque celle-ci n’a pas été – expressément ou implicitement – choisie par les parties. La règle générale issue du règlement est similaire à celle énoncée par la convention de Rome : la loi applicable est celle du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle(L’article 19 du règlement définit ainsi la notion de « résidence habituelle » : « 1. Aux fins du présent règlement, la résidence habituelle d’une société, association ou personne morale est le lieu où elle a établi son administration centrale. La résidence habituelle d’une personne physique agissant dans l’exercice de son activité professionnelle est le lieu où cette personne a son établissement principal. 2. Lorsque le contrat est conclu dans le cadre de l’exploitation d’une succursale, d’une agence ou de tout autre établissement, ou si, selon le contrat, la prestation doit être fournie par lesdits succursale, agence ou autre établissement, le lieu où est situé cette succursale, cette agence ou tout autre établissement est traité comme résidence habituelle. 3. La résidence habituelle est déterminée au moment de la conclusion du contrat »), à moins que le contrat ne présente de liens manifestement plus étroits avec un pays autre.

Cette règle n’a rien de surprenant ; elle s’inscrit dans une tendance du droit international privé des contrats appliquée dans de nombreux pays(V. B. Audit, Droit international privé, Economica, 2000, n°171).

(313)         Le règlement a expressément envisagé le cas du contrat de franchise à l’article 4§1 e) : « le contrat de franchise est régi par la loi du pays dans lequel le franchisé a sa résidence habituelle ».

Ainsi, si les parties n’ont pas usé de la faculté qui leur est offerte par l’article 3 du règlement de désigner la loi applicable au contrat, le règlement renvoie à la loi du pays dans lequel le franchisé a sa résidence habituelle.

Reste que dans l’hypothèse, improbable en pratique, où le contrat présenterait des liens manifestement plus étroits avec un autre pays, la loi applicable serait celle de cet autre pays.

b) Exceptions à l’application de la loi désignée

(314)         Parmi les lois en conflits, certaines peuvent contenir des dispositions auxquelles le législateur a donné une force particulière. Aussi, le règlement prévoit-il que, dans certains cas, la loi désignée selon la méthode qu’il définit puisse être écartée au profit d’une autre. Il ressort des considérants préalables au règlement que le Parlement et le Conseil ont entendu distinguer clairement, d’une part, les « dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord » (i) et, d’autre part, les « lois de police » qui doivent être interprétées de façon plus restrictives (ii). Le règlement prévoit enfin une disposition spécifique s’agissant de la loi applicable à l’exécution forcée des obligations (iii).

i) Dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord

(315)         La volonté des parties ne peut faire obstacle aux dispositions d’ordre public applicables dans le pays dans lequel sont localisés tous les éléments du contrat. En effet, lorsque la loi applicable ressort de la volonté des parties, et que tous les autres éléments de la situation sont localisés dans un autre pays que celui de la loi choisie, il est fait application des dispositions auxquelles la loi de l’autre pays ne permet pas de déroger. La même règle s’applique s’agissant des dispositions du droit communautaire auxquelles il n’est pas permis de déroger, lorsque tous les éléments de la situation sont localisés dans un ou plusieurs Etats membres. Par ailleurs, le règlement précise que l’ordre public du for peut motiver la mise à l’écart d’une disposition de la loi désignée en vertu dudit règlement lorsque cette disposition est « manifestement incompatible » avec lui.

ii) Lois de police

(316)         Selon l’article 9 du règlement, « une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d’après le présent règlement ».

Les lois de police trouvent application dans deux situations : en premier lieu, le juge saisi applique la loi de police de son pays ; en second lieu, il peut être donné effet aux lois de police du pays d’exécution des obligations, lorsque ces lois de police rendent ladite exécution du contrat.

Ajoutons, enfin, que l’article L.330-3 du Code de commerce revêt un caractère d’ordre public(V. CA Caen, 4 mai 2005, Juris-Data n°282521 ; CA Toulouse, 3 déc. 2002, Juris-Data n°202888 ; CA Montpellier, 3 oct. 2000 ; CA Paris, 17 mai 1995, Juris-Data n°022611), mais n’a pas la qualité de loi de police(CA Paris, 30 nov. 2001, Cah. dr. entr. 2002, n°3).

iii) Exécution forcée du contrat

(317)         En vertu du second paragraphe de l’article 12 du règlement, les modalités d’exécution et les mesures à prendre par le créancier en cas de défaut dans l’exécution du contrat sont régies par la loi du pays où l’exécution a lieu.

La loi applicable à la validité du contrat
a) Les conditions de fond de la validité

(318)         Pour apprécier l’existence et la validité du contrat, il convient de se référer à la loi applicable au contrat selon les modalités définies précédemment.

Une exception à ce principe est prévue s’agissant du consentement. En effet, le règlement précise que « s’il résulte des circonstances qu’il ne serait pas raisonnable de déterminer l’effet du comportement » d’une partie d’après ladite loi, cette partie peut se référer à la loi du pays dans lequel elle a sa résidence habituelle.

(319)         Les dispositions du règlement précédemment exposé offraient une faible marge de manœuvre au juge dans le cadre de la désignation du droit applicable, et favorisait ainsi l’objectif d’unification des règles de conflits de lois en vigueur dans les Etats membres, ainsi que la désignation de la même loi nationale quel que soit le pays dans lequel l’action est introduite. La dernière disposition semble s’éloigner de cet objectif : l’expression « il ne serait pas raisonnable de déterminer l’effet du comportement de cette partie d’après la loi prévue [selon le principe] » pourra être interprétée de façon plus ou moins restrictive selon les Etats membres, et selon les juridictions au sein de ces Etats.

S’agissant de la capacité des parties, le règlement précise que « dans un contrat conclu entre personnes se trouvant dans un même pays, une personne physique qui serait capable selon la loi de ce pays ne peut invoquer son incapacité résultant de la loi d’un autre pays que si, au moment de la conclusion du contrat, le cocontractant a connu cette incapacité ou ne l’a ignorée qu’en raison d’une imprudence de sa part ».

b) Les conditions de forme de la validité

(320)         Le règlement distingue selon que les parties ou leurs représentants se situaient ou non dans le même pays au moment de la signature du contrat.

Lorsque les parties ou leurs représentants se situent dans le même pays lors de la conclusion du contrat, le contrat est valable à condition de satisfaire  aux conditions de forme de la loi qui le régit au fond ou de celles de la loi du pays dans lequel il a été signé.

Dans le cas contraire, le contrat est valable s’il satisfait :

–       soit aux conditions de forme prévues par la loi qui le régit au fond,

–       soit à celles  prévues par la loi du pays dans lequel se trouve l’une ou l’autre des parties ou son représentant au moment de la conclusion du contrat,

–       soit à celles prévues par la loi du pays dans lequel l’une ou l’autre des parties avait sa résidence habituelle au jour de la signature du contrat.

(321)         Lorsque la forme du contrat respecte les conditions de forme imposées par la loi qui le régit au fond, la modification du choix de la loi applicable qui peut être faite par les parties ultérieurement à la conclusion du contrat n’affecte pas la validité du contrat. On rappellera néanmoins que les effets de la nullité sont régis par la loi applicable au contrat en vertu de l’article 12 du règlement.

(322)         Le règlement facilite la preuve des actes juridiques qui est désormais largement ouverte ; en effet, aux termes de l’article 18 du règlement, ces derniers peuvent être prouvés : « par tout mode de preuve admis soit par la loi du for, soit par [la loi] selon laquelle l’acte est valable quant à la forme, pour autant que la preuve puisse être administrée selon ce mode devant la juridiction saisie ».

B. Eléments de procédure

(323)         Il convient d’envisager les règles de procédures selon qu’elles sont communes à toutes les juridictions (1) ou qu’elles gouvernent la juridiction des référés (2).

1. Les règles communes à toutes les juridictions

FDeux décisions commentées : CA Colmar, 12 févr. 2008, RG n°06/05059, inédit ; CA Colmar, 26 févr. 2008, RG n°06/05031, inédit.

(324)         Il peut être dérogé aux règles légales de compétence des articles 42 et 43 du Code de procédure civile par une clause attributive de compétence territoriale, telle qu’envisagée à l’article 48 du même code, aux termes duquel : « Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles légales de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente ».

Les conditions de validité de ce type de clause ressortent du texte : elles ne peuvent être prévues qu’entre commerçants(Sur cette question, Cass. com., 5 déc. 2006, Juris-Data n°036489), elles doivent apparaître très clairement dans l’engagement des parties, et ne peuvent contrarier les règles de compétence territoriale d’ordre public. Dans la mesure où elles dérogent aux règles légales de compétence territoriales, leur interprétation est stricte mais doit respecter la volonté des parties.

(325)         Dans une première affaire(CA Colmar, 12 févr. 2008, RG n°06/05059, inédit), le franchiseur assigna l’ancien franchisé qui, malgré la résiliation du contrat de franchise, poursuivait son activité sous l’enseigne du franchiseur. L’action était portée devant la juridiction visée par la clause attributive de compétence. Le franchisé souleva une exception d’incompétence territoriale devant le juge des référés au motif, selon lui, qu’en application des articles 42 et 43 du Code de procédure civile, c’est devant le tribunal du lieu où demeure le défendeur que l’action aurait dû être portée, la clause attributive de compétence n’étant pas applicable.

L’arrêt écarte l’exception d’incompétence soulevée par le défendeur en relevant que le contrat de franchise stipulait : « en cas de difficultés survenant pour l’interprétation et l’exécution du présent contrat ou par suite de sa résiliation pour quelque cause que ce soit… le tribunal de commerce de Strasbourg sera seul compétent » ; cette stipulation signifiait donc que les parties avaient voulu donner compétence au tribunal précité pour tout litige lié à la rupture de leurs relations contractuelles.

En l’espèce, la Cour relève que l’action du franchiseur tendant à la cessation de l’activité du franchisé postérieurement à la rupture des relations contractuelles était fondée sur le mépris des stipulations contractuelles (i) relatives à la cessation de l’utilisation des méthodes liées au savoir-faire postérieurement à la cessation du contrat et (ii) imposant à l’ex-franchisé de poursuivre loyalement son activité. L’action du franchisé entrait donc dans le champ de la clause attributive de compétence territoriale.

(326)         Dans la seconde affaire(CA Colmar, 26 févr. 2008, RG n°06/05031, inédit), les faits étaient similaires et l’ancien franchisé soulevait également une exception d’incompétence territoriale au motif que la discussion ne portait ni sur l’interprétation, ni sur l’exécution, ni même sur la résiliation mais sur des faits postérieurs à l’expiration du contrat et donc extérieurs à celui-ci ce qui, selon lui, excluait l’application de la clause attributive de compétence(Rédigée en ces termes : « en cas de difficultés survenant pour l’interprétation et l’exécution du présent contrat ou par suite de sa résiliation pour quelque cause que ce soit… le tribunal de commerce de Strasbourg sera seul compétent »). La Cour d’appel rejette l’exception d’incompétence après avoir relevé que, par la clause attributive de compétence, les parties avaient voulu donner compétence au tribunal saisi pour tout litige lié à la rupture de leurs relations contractuelles et que la demande du franchiseur visait bien les conséquences de la rupture du contrat de franchise.

Ces deux arrêts sont l’occasion de rappeler la nécessité d’apporter le plus grand soin à la rédaction des clauses attributives de compétence au risque, sinon, de voir s’opposer une exception d’incompétence territoriale.

2. Les règles inhérentes à la juridiction des référés

(327)         En matière commerciale, le juge des référés peut être compétent en application des articles 872(CPC, art. 872 : « Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend »), 873(CPC, art. 873 : « Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite (al.1er). Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire (al.2nd) ») et 145(CPC, art. 145 : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ») du CPC. Ces textes sont d’application fréquente en matière de franchise.

Un développement préalable doit être réservé à la question de la compétence du juge des référés lorsque le franchisé est en liquidation judiciaire (a). On examinera ensuite les mesures pouvant être ordonnées en référé et les conditions nécessaires à leur mise en œuvre (b).

a. La compétence du juge des référés lorsque le franchisé est en liquidation judiciaire

FUne décision commentée : CA Paris, 21 sept. 2007, Juris-Data n°351274.

(328)         La rapidité et la simplicité de la procédure en référé rendent cette voie très attractive pour obtenir une décision exécutoire. Si les pouvoirs du juge des référés sont étendus, il n’en reste pas moins qu’il convient de s’assurer qu’un autre juge ne dispose pas d’une compétence exclusive pour statuer. La question se pose avec une acuité particulière lorsque l’une des parties fait l’objet d’une mesure de redressement ou de liquidation judiciaire, ce qui pose la question de la compétence exclusive du juge commissaire. On sait, en effet, que si le juge commissaire dispose d’une compétence exclusive, l’intervention du juge des référés reste toutefois possible lorsque la demande ne se rapporte pas directement au cœur de la compétence du juge spécialisé. L’arrêt commenté illustre cette question.

En l’espèce, le franchisé avait subi une mesure de liquidation judiciaire. Le jugement prononçant la liquidation judiciaire avait autorisé la poursuite de l’activité pour une durée de deux mois et nommé un liquidateur judiciaire. Le franchiseur avait alors sollicité en référé la restitution du matériel et le paiement à titre de provision des sommes dues au titre de la poursuite du contrat de franchise. Le juge des référés avait alloué la provision mais s’était déclaré incompétent en ce qui concerne la demande de restitution du matériel. La Cour d’appel infirme partiellement l’ordonnance et retient la compétence du juge des référés tant en ce qui concerne la restitution du matériel que le paiement de la provision sollicitée au titre des redevances dues au titre de la poursuite du contrat de franchise.

La Cour d’appel (CA Paris, 21 sept. 2007, Juris-Data n°351274) retient en effet que :

–        l’action engagée par le franchiseur tend à l’exécution des dispositions contractuelles après cessation du contrat de franchise à l’issue du délai de deux mois pendant lequel la poursuite de l’activité a été autorisée pour les besoins de la liquidation,

–        la procédure collective n’exerce aucune influence sur la solution à apporter au différend relatif à la restitution du matériel lors de l’extinction du contrat, de sorte que l’extension de compétence au profit de la juridiction saisie de la procédure collective prévue par l’article 339 du Décret du 28 décembre 2005 ne trouve pas à s’appliquer,

–        il ne s’agit pas d’une action en revendication dont la propriété prêterait à discussion et à laquelle la forclusion de l’article L.624-9 du Code de commerce serait susceptible de s’appliquer.

La question de la compétence subsidiaire du juge des référés avait déjà donné lieu à plusieurs solutions dans le sillage desquelles se situe l’arrêt commenté(Ces décisions ayant admis que « la compétence donnée au juge-commissaire (…) pour constater la résiliation de plein droit des contrats poursuivis après l’ouverture de la procédure collective n’excluait pas la compétence du juge des référés, appelé à statuer en application de la clause résolutoire insérée au bail et de l’article 25 du décret du 30 sept. 1953, indépendamment du déroulement de la procédure collective, la cour d’appel a légalement justifié sa décision » (Cass. com., 10 juill. 2001, Bull. civ. IV, n°133. ; Cass. com., 25 janv. 1994, Bull. civ. IV, n°36)).

Pour écarter l’action en revendication dont l’intimé se prévalait, la cour d’appel caractérise l’existence d’une obligation de faire, exclusive de l’action en revendication dont on sait que seul le juge commissaire peut connaître.

b. Les pouvoirs du juge des référés

(329)         Les décisions objets de la présente étude nous conduisent à examiner les mesures ordonnées sur le fondement des articles 873 alinéa 1er (i), 873 alinéa 2 (ii) et 145 (iii) du CPC.

i) Les mesures ordonnées sur le fondement de l’article 873 alinéa 1er du CPC

FDix décisions commentées : Cass. com., 8 avr. 2008, pourvoi n°06.16-732, Juris-Data n°043568 ; Cass. civ. 2ème, 10 janv. 2008, pourvoi n°07-13.558, Juris-Data n°042210 ; CA Pau, 8 nov. 2007, RG n°06/00105, n°06/00106, n°06/00935, n°06/00575 et 06/03377 (cinq arrêts) ; Cass. com., 23 oct. 2007, pourvoi n°06-16.734 ; Cass. com., 23 oct. 2007, pourvoi n°06-16.733, Juris-Data n°041058 ; CA Douai, 28 juin 2007, RG n°06/03867, inédit.

(330)         Aux termes de l’article 873, alinéa 1er du CPC, le juge des référés est compétent pour prévenir un dommage imminent (α) ou faire cesser un trouble manifestement illicite (b). Dès lors qu’est établi un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite, le juge des référés a le pouvoir de prononcer toutes les mesures conservatoires et de remise en état qui s’imposent (d).

(α) Le dommage imminent

(331)         Saisi sur le fondement de l’article 873 alinéa 1er, le juge des référés a le pouvoir de prescrire toutes les mesures qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent et ce, même en cas de contestation sérieuse. Souvent commentée en ce qui concerne la caractérisation d’un trouble manifestement illicite, l’indifférence d’une contestation sérieuse trouve à s’illustrer dans un arrêt récent de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation lorsque la demande est formée pour prévenir un dommage imminent. Dans cette affaire, après avoir constaté la résiliation de plein droit du contrat de franchise, le franchisé avait procédé au remplacement de l’enseigne du réseau par une enseigne concurrente. Le franchiseur assigna alors son ancien franchisé en dépose de l’enseigne, arguant d’un dommage imminent du fait notamment de la violation de la clause de non-affiliation comprise dans le contrat de franchise.

La Cour de cassation approuve la cour d’appel(CA Versailles, 31 janv. 2007, RG n°06/7909, inédit) d’avoir relevé que :

–        la validité de la clause de non-concurrence est subordonnée tant à l’existence d’un savoir-faire du franchiseur qu’au caractère proportionné, au regard des intérêts du franchiseur, de l’interdiction faite au franchisé,

–        l’avantage économique apporté par le franchiseur en raison de l’originalité de son savoir-faire n’était pas établi avec certitude,

–        l’interdiction faite au franchisé n’était pas proportionnelle à la sauvegarde des intérêts légitimes du franchiseur alors qu’apparaissait purement formelle la faculté laissée au franchisé d’exercer son activité en dehors de tout réseau,

–        en conséquence de quoi la licéité de la clause litigieuse n’était pas établie avec l’évidence requise devant la juridiction des référés et les agissements incriminés ne constituaient pas un dommage imminent.

(332)         La deuxième chambre civile semble s’affranchir des termes de l’article 873 alinéa 1 qui confère au juge des référés la faculté d’ordonner les mesures conservatoires ou de remise en état pour prévenir un dommage imminent, même en cas de contestation sérieuse. L’absence d’évidence motivée par une discussion sur la licéité de la clause revient à faire écho à une contestation sérieuse dont les termes mêmes de l’article 873 alinéa 1er excluent la prise en compte.

On soulignera que, dans cet arrêt, la demande du franchiseur formée sur le terrain du trouble manifestement illicite est également rejetée pour le même motif mais la cour prend soin de préciser dans son premier attendu que le refus est justifié non pas par l’existence d’une contestation sérieuse mais par l’absence d’évidence requise devant le juge des référés.

Cette précision, qui n’est pas reprise pour justifier le rejet de la demande fondée sur le dommage imminent, n’apporte pas d’éléments sur la distinction à opérer entre l’absence d’évidence (qui tient en échec l’action en référé) et la contestation sérieuse (indifférente au succès de l’action).

Il ressort de cet arrêt que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation permet au franchisé de faire valoir l’illicéité de la clause pour tenir en échec l’action en référé, faute d’évidence, alors que, dans le même temps, la chambre commerciale refuse de faire écho à l’argument lorsqu’il s’agit d’une demande tendant à faire cesser un trouble manifestement illicite.

(b) Le trouble manifestement illicite

(333)         L’article 873 alinéa 2 du CPC confère également au juge des référés le pouvoir d’ordonner les mesures qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite même en cas de contestation sérieuse. Alors même que le texte est clair sur l’indifférence d’une contestation sérieuse quant aux pouvoirs du juge des référés lorsque le dommage imminent ou le trouble manifestement illicite sont établies, les choses ne sont pourtant pas aussi simples comme en témoignent les arrêts commentés.

(334)         On sait que lorsque le franchisé viole son obligation de non-réaffiliation en apposant une enseigne concurrente après la résiliation du contrat de franchise, le franchiseur peut saisir le juge des référés pour lui demander d’interdire immédiatement l’utilisation par le franchisé de cette enseigne jusqu’à ce que le juge du fond, parallèlement saisi, se prononce sur le bien fondé de la résiliation du contrat de franchise considéré. Si la Cour de cassation a posé le principe selon lequel, le juge des référés, saisi sur le fondement du trouble manifestement illicite, a le pouvoir de trancher une contestation sérieuse(Cass. com., 7 juin 2006, pourvoi n°05-19.633, Juris-Data n°034096 : « qu’en écartant l’existence d’un trouble manifestement illicite en considération d’un simple doute sur la résiliation du contrat dont la violation était dénoncée, alors qui lui incombait de trancher en référé la contestation, même sérieuse, en examinant la réalité de cette résiliation, la Cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs »), le juge des référés ne peut se livrer à une analyse trop compliquée des droits et obligations des parties en présence. Aussi, les franchisés tentent-ils souvent de complexifier le débat pour faire disparaître l’évidence requise devant le juge des référés, en invoquant – notamment – l’existence d’un ensemble contractuel ou en contestant la validité de la clause de non-réaffiliation.

(335)         S’agissant du premier argument, il a pu être accueilli par certaines cours d’appel qui, en présence d’un ensemble contractuel, ont refusé de faire droit à la demande de dépose de l’enseigne concurrente effectuée par le franchisé postérieurement à la résiliation du contrat de franchise.

Toutefois, par deux arrêts, la chambre commerciale de la Cour de cassation(Cass. com., 23 oct. 2007, pourvoi n°06-16.734, inédit ; Cass. com., 23 oct. 2007, pourvoi n°06-16.733, Juris-Data n°041058) décide : « Attendu que pour dire non établie, au stade du référé, l’existence d’un trouble manifestement illicite occasionné à la société (du franchiseur), au titre de la rupture avant terme du contrat de franchise qui le liait à la société (du franchisé), et de l’apposition immédiate d’une enseigne concurrente, l’arrêt retient que le contrat de franchise en cause s’est inscrit dans un ensemble contractuel plus complexe, qui forme un tout indissociable ; Attendu qu’en statuant ainsi, après avoir constaté la suppression brutale de l’enseigne (du franchiseur) et la commercialisation de produits concurrents, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l’article 873 du nouveau Code de procédure civile ».

La solution est reprise à l’identique quelques mois plus tard(Cass. com., 8 avr. 2008, pourvoi n°06.16-732, Juris-Data n°043568).

La Cour de cassation porte ainsi un coup d’arrêt à la tentation de ceux qui voient dans l’existence d’un ensemble contractuel la possibilité d’empêcher l’exercice de ses pouvoirs par le juge des référés.

(336)         Dans les mêmes circonstances, les franchisés tentent également de déplacer le débat sur la licéité de la clause de non-réaffiliation, en faisant valoir que la validité de cette clause prête à une interprétation exclusive du caractère manifestement illicite du trouble.

Un franchisé qui, postérieurement à la résiliation du contrat avait procédé au remplacement de l’enseigne par celle d’un concurrent, s’était vu assigné par le franchiseur en vue de déposer l’enseigne en exécution de la clause de non-réaffiliation stipulée au contrat. La deuxième chambre civile de la cour de cassation(Cass. civ. 2ème, 10 janv. 2008, pourvoi n°07-13.558, Juris-Data n°042210) approuve la cour d’appel d’avoir rejeté cette demande au motif que la licéité de la clause litigieuse n’apparaissait pas caractérisée avec l’évidence requise devant le juge des référés.

(337)         Il y a sans doute là une divergence d’analyse entre la position de la deuxième chambre civile et celle de la première chambre civile qui, par arrêt remarqué(Cass. civ.1ère, 15 juin 2004, Juris-Data n°024131), avait posé au contraire, le principe de présomption de validité des contrats, selon lequel le contrat doit être exécuté jusqu’à ce qu’il ait été considéré nul par le juge du fond, interdisant en cela au juge des référés d’exciper de la nullité possible d’une telle clause du contrat pour écarter l’existence du trouble manifestement illicite prévue à l’article 873 du CPC.

(338)         Hors l’hypothèse fréquente de trouble manifestement illicite résultant de la pose ou de la dépose d’enseigne, la jurisprudence offre d’autres exemples comme en témoigne l’arrêt rendu par la cour d’appel de Colmar(CA Colmar, 12 févr. 2008, RG n°06/05059, inédit). Suite à la résiliation du contrat de franchise, l’ancien franchisé commercialisait des jetons de lavage pouvant être utilisés dans les centres de lavage automobile sous l’enseigne du franchiseur, à l’inverse les jetons de lavage du franchiseur pouvaient être utilisés dans la station de lavage de l’ancien franchisé. Le franchiseur avait saisit le juge des référés d’une demande d’interdiction de commercialisation de ces jetons susceptibles d’être utilisés dans son réseau.

La cour d’appel se livre alors à une analyse du contrat de franchise et constate l’absence de précisions sur le délai dans lequel le franchisé devait procéder à la modification des monnayeurs de façon à ce que les jetons du réseau du franchiseur ne soient plus utilisables, le franchiseur ne versant aux débats qu’un avenant non signé, selon lequel le franchisé disposait d’un délai de douze mois postérieurement à la résiliation pour procéder aux modifications des monnayeurs. Faute pour le franchiseur d’établir que, à la date de l’assignation en référé, il pouvait exiger de l’ancien franchisé une adaptation des monnayeurs, la Cour d’appel considère que le trouble manifestement illicite n’est pas établi. Cette décision démontre encore, si besoin était, l’importance de la rédaction du contrat de franchise.

(d) Les effets

(339)         Dès lors qu’est établi un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite, le juge des référés a le pouvoir de prononcer toutes les mesures conservatoires et de remise en état qui s’imposent. Parmi ces mesures, peuvent être prononcées le rétablissement de l’enseigne du franchiseur(CA Douai, 28 juin 2007, RG n°06/03867, inédit ; CA Pau, 8 nov. 2007, RG n°06/00935, inédit), la dépose de l’enseigne, le respect de l’assortiment minimum(CA Pau, 8 nov. 2007, RG n°06/00935, inédit), le retrait des produits concurrents(CA Pau, 8 nov. 2007, RG n°06/00935, inédit), l’interdiction de commercialisation(CA Colmar, 12 févr. 2008, RG n°06/05059, inédit), etc.

(340)         De telles mesures sont le plus souvent assorties d’une astreinte, dont le franchiseur peut demander la liquidation, comme en témoignent cinq arrêts rendus pour la Cour d’appel de Pau(CA Pau, 8 nov. 2007, RG n°06/00105, n°06/00106, n°06/00935, n°06/00575 et n°06/03377 (cinq arrêts inédits)). Les faits de présentaient de façon similaires : suite à l’action en référé du franchiseur, le franchisé s’était vu contraint de réapposer l’enseigne et de respecter l’obligation d’assortiment minimum prévue au contrat de franchise dont le juge ordonna le respect jusqu’à son terme.

L’obligation n’étant pas respectée, le franchiseur avait ensuite saisit le JEX d’une demande en fixation et/ou liquidation de l’astreinte. La cour d’appel fait droit à la demande en liquidation de l’astreinte après avoir examiné les conditions de l’article 36 de la loi du 9 juillet 1991(Article 36 de la loi du 9 juill. 1991 : « Le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. Le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation. L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère ») et conclut à l’absence de difficultés matérielles quant à l’obligation de respecter l’assortiment minimum prévue au contrat de franchise.

ii) Les mesures ordonnées sur le fondement de l’article 873 alinéa 2 du CPC

F Une décision commentée : CA Paris, 21 sept. 2007, Juris-Data n°351274.

(341)         L’alinéa 2 de l’article 873 du CPC confère au juge des référés le pouvoir d’accorder une provision ou d’ordonner l’exécution de l’obligation de faire dès lors que l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Souvent utilisé par les franchiseurs pour solliciter l’allocation d’une provision, la jurisprudence offre un exemple d’application de ce texte pour obtenir du juge des référés l’exécution d’une obligation de faire.

(342)         Dans l’espèce commentée(CA Paris, 21 sept. 2007, Juris-Data n°351274), suite à l’extinction du contrat et à la mise en liquidation judiciaire du franchisé, le franchiseur sollicitait la restitution du matériel « kit mobilier » conformément aux stipulations contractuelles relatives à la cessation du contrat. La Cour d’appel devait considérer que l’obligation de restituer les éléments du kit mobilier et de transmission et de communication, n’était pas sérieusement contestable et résultait du contrat de franchise. En effet, ce dernier comportait une clause aux termes de laquelle, en cas de cessation du contrat, le franchisé devait restituer au franchiseur l’ensemble du matériel de transmission et de communication du savoir-faire, ainsi que l’ensemble des éléments du « kit immobilier » sous licence de la marque du franchiseur.

iii) Les mesures ordonnées sur le fondement de l’article 145 du CPC

FTrois décisions commentées : CA Pau, 19 mai 2008, RG n°07/3767, inédit ; Cass.civ. 2ème, 7 mai 2008 (pourvois n°07-14.858, n°07-14.857 et n°07-14.860)

(343)         Préalablement à tout procès, il peut être utile afin de recueillir les preuves dont dépendront l’issue du litige, d’obtenir le prononcé de mesures d’instruction. Selon l’article 145 du Code de procédure civile: « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ». Dans tous les cas, trois conditions sont invariablement requises : le demandeur doit agir avant tout procès(L’utilisation de l’article 145 du CPC est exclue lorsque une procédure au fond est déjà ouverte devant le juge étatique : CA Paris, 3 mai 2006, Juris-Data 300894 ; ou devant le tribunal arbitral : Cass.civ. 1re, 25 avr. 2006, pourvoi n°05-13.749, Bull. civ. I, n°197), établir un intérêt légitime(Cet intérêt légitime peut résider, par exemple dans la nécessité pour le franchiseur d’obtenir la communication par le franchisé de documents relatifs à la mise en location gérance de son fonds de commerce pour établir la violation de son droit de préférence (Cass.com., 14 févr. 2006, pourvoi n°05-13.127, Juris-Data n°032237). Quel que soit le motif invoqué, l’appréciation par le juge du caractère légitime de la demande tient compte du temps écoulé entre la date de la demande et celle de la situation qu’il y a lieu de corriger : CA Agen, 19 juin 2006, Juris-Data 317692) et l’utilité de sa demande(Cette condition n’est pas remplie lorsque des moyens de preuve existent déjà ou qu’il ne paraît pas possible d’en découvrir de nouveaux ; ainsi, la demande de désignation d’un expert formé par le franchisé en vue d’établir la responsabilité du franchiseur lui ayant communiqué des chiffres d’affaires prévisionnels qui, selon lui, non réalisés par la suite avaient selon lui entraîné des pertes financières importantes et la revente du commerce, dès lors qu’il n’apparaît pas que puisse être révélé par l’expertise un fait dont pourrait dépendre la solution d’un litige : CA Douai, 18 mai 1995, Juris-Data n°043368).

Ces mesures peuvent être requises par le demandeur de manière contradictoire ou non contradictoire. Dans le premier cas, le demandeur agira par voie d’assignation, au risque de se heurter à la pertinence des arguments que son adversaire lui opposera, tandis que, dans le second cas, le demandeur agira par voie de requête, à l’insu de son adversaire. Cette dernière voie paraît plus séduisante pour le demandeur qui s’épargne ainsi un débat contradictoire, mais elle comporte une double exigence supplémentaire, rappelée par les trois arrêts commentés : le demandeur doit justifier de l’urgence et des circonstances exigeant que les mesures prescrites ne soient pas prises contradictoirement.

(344)         En l’espèce, les faits ayant conduit aux trois arrêts commentés étaient similaires : une société franchiseur se plaignant d’actes de concurrence déloyale sollicitait par voie de requête la désignation d’un huissier aux fins de constations, de remise de documents et d’auditions de personnes au siège social d’une autre société.

Dans ces trois affaires, la cour d’appel(CA Caen, 29 mars 2007, RG n°05/0443, n°05/0308 et n°05/0399, inédits) avait rétracté l’ordonnance ayant accueilli la demande aux motifs que l’urgence n’était pas établie, qu’il s’agissait pour elle d’obtenir par surprise des éléments de preuve dans un procès déjà décidé même s’il n’était pas encore engagé, que le demandeur n’expliquait pas en quoi il existait un risque de dissimulation des preuves et que rien n’établissait que les sociétés concernées auraient fait disparaître ou détruit des documents importants.

La Cour de cassation rejette les trois pourvois dans un attendu identique, dont les termes méritent d’être repris : « c’est par une exacte application des articles 145 et 875 du Code de procédure civile, que la cour d’appel a retenu que la demande de mesures d’instruction ne pouvait être accueillie sur requête qu’à la double condition qu’il soit justifié de l’urgence des mesures sollicitées et de l’existence de circonstances autorisant une dérogation au principe de la contradiction ».

En l’espèce, si l’intérêt légitime résultait des soupçons de concurrence déloyale, l’urgence n’était pas établie et un débat était nécessaire pour déterminer les documents devant être remis en copie au demandeur de sorte que les deux conditions nécessaires à la procédure de l’ordonnance sur requête n’étaient pas réunies. Souvent admise, la solution méritait d’être rappelée avec force par la Cour de cassation, c’est tout l’attrait des trois décisions commentées.

(345)         Il faut relever que la communication de pièces sollicitée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile est le plus souvent assortie d’astreinte, afin d’inciter la partie à s’exécuter dans les meilleurs délais. En principe, toute difficulté relative à la liquidation de l’astreinte est soumise au juge de l’exécution, dont la compétence est limitée. Ainsi, la Cour d’appel de Pau a ainsi pu rappeler que « le juge de l’exécution connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée mais il n’a pas à ajouter à la décision servant de fondement à la procédure d’exécution ».

III. Contentieux arbitral

(346)         A la différence de nos précédentes éditions, qui avaient permis d’identifier un nombre important de décisions rendues en matière de franchise relativement au contentieux arbitral, la période couverte par la présente étude ne permet pas d’effectuer de longs développements, encore moins de cerner une quelconque évolution.

Cette morosité jurisprudentielle est accentuée par une énième application du principe de  « compétence-compétence » (A). L’on notera toutefois avec un certain intérêt les dispositions du nouveau règlement d’arbitrage CAP-Franchise, spécifique à la chambre arbitrale de Paris (B).

A. L’application du principe de « compétence-compétence »

F Une décision commentée : Cass. civ. 1ère, 12 déc. 2007, pourvoi n°07-13.927, Juris-Data n°041929.

(347)         L’un des attraits majeurs de l’arbitrage est de permettre qu’une décision confidentielle et définitive soit ordonnée rapidement. S’il est ainsi légitime de vouloir « aller vite » encore faut-il alors saisir le juge compétent. Or, qu’en est-il lorsqu’il existe un doute sur l’applicabilité ou la validité de la clause attribuant compétence aux arbitres ? Peut-on saisir le juge étatique ou faut-il néanmoins saisir les arbitres pour les inviter à trancher la question de leur propre compétence ?

Le principe dit de « compétence-compétence » répond à cette question ; s’il peut sembler alambiqué, la règle qu’il énonce est simple : il appartient à l’arbitre et à lui seul de statuer prioritairement sur la validité ou les limites de sa propre compétence ; tel est le principe.

Et, par exception à ce principe, le juge étatique, le tribunal de commerce en général, n’est compétent pour connaître de sa compétence que si et seulement si la clause d’arbitrage sur le fondement laquelle la procédure doit être engagée est manifestement nulle (1ère exception) ou inapplicable (2nde exception).

(348)         Quoique la règle soit claire (un principe et deux exceptions), certains plaideurs s’y perdent et la Cour de cassation a donc été amenée à rendre plusieurs décisions de principe sur cette question. Selon la Cour de cassation, le caractère manifestement nul ou inapplicable des clauses compromissoires doit être interprété de manière restrictive : il s’entend donc d’une nullité évidente et incontestable, ne pouvant prêter à discussion. La jurisprudence a ainsi récemment eu l’occasion d’écarter l’application de ces notions lorsque le contrat comprenant la clause compromissoire est lui-même nul ou inexistant(Cass. civ. 1ère, 11 juill. 2006, pourvoi n°04-14.950, Bull. civ. I, n°364). La règle est générale ; elle vise tous les types de contrats, tels que notamment les actes de cession de parts(Cass. civ. 1ère, 11 juill. 2006, pourvoi n°03- 11.983, Bull. civ. I, n°368) ou les contrats de distribution(Cass. civ. 1ère, 11 juill. 2006, pourvoi n°03-11.768, Bull. civ. I, n°367).

Les contrats de franchise n’échappent pas à la règle. Ainsi, n’est pas manifestement nulle la clause d’arbitrage qui, insérée dans un contrat de franchise, est rédigée dans les termes suivants : « les arbitres ne seront soumis à aucune règle ni aucun délai prévu au Code de procédure civile »(Cass. civ. 1ère, 7 juin 2006, Juris-Data n°033855) et, en conséquence, seuls les arbitres peuvent apprécier de la validité d’une telle clause d’arbitrage. De même, une clause d’arbitrage n’est pas manifestement inapplicable lorsque l’objet du litige porte sur de possibles manquements du franchiseur aux obligations précontractuelles d’information prévues par l’article L.330-3 du Code de commerce(Cass. civ. 1ère, 4 juill. 2006, Juris-Data n°034418) ; dans ce cas également, s’il existe un doute sur l’applicabilité de la clause d’arbitrage, mieux vaut donc saisir les arbitres eux-mêmes, au risque de perdre inutilement du temps.

Et, qu’on se le dise, toutes ces solutions prévalent quelque soit le lieu du tribunal arbitral considéré(Cass. civ. 1ère, 7 juin 2006, pourvoi n°03-12.034, Bull. civ. I, n°287).

(349)         Ala vérité, devant l’abondance des décisions rendues par la Cour de cassation, on aurait pu penser que ce type de contentieux se dissipât. L’arrêt rendu le 12 décembre 2007 par la Cour de cassation(Cass. civ. 1ère, 12 déc. 2007, pourvoi n°041929) vient démentir cette impression. Dans cette affaire, pour dire un tribunal de commerce compétent, la Cour d’appel d’Amiens a considéré que, la clause d’arbitrage ne visant que les contestations nées de l’interprétation et de l’exécution de l’accord de franchise, les litiges visant la nullité de l’accord lors de sa formation en étaient donc exclus.

Une fois de plus, la Cour de cassation vient sanctionner une telle analyse, en retenant par un attendu de principe qu’il deviendra difficile de ne pas connaître : « En statuant ainsi, par des motifs insusceptibles de caractériser la nullité ou l’inapplicabilité de la clause, seules de nature à faire obstacle à la compétence prioritaire de l’arbitre pour statuer sur l’existence, la validité et l’étendue de la clause, la cour d’appel a violé le principe (de compétence-compétence) ».

B. Arbitrage de la Chambre Arbitrale de Paris

F Un texte : règlement d’arbitrage CAP-Franchise du 1er mars 2008

(350)         Il existe une structure d’arbitrage instituée pour apporter une solution qui se veut adaptée aux litiges pouvant survenir entre franchiseurs et franchisés. Cette structure est constituée, d’une part, du Comité d’Arbitrage CAP-FRANCHISE qui traite des questions relatives à l’arbitrage et, d’autre part, d’un centre institutionnel d’arbitrage indépendant, habilité à prendre en charge l’organisation matérielle des procédures arbitrales, la Chambre Arbitrale de Paris.

Remis à jour le 1er mars 2008(Règlement d’arbitrage CAP-Franchise, art. 23 : « (Ce) règlement est applicable à toute instance arbitrale introduite à compter du 1er mars 2008 »), le règlement d’arbitrage CAP-Franchise(Anciennement dénommé « règlement d’arbitrage de la Fédération Française de la Franchise ») précise la mission et les pouvoirs respectifs du Comité d’Arbitrage(Règlement d’arbitrage CAP-Franchise, art. 1-a : « Le Comité d’Arbitrage veille à l’application du règlement et exerce les pouvoirs que celui-ci lui confère. Il établit son règlement intérieur et propose une formation appropriée aux arbitres. Il est composé : du Président en exercice de la Fédération Française de la Franchise ou son représentant, du Président de la Chambre Arbitrale de Paris ou son représentant et d’un professeur de droit, choisi par les deux premiers. Le Comité n’organise pas lui-même les arbitrages. Cette mission est confiée à la Chambre Arbitrale de Paris ») et de la Chambre Arbitrale de Paris(Règlement d’arbitrage CAP-Franchise, art. 1-b : « Lorsqu’un litige oppose des parties à un contrat qui mentionne l’application du règlement d’arbitrage CAP-FRANCHISE en cas de différend ou, plus généralement, qui fait référence à l’arbitrage ou au règlement d’arbitrage de la Fédération Française de la Franchise (ancienne dénomination du règlement CAP-FRANCHISE), ce litige est soumis à la Chambre Arbitrale de Paris qui organise l’arbitrage conformément aux présentes règles. (…) la Chambre Arbitrale de Paris constitue un Tribunal arbitral auquel est confiée la mission d’arbitrer le différend. Elle assiste le Tribunal arbitral dans sa mission ») ; ce règlement s’applique dès lors que les parties sont convenues, soit par un compromis, soit par une clause compromissoire, de régler leurs différends conformément à l’arbitrage de la FFF.

1/ Dispositions communes aux différentes procédures

(351)         L’instance arbitrale se déroule dans les conditions fixées par le règlement d’arbitrage CAP-Franchise, qui détermine les modalités relatives à la demande d’arbitrage, au dépôt des pièces et conclusions, aux citations, à la comparution et la représentation, à la tenue et au déroulement des audiences, aux mesures d’instruction et au report d’audience.

(352)         Les sentences rendues sont de la responsabilité exclusive des arbitres, lesquels statuent en leur âme et conscience comme des juges de droit commun. Les tribunaux arbitraux sont dispensés de suivre, au cours de leur mission d’arbitrage, les règles établies pour les tribunaux de droit commun. Toutefois, les principes directeurs du procès énoncés aux articles 4 à 10, 11 (1er aliéna), et 13 à 21 du Code de procédure civile sont applicables à l’instance arbitrale.

Sauf convention écrite contraire, le Tribunal arbitral a les pouvoirs d’amiable compositeur(La règle prévue à l’article du 1474 du CPC (« L’arbitre tranche le litige conformément aux règles de droit, à moins que, dans la convention d’arbitrage, les parties ne lui aient conféré mission de statuer comme amiable compositeur ») est donc ici inversée), ce qui revient à pouvoir statuer en équité(Si les arbitres statuant en amiable composition motivent leur sentence par l’application de la règle de droit, ils doivent alors , sous peine d’annulation de la sentence, préciser en quoi celle-ci est conforme à l’équité (Cass. civ. 2ème, 10 juill. 2003, Bull. civ. II, n°234 ; Juris-Data n°019932 ; Cass. civ. 2ème, 26 juin 2003, Bull. civ. II, n°208 ; Juris-Data n°019629 ; Cass. civ. 2ème, 15 févr. 2001, Bull. civ. II, n°26 ; Juris-Data n°008291)). Le Tribunal arbitral constitué est juge de sa compétence(V. supra n°sur le principe « compétence-compétence »). Le règlement d’arbitrage CAP-Franchise fixe en outre les modalités relatives à l’empêchement, la révocation et la récusation des arbitres.

(353)         Les sentences sont déposées, par la Chambre Arbitrale de Paris, au Greffe du Tribunal de Grande Instance de Paris conformément à la loi, mais seulement à la demande de l’une ou l’autre des parties. Il appartient aux parties de faire exécuter les sentences. A défaut d’exécution de la sentence par la ou les parties condamnées, dans le délai de trois mois à compter de sa notification, le Comité d’Arbitrage CAP-FRANCHISE peut, après avoir entendu la ou les parties récalcitrantes, ordonner, aux frais de cette ou de ces dernières, la publication de la sentence dans une ou plusieurs revues professionnelles et/ou dans le rapport d’activité annuel.

(354)         Les sentences sont rendues en dernier ressort, sans autre recours que celui en annulation(v. aussi, pour des recours en annulation formés contre des sentences arbitrales rendues par la chambre arbitrale de Paris : principe du contradictoire (CA Paris, 11 sept. 1997, RG n°95/80006 (rejet)) ; droits de la défense et principe du contradictoire (CA Paris, 3 oct. 1996, RG n°95/08932 (rejet)) ; principe du contradictoire, défaut de motivation et violation de l’ordre public (CA Paris, 22 sept. 1994, RG n°93/9670 et 93/20115 (rejet))).

L’application du règlement d’arbitrage CAP-FRANCHISE implique que les parties renoncent à ce que la juridiction d’appel de droit commun statue sur le fond si la sentence en cause est annulée. En cas d’annulation de la sentence, le litige est à nouveau porté devant la Chambre Arbitrale de Paris à la demande de l’une ou de l’autre des parties. La nouvelle procédure est engagée et poursuivie selon les modalités dudit règlement.

2/ Les différentes procédures

(355)         Le Tribunal arbitral dit du premier degré établit un projet de sentence, dont la notification fait courir le délai de quinze jours dans lequel une partie peut adresser à la Chambre Arbitrale une demande d’examen au second degré.

Si la Chambre Arbitrale reçoit, dans ce délai de quinze jours, une demande d’examen au second degré, elle constitue un deuxième Tribunal arbitral composé de trois membres, tous nommés par elle. Cette demande a un effet dévolutif. La sentence est rendue dans les mêmes conditions celles du Tribunal du premier degré.

(356)         Une procédure d’urgence peut être organisée conformément à l’article 13 du règlement d’arbitrage CAP-Franchise, sur requête motivée du demandeur, par décision du Comité d’Arbitrage CAP-FRANCHISE. Dans le cas où la procédure d’urgence est refusée, la demande est instruite selon la procédure ordinaire. Dans le cas contraire, l’arbitrage a lieu aussi promptement que possible et la Chambre Arbitrale de Paris fixe, par dérogation à toutes autres dispositions du présent règlement, les délais dans lesquels les formalités d’arbitrage doivent être accomplies, en particulier les délais dans lesquels doivent être déposés au Secrétariat les pièces, documents et conclusions des parties. La sentence, rendue à la majorité des voix du Tribunal arbitral statuant en procédure d’urgence, est définitive.

(357)         Une procédure d’arbitrage rapide, dite « P.A.R. », est mise en œuvre pour tout arbitrage dont le montant en principal est inférieur ou égal à 50.000 Eurosou la contre-valeur en devise au jour de la demande d’arbitrage (hors frais et dépens d’arbitrage). Les règles procédurales spécifiques à cette procédure sont fixées par une annexe au règlement d’arbitrage CAP-FRANCHISE, les dispositions non contraires dudit règlement demeurant applicables. Cette annexe comprend des dispositions reprenant, en les simplifiant, celles relatives à la demande d’arbitrage, le tribunal arbitral du premier degré, l’examen de la cause au premier degré, le projet de sentence, le tribunal arbitral du second degré, la sentence proprement dite, les délais et frais d’arbitrage.

Panorama de Jurisprudence : Franchise (2007)

L'identification du contrat de franchise

(01)            La loi Doubin et son décret d’application n’esquissent aucune définition du contrat de franchise. Une définition est proposée à l’article 2.5 des lignes directrices sur les restrictions verticales complétant le règlement n°2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999 et à l’article 1er du Code de déontologie européen de la franchise. La définition qu’en donnent ces textes est reprise par les juridictions du fond (CA Poitiers, 13 septembre 2005, Juris-Data n°287162 : retenant que « le contrat de franchise est un contrat synallagmatique à exécution successive par lequel une entreprise confère à une autre ou plusieurs autres entreprises le droit de réitérer, sous l’enseigne du franchiseur, à l’aide de ses signes de ralliement de la clientèle et de son assistance continue, le système de gestion préalablement expérimenté par le franchiseur et devant, grâce à l’avantage concurrentiel qu’il procure, raisonnablement permettre à un franchisé diligent de faire des affaires profitables).

Il appartient au juge de rechercher si le contrat signé entre les parties correspond effectivement à un contrat de franchise. Par application de l’article 12, alinéa 2 du NCPC, en effet, le juge doit « donner ou restituer leur exacte qualification aux (…) actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ». Les termes de ce texte sont tout à fait clairs : il ne s’agit pas d’une simple faculté ; le juge doit procéder à cette rectification, en donnant à l’acte une qualification lorsque les parties ne l’ont pas fait, ou en restituant la qualification qui convient, lorsque les parties ont attribué à l’acte une qualification erronée (H. Solus et R. Perrot, Droit judiciaire privé, t. III, n°102). La règle donne lieu à un contrôle constant de la Cour de cassation (V. pour un arrêt de cassation récent rendu au visa de l’article 12, alinéa 2 du NCPC, Cass. civ. 1ère, 15 mai 2007, Juris-Data n°. Par dérogation à ce qui précède, l’article 12, alinéa 3 du NCPC prévoit que le juge « ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat ».

L’ensemble de ces règles trouve naturellement à s’appliquer dans le domaine de la franchise (Dans une affaire récente, il était reproché à une Cour d’appel requalifié une convention d’affiliation en contrat de franchise, en violation de l’article 12 alinéa 3 du NCPC, dès lors que les parties s’étaient accordées expressément pour réfuter cette qualification dans leurs écritures. La Cour de cassation exerça son contrôle en relevant, en l’espèce, que le moyen manquait en fait dès lors que la cour d’appel n’avait pas requalifié la convention (Cass. com., 3 avril 2007, Juris-Data n°038436)). Ce faisant, le juge est appelé à distinguer le contrat de franchise des contrats voisins issus du droit commercial (I) et du contrat de travail (II).

I. Distinction du contrat de franchise et des contrats voisins

F Quatre décisions commentées : CA Lyon, 26 octobre 2006 (Juris-Data n°320959) ; CA Paris, 13 septembre 2006 (Juris-Data n°312382) ; CA Paris, 19 juillet 2006 (Juris-Data n°311531) ; CA Paris, 21 juin 2006 (Juris-Data n°304912)

(02)            Il est parfois délicat de distinguer la franchise de contrats voisins intéressant le droit commercial (Le contrat de franchise se distingue des autres contrats notamment des contrats cadres de distribution par la réunion de trois obligations essentielles : l’utilisation d’un nom ou d’une enseigne communs et une présentation uniforme des locaux et/ou moyens, la communication par le franchiseur au franchisé d’un savoir faire, la fourniture continue par le franchiseur au franchisé d’une assistance commerciale ou technique pendant la durée de l’accord (v. not., en ce sens, CA Poitiers, 13 septembre 2005, Juris-Data n°287162))  tels que, notamment, la distribution sélective, la licence de marque, le prêt d’enseigne, le contrat d’affiliation, le mandat d’intérêt commun, etc. Nous avions relevé l’an passé (Numéro spécial, Les Petites Affiches, 9 novembre 2006, Le contrat de franchise : un an d’actualité, §§. 5 et suivants) les décisions distinguant le contrat de franchise de trois catégories distinctes de contrat : le contrat de concession (CA Poitiers, 13 septembre 2005, Juris-Data n°287162), le contrat d’agent commercial (CA Paris, 21 juin 2006, Juris-Data n°304912 ; CA Nîmes, 14 février 2006, Juris-Data n°301670) et le contrat de vente (CA Colmar 31 janvier 2006, Juris-Data n°304798).

La présente étude vient utilement compléter la précédente, les décisions commentées invitant à distinguer le contrat de franchise du contrat de partenariat commercial (A), du contrat de mandat (B) et du contrat d’agent commercial (C).

A. Contrat de franchise et contrat de partenariat commercial

(03)            La Cour d’appel de Paris (CA Paris, 19 juillet 2006, Juris-Data n°311531) a été récemment saisie d’une affaire conduisant à distinguer le contrat de franchise du contrat de partenariat commercial.

En l’espèce, le contrat litigieux portait sur « l’élaboration, la fabrication et la commercialisation d’une gamme » de produits alimentaires destinés à être vendu, sous une marque donnée, en dehors des points de vente du réseau du propriétaire de la marque. L’un des contractants était ainsi débiteur d’une obligation au paiement de redevances, tandis que l’autre était tenue d’assurer « la recherche et l’élaboration de prototypes artisanaux industrialisables » ainsi que « la fourniture de conseils, recettes et procédés nécessaires à la réalisation des produits concernés ». Ce contrat de partenariat commercial s’apparentait au contrat de franchise en ce qu’il comportait la transmission d’un savoir-faire et le paiement de redevances, mais s’en différenciait, faute de comporter la transmission de signes distinctifs (CA Poitiers, 13 septembre 2005, Juris-Data n°287162 : indiquant que « le contrat de franchise se distingue des autres contrats notamment des contrats cadres de distribution par la réunion de trois obligations essentielles : l’utilisation d’un nom ou d’une enseigne communs et une présentation uniforme des locaux et/ou moyens, la communication par le franchiseur au franchisé d’un savoir faire, la fourniture continue par le franchiseur au franchisé d’une assistance commerciale ou technique pendant la durée de l’accord » (nous soulignons)).

Considérant qu’il s’agissait d’un contrat de franchise, l’une des parties arguait de sa nullité, pour défaut de cause (La distinction entre les deux catégories de contrat n’est pas neutre car si le savoir-faire fait défaut dans un contrat de franchise, ce dernier est annulé pour défaut de cause, le savoir-faire étant de l’essence du contrat de franchise (v. sur la question, infra § 73 et s.)), en raison de l’absence de savoir-faire de son cocontractant. La Cour d’appel de Paris écarte l’argument, retient l’existence d’un contrat de partenariat commercial, et souligne que « l’existence d’un ‘‘savoir-faire’’ est indifférente à la question de la validité du contrat au regard de l’article 1131 du Code civil compte tenu de la pluralité d’obligations à la charge de (l’une des parties) en contrepartie de celles mises à la charge de (l’autre) ».

Ce faisant, l’absence de transmission d’un savoir-faire fut sanctionnée sur le terrain de l’inexécution du contrat, en l’espèce, par la mise en jeu de la clause résolutoire qui figurait au contrat.

B. Contrat de franchise et contrat de mandat

(04)            Dans une affaire ayant donné lieu à un arrêt de la Cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 26 octobre 2006, Juris-Data n°320959), une société exerçant une activité de gestion immobilière avait confié à une personne physique un mandat en vue de la recherche de locataires, puis le mandataire avait créé une société reprenant ce mandat. Une fois le contrat rompu par le mandant, le mandataire sollicitait la requalification de ce contrat en contrat de franchise et, ainsi, sa nullité pour manquement à l’obligation précontractuelle d’information.

Constatant que le contrat avait pour objet la recherche de clients pour le compte de la société mandante et l’accomplissement des formalités subséquentes à la signature des contrats de location, la Cour d’appel de Lyon se fonde sur deux critères essentiels pour écarter la qualification de contrat de franchise au profit de celle de mandat. Elle retient tout d’abord que le contrat litigieux ne faisait « aucune référence à la franchise ». Elle souligne, ensuite et surtout, que « la franchise nécessite que le franchisé exerce d’une manière indépendante l’activité que lui concède le franchiseur, ce qui ne pouvait être le cas en l’espèce, (le mandataire) ne disposant pas personnellement de la carte de gestion immobilière ». Ce second motif est tout aussi décisif que le premier : l’exigence d’indépendance est consubstantielle à la franchise ; en effet, selon l’article 1er du Code de déontologie européen de la franchise, « la franchise est un système de commercialisation de produits et/ou services et/ou de technologies, basé sur une collaboration étroite et continue entre des entreprises juridiquement et financièrement distinctes et indépendantes, le franchiseur et ses franchisés, dans lequel le franchiseur accorde à ses franchisés le droit, et impose l’obligation d’exploiter une entreprise en conformité avec le concept du franchiseur » (nous soulignons). De même, selon l’annexe (1) de ce même Code, « le franchisé est responsable des moyens humains et financiers qu’il engage et responsable, à l’égard des tiers, des actes accomplis dans le cadre de l’exploitation de la franchise ».

C. Contrat de franchise et contrat d’agent commercial

(05)            Le contrat de franchise se distingue encore du contrat d’agent commercial (Le contrat d’agent commercial fait l’objet d’une définition légale ; selon l’article L.134-1 du Code de commerce : « L’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale » (nous soulignons)) et l’on sait bien que, selon qu’une partie entendra bénéficier des dispositions favorables spécifiques à l’un ou l’autre de ces deux contrats, elle tentera de faire requalifier par le juge le contrat de franchise en contrat d’agent commercial (CA Paris, 21 juin 2006 Juris-Data n°304912) ou, inversement, le contrat d’agent commercial en contrat de franchise (CA Nîmes, 14 février 2006, Juris-Data n°301670).

(06)            Le critère distinctif de ces deux contrats tient essentiellement à l’indépendance du franchisé. L’agent agit au nom et pour le compte de son mandant, alors que les franchisés sont des commerçants indépendants, inscrits à ce titre au registre du commerce. Ainsi, comme le rappelle un arrêt relativement récent (CA Paris, 21 juin 2006 Juris-Data n°304912), le franchisé n’agit pas en qualité de mandataire lorsqu’il entretient en toute indépendance des relations directes avec les clients et qu’aucun élément ne laisse apparaître qu’il a agi au nom et pour le compte du franchiseur.

On signalera enfin, pour mémoire, un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris, qui requalifie un contrat de commission-affiliation en contrat d’agent commercial.

II. Distinction du contrat de franchise et du contrat de travail

(07)            La jurisprudence admet la requalification du contrat de franchise en contrat de travail (A). Cette hypothèse doit être distinguée de celle qui, en dehors de toute requalification, permet néanmoins l’application des dispositions du Code du travail au dirigeant de la société franchisée, par application de l’article L.781-1, 2° du Code du travail (B).

A. La requalification du contrat de franchise en contrat de travail

F Huit décisions commentées : Cass. soc. 6 juin 2007 (Juris-Data n°039434) ; Cass. Soc., 22 mars 2007 (Juris-Data n°038157) ; Cass. Soc., 22 mars 2007 (Juris-Data n°038158) ; CA Montpellier, 29 novembre 2006 (Juris-Data n°328647) ; CA Douai, 23 novembre 2006, (Juris-Data n°325137) ; CA Toulouse, 13 octobre 2006 (Juris-Data n°327205) ; Cass. soc., 27 septembre 2006, pourvois n°04-48.589et n°04-48.590(deux arrêts)

(08)            On le sait, les ressources – souvent inépuisables – du Code du travail ont permis l’apparition, il y a quelques années, d’une jurisprudence consacrant la requalification du contrat de franchise en contrat de travail lorsque l’existence d’un « lien de subordination » est établie entre le franchiseur et son franchisé (On laissera de côté la situation particulière où le franchisé lui-même se voit opposé l’existence d’un contrat de travail par les salariés du fonds de commerce qu’il avait dans un premier temps exploité en location-gérance (v. pour une illustration, Cass. Soc., 22 mars 2007, Juris-Data n°038158). Ainsi que le montre une décision récente (V. not., pour une application récente, CA Douai, 23 novembre 2006, Juris-Data n°325137), la requalification du contrat de franchise en contrat de travail n’est pas sans importance ; elle peut conduire, le cas échéant, la constitution du délit de travail dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues par l’article L. 324-10 du Code du Travail (Selon ce texte, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait, pour tout employeur, de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de l’une des formalités prévues aux articles L.143-3 (remise d’un bulletin de paie) et L.320 (déclaration d’embauche auprès des organismes de protection sociale) du même code), et réprimé aux articles L. 362-3 (Selon ce texte, « toute infraction aux interdictions définies à l’article L.324-9 est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ») et suivants du même code.

On rappellera la règle de principe (1) avant d’examiner son application concrète à la franchise (2).

1) Le principe

(09)            Dans la recherche de la véritable qualification du lien contractuel qui unit les parties, le juge ne doit pas s’arrêter aux termes qu’elles ont employés, l’existence d’une relation pouvant déterminer un contrat de travail n’étant dépendante ni de la volonté qu’elles ont exprimée, ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs (V. pour un rappel de principe, CA Toulouse, 13 octobre 2006, Juris-Data n°327205 ; v. aussi, CA Grenoble, 1er septembre 2003, Juris-Data n°241377).

(10)            Par un arrêt de principe du 22 mars 2007 (Cass. Soc., 22 mars 2007, Juris-Data n°038157. (Juris-Data n°038157), rendu au visa de l’article L. 121-1 du Code du travail, la Cour de cassation porte un coup d’arrêt à la tentation de ceux qui voient dans l’exercice par le franchisé de son activité la manifestation probable d’un lien de subordination. Pour condamner un franchiseur à payer des salaires et indemnités à l’un de ses franchisés et à le garantir au titre des condamnations prononcées au profit des salariés employés par ce dernier, une Cour d’appel (CA Douai, 30 septembre 2005, inédit) avait retenu que les circonstances ayant entouré l’entrée du franchisé dans le fonds de commerce et la conclusion d’un contrat de franchise révélaient l’existence d’un tel lien de subordination. Ce faisant la Cour de cassation retient :

« Attendu que, pour condamner la société (franchiseur) à payer des salaires et indemnités à M. X… et à garantir celui-ci au titre des condamnations prononcées au profit des salariés employés dans le fonds, la cour d’appel retient que les circonstances qui ont entouré l’entrée de ce dernier dans le fonds de commerce et la conclusion d’un contrat de franchisage révèlent une autorité hiérarchique, autrement dit un lien de subordination, qui relève du droit du travail et qui est encore accru par les conditions du contrat de franchise (…), par lequel la société (franchiseur) assume de nombreuses tâches afférentes à l’exploitation du commerce (…) ;

Qu’en statuant ainsi alors qu’il ne résulte de ses constatations, ni que M. X… était soumis, dans l’exécution de son travail, à l’autorité d’un employeur ayant le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements, ni que ses conditions de travail étaient unilatéralement déterminées par le franchiseur, dans le cadre d’un service organisé, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

Par cet attendu, la Cour de cassation réalise la synthèse de l’état du droit positif, selon lequel le lien de subordination est « caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné » (Cass. Soc., 23 novembre 2005, pourvoi n°04-40.749 ; Cass. Soc., 12 juillet 2005, pourvoi n°03-45.394), étant précisé que « l’intégration dans un service organisé constitue un indice du lien de subordination lorsque les conditions de travail sont unilatéralement déterminées par le cocontractant » (Cass. Soc., 20 septembre 2006, Juris-Data n°035081 ; Cass. Soc., 23 novembre 2005, pourvoi n°04-40.749).

(11)            Conformément à l’article du 9 NCPC, la charge de la preuve de l’existence d’un « lien de subordination » pèse sur celui qui l’invoque (Cass. Soc., 6 juin 2007, Juris-Data n°039434 ; CA Montpellier, 26 novembre 2003, Juris-Data n°230351 ; CA Bordeaux, 18 septembre 2000, Juris-Data n°124897).

Surtout, le franchisé doit combattre la présomption de l’alinéa 1er de l’article L.120-3 du Code du travail, selon lequel « les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés (…) ainsi que les dirigeants des personnes morales immatriculées [audit registre] (…) sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ouvrage par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à cette immatriculation ».  Pour ce faire, il sollicite l’application de l’alinéa 2 du même article, selon lequel : « (…) l’existence d’un contrat de travail peut être établie lorsque les personnes citées au premier alinéa fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ouvrage dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci » (Les décisions qui, rendues en matière de franchise, statuent sur une telle demande ne sont pas rares (v. pour le refus d’une telle requalification : CA Douai 27 mars 1992, Juris-Data n°042865 ; CA Bordeaux, 17 avril 1991, Juris-Data n°043846 ; v. pour son admission : CA Paris, 19 novembre 1997, Juris-Data n°024318))(nous soulignons).

2) L’application du principe à la franchise

(12)            Le juge du fond procède à une analyse au cas par cas tendant à déceler – par la réunion d’indices précis, graves et concordants – l’existence du lien de subordination entre le franchiseur et le franchisé (Outre la relation franchiseur-franchisé, examinée au travers de l’étude des décisions ci-après, d’autres exemples sont fournis par la jurisprudence requalifiant en contrat de travail : un contrat d’agent commercial (Cass. soc., 27 septembre 2006, pourvois n°04-48.589 et n°04-48.590 (deux arrêts)).

(13)            Ce faisant, tout est dans la mesure. La circonstance que le contrat de franchise permette au franchiseur d’assumer de nombreuses tâches afférentes à l’exploitation du fonds est en soi insuffisante. La solution est logique car les indications du franchiseur participent le plus souvent du savoir-faire ou de l’assistance que le contrat lui impose de transmettre aux franchisés, et procèdent donc de l’exécution normale du contrat de franchise.

Ainsi, le franchisé conserve-t-il de toute évidence l’autonomie requise – et ne peut donc invoquer l’existence d’un contrat de travail à son profit – lorsqu’il :

–      est dans impossibilité d’aménager les locaux à sa guise, le franchiseur exigeant une présentation uniforme des locaux (CA Dijon, 30 juin 2005, Juris-Data n°283427) ;

–      se trouve lié par une obligation de réassort automatique (CA Dijon, 30 juin 2005, Juris-Data n°283427) ;

–      demeure libre de choisir la quantité de marchandises figurant dans la gamme de produits du franchiseur, de pratiquer un prix autre que celui conseillé, de céder son fonds de commerce et d’embaucher du personnel (CA Dijon, 30 juin 2005, Juris-Data n°283427) ;

–      assume en toute liberté le fonctionnement de l’établissement, qu’il exerce les prérogatives d’un chef d’entreprise à l’égard du personnel, qu’il n’est soumis à aucun horaire précis, n’a de compte à rendre à personne et aménage à sa guise ses périodes de congés (CA Rennes, 13 décembre 2005, Juris-Data n°292457).

Encore faut-il, en outre, que soit rapportée la preuve de l’exercice d’un pouvoir disciplinaire autorisant l’employeur à infliger des sanctions au sens de l’article L.122-40 du Code du travail (CA Rennes, 13 décembre 2005, Juris-Data n°292457).

(14)            Un arrêt entrant dans le champ de notre étude vient néanmoins de caractériser l’existence d’un contrat de travail. Selon la Cour d’appel, la situation semblait assez caricaturale : le franchisé était placé sous les ordres de la direction de la société auxquels il devait se conformer sous peine de sanctions, recevait du franchiseur des indications précises quant à ses horaires de tournées, avait reçu une formation en interne, était muni d’un mémento comportant diverses instructions précises, et était susceptible d’être sanctionné s’il encaissait lui-même le prix des prestations qu’il effectuait ; de surcroît, le franchiseur assurait l’essentiel de la prospection et de la commercialisation, organisait les plans de tournées, déterminait le nombre de véhicules nécessaires à l’exercice de l’activité, fixait les tarifs et prix des prestations sans aucune concertation avec le franchisé (CA Toulouse, 13 octobre 2006, Juris-Data n°327205).

(15)            Dans la majeure partie des cas, il faut bien le dire, les obligations auxquelles les franchisés sont tenus tendent à imposer des règles communes à l’ensemble du réseau qui, destinés à obtenir d’eux la gestion rentable de leur magasin, n’entraînent à leur charge aucune sujétion de nature à les priver de l’indépendance qu’implique la qualité de commerçant.

Il convient aussi de souligner aussi l’importance des stipulations contractuelles dans la qualification.

Le souci d’organiser rigoureusement la distribution des produits ou services n’entraînera pas la qualification de contrat de travail si cette volonté s’exprime dans le respect de l’indépendance du franchisé. L’indépendance du franchisé doit ressortir des clauses mêmes énonçant les obligations qui s’imposent à lui dans le prolongement du savoir-faire qui lui est transmis. Les obligations doivent découler des contraintes inhérentes au transfert d’un savoir-faire, ce dont il doit normalement résulter que les obligations considérées créent, à la charge du franchisé (ou des gérants et associés de la société franchisée), une contrainte compatible avec sa qualité de commerçant indépendant. Et pour qu’il en soit ainsi, les obligations imposées au franchisé ne doivent pas concerner l’organisation même de son travail car le pouvoir de direction caractéristique de la qualité d’employeur s’exerce, avant tout, sur les modalités de déploiement d’une prestation de travail.

B. L’application des règles du Code du travail en dehors de toute requalification

F Six décisions commentées : Cass. soc., 21 février 2007 (Juris-Data n°037640) ; CA Nîmes, 10 janvier 2007 (Juris-Data n°334649) ; Cass. soc., 14 décembre 2006, pourvoi n°0540844 ; CA Nîmes 13 décembre 2006 (Juris-Data n°324576) ; CA Toulouse, 13 octobre 2006 (Juris-Data n°327205) ; CA Aix-en-provence, 21 juin 2006 (Juris-Data n°311567)

(16)            Les conditions requises à l’article L.781-1, 2° du Code du travail sont assez peu contraignantes (1) au regard des effets que ce texte produit (2).

1) Les conditions d’application

(17)            En dehors même de toute requalification du contrat de franchise en contrat de travail, les dispositions du Code de travail peuvent s’appliquer conformément à l’article L.781-1, 2° du Code du travail. Selon ce texte en effet, les dispositions du Code du travail visant les apprentis, ouvriers, employés, travailleurs sont applicables « aux personnes dont la profession consiste essentiellement à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule entreprise industrielle et commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise ».

(18)            Lorsque les conditions requises par l’article L.781-1, 2° du Code du travail – telle que notamment l’exigence d’un prix imposé (V. sur le contrôle exercé par la Cour de cassation, Cass. Soc., 8 février 2005, Juris-Data n°026941 ; v. aussi, CA Dijon, 30 juin 2005, Juris-Data n°183427) – sont vérifiées, ce texte s’applique quelles que soient les énonciations du contrat et, surtout, « sans qu’il soit besoin d’établir un lien de subordination ». Récemment réaffirmée par la Cour de cassation (Cass. Soc., 21 février 2007, Juris-Data n°037640) et les juridictions du fond (Pour considérer que les conditions de l’article L.781-1-2° du code du travail étaient réunies, la Cour d’appel de Nîmes (CA Nîmes, 13 décembre 2006, Juris-Data n°324576) relève que la relation franchiseur-franchisé est caractérisée par l’ensemble des éléments suivants : la prestation est exécutée par le franchisé pour le compte exclusif du franchiseur aux conditions et tarifs imposés par celui-ci ; les contacts obtenus par le franchisé étaient traités et finalisés par un préposé de la société franchiseur ; le franchiseur imposait l’utilisation de vignettes de couleur différente selon la nature du transport de colis à effectuer qu’elle vendait préalablement au franchisé selon un tarif établi par ses soins ; le franchiseur faisait établi une feuille de route hebdomadaire lui permettant de contrôler la clientèle exploitée par le franchisé, et dressait mensuellement  un état des enlèvements, des livraisons, des nouveaux clients et du CA réalisé ; les conditions dans lesquelles ces transports de colis devaient être réalisés obéissaient à des prescriptions minutieuses imposant la possession constante d’un petit matériel dans le véhicule ; le véhicule devait recevoir sur la carrosserie des inscriptions obligatoires et le gérant devait revêtir le port d’une tenue qui était obligatoire), la solution est bien connue (Cass. Soc., 8 février 2005, Juris-Data n°026941 ; Cass. Soc., 4 décembre 2001 (deux arrêts), Juris-Data n°012006 et n°012007 ; v. aussi, CPH Toulouse, 28 juin 2005, inédits (deux jugements), RG n°03/01366 et n°03/01367).

(19)             La tendance est même à l’application généralisée de ce texte, qui ne peut être écartée en raison de ce que la société franchisée était en relation de travail avec plusieurs structures affiliées au franchiseur (CA Toulouse, 13 octobre 2006, Juris-Data n°327205 : retenant que « l’employeur était constitué par les trois sociétés qui, en raison de leur complémentarité, forment une seule et même entreprise »). De même, est indifférente la circonstance que le demandeur a exercé son activité de franchisé au travers d’une société, ainsi qu’il ressort de deux décisions récentes, l’une de la Cour de cassation (Pour écarter l’application de ce texte, une cour d’appel avait retenu que le dirigeant personne physique avait constitué une EURL destinée à servir à son activité de « franchisé » et qu’en souscrivant le contrat de franchise en cause, le franchisé avait donc l’intention d’exercer son activité de façon indépendante dans le cadre de la société qu’il avait créée à cet effet ; ce faisant, la cour d’appel devait en conclure que le franchisé « ne saurait à présent au mépris de ses engagements, prétendre avoir exercé cette activité à titre purement personnel considéré comme sa personne physique ». La Cour de cassation écarte un tel motif, qu’elle juge par nature inopérant (Cass. Soc., 21 février 2007, Juris-Data n°037640 : « Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés de la constitution par M. X… d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, alors qu’il lui appartenait seulement de rechercher si les conditions énoncées à l’article L.781-1, 2, susvisé, étaient réunies, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision »)), l’autre de la Cour d’appel de Nîmes (CA Nîmes 13 décembre 2006, Juris-Data n°324576 : considérant que « le fait que le contrat de franchise ait été conclu par la société unipersonnelle dont Monsieur (X…) était le gérant n’interdit pas à ce dernier de se prévaloir des dispositions (de l’article L.781-1-2° du Code du travail) en invoquant une fictivité de l’EURL dont la constitution lui aurait été imposée »).

2) Les effets

(20)            Les conséquences de l’application de l’article L.781-1, 2° du Code du travail sont nombreuses : lorsque les faits invoqués au soutien de ses prétentions le justifieront, le franchisé bénéficiaire des dispositions protectrices de ce texte pourra notamment revendiquer à son profit, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis (CA Nîmes, 10 janvier 2007, Juris-Data n°334649 : précisant que l’ancienneté à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement due au travailleur doit être celle remontant à la date du premier contrat de franchise ; v. aussi, Cass. soc., 14 décembre 2006, inédit, pourvoi n°05-40.844 ; CA Toulouse, 9 décembre 2004, Juris-Data n°269354), une indemnité de congés payés (Cass. soc., 14 décembre 2006, inédit, pourvoi n°05-40.844), et la réparation du préjudice résultant du paiement injustifié d’un droit d’entrée lors de la signature du contrat de franchise (Cass. soc., 14 décembre 2006, inédit, pourvoi n°05-40.844 : précisant même qu’une telle créance doit être garantie par l’AGS ; CA Toulouse, 13 octobre 2006, Juris-Data n°327205 : retenant, au contraire, que la créance résultant de ce préjudice n’est pas susceptible d’être garantie par l’AGS).

(21)            Le franchisé ne peut toutefois revendiquer à son profit un contrat de travail.

L’application de l’article L.781-1, 2° du Code du travail n’emporte pas « requalification » du contrat de franchise en contrat de travail. En effet, à la différence de l’article L.120-3 du Code du travail qui prévoit expressément la requalification du contrat, l’article L.781-1, 2° du Code du travail n’envisage que l’application des règles du Code du travail. Et c’est précisément pour cette raison que les dispositions du Code du travail sont applicables dès lors que les conditions énoncées par l’article L.781-1, 2° précité sont réunies, alors même que l’existence d’un lien de subordination – caractéristique du contrat de travail – ne serait pas établie.

Alors que la chambre sociale de la Cour de cassation n’a de cesse de rappeler cette évidence (Cass. Soc., 8 février 2005, Juris-Data n°026941 ; CA Aix-en-Provence, 5 octobre 2005, inédit, RG n°05/210 ; v. aussi, CA Nîmes, 20 décembre 2002, Juris-Data n°199407), certaines juridictions du fond persistent à considérer que l’application de ce texte emporterait « requalification » du contrat de franchise en contrat de travail (CA Dijon, 30 juin 2005, Juris-Data n°283427 ; CPH Toulouse, 28 juin 2005, inédits (deux jugements), RG n°03/01366 et n°03/01367 ; CA Montpellier, 15 décembre 2004, Juris-Data n°265655 ; CA Toulouse, 9 décembre 2004, Juris-Data n°269354 ; CA Nancy, 4 décembre 2002, Juris-Data n°206150).

Cette jurisprudence est critiquable en ce qu’elle admet qu’un contrat de travail puisse exister en dehors d’un lien de subordination. Un tel état de fait est contraire à la notion même de contrat de travail et, au-delà, au mécanisme des qualifications juridiques. Certes existe-t-il des « salariés par détermination de la loi » (les VRP, les journalistes, les mannequins, etc.), autrement dit des catégories professionnelles qui reçoivent, de source légale expresse, le titre de salarié, alors même qu’elles n’exercent pas leur activité en situation de subordination. Mais il s’agit de situations hautement dérogatoires, réservées au seul domaine de la loi, que la jurisprudence n’est pas habilitée à contrarier. Il n’existe pas de salariés « par détermination de la jurisprudence », et il convient donc de ne pas qualifier de « contrat de travail » une relation contractuelle dans laquelle fait défaut le pouvoir de subordination du créancier d’un travail à l’égard du débiteur. L’article L.781-1, 2° du Code du travail applique le régime de la relation de travail à des non-salariés ; si la dérogation est moins marquée que pour les salariés par détermination de la loi, elle n’en est pas moins étrange…

Plus prudemment, certaines décisions récentes retiennent l’existence d’un lien de subordination, caractéristique d’un contrat de travail, tout en faisant application de l’article L.781-1 du Code du Travail (CA Toulouse, 13 octobre 2006, Juris-Data n°327205 ; CA Aix-en-provence, 21 juin 2006, Juris-Data n°311567).

(22)            Il faut signaler enfin que, dans le cadre de l’article L.781-1 du Code du travail, la personne assimilée à un salarié en l’absence d’un lien de subordination reste un travailleur indépendant bénéficiant de l’application de certaines dispositions du Code du travail et ne peut prétendre qu’aux avantages accordés par ce code. Elle ne peut donc voir appliquées les dispositions d’une convention collective qui découlent des dispositions régissant les relations collectives entre employeurs et salariés au sens des articles L. 131-2 du Code du travail (CA Nîmes, 10 janvier 2007, Juris-Data n°334649).

La formation du contrat de franchise

(23)            A la lumière de la jurisprudence objet de la présente étude, il convient de revenir tout d’abord sur la phase particulière de l’entrée en pourparlers (I), pour examiner ensuite les décisions – bien plus nombreuses – relatives aux conditions requises pour la validité du contrat de franchise (II).

I. L’entrée en pourparlers

F Trois décisions commentées : CA Paris, 6 avril 2007, (Juris-Data n°338132) ; CA Paris, 16 novembre 2006 (Juris-Data n°322715) ; CA Nîmes, 10 octobre 2006, inédit (RG n°04/04182)

(24)            L’entrée en discussion conduit inexorablement, tôt ou tard, à l’accord des parties (B) ou à la rupture des pourparlers (A).

A. La rupture des pourparlers

(25)            Si, en droit commun, la jurisprudence fournit d’intarissables illustrations concernant la rupture de pourparlers, les décisions rendues en matière de franchise sont, en revanche, assez rares (CA Paris, 28 février 1995, Juris-Data n°021263 ; Cass. com., 12 octobre 1993, pourvoi n°91-19.456 ; CA Montpellier, 18 mars 1993, Juris-Data n°034026).

(26)            Un arrêt récent et inédit (CA Nîmes, 10 octobre 2006, RG n°04/04182) vient donc utilement préciser les conditions dans lesquelles la responsabilité du franchisé peut être engagée pour rupture des pourparlers précédant la signature du contrat de franchise. Dans cette espèce, le franchiseur et un candidat à la franchise avaient mené des pourparlers pendant deux ans. A l’issue des discussions, d’une longueur inhabituelle il est vrai, le franchisé avait finalement décidé de ne pas y donner suite. Le franchiseur estimait que son partenaire avait commis une faute « en rompant unilatéralement, brusquement et sans motif légitime les pourparlers qu’ils entretenaient » jusqu’alors. Saisis par le franchiseur, les premiers juges condamnèrent la société candidat à la franchise et son gérant pour avoir rompu les pourparlers et maintenu l’illusion de la conclusion à venir d’un contrat.

Au plan des principes, la Cour d’appel rappelle que la rupture des pourparlers peut impliquer la responsabilité délictuelle de l’une des parties aspirant à la conclusion du contrat, dès lors qu’est démontré l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre l’un et l’autre. A cet égard, l’on notera que la qualité du cocontractant du franchiseur n’est pas indifférente : un récent arrêt de la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 6 avril 2007, Juris-Data n°338132 : en l’espèce, des pourparlers préalables à la conclusion d’un contrat de création et de vente d’une ligne de vêtements destinés au personnel des hôtels d’un réseau de franchise avaient été rompus par le franchiseur. C’est en vain que le créateur poursuivait la responsabilité quasi délictuelle du franchiseur, ce dernier n’ayant fait preuve d’aucune mauvaise foi ou intention de nuire) retient que, s’agissant d’un professionnel averti, le cocontractant avait conscience de l’absence d’engagement du franchiseur et ne pouvait, dès lors, demander réparation pour rupture fautive des pourparlers.

Le propre des pourparlers étant précisément soit d’aboutir, soit d’échouer, l’échec – autrement dit l’arrêt des discussions –, ne saurait constituer en soi une faute. La rupture des pourparlers est donc avant tout un droit. Elle ne peut être sanctionnée que si l’exercice de ce droit dégénère en « abus ». C’est pourquoi la Cour d’appel de Nîmes indique, à juste titre selon nous, qu’un tel abus est « caractérisé par la mauvaise foi, la légèreté blâmable ou l’intention de nuire du partenaire ayant rompu brutalement et sans raison valable des pourparlers avancés »(CA Nîmes, 10 octobre 2006, RG n°04/04182).

Quelque soit le critère invoqué (mauvaise foi, légèreté blâmable ou intention de nuire), la preuve de son existence incombe à celui qui s’en prévaut. Or, en l’espèce, la Cour infirme la décision de première instance après avoir souverainement considéré que la preuve d’un tel abus n’était pas rapportée au cas d’espèce, celle-ci ne pouvant se déduire du seul silence du candidat à la franchise, observé pendant quatre mois, quant aux suites à donner aux pourparlers. Selon la Cour en effet, il ne saurait être reproché une faute au gérant, professionnel de la grande distribution, ou à la société candidate, « d’avoir longtemps espéré de (son partenaire) des conditions de franchise plus avantageuses que celles pratiquées par la concurrence déjà implantée, espoirs à l’évidence au cœur des négociations comme en fait foi la remise par un préposé négociateur (de la société franchiseur) d’un document comparatif prévisionnel de marché en fonction des enseignes concurrentes au candidat à la franchise, ainsi que la constance et l’abondance des relations épistolaires ou physiques entre les partenaires aux pourparlers, dont rien ne démontre qu’elles ont été viciées par une quelconque volonté des candidats à la franchise de nuire ou de profiter déloyalement de leur interlocuteur ».

(27)            Cette décision invite à réfléchir, de manière plus générale, sur les différentes possibilités qui s’offrent au franchiseur pour prévenir de telles situations.

En dehors de toutes prévisions contractuelles, rien n’interdit tout d’abord au franchiseur, lorsque les pourparlers traînent véritablement en longueur, de mettre en demeure le candidat à la franchise d’avoir à signer le contrat de franchise dans tel délai raisonnable (CA Montpellier, 18 mars 1993, Juris-Data n°034026). La solution n’est pas franchement satisfaisante car l’on peut rêver d’une meilleure entrée en matière ; mieux vaut donc prévoir un ou plusieurs mécanisme(s) contractuel(s) permettant de prévenir une telle situation.

On rappellera ici les trois principaux mécanismes contractuels utilisés.

En premier lieu, le franchiseur peut faire signer au franchisé un contrat de réservation. Par ce contrat de réservation, le franchiseur s’engage à permettre au candidat franchisé, ou à toute personne morale, née ou à naître, constituée et contrôlée par ce dernier, d’ouvrir un point de vente sous son enseigne dans telle zone géographique. Le franchiseur s’interdit de ce fait, pendant toute la durée du contrat de réservation, de proposer l’ouverture d’un tel point de vente à un autre candidat. Un tel contrat est généralement signé à titre onéreux – c’est d’ailleurs là son intérêt puisqu’il témoigne ainsi de l’intérêt que porte le candidat à la franchise –, le paiement effectué au titre de ce contrat s’imputant sur les sommes ultérieurement décaissées par le franchisé au titre de son droit d’entrée lorsque celui-ci décide finalement de signer ; à défaut, le paiement effectué reste acquis au franchiseur qui aura ainsi inutilement immobilisé sa zone d’exclusivité.

En deuxième lieu, le franchiseur parfaitement indiqué au candidat franchisé, dès la signature du DIP, qu’il dispose de tel délai pour signer le contrat de franchise, de sorte qu’à l’issue de ce délai, l’offre de contrat deviendra caduque.

En troisième lieu, le contrat de franchise peut parfaitement prévoir qu’à défaut pour le franchisé d’avoir effectivement ouvert et exploité son point de vente dans tel délai à compter de la signature dudit contrat de franchise, le franchiseur sera en droit de le résilier.

De nombreuses variantes peuvent être associées à ces différents mécanismes contractuels.

B. La preuve du contrat de franchise

(28)            Le contrat de franchise présente un caractère consensuel (1), de sorte qu’il peut être prouvé par tous les moyens de preuves légalement admissibles (2).

1) Le caractère consensuel du contrat de franchise

(29)            On le sait, le contrat de franchise est un contrat consensuel, c’est-à-dire un contrat qui se forme par le seul échange des consentements, sans qu’aucune formalité – tel qu’un écrit – ne soit nécessaire à sa validité.

Même si un arrêt isolé a pu laisser planer un doute sur ce point (Cass. com., 7 janvier 2004, Pourvoi n°02-12.366 : énonçant qu’il « résulte des dispositions de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1989, devenu l’article L.330-3 du Code de commerce, qu’un contrat par lequel une personne met à disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité doit faire l’objet d’un écrit »), la solution est couramment admise par les juridictions du fond (CA Paris, 11 décembre 1998, Juris-Data n°024235 ; CA Paris, 3 novembre 1994, Juris-Data n°025094 ; CA Nîmes, 23 octobre 1991, Juris-Data n°030414 ; CA Paris, 15 septembre 1989, Juris-Data n°024714).

C’est cette solution que la Cour d’appel de Paris vient de rappeler, en énonçant que « le contrat de franchise (…) peut trouver application même en l’absence de signature d’un contrat écrit entre les parties » (CA Paris, 16 novembre 2006, Juris-Data n°322715 : en l’espèce, le franchiseur avait résilié le contrat et demandé la restitution des produits, objets du contrat de franchise, ainsi que le règlement des arriérés. Pour s’opposer à la demande de paiement, le franchisé invoquait l’absence de tout contrat de franchise, faute d’écrit régularisé entre les parties).

Une telle solution doit être approuvée. L’article L. 110-3 du Code de commerce pose certaines conditions au principe de la liberté probatoire qu’il énonce puisqu’il précise qu’à l’égard des commerçants (Pour que le principe de la liberté probatoire s’applique, encore faut-il que l’on soit en présence de « commerçants ». Cette condition – fréquente en pratique – ne va pourtant pas de soi car, on le sait, la seule signature d’un contrat de franchise ne fait pas automatiquement de son signataire un commerçant (CA Versailles, 12 février 1992, Juris-Data n°046442)) « les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens, à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi ». Or, la loi Doubin n’exige pas que le contrat de franchise ait été établi par écrit.

2) Les moyens de preuve légalement admissibles

(30)            Tout moyen de preuve légalement admissible suffira à établir la preuve du contrat de franchise dès lors que l’échange des consentements est parfait (CA Paris 3 novembre 1994, Juris-Data n°025094 : écartant l’existence d’un contrat de franchise au motif notamment que le défaut d’encaissement du chèque représentant le droit d’entrée apportait la preuve que le franchiseur était réticent à donner son accord).

Il en va ainsi notamment lorsque :

–      le franchisé n’a élevé aucune protestation ni réserve sur les marchandises qui lui étaient livrées et ne les a jamais refusées (CA Nîmes 23 octobre 1991, Juris-Data n°030414) ;

–      le franchiseur a reconnu la conformité de la boutique au style des franchises, et n’a pas réagi à la publicité faisant apparaître la boutique comme franchisée (CA Paris 15 septembre 1989, Juris-Data n°024714) ;

–      le franchisé a revendiqué la qualité de franchisé et s’est comporté comme tel, en réglant les redevances mensuelles, tandis que, de son côté, le franchiseur lui a concédé l’usage de son enseigne et de sa marque (CA Paris 11 décembre 1998, Juris-Data n°024235).

(31)            L’arrêt de la Cour d’appel de Paris s’inscrit parfaitement dans cette jurisprudence. Alors que le projet de contrat de franchise avait été remis par le franchiseur mais n’a jamais été retourné signé, la Cour retient que l’existence du contrat de franchise résulte en l’espèce d’un faisceau d’indices précis, graves et concordants, le franchisé ayant :

–      participé à une réunion avec un représentant du franchiseur, à l’issue de laquelle lui avait été adressé un document rappelant les principales conditions du contrat (montant du droit d’entrée, durée minimum du contrat, montant des rémunérations revenant au franchiseur) ;

–      suivi un stage de formation ;

–      utilisé l’enseigne et les supports publicitaires du franchiseur ;

–      fait usage de la dénomination du franchiseur sur son propre K bis ;

–      disposé des produits du franchiseur ;

–      autorisé des prélèvements bancaires au bénéfice du franchiseur.

Enfin, la Cour d’appel précise que ces éléments suffisent à démontrer l’existence du contrat de franchise, alors même que les obligations en découlant n’ont pas été parfaitement exécutées.

II. Les conditions de validité du contrat de franchise

(32)            Les décisions objets de la présente étude conduisent à examiner deux conditions essentielles à la validité du contrat de franchise : le consentement des parties (A) et la cause du contrat (B).

A. Le Consentement

(33)            Qu’elles soient de source légale ou conventionnelle, les obligations d’information qui pèsent sur le franchiseur donnent lieu à un abondant contentieux. De la jurisprudence se dégagent deux principes fondamentaux : il incombe au franchiseur de rapporter la preuve de l’absence de violation de l’obligation d’information (1) tandis que le franchisé doit démontrer l’existence du vice de son consentement (2).

1) La preuve par le franchiseur de l’absence de violation d’une obligation d’information

F Sept décisions commentées : CA Paris 23 novembre 2006, inédit (RG n°03/02384) ; CA Orléans, 26 octobre 2006, inédit (RG n°05/03269) ; CA Paris, 26 octobre 2006 (Juris-Data n°322712) ; CA Chambéry, 10 octobre 2006 (Juris-Data n°322011) ; CA Paris, 5 juillet 2006 (Juris-Data n°312416) ; CA Paris, 23 juin 2006 (Juris-Data n°312403) ; CA Paris, 4 juin 2006 (Juris-Data n°312420)

(34)            Les décisions récentes confirment l’état actuel du droit positif et en précisent le sens. Toutes ces décisions convergent en effet vers deux idées forces : la nullité du contrat de franchise implique la violation d’une obligation – de source légale ou contractuelle – lors de la formation du contrat (a) ayant eu pour effet de vicier le consentement du franchisé (b).

a) La violation d’une obligation légale ou contractuelle

(35)            Il convient de distinguer selon que l’obligation est de source légale (i) ou conventionnelle (ii).

(i) Obligation légale

(α) Rappel

(36)            Les obligations légales d’information précontractuelle dont la violation peut justifier le prononcé de la nullité du contrat de franchise sont déterminées, on le sait, aux articles L.330-3 du Code de commerce et 1er du décret du 4 avril 1991 pris pour son application ; sous réserve de constituer un vice du consentement (v. infra, §§ 59 et suivants), le prononcé de la nullité du contrat de franchise est encouru lorsque des informations précontractuelles ainsi exigées par la loi et le décret font défaut.

Selon ces textes, le document d’information précontractuel (DIP) doit indiquer l’ancienneté et l’expérience de l’entreprise, l’état et les perspectives de développement du marché concerné, l’importance du réseau d’exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.

Encore faut-il bien circonscrire le contenu de ces obligations.

(37)            L’article 1er, 5° du décret du 4 avril 1991 pose l’obligation pour le franchiseur de fournir une présentation du réseau d’exploitants. Cette obligation est particulièrement importante car le candidat franchisé doit être mis loyalement en mesure d’apprécier le degré de stabilité, de performance et de rentabilité du réseau dans lequel il s’apprête à se risquer. C’est pourquoi le décret est particulièrement précis quant au contenu de cette obligation qui, en substance, impose au franchiseur de présenter le réseau d’exploitants en précisant :

–     la liste des entreprises du réseau et leur mode d’exploitation ;

–     l’adresse des entreprises avec lesquelles le franchiseur est lié par des contrats de même nature, ainsi que la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats ;

–     le nombre d’entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l’année précédant celle de la délivrance du DIP, le document remis devant indiquer si le contrat est venu à expiration ou s’il a été résilié ou annulé ;

–     et, s’il y lieu, la présence, dans la zone d’activité de l’implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l’accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l’objet de celui-ci.

(38)            Deux arrêts récents de la Cour d’appel de Paris viennent ainsi logiquement tirer les conséquences du contenu de l’obligation légale :

–     par le premier, la Cour considère en effet que, cette obligation légale n’est pas respectée lorsque le DIP « ne comporte pas la liste des entreprise ni leur adresse pour celles établies en France qui font partie du réseau, (…) ni le nombre d’entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature qui celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l’année précédant celle de la délivrance du document avec les motifs pour lesquels le contrat a pris fin » (CA Paris, 23 juin 2006, Juris-Data n°312403) ;

–     par le second, la Cour retient que manque à son obligation légale la société franchiseur qui, par les documents communiqués lors de la phase précontractuelle, a omis d’indiquer la fermeture d’une vingtaine de centres, correspondant à plus d’un tiers des points de vente franchisés en activité lors des douze mois précédents la signature du DIP (CA Paris, 26 octobre 2006, Juris-Data n°322712).

Ces solutions s’inscrivent dans un courant jurisprudentiel bien connu (CA Aix-en-Provence, 29 mai 2006, Juris-Data n°306573 ; CA Aix en Provence, 4 mai 2006, Juris-Data n°304643 ; CA Limoges, 2 mars 2006, Juris-Data n°308976 ; TC Paris, 7 novembre 2005, Juris-Data n°299489 ; CA Caen, 3 novembre 2005, Juris-Data n°286650).

(β) Interprétation stricte de l’obligation légale

(39)            Une décision récente rappelle que le franchiseur n’est tenu de respecter, a minima, que les dispositions de l’article L. 330-3 du Code de commerce et celles prises pour son application par le décret n°91-337 du 4 avril 1991 ; elle exclut donc toute application possible de la norme AFNOR Z 20-000 d’août 1987 relatives aux relations contractuelles entre franchiseur et franchisé, dont le contenu ne peut donc être créateur d’obligations (CA Paris 23 juin 2006, Juris-Data n°312403).

(40)            En outre, les décisions récentes confirment également que la liste figurant à l’article L.330-3 du Code de commerce est d’interprétation stricte.

(41)            Sauf convention contraire des parties, il n’appartient pas au franchiseur de se substituer au candidat, pour l’appréciation du risque de l’entreprise, en effectuant à sa place, une « étude de marché » pour informer le cocontractant de la clientèle potentielle qui demeure propre à son fonds de commerce, ou d’effectuer à sa place une étude de faisabilité.

Cette solution, qui confère à la liste de l’article L. 330-3 du Code de commerce une interprétation stricte, procède d’une jurisprudence constamment réaffirmée par les tribunaux (TC Paris, 17 janvier 2006, Juris-Data n°304909 ; TC Paris, 9 septembre 2005, inédit, RG n°2004/004816), les Cours d’appel (CA Paris, 7 décembre 2005, Juris-Data n°296362 ; CA Aix-en-Provence, 11 février 2005, Juris-Data n°272825) et la Cour de cassation (Cass. com., 11 février 2003, pourvoi n°01-03.932).

Récemment, une Cour d’appel (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°312416) décide donc, à bon droit, que « l’article L.330-3 du Code de commerce ne met nullement à la charge du franchiseur l’obligation d’établir une étude de marché mais seulement de fournir un document donnant des informations sincères précisant, notamment l’importance du réseau d’exploitants, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités de manière à permettre au futur franchisé éventuel de s’engager en connaissance de cause ».

Ainsi, si l’article L. 330-3 du Code de commerce ne met donc pas à la charge du franchiseur une l’obligation d’établir une « étude de marché », laquelle incombe au franchisé s’il l’estime nécessaire, il oblige toutefois le franchiseur à fournir au franchisé une présentation sincère et précise de l’état du marché général et local du marché, conformément à l’exigence de contracter de bonne foi propre au droit commun des contrats (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°312416).

Ne satisfait pas à cette obligation légale le franchiseur qui se contente de renseignements globalement succincts sur la présentation du marché, dès lors qu’il est établi qu’il n’a pas informé le franchisé sur le ciblage de la clientèle et les perspectives de développement et que deux concurrents ne sont pas mentionnés dans le document d’information (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°312416). De la même manière, les informations fournies par le franchiseur sur l’état local du marché sont insuffisantes lorsqu’elles se résument « au nombre d’habitants de la zone de chalandise, à celui des célibataires, divorcés et veufs ainsi qu’au nombre de concurrents » et « que ces seuls renseignements, issus d’un recensement réalisé dix ans auparavant, sans aucune autre précision notamment sur le nombre de contrats que la franchise a pu réaliser dans ce secteur antérieurement, son expérience sur le secteur et l’importance du chiffre d’affaires réalisé par la concurrence, ne permettant pas de donner une information suffisante au candidat franchisé sur l’état du marché local »(CA Paris, 23 juin 2006, Juris-Data n°312403).

En revanche, la précision exigée du franchiseur a ses limites ; il ne peut être reproché en effet au franchiseur de ne pas avoir précisé dans les documents précontractuels la présence d’un certain nombre de commerces vendant également et occasionnellement des produits comparables dès lors que lesdits commerces ne se situaient pas précisément sur le même segment de marché et n’étaient donc pas dans un rapport de concurrence direct (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°312416 : en l’espèce, le DIP du franchisé, exerçant l’activité spécifique de « vente de chocolats », ne visait pas les « boulangeries-pâtisseries » existant sur le marché local). La solution n’est pas nouvelle (CA Aix en Provence, 4 mars 2005, Juris-Data n°275013 : à propos de l’état général du marché).

(42)            De même, le franchisé ne saurait reprocher au franchiseur de ne pas avoir procédé à une étude sérieuse de l’adaptation du site choisi aux nécessités de l’exploitation considérée dès lors que le franchiseur ne saurait être tenu responsable d’une implantation commerciale dont le choix appartient au seul franchisé (CA Paris, 4 juin 2006, Juris-Data n°312420 ; CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°312416 : au surplus, en l’espèce, l’emplacement choisi se trouvait dans une  zone de chalandise suffisamment bien située pour avoir conduit le franchisé à conserver ultérieurement le local afin d’y exercer une nouvelle activité professionnelle une fois le contrat de franchise résilié).

(ii) Obligation contractuelle

(43)            Les obligations d’information précontractuelle dont la violation peut justifier le prononcé de la nullité du contrat de franchise ne se limitent pas nécessairement à celles qu’énoncent les articles L.330-3 du Code de commerce et 1er du décret du 4 avril 1991 pris pour son application. Le franchiseur peut, en effet, avoir adressé au franchisé des informations non prévues par ces textes ; il en va en particulier des comptes d’exploitation prévisionnels, que le franchiseur peut avoir fournis et qui, dans certains cas, peuvent s’avérer déterminants de la volonté du franchisé de contracter. Le franchiseur est rarement étranger à l’élaboration des comptes d’exploitation prévisionnels en pratique : selon une étude récente, 95% des réseaux aident ou assistent le franchisé, à des degrés divers, dans l’élaboration de ses comptes prévisionnels : 46% des réseaux déclarent lui fournir les éléments nécessaires ; 28% déclarent confronter leurs propres prévisions avec celles du franchisé ; 8% déclarent se livrer aux deux prestations susvisées ; 13% déclarent enfin se charger complètement de leur élaboration.

Selon la jurisprudence, l’annulation du contrat de franchise comme la mise en œuvre de la responsabilité pré-contractuelle du franchiseur, en raison de l’inexactitude des comptes prévisionnels, sont subordonnées à la réunion de trois conditions : les comptes prévisionnels doivent avoir été établis par le franchiseur ; ils doivent être « grossièrement erronés » et avoir induit le franchisé en erreur.

(α) Paternité des comptes prévisionnels

(44)            La première condition paraît aller de soi : les comptes prévisionnels doivent avoir été établis par le franchiseur (CA Paris, 1er février 2006, Juris-Data n°309721 ; CA Paris, 7 décembre 2005, Juris-Data n°296362 ; CA Paris, 31 janvier 2002, Juris-Data n°170815), ce qui exclut toute responsabilité lorsqu’il n’en est pas l’auteur. On rappellera aussi qu’il appartient au franchisé d’établir la preuve que les comptes litigieux ont bien été établis par le franchiseur ; à défaut, ce dernier ne peut se voir attribuer la paternité d’un tel document (CA Paris, 7 décembre 2005, Juris-Data n°296362).

(45)            A cet égard, la Cour d’appel de Paris souligne très logiquement par un arrêt récent que la responsabilité du franchiseur est également exclue lorsque celui-ci a simplement transmis des éléments chiffrés d’ordre général sur l’exploitation de ses magasins franchisés, tels que notamment un « compte d’exploitation moyen du réseau de franchise », le franchisé restant alors tenu, en sa qualité de commerçant indépendant, d’établir ses propres comptes d’exploitation prévisionnels (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°312416). Cette solution est classique (TC Paris, 17 janvier 2006, Juris-Data n°304909 ; CA Lyon, 9 septembre 2004, Juris-Data n°0497647 ; CA Paris, 31 janvier 2002, Juris-Data n°170815).

(46)            On rappellera que la preuve de ce que telle ou telle partie a elle-même réalisé les comptes prévisionnels peut être contractualisée (TC Chambéry, 26 août 2005, inédit, RG n°2004/00521 : s’agissant d’une clause prévoyant que le Business plan est bien l’œuvre du franchisé qui doit vérifier ses données et prendre toutes les mesures nécessaires, notamment financières, pour le bon fonctionnement de son entreprise ; rappelons que les conventions en matière de preuve sont valables (C. civ., art. 1316-2) ; cependant, s’agissant d’un contentieux de la validité du contrat de franchise, la stipulation contractuelle contractualisant la réalisation des comptes prévisionnels par telle des parties ne saurait empêcher une preuve contraire, rapportée par tous moyens, si cette preuve est destinée à établir un vice du consentement lui-même préalable à l’annulation du contrat et, en décider autrement, serait donner autorité à un contrat nul).

(47)            En revanche, lorsque le franchiseur fournit de tels éléments, les informations qu’ils contiennent doivent être sincères (CA Rouen, 15 mai 2003, Juris-Data n°218829). Les deux conditions ci-après restent alors à être vérifiées.

(β) Caractère « grossièrement erronés » des comptes prévisionnels

(48)            La deuxième condition fait l’objet d’un abondant contentieux : les comptes prévisionnels doivent être « grossièrement erronés » ou « manifestement irréalistes » (CA Paris, 31 janvier 2002, Juris-Data n°170815 ; CA Lyon 3 mars 2000, Juris-Data n°151455 ; CA Paris, 1er décembre 1999, Juris-Data n°117888 ; CA Paris 18 septembre 1996, Juris-Data n°022995). Autrement dit, le seul caractère erroné des comptes prévisionnels ne saurait suffire à constituer une faute du franchiseur, dès lors que l’exercice d’une activité commerciale est par essence sujette à des aléas (CA Nîmes, 23 juin 2005, Juris-Data n°282018 ; TC Paris, 9 septembre 2005, inédit, RG n°2004/004816). C’est pourquoi la jurisprudence considère que le franchiseur n’est pas tenu, sauf stipulation contraire, à une obligation de résultat (CA Nîmes 6 octobre 2005, inédit, RG n°04/00563 ; TC Paris, 9 septembre 2005, inédit, RG n°2004/004816 ; CA Paris, 2 décembre 1993, Juris-Data n°023635 ; CA Douai, 5 décembre 1991, Juris-Data n°052153) et que sa responsabilité ne peut être retenue lorsque l’écart excessif entre les résultats prévus et ceux effectivement atteints s’explique notamment par des considérations inattendues (CA Paris, 18 décembre 1998, Juris-Data n°024288 ; CA Paris, 12 novembre 1997, Juris-Data n°023531 ; CA Versailles, 4 juillet 1996, Juris-Data n°043384).

(49)            Deux arrêts récents de la Cour d’appel de Paris s’inscrivent dans la continuité de cette jurisprudence.

Le premier retient que « le seul fait qu’un écart soit effectivement apparu entre les provisions fournies à titre indicatif par le franchiseur et les résultats concrets nés de l’exploitation poursuivie par (le franchisé) ne saurait, en aucune façon être, à lui seul et en l’absence de tout autre élément concret et précis avancé à cet effet (…), démonstratif de l’insécurité ou du manque de crédibilité des chiffres et documents fournis par le franchiseur (…), lequel n’avait pas, en tout état de cause, à garantir la réalisation des prévisions comptables effectuées » (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°312416).

Le second rappelle que le seul fait que les franchisés n’aient pas atteint les résultats prévus ne suffit pas à caractériser une légèreté blâmable dès lors que le franchiseur n’est pas tenu par une obligation de résultat mais par une « obligation de réalisme » (CA Paris, 23 novembre 2006, inédit, RG n°03/02384). En l’espèce, la cour d’appel estime que le fait d’avoir remis aux candidats franchisés un compte d’exploitation prévisionnel établi d’après les résultats observés sur les premiers – le lancement du réseau de franchise étant quasiment contemporain de la signature des contrats litigieux – ne constitue pas en soi, la fourniture d’une information qui n’aurait pas été élaborée avec sincérité ou même seulement avec insuffisamment de sérieux).

(50)            Le franchisé reste tenu de « se » renseigner (Le franchisé est tenu, en toute circonstance, de « se » renseigner. Ce devoir est général. Il ne concerne pas seulement les comptes prévisionnels mais a pour objet toutes les obligations objets du contrat de franchise, tels que notamment la consistance du savoir-faire (CA Toulouse 13 janvier 2000, Juris-Data n°108290), l’étude de marché local (CA Aix en Provence, 30 novembre 1995 Juris-Data n°050808) ou, plus généralement, tout étude de faisabilité (CA Aix en Provence, 11 février 2005, Juris-Data n°272825)) dans tous les cas – que le réseau soit de taille limitée (Le franchisé est tenu de « se » renseigner lorsque le franchiseur ne présentait, lors de la signature du contrat, qu’une expérience extrêmement limitée et que les perspectives données étaient exprimées en prévisionnels, ce qui devait suffire pour alerter les candidats à la franchise et les inciter à demander des renseignements supplémentaires  (v. en ce sens, CA Paris, 16 février 2005, Juris-Data n°273091 ; CA Toulouse, 25 mai 2004, Juris-Data n°247226 ; CA Paris, 29 mai 1991, Juris-Data n°022336)) ou non (Doit être rejetée la demande de nullité du contrat de franchise dès lors que l’entreprise franchisée « avait la possibilité, qu’elle a manifestement négligée, de contacter la quinzaine d’autres magasins franchisés du réseau (…) dont elle avait reçu les coordonnées dans les informations précontractuelles, pour obtenir de leur part des informations sur l’évolution de leur chiffre d’affaires réalisé, mais aussi bien de comparer le chiffre d’affaires proposé avec ceux réalisés dans les villes de Cavaillon et de Lyon-Vaise par des commerces de détail concurrents de sa future activité, avant de s’engager contractuellement dans de telles circonstances » (CA Nîmes, 23 juin 2005, Juris-Data n°282018) ; v. aussi, TC Paris, 28 septembre 2005, inédit, RG n°2002/055929)) –, en particulier lorsqu’il a pu faire vérifier par un expert comptable les éléments utiles en sa possession (CA Paris, 20 mars 2003, Juris-Data n°273091 : relevant que le franchisé a eu tout loisir pour faire vérifier par un expert comptable les éléments utiles sur les comptes de l’exploitation du fonds ; CA Caen, 4 mai 2005, Juris-Data n°282521 : ordonnant au contraire la nullité du contrat de franchise compte tenu du non-respect du délai légal de 20 jours, qui a privé le franchisé de la faculté de consulter un expert-comptable pour le conseiller à partir des documents dont il disposait).

(51)            En revanche, le franchiseur peut avoir commis une faute lorsque l’écart constaté entre le chiffre d’affaires annoncé par le prévisionnel et celui effectivement réalisé par le franchisé est à ce point important que, non justifié par des circonstances postérieures à la signature du contrat, celui-ci traduit nécessairement  un dol ou une erreur imputable au franchiseur (V. par exemple, CA Montpellier 15 novembre 2005, inédit, RG n°2003/22 ; TC Paris, 6 octobre 2005, inédit, RG n°2003/033054 ; CA Lyon 3 mars 2000, Juris-Data n°151455 ; CA Paris, 1er décembre 1999, Juris-Data n°117888 ; CA Paris 18 septembre 1996, Juris-Data n°022995).

A cet égard, la faute du franchiseur doit, pour pouvoir emporter sa responsabilité, être assimilée à une faute « lourde ». Pour rendre compte de manière plus concrète des solutions dégagées en jurisprudence, et même si tout est affaire d’espèce, il est bon de rappeler que l’action du franchisé, fondée sur le caractère « grossièrement erroné » des comptes prévisionnels, demeure mal fondée alors même que le ratio « CA prévisionnel / CA réalisé » serait très faible (V. pour la première année d’exploitation du point de vente franchisé, sur la base du ratio « CA prévisionnel / CA réalisé » : 87,4 %  (Cass. com., 9 avril 1996, pourvoi n°93-11.327), 86,7% (CA Bordeaux, 14 novembre 1994, Juris-Data n°049779), 83,3 % (CA Paris, 4 octobre 1991, Juris-Data n°02420), 73%  (CA Paris, 16 octobre 1998, Juris-Data n°024434), 52,2 % (Cass. com., 8 juillet 2003, pourvoi n°02-11.691), 50%  (CA Paris, 18 décembre 1998, Juris-Data n°024288), 32 % (CA Paris, 4 octobre 1991, Juris-Data n°02420) et même 16,9%  (CA Paris, 26 septembre 2001, Juris-Data n°155594) ; v. aussi, pour la deuxième année d’exploitation du point de vente franchisé, sur la base du même ratio : 60,7% (Cass. Com., 9 avril 1996, pourvoi n°93-11.327), 42% (CA Bordeaux, 14 novembre 1994, Juris-Data n°049779), 32% (CA Paris, 18 décembre 1998, Juris-Data n°024288) ; v. enfin, pour la troisième année d’exploitation du point de vente franchisé, sur la base du même ratio : 70% (CA Bordeaux, 14 novembre 1994, Juris-Data n°049779), 27% (CA Paris, 18 décembre 1998, Juris-Data n°024288) ; v. aussi, pour le même ratio, mais en moyenne sur trois ans : 63,9% (Cass. com., 8 juillet 2003, pourvoi n°02-11.691)).

(δ) Tromperie du franchisé

(52)            La troisième et dernière condition est tout aussi importante : les comptes prévisionnels établis par le franchiseur doivent avoir induit le franchisé en erreur (CA Paris, 16 février 2005, Juris-Data n°273091 ; CA Paris, 31 janvier 2002, Juris-Data n°170815).

(53)            Comme le souligne une décision récente en effet, les comptes prévisionnels incitent à contracter et que le caractère réalisable du chiffre d’affaires prévisionnel est souvent un élément substantiel pour le candidat franchisé (CA Orléans, 26 octobre 2006, inédit, RG n°05/03269).

(54)            Au regard des trois conditions ainsi requises en jurisprudence, quelle fonction le DIP et le contrat de franchise peuvent-ils donc jouer ?

La clause exonérant par avance toute responsabilité du franchiseur du fait de ses prévisions est inefficace lorsque celui-ci a commis une faute dolosive à l’occasion de l’élaboration des comptes prévisionnels (CA Orléans 14 octobre 2005, inédit, RG n°62/2005). Ces clauses sont donc inutiles et dangereuses.

En revanche, la preuve de ce que telle ou telle partie a elle-même réalisé les comptes prévisionnels peut être contractualisée, conformément aux dispositions de l’article 1316-2 du Code civil. Est donc parfaitement valable, la clause prévoyant que le Business plan est bien l’œuvre du franchisé qui doit vérifier ses données et prendre toutes les mesures nécessaires, notamment financières, pour le bon fonctionnement de son entreprise (TC Chambéry, 26 août 2005, inédit, RG n°2004/00521). Ainsi, par exemple, le contrat de franchise pourra utilement préciser que « le franchisé reconnaît avoir réalisé ses propres comptes prévisionnels avec l’aide de son expert comptable ». Autre variante, le contrat de franchise pourra également prévoir que « le franchisé reconnaît avoir réalisé ses propres comptes prévisionnels et s’être appuyé sur les bilans positifs et négatifs qu’il s’est procuré de différents magasins franchisés ». Le contrat de franchise pourra encore ajouter, le cas échéant, que « le franchisé reconnaît avoir réalisé ses propres comptes prévisionnels au moyen notamment de la disquette fournie par le franchiseur ne comportant que les différents postes vierges et un plan type vierge du compte prévisionnel ». Quantité de variantes sont bien sûr envisageables : celles-ci dépendent notamment de la taille du réseau et du degré d’implication voulu par le franchiseur dans la relation qu’il entretient avec ses franchisés au stade précontractuel.

b) La charge de la preuve

(i) Charge de la preuve de l’existence de l’obligation

(55)            S’agissant de la preuve de l’obligation, il faut évidemment distinguer selon sa source : par définition, l’obligation de source légale s’impose au franchiseur, qui est légalement tenu.

En revanche, l’existence même de l’obligation de source contractuelle doit être prouvée par le franchisé, conformément à l’article 1315, alinéa 1er du Code civil, selon lequel « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ».

Ainsi, la jurisprudence retient-elle que le franchiseur ne garantit pas contractuellement les comptes prévisionnels qu’il transmet simplement à titre indicatif (CA Nîmes, 23 juin 2005, Juris-Data n°282018 : «  (…) la fixation d’un chiffre d’affaires minimum annuel (…) était en l’espèce insusceptible de tromper [la franchisée] et de lui laisser croire, comme elle le prétend, qu’il s’agissait d’un engagement de rentabilité pris par son cocontractant après une étude préalable » de sorte « qu’elle n’est pas fondée en conséquence à soutenir avoir cru que cette indication de chiffre d’affaires annuel constituait un engagement de son partenaire ou une promesse de rentabilité attendue reposant sur des études préalables applicables localement (…) » ; v. aussi, en ce sens, CA Paris, 31 janvier 2002, Juris-Data n°170815).

Ainsi, pour écarter l’argumentation par laquelle le franchisé reproche au franchiseur de l’avoir trompé par la remise de budgets prévisionnels ne tenant pas compte des difficultés d’approvisionnement en produits vendus et des conditions de financement de ceux-ci par le franchisé, un arrêt retient : « Mais attendu qu’il ne résulte pas des clauses du contrat de franchise, aux termes duquel il est rappelé que le franchisé est constitué en une entreprise indépendante qu’il gère sous sa seule responsabilité et qui doit bénéficier de sa propre capacité de financement, que le franchiseur se soit engagé à lui fournir d’autres éléments d’information que ceux visés et annexés au document d’information précontractuel et consistant en une étude de marché nantais et de la zone de chalandise » (CA Chambéry, 10 octobre 2006, Juris-Data n°322011).

(ii) Charge de la preuve de l’exécution de l’obligation

(56)            Lorsque le contenu de l’obligation n’est pas contesté, et qu’il s’agit donc de déterminer la preuve de l’exécution de l’obligation, nul besoin en revanche de distinguer selon la source – légale ou conventionnelle – de l’obligation.

Le débiteur de l’obligation légale d’information précontractuelle – le franchiseur – doit rapporter la preuve de son exécution. La solution, régulièrement rappelée dans le contentieux de la franchise, n’est pas nouvelle (Cass. com., 16 mai 2000, pourvoi n°97-16.386 ; v. not. pour les juridictions du fond : CA Paris 7 décembre 2005, Juris-Data n°296362 ; CA Pau, 10 octobre 2005, Juris-Data n°291080 ; CA Basse Terre, 20 octobre 2003, Juris-Data n°247239 ; CA Toulouse, 6 décembre 1995, Juris-Data n°049535 ; CA Paris, 24 mars 1995, Juris-Data n°021147).

Cette solution classique est réaffirmée par une décision récente (CA Paris 23 novembre 2006, inédit, RG n°03/02384) mettant à la charge du franchiseur la preuve de l’exécution des obligations visées par la loi et le décret pris pour son application ; ajoutons que cette solution doit être étendue aux obligations de source conventionnelle car, depuis 1997, celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de l’obligation (Cass. Civ. 1ère, 25 avril 1997, Bull. civ. I, n°75); cette solution est constamment rappelée (V. encore pour une décision assez récente : Cass. Civ. 2ème, 20 septembre 2005, pourvoi n°).

(57)            Même si la preuve de l’exécution par le franchiseur de son obligation peut être rapportée par tous moyens, il peut être préférable d’aménager le contrat de franchise de telle sorte que la charge de la preuve soit renversée ; autrement dit, que le franchisé ait à rapporter la preuve de l’inexécution par le franchiseur de son obligation.

Une décision récente (CA Paris 23 novembre 2006, inédit, RG n°03/02384) vient logiquement de rappeler la validité de la clause du contrat de franchise – classique en pratique – par laquelle le franchisé reconnaît avoir reçu, 20 jours au moins avant la signature du contrat, une information comportant les éléments prévus par les prescriptions légales et réglementaires. Alors qu’en l’espèce, le franchisé indiquait n’avoir reçu aucun DIP, la Cour précise sur ce point qu’il est exclu que le franchisé, en commerçant avisé, ait pu reconnaître par une telle clause avoir reçu une documentation d’information si tel n’avait pas été le cas.

(58)            Lorsque le franchiseur apporte la preuve de l’exécution de l’obligation, il appartient alors au franchisé, conformément aux dispositions de l’article 1315 du Code civil, de démontrer la mauvaise exécution qu’il invoque (TC Paris, 9 septembre 2005, inédit, RG n°2004/004816).

2) Le franchisé doit démontrer l’existence d’un vice du consentement

(59)            Les dernières décisions rendues réaffirment l’état du droit positif, qui peut se résumer en deux propositions : l’inexécution des obligations légales ou contractuelles n’est sanctionnée par la nullité du contrat de franchise que si le défaut d’information a eu pour résultat de vicier le consentement du franchisé (a) ; le franchisé doit, par tout moyen, rapporter la preuve de l’existence de ce vice (b).

a) Un vice du consentement du franchisé

F Huit décisions commentées : CA Lyon, 22 mars 2007 (Juris-Data n°332144) ; Com. 20 mars 2007 (Juris-Data n°038114) ; CA Paris 23 novembre 2006, inédit (RG n°03/02384) ; CA Paris, 26 octobre 2006 (Juris-Data n°322712) ; CA Paris, 16 novembre 2006 (Juris-Data n°322715) ; CA Versailles, 20 octobre 2006 (inédit RG n°05/04972) ; CA Paris, 5 juillet 2006 (Juris-Data n°312416) ; CA Paris, 7 juin 2006 (Juris-Data n°312420)

(i) Exigence d’un vice du consentement

(60)            S’est posée la question de savoir si la nullité du contrat de franchise pouvait résulter de la seule constatation du non respect par le franchiseur des obligations légales d’information précontractuelle (Un préalable est requis : l’obligation violée doit peser sur le franchiseur lors de la formation du contrat, peu important que son inexécution ne se révèle qu’ultérieurement. Si une telle solution paraît évidente, elle fait encore l’objet de décisions récentes (CA Paris 23 novembre 2006, inédit, RG n°03/02384 : rejetant la demande d’annulation du contrat de franchise au motif que les insuffisances d’information dénoncées par le franchisé ne concernent en réalité que des circonstances qui ne sont advenues que postérieurement à la conclusion des contrats et qu’elles ne peuvent donc être retenues comme ayant pu vicier le consentement donné antérieurement par ledit franchisé)) ou s’il était nécessaire, en outre, de relever que ce manquement avait eu pour résultat de vicier le consentement du franchisé.

(α) Evolution jurisprudentielle

(61)            On le sait, jusqu’en 1998, les juridictions du fond ont fait preuve d’une franche hésitation sur cette question. Pour les unes, l’inexécution des obligations légales ou contractuelles ne pouvait être sanctionnée par la nullité du contrat de franchise que si le défaut d’information avait eu pour effet de vicier le consentement du franchisé (CA Paris 19 novembre 1997, Juris-Data n°024744 ; CA Paris 26 mars 1999, Juris-Data n°022939). Pour les autres, en revanche, le non respect de la loi Doubin, d’ordre public, justifiait à lui seul la nullité du contrat de franchise (CA Paris, 7 juillet 1995, Juris-Data n°023106 ; CA Montpellier, 4 décembre 1997, Juris-Data n°056968 ; CA Montpellier 21 mars 2000, L. distrib. 2000/4, JCP E 2000, Cah. dr. entr. n°4, p.18).

On connaît le sort réservé aux décisions qui furent frappées de pourvoi puisque, depuis 1998, la Cour de cassation rappelle que l’inexécution des obligations légales ou contractuelles ne peut être sanctionnée par la nullité du contrat de franchise que si le défaut d’information a eu pour résultat de vicier le consentement du franchisé (Cass. com., 10 février 1998, Juris-Data n°000524 ; Cass. com., 19 octobre 1999, pourvois n°97-14.366 et n°97-14.367 (deux arrêts)), Cass. com. 21 novembre 2000, pourvoi n°98-12.527, Cass. com., 5 décembre 2000, Juris-Data n°007354).

(62)            Cette solution a été réaffirmée en 2005 par deux arrêts de principe rendus par la Cour de cassation au visa des articles L.330-3 du Code de commerce et 1116 du Code civil (Cass. com., 14 juin 2005 (deux arrêts) pourvois n°04-13.947, et n°04-13.948 : « qu’en se déterminant pas ces motifs exclusivement pris de manquements à l’obligation d’information incombant au franchiseur, qui sont impropres à caractériser en eux-mêmes l’existence de manœuvres telles qu’il est évident que, sans elles, les franchisés n’auraient pas contracté, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » : la portée de ces deux décisions est d’autant plus importante qu’il s’agit d’arrêts de cassation rendus pour manque de base légale concernant, de surcroît, des franchisés inexpérimentés dans les deux cas). La solution est régulièrement reprise par les juridictions du fond (CA Limoges, 2 mars 2006, Juris-Data n°308976 ; CA Colmar 31 janvier 2006,  Juris-Data n°304798 ; CA Dijon 15 novembre 2005, inédit, RG n°04/01450 ; CA Nîmes 6 octobre 2005, inédit, RG n°04/00563 ; CA Lyon, 31 mars 2005, Juris-Data n°274619 ; CA Aix-en-Provence, 11 février 2005, Juris-Data n°272825 ; CA Rennes, 4 janvier 2005, Juris-Data n°282001).

(63)            Par des arrêts récents, les Cours d’appel de Paris (CA Paris, 16 novembre 2006, Juris-Data n°322715 ; CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°312420) et de Versailles (CA Versailles, 20 octobre 2006, inédit, RG n°05/04972) ont réaffirmée cette solution.

De même, le 20 mars 2007, la Cour de cassation a cassé l’arrêt (CA Caen, 4 mai 2005, Juris-Data n°282521) qui avait prononcé la nullité d’un contrat de franchise au seul motif que le franchisé n’avait pu s’engager en connaissance de cause, faute pour le franchiseur d’avoir observé le délai légal. La Cour de cassation retient sèchement, en effet, qu’« en déduisant un vice du consentement du franchisé du seul manquement du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle, la cour d’appel n’a(vait) pas donné de base légale à sa décision » (Cass. com., 20 mars 2007, Juris-Data n°038114).

(β) Appréciation in concreto

(64)            Dans la logique observée par cette jurisprudence désormais constante, plusieurs décisions récentes apprécient in concreto l’existence (ou non) d’un vice du consentement.

Une telle appréciation consiste essentiellement à tenir compte de la qualité de la personne du franchisé, de la durée du délai de réflexion dont il a disposé avant la signature du contrat et des conseils dont il a pu bénéficier durant cette période pré-contractuelle.

(65)             Trois arrêts récents soulignent logiquement que l’expérience du franchisé est de nature à écarter le vice du consentement que ce dernier invoque.

Ainsi, pour rejeter la demande d’annulation du contrat de franchise résultant du défaut de remise du DIP au franchisé, la Cour d’appel de Paris souligne que ce dernier exerçait l’activité objet du contrat de franchise depuis plusieurs années à la même adresse, et avait nécessairement acquis dans ce secteur une expérience et une connaissance suffisante du marché, spécialement du marché local, qu’il avait suivi un stage de formation chez un autre franchisé (CA Paris, 16 novembre 2006, Juris-Data n°322715) ; de même, pour rejeter la demande d’annulation du contrat de franchise résultant du défaut de transmission par le franchiseur au franchisé de l’information requise à l’article 1er, 4° du décret du 4 avril 1991, la Cour d’appel de Paris retient que le franchisé avait exercé une activité commerciale indépendante pendant plus de 16 ans (CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°312420). Il en va de même lorsqu’il est établi que le franchisé n’a pas reçu de DIP mais a déjà exploité plusieurs points de vente sous l’enseigne du franchiseur (CA Lyon, 22 mars 2007, Juris-Data n°332144).

(66)            La jurisprudence prend en considération le temps de réflexion dont le franchisé a pu bénéficier. Ainsi, pour considérer qu’il ne saurait y avoir eu vice du consentement, alors même que le franchiseur avait fourni au franchisé une information manifestement insuffisante sur la présentation du marché et les performances du réseau, la Cour d’appel de Paris retient que ce dernier s’était vu transmettre le DIP deux mois avant la signature de son contrat de franchise ; selon la Cour d’appel de Paris, en effet, une telle circonstance « n’a pu que lui donner le temps nécessaire pour affiner et parfaire son appréciation du marché local » (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°312416). De même, pour rejeter la demande d’annulation du contrat de franchise résultant du défaut de transmission par le franchiseur au franchisé de l’information requise à l’article 1er, 4° du décret du 4 avril 1991, la Cour d’appel de Paris retient que le franchisé avait rencontré, plus de deux mois avant la signature de son contrat de franchise, un membre du collège des experts de la Fédération Française de la Franchise, aux fins d’organiser sa reconversion (CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°312420).

(67)            L’appréciation in concreto connaît parfois des limites ; il est bien évident, en effet, que, dans certains cas, le dol (ou la réticence dolosive) imputable au franchiseur est à ce point déterminant que ni la qualité du franchisé, ni le délai de réflexion dont il a bénéficié ne suffisent à écarter la demande de nullité. Tel est le cas lorsqu’il peut s’induire des faits de la cause que le franchisé n’aurait pas contractée s’il avait connu les risques auxquels il s’exposait en intégrant le réseau (CA Paris, 26 octobre 2006, Juris-Data n°322712 : retenant qu’il en va ainsi lorsque le franchiseur a omis d’indiquer dans le DIP la fermeture d’une vingtaine de centres, correspondant à plus d’un tiers des points de vente franchisés en activité lors des douze derniers mois, dès lors que la communication de ces éléments d’appréciation était « indispensable » pour permettre au franchisé « d’apprécier le degré de stabilité, de performance et de rentabilité du réseau »).

(ii) Nature du vice : dol ou erreur

(68)            Le vice du consentement sera le plus souvent constitutif d’un dol, au sens de l’article 1116 du Code civil. Il peut s’agir aussi d’une nullité pour erreur. Les conditions de l’erreur, au sens de l’article 1110 du Code civil, sont à la fois plus larges et plus étroites que celles requises en matière de dol : plus larges, car l’erreur ne suppose aucune mauvaise foi chez le cocontractant de l’errans ; plus étroites aussi car, d’une part, l’erreur n’est cause de nullité que dans la mesure où elle porte sur une qualité substantielle de l’une des prestations et, d’autre part, l’annulation peut être refusée s’il apparaît que l’errans, ayant manqué à son obligation de s’informer, a commis une erreur inexcusable.

Les juridictions ont tendance à rechercher en premier lieu si le dol est établi et peuvent, à défaut, se placer sur le terrain de l’erreur (TC Paris, 7 novembre 2005, Juris-Data n°299489 ; CA Paris, 26 janvier 2001, Juris-Data n°151449).

(69)            Ces solutions sont d’une parfaite logique puisque le dol ne constitue jamais qu’une erreur provoquée. Dans tout dol il y a une erreur, et la preuve d’une erreur permettant l’annulation du contrat, l’absence de preuve de son caractère provoqué ne saurait empêcher ce résultat. Les rappels jurisprudentiels s’expliquent par le fait que le demandeur a tendance à privilégier le dol, en général du franchiseur, au point d’oublier (ou de faire oublier) que l’annulation est acquise dès que l’erreur est établie. Or, la preuve des manœuvres dolosive est distincte de la preuve de l’erreur, quand bien même celles-ci auraient causé celle-là : du moment qu’un contractant peut démontrer avoir eu, sans faute de sa part, la conviction que tel ou tel fait existait ou n’existait pas, alors que la réalité était contraire, il a commis une erreur qui met à bas le contrat quand bien même la cause n’en serait pas établie ; il suffit, dans ce cas, que l’erreur n’émane pas d’une faute inexcusable de celui qui en est victime et dont la vigilance minimale aurait épargné la croyance erronée.

(b) Charge de la preuve et moyens de preuve

F Deux décisions commentées : CA Versailles, 20 octobre 2006, inédit (RG n°05/04972) ; CA Chambéry, 10 octobre 2006 (Juris-Data n°322011)

(70)            C’est à celui qui soutient que son consentement a été vicié en raison de l’inexécution d’une obligation d’information de rapporter la preuve de ce vice.

La charge de la preuve du vice du consentement pèse donc sur le franchisé. La solution n’est pas nouvelle ; elle est consacrée de longue date – tant pour l’erreur que pour le dol – par la Cour de cassation (Cass. com., 6 décembre 2005, pourvoi n°03-20510 ; Cass. com. 14 janvier 2003, pourvoi n°01-10.120 ; Cass. com., 16 mai 2000, pourvoi n°97-16.386 ; Cass. com., 10 janvier 1995, pourvoi n°92-17.892) et les juridictions du fond (CA Dijon 15 novembre 2005, inédit, RG n°04/01450 ; CA Basse Terre 20 octobre 2003, Juris-Data n°247239 ; CA Paris, 26 février 1996, Juris-Data n°020858 ; CA Bordeaux, 14 novembre 1994, Juris-Data n°049779 ; CA Paris, 30 juin 1994, Juris-Data n°023139).

(71)            Ces solutions sont confirmées par la jurisprudence récente.

Par arrêt récent, la Cour d’appel de Chambéry retient en effet qu’« il incombe (au franchisé) qui invoque la nullité du contrat pour dol, de rapporter la preuve des manœuvres ou de la réticence dolosive dont (le franchiseur) aurait usé pour le contraindre à entrer dans le réseau, et du caractère déterminant de ces manœuvres » (CA Chambéry, 10 octobre 2006, Juris-Data n°322011) (nous soulignons).

De même, la Cour d’appel de Versailles vient utilement de préciser que cette solution prévaut alors même qu’il serait parfaitement établi que l’obligation d’information aurait été violée (CA Versailles, 20 octobre 2006, inédit, RG n°05/04972 : soulignant qu’« il appartient à la société (franchisée) de rapporter le preuve d’un vice du consentement et non à la société (franchiseur) de prouver que le consentement n’a pas été vicié même si le non respect de l’obligation légale d’information était établi »). La règle est donc de portée générale.

(72)            S’agissant d’un fait juridique, le vice du consentement peut être établi par tous moyens. En particulier, le franchisé peut se référer à tous éléments, notamment ceux survenus lors de l’exécution du contrat (Selon la Cour de cassation, en effet, n’inverse pas la charge de la preuve la Cour d’appel qui, pour se prononcer sur l’existence d’un vice du consentement au moment de la formation du contrat, se fonde sur des « éléments d’appréciation postérieurs à cette date » (Cass. com., 6 décembre 2005, pourvoi n°03-20510)).

B. La cause

F Six décisions commentées : Cass. com., 26 juin 2007, pourvoi n°06-13.211 ; CA Dijon, 24 mai 2007 (Juris-Data n°335093) ; CA Paris, 23 novembre 2006, inédit (RG n°03/02384) ; CA Versailles, 20 octobre 2006, inédit (RG n°05/04972) ; CA Angers, 19 juillet 2006, inédit (RG n°04/02520) ; CA Paris, 7 juin 2006 (Juris-Data n°312420)

(73)            Le franchisé invoque parfois la nullité du contrat de franchise pour défaut de cause, objectant qu’il n’a pu bénéficier de l’une des obligations inhérentes à un tel contrat : la mise à disposition de signes distinctifs (marque, enseigne ou nom commercial), la transmission d’un savoir-faire, la fourniture d’une assistance technique et commerciale.

Lorsque l’une de ces obligations fait défaut dans le contrat de franchise, celui-ci doit être annulé pour absence de cause, en application des articles 1108 et 1131 du Code civil (CA Montpellier, 27 novembre 2001, Juris-Data n°176699 ; CA Poitiers, 11 juin 1996, Juris-Data n°056520 ; CA Paris, 14 avril 1995, Juris-Data n°021571 ; CA Montpellier, 8 mars 1995, Juris-Data n°034068 ; Cass. com., 9 octobre 1990, Juris-Data n°002525).

Ce faisant, le juge doit se placer à la date de formation du contrat, et non de son exécution ; la Cour de cassation y veille constamment, en matière de franchise notamment (Cass. com., 26 mars 1996, pourvoi n°94-14.853 ; Cass. com., 8 juillet 1997, pourvoi n°95-17.232). Cela implique que le savoir-faire existe (1) et qu’il ait été transmis (2).

1) L’existence du savoir-faire

(74)            Les décisions rendues au fond (La contestation portant sur l’existence du savoir-faire échappe à la compétence du juge des référés (CA Angers, 19 juillet 2006, inédit, RG n°04/02520)), objets de la présente étude, précisent les critères d’appréciation propres à établir l’existence d’un savoir-faire et ceux qui, par nature, doivent être indifférents à cette appréciation.

(75)            En premier lieu, alors que la motivation de précédentes décisions a parfois semblé trop imprécise pour caractériser l’absence de savoir-faire (CA Nîmes, 14 février 2006, Juris-Data n°301670 : la motivation adoptée par cette décision paraît critiquable dès lors que, pour annuler le contrat de franchise, il est tout au plus affirmé que le contrat se trouvait vidé de sa substance par l’une de ses clauses, sans que le contenu même de celle-ci ne soit par ailleurs dévoilé par la décision), la jurisprudence objet de cette étude consacre une analyse plus concrète des circonstances de chaque espèce, en rappelant les critères pouvant être retenus par le juge pour apprécier l’existence du savoir-faire.

Par arrêt rendu le 7 juin 2006, la Cour d’appel de Paris offre en effet une illustration intéressante des éléments concrets que le juge prend en considération pour apprécier l’existence d’un savoir-faire. En l’espèce, le franchisé faisait valoir que le savoir-faire était dépourvu de toute originalité et ne présentait « aucune spécificité propre à caractériser le contrat de franchise ». La Cour d’appel de Paris retient que n’est pas nul pour défaut de cause le contrat de franchise qui emporte transmission d’un savoir-faire original et spécifique consistant en des techniques de ventes développées de manière empirique ; elle adopte pour ce faire une motivation particulièrement circonstanciée, par laquelle sont examinés de manière concrète les différents éléments propres à constituer un véritable savoir-faire (CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°312420 : soulignant « que ce concept repose sur des techniques de vente empiriques fondées sur le ciblage de produits et leur adaptation à différent types de clientèle au regard de l’évolution de la mode et des saisons ainsi que sur la ‘’détection du signal achat’’ (…) »).

Inversement, par arrêt rendu le 26 juin 2007, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre la décision des juges du fond ayant considéré que le savoir-faire du franchiseur faisait défaut, l’apport du franchiseur se bornant à résumer « un traité de (son secteur d’activité) » (Cass. com., 26 juin 2007, pourvoi n°06-13.211).

Outre la consistance du concept, la jurisprudence se réfère également à des éléments extrinsèques dont l’existence est de nature à inférer la réalité du savoir-faire proprement dit, tels que le développement du réseau ainsi que les marques et documents enregistrés (CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°312420 : retenant qu’« il ressort (…) de l’instruction que le (franchiseur) a développé une chaîne de magasins sous l’enseigne (…), laquelle a été enregistrée à l’INPI (…), et a également déposé (…) un manuscrit (…) »). La reconnaissance par des professionnels de la franchise de l’efficacité commerciale du concept pourra encore confirmer l’existence du savoir-faire (CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°312420).

(76)            En second lieu, la jurisprudence précise les critères d’appréciation que le juge doit exclure pour considérer l’existence du savoir-faire.

Ainsi, la « simplicité du concept » n’est pas nature à remettre en cause l’existence du savoir-faire (CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°312420).

De même, une décision plus récente rappelle que l’insuffisance du « succès commercial » rencontré par le franchiseur comme son « expérience limitée » au moment de la signature du contrat de franchise ne suffisent pas à établir l’absence de tout savoir-faire (CA Paris, 23 novembre 2006, inédit, RG n°03/02384) ; cette décision est à rapprocher de celle ayant admis l’existence d’un savoir-faire mis en doute par un franchisé arguant de l’inexpérience d’un franchiseur étranger sur le territoire français (TC Paris, 28 septembre 2005, inédit, RG n°2002/055929). Ces solutions doivent être approuvées : la déconvenue commerciale, l’insuccès du concept ou l’insuffisante expérience du franchiseur sont extrinsèques au savoir-faire proprement dit. De tels évènements ne sauraient donc suffire à établir l’absence de savoir-faire.

2) La transmission du savoir-faire

(77)            En ce qui concerne la transmission du savoir-faire (Le savoir-faire peut être transmis par des formations pré-ouverture, la remise d’une bible codifiant le fonctionnement de la franchise et autres guides, des réunions et séminaires de formation post-ouverture, une assistance du franchiseur et une marque déposée à l’INPI), une décision entrant dans le champ de notre étude souligne que le savoir-faire n’a pas nécessairement à être transféré par écrit (CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°312420) : « la circonstance que lesdites techniques soient transférées oralement aux franchisés aux cours de stage de formation est sans influence sur la réalité du savoir-faire considéré ».

Une telle solution ne peut qu’être approuvée. Autant il paraît normal, en effet, que les informations précontractuelles prévues par les articles L.330-3 du Code de commerce et 1er du décret du 4 avril 1991 soient communiquées par écrit (V. en ce sens, CA Pau, 10 octobre 2005, Juris-Data n°291080), ces textes prévoyant expressément la remise d’un « document », autant cette exigence n’est pas requise en ce qui concerne la transmission du savoir-faire, faute de texte le prévoyant.

Pour autant, il incombe alors au franchiseur, débiteur de l’obligation, de prouver, par tous moyens, avoir transmis son savoir-faire au franchisé (CA Nîmes, 14 février 2006, Juris-Data n°301670). A défaut, le contrat de franchise serait privé de cause.

(78)            La transmission du savoir-faire implique le plus souvent que la marque ait été enregistrée à l’INPI avant la signature du contrat de franchise.

Lorsque tel n’est pas le cas, la Cour de cassation (Cass. com., 19 octobre 1999, pourvoi n°97-19.185) et les juridictions du fond (CA Limoges, 2 mars 2006, Juris-Data n°308976) retiennent que le contrat de franchise doit être annulé pour absence de cause.

Dans le cadre d’une récente procédure, ayant donné lieu à un arrêt de la Cour d’appel de Versailles, le franchisé entendait faire annuler le contrat de franchise pour défaut de cause, la marque du franchiseur n’ayant pas été déposée selon lui au moment de la signature du contrat de franchise. Pour rejeter la demande d’annulation formulée par le franchisé, la Cour d’appel de Versailles constate que la marque du franchiseur avait en définitive été enregistrée à l’INPI peu de temps avant la signature du contrat de franchise (CA Versailles, 20 octobre 2006, inédit, RG n°05/04972). La faible ancienneté du dépôt est donc inopérante dès lors qu’il est effectivement antérieur au contrat ; la solution n’est pas nouvelle (v. par exemple, CA Paris, 15 septembre 1994, Juris-Data n°022528).

A cet égard, il nous faut indiquer que si, au moment où le contrat de franchise est conclu, le franchiseur a seulement procédé au « dépôt » (Le dépôt de la demande d’enregistrement est l’acte par lequel le déposant forme auprès de l’INPI une demande d’enregistrement du signe distinctif. Cette demande fait l’objet d’un examen par les services de l’INPI, à l’issu duquel la marque est enregistrée) de la marque et non pas à son « enregistrement » (L’enregistrement de la marque par l’INPI est l’acte juridique par lequel l’administration confère un titre au déposant. L’enregistrement produit ses effets à compter du jour du dépôt de la demande), un tel contrat pourrait encourir la nullité, puisqu’au moment de sa formation, un élément essentiel, le droit sur la marque, fait encore défaut (En effet, aux termes de l’article L.712-1 du CPI, la propriété s’acquiert par l’enregistrement, ce dernier produisant effet à compter de la date de dépôt de la demande). La prudence recommanderait alors, à tout le moins (La plus grande prudence consisterait sans doute à attendre l’enregistrement de la marque pour signer le contrat), soit de prévoir une condition suspensive tenant à la bonne fin de la procédure d’enregistrement auprès de l’INPI, soit, de manière plus radicale, d’exclure expressément la marque des motifs constituant la cause impulsive et déterminante de la volonté du partenaire franchisé de contracter (Quoiqu’il s’agisse d’une hypothèse peu fréquente en pratique, le franchiseur peut concéder au franchisé un droit de jouissance ne portant que sur des signes distinctifs autres que la marque).

(79)            L’on rappellera enfin que, conformément au droit commun, l’absence de cause affectant un contrat n’est protectrice que seul intérêt particulier de l’un ou l’autre des cocontractants et s’analyse comme telle en une nullité relative soumise à la prescription quinquennale du premier alinéa de l’article 1304 du Code civil (Cass. civ. 3ème, 29 mars 2006, Bull. civ. III, n°88, p.73, 032919 ; v. aussi, pour une application récente, CA Dijon, 24 mai 2007, Juris-Data n°335093).

L'exécution du contrat de franchise

(80)            Les décisions faisant l’objet de notre étude permettent d’envisager l’exécution du contrat de franchise dans ses deux aspects essentiels : les relations entre les parties (I) et celles entretenues par ceux-ci avec les tiers (II).

I. Les relations entre les parties

(81)            Il convient de distinguer les obligations du franchiseur (A) de celles du franchisé (B).

A. Les obligations du franchiseur

(82)            L’actualité jurisprudentielle permet de revenir sur certaines des obligations incombant au franchiseur en matière d’assistance (1), d’approvisionnement (2), d’exclusivité territoriale ou de priorité (3) et même de publicité (4).

1) L’obligation d’assistance

F Cinq décisions commentées : CA Paris, 25 janvier 2007 (Juris-Data 338239) ; CA Paris, 26 novembre 2006, inédit (RG n°03/02384) ; CA Chambéry, 10 octobre 2006 (Juris-Data n°322011) ; CA Nancy, 13 septembre 2006 (Juris-Data n°330233) ; CA Paris, 5 juillet 2006 (Juris-Data n°312416)

(83)            L’obligation d’assistance est une obligation essentielle du contrat de franchise, indépendamment de toute stipulation contractuelle spécifique, comme le rappelle la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 5 juillet 2006 (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°312416).

Cette obligation est à exécution successive ; elle incombe à son débiteur, le franchiseur, à tous les stades de l’exécution du contrat. Elle nécessite une adaptation constante du franchiseur aux besoins du franchisé (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°312416), le franchiseur devant prodiguer des conseils, avis et mises en garde, dont l’objet peut être commercial (Cass. com., 24 mai 1994, pourvoi n°92-15.846), technique (CA Paris, 23 novembre 2006, inédit, RG n°03/02384 ; CA Toulouse, 13 décembre 1993, Juris-Data n°050691), publicitaire (CA Paris, 23 novembre 2006, inédit, RG n°03/02384 ; CA Aix-en-Provence, 15 septembre 1995, Juris-Data n°050623), juridique (Cass. com., 24 mai 1994, pourvoi n°92-15.846), comptable (Cass. com., 19 février 1991, Juris-Data n°88-19.809), ou structurel (Le franchiseur peut formuler des conseils relatifs à la gestion de l’entreprise, en particulier au cours de la formation du franchisé (CA Aix-en-Provence, 15 septembre 1995, Juris-Data n°050623)mais il doit veiller à ne pas s’immiscer dans la gestion de l’entreprise franchisée).

(84)            Comme chaque année, plusieurs décisions relatives à la mise en cause de la responsabilité du franchiseur pour non-respect de l’obligation d’assistance ont été rendues au cours des douze derniers mois.

(85)            Ainsi, selon la Cour d’appel de Chambéry (CA Chambéry, 10 octobre 2006, Juris-Data n°322011), ne manque pas à son obligation d’assistance commerciale, le franchiseur qui a dispensé une formation pendant trois semaines au franchisé avant l’ouverture de l’agence de location (En l’espèce, le franchisé avait déclaré, dans le questionnaire sur la qualité de la formation, avoir été globalement satisfait) et lui a également apporté son assistance lors de l’ouverture de l’agence, de l’implantation du système informatique et par diverses interventions ultérieures en cours d’exécution du contrat de franchise (Développement commercial, croissance du parc, financement, action clientèle, achat véhicules et suivi du démarrage de l’activité).

(86)            En revanche, la faute d’un franchiseur a été retenue devant la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°312416), celle-ci considérant que : « le rééchelonnement du paiement d’une dette du franchisé ou l’envoi de (produits) gratuits, (objets de la franchise) ne sauraient être regardés, compte tenu de leur caractère ponctuel et exceptionnel, comme la manifestation de l’assistance due au franchisé ».

(87)            Aux termes de ce même arrêt, la Cour d’appel de Paris précise, par ailleurs, que les dysfonctionnements signalés dans le rapport d’ouverture n’ont donné lieu à aucun suivi. Elle relève encore que l’existence de visites du magasin franchisé réalisées par le franchiseur ne saurait suffire à considérer comme remplie l’obligation d’assistance incombant à ce dernier (En l’espèce, la carence du franchiseur était renforcée par les « appels à l’aide » du franchisé, demeurés sans réponse). La solution est logique car, de telles visites sont vaines si elles ne sont pas suivies de compte rendu (CA Paris, 23 janvier 2007, Juris-Data n°338239 : relevant en l’espèce l’existence de visites et de compte rendu de visite destinés à « vérifier l’utilisation par le franchisé du matériel promotionnel et publicitaire ») mettant en exergue les points faibles du magasin franchisé et/ou prodiguant des conseils afin d’y remédier.

(88)            L’obligation d’assistance peut être contractuellement délimitée. C’est même préférable.

Dans ce cas, le franchiseur doit impérativement respecter ses engagements. Ainsi, la Cour d’appel de Nancy (CA Nancy, 13 septembre 2006, Juris-Data n°330233) juge que « le franchiseur (…) qui n’a pas assisté le franchisé dans ses démarches pour obtenir (une autorisation administrative nécessaire à l’exploitation de son activité), alors qu’il s ‘y était engagé, a commis une faute (…) » (En l’espèce, le contrat de franchise portrait sur l’exploitation d’une activité d’accompagnement et d’assistance aux personnes seules, âgées ou handicapées, nécessitant la conclusion avec la collectivité territoriale d’une convention, en application de l’article 26 du décret du 16 août 1985 relatif au service public de transport routier de personnes à demande) (nous soulignons).

2) L’obligation d’approvisionnement

F Deux décisions commentées : Cass. com., 28 novembre 2006 (Juris-Data n°036487) ; CA Chambéry, 10 octobre 2006 (Juris-Data n°322011)

(89)            Le franchiseur peut exercer une fonction de centrale d’achats ; il s’agit souvent d’une obligation essentielle du contrat de franchise par laquelle le franchiseur s’engage à approvisionner son franchisé.

La jurisprudence précise que l’obligation d’approvisionnement des franchisés est exclusive de toute aide au financement (CA Chambéry, 10 octobre 2006, Juris-Data n°322011). En l’espèce, le franchisé faisait grief à son franchiseur de ne pas avoir été en mesure d’exécuter son obligation en matière d’approvisionnement en véhicules par le biais de la centrale d’achats du réseau, et son obligation complémentaire d’aide au financement desdits véhicules. La Cour d’appel déboute le franchisé de sa demande aux motifs pris qu’« aux termes du contrat, le franchisé, entreprise indépendante, devait faire son affaire personnelle du financement de ses investissements, le réseau n’ayant pour objet que de regrouper les achats de véhicules afin d’obtenir les meilleurs prix auprès des constructeurs ou distributeurs pour l’ensemble de franchisés et de reverser à chacun d’eux sa quote-part sur les primes de volumes consenties par le vendeur ».

Si l’obligation d’approvisionnement du franchiseur vise à faciliter les conditions d’approvisionnement des franchisés en termes de logistiques et souvent même en termes de coût, cette obligation n’induit en aucun cas une aide financière du franchiseur, sauf stipulation contractuelle en ce sens.

(90)            Lorsque la preuve du manquement est rapportée, le franchisé peut demander la résiliation du contrat de franchise (La Chambre commerciale de la Cour de cassation a approuvé une Cour d’appel d’avoir exactement déduit que la rupture du contrat de franchise était imputable au franchiseur ayant gravement manqué à son obligation d’approvisionnement et de fournitures d’offres promotionnelles (Cass. com., 28 juin 2005, pourvoi n°04-10.038)). Le manquement peut être caractérisé lorsque, notamment, le franchiseur cesse tout approvisionnement (Cass. com., 28 novembre 2006, Juris-Data n°036487 : en l’espèce, le franchiseur avait cessé ses livraisons au franchisé après l’échec de négociations en vue du rachat du fonds de commerce du franchisé), qu’il livre durablement des marchandises de moins bonne qualité (CA Paris, 15 mars 2000, Juris-Data n°109276 ; CA Paris, 25 septembre 1998, Juris-Data n°024245 ; CA Paris, 31 mars 1995, Juris-Data n°021569) ou que les délais de livraisons ne sont pas respectés (CA Paris, 25 septembre 1998, Juris-Data n°024245). La Cour d’appel de Chambéry (CA Chambéry, 10 octobre 2006, Juris-Data n°322011) a également rappelé qu’il incombe au franchisé de rapporter la preuve du non-respect par le franchiseur de ses obligations en matière d’approvisionnement.

(91)            De son côté, le franchiseur peut parfaitement cesser ses livraisons en cas de non-paiement par le franchisé (CA Paris, 21 septembre 2005, Juris-Data n°283908). Il oppose ainsi l’exception d’inexécution. Toutefois, une distinction s’impose. Si le contrat prévoit les conditions dans lesquelles le franchiseur peut cesser l’approvisionnement, il lui suffit de s’y conformer pour n’encourir aucun grief. Si, en revanche, le contrat ne comporte aucune prévision en ce sens, le franchiseur devra veiller à ce que le manquement du franchisé – en l’espèce le défaut de paiement – soit suffisamment caractérisé pour justifier un arrêt des livraisons (CA Reims, 26 juin 2006, Juris-Data n°332141 : « Attendu que si les obligations du franchiseur et du franchisé sont interdépendantes et que l’inexécution par une partie au contrat de ses engagements peut affranchir l’autre de ses obligations, encore faut-il que l’inexécution soit suffisamment grave pour entraîner pareil résultat »).

3) L’obligation d’exclusivité territoriale et le droit de priorité

(92)            Le franchiseur peut limiter sa liberté d’entreprendre en se rendant débiteur d’une obligation d’exclusivité territoriale (a) ou en consentant un droit de priorité au franchisé (b).

a) L’obligation d’exclusivité territoriale

F Six décisions commentées : Cass. Com., 23 janvier 2007 (pourvoi n°04-20.647) ; Cass. Com., 19 décembre 2006 (pourvoi n°04-11.749) ; Cons. Conc., 5 octobre 2006, (déc. n°06-D-28) ; CA Paris, 30 novembre 2006, inédit (RG n°04/08309) ; CA Paris, 5 juillet 2006 (Juris-Data n°312416) ; Cons. conc., 24 juillet 2006, (déc. n°06-D-24)

(93)            Indispensable à la rentabilité de l’entreprise franchisée, l’obligation d’exclusivité est essentielle. Elle doit être expressément prévu dans le contrat (En l’absence de clause du contrat de franchise délimitant dans l’espace l’exclusivité consentie, la jurisprudence ne reconnaît pas l’existence d’une exclusivité territoriale de fait. Ainsi, la Chambre commerciale a pu censurer l’arrêt de la Cour d’appel qui avait prononcé la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs du franchiseur pour violation de la clause d’exclusivité territoriale de fait concédée au franchisé. Au visa de l’article 1134 du Code civil, la Cour retient, en effet, que « l’accord de franchise ne stipulait aucune exclusivité territoriale et qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’impose pareille exclusivité même en présence d’une exclusivité d’approvisionnement en l’état non établie » (Cass. com., 19 novembre 2002, pourvoi n°01-13.492)). Sa violation est sanctionnée soit par l’allocation de dommages et intérêts, soit par la résiliation du contrat de franchise (Cass. com., 9 mars 1993, pourvoi n°91-11.479), soit par l’une et l’autre à la fois (CA Paris, 21 septembre 2005, Juris-Data n°293492).

(94)            Il existe essentiellement trois types d’exclusivité en matière de franchise : l’exclusivité de fournitures, par laquelle le franchisé est le seul à être approvisionné par le franchiseur dans le territoire délimité ; l’exclusivité d’enseigne, par laquelle le franchiseur s’interdit d’implanter un autre magasin dans la zone concédée ; l’exclusivité de marque, qui garantit au franchisé d’être le seul à pouvoir utiliser les signes distinctifs du franchiseur sur le territoire considéré.

Et si les parties en conviennent, ces différents types d’exclusivité peuvent être cumulés (TC Paris, 1er juillet 2005, Juris-Data n°299490 : dans cette espèce, la clause interdisait au franchiseur, d’une part, de signer un contrat de franchise sur le territoire concédé et, d’autre part, de commercialiser les produits griffés sur ce même territoire).

(95)            S’agissant d’une restriction à la liberté d’entreprendre, les clauses d’exclusivité sont d’interprétation stricte, tant dans leur objet (qu’il s’agisse d’une exclusivité de fourniture, d’enseigne (Elle doit également être interprétée restrictivement. Selon un arrêt rendu le 21 septembre 2005 par la Cour d’appel de Paris, la clause d’exclusivité portant sur une enseigne clairement identifiée ne saurait faire obstacle à l’implantation par le franchiseur d’autres enseignes dans la zone d’exclusivité consentie au franchisé (CA Paris, 21 septembre 2005, Juris-Data n°294284). Aussi, l’exclusivité d’implantation d’un magasin sous enseigne dans une zone territoriale déterminée, ne fait pas obstacle à la création par le franchiseur d’un site Internet (Cass. com., 14 mars 2006 (3 arrêts), pourvois n°03-14.630, n°03-14.316 et n°03-14.640)) ou de marque) que dans leur délimitation géographique (La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre la décision ayant considéré que la clause n’était pas violée lorsqu’un franchisé s’installait à la limite de la zone (Cass. com., 6 avril 1999, pourvoi n°96-18.332). C’est précisément ce que vient de rappeler la Cour d’appel de Paris qui, par arrêt du 21 septembre 2005, a considéré que « la limitation d’implantation ou d’activité résultant d’une clause d’exclusivité territoriale doit s’interpréter strictement, le bénéficiaire ne pouvant l’invoquer en dehors des limites contractuellement fixées » (CA Paris, 21 septembre 2005, Juris-Data n°293492)); elles ne peuvent donc être étendues au delà de leurs prévisions.

Un arrêt récent illustre cette exigence. La Cour d’appel de Paris (CA Paris., 5 juillet 2006, Juris-Data n°312416) a précisé en effet que l’existence d’une société commercialisant dans la zone du franchisé les produits du franchiseur sous une marque autre que celle de ce dernier avait été mentionnée dans le document d’information précontractuel d’information. Elle a ajouté que « cette entreprise existait bien antérieurement à la concession de ladite franchise et que, depuis lors, le franchiseur n’avait implanté aucun autre magasin titulaire de sa marque dans la zone couverte par l’exclusivité conventionnelle ».

(96)            Pour autant, le franchiseur ne saurait s’exonérer de son obligation sous couvert d’une stricte interprétation de l’exclusivité consentie.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 19 décembre 2006, pourvoi n°04-11.749) a eu à se prononcer sur le respect de l’exclusivité de marque. En l’espèce, le franchiseur s’interdisait de conclure tout contrat de franchise portant sur une marque agréée constituée de deux termes dans la zone concédée, tout en se réservant le droit d’y conclure des contrats de franchise portant sur l’une quelconque des « marques déposées », seule ou en association. Le franchiseur signa un contrat de franchise portant sur une marque reprenant pour partie la marque agréée.

La Haute juridiction rejette le pourvoi formé par le franchiseur. Elle considère que la clause d’exclusivité n’était ni claire ni précise et que c’est par une interprétation nécessaire, exclusive de toute dénaturation, que la Cour d’appel a retenu que la « marque agréée » au sens du contrat devait s’entendre à chaque terme la composant, de telle sorte que le franchiseur avait violé son obligation d’exclusivité territoriale.

(97)            Par ailleurs, l’actualité jurisprudentielle est marquée par une décision relative aux conséquences de la fusion du franchiseur avec un autre réseau sur son engagement d’exclusivité d’enseigne.

A la suite d’un rapprochement entre deux groupes franchiseurs, l’exploitation de deux enseignes avait été abandonnée.

Dans ce contexte, il avait donc été proposé à un franchisé de changer l’enseigne de ses magasins, en passant deux magasins sous l’enseigne A et le troisième sous l’enseigne B. Ce dernier avait refusé la proposition, souhaitant bénéficier de la même enseigne pour tous ses magasins. En conséquence, la résiliation du contrat lui avait été notifiée sur le fondement d’une clause contractuelle autorisant la résiliation anticipée du contrat en cas de cessation de l’activité commerciale de l’une des parties.

La Cour d’appel (CA Paris, 30 novembre 2006, inédit, RG n°04/08309) considère que « s’il est vrai que l’enseigne A n’a plus été exploitée à la suite de la fusion des deux Groupes, il n’en demeure pas moins qu’il ne s’agissait pas à proprement parler d’une « cessation d’activité commerciale » mais, en réalité, de la poursuite d’une activité identique dans un autre cadre, librement choisi, et que A était dès lors tenue de proposer à sa franchisée, par l’intermédiaire de la société B, des solutions raisonnables lui permettant de poursuivre son activité commerciale dans des conditions équivalentes ».

Puis, la Cour considère qu’il appartenait au franchisé de démontrer que « la solution suggérée par son partenaire n’était pas commercialement acceptable et que, dans ces conditions, le franchiseur était fondé, à l’issue des négociations qui ont été rappelées, à résilier le contrat de franchise sans engager sa responsabilité ».

La Cour ne semble pas tirer la conséquence de ses propres constatations ; il ne s’agissait pas en l’espèce d’une cessation d’activité à proprement parler, puisque l’abandon des enseignes ressortait d’une nouvelle politique commerciale. La solution semble donc particulièrement sévère à l’égard du franchisé (La solution peut conduire à des situations délicates, devant la résiliation de son contrat de franchise, le franchisé peut se heurter à des difficultés d’approvisionnement, ce d’autant plus qu’il sera sans doute soumis à une clause de non-réaffiliation, lui interdisant de rejoindre un réseau concurrent) ; il lui appartenait de démontrer que la solution alternative avancée par le franchiseur n’était pas satisfaisante. Seulement, la proposition ainsi faite par le franchiseur constituait purement et simplement une demande de modification du contrat de franchise en cours, de telle sorte que le franchisé aurait du bénéficier d’un pouvoir discrétionnaire pour accepter ou refuser la proposition ainsi faite. Cette solution pourrait laisser entendre que le cocontractant ne peut s’opposer à une modification du contrat que s’il démontre que celle-ci lui cause un préjudice ; la solution nous semble contestable au regard des faits rapportés.

(98)            Le Conseil de la concurrence a rendu deux décisions (Cons. conc., 24 juillet 2006, déc. n°06-D-24 ; Cons. conc., 5 octobre 2006, déc. n°06-D-28) intéressant la possibilité pour un fournisseur de se réserver la faculté d’exploiter un site Internet de vente de ces produits. Celles-ci pourraient laisser entendre que le franchiseur ne peut se réserver l’exclusivité absolue de la vente de ces produits. La solution semble peu compatible avec les arrêts rendus le 14 mars 2006 par la Cour de cassation (Cass. com., 14 mars 2006 (3 arrêts), pourvois n°03-14.630, n°03-14.316 et n°03-14.640) considérant que le franchiseur ne commet pas de faute en créant un site Internet, lorsqu’il a consenti à ses franchisés une simple exclusivité d’un magasin sous enseigne.

b) Le droit de priorité

F Une décision commentée : Cass. com., 23 janvier 2007 (pourvoi n°04-20.647)

(99)            Le franchiseur doit également respecter le droit de priorité consenti à ses franchisés. Tel est l’enseignement logique tiré par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 23 janvier 2007 (Cass. com., 23 janvier 2007, pourvoi n°04-20.647). En l’espèce, un franchiseur avait conclu avec une association de franchisés un avenant accordant à ses membres un droit de priorité sur certaines zones, pendant la durée de leur contrat de franchise, pour le cas où un candidat agréé par le franchiseur envisagerait d’y implanter un nouveau magasin franchisé.

L’un des franchisés ayant indiqué vouloir céder son fonds de commerce, le franchiseur lui avait présenté un repreneur, qui avait finalement ouvert un autre magasin franchisé dans la même ville, en dehors de la zone d’exclusivité du franchisé cédant.

Considérant que ces faits caractérisaient la violation du droit de priorité que le franchiseur lui avait consenti aux termes de l’avenant, le franchisé cédant avait cessé de lui payer ses redevances de franchises.

Le franchiseur l’avait alors assigné en résiliation du contrat ainsi qu’en paiement desdites redevances.

La résiliation du contrat de franchise est prononcée aux torts exclusifs du franchiseur ; la Cour de cassation relève que la Cour d’appel a souverainement retenu que les éléments soumis à son appréciation ne détruisaient pas la présomption de reconnaissance de l’acceptation de l’offre faite au franchisé. Le franchiseur reconnaissait aux termes d’un courrier adressé au franchisé que ce dernier avait fait part de son souhait de bénéficier de l’avenant contractuel n°1 en le signant.

4) Les obligations relatives à la publicité du réseau

F Cinq décisions commentées : CA Bordeaux, 24 janvier 2007 (RG n°04/06592) ; CA Bordeaux, 24 janvier 2007 (RG n°04/06593) ; CA Bordeaux, 24 janvier 2007 (RG n°04/06594) ; CA Chambéry 10 octobre 2006 (Juris-Data n°322011) ; CA Reims, 26 juin 2006 (Juris-Data n°332141)

(100)         Le contrat de franchise prévoit souvent le paiement par le franchisé d’une participation publicitaire destinée à la promotion du réseau.

L’affectation des sommes collectées et les obligations mises à la charge du franchiseur dans le cadre de la gestion du budget publicitaire ne sont pas nécessairement définies dans le contrat de franchise.

(101)         La Cour d’appel de Chambéry (CA Chambéry, 10 octobre 2006, Juris-Data n°322011)a eu à juger du respect par un franchiseur de ses obligations en matière de publicité, alors que celles-ci n’étaient pas clairement définies dans le contrat. En l’espèce, le franchisé reprochait au franchiseur de ne pas avoir respecté ses engagements en matière de publicité et de ne pas avoir entrepris de campagnes significatives, alors qu’aux termes du contrat il s’en était réservé l’exclusivité.

La Cour d’appel confirme la décision des juges du fond ayant rejeté la demande du franchisé ; le franchiseur ne saurait être jugé fautif dans l’exécution de ses obligations en matière de publicité, en raison d’une part, de l’absence d’engagement précis quant au nombre, à la périodicité et à la consistance des campagnes de publicité nationales et, d’autre part, de l’absence de preuve par le franchisé que les redevances de publicité encaissées auraient permis de financer d’autres campagnes ou des campagnes d’une autre nature. La solution va de soi.

(102)         L’affectation du budget publicitaire peut être contractuellement définie ; dans ce cas, le franchiseur ne peut seul modifier l’affectation des sommes qui lui sont versées par les franchisés au titre de la publicité.

Par trois arrêts rendus le même jour par la Cour d’appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 24 janvier 2007, RG n°04/06592 ; CA Bordeaux, 24 janvier 2007, RG n°04/06593 ; CA Bordeaux, 24 janvier 2007, RG n°04/06594), un franchiseur, poursuivant le souci légitime de donner une image nationale à son enseigne, avait souhaité modifier l’affectation des redevances communication (La modification de l’affectation du budget était intégrée dans un plan de communication sur quinze mois qui avait été élaboré par la commission de communication, composée par des franchisés élus et des représentants du franchiseur), en vue de réaliser une campagne publicitaire à l’échelle nationale, alors même que ce budget était contractuellement affecté à une communication locale.

Tout en approuvant le principe de cette nouvelle affectation, la Commission de communication, organe mixte franchisés–franchiseur, avait décidé néanmoins de soumettre la question à l’assemblée des franchisés du réseau. Après consultation, la majorité des deux tiers (Toutefois, les franchisés – parties à la procédure – soulèvent un grief non sans importance : sept nouveaux franchisés n’auraient pas été présents lors du vote, de telle sorte qu’en réalité la majorité des deux tiers n’aurait pas été atteinte) donna son accord.

Aussi, certains franchisés ayant refusé la nouvelle affectation de leur redevance communication avaient résilié leur contrat de franchise. Le franchiseur les avait alors assignés en résiliation fautive de leur contrat. En première instance, il avait été jugé que la résiliation était intervenue aux torts exclusifs du franchiseur. Ce dernier avait alors interjeté appel.

Considérant que la résiliation du contrat est intervenue aux torts partagés des parties, la Cour d’appel retient que le franchiseur a commis une faute en modifiant l’affectation de la redevance communication sans obtenir l’accord préalable de chaque franchisé ; le fait qu’une commission de franchisé ait accepté cette modification ne saurait permettre au franchiseur de l’imposer aux franchisés réfractaires, quand bien même la majorité des deux tiers du réseau y aurait consenti.

(103)          Cette jurisprudence montre aussi tout l’intérêt de conférer au franchiseur, par le contrat de franchise, une marge de manoeuvre dans la gestion du budget publicitaire (CA Reims, 26 juin 2006, Juris-Data n°332141 : écartant le grief du franchisé au motif que les termes du contrat de franchise relatifs à la publicité – relativement souples – avaient été respectés, le franchiseur pouvant mettre les éléments de promotion à disposition des franchisés « selon les nécessités »). Une telle flexibilité est indispensable car la durée du contrat de franchise, parfois renouvelé, peut être longue et les modes de communication les plus adaptés au réseau – dont la taille aura peut être augmentée depuis la conclusion des premiers contrats de franchise – auront parfois eux-mêmes évolués.

Il est parfaitement possible de prévoir dans le contrat que le budget publicitaire est géré par le seul franchiseur ou, solution alternative, que le franchisé accepte par avance les décisions prises en matière de publicité par un organe mixte franchisés-franchiseur. L’idée de permettre au franchiseur de gérer seul le budget publicitaire est logique ; il s’agit de son enseigne, de son image. Il doit avoir un pouvoir décisionnaire sur ce qui constitue sa propriété, les franchisés restant des dépositaires éphémères de l’enseigne.

(104)         Ces arrêts permettent également de rappeler que toute modification du contrat de franchise doit être acceptée par les parties au contrat (Ce que le consentement a fait, seul le consentement peut le défaire (article 1134, alinéa 2 du code civil)). En effet, une partie ne peut modifier unilatéralement les termes du contrat de franchise sans obtenir le consentement de l’autre (Pour exemple : dans le cadre de la reprise d’une franchise, le franchiseur repreneur avait cessé de percevoir la redevance de publicité des franchisés du réseau racheté et également cessé de promouvoir ladite enseigne. Il était soutenu par le franchiseur repreneur que la baisse de la redevance compensait celle de la marge brute, de telle sorte que les franchisés ne pouvaient subir de préjudice du fait de la modification du contrat, raisonnement admis par les juges du fond. La Cour de cassation avait censuré la décision au visa de l’article 1134 du Code civil en relevant qu’« il ne résultait pas de ses constatations que le franchisé ait donné son accord pour que soit modifié l’économie générale du contrat » (Cass. com., 3 janv. 1996, pourvoi n°94-12.314). En revanche, il faut relever que les dispositions opérationnelles du savoir-faire peuvent être modifiées par le franchiseur pour mettre à jour et améliorer le savoir-faire ; dans ce cas, il ne s’agit pas d’une modification unilatérale du contrat de franchise, seul le franchiseur ayant le pouvoir d’apporter de tels changements. Le consentement du franchisé deviendra à nouveau nécessaire, si les améliorations ainsi apportées au savoir-faire ont pour conséquence de modifier les obligations mises à la charge du franchisé (par exemple, la mise en œuvre de travaux dans son point de vente)). A défaut, elle engage sa responsabilité contractuelle et autorise l’autre partie, en cas de manquement grave, à résilier le contrat ; toute modification unilatérale, quand bien même constitue-elle une faute, n’emporte pas nécessairement la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de l’auteur de la modification.

Tout dépend de l’objet de la modification ; celle-ci porte-t-elle sur un élément substantiel du contrat ou non. La Cour de cassation a ainsi rappelé que la modification unilatérale de ses obligations par une des parties ne pouvait justifier la résiliation de la convention, lourde de conséquences, que si le changement imposé porte sur une obligation substantielle et déterminante de l’adhésion du franchisé au réseau (En l’espèce, un franchisé avait résilié le contrat prévu pour une durée de cinq ans au motif notamment que le franchiseur avait cessé de jouer le rôle de centrale d’achat. La Cour d’appel de Rouen avait fait droit à sa demande en validant la résiliation. La Cour de cassation censure cette décision ; les juges du fond auraient dû procéder à la recherche de la volonté des parties au jour de la conclusion du contrat pour savoir si le rôle de centrale d’achats du franchiseur avait été un élément déterminant de la volonté du franchisé de contracter (Cass. com., 20 mai 2003, pourvoi n°01-00.668)). La modification unilatérale du contrat pourra entraîner la résiliation en changement de tarifs sans respecter le préavis conventionnel (CA Versailles, 4 juillet 1996, Juris-Data n°043384), de la suppression de l’accès direct à un système de réservation automatisé (CA Paris, 12 mai 1995, Juris-Data n°023306), de la modification des conditions financières du contrat (CA Rouen, 13 octobre 1994, Juris-Data n°050353), de la modification de la répartition des sommes encaissées à l’occasion d’une formation (CA Riom, 14 septembre 2005, Juris-Data n°283353).

Les arrêts susvisés (CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit, RG n°04/06592 ; CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit, RG n°04/06593 ; CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit, RG n°04/06594) rappellent également que la modification doit être acceptée par le cocontractant, peu important que la majorité des franchisés ait accepté la modification proposée par le franchiseur (La Cour d’appel de Riom a pu rappeler cette évidence. Un franchisé avait agi en paiement contre un autre franchisé en invoquant les règles du réseau résultant du contrat de franchise, de la charte éthique et du plan annuel de gestion. La Cour d’appel a relevé, à juste titre, qu’eu égard au contrat de franchise litigieux, l’adoption de la charte éthique ainsi que du plan annuel de gestion voté par des franchisés postérieurs au contrat de franchise ne pouvaient s’imposer au franchisé n’ayant pas accepté une telle modification du contrat (CA Riom, 14 septembre 2005, Juris-Data n°283353)).

La solution n’est pas propre au franchiseur ; le franchisé doit également s’y conformer.

B. Les obligations du franchisé

(105)         L’actualité jurisprudentielle invite à souligner certaines des obligations incombant au franchisé ; celles inhérentes à l’achat et à la vente des biens qu’il commercialise (1), et celles inhérentes au transfert de savoir-faire (2).

1) Les obligations inhérentes à l’achat et à la vente des produits commercialisés

(106)         Dans le cadre de la commercialisation des produits, objets de la franchise, le franchisé peut être obligé d’acheter en tout ou partie auprès du franchiseur (a) ; il reste libre par suite de fixer ses prix de revente (b).

a) L’obligation relative à l’achat de produits par le franchisé

FTrois décisions commentées : CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit (RG n°04/06592) ; CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit (RG n°04/06594) ; Cons. conc., 21 juillet 2006 (déc. n°06-D-22)

(107)         Le contrat peut comprendre une clause d’approvisionnement exclusif (La clause d’approvisionnement exclusif est la clause par laquelle le franchisé s’engage à ne s’approvisionner qu’après du franchiseur ou de toute personne désignée par lui) dont la méconnaissance par le franchisé justifie la résiliation du contrat. Deux arrêts récents (CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit, RG n°04/06592 ; CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit, RG n°04/06594) illustrent cette solution. Ils précisent, par ailleurs, que le fait pour le franchiseur de ne pas avoir résilié le contrat de franchise, à l’époque des manquements constatés, n’est pas de nature à le priver ultérieurement de la possibilité de demander la résiliation du contrat sur ce fondement.

La solution est intéressante à deux titres ; d’une part, jusqu’alors, peu d’arrêts étaient recensé en la matière (CA Basse-Terre 20 octobre 2003, Juris-Data n°2003-247239 ; CA Paris, 20 octobre 1995, Juris-Data n°23679), d’autre part, ces arrêts montrent que le silence observé par le franchiseur quant au non-respect par le franchisé de son obligation d’approvisionnement exclusif ne saurait faire obstacle à une action ultérieure du franchiseur.

(108)         Rappelons que le franchisé est évidemment tenu de régler le prix des marchandises livrées par le franchiseur en application des contrats de vente conclus avec le franchiseur en exécution des stipulations du contrat de franchise (Conformément au principe selon lequel l’exception d’inexécution ne peut être valablement invoqué par un contractant que si son cocontractant n’a lui-même pas satisfait à une obligations contractuelles, même découlant d’une convention distincte dès lors que l’exécution de cette dernière est liée à celle de la première, la Cour de cassation a précisé que le franchisé ne pouvait échapper à la demande de paiement de marchandises en excipant de l’inexécution par le franchiseur d’une obligation du contrat de franchise (Cass. com., 12 juillet 2005, pourvoi n°03-12.507)).

(109)         Les clauses d’approvisionnement (exclusif ou quasi-exclusif) se rencontrent souvent en matière de franchise ; il n’existe pas en droit communautaire de texte interdisant, par principe, la clause d’exclusivité d’approvisionnement ; le droit français, quant à lui, s’est contenté d’organiser l’information précontractuelle du débiteur de l’obligation (C. com., art. L.330-3) et de limiter sa durée à 10 ans (C. com., art. L.330 -1 et L.330-2). Le droit communautaire puis les autorités nationales ont toutefois décidé d’en limiter la portée, la clause d’exclusivité constituant une entrave au libre jeu de la concurrence.

L’arrêt Pronuptia rendu par la CJCE (La Cour relève : « grâce au contrôle exercé par le franchiseur sur l’assortiment offert par le franchisé, le public pourra trouver auprès de chaque franchisé des marchandises de même qualité. Il peut être impraticable dans certains cas, comme dans le domaine des articles de mode, de formuler des spécifications objectives. Veiller au respect de ces spécifications peut également, en raison du grand nombre de franchisés, entraîner un coût trop élevé. Une clause prescrivant au franchisé de ne vendre que des produits provenant du franchiseur ou de fournisseurs sélectionnés par lui doit être considérée comme nécessaire à la protection de la réputation du réseau » (CJCE, 28 janvier 1986, aff. 161/84 – Pronuptia de Paris MmbH c. Pronuptia de Paris Irmgard Schillgalis)) a ainsi initié ce contrôle. Par suite, le Conseil de la concurrence et les juridictions françaises, s’inspirant de la jurisprudence communautaire, ont dégagé essentiellement deux critères permettant d’apprécier la validité d’une clause d’approvisionnement exclusif (Dans certains cas, la licéité de la clause d’approvisionnement exclusif a pu être déduite de l’avantage concurrentiel qu’elle procurait aux franchisés (Cons. conc., 11 avril 2000, déc. n°00-D-10)).

Le premier porte sur le caractère indispensable de la clause au regard de la réitération du concept du franchiseur, de la bonne mise en œuvre du savoir-faire, lesquelles sont nécessaires au maintien et à la préservation de l’identité commune et la réputation du réseau (Il a pu être admis qu’en raison de la gamme étendue des marchandises proposées ainsi que de l’évolution constante des techniques de fabrication de celles-ci, la formulation des spécifications objectives de qualité que les franchisés pourraient eux-mêmes appliquer s’est révélée impraticable de même que la mise en place d’un contrôle effectif organisé auprès de chacun des points de vente du réseau. En conséquence, la clause d’approvisionnement exclusif a été regardée, eu égard au domaine d’activité considéré et à la nature des produits distribués, comme indispensable à la préservation de l’identité du réseau de franchise ainsi que de l’homogénéité de l’image de marque de celui-ci (Cass. com., 6 avril 1999, Juris-Data n°001597 ; Cons. conc., 24 mai 1994, déc. n°94-D-31)). Le second exige une impossibilité pratique, en raison de la nature des produits qui font l’objet de la franchise, de définir et d’appliquer des spécifications de qualité objectives suffisamment précises (Le Conseil de la concurrence, dans sa décision du 28 mai 1996, s’est prononcé sur la conformité de la clause au regard de l’article 7 de l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986, devenu l’article L.420-1 du Code de commerce : « un franchiseur n’est en droit d’imposer aux franchisés de s’approvisionner exclusivement auprès de sa société ou auprès des fournisseurs qu’il aura référencés qu’autant qu’il est prouvé qu’il n’est pas possible en pratique, en raison de la nature des produits qui font l’objet de la franchise, d’appliquer des spécifications de qualité objective ». En l’espèce, le franchiseur avait imposé aux franchisés de se fournir auprès de ses fournisseurs pour des caisses enregistreuses, des imprimantes d’ordinateurs et des cadeaux publicitaires. Cette clause, considérée comme trop limitative de la liberté de la concurrence, a été jugée contraire à l’article 7 de l’ordonnance. En effet, pour le Conseil « l’obligation pour les franchisés qui souhaitent ou sont tenus de procéder à l’achat de tels produits, de s’adresser aux seules entreprises désignées par le franchiseur a pu avoir pour effet de limiter la liberté commerciale des franchisés au-delà de ce qui était nécessaire au maintien de l’identité commune du réseau et de restreindre la concurrence que pouvaient se faire les franchisés situés sur là même zone de chalandise, en limitant leurs sources d’approvisionnement et les conditions de celui-ci. Par ailleurs, cette obligation a pu avoir pour effet de limiter la concurrence sur les marchés de ces produits » (Cons. conc., 28 mai 1996, déc. n°96-D-38)) ou bien d’assurer le contrôle de ces spécifications en raison, par exemple, du nombre important de références, de l’importance du réseau, de la fréquence du renouvellement des produits, et du coût élevé que représenterait pour le franchiseur un tel contrôle.

Depuis, le Conseil de la concurrence a développé une nouvelle approche, s’inspirant de celle qui, élaborée par la Commission européenne, a conduit à l’adoption du règlement n°270/99 (Ce règlement applicable depuis le 1er janvier 2000 aux accords de franchise remplace le règlement n°4087/88). Ce nouveau règlement (L’exemption s’applique exclusivement lorsque la part de marché du fournisseur est inférieure ou égale à 30% du marché pertinent sur lequel l’opération est réalisée. Il faut relever que l’exemption n’est pas absolue ; certaines clauses dites « noires » sont interdites, peu important la place même infiniment dérisoire que détient une entreprises sur le marché (article 4 dudit règlement). Sont considérées comme telles notamment les clauses de prix imposés) est beaucoup plus souple que la réglementation antérieure ; il considère que certaines pratiques sont autorisées, dès lors que l’entreprise les mettant en œuvre détient moins de 30% du marché pertinent. En vertu de ce texte, les clauses d’approvisionnement imposant un approvisionnement inférieur ou égal à 80% sont licites. Au-delà, elles ne peuvent être prévues pour une durée supérieure à cinq ans ; à défaut elles constituent des « clauses noires » (Appellation donnée par la doctrine et la jurisprudence aux clauses constituant des atteintes intolérables à la concurrence ; ces clauses sont prohibées de manière absolue, sans possibilité d’exemption). L’obligation d’approvisionnement exclusif doit donc être limitée à 5 ans. La clause d’approvisionnement à plus de 80% constitue une clause de non-concurrence (Le règlement les définie comme « toute obligation directes ou indirectes interdisant à l’acheteur de fabriquer, d’acheter, de vendre ou de revendre des biens ou des services qui sont en concurrence avec les biens ou les services contractuels, ou toute obligations directe ou indirecte imposant à l’acheteur d’acquérir auprès du fournisseur ou d’une autre entreprise désignée par le fournisseur plus de 80% de ses achats annuels en biens ou en services contractuels et en biens et en services substituables sur le marché pertinent » (article 1, point b du règlement)) au sens du règlement d’exemption.

Le Conseil de la concurrence semble retenir s’appuyer sur les principes dégagés dans le règlement d’exemption (Le Conseil de la concurrence a pu indiquer que ledit règlement peut servir de « guide utile dans l’analyses des restrictions verticales » (Conseil de la concurrence, 21 juillet 2006, déc. n°06-D-22)) comme en atteste notamment son rapport annuel de l’année 2002 aux termes duquel il a été précisé que « les restrictions verticales, mêmes lorsqu‘elles sont examinées au regard du droit interne, doivent être analysées en tenant compte des principes énoncés par le règlement de la Commission européenne n°2790/99 du 22 décembre 1999 (…). Le règlement précité constitue, dans le cadre de l’application du droit interne, un « guide d’analyse » (…)».

(110)         Selon une décision récente du Conseil de la concurrence (Conseil de la concurrence, 21 juillet 2006, déc. n°06-D-22), un fournisseur s’est vu infliger une amende de 300.000 euros pour avoir inséré dans ses contrats de distribution sélective une clause d’approvisionnement exclusive, une telle pratique étant contraire aux articles 81 du Traité CE et L.420-1 du Code de commerce. Le Conseil qualifie cette stipulation de « clause noire » (Le règlement d’exemption précise en effet que « les accords prévoyant une durée déterminée mais qui sont prorogés automatiquement à défaut d’une résiliation doivent être considérés comme conclus pour une durée indéterminée ». En l’espèce, le contrat comportant l’obligation d’approvisionnement exclusif se reconduisait tacitement à l’arrivée de son terme), de telle sorte qu’elle ne peut bénéficier de l’exemption prévue par le règlement du 22 décembre 1999.

Cette décision montre qu’une attention toute particulière doit être portée à la rédaction des clauses d’approvisionnement à plus de 80%.

b) Les obligations inhérentes à la vente

FTrois décisions commentées : CA Lyon, 22 mars 2007 (Juris-Data n°332144) ; Cons. conc, 24 janvier 2007 (déc. n°07-D-04) ; Cons. conc., 7 décembre 2006 (déc. n°06-D-37) ; CA Paris 23 novembre 2006, inédit (RG n°03/02384) ; Cons. conc., 21 juillet 2006 (déc. n°06-D-22) ;

(111)         L’indépendance du franchisé se manifeste notamment par la libre détermination de sa marge bénéficiaire et de ses prix de vente.

(112)         Si le franchiseur conserve la possibilité de conseiller un prix, il ne peut mettre en œuvre une politique de « prix imposés » ; outre qu’elle heurte l’exigence d’indépendance du franchisé et peut donner lieu à l’application de l’article L.781-1, 2° du code du travail, une telle pratique est contraire au droit national (C. com., art. L.420-1) et communautaire (Règlement n°2790/99 du 22 décembre 1999).

Il appartient au franchisé de rapporter la preuve que le franchiseur lui impose ses prix (CA Paris, 23 novembre 2006, inédit, RG n°03/02384); une telle preuve n’est pas rapportée lorsque le franchisé ne verse au débat aucune pièce venant attester que le franchiseur aurait exigé de lui des prix imposés ou qu’il pouvait craindre des mesures de rétorsion au cas où il n’aurait pas suivi les indications du franchiseur.

Pour déterminer si le prix est imposé ou non, le Conseil de la concurrence (Cons. conc., 28 mai 1996, déc. n°96-D-38 ; Cons. conc. 24 sept. 2001, déc. n°2001-D-58) et les juridictions nationales (CA Lyon, 12 juillet 2005, Juris-Data n°292526) examinent les stipulations du contrat de franchise (i) et le comportement adopté par les parties lors de son exécution (ii).

(i) Les stipulations contractuelles

(113)         La jurisprudence s’attache en premier lieu à examiner les stipulations contractuelles (Pour une illustration : Cass. com., 5 novembre 1991, Bull. civ. IV, n°335 : approuvant la Cour d’appel d’avoir annulé un contrat de franchise estimant que « l’arrêt retient que, par l’effet des stipulations contractuelles, la quantité et la qualité des choses à vendre dépendaient de la seule volonté du franchiseur ; qu’en l’état de ces seules constatations, dont il résulte que, pour la conclusion des contrats de vente successifs nécessaires à la mise en œuvre du contrat litigieux, qui comporte essentiellement des obligations de faire, les prix ne pouvaient être librement débattus et acceptés par les parties ; que l’arrêt se trouve ainsi légalement justifié »). Ainsi la Cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 22 mars 2007, Juris-Data n°332144) a-t-elle jugé que la clause par laquelle le franchisé s’engage à appliquer strictement les éléments de stratégie du franchiseur, notamment quant aux tarifs, n’est pas contraire aux dispositions de l’article L. 420-1 du Code de commerce qui sanctionne les pratiques anticoncurrentielles, dès lors que le contrat précise que les tarifs du franchiseur sont purement indicatifs et que le franchisé conserve la liberté de fixer ses prix de vente.

La même Cour avait déjà jugé que si une clause du contrat contient l’engagement du franchisé de pratiquer une politique de prix discount conforme au concept du franchiseur, elle n’en demeure pas moins licite, dès lors que le franchisé reste libre de fixer ses propres prix de vente (CA Lyon, 12 juillet 2005, Juris-Data n°292526).

(114)         Le Conseil de la concurrence a logiquement précisé que les stipulations contractuelles ressortent tant du contrat en lui-même que de ses annexes (Cons. conc., 24 janvier 2007, déc. n°07-D-04). Ainsi, un code de bonne conduite annexé au contrat de franchise a la même force obligatoire que le contrat lui-même. Dès lors, lorsqu’un tel code impose l’obligation pour le franchisé d’avoir à respecter les prix fixés par le franchiseur, sans préciser qu’il ne s’agit que de prix maximums conseillés, tombe sous le coup de l’article L. 420-1 du Code de commerce (Cons. conc., 24 janvier 2007, déc. n°07-D-04).

(115)         Par ailleurs, la pratique de prix imposé doit être sanctionnée, peu important que son auteur cesse cette politique de prix ultérieurement. Tel est l’autre enseignement de la décision du Conseil. En effet, pour écarter sa responsabilité, le franchiseur soutenait que les supports de vente allaient être modifiés afin qu’y figure désormais la mention « prix maxima conseillés » ; un tel changement, précise le Conseil, n’enlève pas aux pratiques antérieurement constatées leur caractère anticoncurrentiel.

A l’inverse, le Conseil de la concurrence n’a pas considéré que le franchiseur avait manqué aux règles concurrentielles concernant les ventes au détail et a ainsi écarté sa responsabilité, retenant notamment que le contrat ne prévoyait aucune sanction pour le cas où le franchisé pratiquerait des prix différents de ceux fournis.

(ii) Le comportement des parties lors de l’exécution du contrat

(116)         Lorsque le contrat de franchise n’impose pas au franchisé, directement ou indirectement, de suivre une politique de prix, les juridictions du fond s’attachent néanmoins à examiner le comportement des parties pendant l’exécution du contrat.

(117)         Elles s’attachent tout d’abord à vérifier que le franchisé n’a pas subi de pression de la part du franchiseur afin de l’obliger à appliquer les prix fixés par lui (Cons. conc. 24 janvier 2007, déc. n°07-D-04 ; CA Paris, 23 novembre 2006, inédit, RG n°03/02384). Puis, les juges vont examiner si les prix n’ont pas été imposés indirectement par une des trois pratiques aujourd’hui répandues.

La première consiste pour le franchiseur à procéder au pré-enregistrement des prix sur des caisses enregistreuses. La jurisprudence (Cons. conc., 6 juillet 1999, déc. n°99-D-49) considère que les systèmes informatisés de facturation ne sont pas contraires à l’article L.420-1 du Code de commerce lorsqu’il est établi que le logiciel n’était pas programmé de telle sorte qu’il était impossible à un franchisé de procéder à une tarification différente du tarif pré-enregistré.

Par la deuxième, proche de la précédente, le franchiseur pré-étiquette les marchandises fournies au franchisé, qui peut ainsi se voir contraint de suivre la tarification. Un tel procédé ne constitue une pratique prohibée que si le franchisé ne dispose pas de la possibilité de modifier les prix préconisés par le franchiseur (CA Paris, 7 mai 2002, Juris-Data n°212444). En effet, lorsque le changement d’étiquetage implique un travail important représentant un coût pour le franchisé de nature à le dissuader d’y procéder (Cons. conc., 28 mai 1996, déc. n°96-D-36), alors la pratique est sanctionnée. A l’inverse, elle ne l’est pas s’il est loisible au franchisé de fixer ses prix de revente à un autre niveau et de réaliser l’étiquetage correspondant (CA Lyon, 12 juillet 2005, Juris-Data n°292526).

La dernière pratique consiste pour le franchiseur à engager des campagnes publicitaires mentionnant une tarification. Selon le Conseil de la concurrence, est prohibée la pratique qui consiste à procéder à des campagnes publicitaires imposant aux franchisés de pratiquer les prix annoncés (Cons. conc., 28 mai 1996, déc. n°96-D-36).

(118)         Il faut noter également que constitue un indice de l’existence de prix imposés, les contrôles opérés par le fournisseur (Cons. Conc., 21 juillet 2006, déc. n°06-D-22). Ceux-ci ne suffisent pas à caractériser l’infraction, mais ils peuvent être corroborés par d’autres éléments, tels que notamment l’existence de sanctions infligées aux distributeurs réfractaires (Cons. Conc., 7 décembre 2006, déc. n°06-D-37).

(119)         Toute sanction peut être évitée en apposant pour chaque campagne la mention « prix maximums conseillés », laquelle permet au franchiseur de conduire une opération nationale, tout en laissant les franchisés, commerçants indépendants, libres dans la fixation de leur prix de vente (CA Lyon, 12 juillet 2005, Juris-Data n°292526).

2) Les obligations inhérentes à la transmission du savoir-faire

FDeux décisions commentées : CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit (RG n°04/06594) ; Cass. com., 16 janvier 2007 (pourvoi n°04-10.823)

(120)         Le savoir-faire du franchiseur emporte l’obligation pour le franchisé de respecter le concept (a) et l’obligation de non-concurrence (b).

a) Le respect du concept

(121)         L’exploitation par le franchisé du savoir-faire du franchiseur est la finalité première du contrat de franchise ; il s’agit naturellement d’une obligation essentielle du contrat, sanctionnée en cas de non-respect significatif par la résiliation du contrat.

Un arrêt récent de la Cour d’appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit, RG n°04/06594) en donne une illustration. Il était opposé reconventionnellement au franchisé de ne pas avoir respecté le concept lors de l’ouverture de son magasin (non conformité de lambrequins de stores, de l’éclairage intérieur du magasin, du comptoir, absence de faux plafonds et de pavés de néon encastrés, éléments de mobilier hors concept, vente de produits hors concept). Le non respect du concept n’était pas contesté par le franchisé. Ce dernier prétendait toutefois, pour faire échec à la mise en œuvre sa responsabilité, que le franchiseur avait été informé de ces aménagements (des représentants du franchiseur avaient visité le magasin durant les travaux).

Fort de ce constat, les juges du fond avaient déduit de l’absence de réaction du franchiseur face aux manquements constatés, l’impossibilité pour ce dernier de demander ultérieurement la résiliation des contrats pour ce motif ; les juges considéraient que le franchiseur avait soit toléré ces manquements, soit que ceux-ci avaient cessé, ces deux circonstances faisant toutes deux obstacle à son action en résiliation. La Cour d’appel de Bordeaux infirme la décision, le franchiseur pouvant se prévaloir de tout manquement du franchisé jusqu’à la signification par celui-ci de la résiliation du contrat.

b) L’engagement de non-concurrence durant l’exécution du contrat

(122)         Le contrat de franchise renferme souvent une obligation de non-concurrence pendant la durée du contrat destinée à protéger le savoir-faire.

Le non-respect de cette obligation autorise le franchiseur à résilier le contrat (CA Paris, 30 janvier 2002, Juris-Data n°174913). L’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation rendue le 16 janvier 2007 (Cass. com., 16 janvier 2007, pourvoi n°04-10.823) confirme cette faculté pour le franchiseur.

(123)         Au-delà des obligations évoquées ci-dessus, il faut rappeler que les parties restent soumises aux principes de bonne foi et de loyauté. Ainsi, il pèse par exemple sur le franchiseur une obligation d’information au profit du franchisé lorsqu’il cesse l’une de ses activités (Au visa de l’article 1134 du Code civil, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a censuré l’arrêt d’une cour d’appel pour défaut de base légale. Un franchisé reprochait notamment au franchiseur d’avoir abandonné l’une de ses activités sans l’en informer. La Cour d’appel avait rejeté sa demande considérant que le franchisé avait eu connaissance du fait que cette activité n’était plus rentable. La Cour de cassation casse ; il pesait sur le franchiseur une obligation d’information (Cass. com., 3 avril 2007, pourvoi n°05-21.759)).

II. Les relations avec les tiers

(124)         Il convient de distinguer la responsabilité du dirigeant de la société franchisée à l’égard du franchiseur (A) de celles mises en œuvre entre les cocontractants et des tiers (B).

A. La responsabilité du fondateur de la société franchisée à l’égard du franchiseur

FUne décision commentée : CA Chambéry, 27 mars 2007 (Juris-Data n°332227)

(125)         Souvent, au jour de la signature du contrat de franchise, la société franchisée est en cours de formation ; elle n’existe donc pas. Le contrat est donc conclu entre le franchiseur et le fondateur de la société à charge pour lui de faire reprendre le contrat par la société une fois celle-ci constituée et immatriculée.

En effet, en application de l’article L.210-6 du Code de commerce, celui qui agit au nom d’une personne morale en formation n’est pas tenu solidairement responsable des actes qu’il a accompli pour le compte de celle-ci, si une fois constituée et immatriculée, elle reprend les engagements souscrits en son nom. Les actes ainsi repris sont réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société.

La Cour de cassation a eu à s’interroger sur la possibilité pour le franchiseur de mettre en œuvre la responsabilité du fondateur en l’absence de reprise du contrat au moment de son action. Il ressort de cette décision que la responsabilité du fondateur ne peut être recherchée, si au jour où le juge statue, le contrat de franchise a été repris par la société franchisée (CA Chambéry, 27 mars 2007, Juris-Data n°332227).

B. La responsabilité entre tiers et cocontractants

F Quatre décisions commentées : Cass. com., 3 avril 2007 (pourvoi n°05-11.918) ; Cass. com., 23 janvier 2007 (pourvoi n°05-19.001) ; Cass. com., 23 janvier 2007 (n°04-17.837) ; Cass. com., 23 janvier 2007 (pourvoi n°04-10.422)

(126)         La responsabilité des cocontractants peut être recherchée dans différentes hypothèses. Il en va ainsi, notamment, du franchiseur complice de l’inexécution par un franchisé de ses obligations contractuelles (1), ou du franchisé cédant à l’égard du cessionnaire (2).

1) La responsabilité du tiers, complice de l’inexécution par le franchisé de ses obligations contractuelles

(127)         Si, du fait du principe de l’effet relatif des conventions (C. civ., art. 1165), les tiers ne sont pas obligés par un contrat qu’ils n’ont pas signé, il leur est interdit de faire obstacle à l’exécution de celui-ci. En effet, le tiers qui aide, en connaissance de cause, le débiteur à ne pas exécuter le contrat commet une faute délictuelle.

Le tiers est le plus souvent un concurrent direct du franchiseur. Ce dernier se rend complice du franchisé fautif lorsque qu’il a connaissance, d’une part, de l’existence d’un contrat de distribution liant la société avec laquelle il traite à un autre distributeur, et, d’autre part, de l’engagement de non-réaffiliation inclus dans ledit contrat (CA Chambéry, 13 décembre 2005, Juris-Data n°296053).

(128)         Un arrêt récent a été rendu en ce domaine ; en effet, la chambre commerciale de la Cour de cassation a retenu, par un arrêt du 3 avril 2007, que le tiers concurrent n’était pas complice de la violation par le franchisé de ses obligations. En l’espèce, le franchiseur reprochait au tiers concurrent d’avoir approvisionné son franchisé et d’avoir permis l’apposition de son enseigne sur le commerce exploité par ce dernier. Parallèlement à cette action, le franchisé avait été condamné à reprendre l’exécution de la convention.

L’approvisionnement du franchisé par le tiers concurrent ne pouvait être reproché à ce dernier dès lors que le contrat de franchise ne prévoyait pas de clause d’approvisionnement exclusif dans le contrat de franchise. De plus, compte tenu de la date à laquelle les faits litigieux étaient reprochés au tiers concurrent – entre le jour où le franchisé avait dénoncé le contrat et déposé l’enseigne, et le jour où il a été condamné à reprendre l’exécution du contrat de franchise –, ce dernier avait légitimement pu croire que le contrat de franchise n’existait plus (Cass. com., 3 avril 2007, pourvoi n°05-11.918).

(129)         En outre, si l’on sait qu’un franchiseur peut engager sa responsabilité lorsqu’il contracte avec un franchisé lié par un engagement de non-réaffiliation (Voir pour une illustration, CA Chambéry, 13 décembre 2005, Juris-Data n°296053), qu’en est-il en l’absence d’engagement de non-réaffiliation dans le contrat de franchise ? Un franchiseur peut-il encore, dans ce cas, engager sa responsabilité en signant un contrat de franchise avec un franchisé venant de résilier de manière anticipée le contrat de franchise qui le liait à un réseau concurrent ?

La Cour de cassation y répond par l’affirmative, dans trois décisions remarquables rendues le 23 janvier 2007, en des termes à la fois nuancés et conformes aux solutions issues du droit commun.

Dans la première affaire, la responsabilité du franchiseur est écartée au motif qu’il n’avait pris aucune part dans la décision fautive du franchisé de résilier son contrat de franchise de manière anticipée ; le franchisé avait pris cette décision indépendamment de toute intervention du franchiseur concurrent. Du moins, la preuve contraire n’était pas rapportée. Aussi, la Cour précise-t-elle que, dans ce cas, la connaissance par le second franchiseur de l’affiliation du franchisé au premier réseau ne suffit pas, par elle-même, à caractériser sa complicité fautive dans la résiliation du contrat de franchise (Cass. com., 23 janvier 2007, pourvoi n°05-19.001). Cette solution doit être approuvée.

 

A l’inverse, dans une autre affaire, le franchiseur engage sa responsabilité pour avoir participé en connaissance de cause à la violation par la société franchisée de ses obligations contractuelles envers un franchiseur concurrent. L’arrêt ajoute que, dans ce cas, la condamnation du franchiseur doit être retenue, peu important que le franchisé ne l’ait démarché qu’après avoir déposé son enseigne (Cass. com., 23 janvier 2007, pourvoi n°04-17.837).

Le troisième arrêt précise l’indemnisation à laquelle le franchiseur lésé peut prétendre en pareil cas. Il condamne le franchiseur, complice de la rupture anticipée du contrat de franchise, au paiement des factures de marchandises et de cotisations impayées, et ce alors même que ces sommes correspondent pour partie à des prestations antérieures à la rupture du contrat de franchise (Cass. com., 23 janvier 2007, pourvoi n°05-10.422).

2) La responsabilité du franchisé cédant à l’égard du cessionnaire

F Une décision commentée : CA Paris, 6 juillet 2006 (Juris-Data n°314131)

(130)         Conformément au droit commun des obligations, la responsabilité du franchisé peut être mise en oeuvre si, à l’occasion de la vente de son fonds de commerce, ce dernier a manqué aux obligations de loyauté et de bonne foi contractuelles.

La Cour d’appel de Paris (CA Paris, 6 juillet 2006, Juris-Data n°314131) a ainsi retenu la responsabilité délictuelle du franchisé-cédant à l’égard du candidat cessionnaire. En l’espèce, au cours des négociations préalables à la vente du fonds de commerce du franchisé, le cessionnaire avait indiqué qu’il ne souhaitait pas poursuivre le contrat de franchise liant cédant, de sorte que la résiliation préalable du contrat de franchise était une condition de la réalisation de la vente. Or, le franchisé, alors en pourparlers avec le cessionnaire, avait laissé se renouveler tacitement le contrat de franchise et n’avait de surcroît pas notifié au franchiseur son intention de vendre, faisant ainsi obstacle au droit de préemption dont bénéficiait se dernier. Le franchisé cédant est condamné à verser au cessionnaire des dommages et intérêts.

La circulation du contrat de franchise

(131)         Conformément au droit commun, le contrat de franchise ne saurait être cédé qu’avec l’accord des deux parties : la cessibilité de tout contrat est possible mais implique nécessairement l’accord du cédé (Le principe souffre toutefois une exception. L’article L.642-7 du code de commerce (L.621-88 ancien) organise la cession d’entreprise mise en redressement judiciaire et prévoit la possibilité d’une cession forcée des contrats de crédit-bail, de location ou de fournitures de bien sous services nécessaires au maintien de l’activité. La jurisprudence n’est pas unanime sur la question de savoir si le contrat de franchise peut faire, en application de cette disposition, l’objet d’une cession forcée : par deux arrêts, la Cour d’appel de Versailles  (CA Versailles, 13 mai 1993, Rev. proc. Coll. 1995, 172 ; CA Versailles, 23 juin 1988, GP. 1989, 1, somm. p.12) a répondu par l’affirmative, tandis que la Cour d’appel de Paris a décidé l’inverse (CA Paris, 15  décembre 1992, JCP E, 1993, I, 275 : il s’agissait de la procédure affectant un franchiseur et non un franchisé ; or, dans le franchisage, les franchisés ne fournissent pas de biens ou de services au franchiseur)).

Ainsi, le franchiseur souhaitant céder un ou plusieurs de ses contrats de franchise, devra recueillir l’accord de ses cocontractants ; cet accord peut être donnée par avance dans le contrat (I). Il en est de même pour le franchisé qui devra, de surcroît, respecter les clauses destinées à encadrer la cession de son contrat de franchise et/ou de son fonds de commerce (II).

I. La cession par le franchiseur du réseau et des contrats de franchise y afférents

(132)         La cession voulue par le franchiseur intervient selon des modalités déterminées (A) et, lorsqu’elle est permise, produit certains effets (B).

A. Les modalités de la cession

F Une décision commentée : CA Angers, 26 septembre 2006, inédit (RG n°05/02269)

(133)         Les modalités encadrant la cession des contrats de franchise varient en fonction de la prévision des parties : les parties n’ont parfois pas envisagé la cession du contrat de franchise (1) ou, au contraire, ont inséré une clause autorisant ab initio la cession (2).

1) En l’absence de clause autorisant la cession ab initio

(134)         La substitution du franchiseur peut être convenue par les parties postérieurement à sa conclusion mais le franchiseur doit obligatoirement obtenir l’accord (Comme pour toute manifestation de volonté, l’accord du franchisé cédé peut être exprès ou tacite. Il pourra résulter, notamment, de la poursuite du contrat de franchise après que le franchisé a eu connaissance de la cession (Cass. com., 28 avril 2004, pourvoi n°00-22.354 ; Cass. com., 6 juillet 1999, RJDA 1999, n°1197)) du franchisé à la cession (Ce n’est que l’application du droit commun des contrats. Le droit positif ne permet la cession de contrat sans l’accord du cédé. Le principe a été affirmé par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt de principe du 6 mai 1997 (Bull. civ. IV, n°117) et depuis lors confirmé (Cass. civ. 1ère, 6 juin 2000, Bull. civ. I, n°173 ; Cass. com., 28 avril 2004, pourvoi n°00-22.354). La solution est conforme aux principes de la force obligatoire des contrats (C. civ., art. 1134 al. 1er) et de l’effet relatif des conventions (C. civ., art. 1165) : le premier fait obstacle à ce que le cédant puisse, sans l’accord du cédé, permettre à un tiers d’exécuter à sa place, tandis que le second interdit au cédé, parce qu’il est un tiers au contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire, d’être tenu par ce contrat).

En l’absence d’accord du franchisé à la cession, le franchiseur est maintenu dans la relation contractuelle, peu important à cet égard que les autres franchisés membres du réseau, aient donné ou non leur accord.

L’inexécution par le franchiseur de ses obligations contractuelles emporte la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur. S’il n’est pas exigé de ce dernier qu’il assure l’animation et le développement d’un réseau identique à celui existant avant la cession, il demeure néanmoins débiteur des obligations essentielles telles que l’approvisionnement et la promotion (Cass. com., 28 juin 2005, pourvoi n°04-10.038).  Le franchiseur doit donc honorer ses engagements jusqu’au terme du contrat même si, du fait de la cession, il ne peut plus exécuter ses obligations dans la même mesure.

(135)         Il est donc permis – et même conseillé – d’introduire une clause encadrant la demande d’autorisation du franchisé. Aux termes de cette clause, le franchiseur s’engage à informer ses franchisés, par lettre recommandée avec accusé de réception, de sa volonté de céder le contrat à telle personne. Il est judicieux d’octroyer un délai au franchisé pour accepter ou refuser la cession et prévoir qu’à défaut de réponse de sa part dans le délai imparti, il sera réputé avoir accepté la cession envisagée. Il s’agit là de contractualiser la preuve de l’acceptation de la cession par le franchisé, le silence valant contractuellement acceptation.

2) En présence d’une clause autorisant la cession ab initio

(136)         Devant la nécessité d’obtenir le consentement de l’ensemble des franchisés à la cession, le franchiseur a tout intérêt à insérer dans le contrat de franchise une clause lui permettant de céder librement les contrats de franchise. Ainsi les franchisés consentent ab initio à la cession de leur contrat de franchise et, par conséquent, ne peuvent tirer argument de la cession pour résilier valablement le contrat de franchise.

Il convient par ailleurs de préciser les modalités suivant lesquelles le franchisé sera informé de la cession de sa position contractuelle par le franchiseur et de l’identité du cessionnaire ; cette information est indispensable à l’effectivité de la substitution du franchiseur cessionnaire au franchiseur cédant dans la relation avec le franchisé.

(137)         Un arrêt de la Cour d’appel d’Angers (CA Angers, 26 septembre 2006, inédit, RG n°05/02269) a eu à connaître de la régularité de la cession de son enseigne par le franchiseur. En l’espèce, le franchiseur avait cédé son enseigne à une société concurrente quelques jours après la conclusion d’un contrat de franchise. Le franchisé a sollicité la nullité du contrat pour dol au motif qu’il n’avait pas été tenu informé de ce rachat et qu’il avaient été tenu dans l’ignorance de ce que les produits du franchiseur étaient destinés à ne plus être distribués. Pour rejeter sa demande et déclarer le contrat de franchise valide, les juges du fond ont notamment retenu que « l’opération de cession par le franchiseur de son enseigne entrait dans les prévisions (…) du contrat de franchise aux termes duquel les modifications qui pourraient intervenir dans la personne du franchiseur, telles que par exemple, fusion, scission, absorption, apport partiels d’actifs, cession ou tout accords juridique ou commercial avec un tiers, ne sauraient remettre en cause l’existence ou l’exécution du présent contrat ». La Cour d’appel a rejeté l’argument du franchisé qui soutenait qu’une telle clause présentait un caractère léonin (Une clause est léonine lorsque son exécution aurait pour résultat de procurer à l’un des contractants un avantage exorbitant au détriment des autres. Elle peut entraîner la nullité de la convention ou de la clause considérée léonine ou, parfois, justifier seulement la réduction prétorienne des profits unilatéraux excessifs), a relevé que la politique du groupe était bien de maintenir la marque du franchiseur-cédant avant de préciser, enfin, qu’en raison du principe de confidentialité présidant aux négociations relatives au rachat et fusion entre sociétés, le franchiseur n’avait pas à informer le franchisé des négociations en cours.

(138)         Les parties peuvent préférer une clause de cession sous condition d’agrément. Par cette stipulation, le franchisé conserve le droit d’accepter ou de refuser la personne du cessionnaire (Afin que ce pouvoir ne soit pas totalement discrétionnaire, la clause peut énoncer, limitativement, les types de motifs aptes à justifier un tel refus (expérience/inexpérience du cessionnaire dans la franchise, et/ou dans l’activité du réseau ; insuffisance des garanties commerciales, financières, etc..). Cette exigence oblige le franchisé à motiver précisément son refus. Le contrat peut prévoir qu’un défaut ou q’une insuffisance de motivation prive d’effet un refus d’agrément et permet donc la cession).

La clause de cession sous condition d’agrément doit organiser les modalités d’expression de la décision du franchisé, à savoir : les conditions de communication du projet de cession, tout particulièrement quant à la personne du cessionnaire pressenti ; le délai dans lequel le franchisé devra faire connaître sa décision au franchiseur ; les formes d’expression de cette décision (il est judicieux de prévoir que le silence du franchisé vaudra acceptation).

B. Les conséquences de la cession du contrat de franchise

(139)         En cas de cession des contrats à un nouveau franchiseur, celui-ci est tenu d’exécuter les contrats existants jusqu’à leur terme, sans pouvoir en modifier unilatéralement les dispositions contractuelles (Cass. com., 3 janvier 1996, pourvoi n°94.12.314). A défaut, le contrat sera résilié aux torts exclusifs du franchiseur, qui pourra, le cas échéant, être condamné au paiement de dommages et intérêts.

(140)         A défaut de stipulation contraire, le cessionnaire ne se substitue au cédant que pour l’avenir, tant dans ses droits que dans ses obligations (Cass. com., 6 janvier 1998, Bull. civ. IV, n°7). Le cédant demeure tenu des dettes antérieures à la cession (Mais les parties à la cession peuvent en convenir autrement. Elles peuvent prévoir que le cessionnaire bénéficiera des droits antérieurs et sera tenu des dettes antérieures, quitte à se retourner contre le cédant, tenu de le garantir des dettes. Encore faut-il alors le prévoir dans le contrat de franchise (et pas seulement dans le contrat de cession), car le franchisé cédé n’est pas partie à cette dernière convention).

II. La cession par le franchisé de son contrat et de son fonds de commerce

(141)         A son tour, le franchisé peut décider de céder son contrat de franchise ou son fonds de commerce. Comme dans la plupart des contrats de distribution, le contrat de franchise stipule très souvent au profit du franchiseur une clause d’agrément et/ou une clause de préférence. Les solutions jurisprudentielles récentes en réaffirment la validité (A) et précisent les conditions de leur mise en œuvre (B).

A. La validité des clauses d’agrément et de préférence

FUne décision commentée : CA Angers, 19 décembre 2006 (Juris-Data n°330903)
(142)         Ces clauses d’agrément et de préférence sont parfaitement licites (La Cour de cassation a jugé que la clause d’agrément insérée dans un contrat de distribution pouvait s’appliquer aux opérations de fusion-absorption (Cass. com., 13 décembre 2005, pourvoi n°03-16.878)).

(143)         Un arrêt récent de la Cour d’appel d’Angers (CA Angers, 19 décembre 2006, Juris-Data n°330903) a réaffirmé ce principe avec force : « les clauses par lesquelles le franchiseur interdit au franchisé de céder le contrat de franchise ou un élément essentiel de son fonds de commerce sans l’agrément du franchiseur et qui imposent au franchisé de proposer la vente en priorité au franchiseur sont licites et caractéristiques de l’intuitu personae du contrat de franchise » (V. aussi en ce sens, CA Paris, 21 septembre 2005, Juris-Data n°294284 : ayant eu à connaître de la validité d’une clause d’agrément portant sur la cession de son fonds de commerce par le franchisé, la Cour retient que le franchisé se fondait à tort sur « l’article 85-1du Traité de Rome (…) aujourd’hui repris dans l’article 81 TCE, pour soutenir qu’il appartenait à la société (franchiseur) de justifier de la licéité de la clause d’agrément contenue dans le contrat de franchise au regard des dispositions du droit communautaire de la concurrence relatives aux ententes et demander à la Cour de déclarer cette clause abusive et dépourvue de tout effet, alors qu’il n’est nullement justifié que le réseau de franchise (…) serait susceptible d’affecter le commerce intracommunautaire », avant de préciser que la clause d’agrément n’est pas une restriction à la concurrence mais constitue un modalité d’application de l’intuitu personae propre au contrat de franchise).

En l’espèce, le droit de préférence était renforcé par une clause d’agrément. Ainsi, à défaut pour le franchiseur d’exercer son droit de préférence, le franchisé pouvait céder le fonds de commerce ou l’un de ses éléments, le franchiseur conservant alors le droit d’agréer ou non le cessionnaire. Le franchisé soutenait que ces deux clauses étaient abusives au motif que leur combinaison – quoique fréquente dans bien des domaines du droit – rendait impossible toute vente du fonds de commerce à un tiers. La Cour d’appel ne l’a pas suivi dans son argumentation, consacrant le caractère intuitu personae du contrat de franchise.

B. La mise en œuvre des clauses d’agrément et de préférence

1. La clause d’agrément

F Une décision commentée : Cass. com., 6 mars 2007 (Juris-Data n°037802)

(144)         La clause d’agrément est un instrument de contrôle de la circulation du contrat entre les mains de l’agréant qui peut refuser (a) ou autoriser (b) la cession.

a) Le refus du franchiseur

(145)         Le refus du franchiseur d’agréer le candidat cessionnaire peut faire l’objet d’un contrôle par le juge (i) et emporte plusieurs conséquences (ii).

i) Le contrôle du refus d’agrément

(146)         Les clauses soumettant la transmission du contrat de franchise à l’agrément du franchiseur sont parfois mal perçues par les franchisés. Pourtant, la clause d’agrément n’aggrave pas leur situation par rapport au principe d’intransmissibilité, au contraire. Si le contrat en est dépourvu, le franchiseur peut refuser discrétionnairement la cession : son refus est libre. En revanche, quand une clause d’agrément a été stipulée, le refus est valable sous réserve d’abus (Cass. com., 3 novembre 2004, pourvoi n°02-17.919). Cela ne veut pas dire que l’agréant doit obligatoirement motiver son refus – à moins que le contrat en dispose autrement –, mais que les motifs de son refus pourront être contrôlés par le juge en cas de litige (Cass. com., 2 juillet 2002, Bull. civ. IV, n°113 ; Cass., com., 5 octobre 2004, pourvoi n°02-17.338 ; Cass., com., 3 novembre 2004, pourvoi n°02-17.919).

(147)         Le refus d’agrément doit être fondé sur de justes motifs, à peine de constituer une faute justifiant la réparation du préjudice consécutif au refus subi par le franchisé. Pour l’heure, la jurisprudence refuse de sanctionner le refus abusif d’agréer par la privation d’effet dudit refus.

L’analyse des solutions jurisprudentielles en la matière révèle que la légitimité des motifs du refus est appréciée au regard des intérêts propres à l’agréant et au regard de l’économie générale du contrat de franchise. Par ailleurs, les motifs du refus peuvent tenir à des considérations étrangères au candidat présenté : il peut tenir par exemple à l’absence de viabilité économique du projet, dans la mesure où l’établissement serait acquis à un prix trop élevé (Cass. com., 5 octobre 2004, pourvoi n°02-17.338).

(148)         Le droit de la distribution fournit une illustration récente du contrôle opéré par les juges sur le refus de l’agréant (Cass. com., 6 mars 2007, Juris-Data n°037802). En l’espèce, la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel ayant jugé que le refus du concédant d’agréer la société cessionnaire en qualité de distributeur de véhicules neufs n’était pas fautif. L’arrêt retient que la méthode de sélection quantitative appliquée au cas d’espèce repose, à titre principal, sur un maillage territorial avec une définition des pôles d’attraction et, à titre subsidiaire, sur l’utilisation des précédents objectifs contractuels de vente supérieurs à 300 véhicules. L’arrêt constate que de tels critères, objectifs et précis, ont été émis en œuvre de façon uniforme.

(ii) Les conséquences du refus d’agréer

(149)         Si le franchisé passe outre le refus du franchiseur, le contrat sera résilié aux torts exclusifs du franchisé (CA Paris, 21 septembre 2005, Juris-Data n°294284 énonçant que la « cession, effectuée en violation des dispositions du contrat de franchise, a entraîné la résiliation automatique anticipée de ce contrat aux torts exclusifs du franchisé »). Cette rupture peut être immédiate ou différée, lorsqu’il paraît préférable que les parties disposent d’un délai pour organiser sereinement la situation appelée à faire suite au contrat.

Le contrat peut prévoir que la cession effectuée en violation de la clause d’agrément sera sanctionnée par le paiement d’une clause pénale dont le montant est fixé par les parties. Le franchisé sera d’autant plus dissuadé de céder  son contrat si le montant de l’indemnité est élevé, même si celui-ci ne doit pas être manifestement excessif pour éviter tout risque de réduction par le juge (v. infra § 217 et s. sur le pouvoir modérateur du juge en présence d’une clause pénale).

b) L’accord du franchiseur

(150)         Si le franchiseur accepte d’agréer le candidat, le contrat de franchise lui est transmis et il se substitue au cédant dans le rapport contractuel. C’est le même contrat qui se poursuit, et le franchiseur n’est donc pas tenu de délivrer le document d’information précontractuelle prévu par la loi Doubin. En effet, pour l’heure, la jurisprudence n’exige le respect des prescriptions légales que dans l’hypothèse de la conclusion d’un nouveau contrat, qu’il résulte de la signature d’un nouvel acte ou de l’effet produit par la tacite reconduction du premier (Cass. com., 14 janvier 2003, pourvoi n°00-11.781).

2. La clause de préférence

(151)         Aux termes d’une clause de préférence, une personne – le promettant – s’engage, pour le cas où elle se déciderait à vendre un bien, à l’offrir prioritairement à son bénéficiaire, qui jouit d’un droit de préemption. La clause conférant un droit de préférence au franchiseur en cas de cession de son fonds de commerce par le franchisé est très fréquente dans le domaine de la franchise. Elle permet au franchiseur, détenteur de la marque, de maintenir son implantation, donc de préserver son réseau.

 

(152)         Il faut envisager l’hypothèse de la violation du droit de préférence consenti au franchiseur (a) et celle où le franchiseur, mis en mesure d’exercer son droit de préférence, n’en a pas usé dans le délai imparti (b).

a) La violation du droit de préférence consenti au franchiseur

F Cinq décisions commentées : Cass. com., 23 janvier 2007, pourvoi n°05-11.919 ; CA Douai, 21 décembre 2006, inédit (RG n°04/02939) ; CA Angers, 19 décembre 2006 (Juris-Data n°330903) ; CA Douai, 7 décembre 2006, inédit (RG n°05/03872) ; CA Paris, 15 novembre 2006 (Juris-Data n°332074)

(153)         Les solutions jurisprudentielles récentes offrent la possibilité de préciser la nature de la violation du droit de préférence (i) et ses sanctions (ii).

(i) La nature de la violation

(154)         La violation du droit de préférence peut intervenir dans trois hypothèses bien distinctes.

En premier lieu, la violation est bien sûr caractérisée lorsque le franchisé réalise la cession, objet du pacte, sans l’avoir proposée en priorité au franchiseur; c’est pourquoi une offre présentée postérieurement à la conclusion du contrat litigieux ne saurait exonérer le promettant de sa responsabilité ; une telle attitude n’a aucun effet sur la violation du pacte (Cass., civ. 1ère, 11 juillet 2006, Juris-Data n°034537).

(155)         En second lieu, le droit de préférence est violé lorsque le promettant, après avoir proposé la vente au bénéficiaire du droit de priorité qui l’a refusée, cède à un tiers à des conditions plus avantageuses (CA Paris, 7 décembre 2005, Juris-Data n°289983) ; en pareil cas, il est logique que le bénéficiaire, qui n’a pas été mise en mesure de pouvoir se substituer au cessionnaire à des conditions équivalentes, invoque le violation de la clause. Ainsi, il faut  – mais il suffit – que l’offre présentée ultérieurement au tiers soit similaire à celle soumise au bénéficiaire, étant précisé que la Cour de cassation ne semble pas tenir compte de l’évolution du marché puisqu’elle a jugé que le pacte de préférence ne peut plus être valablement invoqué par le bénéficiaire qui l’a d’abord refusé, dès lors que le bien vient à être vendu aux conditions de l’offre (Cass. civ. 3ème, 29 janvier 2003, Bull. civ. III, n°24).

(156)         Enfin, la jurisprudence retient que le pacte est violé, alors même que la cession s’est réalisée postérieurement à la survenance du terme du contrat de franchise, dès lors qu’il est établi que le cédant et le cessionnaire se sont entendus sur les conditions de la cession avant l’expiration dudit contrat. En principe, lorsque le droit de préférence est stipulé dans un contrat conclu pour une durée déterminée, la survenance du terme entraîne l’extinction du droit de préférence : le promettant retrouve la liberté de céder son bien sans le proposer en priorité au bénéficiaire. Mais les juges, soucieux de sanctionner les comportements déloyaux, considèrent que la violation est caractérisée dès lors qu’il est établi que la période de discussion et de négociation s’est déroulée peu avant le terme du contrat de franchise (CA Douai, 7 décembre 2006, inédit, RG n°05/03872 ; CA Douai, 21 décembre 2006,  inédit, RG n°04/02929).

Un arrêt de la Cour d’appel d’Angers (CA Angers, 19 décembre 2006, Juris-Data n°330903) est particulièrement significatif. En l’espèce, le contrat de franchise faisait interdiction au franchisé de céder le contrat de franchise ainsi que le fonds de commerce (ou l’un de ses éléments essentiels) sans l’agrément du franchiseur, qui disposait par ailleurs d’un droit de priorité en cas de vente dudit fonds. Le franchisé avait attendu le terme du contrat pour céder son droit au bail, la cession n’ayant eu lieu que cinq jours après la fin du contrat. La cour d’appel en a déduit que le projet de cession avait nécessairement été mis au point alors que le contrat de franchise était toujours valable et a jugé, qu’en s’abstenant d’informer son franchiseur du projet de cession de droit au bail, le franchisé, tenu d’exécuter le contrat de bonne foi, avait donc violé le pacte de préférence, peu important à cet égard que la cession soit intervenue après le terme contractuel. La Cour de cassation avait déjà consacré cette solution dans une affaire où le promettant et le cessionnaire du fonds s’étaient entendus avant le terme du contrat de franchise sur les éléments essentiels de la vente du fonds de commerce (Cass. com., 13 décembre 2005, pourvoi n°04-18.243).

(157)         Autrement dit, la violation du droit de préférence est démontrée dès lors que le bénéficiaire du pacte établit qu’une offre précise et définitive existait avant l’expiration du contrat de franchise. Pour ce faire, il peut saisir le juge des référés d’une demande de mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du NCPC, sans que puisse lui être opposé le fait que la cession soit intervenue après le terme du contrat (Cass., com., 14 février 2006, pourvoi n°05-13.127).

(ii) Les sanctions de la violation

(158)         Quelle que soit l’hypothèse considérée, le franchiseur dont le droit de préférence a été violé dispose de deux types d’actions, non exclusives l’une de l’autre : une action en responsabilité dirigée contre le ou les auteur(s) de la violation du pacte (a) et une action en nullité du contrat conclu en fraude de ses droits aux fins de substitution au tiers acquéreur (b).

(a) La responsabilité des protagonistes ayant violé le droit de préférence

(159)         D’une part, le bénéficiaire du pacte peut engager la responsabilité contractuelle du débiteur de l’obligation qui ne respecte pas son engagement. En matière de franchise, le franchiseur dispose de la faculté de résilier le contrat en raison du manquement à l’obligation contractuelle. Cette solution est connue (CA Paris, 7 décembre 2005, Juris-Data n°289983 ; Cass., com., 13 décembre 2005, pourvoi n°04-18.243).

(160)         Le bénéficiaire du pacte peut également engager la responsabilité délictuelle du tiers acquéreur dès lors que ce dernier a contracté en connaissance de l’existence du pacte de préférence (Cass. com., 13 décembre 2005, pourvoi n°04-18.243).

Par deux arrêts inédits, la Cour d’appel de Douai (CA Douai, 21 décembre 2006, RG n°04/02939 ; CA Douai, 7 décembre 2006, RG n°05/03872) a affirmé le principe selon lequel le tiers acquéreur professionnel a le devoir de « se » renseigner (V. sur la question, P. Jourdain, Le devoir de se renseigner, D. 1983, chron. p.139) sur la situation juridique de son cocontractant. L’exigence de sécurité des affaires recommande en effet de ne pas permettre à ceux qui, tentés de se retrancher derrière une prétendue ignorance du pacte, étendrait déjouer les effets d’une telle clause, au demeurant fort répandue dans les usages de la franchise.

(161)         La responsabilité du tiers suppose, bien sûr, qu’il ait commis une faute. Tel n’est pas le cas lorsque ce dernier a négocié avec le franchisé alors que le contrat de franchise avait déjà pris fin. En revanche, dès lors qu’une sentence arbitrale, statuant sur la responsabilité du franchisé, décide que la violation est intervenue pendant la durée de validité du contrat, une cour d’appel ne peut écarter la responsabilité du tiers acquéreur du fonds au seul motif que la sentence arbitrale ayant condamné le franchisé cédant pour résiliation anticipée du contrat de franchise et violation du pacte de préférence serait inopposable aux tiers. Si une sentence arbitrale n’a effectivement autorité de la chose jugée qu’eu égard au litige qu’elle tranche, elle n’en est pas moins opposable aux tiers (Cass. com., 23 janvier 2007, Juris-Data n°037125).

(162)         Le franchiseur dont le droit de préférence a été violé est indemnisé de sa perte de chance de perception des cotisations de franchise, de sa perte de chance de perception de bénéfice brut sur les approvisionnements et de son préjudice commercial résultant de l’atteinte à l’image du réseau de franchise auquel donne lieu le passage d’un franchisé à une enseigne concurrente (CA Douai, 21 décembre 2006, RG n°04/02939 ; CA Douai, 7 décembre 2006, RG n°05/03872).

(b) La nullité du contrat conclu en fraude des droits du franchiseur et  sa substitution au tiers acquéreur

(163)         Depuis le revirement réalisé par la chambre mixte de la Cour de cassation le 26 mai 2006 (Cass. mixte., 26 mai 2006, Juris-Data n°033690 : « Si le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit (…) d’obtenir sa substitution à l’acquéreur c’est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir »), le créancier peut obtenir l’exécution forcée de son droit de préférence.

La nullité de la cession intervenue en violation de ses droits et sa substitution au tiers acquéreur peuvent en effet être ordonnée à la double condition toutefois que ce dernier ait eu connaissance de l’existence du pacte de préférence et de la volonté de son bénéficiaire de s’en prévaloir.

(164)         Ces deux conditions étant très rigoureuses et craignant que la possibilité d’une substitution ne demeure théorique, les commentateurs ont préconisé, au lendemain de l’arrêt, un allègement de la charge de la preuve, en proposant l’institution d’une présomption portant sur la connaissance par le tiers de la volonté du bénéficiaire de se prévaloir du pacte ou, à tout le moins, d’une obligation de « se » renseigner mise à la charge de ce dernier. Pour l’heure, la Haute juridiction ne semble pas (encore ?) déterminée à s’engager dans l’une de ces voies. Elle s’attache à vérifier que les juges du fond ont bien établi la double condition de connaissance par le tiers, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir.

Par un arrêt du 31 janvier 2007, la troisième chambre civile de la Cour de cassation proclame à son tour que le bénéficiaire d’un tel pacte « est en droit d’exiger l’annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d’obtenir sa substitution à l’acquéreur », mais en précisant bien que ce droit est subordonné à « la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir » (Cass. civ. 3ème, 31 janvier 2007, pourvoi n°05-21.071 : la formule est identique à celle ).

Toutefois, un arrêt du 14 février 2007, également rendu par la troisième chambre civile (Cass. civ. 3ème, 14 février 2007, pourvoi n°05-21.814), témoigne d’une certaine souplesse des juges dans l’appréciation de la preuve de la connaissance par le tiers de l’intention du créancier de se prévaloir du pacte. En l’espèce, les juges ont estimé que la connaissance était établie par le fait que le tiers acquéreur avait eu connaissance du litige opposant le cédant à la société bénéficiaire du pacte au cours duquel son représentant légal avait exprimé sa volonté d’acquérir l’immeuble. Or, force est de constater que s’il ressort des constatations de la Cour d’appel que le tiers avait bien eu connaissance du litige, rien ne permettait d’affirmer avec certitude qu’il avait eu connaissance de la volonté du bénéficiaire du pacte exprimée à cette occasion. N’y a-t-il pas là le signe annonciateur de l’institution prochaine d’une présomption de la connaissance par le tiers de la volonté du bénéficiaire de se prévaloir du pacte ?

(165)         En outre, la substitution ne sera pas prononcée si elle est impossible : tel est le cas en cas de disparition de l’objet du contrat conclu en fraude des droits du bénéficiaire du pacte. Un arrêt de la Cour d’appel de Paris le montre (CA Paris, 15 novembre 2006, Juris-Data n°332074). Plusieurs franchisés appartenant à un même groupe avaient cédé les actions des sociétés dont ils étaient actionnaires à un tiers concurrent de leur franchiseur, alors que le contrat de franchise qu’ils avaient signé prévoyait en pareil cas un droit de préemption au bénéfice du franchiseur. Ce dernier réclamait l’annulation de cette cession et sa substitution dans les droits du cessionnaire. Constatant la violation par les franchisés et le tiers cessionnaire du droit de préférence stipulé au bénéfice du franchiseur ainsi que la connaissance du tiers de l’existence du droit de préférence et de l’intention de son bénéficiaire de s’en prévaloir, la Cour d’appel a prononcé la nullité de l’action mais a refusé de prononcer la substitution du franchiseur dans les droits du tiers cessionnaire, en raison de la disparition des titres litigieux par suite de l’opération de fusion-absorption des sociétés cédées.

b) Le non exercice par le franchiseur de son droit de préférence

F Quatre décisions commentées : Cass. com., 15 mai 2007, pourvoi n°06-11.583 ; Cass. com., 15 mai 2007, Juris-Data n°03.89.53 ; Cass. com., 23 janvier 2007 (Juris-Data n°037125) ; TC Paris, 3 juillet 2006, Juris-Data n°314649

(166)         Lorsque le franchiseur averti du projet de vente n’exerce pas son droit de préférence, le franchisé retrouve la liberté de vendre son fonds de commerce à toute personne de son choix. Pour autant, le respect du droit de préférence n’exclut pas, dans certains cas, la mise en œuvre de la responsabilité du franchisé-cédant (i) et celle du tiers acquéreur (ii).

(i) La responsabilité du franchisé – cédant

(167)         Le franchisé a la possibilité de céder son fonds sans le contrat de franchise. Dans ce cas, la cession du fonds de commerce ne s’accompagne pas de la cession automatique du contrat de franchise.

(168)         Dans la mesure où le contrat de franchise n’est pas automatiquement transmis au cessionnaire du fonds, il est résilié. En effet, si cette cession intervient avant le terme du contrat de franchise, elle a pour effet d’empêcher l’exécution de celui-ci et entraîne donc sa rupture. En pareil cas, la responsabilité de la rupture est imputée au franchisé. Les juridictions du fond semblent s’être fixées en ce sens (CA Nîmes du 8 septembre 2005, RG n°03/03202 : en l’espèce, le franchiseur, après avoir eu connaissance de l’offre du candidat repreneur, ne s’était pas porté acquéreur du fonds de commerce de son franchisé, lequel avait cédé son fonds au repreneur qui n’avait pas repris le contrat de franchise. La Cour d’appel a considéré que la cession du fonds de commerce sans le contrat de franchise avait emporté la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé. Elle a indiqué que le franchiseur pouvait actionner le franchisé afin d’obtenir la réparation du préjudice qu’il avait subit du fait de la rupture anticipée du contrat de franchise).

(169)         A notre connaissance, cette solution n’a jamais été énoncée par la Cour de cassation ; un arrêt semble néanmoins la conforter. Dans un attendu de principe, la Cour de cassation juge que l’acquisition d’un fonds de commerce, faite sans déloyauté et dans le respect du droit de préemption du franchiseur, ne constitue pas une faute de nature à rendre l’acquéreur complice de la rupture, même fautive, du contrat de franchise (Cass. com., 15 mai 2007, Juris-Data n°038953). Par cet obiter dictum, la Haute juridiction a implicitement mais nécessairement jugé que la résiliation du contrat de franchise résultant de la cession du fonds de commerce pouvait être imputée au franchisé-cédant, alors même que le franchiseur, invité à se porter acquéreur, n’avait pas fait usage de son droit de préemption.

(170)         Si cette solution ne venait pas à prospérer, le franchiseur pourrait se prémunir par une clause d’agrément qui viendrait compléter la clause de préférence. Ainsi le franchisé ne sera pas libéré par le seul fait que le franchiseur bénéficiaire de la clause de préférence n’ait pas exercé son droit. Encore faudra t-il que le cessionnaire du fonds de commerce soit agréé par le franchiseur. La difficulté vient de ce que si la vente du fonds a lieu sans le contrat de franchise, la légitimité du franchiseur à agréer l’acquéreur du fonds devient fort discutable. Sans doute est-elle contractuellement prévue, mais, en l’absence de relation contractuelle entre le franchiseur et l’acquéreur du fonds de commerce, le droit pour le premier d’agréer le second risque fort d’être déclaré sans cause.

(171)         Si le respect par le franchisé du droit de préférence ne fait pas obstacle à ce que sa responsabilité soit engagée pour rupture fautive du contrat de franchise, cette question ne peut cependant donner lieu qu’à un débat au fond. Le juge des référés est incompétent dans la mesure où « le franchisé qui a informé le franchiseur de son intention de céder son fonds de commerce et l’a mis en mesure d’exercer son droit de préférence contractuel n’a pas méconnu de manière flagrante ses obligations contractuelles » (CA Paris, 3 novembre 2006, Juris-Data n°326129).

(172)         Une décision du Tribunal de commerce de Paris (TC Paris, 3 juillet 2006, Juris-Data n°314649) doit enfin être mentionnée : il a été jugé qu’en présence de deux clauses contradictoires, l’une permettant la cession du fonds à un non franchisé, l’autre interdisant la résiliation sans l’accord des parties avant le terme de 5 ans, la cession du fonds entraîne automatiquement la résiliation du contrat de franchise sans que cette résiliation anticipée puisse être considérée comme fautive.

(ii) La responsabilité du tiers acquéreur

(173)         Qu’en est-il lorsque le franchiseur mis en mesure d’exercer son droit de préférence n’en use pas dans le délai imparti ? Le tiers acquéreur du fonds de commerce peut-il encore, dans ce cas, engager sa responsabilité à l’égard du franchiseur, alors même que le droit de préférence a été respecté ?

La Cour de cassation répond à cette question par la négative dans trois décisions récentes.

(174)         Dans la première (Cass. com., 23 janvier 2007,Juris-Data n°037125), la Haute juridiction énonce que le franchiseur faisant l’acquisition d’un fonds de commerce appartenant à l’un des franchisés de son concurrent ne commet aucune faute dès lors que son concurrent a régulièrement été mis en mesure d’exercer son droit de préférence et n’en a pas usé dans le délai qui lui était contractuellement imparti.

(175)         La seconde confirme cette solution tout en lui apportant une nuance : elle énonce que « l’acquisition d’un fonds de commerce, fait sans déloyauté et dans le respect du droit de préemption du franchiseur, ne constitue pas une faute de nature à rendre l’acquéreur complice de la rupture, même fautive, du contrat de franchise » (Cass. com., 15 mai 2007, Juris-Data n°038953).

(176)         Enfin, dans la dernière affaire, la Cour de cassation, appelée à se prononcer sur l’existence d’une telle fraude, a approuvé une cour d’appel d’avoir considéré qu’elle n’était pas caractérisée (Cass. com., 15 mai 2007, pourvoi  n°06-11.583).

En l’espèce, l’offre d’acquisition érigeait en condition suspensive la résiliation du contrat de franchise. Le franchiseur soutenait que la réalisation de la condition suspensive n’étant pas intervenue antérieurement à l’exécution de l’obligation qu’elle conditionnait (l’acquisition définitive du fonds de commerce) mais concomitamment, qu’il avait pu légitimement croire que l’engagement définitif du cessionnaire était subordonné à la réalisation préalable de cette condition et qu’ainsi, en signant l’acte définitif, le cessionnaire avait renoncé au bénéfice de cette condition. L’argumentation du franchiseur n’a pas été accueillie par la Haute juridiction qui a estimé que, connaissant les intentions des parties à la cession de rompre le contrat de franchise, le franchiseur avait renoncé en connaissance de cause à l’exercice de son droit de préemption et qu’aucune faute (ou fraude) ne résultait de la modification de la date de réalisation de la condition suspensive et d’une prétendue dissimulation par le candidat cessionnaire de ses intentions.

 

Une telle solution ne peut évidemment être généralisée, les juges du fond conservant en toute hypothèse leur pouvoir souverain d’appréciation quant à l’existence – ou non – d’actes constitutifs d’une fraude.

L'extinction du contrat de franchise

(177)         La résiliation du contrat de franchise (I) laisse néanmoins subsister des obligations (II).

I. La résiliation du contrat de franchise

(178)         La résiliation du contrat de franchise peut survenir suivant différents types de modalités (A) et emporte des sanctions lorsqu’elle est fautive (B).

A. Les modalités de la résiliation

(179)         La résiliation peut naître de la volonté commune des parties (1) ou de la volonté unilatérale de l’une d’elles (2).

1) La résiliation née du consentement mutuel des parties

F Une décision commentée : CA Colmar, 12 septembre 2006 (Juris-Data n°326629)

a) Les conditions de l’accord révocatoire

(180)         Les parties peuvent se mettre d’accord en vue de mettre fin au contrat initial. Cette résiliation opérée d’un commun accord – le mutuus dissensus – est une conséquence logique de la force obligatoire du contrat.

L’accord révocatoire peut être exprès ou tacite. La jurisprudence ayant admis qu’un tel accord n’est soumis à aucune forme particulière (Cass. civ. 1ère, 18 juin 1994, Bull. civ. I, n°175), il peut résulter de circonstances de fait que les juges du fond apprécient souverainement. Pour juger qu’un contrat de franchise a été résilié par l’accord tacite des parties, les juges retiennent un faisceau d’indices précis, graves et concordants manifestant la volonté commune du franchiseur et du franchisé de résilier le contrat qui les liait (TC Paris, 9 septembre 2005, inédit, RG n°2004/004816).

(181)         Dès lors que le juge constate la volonté commune des parties de résilier de manière anticipée le contrat de franchise, il en tire les conséquences en ordonnant lui-même la résiliation du contrat à la date de l’accord intervenu, tout en aménageant par ailleurs les conséquences pratiques de cette résiliation (TC Roubaix, 8 mars 2006, inédit, RG n°2004/02480).

(182)         Le débat sur la résolution du contrat et les responsabilités respectives relève de la compétence du juge du fond de sorte que le juge des référés est incompétent pour prononcer la résiliation. Pour autant, il demeure compétent pour ordonner au franchisé la cessation de l’utilisation de la marque et de l’enseigne du franchiseur dès lors que les parties ont manifesté leur intention de résilier le contrat et qu’elles ont cessé d’exécuter leurs obligations contractuelles. Dans ces circonstances,  une cour d’appel a récemment affirmé « qu’il n’est nullement nécessaire d’aborder le débat de fond sur la résolution du contrat et les responsabilités respectives des parties ; que l’exécution du contrat est au moins momentanément suspendu depuis de nombreux mois (…) ; qu’en raison de la suspension de l’exécution du contrat de franchise, celle-ci (le franchisé) n’agit plus comme un membre du réseau et elle n’est en conséquence plus fondée à utilise ces signes distinctifs, sauf à tolérer qu’elle puisse continuer à tromper sa clientèle » (CA Colmar, 12 septembre 2006, Juris-Data n°316629).

b) Les effets de l’accord révocatoire

(183)         La révocation produit le même effet que l’accomplissement d’une condition résolutoire. Mais les conséquences de l’accord révocatoire peuvent être expressément réglées par les parties. Elles peuvent notamment prévoir des dédommagements éventuels ou bien décider que la résiliation amiable vaudra confirmation et emportera extinction du droit d’agir en nullité pour quelque cause que ce soit (Etant précisé que la renonciation ne joue qu’à l’égard des causes de nullité qui étaient ou qui devaient être connues du renonçant au moment où il a renoncé. Autrement dit, s’il découvre, après la renonciation, une cause de nullité qu’il ignorait et qu’il ne pouvait pas connaître lorsqu’il a renoncé à agir en nullité (telle une manœuvre dolosive du cocontractant), sa renonciation ne saurait rendre irrecevable une action ultérieure en nullité). A défaut d’une telle précaution, la résiliation amiable laisse subsister pour l’une ou l’autre des parties la faculté d’agir en nullité et obtenir, le cas échéant, des dommages et intérêts (CA Orléans, 14 octobre 2005, inédit, RG n°62/2005).

(184)         Le franchiseur peut, bien sur, obtenir le paiement des sommes restant dues par le franchisé à la date de la résiliation du contrat. Une décision de la Cour d’appel de Montpellier (8) a fait droit à une telle demande, et ce alors même que le franchiseur était dans l’impossibilité de produire les bons de livraison litigieux. La Cour d’appel, rappelant que la preuve est libre en droit commercial (9) et que la comptabilité régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants des faits de commerce (10), a pu estimer que les livres de commerces du franchiseur – dont la régularité n’était pas contestée par le franchisé – constituaient des indices de livraisons effectives.

(185)         Une clause de transaction permet de compléter efficacement un contrat de résiliation, à condition qu’elle établisse une véritable transaction, ce qui requiert des concessions réciproques des parties (Rappelons que ces concessions ne sauraient jamais consister dans la renonciation à agir ou à poursuivre une action engagée : il y a là une conséquence de la transaction, qui ne saurait, sans risque d’annulation, être transformée en condition). Si des concessions réciproques effectives sont inscrites dans l’acte de résiliation amiable, il devient transactionnel et purge donc, pour le passé comme pour l’avenir, tout litige fondé sur la même cause, à savoir la relation contractuelle amiablement éteinte.

2) La résiliation unilatérale du contrat de franchise

(186)         Rompant avec une solution ancienne faisant obligation au créancier soucieux de rompre le contrat de saisir le juge à cet effet, la jurisprudence admet que l’une des parties puisse unilatéralement résilier le contrat, préalablement à toute intervention judiciaire, lorsque son cocontractant a rendu cette rupture nécessaire par un manquement grave aux obligations qui lui incombaient (Peu important à cet égard que le contrat soit à durée déterminée (Cass. civ. 1ère, 13 octobre 1998, Bull. civ. I, n°300, p.207, Juris-Data n°003820) ou non (Cass. civ. 1ère, 20 février 2001, Bull. civ. I, n°40, p.25, Juris-Data n°)).

Cette rupture intervient aux risques et périls de son auteur, car le juge saisi d’une contestation sur le bien fondé de la résiliation en contrôlera toujours les motifs. Et selon les cas, il ordonnera la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de l’une d’entre elles (a) ou aux torts partagés des deux parties (b).

a) La résiliation prononcée aux torts exclusifs de l’une des parties

(i) La résiliation prononcée aux torts exclusifs du franchiseur

F Huit décisions commentées : Cass. com., 3 avril 2007 (Juris-Data n°038428) ; Cass. com., 23 janvier 2007, pourvoi n°04-20.647 ; CA Angers, 19 décembre 2006 (Juris-Data n°330902) ; CA Amiens, 11 décembre 2006, inédit (RG n°05/04826) ; Cass. com., 28 novembre 2006 (Juris-Data n°036487) ; CA Orléans, 26 octobre 2006, inédit (RG n°05/03269 ; CA Paris, 5 juillet 2006 (Juris-Data n°312416) ; TC Paris, 3 juillet 2006 (Juris-Data n°330083)

(187)         La résiliation est prononcée aux torts exclusifs du franchiseur lorsqu’il a manqué à ses obligations contractuelles ou à son devoir général de loyauté (a) ou a résilié le contrat de franchise sans juste motif (b).

(a) Le manquement à ses obligations contractuelles ou à son devoir général de loyauté

(188)         La résiliation peut tout d’abord être prononcée aux torts exclusifs du franchiseur lorsque celui-ci manque aux obligations essentielles du contrat de franchise (Cass. com., 24 mai 1995, pourvoi n°92-15.846). Il suffit alors de se référer à la définition du contrat de franchise (v. sur la définition du contrat de franchise, supra § 1), pour considérer que la violation des obligations de mise à disposition de l’enseigne et de la marque, de communication du savoir-faire et de fourniture de l’assistance commerciale ou technique peuvent justifier la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur. C’est que rappellent deux décisions objets de la présente étude :

–          selon la première (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°312416), la violation par le franchiseur de son obligation d’assistance peut justifier le prononcé de la résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs (En l’espèce, des dysfonctionnements avaient été constatés dans le rapport d’ouverture consistant en des difficultés d’ordre financier et commercial, le franchisé avait cessé son activité par anticipation en raison des difficultés rencontrées dans l’exploitation de son fonds, et la Cour d’appel avait ainsi estimé que les visites sur place étaient insuffisantes, en raison de leur caractère ponctuel, pour que l’obligation d’assistance soit considérée respectée) ; la solution n’est pas nouvelle (Cass. com., 7 mars 1995, pourvoi n°93-10.368) ;

–          par la seconde (CA Angers, 19 décembre 2006, Juris-Data n°330902), il est logiquement jugé que l’abandon par le franchiseur de l’enseigne, élément essentiel de la franchise, engage sa responsabilité contractuelle envers le franchisé, la clause du contrat de franchise en vertu de laquelle le contrat prendra fin sans indemnité en cas d’expiration du contrat de licence de marque n’étant pas applicable en l’espèce, dès lors que la décision du franchiseur de ne plus exploiter la marque était liée au rapprochement avec un réseau exploitant la même activité sous une autre enseigne et non à l’expiration de la licence de marque.

(189)         Surtout, il a été jugé que la violation par le franchiseur du droit de priorité accordé à l’un de ses franchisés pouvait justifier la résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs. En l’espèce, le franchiseur avait conclu avec une association de franchisés un avenant accordant à ses membres un droit de priorité sur certaines zones, pendant la durée de leur contrat de franchise, pour le cas où un candidat agréé par le franchiseur envisagerait d’y implanter un nouveau magasin franchisé. L’un des franchisés ayant indiqué vouloir céder son fonds de commerce, le franchiseur lui avait présenté un repreneur, qui avait finalement ouvert un autre magasin franchisé dans la même ville, en dehors de la zone d’exclusivité du franchisé cédant. Considérant que ces faits caractérisaient la violation du droit de priorité que le franchiseur lui avait consenti aux termes de l’avenant, le franchisé cédant avait cessé de lui payer ses redevances de franchise. Le franchiseur l’avait alors assigné en résiliation du contrat ainsi qu’en paiement desdites redevances. Le franchiseur reconnaissait dans un courrier que le franchisé avait signé l’avenant ; il objectait néanmoins qu’en raison du souhait du franchisé de céder son activité, il ne pouvait être donné suite à sa demande.

Par son arrêt du 23 janvier 2007 (Cass. com., 23 janvier 2007, pourvoi n°04-20.647), la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt ayant prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur au motif que, de l’aveu même du franchiseur, l’avenant avait été signé. A cet égard, la Cour de cassation précise même que la volonté du franchisé de céder son fond de commerce ne le prive pas du bénéfice du droit de priorité qui lui avait été consenti.

(190)         La résiliation du contrat de franchise peut également être ordonnée aux torts exclusifs du franchiseur lorsque celui-ci a manqué à son devoir général de loyauté et à son obligation d‘exécuter le contrat de bonne foi. Le contrat de franchise n’échappe pas au mouvement jurisprudentiel contemporain qui tend à ériger la loyauté en devoir pesant sur tout contractant. Le contrat de franchise offre un terreau favorable au déploiement des notions de coopération et de solidarité puisqu’il naît de la rencontre de volontés poursuivant un objectif commun et crée des relations contractuelles de dépendance qui s’inscrivent dans la durée. Par sa définition même, le contrat de franchise implique la collaboration des parties – nécessaire à la réussite de l’ensemble du réseau –, la prise en considération et le respect des intérêts légitimes des partenaires liés par ce contrat. Plusieurs décisions commentées sont l’illustration de ce déploiement.

(191)          L’arrêt de la chambre commerciale du 28 novembre 2006 (Cass. com., 28 novembre 2006, Juris-Data n°036487) est particulier en ce que le recours au concept de loyauté constituait, en tout état de cause, un détour inutile pour prononcer la résiliation aux torts exclusifs du franchiseur. En effet, dans cette affaire, le franchiseur avait manqué à son obligation d’approvisionnement. Après l’échec des négociations en vue du rachat du fonds de commerce du franchisé, il avait cessé ses livraisons. Son franchisé l’avait alors assigné en paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de franchise. Les juges firent droit à sa demande, posant en principe que « le manquement grave au devoir de loyauté du franchiseur, justifie la résolution judiciaire du contrat à ses torts ».

Dans le même ordre d’idée, un arrêt de la Cour d’appel d’Orléans (CA Orléans, 26 octobre 2006, inédit, RG n°05/03269) énonce que « si la loi du marché ne met pas à la charge du franchiseur une étude du marché local ou l’établissement de comptes prévisionnels, et qu’il appartient au franchisé, seul juge de l’opportunité de son investissement, de procéder lui même à une analyse d’implantation précise, et de calculer ses risques, il n’en reste pas moins que dans le cas où ces informations sont données, avec remise d’un compte d’exploitation prévisionnel, l’article L. 330-3 ainsi que l’obligation de contracter de bonne foi propre au droit commun des contrats, imposent au franchiseur une présentation sincère du marché local ainsi que l’établissement de budgets raisonnables ». La Cour d’appel considère qu’en fournissant un compte de résultat prévisionnel fantaisiste et exagérément optimiste – le franchiseur s’étant contenté de recourir à ses ratios habituels au lieu de prendre en considération les particularités locales de l’implantation –, le franchiseur a manqué à son obligation de contracter de bonne foi. Le contrat est résilié à ses torts exclusifs sans que la clause l’exonérant par avance de toute responsabilité du chef des résultats de son franchisé puisse y faire obstacle, la cour ayant estimé la faute commise par le franchiseur dans son obligation précontractuelle d’études et de renseignements constituait une faute lourde.

Cette décision laisse perplexe. Au plan juridique, tout d’abord, la solution est erronée car elle sanctionne par la résiliation du contrat le manquement à une obligation précontractuelle d’information qui, nécessairement antérieure à la formation du contrat, ne peut être sanctionnée que par la nullité de celui-ci et/ou l’octroi de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle (Un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. Com., 6 mai 2003, pourvoi n°01-00515) ne saurait être interprété comme validant la résiliation comme sanction de la violation par le franchiseur de son obligation précontractuelle d’information. En l’espèce, la Cour d’appel avait prononcé la résolution du contrat pour dol et, pour rejeter le pourvoi, la Cour de cassation prenait soin de souligner qu’i s’agissait d’une erreur de terminologie, sans incidence sur la solution du litige puisque la Cour d’appel avait bien considéré la convention comme nulle), mais certainement par sa résiliation. Au plan de la politique jurisprudentielle, ensuite, l’arrêt de la Cour d’appel d’Orléans permet au franchisé de se délier du contrat de franchise en se prévalant du seul manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d’information, sans qu’il soit même nécessaire d’établir que son consentement a été vicié ; dès lors, la solution revient à contourner l’exigence selon laquelle il appartient au franchisé de rapporter le vice du consentement qu’il invoque, à laquelle la Cour de cassation est particulièrement attachée (V. supra § 70 et s., pour une application récente, Cass. com., 20 mars 2007, pourvoi n°06-11.290).

(192)         Une décision du Tribunal de commerce de Paris est tout aussi surprenante : sur le fondement de la bonne foi, elle semble mettre à la charge du franchiseur une obligation de « discussion sur les modalités de résiliation amiable » proposée par le franchisé en situation d’urgence (T. com. Paris, 3 juillet 2006, Juris-Data n°330083).

Dans cette affaire, le franchiseur avait laissé sans réponse deux lettres de son franchisé l’informant de la dégradation brutale de sa situation et sollicitant son assistance. Puis, il lui avait adressé une ultime lettre lui faisant part de la nécessité de régler amiablement la rupture des relations contractuelles. En réponse, le franchiseur lui avait adressé une lettre de relance d’impayés de factures et de propositions d’achat de nouveaux produits.

Le Tribunal énonce que « le contrat de franchise est par nature construit sur le principe d’un vrai partenariat entre les parties même si le franchisé est un commerçant indépendant seul responsable de la gestion de son entreprise » avant de considérer que « le paiement de redevances mensuelles, dont le montant est loin d’être négligeable, a pour fondement l’obligation d’assistance à laquelle le franchiseur s’engage ».  Il retient que le franchiseur n’a pas respecté l’esprit de partenariat qu’implique le contrat de franchise en laissant sans réponse les lettres du franchisé après deux ans d’une collaboration sans nuage.

De manière tout à fait inédite, le Tribunal ajoute qu’en refusant toute discussion sur les modalités d’une résiliation amiable proposée en situation d’urgence, le franchiseur a manqué à l’exécution loyale et de bonne foi du contrat et a commis une faute qui justifie la demande de résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur.

Cette décision est aussi surprenante que critiquable. Elle retire tout son sens au principe de la force obligatoire du contrat. Si l’on peut comprendre que ce principe puisse subir certaines atténuations au nom d’une certaine loyauté et coopération devant régner entre les parties à un contrat de franchise, cela ne doit pas aller jusqu’à imposer aux cocontractants une négation de leurs propres intérêts par altruisme ou solidarité. Mais la portée de la solution ne doit pas être exagérée. Elle émane d’une juridiction du fond, qui plus est du premier degré, et n’a donc pas le rayonnement jurisprudentiel d’un arrêt de la Cour de cassation. De plus, c’est l’indifférence générale du franchiseur à l’égard de la situation de son franchisé qui semble avoir justifié la résiliation du contrat à ses torts exclusifs et non pas uniquement le fait qu’il n’ait pas voulu discuter des modalités de la résiliation amiable proposée par le franchisé.

(b) La résiliation du contrat par le franchiseur sans juste motif

(193)         Le franchiseur n’est fondé à résilier le contrat que s’il peut se prévaloir d’une faute imputable au franchisé.

Un arrêt est cassé pour avoir considéré à tort qu’une telle faute était caractérisée (Cass. com., 3 avril 2007, Juris-Data  n°038428). En l’espèce, l’associé majoritaire de cinq sociétés exploitant des salons de coiffure sous les marques d’une société, avec laquelle elles étaient liées par des accords de partenariat, avait entamé des pourparlers avec société tierce afin que les salons en cause deviennent franchisés de cette dernière. La finalisation des négociations supposant que ces cinq sociétés soient libres de tout engagement vis-à-vis de leur partenaire, l’associé majoritaire de ces sociétés avait adressé une lettre de résiliation à son partenaire, qui l’acceptait sous certaines conditions néanmoins. Il affirmait pourtant, à la société avec laquelle il était en négociation, être libre de tout engagement contractuel. Considérant que le franchisé avait utilisé de manœuvres dolosives pour surprendre son consentement en lui affirmant faussement qu’il était libre de tout engagement contractuel au regard d’autres sociétés de coiffure, le franchiseur résilia le contrat avec effet immédiat ; il faut dire que le contrat de franchise comportait une clause de non-concurrence interdisant au franchisé, pendant toute la durée du contrat, de détenir des intérêts, d’assumer des fonctions ou de participer directement ou par personne interposée à un entreprise ayant des activités de nature comparables à celle du franchiseur.

Les juges étaient donc saisis du point de savoir si le franchisé pouvait légitimement prétendre que les accords de partenariat auxquels il était lié étaient résolus. La Cour d’appel répondît par la négative et prononça la nullité du contrat de franchise pour dol.

La Cour de cassation casse cet arrêt au visa de l’article 1134 du Code civil aux motifs que, dans le cas où un contrat est à durée indéterminée, ce qui était le cas en l’espèce, chaque partie dispose du droit de résilier à tout moment (La jurisprudence n’exige d’ailleurs pas que la décision de résiliation soit motivée (Cass. civ. 1ère, 21 février 2006, Bull. civ. I, n°82)), sous réserve de ne pas commettre d’abus (En l’espèce, la Cour de cassation n’était pas saisie de la question de l’abus dans la rupture desdits accords). La solution est classique : celui qui résilie le contractant sans respecter de préavis commet une faute, sauf comportement grave du cocontractant.

(194)         Dans une autre espèce (CA Amiens, 11 décembre 2006, inédit, RG n°05/04826), se posait la question de savoir si certaines des obligations réciproques convenues entre le franchiseur et le franchisé parallèlement au contrat de franchise pouvaient être résiliées à une date distincte de celle de la résiliation du contrat de franchise. En effet, les parties avaient signé un contrat de franchise ainsi que, suivant courriers non datés, des prestations « complémentaires » audit contrat, consistant en une série de prestations de services inhérentes à la gestion de l’entreprise franchisée (paie, contrôle de gestion et délégation d’un conseiller commercial). Le franchisé a mis fin au contrat de prestations complémentaires en dehors de l’échéance triennale prévue par le contrat de franchise. Le franchiseur actionna le franchisé en paiement des sommes dues en application du contrat de franchise et desdites prestations complémentaires, puis résilia unilatéralement le contrat de franchise de manière anticipé et avec effet immédiat.

Saisie sur renvoi après cassation (La première Cour d’appel avait jugé que ces actes constituaient un tout ne pouvant être remis en cause qu’à l’occasion des échéances prévues. Mais son arrêt fut cassé au visa de l’article 1134 du Code civil au motif « qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que les époux avaient sollicité de la société (franchiseur) complémentairement à l’accord de franchise plusieurs prestations supplémentaires, énonciations dont il résulte que ces prestations étaient indissociables de l’accord de franchise, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations » (Cass. com., 27 septembre 2005, pourvoi n°03-16.337)), la Cour d’appel devait se prononcer sur la question de savoir si ces différents contrats pouvaient être résiliés à des dates différentes. La juridiction de renvoi considéra que le contrat et les trois lettres non datées, souscrites de manière complémentaire, ne formaient pas un tout indivisible (Si les parties entendent lier plusieurs contrats, il est préférable de le prévoir expressément au moyen d’une clause d’indivisibilité – qui reste soumise au contrôle du juge –, ce qui n’était pas le cas en l’espèce), mais s’analysaient au contraire en des conventions distinctes et indépendantes les unes des autres (CA Amiens, 11 décembre 2006, inédit, RG n°05/04826). La solution est naturellement transposable à l’hypothèse où le contrat de franchisé serait résilié par le franchisé.

(ii) La résiliation prononcée aux torts exclusifs du franchisé

F Sept décisions commentées : CA Lyon, 22 mars 2007 (Juris-Data n°332144) ; CA Paris, 25 janvier 2007 (Juris-Data n°338239) ; CA Montpellier 16 janvier 2007, inédit (RG n°05/04827) ; CA Versailles, 20 octobre 2006, inédit (RG n°05/04972) ; CA Chambéry, 10 octobre 2006 (Juris-Data n°322011) ; TC Paris, 3 juillet 2006 (Juris-Data n°314649) ; CA Paris 7 juin 2006 (Juris-Data n°312420)

(195)         La résiliation est prononcée à ses torts exclusifs lorsqu’il a manqué à ses obligations contractuelles (a) ou qu’il a résilié le contrat de franchise sans juste motif (b).

(a) Le manquement à ses obligations contractuelles ou à son devoir général de loyauté

(196)         On le sait, la résiliation est prononcée aux torts exclusifs du franchisé lorsque ce dernier ne respecte pas ses obligations découlant du contrat de franchise. Il en est notamment ainsi en cas de non-paiement des redevances (CA Poitiers, 22 mars 2005, Juris-Data n°273930) ou de non respect de la clause d’exclusivité d’approvisionnement (CA Basse-Terre, 20 octobre 2003, Juris-Data n°247239). Le dépôt de l’enseigne par le franchisé constitue également une faute justifiant la résiliation (CA Pau, 10 octobre 2005, Juris-Data n°291080) ainsi que l’insuffisance du chiffre d’affaires réalisé par le franchisé lorsque le contrat détermine un objectif de vente (Mais encore faut-il dans cette hypothèse que la défaillance du franchisé ne résulte pas de la violation par le franchiseur de ses engagements contractuels (CA Nîmes, 23 juin 2005, Juris-Data n°282018)).

(b) La résiliation du contrat par le franchisé sans juste motif

(197)         La résiliation est également prononcée aux torts exclusifs du franchisé lorsqu’il résilie sans juste motif. Il en est ainsi chaque fois que le franchisé prétexte d’un manquement de son franchiseur à ses obligations pour prendre l’initiative de la rupture et, qu’à l’analyse, un tel manquement n’est pas avéré. C’est au franchisé ayant résilié le contrat qu’il incombe d’apporter la preuve des manquements commis par le franchiseur. Les juges ne se contentent pas de critiques d’ordre général : le franchisé doit rapporter la preuve de la violation alléguée ; à défaut, le contrat est résilié à ses torts exclusifs (CA Lyon 22 mars 2007, Juris-Data n°332144 ; CA Versailles, 20 octobre 2006, inédit, RG n°05/04972 ; CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°312420).

(198)         Parfois, les juges recherchent les véritables motifs qui ont conduit le franchisé à résilier. Ainsi, la Cour d’appel de Chambéry (CA Chambéry, 10 octobre 2006, Juris-Data n°322011) a pris le soin de souligner que la rupture du contrat par le franchisé dont les résultats étaient bénéficiaires aux termes du premier exercice, procédait de sa volonté de poursuive son activité en dehors du réseau. Pour parvenir à cette conclusion, les juges du fond ont été influencés par le refus du franchisé de transmettre au franchiseur le montant de son chiffre d’affaires mensuel et par l’absence de production aux débats des pièces comptables justifiant de l’état de sa situation financière. A ce titre, il n’est pas inutile de rappeler que le franchisé est tenu de communiquer les documents de gestion au franchiseur, en particulier le chiffre d’affaires (CA Paris, 10 novembre 1987, Juris-Data n°027263).

(199)         Le fait que le franchisé n’ait jamais exprimé de griefs en cours d’exécution de contrat semble constituer un indice en faveur du mal fondé de ses allégations. Ainsi, dans une espèce où le franchisé reprochait plusieurs manquements à son cocontractant pour justifier la résiliation anticipée du contrat dont il avait pris l’initiative, les juges, après avoir énoncé qu’ils s’agissaient de simples affirmations ne valant pas preuve, ont ajouté que le franchisé n’avait jamais émis aucune doléance de cette nature en cours d’exécution du contrat (CA Montpellier, 16 janvier 2007, inédit, RG n°05/04827). De même, la Cour d’appel de Paris souligne-t-elle dans une espèce récente que le franchisé n’avait jamais remis en cause les conditions d’exécution des obligations du franchiseur avant de se voir réclamer les arriérés de redevances (CA Paris, 25 janvier 2007, Juris-Data n°338239).

(200)         Dans certains cas, l’appréciation de la légitimité du motif de résiliation implique une interprétation du contrat de franchise.

Il en va ainsi notamment lorsque ce contrat comporte des contradictions. Dans une espèce relativement récente, le contrat de franchise comportait deux clauses que le Tribunal de commerce de Paris (TC Paris, 3 juillet 2006, Juris-Data n°314649) avait considéré contradictoires : la première autorisait le franchisé à céder son fonds de commerce à un non franchisé à tout moment, tandis que la seconde lui interdisait de résilier le contrat de franchise avant le terme de cinq ans sans l’accord du franchiseur. Le juge du fond de faire prévaloir la première clause sur la seconde, jugea que la cession du fonds de commerce devait entraîner ipso facto la résiliation du contrat de franchise et considéra en conséquence que le franchisé avait pu ainsi résilier son contrat de franchise sans commettre de faute.

b) La résiliation prononcée aux torts partagés du franchiseur et du franchisé

F Deux décisions commentées : CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit (RG n°04/06592) ; CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit (RG n°04/06594)

(201)          Par deux arrêts rendus le même jour retenant que le contrat de franchise avait été résilié aux torts réciproques du franchiseur et du franchisé, la Cour d’appel de Bordeaux retient que le franchiseur avait affecté la redevance publicitaire en violation du contrat (CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit, RG n°04/06592 ; CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit, RG n°04/06594), tandis que le franchisé avait commis un manquement à son obligation d’approvisionnement exclusif dans la première espèce (CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit, RG n°04/06592) et n’a pas respecté le concept dans la seconde (CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit, RG n°04/06594).

B. Les sanctions de la résiliation fautive

(202)         La résiliation fautive du contrat de franchise justifie la réparation du préjudice que son auteur a causé à son cocontractant : cette réparation relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (1), à moins qu’elle ne soit prédéterminée par les parties elle-même au moyen d’une clause pénale (2).

1) La détermination par le juge des préjudices consécutifs à l’anéantissement du contrat

(203)         Dans les conditions rappelées par une jurisprudence récente (a), la résiliation du contrat de franchise ouvre droit à réparation au profit du contractant non fautif (b).

a) Les conditions du droit à réparation

F Quatre décisions commentées : CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit (RG n°04/06592) ; CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit (RG n°04/06593) ; CA Bordeaux 24 janvier 2007, inédit (RG n°04/06594) ; CA Angers, 19 décembre 2006 (Juris-Data n°330903)

(204)         Par trois décisions, il a été jugé que le fait que le franchiseur n’ait pas demandé la résiliation du contrat à raison des manquements du franchisé est sans incidence sur son droit à demander réparation à l’expiration du contrat ou à solliciter ultérieurement la résiliation du contrat aux torts du franchisé.

Dans deux espèces, la Cour d’appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit, RG n°04/06592 ; CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit, RG n°04/06594) considère, par une formulation commune aux deux décisions, que « ne peut être approuvé le raisonnement des premiers juges consistant à déduire de ce que (le franchiseur) n’avait à l’époque tiré aucune conséquence des manquements constatés sur la poursuite du contrat de franchise et n’avait pas fait application de l’article 18.3.2. du contrat pour prononcer sa résiliation aux torts du franchisé, que les faits avaient soit cessé soient avaient été tolérés par le franchiseur qui ne pouvait plus demander cette résiliation ». Ce faisant, elle retient « que, pouvant se prévaloir des manquements du franchisé à ses obligations contractuelles jusqu’à la signification par celui-ci de la résiliation du contrat, l’appelante y est toujours recevable dans le cadre du présent litige ».

De même, le fait que la partie non fautive n’ait pas demandé la résiliation du contrat pendant son exécution pour les manquements de son cocontractant est sans incidence sur son droit à demander réparation à l’expiration du contrat (CA Angers, 19 décembre 2006, Juris-Data n°330903).

(205)         La résiliation même fautive du contrat de franchise n’ouvre pas automatiquement droit à réparation au profit de la partie victime. Encore faut-il, conformément au droit commun, qu’elle rapporte la preuve d’un préjudice. La solution a été rappelée par deux arrêts de la Cour d’appel de Bordeaux du 24 janvier 2007 (CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit, RG n°04/06593 ; CA Bordeaux 24 janvier 2007, inédit, RG n°04/06594).

Les franchisés réclamaient chacun une indemnité égale à une année de marge brute ainsi que l’indemnisation de leurs pertes et investissements spécifiques non amortis à la date de la rupture. La Cour d’appel les déboute de leur demande, faute pour eux de rapporter la preuve d’un quelconque préjudice résultant de la résiliation de leur contrat de franchise ; il faut préciser que, depuis la rupture du contrat, les franchisés avaient continué à exercer leur activité sans avoir jamais réclamé aucun préjudice au franchiseur, qu’ils étaient restés propriétaires de leur fonds de commerce, et qu’ils ne justifiaient pas depuis lors d’une diminution de leur chiffre d’affaires ni de leur marges brutes et nettes.

b) La mise en œuvre du droit à réparation

F Quatorze décisions commentées : CA Lyon 22 mars 2007 (Juris-Data n°332144) ; CA Paris, 25 janvier 2007, Juris-Data n°338239 ; CA Bordeaux 24 janvier 2007, inédit (RG n°04/06594) ; CA Bordeaux 24 janvier 2007, inédit (RG n°04/06593) ; Cass. com., 23 janvier 2007, inédit (pourvoi n°04-20.647) ; CA Angers 19 décembre 2006 (Juris-Data n°330903) ; Cass. com., 28 novembre 2006 (Juris-Data n°036487) ; CA Versailles, 23 novembre 2006, inédit (RG n°01/03179 ; CA Paris, 26 octobre 2006 (Juris-Data n°322712) ; CA Orléans, 26 octobre 2006, inédit (RG n°05/03269) ; CA Chambéry, 10 octobre 2006 (Juris-Data n°322011) ; CA Nancy, 13 septembre 2006 (Juris-Data n°330233) ; CA Paris, 5 juillet 2006 (Juris-Data n°312416) ; CA Paris, 7 juin 2006 (Juris-Data n°312420)

(206)         Contrairement à la résolution ou à la nullité (ii), la résiliation n’a pas d’effet rétroactif (i).

(i) Les préjudices indemnisables en cas de résiliation du contrat de franchise

(207)         Tout au plus, les effets de la résiliation remontent, selon les cas, à la date à laquelle les parties ont décidé de faire cesser leurs relations contractuelles, à celle à laquelle l’un des contractants a été déchu du terme fixé par la convention, à la date des effets du préavis, à la date du jugement, voire même à la date à laquelle le juge statue. C’est ce dernier qui, au cas par cas, constate ou fixe la date des effets de la résiliation.

Les dernières décisions rendues apportent des précisions quant aux différents postes de préjudices indemnisables. Il convient de distinguer selon que la résiliation est imputable au franchiseur (a) ou au franchisé (b).

(a) La résiliation est imputable au franchiseur

(208)         On le sait, lorsque la résiliation fautive est imputable au franchiseur, le franchisé pourra notamment obtenir, lorsqu’ils sont caractérisés, la réparation des préjudices suivants :

– les pertes d’exploitation, lorsque les chiffres avancés par le franchisé sont établis par un professionnel du chiffre et attesté par lui, tout en étant corroboré par des déclarations fiscales (CA Nîmes, 23 juin 2005, Juris-Data n°282018); étant précisé que le montant des charges passées à torts en perte d’exploitation alors qu’elles relèvent de l’amortissement doit être déduit (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°312416) ;

– le manque à gagner, lequel doit être apprécié, non pas au regard du chiffre d’affaires prévisionnel mais compte tenu de celui effectivement réalisé et, est constitué par la seule privation des bénéfices attendus de l’exploitation de la franchise, après déduction des charges d’exploitation (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°312416) ;

– les investissements spécifiques réalisés pour l’exploitation de la franchise (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°312416).

(209)         Les décisions objets de la présente étude apportent des précisions parfois inédites.

L’on sait qu’en l’absence de lien de droit entre le franchiseur et le gérant de la société franchisée, ce dernier n’est pas recevable à former de quelconques prétentions indemnitaires, faute de qualité à agir au sens de l’article 31 du NCPC (CA Paris, 5 juillet 2006, Juris-Data n°312416) ; la solution n’est pas nouvelle (v. déjà, TC Paris, 6 octobre 2005, inédit, RG n°2003/033054 ; TC Paris, 9 septembre 2005, inédit, RG n°2004/004816). De même, c’est sans surprise que le franchisé peut obtenir la réparation d’un préjudice moral (Cass. com., 28 novembre 2006, Juris-Data n°036487 ; CA Orléans, 26 octobre 2006, inédit, RG n°05/03269) ; le principe même d’une telle réparation ne surprend pas car toute personne, physique ou morale (V. pour une application d’une condamnation à la réparation du préjudice moral subi par une société commerciale, TC Paris, 12 janvier 2004, Rev. Soc. n°2/2004, p.297), peut prétendre à la réparation d’un tel préjudice.

Est en revanche inédite la solution par laquelle la Cour de cassation (Cass. com., 28 novembre 2006, Juris-Data n°036487) considère approuve les juges du fond qui, en présence d’un contrat de franchise ne stipulant pas de délai de préavis, ont fixé l’indemnisation du préjudice résultant de la rupture dudit contrat par référence au chiffre d’affaires que les parties auraient dû réaliser pendant un préavis qui, « eu égard aux usages en matière de franchise », pouvait être fixé à six mois.

Enfin, si le franchisé a manifesté le souhait, avant la résiliation du contrat de franchise, de vendre son fonds de commerce, le montant de l’indemnisation à laquelle il a droit se trouve limité à la seule perte de chance de faire usage de son droit de priorité (Cass. com., 23 janvier 2007, pourvoi n°04-20.647).

(210)         La rupture du contrat de franchise peut aussi résulter de la résiliation d’un contrat auquel le contrat de franchise se trouve lié dès lors que les parties ont convenu que la dénonciation de l’un des contrats entraînerait celle de l’autre. L’arrêt de la Cour d’appel de Versailles illustre cette situation (CA Versailles, 23 novembre 2006, inédit, RG n°01/03179 : en l’espèce, les sociétés en cause étaient liées par un d’agent commercial portant sur la location de véhicules de tourismes, l’autre de franchise portant sur la location de véhicules utilitaires).

Ainsi les parties peuvent lier le sort de plusieurs contrats en stipulant une clause d’indivisibilité. Si la résiliation du contrat est jugée fautive, l’auteur de la rupture sera condamné à réparer les préjudices résultant de la résiliation de tous les contrats dont les parties ont voulu lier le sort. Ainsi, dans l’espèce précitée, la Cour d’appel ayant jugé la rupture du contrat d’agent commercial brutale, le mandant a été condamné non seulement à réparer le préjudice consécutif à la résiliation fautive du contrat d’agent commercial – soit la perte de commissions jusqu’à la date conventionnellement convenue et, en application de l’article L.134-12 du Code de commerce, le préjudice résultant de la perte pour l’avenir des revenus tirés de l’exploitation de la clientèle commune – mais également à réparer les préjudices résultant de la résiliation concomitante du contrat de franchise, à savoir les commissions que le franchisé étaient légitimement fondé à percevoir en exécution du contrat de franchise.
Toutefois, l’indivisibilité n’est pas nécessairement conventionnelle : le juge peut conférer un tel caractère à un ensemble contractuel dès lors que les contrats se servent mutuellement de cause, par exemple lorsqu’ils ne présentent aucune utilité considérés isolément et cessent par conséquent de présenter un quelconque intérêt si l’un d’entre eux cesse d’exister (Cass. civ. 1ère, 4 avril 2006, Bull. civ. I, n°190 ; Cass. com., 15 février 2000, D. 2000, somm. p.364). Dans ce cas, la résiliation de l’un des contrats emporte la caducité des autres contrats formant le groupe contractuel (Cass. com., 5 juin 2007, pourvoi n°04-20.380 ; Cass. civ. 1ère, 4 avril 2006, Bull. civ. I, n°190), sans qu’une clause de divisibilité puisse y faire obstacle (Cass. com., 15 février 2000, D. 2000, somm. p.364) ; de même, la nullité de l’un entraîne la nullité de l’autre (CA Paris, 23 juin 2006, Juris-Data n°312403 qui, en conséquence de la nullité du contrat de franchise, prononce la nullité du contrat d’abonnement informatique dès lors que celui-ci « s’inscrit dans le cadre d’une opération économique globale et n’a été souscrit, le même jour, par (le franchisé), qu’en raison de sa qualité de franchisé »).

(b) La résiliation est imputable au franchisé

(211)         Comme le montrent encore de récentes décisions, lorsque la résiliation fautive est imputable au franchisé, le franchiseur pourra notamment obtenir, lorsqu’ils sont caractérisés, la réparation des préjudices suivants :

– les redevances non réglées (CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°3124200 ; CA Lyon, 22 mars 2007, Juris-Data n°332144);

– le trouble commercial résultant du départ anticipé et brutal du franchisé (CA Lyon, 22 mars 2007, Juris-Data n°332144) ;

– la perte de chance de percevoir une marge bénéficiaire réalisée sur la vente des produits au franchisé (CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°312420), ce préjudice étant réparé sur le fondement de la perte de chance en raison de l’aléa économique inhérent à toute activité commerciale ;

– le paiement des redevances de franchise jusqu’au terme du contrat (CA Paris, 7 juin 2006, Juris-Data n°3124200 ; CA Lyon, 22 mars 2007, Juris-Data n°332144 ; TC Bordeaux, 9 mai 2006, RG n°2005F00180), y compris celles qui sont dues au cours de la période de préavis contractuel (CA Rennes, 17 janvier 2006, Juris-Data n°298522);

– l’indemnité prévue le cas échéant par le contrat de franchise (CA Paris, 25 janvier 2007, Juris-Data n°338239) ;

– le préjudice résultant du détournement de clientèle et de la violation de la clause de non-concurrence résultant de la poursuite de l’utilisation par le franchisé des signes distinctifs de la franchise et du numéro figurant à l’enseigne du franchiseur (CA Lyon, 22 mars 2007, Juris-Data n°332144).

(ii) Les préjudices indemnisables en cas de nullité ou résolution du contrat de franchise

(212)         Le droit de demander la nullité du contrat laisse entière la possibilité pour le contractant, victime d’un dol, d’exercer une action en responsabilité délictuelle pour obtenir réparation du préjudice qu’elle a subi.

En cas de dol, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 26 octobre 2006, Juris-Data n°322712) est venue préciser que le franchisé étant un commerçant indépendant et responsable de sa gestion, le franchiseur doit seulement l’indemniser pour la chance perdue d’avoir fait un meilleur emploi économique de ses ressources et non de la totalité des pertes d’exploitation et du passif social (CA Caen, 3 novembre 2005, Juris-Data n°286650).
(213)         L’annulation ou la résolution du contrat de franchise ayant – contrairement à la résiliation – un effet rétroactif, elle a cette conséquence de remettre les parties dans la situation qui aurait été la leur si elles n’avaient pas contracté. En raison de cet effet rétroactif, le franchiseur est tenu de restituer au franchisé :

– du droit d’entrée (CA Paris, 26 octobre 2006, Juris-Data n°322712 ; CA Nancy, 13 septembre 2006, Juris-Data n°330233 ; CA Paris, 23 juin 2006, Juris-Data n°312403) ;

–  des redevances versées depuis la signature du contrat (CA Paris, 26 octobre 2006, Juris-Data n°322712 ; CA Paris, 23 juin 2006, Juris-Data n°312403);

– des factures liées à la formation (CA Paris, 23 juin 2006, Juris-Data n°312403);

– des dépenses se rapportant aux travaux d’agencement et investissements spécifiques non amortis, sans lesquelles le contrat de franchise n’aurait pu être conclu, le montant de ces dépenses ne pouvant toutefois comprendre les frais de constitution de la société, ni la totalité des immobilisations corporelles (CA Paris, 26 octobre 2006, Juris-Data n°322712) ;

Il pourra en outre l’indemniser de son préjudice moral (CA Nancy, 13 septembre 2006, Juris-Data n°330233 : l’arrêt vise pudiquement les « désagréments causés »).

2) La clause pénale

(214)         La clause pénale (a) peut être révisée par le juge dans certains cas (b).

a) Les caractères de la clause pénale
F Une décision commentée : CA Lyon, 22 mars 2007 (Juris-Data n°332144)

(215)         La clause pénale s’entend comme la stipulation conventionnelle aux termes de laquelle les parties s’accordent sur le fait que celui qui n’exécutera pas l’obligation principale à sa charge versera à l’autre, à titre de peine privée, une somme d’argent déterminée à l’avance (La clause pénale présente le très grand avantage d’éviter les discussions et les procès éventuels au sujet de l’évaluation du préjudice causé par l’inexécution puisque le préjudice n’est pas une condition d’exigibilité de la pénalité. L’exécution de la clause pénale n’est subordonnée qu’à la preuve de l’inexécution de l’obligation dont cette clause était précisément destinée à assurer le respect).

(216)         Ne sanctionnant que l’inexécution d’une obligation déterminée, la clause pénale ne fait pas obstacle à l’octroi de dommages et intérêts complémentaires lorsque le débiteur méconnaît d’autres obligations.

Ainsi, lorsqu’elle ne sanctionne que le retard dans l’exécution de l’obligation, le créancier peut obtenir la réparation du préjudice que lui cause par ailleurs l’inexécution de ses obligations par le débiteur. Un arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 22 mars 2007 (CA Lyon, 22 mars 2007, Juris-Data n°332144) en fournit une illustration. Le contrat de franchise prévoyait une pénalité en cas de « retard » dans le paiement des redevances par le franchisé. A la suite de la résiliation du contrat à ses torts, le franchisé a été condamné dans les termes de la clause pénale et à réparer le préjudice subi par le franchiseur à raison du départ anticipé et brutal du franchisé, du détournement de clientèle et de la violation de la clause de non-concurrence.

b) La révision judiciaire de la clause pénale
F Deux décisions commentées : CA Lyon, 22 mars 2007 (Juris-Data n°332144) ; CA Chambéry, 10 octobre 2006 (Juris-Data n°322011)

(i) Les critères d’appréciation de son caractère manifestement excessive ou dérisoire

(217)         La réduction d’une clause pénale n’est qu’une simple faculté pour le juge, qui dispose en la matière d’un pouvoir discrétionnaire (Il en résulte que les juges du fond n’ont pas à motiver spécialement leur décision lorsque, faisant application pure et simple des conventions, ils refusent de modérer la peine forfaitairement convenue (Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2001, pourvoi n°99-13.555 ; Cass. civ. 1ère, 6 avril 1994, pourvoi n°92-10.154 ; Cass. com., 26 février 1991, Bull. civ. IV, n°91). En revanche, si les juges du fond décident d’user de leur pouvoir de révision, ils doivent s’expliquer sur les raisons qui les ont conduits à admettre que la somme prévue à titre d’indemnité est « manifestement excessive » (Cass. soc., 16 octobre 1985, Bull. civ. V, n°459) ou « dérisoire » (Cass. civ. 1ère, 1er juillet 1980)). Une ligne directrice se dégage à l’examen des décisions rendues en matière de franchise : si, pour justifier l’exercice de la faculté de révisions, les tribunaux adoptent toujours une approche objective (a) en constatant quantitativement l’écart existant entre la valeur du dommage et celle de l’indemnité contractuellement fixée, ils n’hésitent pas à examiner, de manière plus subjective (b), si cet écart peut être justifié au regard de l’économie générale du contrat et du comportement des parties.

(a) Appréciation objective

(218)         La constatation d’une disproportion manifeste entre le montant de la pénalité et la valeur du préjudice est, en toute hypothèse, exigée pour justifier l’exercice du pouvoir de révision judiciaire. La Cour de cassation a eu l’occasion de l’affirmer, en précisant qu’il ne suffit pas de relever le défaut de concordance des deux valeurs (Cass. civ. 3ème, 14 octobre 1991, Bull. civ. III, n°274) ou en affirmant que « des motifs tirés du comportement du débiteur sont impropres à justifier, à eux seuls, le caractère manifestement excessif du montant de la clause pénale» (Cass. com., 11 février. 1997, Bull. civ., IV, n°47).

Dans ces conditions, l’absence d’écart considérable entre l’ampleur du dommage et la somme stipulée justifie le refus opposé au franchiseur, créancier de la clause de pénale, d’augmenter le montant prévu par ladite clause. Tel est le cas lorsque la peine compense exactement le préjudice subi par le franchiseur (CA Angers, 27 mai 2002, Juris-Data n°207620) ou que l’indemnité contractuelle est égale au total des redevances dues par le franchisé durant les six derniers mois précédents la rupture (CA Poitiers, 22 mars 2005, Juris-Data n°273930 : dans cette espèce, la Cour d’appel avait pourtant relevé la gravité et la persistance des défauts de paiement de ses redevances par le franchisé, qui avaient duré pendant plus de six ans).

(219)         Dans une affaire dont la Cour d’appel de Paris a eu à connaître, c’est, non pas la « disproportion manifeste » qui a justifié la réduction de la clause pénale mais le caractère difficilement quantifiable du préjudice. Le franchisé avait violé la clause de non concurrence figurant dans son contrat de franchise en adoptant, après résiliation de son contrat, une enseigne de renommée régionale et nationale malgré l’interdiction qui lui en était faite. L’infraction ayant duré pendant 208 jours entre la date de la mise en demeure et celle de l’expiration de la clause, le franchiseur était en droit de solliciter la somme de 208.000 Frs, le contrat prévoyant une astreinte quotidienne de 1.000 Frs. Cette clause pénale a été jugée manifestement excessive au motif que le préjudice engendré était « difficilement quantifiable » (CA Paris 26 juin 1997, Juris-Data n°021609).

(b)  Appréciation subjective

(220)         Le critère tiré de la durée des relations contractuelles est utilisé pour autoriser la révision des clauses pénales dont le montant est proportionné au temps restant à courir jusqu’au terme contractuel. Aussi, la brièveté des relations contractuelles entre le franchiseur et son franchisé justifie une minoration de la clause pénale (CA Lyon 11 février 2000, Juris-Data n°151453 : réduisant une indemnité forfaitaire de 30.000 Frs par année restant à courir à raison de la durée des relations contractuelles, de 8 mois en l’espèce ; CA Paris, 12 septembre 1997, Juris-Data n°023002 : jugeant que, s’il est établi que le franchisé n’a pas, pendant un an après la résiliation du contrat, respecté son engagement contractuel de non-concurrence, il doit être tenu au paiement de l’indemnité forfaitaire prévue, à titre de clause pénale, pour garantir l’exécution de cette obligation, l’effet de celle-ci apparaissant manifestement excessif compte tenu de la durée pendant laquelle la franchise a été exécutée et du montant de la somme exigible tendant à l’exécution quasi-intégrale du contrat).On note toutefois une certaine réaction à l’égard de cette tendance puisqu’il a été jugé que la clause pénale n’est pas manifestement excessive au sens de l’article 1152 du Code civil, dès lors que son montant élevé résulte de ce que la résiliation est intervenue au cours de la première année d’exécution du contrat et que le calcul en est fait au prorata temporis (CA Paris, 8 mars 1996, Juris-Data n°020857).

(221)         Le juge tient parfois ouvertement compte de l’attitude des parties au moment de l’exécution du contrat afin d’apprécier le bien fondé d’une éventuelle révision (Ainsi a pu contribuer à justifier une réduction de la clause pénale stipulée au bénéfice du franchiseur le fait que l’essentiel des services fournis par le franchiseur au franchisé soient facturés à celui-ci (CA Aix-en-Provence, 4 mars 2005, Juris-Data n°275013), que le franchisé se soit trouvé très tôt abandonnée à son sort, assurant par ses seuls efforts l’exécution partielle du franchisage, de sorte que le franchiseur en a bénéficié sans contrepartie sérieuse (CA Aix-en-Provence, 24 septembre 1998, Juris-Data n°0046926)).

(222)         On doit encore signaler, sur l’appréciation du caractère manifestement excessif ou dérisoire, le profit tiré par le débiteur de la clause pénale de l’exécution du contrat de franchise. En effet, un certain nombre de décisions judiciaires ont fait état des avantages retirés par le franchisé pendant l’exécution du contrat de franchise et postérieurement, pour refuser de réduire le montant de la clause pénale (La Cour d’appel de Bordeaux a estimé que, eu égard au préjudice causé au franchiseur par la rupture anticipé du contrat et les avantages retirés de celui-ci par le franchisé pendant son exécution et postérieurement à celle-ci du fait du savoir-faire et de la notoriété, la pénalité ne pouvait être considérée comme présentant un caractère excessif (CA Bordeaux, 1er décembre 2004, Juris-Data n°267006). Dans une autre espèce, la Cour d’appel de Paris estime n’y a pas lieu à réduction de la clause pénale, l’indemnité de résiliation, indemnitaire et coercitive, n’apparaissant pas comme « manifestement excessive » eu égard à l’avantage que l’hôtel a pu tirer de la prolongation de l’utilisation de l’enseigne du franchiseur (CA Paris, 4 avril 1998, Juris-Data n°022498)).

(ii) La charge de la preuve de son caractère manifestement excessif ou dérisoire

(223)         Conformément au droit commun de la preuve, il appartient au créancier de la clause pénale d’apporter la preuve de son caractère manifestement dérisoire. Inversement, c’est au débiteur de la clause pénale, désireux d’obtenir sa réduction, de rapporter la preuve de son caractère manifestement excessif. Par conséquent, le franchisé, aux torts duquel le contrat a été résilié, qui sollicite la réduction de la pénalité stipulée au contrat, est débouté de sa demande dès lors qu’il « ne verse aux débats aucune pièce démontrant que son montant serait manifestement excessif » (CA Chambéry, 10 octobre 2006, Juris-Data n°322011).

(224)         Il convient de souligner que le caractère « manifestement » excessif ou dérisoire de la peine convenue s’apprécie au jour où le juge statue sur la demande tendant au paiement de la pénalité, et non au moment de la conclusion du contrat. Par conséquent, si des paiements partiels sont déjà intervenus à ce moment là, ils compareront celles-ci au montant de ce qui reste dû (Cass. civ. 1ère, 19 mars 1980, Bull. civ. I, n°95).

II. Les relations post-contractuelles

(225)         Si certaines obligations disparaissent avec la fin du contrat, d’autres lui survivent. Elles ont pour objet soit de liquider le passé contractuel, soit de régir le comportement des parties postérieurement à la rupture du contrat de franchise. Ces obligations, indépendantes du caractère fautif ou non de la rupture du contrat, incombent tant au franchiseur (A) qu’au franchisé (B).

A. Les obligations post-contractuelles du franchiseur

(226)         La question s’est posée de savoir si le franchisé pouvait continuer à disposer des fichiers de clientèle constitués au cours du contrat.

En principe, sous réserve de respecter la loi « Informatique et liberté », chaque opérateur peut constituer le fichier de son choix et tout fichier appartient, pendant comme après le contrat, à celui qui le constitue loyalement.

Quoiqu’il en soit, et pour couper court à toute incertitude, il est préférable de régler dans le contrat de franchise la question de la propriété des fichiers et de l’usage qui peut en être fait par les parties. De telles clauses sont parfaitement admises : ainsi, un arrêt de la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 24 janvier 2002, D. 2003, p.2428) a imputé « un acte de concurrence déloyale par tentative de détournement de la clientèle » au franchiseur qui, après le terme du contrat, avait violé la clause lui interdisant d’exploiter le fichier constitué par le franchisé « à l’issue du contrat quelle qu’en soit la cause ».

B. Les obligations post-contractuelles du franchisé

(227)         A la suite de la résiliation du contrat, le franchisé doit toujours restituer au franchiseur les éléments distinctifs de la franchise (1) et respecter parfois un engagement contractuel de non-concurrence ou de non-réaffiliation (2).

1) L’interdiction d’utiliser les signes distinctifs

F Cinq décisions commentées : CA Lyon, 22 mars 2007 (Juris-Data n°332144) ; CA Toulouse, 23 novembre 2006, inédit (RG n°05/05405) ; CA Paris, 23 novembre 2006, inédit (RG n°03/02384) ; CA Paris, 6 octobre 2006 (Juris-Data n°332901) ; CA Colmar, 12 septembre 2006 (Juris-Data n°316629) ; TC Paris, 3 juillet 2006 (Juris-Data n°314649)

(228)         Le contrat de franchise emporte la mise à disposition par le franchiseur au profit du franchisé de la marque et des signes de ralliement de la clientèle. Les signes distinctifs du franchiseur constituent un élément essentiel de sa réussite et de celle des membres de son réseau. La cessation du contrat de franchise entraîne, quel que soit la cause de sa rupture, l’obligation pour le franchisé de restituer tous les supports du savoir faire qui lui ont été remis et de déposer tous les signes distinctifs du réseau. Il s’agit notamment de la marque (CA Paris, 4 mai 2001, Juris-Data n°145840), l’enseigne (CA Aix-en-provence, 18 mai 2006, Juris-Data n°305117), le nom de domaine (CA Montpellier, 21 septembre 2004, Juris-Data n°263917), le logo (CA Paris, 26 novembre 1999, Juris-Data n°117904), les initiales renvoyant à la franchise (CA Pau, 14 mai 1992, Juris-Data n°042818), les aménagements et agencements du magasin spécifiques au concept du franchiseur (CA Grenoble, 10 mars 1998, Juris-Data n°045725), les documents publicitaires (CA Orléans, 8 mars 2001, Juris-Data n°159310) et, plus généralement, tous les autres supports du savoir-faire.

(229)         L’utilisation par le franchisé des signes distinctifs postérieurement à la rupture expose le franchisé à des sanctions civiles.

La jurisprudence ayant reconnu l’urgence s’attachant à mettre fin au risque que l’ancien franchisé fait courir à l’image du réseau, le franchiseur peut toujours saisir le juge des référés afin qu’il ordonne, au besoin sous astreinte, le retrait de tout signe distinctif du réseau. C’est ainsi que le franchisé qui continue à être répertorié avec la marque du franchiseur sur deux sites Internet d’agences immobilières alors que l’acquisition de la clause résolutoire a été constatée par le juge des référés, est condamné à supprimer le logo et la marque du franchiseur de tous ses supports sous astreinte de 150 euros par jour (CA Paris, 6 octobre 2006, Juris-Data n°332901).

Il en va encore ainsi lorsque les parties n’exécutent plus leurs obligations depuis longtemps, alors même qu’il existerait une contestation sur le principe de la rupture du contrat. C’est ce qui ressort d’un arrêt de la Cour d’appel de Colmar (CA Colmar, 12 septembre 2006, Juris-Data n°316629). Reprochant à la société franchisée de continuer à utiliser sa marque en dépit de la résiliation du contrat de franchise, le franchiseur avait saisi la juridiction des référés pour obtenir le retrait de toutes les enseignes extérieurs et la cessation de tout usage de cette marque. Le franchisé contestait le principe de la rupture du contrat de franchise. Constatant que les parties n’exécutaient plus leurs obligations depuis de nombreux mois, la Cour d’appel en a déduit que le contrat était suspendu et que le franchisé, n’agissant plus comme un membre du réseau, n’était plus fondé à utiliser la marque et l’enseigne du franchiseur.

Sauf stipulation contraire, l’ancien franchisé peut continuer de vendre le stock constitué pendant l’exécution du contrat.

(230)         Le trouble manifestement illicite n’est caractérisé que si le franchisé continue à utiliser l’enseigne de son franchiseur au delà du terme du contrat de franchise. La détermination de la durée de l’autorisation de l’usage de l’enseigne peut, dans certaines circonstances, poser difficultés; en témoigne un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse (CA Toulouse, 23 novembre 2006, RG  n°05/05405). En l’espèce, le même jour a été conclu, d’un côté, un contrat de vente du fonds de commerce sous la condition résolutoire de la prise pendant 10 ans par l’acquéreur de l’enseigne du franchiseur et de la conclusion d’un contrat de franchise et une cession de droit au bail et, d’un autre, un contrat d’affiliation et un contrat d’approvisionnement pour une durée de cinq ans. Le franchiseur a résilié le contrat de franchie à l’issue de la cinquième année et assigné le franchisé, continuant d’utiliser son enseigne, aux fins de voir cesser le trouble manifestement illicite. Le franchisé soutenait que les quatre contrats formaient un ensemble contractuel unique et que, si le contrat de franchisé avait été conclu pour une durée de 5 ans, il ressortait des dispositions des contrats de vente et de bail que la prise d’enseigne s’imposait pendant 10 ans mais sans succès. La Cour d’appel a retenu la date stipulée dans le seul contrat de franchise. Elle a considéré que la simple lecture de ces trois conventions, au demeurant conclues entre des parties différentes ou en des qualités différentes et avec des objets différents, révélait qu’aucune clause n’imposait leur indivisibilité, de sorte que l’autorisation d’usage de l’enseigne ne procédait que du seul contrat de franchise. Elle en déduisait que les stipulations contenues dans les autres conventions étaient étrangères à l’appréciation du caractère manifestement illicite du maintien de cette utilisation au-delà du terme du contrat.

(231)         Dans l’hypothèse où le franchisé a cédé licitement son fonds de commerce à un non franchisé, le franchisé-cédant ne saurait être tenu responsable de l’utilisation par le cessionnaire des signes distinctifs du franchiseur. La solution, bien que logique, a été affirmée par le Tribunal de commerce de Paris (TC Paris, 3 juillet 2006, Juris-Data n°314649).

(232)         Le franchiseur, victime de l’utilisation illicite du savoir-faire et des signes distinctifs de son réseau peut obtenir réparation de son préjudice et obtenir la restitution de l’enseigne en saisissant le juge du fond (TC Chambéry, 26 août 2005, RG n°2004/00323).

(233)         Le franchiseur qui constate un usage abusif de sa marque et des signes distinctifs par un ancien franchisé, peut agir en contrefaçon sur le fondement de l’article L. 713-2 a) du Code de la propriété intellectuelle (CA Aix-en-Provence, 18 mai 2006, Juris-Data n°305117).

Pour établir les actes de contrefaçon, il pourra recourir à la saisie-contrefaçon dont le régime juridique a été précisé dans un arrêt rendu le 20 février 2007 par la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 20 février 2007, Juris-Data n°037555). Par cette décision,  la Haute juridiction considère que les dispositions de l’article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle relatif à la saisie-contrefaçon n’interdisent pas au titulaire d’une marque agissant sur le fondement de l’article L. 713-5 de ce Code (relatif à la marque notoire), de faire procéder à une saisie-contrefaçon. C’est reconnaître que celui qui ne dispose pas d’un droit privatif peut utiliser l’arme de la saisie-contrefaçon alors même qu’elle a pour objet de faire constater par huissier les actes de contrefaçon. Or, il ne peut être question de contrefaçon lorsque la marque notoire est atteinte en dehors du principe de spécialité.

(234)         L’action en concurrence déloyale permet de faire cesser les agissements illicites et/ou la condamnation à des dommages et intérêts dès lors qu’est démontrée l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice. L’acte de concurrence déloyale est par exemple constitué en cas de débauchage des franchisés par les anciens franchisés. C’est le cas lorsque, au moment de la rupture du contrat et concomitamment à la création d’un nouveau réseau à l’origine duquel les deux anciens franchisés se sont trouvés, ils ont adressé à tous les franchisés du réseau une lettre dressant la liste de leurs griefs du franchiseur (CA Paris, 23 novembre 2006, inédit, RG n°03/02384).

(235)         Le franchiseur dispose de l’action en concurrence déloyale si l’usage porte sur des signes distinctifs qui ne font pas l’objet d’un droit privatif ou si les actes ne relèvent pas de la contrefaçon stricto sensu, par exemple les conditions de commercialisation des produits (Cass. com., 3 avril 2007,  pourvoi n°05-13.706) -, ou de l’action en contrefaçon – si les actes portent sur un bien objet d’un droit privatif – ; le choix dépendra des actes reprochés. De ce choix dépendra celui de la juridiction à saisir comme vient de le rappeler la Cour de cassation. L’action en concurrence déloyale ou pour parasitisme qui a des répercussions sur la validité des marques doit être portée devant le Tribunal de grande instance (Cass. com., 20 février 2007, pourvoi n°04-20.646). Il faut donc garder présent à l’esprit les dispositions de l’article L.716-3 du CPI qui réservent une compétence exclusive aux tribunaux de grande instance pour juger des actions «mettant en jeu à la fois une question de marque et une question de dessin et de modèle ou de concurrence déloyale connexes ».

2) Les clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation

a) La validité des clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation

F Deux décisions commentées : CA Versailles, 31 janvier 2007, inédit (RG n°06/7909) ; CA Versailles, 30 janvier 2007, inédit (RG n°05/0354)

(i) L’assimilation des clauses de non-affiliation et de non-concurrence

(236)         Si les clauses de non-réaffiliation et de non-réaffiliation ne sauraient être confondues.

Par un arrêt du 31 janvier 2007 (CA Versailles, 31 janvier2007, inédit, RG n°06/7909), la Cour d’appel de Versailles vient de souligner leur finalité respective. Elle précise que « la clause de non-réaffiliation présente un caractère spécifique qui la différencie de la clause de non-concurrence en ce qu’elle ne vise pas à interdire au franchisé d’exercer toute activité pendant une durée déterminée et dans un espace donné mais préserve au contraire la possibilité pour celui-ci de maintenir son activité sans le recours à une enseigne renommée concurrente dans une limite de temps et d’espace ».

Cette distinction reste bien théorique néanmoins puisque les clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation sont soumises au même régime (Cass. com., 17 janvier 2006, Juris-Data n°031799 ; CA Caen, 29 septembre 2005, Juris-Data n°299499).

(237)         La clause de non-concurrence ne doit pas davantage être confondue avec la clause de non-sollicitation (Si l’obligation de non-concurrence pesant sur un salarié suppose le versement à son profit d’une contrepartie financière, il en va différemment d’une clause de non-sollicitation contractée par les clients de l’employeur et leur imposant, pour une durée déterminée, de ne pas solliciter les services de ses salariés alors même qu’ils auraient quitté l’entreprise (v. not., CA Lyon, 12 juill. 2005, Juris-Data n°284803)). La chambre commerciale de la Cour de cassation vient d’affirmer qu’elle n’est « ni une variante, ni une précision de celle-ci » (Cass. com., 11 juillet 2006, Juris-Data n°034737. Il est à noter que la chambre sociale de la Cour de cassation soumet la clause de non-sollicitation au régime de la clause de non-concurrence en énonçant que « seul le salarié peut se prévaloir du trouble qu’est susceptible de lui causer une clause de non-sollicitation ne comportant pas de contrepartie financière » (Cass. soc. 10 mai 2006, Juris-Data n°033533).

(ii) Les conditions de validité des clauses de non-réaffiliation et de non- concurrence

(238)         Parce qu’elle restreint une liberté économique essentielle, la validité de la clause de non-concurrence est subordonnée à trois conditions. La première, la restriction d’activité qu’elle entraîne pour le débiteur, doit être limitée quant au genre d’activité concernée. Ensuite, la clause doit être limitée dans le temps et dans l’espace. L’ultime condition – la plus importante – impose que la restriction de concurrence soit proportionnée aux intérêts légitimes du créancier de l’obligation, au regard de l’objet du contrat. Cette condition se décompose en deux propositions bien distinctes : pour être valable, une telle clause doit, d’une part, tendre à la protection des « intérêts légitimes » de son bénéficiaire (critère de nécessité) et, d’autre part, produire une restriction de concurrence qui soit « proportionnée » aux intérêts légitimes (critère de proportionnalité) (En matière commerciale, les clauses de non-concurrence ne sont, pour l’heure, pas soumises à la condition de rémunération).

(239)         Une action en référé est l’occasion d’apprécier la validité d’une clause de non-concurrence pour établir le trouble manifestement illicite que sa violation cause au créancier. Une clause qui ne répondrait pas aux critères traditionnels de validité peut conduire le juge des référés à écarter le trouble manifestement illicite. C’est ce qui ressort d’un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 31 janvier 2007 (CA Versailles, 31 janvier 2007, inédit, RG n°06/7909). Le juge des référés avait considéré que l’ancien franchisé violait son obligation contractuelle en remplaçant l’enseigne de son ancien franchiseur par une enseigne concurrente postérieurement à l’expiration du contrat de franchise. Cette analyse n’est pas confirmée en appel. En effet, la Cour a estimé que le trouble n’était pas caractérisé avec l’évidence requise en référé dès lors que la condition de protection des intérêts légitimes du franchiseur n’était pas établie avec certitude au regard du « savoir-faire » du franchiseur, que la condition de proportionnalité à la sauvegarde des intérêts légitimes du franchiseur n’était pas établie de manière évidente. Cet arrêt est l’occasion d’insister sur la condition d’un intérêt légitime à protéger qui peut résider dans le savoir-faire du franchisé, à condition d’établir que ce savoir-faire nécessite une protection en raison de son originalité.

(240)         L’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 30 janvier 2007 (CA Versailles, 30 janvier 2007, inédit, RG n°05/0354), précédemment évoqué, illustre la soumission des conditions de validité des clauses de non-affiliation aux mêmes conditions que les clauses de non-concurrence. Après avoir souligné la spécificité de la clause, la Cour s’attache à vérifier chacune des conditions de validité. En premier lieu, la Cour vérifie que la clause vise à protéger le savoir-faire du franchiseur qui constitue l’intérêt légitime de ce dernier. Puis, elle exclut l’application du règlement communautaire du 29 décembre 1999 dont on sait qu’il trouve à s’appliquer dans ce domaine, car il est postérieur à la conclusion du contrat de franchise. Enfin, la Cour s’assure de la limitation dans le temps et dans l’espace de la clause ce qui est le cas puisqu’elle prévoyait une durée d’un an et un rayon de cinq kilomètres. Les conditions étant réunies en l’espèce, la clause de non-réaffiliation a pu être jugée valable et le franchiseur a été indemnisé pour son préjudice lequel a été évalué en tenant compte de la durée pendant laquelle l’infraction s’est poursuivie et de la taille de la surface de vente exploité par l’ancien franchisé.

Cet arrêt confirme que les clauses de non-réaffiliation suivent le même régime que les clauses de non-concurrence, et notamment qu’elles sont soumises à des conditions de validité identiques tenant à l’existence d’un intérêt légitime, la limitation dans le temps et dans l’espace, quand bien même leur « caractère spécifique » est souligné par la jurisprudence.

b) La mise en œuvre des clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation

F Quatre décisions commentées : CA Lyon 22 mars 2007 (Juris-Data n°332144) ; CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit (RG n°04/06593) ; CA Paris, 23 novembre 2006, inédit (RG n°03/02384) ; CA Chambéry, 10 octobre 2006 (Juris-Data n°322011)

(241)         L’inexécution de la clause de non-concurrence peut revêtir des formes variées : il peut s’agir de la méconnaissance des conditions de temps et de lieu, de l’exercice d’une activité en tout ou partie similaire à celle du franchiseur – soit pour son propre compte, soit au sein d’une entreprise concurrente – comme de la poursuite de l’utilisation des signes postérieurement à la cessation du contrat de franchise. La diversité ne manque pas.

(242)         L’arrêt de la Cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 22 mars 2007, Juris-Data n°332144) illustre la relation entre la clause de non-concurrence et l’utilisation des signes distinctifs du franchiseur postérieurement à la résiliation du contrat de franchise. Constatant que la société franchisée avait continué d’utiliser les signes distinctifs de la franchise et le numéro de téléphone figurant à l’enseigne de la franchise en dépit de la résiliation du contrat, la Cour d’appel considère que le franchisé avait détourné la clientèle et violé la clause de non-concurrence régulièrement prévue au contrat. Ainsi, en poursuivant l’utilisation des signes distinctifs postérieurement à la rupture du contrat de franchise, le franchisé méconnaît la clause de non-concurrence, dont l’objet est précisément de s’assurer que le comportement post-contractuel du franchisé ne tendra pas à détourner sa clientèle.

(243)         La rédaction de la clause de non-concurrence est capitale car elle permet de cerner l’étendue de l’obligation de ne pas faire de son débiteur.

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 23 novembre 2006 (CA Paris, 23 novembre 2006, inédit, RG n°03/02384) en témoigne. En l’espèce, la clause interdisait au franchisé, pendant un an après la terminaison du contrat, par l’effet de la survenance du terme ou de sa résiliation anticipée, par l’une ou l’autre des parties : 1/ d’exercer dans le magasin, comme dans la zone territoriale définie au contrat, un commerce concurrent à celui des magasins franchisés en pratiquant des prestations selon une politique d’abonnement à prix réduits; 2/ de se grouper, se réunir ou s’allier, de fait ou de droit, sous quelque forme juridique que ce soit, avec une ou plusieurs personnes physiques ou morales exploitant un ou plusieurs magasins exerçant le même activité. Les anciens franchisés s’étant, dès la rupture des relations contractuelles, groupés avec d’autres en réseau pour poursuivre l’exploitation de leur magasin en pratiquant une activité similaire, la Cour d’appel a considéré que la violation de la clause était avérée, peu important, selon la Cour, que les anciens franchisés aient exercé une activité supplémentaire à celle à laquelle était limitée la clause de non-concurrence.

La solution permet de faire respecter les termes de la clause interdisant l’activité considérée et de sanctionner le débiteur qui se proposerait de contourner l’interdiction convenue par l’extension de ses activités au regard de celles stipulées au contrat. Ainsi, la solution va de soi : qui ne peut le moins, ne peut le plus.

(244)         Dans certaines hypothèses, la mise en œuvre de la clause de non-concurrence est expressément subordonnée à l’absence de faute imputable au franchiseur (CA Paris, 21 septembre 2005, Juris-Data n°293492). L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Bordeaux le 24 janvier 2007 (CA Bordeaux, 24 janvier 2007, inédit, RG n°04/06593) illustre cette situation. Le franchiseur est débouté de sa demande tendant au paiement de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence dès lors que la résiliation a été prononcée aux torts exclusifs du franchiseur et qu’en l’espèce, le contrat ne réservait son application qu’en cas de résiliation aux torts du franchisé, de contrat arrivé à terme ou non renouvelé. La solution est connue (CA Paris, 21 septembre 2005, Juris-Data n°293492).

Il faut toutefois préciser que le lien entre le bénéfice d’une clause de non concurrence et l’absence de faute du créancier n’a rien de nécessaire. La preuve en est qu’il n’est pas établi en règle de principe : elle existe uniquement en présence d’une stipulation contractuelle expresse (Cass. com., 7 janvier 2004, pourvoi n°01-13.352).

La protection contre la concurrence garde sa légitimité alors même que celui qui entend en bénéficier aurait été à l’origine de la cessation de la relation, si l’on admet qu’elle constitue un prolongement naturel de l’appartenance à un réseau. Cette appartenance impose un respect minimum d’un réseau dont le franchisé a, par hypothèse, bénéficié lorsqu’il l’a intégré et dont, ce faisant, il a recueilli en termes de clientèle, les avantages procurés par la multiplicité de points de vente organisés selon les mêmes procédés originaux. Mais, sous un autre point de vue, il pourra être estimé que l’engagement de non-concurrence constitue, pour le franchisé, une contrainte suffisamment lourde pour que le franchiseur ne puisse prétendre en bénéficier lorsqu’il est à l’origine de la cessation du contrat.

Il reste que, pour l’heure, la corrélation entre la possibilité de bénéficier effectivement d’une clause de non concurrence et l’absence de faute, qualifiée ou non, à l’origine de la cessation du contrat de franchise, dépend exclusivement d’une prévision contractuelle. La liberté contractuelle permettrait d’adopter un juste milieu en réservant – par exemple – certaines exclusions pour telles ou telles catégories de faute. On songe tout particulièrement aux fautes lourdes et graves. La première catégorie comprend la faute intentionnelle (dolosive) et celle qui, sans résulter de l’intention de nuire au cocontractant, crée un résultat d’une telle gravité que son auteur doit être traité comme s’il avait eu une intention dolosive. La faute grave est celle qui crée un dommage tel, au préjudice de l’autre partie, qu’elle rend impossible la poursuite de la relation. Le contrat peut définir les fautes lourdes et graves, qui le seront donc selon la convention ; ces définitions s’imposent au juge comme il en va, en principe, de toute définition contractuelle. Il est judicieux de donner des exemples, en prenant garde qu’ils correspondent suffisamment au critère retenu, afin de ne pas provoquer un effet inverse d’immixtion accrue du juge dans cette partie du contrat, au nom d’une indispensable interprétation.

(245)         Le succès de l’action du créancier de la clause de non-concurrence suppose que ladite clause ait été violée par son débiteur, à défaut il n’a pas d’intérêt à agir. Si la solution paraît logique, la Cour d’appel de Chambéry a du en faire état dans une espèce où le franchiseur n’alléguait aucune violation de la clause et ne formait aucune demande de dommages et intérêts (CA Chambéry, 10 octobre 2006, Juris-Data n°322011).

En revanche, le seul constat de la violation de l’engagement ouvre droit à des dommages et intérêts. Cette solution résulte d’un arrêt récent de la première chambre civile de la Cour de cassation (Déjà en ce sens Cass. civ. 1ère, 10 mai 2005, Juris-Data n°028320) rendu au visa de l’article 1145 (Traditionnellement, l’article 1145 du Code civil était interprété comme dispensant le créancier d’une mise en demeure préalable mais de la démonstration d’un préjudice) du Code civil : « attendu que si l’obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages et intérêts par le seul fait de la contravention ».

La détermination de la consistance du préjudice déterminera le montant des dommages et intérêts accordés (V. not., CA Paris 23 novembre 2006, RG n°03/02384 : retenant un préjudice symbolique de 1 euro après avoir estimé que le franchiseur ne rapportait pas la preuve du préjudice que lui aurait causé la violation de la clause). L’on perçoit alors davantage encore l’intérêt de fixer à l’avance le montant des dommages et intérêts au moyen d’une clause pénale.

Le contrat de franchise et les procédures collectives

(246)         Signe probable de la performance accrue des réseaux de franchise, les décisions concernant les procédures collectives restent peu nombreuses. Quelques décisions récentes seulement intéressent la mise en œuvre de la responsabilité du franchisé (I), du franchiseur (II) ou des tiers (III).

I. Procédures collectives et mise en œuvre de la responsabilité du franchisé

F Trois décisions commentées : Cass. com., 12 juin 2007, pourvoi n°05-21.301 ; CA Paris, 6 mars 2007 (Juris-Data n°330841) ; CA Paris, 10 novembre 2006 (Juris-Data n°318416)

(247)         Le principe de l’arrêt des poursuites individuelles – qui concerne tous les créanciers, tel le franchiseur notamment – est énoncé à l’article L. 621-40 du Code de commerce (devenu l’article L. 622-21 depuis le 1er janvier 2006). Selon ce texte, le prononcé du jugement d’ouverture « interrompt » ou « interdit » toute action en justice fondée sur une créance antérieure audit jugement, tendant notamment au paiement d’une somme d’argent. Cette règle est dans le prolongement naturel de l’article L. 621-24, alinéa 1er du même code (devenu l’article L. 622-7 depuis le 1er janvier 2006), selon lequel « le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture ».

Le franchiseur ne peut donc introduire ou poursuivre toute action en recouvrement de créances (redevances, livraisons, etc.) échues avant le jugement d’ouverture.

Dans une affaire récente (Cass. com., 12 juin 2007, pourvoi n°05-21.301), le franchiseur avait résilié les contrats de franchise le liant à trois sociétés franchisées et les avait assignées en paiement de diverses sommes (redevances restant dues, créances de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, etc.).

 

Les juges du fond avaient fait droit à sa demande en dépit de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre des franchisés, intervenue entre temps.

L’arrêt est sèchement cassé au visa de l’article L.621-40 du Code de commerce, les créances dont le paiement était sollicité trouvant leur origine avant le jugement d’ouverture.

(248)         De même, en présence d’un contrat de franchise rompu de façon anticipée en raison du plan de cession de l’entreprise du franchisé en redressement judiciaire, en l’espèce au profit d’un concurrent du franchiseur, la Cour d’appel de Paris retient que la créance du franchiseur se limite au montant du droit d’entrée dû par le franchisé et le franchiseur doit donc être débouté de sa demande d’admission d’une créance indemnitaire égale aux redevances prévues jusqu’au terme contractuel. Pour justifier cette solution, l’arrêt souligne que, d’une part, le contrat ne prévoit pas le versement d’une indemnité de résiliation anticipée et que, d’autre part, les articles L. 621-28 et L. 621-32 du Code de commerce applicables à l’espèce (devenus les articles L.622-13 et L. 622-17 du Code de commerce depuis le 1er janvier 2006) consacrent la faculté, en matière de redressement judiciaire, de mettre fin de façon unilatérale et discrétionnaire à un contrat, sans que puisse être invoquée une quelconque faute (CA Paris, 6 mars 2007, Juris-Data n°330841).

(249)         La déconvenue du franchiseur peut aller plus loin. Ainsi, lorsque l’administrateur judiciaire d’une société franchisée ne s’est prononcé ni sur la poursuite ni sur la rupture du contrat de franchise qui s’est trouvé résilié pour ne pas avoir été compris dans le périmètre des reprises contenues dans le plan de cession, et que le cessionnaire a déclaré faire son affaire personnelle des conséquences de la résiliation, sans recours contre la procédure et les organes de la procédure, le franchiseur n’est titulaire d’aucune créance à l’encontre de la société franchisée et sa créance doit être rejetée (CA Paris, 10 novembre 2006, Juris-Data n°318416).

II. Procédures collectives et mise en œuvre de la responsabilité du franchiseur

F Cinq décisions commentées : Cass. soc., 21 février 2007 (Juris-Data n°037640) ; Cass. soc., 14 décembre 2006 (Juris-Data n°036551) ; Cass. soc., 14 décembre 2006, inédit, pourvoi n°05-40.844 ; Cass. crim., 8 novembre 2006 (Juris-Data n°036134), Bull. crim., n°280, p.1015 ; CA Toulouse, 13 octobre 2006, Juris-Data n°327205

(250)         La responsabilité du franchiseur peut être poursuivie par le franchisé (A) ou un tiers (B).

A. La responsabilité du franchiseur mise en œuvre par le franchisé

(251)         On l’a vu, le franchisé peut saisir le conseil de prud’homme tenter d’obtenir la requalification de son contrat de franchise en contrat de travail ou, par application de l’article L.781-1, 2° du Code du travail, l’application des dispositions protectrices de ce texte (v. sur la question, supra § 16 et s.).

(252)         Lorsque le franchisé a fait l’objet d’un jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, se pose la question de savoir si l’action tendant à la reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne de celui qui se prétend salarié, auquel cas ce droit ne peut être exercé ni par ses créanciers ni par les organes de la procédure collective de la société franchisée.

La Cour de cassation (Cass. soc., 14 décembre 2006, Juris-Data n°036551) répond par l’affirmative. Il résulte de la combinaison des articles 1166 du Code civil, L. 511-1 du Code du travail et L. 622-9 du Code de commerce que la reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne de celui qui se prétend salarié, et que ce droit ne peut être exercé ni par ses créanciers ni par les organes de la procédure collective de la société franchisée. Dès lors, viole lesdits textes la cour d’appel ayant déclaré irrecevable, pour défaut de qualité à agir, l’action engagée par un franchisé en liquidation judiciaire tendant à se voir déclarer titulaire d’un contrat de travail.

(253)         Lorsque le franchiseur a fait l’objet d’un jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, le franchisé saisira le juge aux fins de voir fixer sa créance au titre, notamment, de rappels de salaire, d’indemnités et de dommages et intérêts (V. par exemple, pour une application récente, Cass. soc., 21 février 2007, Juris-Data n°037640). A cet égard, la Cour de cassation considère que la demande du franchisé tendant à obtenir, par application de l’article L.781-1, 2° du Code du travail,la réparation du préjudice résultant du paiement injustifié d’un droit d’entrée lors de la signature du contrat de franchise doit être garantie par l’AGS (Cass. soc., 14 décembre 2006, inédit, pourvoi n°05-40.844 ; CA Toulouse, 13 octobre 2006, Juris-Data n°327205 : retenant, au contraire, que la créance résultant de ce préjudice n’est pas susceptible d’être garantie par l’AGS).

B. La responsabilité du franchiseur mise en œuvre par un tiers

(254)         Un récent arrêt de la Cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 22 mars 2007, inédit (RG n°05/07776) montre qu’un tiers peut également poursuivre la responsabilité du franchiseur lorsque celui-ci a contribué au redressement judiciaire de la société franchisée.

En l’espèce, les membres d’une même famille avaient constitué une société civile immobilière pour acquérir et gérer des locaux dans lesquels une société qu’ils contrôlaient exploitait un commerce sous franchise. Comme souvent, le financement de cette opération avait été financé par un contrat de crédit-bail. Par suite de manquements commis par le franchiseur, la société franchisée avait fini par ne plus pouvoir payer ses loyers, ce qui mit la SCI en difficulté. Cette dernière fit l’objet d’une procédure de redressement puis de liquidation judiciaire. Assignés en paiement par la société de crédit-bail sur le fondement de 1857 du Code civil, les associés de la SCI appelaient en garantie le franchiseur, responsable selon eux du dépôt de bilan de la société franchisée et, par suite, de l’impossibilité où s’était trouvé la SCI de pouvoir honorer le paiement des échéances du contrat de crédit-bail.

Pour faire droit à une telle demande, la Cour d’appel retient que « la faute d’un tiers (en l’espèce le franchiseur) qui serait à l’origine de la mise en œuvre des dispositions de l’article 1857 à l’égard des associés, est susceptible de caractériser pour eux la perte d’une chance de ne pas avoir à supporter les dettes sociales, si la société avait pu les assumer » (V. déjà en ce sens, Cass. civ. 3ème, 8 novembre 2000, 006745, Bull. civ. III, n°168, p.117) et qu’une telle faute peut résulter, comme en l’espèce, des agissements du franchiseur ayant « directement entraîné la cessation des paiements de la société franchisée » (En l’espèce, la faute du franchiseur résultait d’« une erreur fondamentale dans l’étude préalable à la signature du contrat de franchise (…), outre divers manquements dans les suivis du contrat ». En outre, le franchiseur avait refusé de verser au franchisé les dommages intérêts mis à sa charge dans le cadre d’une procédure parallèle les opposant, puis avait procédé à « la résiliation unilatérale et abusive du contrat de franchise , après avoir tenté de s’en procurer la justification par des pressions et des suspensions abusives de livraisons, rendant ainsi inévitable l’échec du plan de redressement qui avait été adopté », de sorte qu’ « en privant (le franchisé) de toute activité commerciale, les fautes commises par (le franchiseur) à son égard, (avaient) également provoqué la déconfiture de la SCI (…) »).

(255)         On évoquera enfin la responsabilité pénale du franchiseur, qui peut être mise en œuvre par tout tiers intéressé.

Un arrêt de la Cour de cassation (Cass. crim., 8 novembre 2006, Juris-Data n°036134, Bull. crim., n°280, p.1015), rappelle que le dirigeant de la société franchiseur peut être déclaré coupable du délit de banqueroute, prévu et réprimé aux articles L. 654-2 (Selon l’article L.654-2 du Code de commerce, « en cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées à l’article L.654-1 contre lesquelles a été relevé l’un des faits ci-après : 1º Avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, soit fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ; 2º Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif du débiteur ; 3º Avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur ; 4º Avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l’entreprise ou de la personne morale ou s’être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation ; 5º Avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales ») et L. 654-3 du Code de commerce. Il faut dire, qu’en l’espèce, les éléments tant matériels qu’intentionnel du délit étaient réunis, dès lors qu’il était avéré, selon l’arrêt, que le prévenu avait retardé l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire en employant des moyens ruineux afin de se procurer des fonds (En l’espèce, le prévenu avait admis que le budget prévu pour les deux points de vente pilotes « avait été largement dépassé et que la différence avait été comblée, à l’insu des clients, par les acomptes reçus par les acheteurs (…) » et que « le montage juridique et financier, élaboré par les dirigeants de fait et de droit des sociétés, visant, d’une part, à accréditer, via des publicités alléchantes comportant des allégations mensongères, l’existence d’un groupe solidairement implanté, commercialisant un concept présenté, à travers les deux points de vente pilote, comme faussement performant et éprouvé de longue date, et, d’autre part, à assurer aux souscripteurs que les acomptes qu’ils versaient étaient affectés au financement des frais d’étude et d’implantation de leur point de vente, (avaient) déterminé ceux-ci à remettre des fonds dont la destination a été détournée de leur objet pour alimenter la trésorerie des sociétés ainsi que le train de vie des dirigeants et de certains collaborateurs »).

En revanche, la Haute juridiction retient que, selon l’article L. 653-11, alinéa 1er  du Code de commerce (C. com., art. L.653-11, alinéa 1er : « Lorsque le tribunal prononce la faillite personnelle ou l’interdiction prévue à l’article L.653-8, il fixe la durée de la mesure, qui ne peut être supérieure à quinze ans. Il peut ordonner l’exécution provisoire de sa décision. Les déchéances, les interdictions et l’incapacité d’exercer une fonction publique élective cessent de plein droit au terme fixé, sans qu’il y ait lieu au prononcé d’un jugement »), entré en vigueur le 1er janvier 2006, la durée de la faillite personnelle ne peut être supérieure à 15 ans. Dès lors, doit être annulée la décision qui, n’ayant pas acquis force de chose jugée avant le 1er janvier 2006, avait condamné à 20 ans de faillite personnelle le prévenu déclaré coupable de banqueroute.

III. Procédures collectives et mise en œuvre de la responsabilité des tiers

F Deux décisions commentées : Cass. Com., 27 mars 2007 (Juris-Data n °038250) ; CA Paris, 27 octobre 2006 (Juris-Data n°318310)

(256)         Le tiers poursuivi peut être caution (A) ou créancier (B).

A. La mise en œuvre de la caution

(257)         Face à l’intangible rigueur du principe de l’arrêt des poursuites individuelles énoncé à l’article L. 621-40 du Code de commerce, il peut être utile de garantir ses créances – notamment par un cautionnement bancaire ou la caution de la personne physique dirigeante de la société débitrice – , la réforme issue de la loi du 26 juillet 2005 n’ayant pas modifié le principe selon lequel la caution ne peut invoquer à son profit la règle de l’arrêt des poursuites individuelles dont bénéficie le débiteur principal (Cass. civ. 1ère, 14 juin 2000, Bull. n°182).

Il est donc parfaitement loisible à un créancier antérieur d’exercer, après jugement d’ouverture, une action en paiement contre la caution, à tout le moins lorsqu’il s’agit d’une caution solidaire (En revanche, la caution simple devrait pouvoir refuser de payer si elle démontre que le créancier pourra obtenir des fonds de la réalisation des biens du débiteur). Il convient toutefois de préciser que, les « personnes physiques coobligées ou ayant consenti un cautionnement ou une garantie autonome » bénéficient de l’arrêt des poursuites pendant toute la durée de la période d’observation (C. Com., art. L.622-28 al. 2). Par cette exception, le législateur a voulu inciter les personnes physiques qui se portent caution des engagements des sociétés qu’ils dirigent à déclarer la cessation des paiements de ces dernières, sans avoir à craindre une action des créanciers sociaux impayés sur leurs biens personnels. Mais le créancier bénéficiaire de la garantie peut prendre des mesures conservatoires (C. Com., art. L.622-28, al 3) ; il doit alors engager une instance au fond dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, l’instance étant toutefois suspendue jusqu’au jugement qui arrête le plan de redressement ou prononce la liquidation judiciaire du débiteur principal (Cass. com., 24 mai 2005, Bull. IV, n°116).

B. La mise en œuvre de la responsabilité du créancier

(258)         La mise en œuvre d’une procédure de redressement judiciaire peut également donner lieu à la mise en œuvre de la responsabilité des créanciers, tels qu’un établissement de crédit ou le franchiseur lui-même. Cette situation devrait être réservée à des hypothèses bien particulières, tant il est vrai que l’action en soutien abusif a pour l’essentiel vécu (L’article L.650-1 du Code de commerce énonce en effet que « les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci ») depuis l’entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005 portant réforme du droit des entreprises en difficultés (v. sur la portée de ce texte rapportée à la problématique de la franchise : Numéro spécial, Les Petites Affiches, 9 novembre 2006, Le contrat de franchise : un an d’actualité, §§. 161-164).

(259)        La chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 27 mars 2007, Juris-Data n°038250) a eu à juger de la mise en jeu de la responsabilité du banquier par la caution, gérant de la société franchisée.

En l’espèce, par suite de la mise en redressement puis en liquidation judiciaire de la société franchisée, sa gérante avait été actionnée en paiement par la banque. Sans faire preuve d’une grande originalité (Une autre décision rejette l’argument – plus original il est vrai – de la caution qui, pour être déchargée, contestait la validité de l’obligation principale garantie en soutenant que le franchiseur ayant proposé un contrat de crédit-bail avec une société de crédit est intervenu en qualité d’intermédiaire financier. La Cour d’appel de Paris retient en effet, à juste titre, qu’il est d’usage pour un fournisseur (ici le franchiseur) de proposer à son co-contractant d’acheter le matériel par l’intermédiaire d’un contrat de crédit-bail. Ainsi, le fait pour le franchiseur d’avoir proposé au franchisé l’établissement financier avec lequel il entretenait des relations n’implique pas qu’il pouvait être considéré comme étant son intermédiaire financier (CA Paris, 27 octobre 2006, Juris-Data n°318310)), elle tentait d’être déchargée en invoquant des fautes commises par la banque du fait de l’octroi d’un crédit inconsidéré, de ses manquements à ses devoirs de conseil et de vérification, tant à l’égard de la situation du franchiseur qu’à l’égard de la situation du débiteur principal, compte tenu du caractère disproportionné du prêt par rapport aux facultés contributives de la caution.

Constatant que l’arrêt avait relevé que la caution était, lorsqu’elle avait signé le contrat de franchise, désireuse de renouer avec une activité de commerçante, que ce contrat était conclu avec une société constituée le même jour, que la caution associé majoritaire était gérante et qu’elle avait fait réaliser une étude de marché et un bilan prévisionnel dans le but d’obtenir un prêt pour créer son entreprise, la Cour de cassation a estimé que la caution était une caution « avertie ». Elle ajoute que la cour d’appel, qui n’était pas tenue d’effectuer une recherche ou de répondre à des conclusions que ces constatations rendaient inopérantes, dès lors la caution n’alléguait ni ne démontrait que la banque aurait eu sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l’état du succès escompté de la création du fonds de commerce par la société, des informations qu’elle aurait elle-même ignorées.

On le sait, l’établissement de crédit qui octroie un crédit abusif à une société dont la situation était d’ores et déjà compromise ou qui sollicite une garantie sans aucun rapport avec le patrimoine et les revenus de la caution, commet une faute susceptible d’engager sa responsabilité à l’égard du garant actionné en paiement. Pour autant, la solution diffère selon la qualité de la caution : avertie ou non.

En effet, la distinction opérée en jurisprudence entre les cautions profanes et les cautions averties dans le bénéfice de la règle de la proportionnalité est désormais classique. La responsabilité de l’établissement de crédit ne peut être engagée à l’égard de la caution « avertie » que si cette dernière prouve que la banque aurait eu, sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l’état du succès escompté de l’opération immobilière entreprise par la société, des informations qu’elle aurait elle-même ignorées (Cass. com., 8 octobre 2002, Bull. civ. IV, n°136).

Cette jurisprudence est critiquable dès lors que la qualité de dirigeant de la caution fait obstacle à la reconnaissance de sa qualité de profane. Les dirigeants ne composent pas uns famille homogène. Aucun diplôme n’étant requis pour créer ou diriger une entreprise, toute personne peut devenir dirigeante. Pour cette raison, il est peu réaliste de soumettre tous les dirigeants à des règles identiques. Il s’agit là de l’éternel clivage consommateur – professionnel.

Par cet arrêt, la Chambre commerciale accueille les juges du fond d’avoir jugée la caution d’avertie, non pas seulement du fait de sa qualité de dirigeant mais également des documents qu’elle a réalisés en vu d’obtenir ledit crédit, à savoir une étude de marché et un bilan prévisionnel.

(260)        Enfin, précisons que cette jurisprudence qui distingue entre caution avertie et caution profane est peut-être destinée à disparaître. En effet, par la loi n°2003-721 du 1er août 2003 sur l’initiative économique, le législateur a manifesté une volonté de consécration d’un principe général de proportionnalité de la garantie avec les facultés de paiement du garant et ce, sans distinction aucune, selon la personne physique et le crédit accordé. Le nouvel article L. 341-4 du Code de la consommation interdit à un créancier professionnel de « se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à ses obligations ».

Cette mesure existant déjà pour les cautions garantissant des opérations de crédit à la consommation et de crédits immobiliers (C. consomm., art. L.313-10) ; la majorité de la doctrine en a déduit, qu’en dépit de leur insertion dans le code de la consommation, les dispositions de l’article L. 341-4 du Code de la consommation devraient bénéficier aux cautions dirigeantes, en application du principe selon lequel il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas.

Le présent arrêt ne permet pas de préjuger de la solution qui sera retenue par la Haute juridiction. La chambre mixte de la Cour de cassation (Cass. mixte, 22 septembre 2006, pourvoi n°05-13.517) a récemment affirmé que l’article L. 341-4 du code de la consommation n’était pas applicable aux cautionnements souscrits antérieurement à la loi du 1er août 2003, ce qui était le cas en l’espèce. De toute manière, la caution ne se prévalait pas dans son pourvoi, du bénéfice de cette disposition.

Le contentieux du contrat de franchise (éléments de procédure)

(261)         L’actualité jurisprudentielle à laquelle notre étude se consacre offre d’intéressantes décisions concernant les contentieux étatique (I) et arbitral (II).

I. Le contentieux étatique

(262)         Il convient d’envisager les règles de procédures selon qu’elles sont communes à toutes les juridictions (A) ou qu’elle gouverne la juridiction des référés (B).

A. Les règles communes à toutes les juridictions

F Trois décisions commentées : Cass. com., 5 décembre 2006 (Juris-Data n°036489) ; Cass. com., 5 décembre 2006, inédit (pourvoi n°04-20.039) ; TC Paris, 3 octobre 2006 (Juris-Data n°331017)

(263)         Selon l’article 48 du NCPC, « toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée ».

Une société franchiseur avait conclu un contrat de partenariat avec une personne physique, par lequel cette dernière exerçait une activité d’expert en diagnostic immobilier avec les méthodes, le savoir-faire et l’enseigne de celle-ci. La société franchiseur avait assigné son franchisé en paiement de redevances devant le tribunal de commerce du siège de la société, ainsi que le prévoyait la clause attributive de compétence figurant au contrat. Faisant valoir que le contrat de franchise n’est pas nécessairement commercial (Il est vrai que le franchisé n’est pas nécessairement un commerçant (CA Versailles, 12 février 1992, Juris-Data n°046442)), et que sa signature ne constitue donc pas par elle-même un acte de commerce, le francisé faisant valoir qu’il convenait donc de rechercher si l’activité telle que définie par son contrat était de nature civile ou commerciale. Ce faisant, il estimait ne pas avoir contracté « en qualité de commerçant » au sens de l’article 48 du NCPC, et excipait de l’incompétence ratione loci du tribunal devant lequel il avait été assigné.

Saisie du pourvoi formé contre l’arrêt confirmatif ayant écarté cette exception d’incompétence, la Cour de cassation (Cass. com., 5 décembre 2006, Juris-Data n°036489 ; v. aussi, dans le cadre d’un contentieux opposant les mêmes parties, Cass. com., 5 décembre 2006, inédit, pourvoi n°04-20.039) retient qu’une telle activité, qui n’est pas purement intellectuelle, revêt un caractère commercial (En effet, l’article 110-1 du Code de commerce répute notamment acte de commerce « 6°) toute entreprise de fournitures, d’agence, bureaux d’affaires, établissements de ventes à l’encan, de spectacles publics ») dès lors qu’elle est exercée à titre habituel.

(264)         Lorsque le litige opposant des ressortissants de l’Union Européenne sur l’exécution d’un contrat de franchise, il convient de faire application de l’article 23 du Règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000, selon lequel « si les parties sont convenus d’un tribunal ou de tribunaux d’un Etat membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet état sont compétents (…) » (En l’espèce, la clause attributive de compétence territoriale figurant au contrat de franchise stipulait : « tout différend concernant la validité, l’interprétation, l’exécution, l’inexécution ou la résiliation du contrat sera porté devant les tribunaux de Paris (…) ».  En outre, les engagements de caution et les conditions générales de vente comportaient une clause de compétence d’attribution au profit du Tribunal de commerce de Paris), qui s’applique en matière civile et commerciale, le contrat de franchise établissant un « rapport de droit » au sens de ce texte (TC Paris, 3 octobre 2006, Juris-Data n°331017).

B. Les règles inhérentes à la juridiction des référés

(265)         En matière commerciale, le juge des référés peut être compétent en application des articles 872 (NCPC, art. 872 : « Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend »), 873 (NCPC, art. 873 : « Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite (al.1er). Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire (al.2nd) ») et 145 (NCPC, art. 145 :« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ») du NCPC. Ces textes sont d’application fréquente en matière de franchise.

Un développement préalable doit être réservé à la question de la compétence du juge des référés en présence d’une clause compromissoire (1). On examinera ensuite les mesures pouvant être ordonnées en référé et les conditions nécessaires à leur mise en œuvre (2).

1) La compétence du juge des référés en présence d’une clause compromissoire

F Cinq décisions commentées : CA Rouen, 13 mars 2007 (Juris-Data n°332205) ; Cass. civ. 1ère, 6 février 2007 (n°037272) ; CA Toulouse, 23 novembre 2006, inédit (RG n°05/05405) ; CA Paris, 3 novembre 2006 (Juris-Data n°326129) ; CA Reims, 18 juillet 2006 (Juris-Data n°335083).

(266)         On le sait, l’effet principal d’une convention d’arbitrage est de rendre l’arbitre compétent pour connaître du litige – qu’il ait été saisi ou non – et, symétriquement, de rendre les juridictions étatiques incompétentes pour ce faire (NCPC, art. 1458).

Cette règle connaît quatre exceptions, que les décisions objets de la présente étude nous permettent d’examiner attentivement. Contrairement à une idée répandue, qui voudrait uniformiser les règles relatives à la compétence du juge des référés en présence d’une clause compromissoire, celles-ci diffèrent selon l’hypothèse considérée. Il y a lieu de distinguer selon le fondement sur lequel le juge des référés est saisi.

(267)         En cas d’urgence, il est possible d’obtenir en référé, sur le fondement de l’article 872 du NCPC, une mesure conservatoire, dans la mesure où il n’existe aucune contestation sérieuse. Cette règle est applicable s’il existe une clause compromissoire. Ainsi, la Cour d’appel de Reims souligne-t-elle que le juge des référés est « compétent pour ordonner des mesures urgentes en dépit de la clause compromissoire (…) »(CA Reims, 18 juillet 2006, Juris-Data n°335083).

On rappellera aussi que le juge des référés reste compétent alors même que le tribunal arbitral aurait déjà été saisi (CA Nîmes, 28 juin 2001, Juris-Data n°165472) ; dans cette hypothèse, l’urgence est appréciée plus sévèrement.

(268)         Lorsqu’il se trouve saisi sur le fondement de l’article 873, alinéa 1er du NCPC, le juge des référés est compétent dès lors que le tribunal arbitral n’a pas été saisi. Deux affaires récentes illustrent cette règle.

La première concernait la question de la compétence du juge des référés en présence d’un trouble manifestement illicite opposant un franchiseur et l’un de ses franchisés, liés par une convention d’arbitrage. Ainsi, pour infirmer l’ordonnance par laquelle le juge des référés s’était déclaré incompétent, la Cour d’appel de Paris considère par principe que « l’existence d’une clause compromissoire dans un contrat n’exclut pas la faculté de saisir le juge des référés sur le fondement de l’article 873 al 1er du NCPC à raison d’un trouble manifestement illicite dès lors que le tribunal arbitral n’a pas été saisi » (CA Paris, 3 novembre 2006, Juris-Data n°326129).

Dans la seconde espèce, un franchisé avait cédé son fonds de commerce avant l’expiration de ses contrats de franchise et d’approvisionnement. Le franchiseur et le fournisseur avaient alors mis en œuvre une procédure arbitrale pour obtenir la réparation de leur préjudice et fait opposition sur le prix dudit fonds. Le franchisé cédant avait demandé et obtenu, devant le juge des référés, la mainlevée des oppositions ainsi formées. La Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 6 février 2007, 037272) approuve cette solution et souligne que « l’instance arbitrale n’est en cours qu’à compter du moment où le tribunal arbitral est définitivement constitué et peut donc être saisi du litige, c’est-à-dire à partir de l’acceptation par tous les arbitres de leur mission ». La solution ne peut qu’être approuvée : conformément à l’article 1452 du NCPC, le tribunal arbitral est définitivement constitué, « au moment de l’acceptation par tous les arbitres de leur mission ». Lorsqu’une telle acceptation fait défaut, le juge des référés est donc parfaitement compétent.

(269)         Statuant sur le fondement de l’article 873, alinéa 2nd du NCPC, le juge des référés est compétent pour accorder une provision à deux conditions :

–     le tribunal arbitral ne doit pas avoir été saisi du litige (Cass. civ. 1ère, 20 mars 1989, Juris-Data n°703002, Rev. arb. 1989, p.494 ; Cass. civ. 2ème, 20 mars 1989, Juris-Data n°000908, Rev. arb. 1989, p.494) ;

et

–     l’urgence doit caractérisée ; cette seconde condition, qui ressort d’une jurisprudence de la Cour de cassation bien plus récente que la précédente (Cass. com., 29 juin 1999, Juris-Data n°002750, Rev. arb. 1999, p.817 ; Cass. civ. 2ème, 2 avr. 1997, Juris-Data n°001484, Rev. arb. 1998, p.673 (1ère esp.)), semble parfois méconnue par certaines juridictions du fond (CA Toulouse, 23 novembre 2006, inédit, RG n°05/05405 : en l’espèce, le franchiseur et le franchisé n’avaient pas saisi le tribunal arbitral de sorte que la première condition était remplie. Le défendeur arguait notamment de ce que la seconde condition – l’urgence – faisait défaut. Pour faire droit à la demande de ce dernier, la Cour d’appel retient néanmoins un autre motif : « (…) sa demande d’indemnisation au titre de la rupture du contrat de franchise, qui ne peut être que provisionnelle au regard de l’article 809, alinéa 2 du NCPC, relève de la seule appréciation du fond du droit, confie par la volonté des parties à un tribunal arbitral »).

(270)         Le recours à l’article 145 du NCPC est possible à condition que le tribunal arbitral n’ait pas encore été saisi du litige (Cass. civ., 25 avril  2006, pourvoi n°05-13.749 ; CA Paris, 11 février 2000, Juris-Data n°113864) ; en revanche, la condition d’urgence n’est pas requise.

C’est ce que semble résumer un récent arrêt de la Cour d’appel de Rouen, selon lequel l’insertion d’une clause compromissoire au contrat « n’entrave pas la compétence du juge des référés qui en l’occurrence a été saisi avant que ne soit introduite la procédure d’arbitrage, et ce, tant que la juridiction arbitrale n’a pas statué au fond » (CA Rouen, 13 mars 2007, Juris-Data n°332205).

2) Les pouvoirs du juge des référés

(271)         Les décisions importantes et récentes précisent les conditions dans lesquelles une partie au contrat de franchise peut faire cesser un « dommage imminent » ou « trouble manifestement illicite » en application de ce texte (a). Un développement spécifique doit être consacré à l’application de l’article 145 du NCPC à la matière (b).

a) Les mesures ordonnées sur le fondement de l’article 873 alinéa 1er du NCPC

F Trois décisions commentées : CA Rouen, 13 mars 2007, Juris-Data n°332205 ; CA Versailles, 31 janvier 2007, inédit (RG n°06/7909) ; CA Paris 3 nov. 2006, Juris-Data n°326129 ;

(272)         Les décisions objets de la présente étude nous conduisent à examiner les cas constitutifs d’un « dommage imminent » ou d’un « trouble manifestement illicite », visés à l’article 873, alinéa 1er du NCPC (i) permettant au juge des référés de prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent (ii).

(i) Les conditions

(273)         Aux termes de l’article 873, alinéa 1er du NPC, le juge des référés est compétent pour prévenir un dommage imminent (α) ou faire cesser un trouble manifestement illicite (b).

(α) Le dommage imminent

(274)         Rares sont les décisions rendues en matière de franchise par le juge des référés sur le fondement du « dommage imminent ».

C’est donc avec un intérêt accru que l’on évoquera un arrêt récent rendu par la Cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 31 janvier 2007, inédit, RG n°06/7909). En l’espèce, le franchiseur reprochait à l’un de ses franchisés d’avoir violé l’obligation post-contractuelle de non-affiliation comprise dans le contrat de franchise. Pour considérer que la preuve du dommage imminent n’était pas établie, l’arrêt retient :

–     d’une part, que le franchiseur « ne posséd(ait) pas en l’état de magasin franchisé ou en exploitation directe dans les régions concernées (par la clause), de telle sorte que le préjudice économique dont (il) excip(ait) n’(était) pas justifié » ;

–     d’autre part, que l’activité du franchiseur s’analysait essentiellement en « une centrale de référencement négociant en gros des prix pour l’ensemble du réseau ».

Le premier motif nous paraît fort discutable. Il a pour premier inconvénient – au regard de la politique jurisprudentielle – de faire dépendre la portée des droits d’un franchiseur de l’étendue de son réseau ; de plus, le propre de la clause de non-affiliation est garantir au franchiseur la protection de son réseau, protection qui vise tant les magasins existants que ceux appelés à ouvrir, tout réseau de franchise ayant vocation à s’élargir dans l’intérêt commun du franchiseur et de ses franchisés. Quant au second motif, il nous semble inopérant dès lors qu’il n’était pas contesté que le réseau de franchise existait bien.

Sans doute la Cour d’appel aurait-elle pu souligner, pour parvenir à la même solution, la circonstance que le préjudice avait d’ores et déjà été causé et que, ce faisant, l’imminence du dommage ne pouvait plus être utilement invoquée (V. en ce sens, CA Rouen, 13 mars 2007, Juris-Data n°332205 : soulignant qu’« il est constant en l’espèce que l’enseigne (…) a été déposée par les franchisés fin janvier 2006 et que dès lors l’imminence du dommage ne peut plus être utilement invoquée »). En pareil cas, mieux vaut invoquer en effet l’existence d’un trouble manifestement illicite…

(b) Le trouble manifestement illicite

(275)         On le sait, lorsque le caractère manifestement illicite du trouble est établi, les mesures propres à le faire cesser sont ordonnées, l’existence d’une contestation sérieuse sur le fond du droit ne pouvant y faire obstacle. La Cour de cassation s’est prononcée en ce sens de longue date (Cass. ass. plén., 4 juill. 1986 : Bull. civ. ass. plén. n°11), avant même que cette jurisprudence ne soit consacrée par le décret du 17 juin 1987 qui, modifiant les articles 809, 849, 873 et 874 du NCPC, les complète par la précision que les mesures qu’ils prévoient peuvent toujours être ordonnées par le juge des référés, « même en présence d’une contestation sérieuse ».

Pourtant, les choses ne sont pas toujours aussi simples. L’appréciation d’un « trouble manifestement illicite » revêt nécessairement un double aspect – factuel et juridique – impliquant de distinguer selon que la contestation porte sur l’existence même du trouble ou sur son caractère illicite. L’office du juge implique tout d’abord une appréciation factuelle, destinée à identifier le fait matériel, générateur du trouble allégué ; et lorsqu’une contestation sérieuse subsiste sur ce point, la mesure sollicitée ne peut être accordée. Une fois le trouble établi, encore faut-il caractériser ensuite, au plan juridique cette fois-ci, la violation de la règle de droit qui lui confère le caractère « manifestement illicite » requis par le texte. Mais, dans cette hypothèse, la solution n’est pas aisée. Ainsi, a-t-il été observé avec justesse que « toute contestation réellement sérieuse » sur le caractère illicite du trouble « peut dans certains cas lui ôter toute évidence et compromettre le pouvoir de juridiction du juge des référés dans son principe même. En d’autres termes, à moins de dénaturer le sens des mots, il est impossible d’évincer systématiquement la prise en considération d’une contestation sérieuse, tout au moins dans l’appréciation du caractère illicite du trouble » (Solus et Perrot, Droit judiciaire privé, t. III, n°1291).

Il est vrai qu’en se prononçant sur l’illicéité du trouble l’appréciation du juge des référés implique un préjugé sur le fond qui, précisément, n’est acceptable qu’au regard du caractère « manifestement » illicite du trouble considéré. Il n’en demeure pas moins vrai que certains plaideurs créent volontairement une contestation sérieuse portant sur le caractère illicite du trouble afin d’échapper aux mesures provisoires ou de remise en état sollicitées et de réduire ainsi à néant l’office du juge.

C’est pourquoi la Cour de cassation sanctionne systématiquement les décisions du fond consistant à rejeter la demande en raison de l’existence d’une contestation, quand bien même celle-ci porterait sur le caractère illicite du trouble. Ce faisant, l’exigence textuelle du caractère « manifeste » de l’illicéité du trouble s’estompe depuis quelques années et il est de l’office du juge des référés d’examiner la plupart des moyens et arguments soutenus (Cass. Civ. 2ème, 8 févr. 2006, Juris-Data n°032132 : cassant l’arrêt qui, pour dire n’y avoir lieu à référé, énonce que les quarante-cinq pages de conclusions récapitulatives de la société demanderesse démontrent que le caractère prétendument illicite des pratiques de la société défenderesse ne présente pas le caractère manifeste exigé par l’article 809, alinéa 1er du NCPC, mais que son appréciation, qui nécessite l’examen approfondi de leur bien-fondé auquel ces écritures appellent, relève exclusivement du juge du fond).

Au regard de cette problématique, on a vu l’an passé (Numéro spécial, Les Petites Affiches, 9 novembre 2006, Le contrat de franchise : un an d’actualité, §§. 171-176) que six décisions rendues dans le domaine du droit de la franchise témoignaient des incertitudes semblant alors persister au sein des juridictions du fond, en attestent trois arrêts de cassation rendus par la Haute juridiction en ce domaine (Cass. com., 7 juin 2006, pourvoi n°05-19.633 ; Cass. com., 14 mars 2006, pourvoi n°05-12.073 ; Cass. com., 12 juillet 2005, pourvoi n°04-11.419.0).

Qu’en est-il aujourd’hui ?

(276)         Autant le dire immédiatement, certaines conditions ne sont pas requises. Un arrêt récent de la Cour d’appel de Rouen (CA Rouen, 13 mars 2007, Juris-Data n°332205) rappelle opportunément que le trouble manifestement illicite de l’article 873, alinéa 1erdu NCPC ne requiert aucune condition d’urgence et que le caractère intuitu personae du contrat liant les parties – il s’agissait d’un contrat d’enseigne signé entre le franchiseur et l’un de ses franchisés – ne saurait faire obstacle à l’application de ce texte.

(277)         Le trouble manifestement illicite ne fait aucun doute lorsque celui-ci découle d’une violation caractérisée du contrat de franchise par l’une des parties. Constitue ainsi un « trouble manifestement illicite » la dépose par le franchisé de son enseigne, consécutive à la résiliation du contrat à laquelle il a unilatéralement procédé (CA Rouen, 13 mars 2007, Juris-Data n°332205 ; v. aussi, CA Colmar, 7 mars 2006, Juris-Data n°298557).

(278)         Un cas – relativement fréquent – concerne le fait pour le cessionnaire du fonds de commerce d’un franchisé de déposer l’enseigne du franchiseur et de la remplacer par une enseigne concurrente.

L’on sait qu’en pareil cas, selon la Cour de cassation, il appartient au juge du fond de rechercher s’il en résulte ou non un « trouble manifestement illicite » (Statuant sur renvoi après cassation, une Cour d’appel avait rejeté la demande du franchiseur au motif que la mesure sollicitée visait le cessionnaire du fonds de commerce – qu’elle considérait apparemment étranger au contrat de franchise, seul un débat au fond pouvant selon elle déterminer si ce contrat avait été automatiquement cédé ou s’il était du moins opposable à ce dernier –, de sorte qu’il pouvait apposer son enseigne par le libre exercice de son droit de propriété. La Cour de cassation (Cass. com., 14 mars 2006, pourvoi n°05-12.073) censure néanmoins l’arrêt pour manque de base légale en faisant grief aux juges du fond de ne pas avoir recherché « si la dépose brutale (…) de l’enseigne (…) et son remplacement par l’enseigne concurrente (…), ne constituaient pas, en eux-mêmes, un trouble manifestement illicite au regard des obligations du contrat de franchise »).

Pour considérer que ce comportement ne saurait constituer un tel trouble, une décision récente retient que le franchisé n’avait pas méconnu de manière flagrante ses obligations contractuelles. En l’espèce en effet, selon l’arrêt (CA Paris 3 novembre 2006, Juris-Data n°326129), le franchisé avait informé le franchiseur de son intention de céder le fonds de commerce et l’avait mis en mesure d’exercer son droit de préférence contractuel ; de plus, il n’était pas établi, avec l’évidence requise en référé, que le franchiseur avait été tenu dans l’ignorance de l’identité du véritable acquéreur du fonds de commerce, la mention manuscrite de l’enseigne sur un courrier induisant à cet égard un doute sérieux.

(279)         Un autre cas – plus habituel encore – concerne la situation du franchisé qui, une fois son contrat de franchise arrivé à son terme ou résilié, viole l’obligation post-contractuelle de non-réaffiliation qu’il contient et argue de sa nullité pour dénier au trouble qu’il cause à son ancien franchiseur le caractère « manifestement illicite » requis par l’article 873, alinéa 1er du NCPC.

Par une précédente décision du 4 janvier 2006, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 4 janvier 2006, inédit, RG n°2005/08492) avait écarté la contestation sérieuse née de l’exception de nullité de la clause de non-réaffiliation opposée par le franchisé et ordonné en conséquence des mesures conservatoires,aux motifs, d’une part, que le Règlement communautaire du 29 novembre 1999 n’était pas susceptible de recevoir application dès lors que les accords de franchise n’étaient pas susceptibles de fausser la concurrence à l’intérieur du marché commun et, d’autre part, que la clause de non-réaffiliation comportait bien, conformément au droit interne, une interdiction limitée dans le temps et dans l’espace, et n’était pas disproportionnée par rapport aux intérêts légitimes du franchiseur.

Dans une espèce comparable – était également en cause la question de la validité de la clause de non-réaffiliation –, la Cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 31 janvier 2007, inédit, RG n°06/7909) adopte une solution inverse. Elle considère en effet que « le trouble manifestement illicite ouvrant les pouvoirs du juge des référés n’est pas en l’espèce caractérisé » dès lors que :

–     « la licéité de la clause de non concurrence ou de non affiliation n’apparaît pas avec l’évidence requise devant le juge des référés, dans la mesure où elle est surtout destinée à protéger les intérêts du franchiseur dont le ‘‘savoir-faire’’, c’est-à-dire l’avantage économique apporté en raison de son originalité n’est pas établi avec certitude même si les ‘‘bibles du savoir faire’’ ont été produites aux débats » ;

–     « qu’outre les limitations habituelles dans l’espace et dans le temps, la licéité d’une clause de non concurrence ou de non affiliation est subordonnée au caractère proportionné par rapport à la fonction qu’elle remplit » et que « si les deux premières conditions sont en l’espèce remplies, la troisième ne l’est pas de manière évidente puisqu’il n’est pas établi que la clause soit proportionnelle à la sauvegarde des intérêts légitimes du franchiseur ».

Ces deux décisions doivent être comparées à l’arrêt de principe rendu le 15 juin 2004 par la Cour de cassation, publié au Bulletin (Cass. civ. 1ère, 15 juin 2004, Juris-Data n°024131, Bull. civ. I, n°172, p.143), qui va nettement plus loin. Par cette décision, la Cour de cassation considère par principe que le juge des référés use valablement des pouvoirs qu’il tient de l’alinéa 1er de l’article 873 du NCPC lorsqu’il prescrit, à titre de mesure conservatoire ou de remise en état, l’obligation pour le débiteur d’exécuter ses engagements contractuels. Surtout, la Haute juridiction ajoute qu’il importe peu, à cet égard, que la partie défenderesse au référé « ait engagé une action judiciaire en contestation de la validité de son engagement dès lors qu’elle était tenue de se conformer au principe selon lequel le contrat conclu doit être exécuté par chacune des parties tant qu’il n’en a pas été statué sur la validité par les juges du fond compétents et que nul ne peut se faire justice à soi-même ». La solution conduit à écarter le moyen par lequel le défendeur à l’action en référé élève une contestation quant à la validité même de l’obligation qu’il n’a pas respectée, ce qui revient, en quelque sorte, à créer une présomption de validité du contrat (v. en ce sens, J. Mestre et B. Fages, RTD Civ. 2004, n°3, p.508).

Tout aussi bien, plutôt que de considérer que « la licéité de la clause de non concurrence ou de non affiliation n’appara(ssa)ît pas avec l’évidence requise devant le juge des référés », l’arrêt précité rendu le 31 janvier 2007 par la Cour d’appel de Versailles aurait-il pu retenir que le contrat de franchise devait être exécuté par chacune des parties tant qu’il n’avait pas été statué sur sa validité par les juges du fond, à l’instar de la décision de principe de la Cour de cassation. Pour l’heure, la Cour de cassation n’est pas revenue sur sa jurisprudence et il y a lieu d’accorder au contrat une présomption de validité, insusceptible d’être remise en cause en l’absence de décision rendue par le juge du fond. C’est d’ailleurs la solution adoptée sur d’autres questions, le juge des référés se gardant bien de remettre en cause la validité des stipulations contractuelles (CA Rouen, 13 mars 2007, Juris-Data n°332205 : soulignant que « le juge des référés n’(est) pas compétent pour apprécier la validité du contrat d’enseigne »).

(280)         Le franchisé peut enfin faire valoir que l’obligation post-contractuelle de non-réaffiliation n’est pas nulle mais prête à une interprétation, exclusive de tout trouble « manifestement » illicite.

En présence d’un tel argumentaire, la Cour de cassation invite systématiquement le juge des référés à interpréter les obligations contractuelles unissant les parties. Dans une affaire relativement récente, un franchisé avait signé le même jour deux contrats avec le franchiseur : un contrat de franchise lui accordait l’usage de l’enseigne pour une durée de cinq ans, renouvelable pour une durée de trois ans, et un contrat de cession de fonds de commerce stipulant notamment, à peine de résolution, l’usage de cette enseigne pendant une durée de dix ans. Le franchiseur assigna en référé afin de voir ordonner au franchisé le retrait de toute référence attachée à l’enseigne. Pour rejeter la demande du franchiseur, la Cour d’appel avait retenu que l’interprétation des contrats signés entre les parties faisait obstacle à la mesure sollicitée ; elle indiquait en effet que, selon le contrat de cession de fonds de commerce conclu le même jour que le contrat de franchise, les parties avaient convenu que la réalisation de la vente ne pouvait être parfaite qu’après prise de l’enseigne du franchiseur pendant dix ans par l’acquéreur, et que ce contrat comportait une cession de droit au bail stipulant une clause résolutoire de plein droit, à défaut pour le preneur d’user de ladite enseigne ou de toute autre appartenant au groupe auquel appartient le franchiseur, cet usage constituant la condition essentielle et déterminante sans laquelle le preneur et le bailleur n’auraient pas conclu le bail, de sorte que des contradictions apparaissaient à la lecture de ces différents contrats, qui n’étaient pas distincts, et méritaient une interprétation.

Par un arrêt du 12 novembre 2005 évoqué dans notre précédente étude, la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 12 juillet 2005, Juris-Data n°029580)avait cassé la décision de la Cour d’appel au visa de l’article 1134 du Code civil, considérant que « selon la loi des parties, l’autorisation d’usage de l’enseigne ne procédait que du contrat de franchise, de sorte que les stipulations contenues dans d’autres conventions passées entre elles étaient étrangères à l’appréciation du caractère manifestement illicite du maintien de cet usage au-delà du terme de ce contrat ». Ainsi, selon la Cour de cassation, l’interprétation du contrat de franchise ne fait aucunement obstacle au pouvoir du juge des référés. La solution est connue (V. en ce sens, plus récemment, CA Pau, 25 avril 2006, inédit, RG n°05/04072 : il s’agissait de l’interprétation à donner à un ensemble contractuel).

Depuis lors, l’affaire a été renvoyée devant la Cour d’appel de Toulouse qui, par arrêt du 23 novembre 2006, a repris sans surprise la solution avancée par la Cour de cassation (CA Toulouse, 23 novembre 2006, inédit, RG n°05/05405 : retenant que « les stipulations contenues dans les autres conventions sont donc étrangères à l’appréciation du caractère manifestement illicite du maintien de cette utilisation au-delà du terme de ce contrat »).

(ii) Les effets

(281)         L’existence d’un trouble manifestement illicite justifie que soit ordonné toute mesure conservatoire ou de remise en état qui s’impose. Tel est le cas notamment de l’interdiction faite au franchisé de déposer l’enseigne du franchiseur (CA Reims, 18 juillet 2006, Juris-Data n°335083) ou, lorsque le changement d’enseigne a déjà eu lieu, de l’injonction faite au franchisé d’avoir à rétablir une enseigne jusqu’au prononcé de la décision du juge du fond (CA Rouen, 13 mars 2007, Juris-Data n°332205).

De telles mesures sont souvent assorties d’une astreinte (V. par exemple, CA Rouen, 13 mars 2007, Juris-Data n°332205).

(282)         En revanche, il ne relève pas de la compétence du juge des référés :

– d’apprécier la validité d’un contrat de franchise ou d’un contrat d’enseigne (CA Rouen, 13 mars 2007, Juris-Data n°332205) ;

– de prononcer la résolution du contrat de franchise (CA Reims, 18 juillet 2006, Juris-Data n°335083), de constater sa résiliation (CA Pau, 25 avril 2006, inédit, RG n°05/04072), comme d’ordonner la résiliation d’un contrat de vente de cession de fonds de commerce (CA Toulouse, 23 novembre 2006, inédit, RG n°05/05405) ;

– d’ordonner le maintien des relations contractuelles jusqu’au terme du contrat (CA Rouen, 13 mars 2007, Juris-Data n°332205) ;

– d’octroyer des dommages et intérêts en raison de la résiliation du contrat de franchise (CA Toulouse, 23 novembre 2006, inédit, RG n°05/05405).

2) Les mesures ordonnées sur le fondement de l’article 145 du NCPC

F Deux décisions commentées : CA Caen, 29 mars 2007, inédit (RG n°05/0399) ; CA Agen, 19 juin 2006 (Juris-Data n°317692)

(283)         Selon l’article 145 du NCPC, « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».

Il résulte de la combinaison des articles 145 et 875 du NCPC qu’elles ne peuvent être prises sur requête que sous la double condition qu’il y ait urgence et que les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement (CA Caen 29 mars 2007, inédit, RG n°05/399). Dans tous les cas – que l’action soit engagée par voie de requête ou en référé –, trois conditions sont requises : le demandeur doit agir avant tout procès, justifier d’un motif légitime, et solliciter des mesures présentant une utilité probatoire.

(284)         Il convient tout d’abord d’agir « avant tout procès ». Ainsi, l’utilisation de l’article 145 du NCPC est exclue dès lors qu’une procédure est ouverte au fond, qu’il s’agisse du juge étatique (CA, Paris, 3 mai 2006, Juris-Data n°300894 ; Cass. civ. 2ème, 2 avril 1990, Bull. civ. II, n°69) ou arbitral (Cass. civ. 1ère, 25 avril  2006, pourvoi n°05-13.749 ; CA Paris, 11 février 2000, Juris-Data n°13864).

Dans l’hypothèse où la décision ordonnant une mesure d’instruction est frappée d’appel, la Cour apprécie la demande au jour où elle statue en vertu de l’effet dévolutif de l’appel. Elle doit alors écarter l’application de l’article 145 du NCPC lorsque, entre temps, l’une des parties a saisi le juge du fond (CA Agen, 19 juin 2006, Juris-Data n°317692) ou, ainsi que le rappelle une décision récente, que ce dernier a rendu sa décision (CA Rouen, 7 février 2006, Juris-Data n°307012 : précisant même que, dans ce cas, « l’autorité de la chose jugée qui s’attache à la sentence arbitrale rend irrecevable la demande fondée sur l’article 145 du NCPC »).

Dans ces deux cas, le juge ne statue plus « avant tout procès » et la demande portée devant le juge statuant en référé ou par voie de requête n’est donc plus fondée. Lorsque le juge du fond est saisi, il seul compétent pour statuer sur le maintien ou la rétractation d’une mesure d’instruction in futurum, alors même que l’ordonnance critiquée a été rendue avant la saisine du juge du fond.

(285)         Ensuite, la demande doit être justifiée par un « intérêt légitime ».

On sait que l’intérêt légitime peut résulter notamment de la demande de communication d’un franchiseur à son franchisé de documents, relatifs à la mise en location-gérance de son fonds de commerce, susceptibles de caractériser la violation de son droit de préférence, stipulé dans son contrat de franchise (Cass. com., 14 février 2006, pourvoi n°05-13.127 : cassant l’arrêt ayant rejeté une telle demande, après avoir souligné « qu’en statuant au vu de la seule absence de preuve de faits que la mesure d’instruction sollicitée avait précisément pour objet de conserver ou d’établir, la cour d’appel a violé le texte susvisé ») ; de même, peuvent justifier d’un motif légitime les franchisés qui, invoquant un abus caractérisé dans la fixation du prix des fournitures objets d’une clause d’achat exclusif, sollicitent une mesure d’expertise propre à établir et, le cas échéant, à chiffrer le montant des surfacturations qui leur ont été appliquées, dans la perspective d’une éventuelle action en responsabilité à l’encontre du franchiseur (CA Paris, 3 mai 2006, Juris-Data n°300894). Selon une décision récente, le soupçon de concurrence déloyale constitue encore, s’il est suffisamment étayé, un motif légitime pour recourir à l’article 145 du NCPC (CA Caen 29 mars 2007, inédit, RG n°05/399 : il s’agissait ici de deux réseaux concurrents).

Quelque soit le motif invoqué, et ainsi que le rappelle une décision récente, l’appréciation par le juge du caractère « légitime » de l’intérêt poursuivi tiendra compte du temps écoulé entre la date de la demande et celle de la situation qu’il y a lieu de corriger (CA Agen, 19 juin 2006, Juris-Data n°317692). On rappellera par ailleurs la jurisprudence selon laquelle ne justifie pas d’un intérêt légitime la mesure d’instruction ayant pour résultat de mettre le demandeur en possession des documents portant notablement atteinte au secret des affaires (CA Paris, 13 mai 1998, Juris-Data n 973426 ; CA Paris, 2 juin 1999, Juris-Data n°023375 ; v. contra, Cass. civ. 2ème, 7 janvier 1999 : Bull. civ. II, n°4) ou couverts par un secret de fabrication (Cass. civ. 2ème, 14 mars 1984 : Bull. civ. II, n°49). Par analogie, il doit être considéré qu’une mesure d’instruction de nature à révéler le savoir-faire aux tiers devrait être écartée comme ne remplissant pas cette condition.

(286)         Enfin, la demande doit être utile. Cette condition fait défaut lorsque les moyens de preuve existent déjà ou qu’il ne paraît pas possible d’en découvrir de nouveaux ; il en va de même si le demandeur peut se procurer lui-même, sans démarche particulière, les preuves nécessaires à son éventuelle action en justice. En revanche, la carence de la partie demanderesse dans l’administration de la preuve n’est pas un obstacle à sa demande (Cass. ch. mixte, 7 mai 1982, Bull. civ. ch. mixte, n°2), pour autant qu’elle ne se fonde pas sur des faits ne présentant pas un caractère de plausibilité suffisante (Normand, Chron., RTD civ. 1994, p.670).

Dans ce contexte jurisprudentiel bien connu, il convient de rappeler – pour mémoire – une solution intéressante. Ainsi, ne justifie pas d’un tel motif, le franchisé agissant en vue d’établir la responsabilité du franchiseur lui ayant communiqué des chiffres d’affaires prévisionnels qui, non réalisés par la suite, avaient selon lui entraîné des pertes financières importantes et la revente du commerce ; le franchisé avait sollicité la désignation d’un expert pour déterminer le montant de son préjudice (CA Douai, 18 mai 1995, Juris-Data n°043368 : rejetant la demande au double motif, d’une part, qu’« il n’est demandé à l’expert aucune recherche d’éléments que les parties ne soient à même de soumettre à une juridiction éventuellement saisie d’un procès » et, d’autre part, « qu’il n’apparaît pas que puisse être révélé par l’expertise un fait dont pourrait dépendre la solution d’un litige »).

II. Le contentieux arbitral

(287)         De nature discrète, le contentieux arbitral se dévoile lorsqu’un recours est porté devant le juge étatique. Les situations sont nombreuses et les décisions constituant l’objet de notre étude portent sur trois séries de questions essentielles : l’application du principe de « compétence-compétence » (A), les cas d’ouverture du recours en annulation (B) et l’opposabilité des sentences arbitrales (C).

A. L’application du principe de « compétence-compétence »

F Deux décisions commentées : Cass. civ. 1ère, 4 juillet 2006 (Juris-Data n°034418 ; Cass. com., 13 juin 2006, pourvoi n°03-16.695.

(288)          Si le nom attribué au principe dit de « compétence-compétence » peut sembler alambiqué, la règle qu’il énonce est simple : il appartient à l’arbitre de statuer par priorité sur la validité ou les limites de son investiture ; autrement dit, sur sa propre compétence (On le sait, ce principe comporte deux aspects, positif et négatif, que traduisent les articles 1466 et 1458 du NCPC. Positivement, l’article 1466 précité donne compétence prioritaire à l’arbitre pour se prononcer : « si devant l’arbitre, l’une des parties conteste dans son principe ou son étendue le pouvoir juridictionnel de l’arbitre, il appartient à celui-ci de statuer sur la validité ou les limites de son investiture ». Négativement, l’article 1458 du NCPC indique que juge saisi doit refuser de statuer sur la validité ou l’existence de la clause, à moins que la clause à interpréter soit manifestement nulle : « lorsqu’un litige dont un tribunal arbitral est saisi en vertu d’une convention d’arbitrage est portée devant une juridiction de l’Etat, celle-ci doit se déclarer incompétente. Si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi, la juridiction doit également se déclarer incompétente à moins que la convention d’arbitrage ne soit manifestement nulle. Dans les deux cas, la juridiction ne peut relever d’office son incompétence »). Il est ainsi donné compétence prioritaire aux arbitres pour trancher le litige, à moins que la clause compromissoire sur le fondement laquelle la procédure arbitrale doit être engagée soit manifestement nulle (L’hypothèse est envisagée expressément par l’article 1458 du NCPC) ou inapplicable (Cette seconde hypothèse est d’origine prétorienne (Cass. civ. 1ère, 23 mai 2006, pourvoi n°04-13.800 ; Cass. civ. 1ère, 30 mars 2004, Bull. civ. I, n°96 ; Cass., civ. 1ère, 16 octobre 2001, Juris-Data n°011277)).

(289)         Malgré une situation aussi claire (un principe et deux exceptions), de nombreuses décisions de principe rendues par la Cour de cassation contribuent à éclairer la question lancinante – mais cruciale – des clauses compromissoires manifestement nulles ou inapplicables. Cette jurisprudence, qui prend depuis peu l’allure d’une véritable « bousculade » jurisprudentielle, mérite d’être ordonnée en envisageant, d’une part, les hypothèses rejetant la qualification de clauses manifestement nulles ou inapplicables (1) puis, d’autre part, celles – plus rares – où l’une des deux exceptions précitées est considérée vérifiée (2).

1) L’admission de la qualification

(290)         S’agissant d’exceptions au principe, le caractère manifestement nul ou inapplicable des clauses compromissoires doit être interprété strictement. Il s’entend d’une nullité évidente et incontestable, pouvant être constatée prima facie sans autre examen, qu’aucune argumentation sérieuse ne puisse susciter le moindre doute. Or, on le voit, la jurisprudence récente respecte scrupuleusement cette approche, en faisant preuve d’une rigueur irréprochable.

Elle écarte ainsi l’application des notions de « nullité » ou d’ « inapplicabilité » « manifeste » de la clause compromissoires lorsque notamment :

–     le contrat comprenant la clause compromissoire est nul ou inexistant (Cass. civ. 1ère, 11 juillet 2006, pourvoi n°04-14.950) ;

–     la clause d’arbitrage est contenue dans un contrat de cession de parts assorti d’une garantie de passif liant le stipulant au promettant, dès lors qu’elle peut être invoquée par et contre le tiers bénéficiaire d’une stipulation pour autrui, et donc contre la société bénéficiaire de la garantie de passif (Cass. civ. 1ère, 11 juillet 2006, pourvoi n°03-11.983) ;

–     la clause d’arbitrage contenue dans un contrat de distribution est opposée à une partie au contrat par son cocontractant et deux sociétés qui ne l’ont pas signé, dès lors que la seule relation contractuelle en cause était celle issue dudit contrat de distribution (Cass. civ. 1ère, 11 juillet 2006, pourvoi n°03-11.768) ;

–     la clause compromissoire est stipulée dans un règlement intérieur opposable aux personnes physiques dirigeantes des personnes morales membres du groupement appelé dans la procédure (Cass. civ. 1ère, 20 septembre 2006, pourvoi n°05-10.781).

Ces solutions – qui montrent à quel point les exceptions légales et jurisprudentielles s’interprètent restrictivement –, s’imposent en toutes circonstances, quel que soit le lieu où siège le tribunal arbitral (Cass. civ. 1ère, 7 juin 2006, pourvoi n°03-12.034).

(291)         Les contrats de franchise n’échappent pas à la règle (Cass. civ. 1ère, 7 juin 2006, pourvois n°04-10.156 et n°04-13.125 : considérant que n’est pas manifestement nulle ou inapplicable la clause compromissoires qui, figurant dans un contrat de franchise, est ainsi libellée : « les arbitres ne seront soumis à aucune règle ni aucun délai prévu au code de procédure civile » ; v. aussi, Cass. civ. 1ère, 7 juin 2006, Juris-Data n°033855 ; TGI Paris, 8 septembre 2005, inédit, RG n°03/11997). Selon une décision particulièrement intéressante, rendue le 4 juillet 2006 par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 4 juillet 2006 (Juris-Data n°034418)), la circonstance que le débat au fond opposant le franchiseur et le franchisé soit circonscrite à la phase pré-contractuelle de leur relation, n’est pas de nature à rendre la clause manifestement inapplicable.

En l’espèce, le franchisé ayant été déclaré en liquidation judiciaire, le mandataire liquidateur, reprochait au franchiseur des manquements à ses obligations précontractuelles d’information prévues par l’article L. 330-3 du code de commerce, et l’avait donc assigné en paiement de dommages et intérêts.

Le tribunal étatique s’était déclaré compétent pour connaître de la demande en dépit de la clause compromissoire stipulée au contrat de franchise. Pour confirmer le jugement en ce qu’il avait écarté l’exception d’incompétence, l’arrêt critiqué avait souligné que les demandeurs visaient les obligations incombant au franchiseur préalablement à la signature du contrat de franchise ; il en tirait pour conséquence que l’action des demandeurs se fondait sur un fait générateur nécessairement antérieur à toute relation contractuelles entre les parties, et que le litige ne pouvait donc relever du contrat de franchise que les parties avaient ultérieurement souscrit. L’arrêt est cassé : « Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que ces motifs ne caractérisaient pas une nullité ou une inapplicabilité manifeste de la clause d’arbitrage, seule de nature à faire obstacle à la compétence arbitrale pour statuer sur l’existence, la validité et l’étendue de la convention d’arbitrage, la cour d’appel a violé le principe susvisé et les articles 1458 et 1466 du NCPC ».

2) Le rejet de la qualification

(292)         A l’inverse, lorsque le demandeur à l’action est étranger au contrat comprenant ladite clause compromissoire, la Cour de cassation retient à juste titre l’inapplicabilité de la convention d’arbitrage.

Dans une espèce relativement récente (Cass. com., 13 juin 2006, pourvoi n°03-16.695), un franchiseur et un franchisé étaient convenus de résilier un premier contrat de franchise, et de conclure un nouveau contrat de franchise ainsi qu’un contrat d’approvisionnement ; les trois conventions comprenaient une clause compromissoire stipulant que « toutes contestations auxquelles pourront donner lieu l’interprétation et l’exécution du présent accord seront soumises à trois arbitres » et précisant la constitution d’un tribunal arbitral à Paris. Après que la mise en redressement judiciaire de la société franchisée fut prononcée et qu’un plan de cession de l’entreprise fut arrêté, le représentant des créanciers, confirmé dans ses fonctions, fut désigné commissaire à l’exécution du plan. Ce dernier assigna le franchiseur devant le tribunal de la procédure collective à l’effet de voir désigner un expert chargé de déterminer l’aggravation du passif dont le franchiseur serait responsable pour avoir soutenu artificiellement la société franchisée. Le franchiseur se prévalait de la clause compromissoire et soulevait en conséquence l’incompétence du tribunal de commerce au profit du tribunal arbitral.

Dans cette espèce, l’arrêt confirmatif rendu par la Cour d’appel avait écarté la compétence arbitrale au motif que la clause compromissoire ne concernait que les litiges entre les parties qui l’ont stipulée et n’était opposable au commissaire à l’exécution du plan que dans la mesure où celui-ci exerçait les droits et actions du débiteur lui-même suivant les modalités de la liquidation judiciaire, par application de l’article L.621-83 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises. L’arrêt retient que tel n’était pas le cas d’une telle action, celle-ci ayant été engagée au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.

La Cour de cassation rejette le pourvoi et retient que la Cour d’appel avait « ainsi fait ressortir l’inapplicabilité évidente de la convention d’arbitrage », de nature à faire obstacle au principe  de compétence-compétence.  La solution doit être approuvée (Compte tenu de l’effet relatif des conventions prévu à l’article 1165 du Code civil, la clause – insérée dans un contrat conclu entre le franchiseur et le franchisé – ne pouvait lier le commissaire à l’exécution du plan que si celui-ci exerçait les droits et actions du débiteur, ce qui n’était « manifestement » pas le cas en l’espèce, l’action ayant été engagée au nom des créanciers. La solution aurait été différente si le commissaire à l’exécution du plan avait agi au nom du débiteur c’est-à-dire au nom du franchisé. Il faut donc prendre en considération la nature de l’action pour déterminer dans ce cas si la clause compromissoire est opposable ou non. Une solution comparable avait déjà été prononcée par la Chambre commerciale, à la seule différence, que l’action avait été exercée par le liquidateur. Toutefois, cette décision se contentait d’affirmer que la clause était étrangère au litige sans relever expressément son inapplicabilité manifeste (Cass. com., 14 janvier 2004, Bull. civ. IV, n°10  : retenant que « le liquidateur, qui n’était pas partie au contrat stipulant la clause compromissoire, agit en responsabilité dans l’intérêt des créanciers contre le franchiseur pour soutien abusif apporté à la société franchisée, ce dont il résulte que ladite clause est étrangère au litige ; que par ces seuls motifs, la cour d’appel a légalement justifié sa décision »)).

(293)         On perçoit ainsi toute la pertinence des solutions retenues par la première chambre de la Cour de cassation, résolue à consacrer une interprétation on ne peut plus stricte de ces deux notions. Une telle distinction est cohérente et devrait logiquement assainir le contentieux de l’arbitrage dont l’une des caractéristiques essentielles – la rapidité des solutions rendues – s’accommoderait mal de tergiversations d’ordre procédural.

B. Les cas d’ouverture d’un recours en annulation contre une sentence arbitrale

F Cinq décisions commentées : CA Paris, 26 avril 2007, Juris-Data n°334776 ; Cass. civ. 1ère, 6 mars 2007, (Juris-Data n°037778) ; CA Versailles 30 janvier 2007, inédit (RG n°5/354) ; CA Caen, 30 novembre 2006, inédit (RG n°06/1218) ; CA Caen, 23 novembre 2006, inédit (RG n°5/314) ; Cass. civ. 1ère, 20 septembre 2006, pourvoi n°04-14.015.

(294)         Le législateur a limitativement énuméré à l’article 1484 du NCPC les six hypothèses d’ouverture du recours en annulation des sentences arbitrales (Cette règle est d’application générale ; elle vaut également pour les sentences rendues en amiable composition (Cass. com., 17 janvier 2006, Bull. civ. IV, n°9, Juris-Data n°031799)) afin de les préserver de recours formés pour des motifs futiles. Les décisions objets de la présente étude permettent de d’envisager chacune des ces hypothèses :

–       si l’arbitre a statué sans convention d’arbitrage ou sur convention nulle ou expirée (1) ;

–       si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l’arbitre unique irrégulièrement désigné (2) ;

–       si l’arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée (3) ;

–       lorsque le principe de la contradiction n’a pas été respecté (4) ;

–       dans tous les cas de nullité prévue à l’article 1480 du NCPC (défaut de motivation, défaut de mentions relatives au nom des arbitres et à la date de la sentence, et défaut de signature) (5) ;

–       si l’arbitre a violé une règle d’ordre public (6).

1) Première hypothèse : absence de convention d’arbitrage, convention nulle ou expirée

(295)         Le droit de la franchise offre de nombreuses illustrations dans lesquelles se pose la question de la portée de la clause compromissoire au-delà du strict contentieux né du contrat qui la contient.

Il s’agit le plus souvent de situations relevant du phénomène des groupes de contrats mettant en cause une pluralité de contrats conclus entre les mêmes parties, concomitamment (C’est notamment l’hypothèse d’un contrat de franchise qui, comportant une clause compromissoire, a été signé concomitamment à un contrat d’approvisionnement, un contrat d’enseigne, ou un contrat de cession de fonds de commerce, qui n’en comporterait pas) ou non (C’est notamment l’hypothèse d’un contrat de franchise qui, comportant une clause compromissoire, a été signé antérieurement à un cautionnement ou une promesse de porte-fort qui n’en comporterait pas). Peut-on alors admettre une extension de la compétence arbitrale, en raison de l’indivisibilité ou de la connexité liant entre elles les différentes opérations, dès lors que la convention d’arbitrage n’est comprise que dans l’une de ces conventions et qu’elle ne vise donc pas expressément l’ensemble contractuel ?

(296)         La jurisprudence (CA Paris, 8 décembre 1988, Juris-Data n°027837, Rev. arb. 1990, p.150 ; CA Paris, 19 déc. 1986, Juris-Data n°028313, Rev. arb. 1987, p.359) a longtemps considéré que, l’indivisibilité existant entre les différents contrats, dont certains d’entre eux contiennent une clause compromissoire, ou contiennent des clauses d’arbitrage différentes, ne justifiait pas d’étendre l’arbitrage prévu dans un contrat aux litiges nés de contrats distincts. La règle trouve sa justification dans la source conventionnelle de l’arbitrage, l’effet relatif des conventions interdisant d’étendre la clause d’arbitrage à des conventions pour lesquelles elle n’a pas été stipulée.

(297)         Toutefois, des décisions plus récentes ont atténué la rigueur de ce principe en s’appuyant sur la théorie dite des « groupes de contrats ». Ainsi a-t-il été jugé notamment par la Cour de cassation que la clause compromissoire contenue dans un engagement de garantie de passif pouvait être étendue à une convention ultérieure destinée à concrétiser ce premier accord (Cass. com., 5 mars 1991, Juris-Data n°000764, Rev. arb. 1992, p.67 : après avoir constaté que, pour retenir sa compétence, le juge étatique avait énoncé que si l’obligation de garantie de passif résultait de la convention initiale, la demande en paiement portée devant ledit juge était exclusivement fondée sur la convention ultérieure qui ne comportait pas de clause compromissoire, la Cour de cassation retient « qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que les parties avaient signé le 8 décembre 1981 une « convention destinée à concrétiser leur accord » du 2 octobre 1981, ce dont il résulte que cette convention n’était que la suite de la première, la cour d’appel a violé » les articles 1134 du Code civil et 1442 du NCPC ; v. aussi, CA Paris, 31 oct. 1989, Juris-Data n°025967 : Rev. arb. 1992, p.90 : à propos de la clause compromissoire, contenue dans un accord cadre, jugée applicable à des conventions d’application qui, ultérieurement signées par des filiales des sociétés mères signataires).

Il apparaît alors qu’une telle solution doit prévaloir lorsque la convention ne comportant pas la clause compromissoire est la suite nécessaire de celle en comportant une, ou que les deux conventions successives constituent un ensemble contractuel unique. Le critère propre à justifier l’extension de la portée de la clause compromissoire résiderait alors, selon nous, dans l’identité de cause, commune aux conventions considérées.

(298)         C’est ce même critère – l’identité de cause – qui semble ressortir d’une espèce récente, intéressant le droit de la franchise, qui posait la question de savoir dans quelle mesure la clause compromissoire figurant dans un contrat de franchise pouvait justifier l’extension de la compétence des arbitres à un différend concernant le contrat de location-gérance ne contenant pas une telle clause.

Pour rejeter le moyen d’annulation sur le fondé sur les articles 1484-1° et 1484-3° du NCPC (Un tribunal arbitral s’était estimé compétent pour connaître du sort des contrats de location-gérance et de franchise et avait ordonné la poursuite de l’exécution de ces contrats pendant la durée de l’instance arbitrale. Un recours en annulation avait été formé contre ladite sentence, au motif que les arbitres avaient statué sans convention d’arbitrage et outrepassé les limites de la mission qui leur avait été conférée en décidant ainsi de connaître d’une convention ne contenant pas une clause d’arbitrage), la Cour d’appel de Paris considère que « le rapport d’interdépendance entre ces deux conventions par la volonté des parties justifie l’extension de la compétence des arbitres à un différend concernant le contrat de location-gérance qui ne contient pas de clause d’arbitrage et que les arbitres n’ont pas méconnu la dimension conventionnelle de l’arbitrage » (CA Paris, 26 avril 2007, Juris-Data n°334776).

(299)          L’interdépendance entre ces deux conventions, qui traduit l’identité de cause, apparaît donc progressivement comme le critère propre à pouvoir justifier, au regard de la jurisprudence actuelle, l’extension de la portée de la clause compromissoire.

2) Deuxième hypothèse : tribunal arbitral irrégulièrement composé ou arbitre unique irrégulièrement désigné

(300)         Est irrégulière la composition du tribunal arbitral dont l’un des arbitres a été désigné par une décision du juge étatique, elle-même annulée au cours de l’instance arbitrale (CA Versailles, 30 janvier 2007, inédit, RG n°5/354) ou postérieurement au prononcé de la sentence (CA Caen, 23 novembre 2006, inédit, RG n°05/0314).

En pareil cas, la demande de récusation de l’arbitre, prévue à l’article 1463 du NCPC, est portée, selon ce texte, devant le tribunal compétent pour connaître des difficultés de composition du tribunal arbitral en application de l’article 1444 du même code, lequel peut être le président du tribunal de commerce (CA Caen 30 novembre 2006, inédit, RG n°06/1218).

3) Troisième hypothèse : non respect de la mission conférée

(301)         Une décision intéressante, marquant l’épilogue judiciaire d’une procédure longue de plusieurs années, vient utilement préciser l’étendue des pouvoirs des arbitres lorsque le compromis d’arbitrage et l’acte de mission ne coïncident pas exactement sur ce point.

Un franchiseur et un franchisé avaient signé un contrat de franchise et un contrat d’approvisionnement. Une enseigne concurrente du franchiseur avait adressé au franchisé une offre d’achats de son fonds de commerce, sous réserve de la résiliation des contrats la liant au franchiseur. Ce dernier n’ayant pas exercé son droit de préemption, le fonds avait été vendu à l’acquéreur, qui avait étiré l’enseigne pour y apposer la sienne. Faisant valoir que les contrats de franchise et d’approvisionnement avaient été transmis à l’acquéreur lors de la cession du fonds de commerce, excipant de leur rupture et se prévalant d’une clause compromissoire, le franchiseur assignait l’acquéreur devant le Tribunal de commerce de Paris pour voir désigner son arbitre.

Toute la difficulté venait de ce que la mission des arbitres, définie par le compromis d’arbitrage, était circonscrit à la recherche de la responsabilité contractuelle de l’acquéreur vis-à-vis de l’acquéreur, tandis que l’acte de mission, rédigé en termes généraux, étendait plus largement la mission des arbitres au domaine quasi-délictuel.

Un arrêt rendu le 28 novembre 2002 par la Cour d’appel de Paris avait confirmé la sentence arbitrale ayant rejeté la demande présentée sur un fondement contractuel – estimant que les contrats n’avaient pas été transmis –, tout en retenant l’existence d’une faute quasi délictuelle de l’acquéreur, malgré les termes restrictifs du compromis d’arbitrage. Cet arrêt fut ensuite cassé par la Haute juridiction (Cass. civ. 1ère, 18 mai 2005, Bull. civ. n°208, p.177) pour violation de l’article 1483 du NCPC, au motif que la Cour d’appel aurait dû préalablement statuer sur la nullité de la sentence pour défaut de convention d’arbitrage quant à une responsabilité quasi-délictuelle.

Statuant donc sur renvoi après cassation, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 6 avril 2006, Juris-Data n°303330), on s’en souvient, avait apporté deux précisions déterminantes :

–       d’une part, « le Tribunal arbitral, après avoir dit l’acquéreur tiers aux contrats de franchise et d’approvisionnement et avoir écarté en conséquence sa responsabilité contractuelle, ne pouvait sans méconnaître les limites de sa mission, statuer sur une demande relative à son éventuelle responsabilité quasi-délictuelle de l’acquéreur qui (…) implique tant au niveau des faits et du droit un examen radicalement différent et doit s’analyser non comme une demande incidente ayant le même objet que la demande principale mais comme une demande ayant un objet différent », de sorte qu’il convient d’annuler la sentence arbitrale en ce qu’elle a statué sur la responsabilité quasi-délictuelle de l’acquéreur ;

–       d’autre part, la circonstance qu’il ait été discuté par l’acquéreur de sa responsabilité quasi-délictuelle devant les arbitres puis la Cour n’emporte pas « accord » du défendeur quant à une éventuelle extension de la mission des arbitres telle qu’elle s’impose à la Cour qui, dès lors, « ne peut statuer que dans les limites de la convention d’arbitrage ».

(302)         Par un arrêt du 6 mars 2007, la Cour de cassation vient d’affirmer que « lorsque son investiture procède d’un compromis, l’arbitre ne peut, sans nouvel accord des parties, être saisi par une partie d’une demande incidente n’entrant pas, par son objet, dans les prévisions du compromis, de sorte qu’ayant souverainement constaté que la demande relative à l’éventuelle responsabilité quasi délictuelle de la société « cessionnaire » s’analysait non comme une demande incidente ayant le même objet que la demande principale mais comme une demande ayant un objet différent, la cour d’appel n’a pu qu’annuler la sentence arbitrale du fait de la méconnaissance par les arbitres de l’étendue de leur mission  (Cass. civ. 1ère, 6 mars 2007, Juris-Data n°037778)».

Autrement dit, lorsque son investiture procède d’un compromis, l’arbitre ne peut, sans nouvel accord des parties, être saisi par une partie d’une demande incidente n’entrant pas, par son objet, dans les prévisions du compromis.

4) Quatrième hypothèse : non respect du principe de la contradiction

(303)         Viole le principe de la contradiction, le tribunal arbitral qui, sans convoquer ni inviter les parties à présenter leurs observations, décide d’office, sous couvert de rectification d’erreur matérielle, d’abaisser le montant des dommages et intérêts auquel l’une des parties avait été condamnée par une première sentence arbitrale (CA Caen, 23 novembre 2006, inédit, RG n°05/0314).

5) Cinquième hypothèse : cas de nullité prévus à l’article 1480 du NCPC

(304)         L’obligation de motivation qui incombe aux arbitres est rarement en cause (L’on sait en effet qu’en renvoyant à l’article 1480 du NCPC, l’article 1484 du même code, vise indirectement – mais nécessairement – l’obligation de motivation. Ce renvoi est parfaitement logique car une telle obligation est pour le justiciable une garantie efficace contre les décisions arbitraires, hâtives ou insuffisamment délibérées : par son respect, les décisions rendues résultent d’un raisonnement explicité qui se veut clair et cohérent, presque pédagogique. Motivée, la décision fournit au justiciable la preuve que sa demande et ses moyens ont été attentivement étudiés et procure ainsi une justification au plaideur qui, éclairé et instruit sur les mérites de ses prétentions, pourra être persuadé du bien-fondé de la décision rendue).

En l’espèce, le contrat de franchise ayant été rompu avant le terme contractuel, les parties avaient saisi un tribunal arbitral en application d’une clause compromissoire. Insatisfait de la décision arbitrale rendue à son encontre, le franchisé avait formé un recours en annulation au motif que celle-ci était dépourvue de tout motif quant au bien fondé des demandes en réparation formulées par le franchiseur, que les arbitres avaient néanmoins accueilli.

La Cour d’appel avait annulé la sentence arbitrale ; le pourvoi formée contre l’arrêt de la cour d’appel est rejeté en ces termes par la Cour de cassation : « la cour d’appel, sans se faire juge de la suffisance ou du bien fondé de la motivation présentée, a pu en déduire que la sentence était dépourvue de tout motif sur le bien-fondé de ces demandes (…) » (Cass. civ. 1ère, 20 septembre 2006, pourvoi n°04-14.015).

6) Dernière hypothèse : violation d’une règle d’ordre public

(305)         La sixième hypothèse concerne la violation par le tribunal arbitral d’une règle touchant à l’ordre public ; et, on le sait, même lorsqu’ils statuent en qualité d’amiables compositeurs, conformément à l’article 1474 du NCPC, les arbitres doivent trancher le litige conformément aux règles de droit impératives : ils se doivent donc d’appliquer les normes, internes et communautaires, d’ordre public, notamment celles issues du droit de la concurrence (Cass. com., 17 janvier 2006, Bull. civ. IV, n°9, Juris-Data n°031799 ; CA Paris, 16 mars 1995, Rev. arb. 1996, p.146).

En particulier, viole les dispositions d’ordre public de l’article 346 du NCPC, applicable à la procédure arbitrale, le tribunal arbitral qui, sait d’une demande de récusation, a néanmoins refusé de surseoir à statuer jusqu’à ce qu’il soit statuer sur ladite demande (CA Caen, 23 novembre 2006, inédit, RG n°05/0314).

C. L’opposabilité des sentences arbitrales

F Une décision commentée : Cass. civ. 1ère, 23 janvier 2007, (Juris-Data n°037125)

(306)         S’il a déjà été admis que des sentences arbitrales puissent être opposées aux tiers (V. en matière de cautionnement : CA Paris, 4 janvier 1960, Rev. arb. 1960, p.122 ;CA Paris, 21 mai 1964, D. 1964, p.602, et sur l’ensemble de la question, E. Loquin, Arbitrage et cautionnement, Rev. arb. 1994, p.235, spéc. p.248 ; v. en matière de garantie à première demande, Cass. com., 20 décembre 1982, Rev. arb. 1984, p.477 ; v. en matière de stipulation pour autrui, Cass. civ. 1ère, 10 mai 1988, Rev. arb. 1989, p.51), l’arrêt de la chambre commerciale du 23 janvier 2007 le confirme clairement, en rendant opposable à un franchiseur la sentence arbitrale rendue entre un franchiseur concurrent et son franchisé.

En l’espèce, un franchisé avait indiqué à son franchiseur ne pas souhaiter renouveler son contrat de franchise et être néanmoins disposé à le poursuivre le temps de céder son fonds de commerce. Alors que le franchiseur avait manifesté son intention d’user de son droit de préférence et d’acquérir ledit fonds, ce dernier était finalement cédé à un franchiseur concurrent. Le franchiseur assignait son franchisé devant un tribunal arbitral pour violation du pacte de préférence et rupture fautive du contrat de franchise. Le tribunal arbitral décidait que ce contrat avait été prorogé et que la vente du fonds litigieux constituait bien une violation du pacte de préférence. Parallèlement, un litige était né entre les deux franchiseurs devant le juge étatique. Le franchiseur lésé avait actionné son concurrent en dommages et intérêts au motif qu’il avait commis à son égard des actes de concurrence déloyale en participant à la violation des contrats de franchise et d’approvisionnement et en désorganisant le réseau de franchise.

C’est alors que s’est posée la question de l’autorité de la chose jugée ou de l’opposabilité de la sentence rendue à l’issue de l’instance opposant le premier franchiseur et son franchisé. Pour juger que le contrat de franchise avait pris fin à la date à laquelle le franchisé avait cédé son fonds de commerce au franchiseur concurrent – alors que le juge étatique avait jugé que le contrat de franchise avait été prorogé – et qu’aucune faute de ce dernier n’était donc démontrée à l’égard du demandeur, la Cour d’appel considéra que la sentence arbitrale n’avait autorité de la chose jugée qu’entre les parties et que l’objet du litige était en outre distinct de celui du litige arbitral. Mais c’était confondre l’autorité de la chose jugée et l’opposabilité de la sentence arbitrale. La Haute juridiction prononce la cassation et distingue ces deux notions, en décidant que la sentence est en l’espèce opposable aux tiers : « si une sentence n’a autorité de la chose jugée qu’eu égard au litige qu’elle tranche, elle n’en est pas moins opposable aux tiers »(Cass. civ. 1ère, 23 janvier 2007, Juris-Data n°037125).

Les deux notions sont totalement distinctes : l’autorité de la chose jugée produit ses effets entre les parties et permet donc à une partie à l’instance arbitrale d’invoquer la sentence pour la faire exécuter ; en revanche, l’opposabilité produit ses effets à l’égard des tiers et permet donc à un plaideur de se prévaloir d’une sentence rendue dans un litige distinct.

C’est dire la portée de l’arbitrage.

Panorama de Jurisprudence : Franchise (2006)

Identification du contrat de franchise et champ d'application de la loi DOUBIN

(01)            Bon nombre de décisions récentes suscitent la réflexion quant à l’identification du contrat de franchise (A) et au champ d’application de la loi Doubin (B).

A. Identification du contrat de franchise

(02)            La qualification juridique attribuée à tel contrat présente un intérêt pratique fondamental en raison du régime spécifique pouvant y être attaché. Or, il est parfois délicat de distinguer la franchise de contrats voisins tels que, notamment, la distribution sélective, la licence de marque, le contrat d’affiliation, le mandat d’intérêt commun, etc. Le rappel par la jurisprudence récente des critères d’identification du contrat de franchise (1) permet de différencier ce contrat des contrats voisins (2).

1. Critères d’identification du contrat de franchise

FUne décision commentée : CA Poitiers, 13 septembre 2005, jurisdata n°287162.

(03)            La question des critères d’identification du contrat de franchise occupe une place récurrente dans la jurisprudence dès lors que, par application de l’article 12 du Nouveau Code de procédure civile, le juge doit « donner ou restituer leur exacte qualification » aux actes juridiques qui lui sont soumis en recherchant la commune intention des parties.

(04)            Alors que ni la loi Doubin, ni le décret pris pour son application, ne donnent de définition du contrat de franchise, celle-ci résulte tant de l’article 2.5 des lignes directrices sur les restrictions verticales complétant le règlement n°2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999 que de l’article 1er du Code de déontologie européen de la franchise.

La définition qu’en donnent ces textes est reprise par la jurisprudence récente. Ainsi, la Cour d’appel de Poitiers (CA Poitiers, 13 septembre 2005, jurisdata n°287162)retient que « le contrat de franchise est un contrat synallagmatique à exécution successive par lequel une entreprise confère à une autre ou plusieurs autres entreprises le droit de réitérer, sous l’enseigne du franchiseur, à l’aide de ses signes de ralliement de la clientèle et de son assistance continue, le système de gestion préalablement expérimenté par le franchiseur et devant, grâce à l’avantage concurrentiel qu’il procure, raisonnablement permettre à un franchisé diligent de faire des affaires profitables » . Ainsi, selon la Cour, « le contrat de franchise se distingue des autres contrats notamment des contrats-cadres de distribution par la réunion de trois obligations essentielles : l’utilisation d’un nom ou d’une enseigne communs et une présentation uniforme des locaux et/ou moyens, la communication par le franchiseur au franchisé d’un savoir faire, la fourniture continue par le franchiseur au franchisé d’une assistance commerciale ou technique pendant la durée de l’accord ».

2. Distinction du contrat de franchise et des contrats voisins

(05)            Les décisions récentes distinguent le contrat de franchise de quatre autres figures contractuelles : le contrat de concession (a), le contrat d’agent commercial (b), le contrat de vente (c) et le contrat de travail (d).

a) Contrat de franchise et contrat de concession

FUne décision commentée : CA Poitiers, 13 septembre 2005, jurisdata n°287162.

(06)            Le contrat de concession se définit comme celui par lequel un commerçant, le concessionnaire, met son entreprise de distribution au service d’un commerçant ou industriel, le concédant, pour assurer exclusivement, sur un territoire déterminé, pendant une période limitée et sous la surveillance de ce dernier, la distribution des produits dont le monopole de revente lui est concédé.

Ainsi, le contrat de franchise et le contrat de concession présentent des similitudes : le franchisé et le concessionnaire sont des commerçants indépendants devant bénéficier de la transmission de signes distinctifs.

Des différences importantes subsistent néanmoins : la distinction essentielle vient de ce que le concédant ne transmet pas de savoir-faire et ne fournit pas d’assistance continue et que, réciproquement, le concessionnaire ne verse pas de droit d’entrée ou de redevances en contrepartie des avantages consentis.

(07)            La Cour d’appel de Poitiers (CA Poitiers, 13 septembre 2005, jurisdata n°287162) réforme un jugement ayant retenu la qualification de contrat de franchise, en raison de l’absence de savoir-faire et d’obligations d’assistance du franchiseur. Cette solution doit être approuvée ; de tels critères de distinction entre le contrat de concession et le contrat de franchise ont été consacrés tant par la jurisprudence communautaire (CJCE, 28 janvier 1986, Pronuptia, aff.161/84, Rec. CJCE 1986, p.353) que par celle de la Cour de cassation (Cass. com., 4 juin 2002, pourvoi n°99-19.464).

Pour stigmatiser l’absence de savoir-faire, la Cour d’appel de Poitiers retient que le savoir-faire invoqué était « dépourvu d’originalité » au motif que n’importe quel professionnel pouvait « l’acquérir par ses propres moyens ». En définitive, l’exigence d’«originalité » ainsi retenue par la Cour est impropre ; ce terme ne figure pas dans la définition qu’en donne l’article 1.f du règlement CE 2790/1999 du 22 décembre 1999 concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et des pratiques concertées. Mieux vaut en effet se référer à cette définition, qui fixe précisément les trois caractéristiques d’un savoir-faire. Celui-ci se définit comme « un ensemble secret, substantiel et identifié d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du fournisseur et testées par celui-ci ».

Autrement dit, la Cour d’appel aurait du motiver la solution – en l’espèce justifiée – par l’absence du caractère « secret » du savoir-faire allégué ; selon l’article 1.f du règlement CE 2790/1999 précité, le terme « secret » signifie en effet que le savoir-faire, dans son ensemble ou dans la configuration et l’assemblage précis de ses composants, « n’est pas généralement connu ou facilement accessible ».

(08)            Concernant la fourniture d’une assistance commerciale et technique, la Cour d’appel de Poitiers juge encore que « la simple aide au démarrage de l’activité ne peut être considérée comme constituant une assistance technique et commerciale continue au sens d’un contrat de franchise ».

Cette motivation est justifiée. L’obligation d’assistance est continue. Pendant la durée du contrat, le franchiseur est tenu de collaborer avec le franchisé. Une telle collaboration peut prendre diverses formes : stages de recyclage et/ou de perfectionnement, recommandation sur les achats à effectuer, animation des points de vente, transmission régulière d’informations concernant le marché et/ou les autres franchisés, etc.

b) Contrat de franchise et contrat d’agent commercial

F Deux décisions commentées : CA Paris, 21 juin 2006, jurisdata n°304912 ; CA Nîmes, 14 février 2006, jurisdata n°301670.

(09)            Le contrat d’agent commercial fait l’objet d’une définition légale ; selon l’article L.134-1 du Code de commerce : « L’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale ».

La caractéristique majeure du contrat d’agent commercial résulte donc de l’existence d’un mandat. L’agent agit au nom et pour le compte de son mandant. Les agents commerciaux n’acquièrent pas la qualité de commerçant, ils sont immatriculés sur un registre spécial tenu au greffe du tribunal de commerce alors que les franchisés sont des commerçants indépendants, inscrits à ce titre au registre du commerce.

Selon les circonstances, les parties tentent parfois de faire requalifier par le juge le contrat de franchise en contrat d’agent commercial (CA Paris, 21 juin 2006 jurisdata n°304912) ou, inversement, à requalifier le contrat d’agent commercial en contrat de franchise (CA Nîmes, 14 février 2006, jurisdata n°301670).

(10)            Ainsi, la partie qualifiée d’agent commercial par un contrat tente parfois de le faire requalifier en contrat de franchise, de manière à en obtenir la nullité, soit en application de l’article L.330-3 du Code de commerce relatif à l’obligation précontractuelle d’information, soit même lorsque l’une des clauses du contrat vide le contrat ainsi requalifié de sa substance.

Une telle argumentation a été admise. Pour écarter la qualification de contrat d’agent commercial, la Cour d’appel de Nîmes (CA Nîmes, 14 février 2006, jurisdata n°301670)relève en effet que « la définition de l’agent commercial se heurte au payement d’un droit d’entrée (…) incompatible avec le statut d’agent commercial », peu important, par ailleurs, les références faites par le contrat litigieux aux dispositions du décret du 23 décembre 1958 relatif au statut des agents commerciaux.

Puis, pour retenir la qualification de contrat de franchise, la Cour d’appel retient en l’espèce que le tribunal a, sans dénaturation, relevé les éléments dont la réunion permet de retenir la qualification de contrat de franchise : le droit de reproduire et d’utiliser la marque et les signes distinctifs, la transmission du savoir-faire, et l’assistance.

(11)            Inversement, un franchisé peut estimer avoir intérêt à faire requalifier par le juge son contrat en contrat d’agent commercial. Alors que le franchisé ne perçoit en effet aucune indemnité au terme du contrat de franchise, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi par suite de la cessation de ses relations avec le mandant, conformément à l’article L.134-12 du Code de commerce.

Une telle argumentation a été rejetée dans une affaire récente : pour écarter la demande de requalification d’un contrat de franchise en un contrat d’agent commercial, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 21 juin 2006 jurisdata n°304912) retient que le franchisé n’agissait pas en qualité de mandataire, dès lors qu’il « entretenait en toute indépendance des relations directes avec les clients » et « qu’aucun élément ne laiss(ait) apparaître qu’il aurait agi au nom et pour le compte » du franchiseur.

c) Contrat de franchise et contrat de vente

FUne décision commentée : CA Colmar 31 janvier 2006, jurisdata n°304798.

(12)            Une partie tentait d’obtenir la requalification d’un contrat de vente – « convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose et l’autre à la payer » (C. Civ., art. 1582) – en contrat de franchise, et sollicitait par ailleurs son annulation pour violation de l’obligation d’information précontractuelle, prévue à l’article L.330-3 du Code de commerce.

Pour rejeter cette demande et considérer que les parties n’étaient pas liées par un contrat de franchise, mais bien par des contrats de vente, la Cour d’appel de Colmar (CA Colmar 31 janvier 2006, jurisdata n°304798)stigmatise logiquement l’un des critères distinctifs du contrat de vente  et du contrat de franchise : alors que, dans la vente, l’acquéreur n’est en général tenu à aucune obligation postérieurement à la prise d’effet de l’acte, dans le contrat de franchise, contrat à exécution successive, le franchisé (comme le franchiseur) reste débiteur de certaines obligations. Ainsi, pour distinguer ces deux qualifications, la Cour relève, à juste titre, que postérieurement à la remise de la chose, en l’espèce des enseignes, le prétendu « franchisé » n’assumait pas d’obligations caractéristiques d’un contrat de franchise : « la remise des enseignes n’a pas donné lieu à la perception d’un droit d’entrée », « aucun document n’impose [au prétendu franchisé] de les utiliser », ni « de respecter les normes élaborées par le [prétendu franchiseur] » ; de même, le franchisé n’était débiteur d’aucune redevance.

(13)            La distinction est simple. Le contrat de vente est instantané : son obligation caractéristique, le transfert de la propriété du vendeur à l’acheteur, s’exécute toujours en un instant, alors même que le transfert de la propriété interviendrait postérieurement à la conclusion du contrat (par exemple au complet paiement du prix, à la livraison, etc.) ; si, dans ce cas là, le contrat de vente peut devenir un contrat en cours au sens du droit des procédures collectives, il n’en reste pas moins instantané, selon le critère qui vient d’être dit. A l’inverse, le contrat de franchise est un contrat à exécution successive : il ne s’exécute qu’avec le temps car sa prestation caractéristique n’est pas le transfert de la propriété (alors même qu’il organise des ventes futures) mais la fourniture d’un savoir-faire propre à l’organisation de la distribution d’un ou plusieurs produits ou services. En l’absence d’obligations relatives à la fourniture de ce savoir-faire, et d’obligations relatives à sa réception et à son utilisation, le contrat de franchise ne peut donc exister.

d) Contrat de franchise et contrat de travail

F Huit décisions commentées : CA Pau, 20 mars 2006, jurisdata n° 303259 ; CA Rennes, 13 décembre 2005, jurisdata n°292457 ; Cass. Soc., 23 novembre 2005, pourvoi n°04-40.749 ; CA Aix-en-Provence, 5 octobre 2005, inédit, RG n°05/07210 ; Cass. Soc., 12 juillet 2005, pourvoi n°03-45.394 ; CA Dijon, 30 juin 2005, jurisdata n°283427 ; CPH Toulouse, 28 juin 2005, inédits (deux jugements), RG n°03/01366 et n°03/01367.

(14)            Si rare qu’elle soit, la requalification du contrat de franchise en contrat de travail est parfois consacrée par la jurisprudence en application de l’article L.120-3 du Code du travail (i). Cette hypothèse doit être distinguée de celles – plus fréquentes – qui, en dehors de toute requalification, permettent néanmoins l’application des dispositions du Code du travail au dirigeant de la société franchisée, par application L.781-1, 2° du Code du travail, ou qui, au visa de l’article L.121-1 du même code, aboutissent notamment à considérer le franchisé comme co-employeur d’un salarié du franchiseur (ii).

(i) La requalification du contrat de franchise en contrat de travail

(15)            La personne physique ayant signé en son nom personnel le contrat de franchise en sollicite parfois la requalification en un contrat de travail.

Dans ce cas, le franchisé doit combattre la présomption de l’alinéa 1er de l’article L.120-3 du Code du travail, selon lequel « les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés (…) ainsi que les dirigeants des personnes morales immatriculées [audit registre] (…) sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ouvrage par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à cette immatriculation ».  Pour ce faire, il sollicite l’application de l’alinéa 2 du même article, selon lequel : « (…) l’existence d’un contrat de travail peut être établie lorsque les personnes citées au premier alinéa fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ouvrage dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci ».

Les décisions statuant sur une telle demande ne sont pas rares (v. pour le refus d’une telle requalification : CA Douai 27 mars 1992, jurisdata n°042865 ; CA Bordeaux, 17 avril 1991, jurisdata n°043846 ; v. pour son admission : CA Paris, 19 novembre 1997, jurisdata n°024318).

(16)            Dans une espèce récente, la question se posait en termes simples, ce qui donne à la solution retenue une portée importante. Une personne physique avait signé deux contrats qui, qualifiés par les parties de contrat de franchise, en présentaient tous les caractères. Le franchisé avait néanmoins saisi un conseil de prud’homme d’une demande de requalification de ces contrats en contrats de travail.

Les premiers juges avaient fait droit à la demande en condamnant le franchiseur au titre d’un rappel de salaire et des congés payés y afférents. En cause d’appel, la Cour de Dijon (CA Dijon, 30 juin 2005, jurisdata n°283427) infirme cette décision au motif que le critère essentiel au contrat de travail – le lien de subordination – faisait défaut.

A cet égard, la décision est d’autant plus intéressante qu’elle examine les différents aspects du contrat de franchise que le demandeur à l’action mettait en exergue au soutien de sa demande de requalification. Ainsi, selon la Cour, le contrat litigieux conférait une autonomie suffisante au franchisé pour écarter toute requalification possible en contrat de travail ; le franchisé ne pouvait en effet se prévaloir utilement en l’espèce de :

–      son impossibilité d’aménager les locaux à sa guise dès lors que le franchiseur n’avait fait qu’exécuter son obligation de faire bénéficier le franchisé de l’enseigne commune et d’une présentation uniforme des locaux : l’obligation faite à un franchisé de respecter les normes voulues par le franchiseur ne caractérise pas un lien de subordination,

–       des indications techniques données par le franchiseur, lesquels participent de son savoir-faire et de l’assistance dus au franchisé pendant la durée de l’accord de franchise ;

–       des conditions d’exploitation du fonds de commerce dès lors que le franchisé était libre de :

o   choisir la quantité de marchandises figurant dans la gamme de produits du franchiseur, la prévision par le contrat d’un réassort automatique ne caractérisant pas par ailleurs une perte de l’autonomie économique du franchisé ;

o   pratiquer un prix autre que celui proposé ;

o   céder son fonds de commerce et d’embaucher du personnel ;

o   d’atteindre ou non tel chiffre d’affaires, aucun objectif minimum de chiffre d’affaires n’étant imposé par le contrat.

Faute d’établir l’existence d’un lien de subordination juridique permanent, la Cour de Dijon rejette la demande de requalification du contrat.

(17)            Il convient de souligner aussi l’importance des stipulations contractuelles dans la qualification.

Le souci d’organiser précisément et rigoureusement la distribution des produits et services n’entraînera pas la qualification de contrat de travail si cette volonté s’exprime dans le respect de l’indépendance entrepreneuriale du franchisé. L’indépendance du franchisé doit ressortir des clauses mêmes énonçant les obligations qui s’imposent à lui dans le prolongement du savoir-faire qui lui est transmis. Les obligations doivent découler des contraintes inhérentes au transfert d’un savoir-faire, ce dont il doit normalement résulter que les obligations considérées créent, à la charge du franchisé (ou des gérants et associés de la société franchisée), une contrainte compatible avec sa qualité de commerçant indépendant.

Pour qu’il en soit ainsi, les obligations imposées au franchisé ne doivent pas concerner l’organisation même de son travail car le pouvoir de direction caractéristique de la qualité d’employeur s’exerce, avant tout, sur les modalités de déploiement d’une prestation de travail.

(ii) Application des règles du Code du travail en dehors de toute requalification

(18)            En dehors même de toute requalification, les dispositions du Code de travail peuvent s’appliquer conformément à l’article L.781-1, 2° du Code du travail. Selon ce texte en effet, les dispositions du Code du travail visant les apprentis, ouvriers, employés, travailleurs sont applicables « aux personnes dont la profession consiste essentiellement à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule entreprise industrielle et commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise ».

Il convient d’évoquer successivement les conditions d’application de ce texte, puis ses conséquences.

(19)            Si l’une quelconque des conditions requises par ce texte – telle que notamment l’exigence d’un prix imposé – n’est pas vérifiée, le texte demeure inapplicable (Cass. Soc., 8 févr. 2005, jurisdata n°026941).

En revanche, la jurisprudence (Cass. Soc., 8 févr. 2005, jurisdata n°026941 ; Cass. Soc., 4 déc. 2001 (deux arrêts), jurisdata n°012006 et n°012007) ne subordonne pas l’application de l’article L.781-1, 2° précité à l’existence d’un lien de subordination (v. aussi, CPH Toulouse, 28 juin 2005, inédits (deux jugements), RG n°03/01366 et n°03/01367).

(20)            Selon la Cour de cassation, l’application de ce texte n’emporte pas pour autant requalification du contrat (Cass. Soc., 8 févr. 2005, jurisdata n°026941). C’est qu’en effet, à la différence de l’article L.120-3 du Code du travail qui prévoit expressément la requalification du contrat, l’article L.781-1, 2° du code du travail n’envisage que l’application des règles du Code du travail. Et c’est précisément pour cette raison que, selon la Cour de cassation, les dispositions du Code du travail sont applicables dès lors que les conditions énoncées par l’article L.781-1, 2° précité sont réunies, alors même que l’existence d’un lien de subordination – caractéristique du contrat de travail – ne serait pas établie. Cette solution a été récemment adoptée par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 5 octobre 2005, inédit, RG n°05/210 ; v. aussi, CA Nîmes, 20 déc. 2002, jurisdata n°199407).

Toutefois, de manière assez inexplicable, certaines juridictions du fond s’attachent encore à considérer que l’application de ce texte emporterait « requalification » du contrat de franchise en contrat de travail (CA Montpellier, 15 décembre 2004, jurisdata n°265655 ;CA Toulouse, 9 décembre 2004, jurisdata n°269354 ; CA Nancy, 4 décembre 2002, jurisdata n°206150). Cette tendance se trouve confirmée par trois décisions entrant dans le champ de notre étude, un arrêt rendu par la Cour d’appel de Dijon (CA Dijon, 30 juin 2005, jurisdata n°283427) et deux jugements du Conseil de prud’hommes de Toulouse (CPH Toulouse, 28 juin 2005, inédits (deux jugements), RG n°03/01366 et n°03/01367).

Cette jurisprudence est critiquable en ce qu’elle admet qu’un contrat de travail puisse exister en dehors d’un lien de subordination. Un tel état de fait est contraire à la notion même de contrat de travail et, au-delà, au mécanisme des qualifications juridiques. Certes existe-t-il des « salariés par détermination de la loi » (les VRP, les journalistes, les mannequins, etc.), autrement dit des catégories professionnelles qui reçoivent, de source légale expresse, le titre de salarié, alors même qu’elles n’exercent pas leur activité en situation de subordination. Mais il s’agit de situations hautement dérogatoires, réservées au seul domaine de la loi, que la jurisprudence n’est pas habilitée à contrarier. Il n’existe pas de salariés « par détermination de la jurisprudence », et il convient donc de ne pas qualifier de « contrat de travail » une relation contractuelle dans laquelle fait défaut le pouvoir de subordination du créancier d’un travail à l’égard du débiteur. L’article L.781-1 2° du Code du travail applique le régime de la relation de travail à des non-salariés ; si la dérogation est moins marquée que pour les salariés par détermination de la loi, elle n’en est pas moins étrange…

(21)            La jurisprudence retient parfois, au visa de l’article L.121-1 du Code du travail, que l’employé sous contrat de travail avec le franchiseur a également pour employeur le franchisé.

C’est la solution à laquelle aboutit un arrêt important rendu par la Cour de cassation (Cass. Soc., 12 juillet 2005, pourvoi n°03-45.394). En l’espèce, une société exploitant un hôtel avait donné mandat de gestion de son établissement à une autre, avec laquelle elle avait par ailleurs signé un contrat de franchise. Le franchiseur avait conclu un contrat de travail avec un employé, engagé comme directeur, puis un second, signé avec l’épouse de ce dernier engagée en qualité d’adjointe. A la suite de la démission de l’époux, l’épouse avait été licenciée en raison de la clause d’indivisibilité figurant à son contrat, selon laquelle ses fonctions devaient cesser en cas de départ de son mari, quelles qu’en soient les motifs. Elle saisissait la juridiction prud’homale pour faire juger que le franchiseur et le franchisé étaient ses co-employeurs et demandait en conséquence leur condamnation solidaire au paiement de diverses sommes par elle réclamées. Les juges du fond considéraient que la salariée n’avait qu’un seul employeur (la société franchiseur ayant donné mandat de gestion), l’autre société n’agissant qu’en simple mandataire.

Or, après avoir rappelé que « le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination de leur convention mais des conditions dans lesquelles la prestation de travail s’est exécutée », la Cour de cassation retient, au visa de l’article L.121-1 du Code du travail, qu’une telle solution manque ainsi de base légale, dès lors que la Cour d’appel n’avait pas recherché, comme elle y était invitée, si, pendant toute la durée de la relation contractuelle, la salariée n’avait pas, en fait, travaillé dans un lien de subordination avec la société franchisée, de sorte que les deux sociétés – le franchiseur et le franchisé – avaient la qualité d’employeur conjoint.

Reste alors à définir le lien de subordination. Selon la Cour de cassation (Cass. Soc., 12 juillet 2005, précité), un tel lien se trouve « caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ». Cette définition est reprise – à l’identique – par un arrêt plus récent de la Cour de cassation (Cass. Soc., 23 novembre 2005, pourvoi n°04-40.749), également rendu au visa de l’article L.121-1 du Code du travail. Tout est ensuite affaire d’espèce. Ainsi, la Cour de cassation précise-t-elle que « l’intégration dans un service organisé constitue un indice du lien de subordination lorsque les conditions de travail sont unilatéralement déterminées par le cocontractant » (Cass. Soc., 23 novembre 2005, précité). En revanche, un tel lien fait défaut lorsque l’intéressé assume en toute liberté le fonctionnement de l’établissement, qu’il exerce les prérogatives d’un chef d’entreprise à l’égard du personnel, qu’il n’est soumis à aucun horaire précis, n’a de compte à rendre à personne et aménage à sa guise ses périodes de congés, les seules obligations auxquelles il reste tenu résultant d’un cahier des charges qui, pour des motifs commerciaux, imposaient certaines règles communes à tous les franchisés (CA Rennes, 13 décembre 2005, jurisdata n°292457).

Quoiqu’il en soit, la solution conduisant à faire du franchisé un co-employeur est à notre avis bien trop sévère pour ce dernier, qui risque de pâtir d’une situation normalement destinée à lui profiter. Cette décision, si elle était ultérieurement confirmée, devrait dissuader les franchisés d’accepter de bénéficier de la mise à disposition de salariés du franchiseur ou, à tout le moins, de veiller à ne créer aucun lien de subordination au sens de la jurisprudence qui vient d’être évoquée. On observera, au demeurant, que cette politique jurisprudentielle, qui tend à protéger le salarié, trouve logiquement sa limite lorsqu’il s’agit de considérer l’obligation de reclassement à laquelle l’employeur franchisé est tenu (CA Pau, 20 mars 2006, jurisdata n° 303259 : considérant que l’appartenance de l’employeur franchisé à un groupe auquel s’étendrait l’obligation de reclassement n’a pas été établie, dès lors qu’aucun élément ne permet d’établir l’existence d’un contrôle et d’une domination exercées par une société tierce sur la société employeur, ni de l’appartenance de l’employeur à un même ensemble économique ou d’une participation financière élevée d’une société dite dominante).

B. Champ d’application de la loi Doubin

F Deux décisions commentées : CA Paris, 1er février 2006, jurisdata n°296357 ; CA Poitiers 13 septembre 2005, jurisdata n°287162.

(22)            L’article L.330-3 du Code de commerce, qui s’applique notamment au contrat de franchise, impose une obligation d’information précontractuelle à « toute personne qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité ».

Si le texte exige qu’une partie se soit engagée de manière exclusive ou quasi exclusive, l’objet même de cette exclusivité n’est pas précisé. Compte tenu de cette lacune, la doctrine reste divisée sur l’étendue du champ d’application de la notion même d’exclusivité (engagement de non-concurrence, d’approvisionnement exclusif, d’exclusivité territoriale). La question est d’importance puisqu’elle conditionne l’application de l’article L.330-3 du Code de commerce, qui est au cœur de la matière.

(23)            La jurisprudence récente confirme que l’exclusivité dite d’« activité » est bien visée par la loi (CA Paris, 1er février 2006, jurisdata n°296357 ; CA Poitiers 13 septembre 2005, jurisdata n°287162).

En revanche, l’engagement d’exclusivité territoriale ne saurait justifier, à lui seul, l’application de l’article L.330-3 du Code de commerce (CA Poitiers 13 septembre 2005, précité).

La formation du contrat de franchise

(24)            Les décisions objets de notre étude précisent de manière cohérente certaines des conditions essentielles pour la validité du contrat de franchise : le consentement des parties (A) et la cause de leurs obligations réciproques (B).

A. Le Consentement

(25)            Le consentement des parties est une question – lancinante – qui, souvent déformée par les plaideurs, donne un sentiment général de flou. Pour la clarté du raisonnement, on envisagera successivement les deux principes que dégage le droit positif : il incombe au franchiseur de rapporter la preuve de l’absence de violation de l’obligation d’information (1) tandis qu’il appartient au franchisé de démontrer l’existence du vice de son consentement (2). Pour être complet, on distinguera, à chaque fois, selon la source – légale ou conventionnelle – de l’obligation dont la violation a pu générer le vice du consentement allégué.

1. Le franchiseur doit rapporter la preuve de l’absence de violation d’une obligation d’information précontractuelle

(26)            De nombreuses décisions récentes confirment l’état actuel du droit positif et en précisent parfois le sens. Toutes ces décisions convergent en effet vers deux idées forces : la nullité du contrat de franchise implique la violation d’une obligation – de source légale ou contractuelle – lors de la formation du contrat (a) ayant eu pour effet de vicier le consentement du franchisé (b).

a) La violation d’une obligation légale ou contractuelle

(i) Obligation légale

F Huit décisions commentées : CA Aix-en-Provence, 29 mai 2006, jurisdata n°306573 ; CA Aix-en-Provence, 4 mai 2006, jurisdata n°304643 ; CA Limoges, 2 mars 2006, jurisdata n°308976 ; Trib. com. Paris, 17 janvier 2006, jurisdata n°304909 ; CA Paris, 7 décembre 2005, jurisdata n°296362 ; TC Paris, 7 novembre 2005, jurisdata n°299489 ; CA Caen, 3 novembre 2005, jurisdata n°286650 ; CA Pau, 10 octobre 2005, jurisdata 291080.

(27)            Les obligations légales d’information précontractuelle dont la violation justifie le prononcé de la nullité du contrat de franchise sont déterminées, on le sait, aux articles L.330-3 du Code de commerce et 1er du décret du 4 avril 1991 pris pour son application. Selon ces textes, le document d’information précontractuel (DIP) doit indiquer l’ancienneté et l’expérience de l’entreprise, l’état et les perspectives de développement du marché concerné, l’importance du réseau d’exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.

Il nous faut bien circonscrire le contenu de ces obligations.

(28)            Sous réserve de constituer un vice du consentement (v. infra, §§ 36 et suivants), le prononcé de la nullité du contrat de franchise est encouru lorsque des informations précontractuelles exigées par la loi font défaut.

Il en va ainsi lorsque les documents joints au DIP « ne comportaient pas les éléments d’information précontractuels substantiels prévus au décret (du 4 avril 1991) et que ceux qui étaient donnés s’étaient en réalité avérés inexacts » (CA Limoges, 2 mars 2006, jurisdata n°308976), lorsque les documents joints au DIP « n’avaient aucune utilité réelle » et « étaient destinés à donner à la prétendue franchise (…) une apparence de sérieux » (CA Caen, 3 novembre 2005, jurisdata n°286650). Dans le même ordre d’idée, manque à son obligation légale la société franchiseur qui, par les documents communiqués lors de la phase précontractuelle, a « entretenu la confusion entre elle et (une autre société) dont finalement elle ne détient plus aucun droit, a présenté une situation tronquée et faussée de sa situation personnelle et du marché à un candidat néophyte », de sorte qu’elle n’a ainsi respecté aucun de ses engagements pré-contractuels (CA Aix-en-Provence, 29 mai 2006, jurisdata n°306573). Il en va de même lorsque les informations demeurent trop générales et, en particulier, lorsque la description de l’état du marché, du réseau et de ses perspectives restent bien trop sommaires pour permettre au franchisé de bénéficier d’une image fidèle ; dans ce cas en effet, le DIP « ne comporte que des généralités relatives aux tendances de consommation » et apparaît comme « un document plus publicitaire qu’informatif » (TC Paris, 7 novembre 2005, jurisdata n°299489). A fortiori, l’obligation légale est violée lorsque la remise au franchisé d’un document aussi incomplet n’a pas, de surcroît, précédé de 20 jours la signature du contrat de franchise (CA Aix en Provence, 4 mai 2006, jurisdata n°304643).

Il incombe au franchiseur de communiquer ces informations par écrit, et non pas oralement (CA Pau, 10 octobre 2005, jurisdata n°291080). Cette exigence confirme utilement – en la complétant – la décision de la Cour d’appel de Paris (CA Paris 19 novembre 1997, jurisdata n°024744) selon laquelle la loi Doubin exige une remise effective des documents et non leur seule mise à disposition au franchisé. Ces solutions doivent être approuvées dès lors que le texte de l’article L.330-3 du Code de commerce exige la remise d’un « document », donc d’un écrit.

(29)            Des décisions récentes confirment également que la liste figurant à l’article L.330-3 du Code de commerce est d’interprétation stricte.

Ainsi, une Cour d’appel (CA Paris, 7 décembre 2005, jurisdata n°296362)décide à juste titre que « l’article L.330-3 du Code de commerce ne met nullement à la charge du franchiseur l’obligation d’établir une étude de marché mais seulement de fournir un document donnant des informations sincères précisant, notamment l’importance du réseau d’exploitants, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités de manière à permettre au futur franchisé éventuel de s’engager en connaissance de cause ».

La solution, constamment réaffirmée (Trib. com. Paris, 17 janvier 2006, jurisdata n°304909 ; Trib. com. Paris, 9 septembre 2005, inédit, RG n°2004/004816) procède d’une jurisprudence bien établie (Cass. com., 11 février 2003, pourvoi n°01-03.932 ; CA Aix-en-Provence, 11 février 2005). Ainsi, sauf convention contraire des parties, l’absence d’une telle étude de marché ne saurait justifier l’annulation du contrat de franchise.

(ii) Obligation contractuelle

F Neuf décisions commentées : Trib. com. Paris, 17 janvier 2006, jurisdata n°304909 ; CA Paris, 7 décembre 2005, jurisdata n°296362 ; CA Montpellier 15 novembre 2005, inédit, RG n°2003/22 ; CA Orléans 14 octobre 2005, inédit, RG n°62/2005 ; CA Nîmes 6 octobre 2005, inédit, RG n°04/00563 ; Trib. com. Paris, 6 octobre 2005, inédit, RG n°2003/033054 ; Trib. com. Paris, 9 septembre 2005, inédit, RG n°2004/004816 ; Trib. com. Chambéry, 26 août 2005, inédit, RG n°2004/00521 ; CA Nîmes, 23 juin 2005, jurisdata n°282018.

(30)            Les obligations d’information précontractuelle dont la violation peut justifier le prononcé de la nullité du contrat de franchise ne se limitent pas nécessairement à celles qu’énoncent les articles L.330-3 du Code de commerce et 1er du décret du 4 avril 1991 pris pour son application.

Le franchiseur peut, en effet, avoir adressé au franchisé des informations non prévues par ces textes ; il en va en particulier des comptes d’exploitation prévisionnels, documents à valeur indicative (CA Lyon, 9 septembre 2004, jurisdata n°0497647 ; CA Paris, 31 janvier 2002, jurisdata n°170815) que le franchiseur peut avoir fournis et qui, dans certains cas, peuvent s’avérer déterminants de la volonté du franchisé de contracter.

Lorsque le franchiseur a simplement transmis des éléments chiffrés d’ordre général sur l’exploitation de ses magasins franchisés, le franchisé reste évidemment tenu d’établir ses comptes d’exploitation prévisionnels (Trib. com. Paris, 17 janvier 2006, jurisdata n°304909).

En revanche, dès lors que le franchiseur fournit de tels éléments, les informations qu’ils contiennent doivent être sincères (CA Rouen, 15 mai 2003, jurisdata n°218829). Un abondant contentieux s’est développé sur cette question. La nullité du contrat de franchise est encourue, sous réserve de l’existence d’un vice du consentement, lorsque deux conditions sont par ailleurs réunies : d’une part, les comptes prévisionnels doivent avoir été élaborés par le franchiseur lui-même ; d’autre part et surtout, ces comptes doivent présentés un caractère irréaliste.

Reprenons ces deux conditions à la lumière des décisions récentes dont elles ont fait l’objet.

(α) Paternité des comptes d’exploitation prévisionnels

(31)            Les comptes prévisionnels doivent avoir été élaborés par le franchiseur lui-même.

C’est la solution – évidente – dernièrement adoptée par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 7 décembre 2005, jurisdata n°296362). Cette décision précise qu’il appartient alors au franchisé d’établir la preuve que les comptes litigieux ont bien été établis par le franchiseur ; à défaut, le franchiseur ne peut se voir attribuer la paternité d’un tel document. En l’espèce, en effet, l’identité de l’auteur des comptes prévisionnels était incertaine, les parties déniant les avoir élaborés et l’examen des documents litigieux ne permettant pas de déterminer avec certitude qui du franchisé ou du franchiseur les a élaborés. La Cour d’appel de Paris retient en effet la motivation suivante : « les franchisés (…) versent aux débats diverses attestations, il sera observé qu’elles n’apportent, au regard des termes employés dans les déclarations faites, aucune certitude quant à l’origine dudit compte prévisionnel et ne permettent pas, de toute façon, d’attribuer l’établissement de celle-ci [à la société franchiseur] ; que toute expertise sur ce sujet ne saurait, dès lors, plus permettre de suppléer la carence des appelants dans la charge de la preuve leur incombant et ne peut donc qu’être écartée ».

La preuve de ce que telle ou telle partie a elle-même réalisé les comptes prévisionnels peut être contractualisée (Trib. com. Chambéry, 26 août 2005, inédit, RG n°2004/00521 : s’agissant d’une clause prévoyant que le Business plan est bien l’œuvre du franchisé qui doit vérifier ses données et prendre toutes les mesures nécessaires, notamment financières, pour le bon fonctionnement de son entreprise). Rappelons que les conventions en matière de preuve sont valables (C. civ., art. 1316-2). Cependant, s’agissant d’un contentieux de la validité du contrat de franchise, la stipulation contractuelle contractualisant la réalisation des comptes prévisionnels par telle des parties ne saurait empêcher une preuve contraire, rapportée par tous moyens, si cette preuve est destinée à établir un vice du consentement lui-même préalable à l’annulation du contrat. En décider autrement serait donner autorité à un contrat nul.

(β) Caractère irréaliste des comptes d’exploitation prévisionnels

(32)            Lorsque le franchiseur a élaboré les comptes de résultats prévisionnels, encore faut-il que le franchisé démontre que ceux-ci présentent un caractère véritablement « irréaliste ».

Selon une jurisprudence constante, le seul caractère erroné des comptes prévisionnels ne saurait suffire à constituer une faute du franchiseur (CA Paris, 2 décembre 1993, jurisdata n°023635 ; CA Douai, 5 décembre 1991, jurisdata n°052153). Le franchiseur n’est pas tenu à une obligation de résultat lorsqu’il établit de simples prévisions (CA Nîmes 6 octobre 2005, inédit, RG n°04/00563 ; Trib. com. Paris, 9 septembre 2005, inédit, RG n°2004/004816).

La faute du franchiseur sera rarement retenue dès lors que l’exercice d’une activité commerciale est par essence sujette à des aléas. C’est ce que viennent de rappeler plusieurs juridictions du fond. Ainsi, la Cour d’appel de Nîmes (CA Nîmes, 23 juin 2005, jurisdata n°282018) observe par une motivation circonstanciée « que l’exercice du commerce est par essence sujet à des aléas et que la rentabilité espérée par un commerçant n’est pas toujours atteinte pour de multiples raisons, lesquelles ne tiennent pas nécessairement à la qualité des produits et services de son fournisseur avec lequel il passe un contrat de franchise, mais aussi à la conjoncture économique générale et locale, à l’attitude du commerçant quant à la durée d’ouverture des magasins, ses relations avec la clientèle, la politique publicitaire mise en œuvre, le choix des produits offerts à la vente, la marge commerciale pratiquée, notamment ». De même, « les risques du commerce demeurent à la charge du franchisé » (Trib. com. Paris, 9 septembre 2005, inédit, RG n°2004/004816).

En revanche, une faute peut être constituée lorsque l’écart constaté entre le chiffre d’affaires annoncé par le prévisionnel et celui effectivement réalisé par le franchisé est à ce point important que, non justifié par des circonstances postérieures à la signature du contrat, celui-ci traduit nécessairement  un dol ou une erreur imputable au franchiseur (V. par exemple, CA Lyon 3 mars 2000, jurisdata n°151455 ; CA Paris, 1er déc. 1999, jurisdata n°117888 ; CA Paris 18 sept. 1996, jurisdata n°022995). Peut ainsi revêtir un caractère irréaliste, le chiffre d’affaires prévisionnel établi par le franchiseur dont l’hypothèse moyenne n’a été atteinte par le franchisé qu’à hauteur de 28% (Trib. com. Paris, 6 octobre 2005, inédit, RG n°2003/033054). Plus rarement, la responsabilité du franchiseur sera retenue lorsque, au-delà des chiffres prévisionnels qu’il a élaborés, sa mauvaise foi résulte d’un ensemble d’indices précis, graves et concordants. Il en va ainsi du franchiseur soutenant à la fois, d’une part, que les comptes prévisionnels soumis au franchisé avant la conclusion du contrat mentionnent qu’ils ont été établis à partir d’éléments tirés de 250 magasins alors que l’étude dont ils sont ainsi censés être issus n’est pas versée aux débats et, de manière contradictoire, que les comptes prévisionnels ont en définitive été établis à partir des résultats d’un autre magasin qu’il n’identifie pas et dont il ne fournit pas les comptes (CA Montpellier 15 novembre 2005, inédit, RG n°2003/22).

Dans de telles hypothèses, le franchiseur ayant élaboré le compte prévisionnel litigieux commet une faute lourde, et ne peut donc invoquer la clause selon laquelle il s’est exonéré par avance de toute responsabilité du chef de ses prévisions (CA Orléans 14 octobre 2005, inédit, RG n°62/2005).

b) La charge de la preuve

(i) Charge de la preuve de l’existence de l’obligation

(33)            S’agissant de la preuve de l’obligation, il faut évidemment distinguer selon sa source : par définition, l’obligation de source légale s’impose au franchiseur, qui est légalement tenu.

En revanche, l’existence même de l’obligation de source contractuelle doit être prouvée par le franchisé, conformément à l’article 1315, alinéa 1er du Code civil, selon lequel « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ».

Ainsi, la jurisprudence retient-elle que le franchiseur ne garantit pas contractuellement les comptes prévisionnels qu’il transmet simplement à titre indicatif (CA Paris, 31 janvier 2002, jurisdata n°170815). C’est précisément ce que vient de rappeler la Cour d’appel de Nîmes (CA Nîmes, 23 juin 2005, jurisdata n°282018), par une motivation limpide : «  (…) la fixation d’un chiffre d’affaires minimum annuel (…) était en l’espèce insusceptible de tromper [la franchisée] et de lui laisser croire, comme elle le prétend, qu’il s’agissait d’un engagement de rentabilité prix par son cocontractant après une étude préalable » de sorte « qu’elle n’est pas fondée en conséquence à soutenir avoir cru que cette indication de chiffre d’affaires annuel constituait un engagement de son partenaire ou une promesse de rentabilité attendue reposant sur des études préalables applicables localement (…) ».

(ii) Charge de la preuve de l’exécution de l’obligation

(34)            Lorsque le contenu de l’obligation n’est pas contesté, et qu’il s’agit donc de déterminer la preuve de l’exécution de l’obligation, nul besoin en revanche de distinguer selon la source – légale ou conventionnelle – de l’obligation.

Le débiteur de l’obligation légale d’information précontractuelle – le franchiseur – doit rapporter la preuve de son exécution. La solution – classique – est réaffirmée par deux décisions récentes (CA Paris 7 décembre 2005, jurisdata n°296362 ; CA Pau 10 octobre 2005, jurisdata n°291080) mettant à la charge du franchiseur la preuve de l’exécution des obligations visées par la loi et le décret pris pour son application, rapportée pour l’une et non pour l’autre. La solution, régulièrement rappelée dans le contentieux de la franchise, n’est pas nouvelle (Cass. com., 16 mai 2000, pourvoi n°97-16.386 ; v. not. pour les juridictions du fond : CA Basse Terre, 20 oct. 2003, jurisdata n°247239 ; CA Toulouse, 6 décembre 1995, jurisdata n°049535 ; CA Paris, 24 mars 1995, jurisdata n°021147).

Ajoutons que cette solution doit être étendue aux obligations de source conventionnelle car, depuis 1997, celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de l’obligation (Cass. Civ. 1ère, 25 avr. 1997, Bull. civ. I, n°75) ; cette solution est constamment rappelée (v. encore pour une décision récente : Cass. Civ. 2ème, 20 sept. 2005, pourvoi n°).

Lorsque le franchiseur apporte en revanche la preuve de l’exécution de l’obligation, il appartient au franchisé de démontrer la mauvaise exécution qu’il invoque (Trib. com. Paris, 9 septembre 2005, inédit, RG n°2004/004816) ; ainsi, il appartient au franchisé de démontrer le caractère mensonger du nombre de centres en activité présentés dans le DIP.

2. Le franchisé doit démontrer l’existence d’un vice du consentement

(35)            Les dernières décisions rendues réaffirment l’état du droit positif, qui peut être résumé en deux propositions : l’inexécution des obligations légales ou contractuelles n’est sanctionnée par la nullité du contrat de franchise que si le défaut d’information a eu pour résultat de vicier le consentement du franchisé (a) ; le franchisé doit, par tout moyen, rapporter la preuve de l’existence de ce vice (b).

a) Un vice du consentement du franchisé

F Onze décisions commentées : CA Limoges, 2 mars 2006, jurisdata n°308976 ; CA Colmar 31 janvier 2006, jurisdata n°304798 ; TC Paris, 17 janvier 2006, jurisdata n°304909 ; CA Dijon 15 novembre 2005, inédit, RG n°04/01450 ; CA Pau, 10 octobre 2005, jurisdata n°291080 ; CA Nîmes 6 octobre 2005, inédit, RG n°04/00563 ; Trib. com. Paris, 28 septembre 2005, inédit, RG n°2002/055929 ; CA Nîmes, 23 juin 2005, jurisdata n°282018 ; Cass. com., 14 juin 2005 (deux arrêts), pourvois n°04-13.947 et n°04-13.948 ; Trib. com. Chambéry, 10 juin 2005, inédit, RG n°2004/0402.

(i) Exigence d’un vice du consentement

(36)            S’est posée la question de savoir si la nullité du contrat de franchise peut résulter de la seule constatation du non respect par le franchiseur des obligations légales d’information précontractuelle ou s’il est nécessaire, en outre, de relever que ce manquement a eu pour résultat de vicier le consentement du franchisé.

(α) Evolution jurisprudentielle

(37)            Jusqu’en 1998, les juridictions du fond ont fait preuve d’une franche hésitation sur cette question. Pour les unes, l’inexécution des obligations légales ou contractuelles ne pouvait être sanctionnée par la nullité du contrat de franchise que si le défaut d’information avait eu pour effet de vicier le consentement du franchisé (CA Paris 19 novembre 1997, jurisdata n°024744 ; CA Paris 26 mars 1999, jurisdata n°022939). Pour les autres, en revanche, le non respect de la loi Doubin, d’ordre public, justifiait à lui seul la nullité du contrat de franchise (CA Paris, 7 juillet 1995, jurisdata n°023106 ; CA Montpellier, 4 déc. 1997, jurisdata n°056968 ; CA Montpellier 21 mars 2000, L. distrib. 2000/4, JCP E 2000, Cah. dr. entr. n°4, p.18).

On connaît le sort réservé aux décisions qui furent frappées de pourvoi puisque, depuis 1998, la Cour de cassation rappelle que l’inexécution des obligations légales ou contractuelles ne peut être sanctionnée par la nullité du contrat de franchise que si le défaut d’information a eu pour résultat de vicier le consentement du franchisé (Cass. com., 10 février 1998, jurisdata n°000524 ; Cass. com., 19 oct. 1999, pourvois n°97-14.366 et n°97-14.367 (deux arrêts)), Cass. com. 21 novembre 2000, pourvoi n°98-12.527, Cass. com., 5 décembre 2000, jurisdata n°007354).

(38)            La Cour de cassation a réaffirmé cette solution avec force par deux décisions rendues le même jour (Cass. com., 14 juin 2005 (deux arrêts) pourvois n°04-13.947, et n°04-13.948). La portée de ces deux décisions est d’autant plus importante qu’il s’agit d’arrêts de cassation rendus pour manque de base légale concernant, de surcroît, des franchisés inexpérimentés dans les deux cas.

Dans ces deux affaires, l’arrêt rendu par la Cour d’appel avait retenu qu’à raison du nombre et de l’importance des documents qui n’avaient pas été fournis dans le délai légal, les manquements du franchiseur à la loyauté et à l’obligation de contracter de bonne foi avaient interdit aux franchisés de s’engager en connaissance de cause, puisqu’ils ignoraient les conditions réelles dans lesquelles ils étaient amenés à contracter.

Par un attendu de principe rédigé en termes identiques dans les deux décisions commentées, rendues au visa des articles L.330-3 du Code de commerce et 1116 du Code civil, la Cour de cassation fait grief aux juges du fond d’avoir annulé un contrat de franchise sans avoir établit l’existence d’un vice du consentement :

« Attendu qu’en se déterminant pas ces motifs exclusivement pris de manquements à l’obligation d’information incombant au franchiseur, qui sont impropres à caractériser en eux-mêmes l’existence de manœuvres telles qu’il est évident que, sans elles, les franchisés n’auraient pas contracté, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

(39)            Cette solution est désormais solidement ancrée dans la jurisprudence issue des juridictions du fond (CA Limoges, 2 mars 2006, jurisdata n°308976 ; CA Colmar 31 janvier 2006,  jurisdata n°304798 ; CA Dijon 15 novembre 2005, inédit, RG n°04/01450 ; CA Nîmes 6 octobre 2005, inédit, RG n°04/00563 ; v. aussi, CA Caen, 4 mai 2005, jurisdata n°282521 ; CA Lyon, 31 mars 2005, jurisdata n°274619 ; CA Aix en Provence, 11 février 2005, jurisdata n°272825 ; CA Rennes, 4 janvier 2005, jurisdata n°282001).

Aucune décision répertoriée sur les bases de données Legifrance et Lexisnexis au titre des années 2005 et 2006 ne se prononce en sens contraire.

(β) Appréciation in concreto

(40)            Dans la logique observée par cette jurisprudence désormais constante, quatre décisions récentes se livrent à une appréciation in concreto pour déterminer l’existence (ou non) d’un vice du consentement. Ainsi, est-il jugé par exemple que le consentement du franchisé n’est pas vicié et que la demande de nullité du contrat de franchise doit donc être écartée, lorsque notamment :

–  le franchiseur n’a pas transmis le DIP au franchisé dans le délai légal de 20 jours précédant la signature du contrat de franchise, mais a donné des informations comptables sur son commerce, s’est livré à une étude de viabilité du projet de création d’un magasin en franchise, et que les parties se sont entretenues régulièrement, notamment sur l’implantation du magasin, les bilans, les stratégies commerciales et les modes de financement du projet, de sorte que le franchisé a pu se faire une opinion précise du contrat (CA Pau, 10 octobre 2005, jurisdata n°291080) ;

–  le franchiseur a omis de communiquer au franchisé une étude sur l’état général et local du marché des produits concernés et des perspectives de développement de ce marché, dès lors que cette carence était insusceptible en l’espèce de tromper le franchisé sur la rentabilité attendue de son commerce (CA Nîmes, 23 juin 2005, jurisdata n°282018) ;

–  certaines annexes manquaient au DIP remis au franchisé, dès lors que les autres documents à lui communiqués étaient en l’espèce de nature à l’éclairer suffisamment sur l’engagement contractuel qu’il allait signer (Trib. com. Chambéry, 10 juin 2005, inédit, RG n°2004/0402) ;

–  le DIP n’indique ni la date de conclusion ou de renouvellement des contrats de franchise signées par les autres membres du réseau, ni le nombre d’entreprises liées au réseau qui ont cessé de l’être l’année précédente, dès lors que les autres documents communiqués étaient suffisants pour lui permettre d’apprécier les risques et l’intérêt du contrat de franchise (TC Paris, 17 janvier 2006, jurisdata n°304909).

A cet égard, l’appréciation in concreto à laquelle se livrent les juridictions du fond tient compte également, de manière mesurée, de la personne du cocontractant. Ainsi, le Tribunal de commerce de Paris relève que des franchisés – l’un ayant une formation d’ingénieur, l’autre assurant le suivi de la comptabilité – « étaient parfaitement en mesure d’apprécier les risques et l’intérêt (du) contrat de franchise ». De plus, ce type d’appréciation – favorable ou non au francisé – a des limites : le Tribunal de commerce de Paris souligne que le fait que le franchisé n’ait pas d’expérience dans le commerce de détail est sans incidence puisque « l’expérience d’un secteur particulier n’est pas indispensable à la réussite d’un magasin en franchise » (TC Paris, 17 janvier 2006, jurisdata n°304909).

(41)            A l’instar du droit commun (P. Jourdain, Le devoir de se renseigner, D. 1983, chron. p.139), l’évolution récente de la jurisprudence confirme également que le franchisé est tenu, en toute circonstance, de « se » renseigner.

(42)            Ce devoir est général. Il a pour objet toutes les obligations objets du contrat de franchise (v. par exemple sur la consistance du savoir-faire, Toulouse 13 janvier 2000, jurisdata n°108290) ; il vaut de manière plus générale lorsque le franchisé apprécie l’opportunité de signer le contrat de franchise, lorsqu’il se livre à une étude de faisabilité (CA Aix en Provence, 11 février 2005, jurisdata n°272825) ou à une étude du marché local (CA Aix en Provence, 30 novembre 1995 jurisdata n°050808).

(43)            Il en va pareillement en matière de comptes de résultats prévisionnels.

Le franchisé est tenu de « se » renseigner lorsque le franchiseur ne présentait, lors de la signature du contrat, qu’une expérience extrêmement limitée et que les perspectives données étaient exprimées en prévisionnels, ce qui devait suffire pour alerter les candidats à la franchise et les inciter à demander des renseignements supplémentaires ; les exemples jurisprudentiels ne manquent pas (v. notamment, CA Paris, 16 février 2005, jurisdata n°273091 ; CA Toulouse, 25 mai 2004, jurisdata n°247226 ; CA Paris, 29 mai 1991, jurisdata n°022336).

Mais, surtout, un arrêt récent montre qu’il en va également ainsi lorsque le franchiseur comprend de nombreux magasins franchisés. La Cour rejette en effet la demande de nullité du contrat de franchise dès lors que l’entreprise franchisée « avait la possibilité, qu’elle a manifestement négligée, de contacter la quinzaine d’autres magasins franchisés du réseau (…) dont elle avait reçu les coordonnées dans les informations précontractuelles, pour obtenir de leur part des informations sur l’évolution de leur chiffre d’affaires réalisé, mais aussi bien de comparer le chiffre d’affaires proposé avec ceux réalisés dans les villes de Cavaillon et de Lyon-Vaise par des commerces de détail concurrents de sa future activité, avant de s’engager contractuellement dans de telles circonstances » (CA Nîmes, 23 juin 2005, jurisdata n°282018). Ainsi, le franchisé a-t-il « un devoir de se renseigner et de procéder à des vérifications par lui-même, notamment en interrogeant les responsables d’autres points de vente » (Trib. com. Paris, 28 septembre 2005, inédit, RG n°2002/055929).

Ces solutions sont d’autant plus justifiées que, sauf cas particulier, le franchisé a en pratique tout loisir pour vérifier ou faire vérifier par un expert comptable les éléments utiles sur les comptes et résultats de l’exploitation du fonds (CA Paris, 20 mars 2003, jurisdata n°273091). A l’inverse, la nullité est encourue lorsque, du fait notamment du non-respect du délai légal relatif à l’information, le franchisé n’a pas eu le temps de consulter un expert-comptable pour le conseiller utilement à partir desdits documents (CA Caen, 4 mai 2005, jurisdata n°282521).

(ii) Consistance du vice : dol ou erreur

(44)            Selon les cas, le vice du consentement sera constitutif soit d’un dol, soit d’une erreur sur la substance même du contrat. Les juridictions ont tendance à rechercher en premier lieu si le dol est établi ; elles peuvent, à défaut, se placer sur le terrain de l’erreur. Ainsi, le Tribunal de commerce de Paris (Trib. com. Paris, 7 novembre 2005, jurisdata n°299489) retient qu’« il n’est pas nécessaire, pour prononcer la nullité du contrat, de rechercher si ce défaut d’information caractérisé relève d’une volonté délibérée [du franchiseur] constitutive de dol. Il suffit d’établir qu’il est de nature à avoir vicié le consentement [du franchisé] sur les qualités substantielles ».

La décision est à rapprocher de celle rendue il y a quelques années par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 26 janvier 2001, jurisdata n°151449) qui retenait que « s’il n’est pas prouvé que [le franchisé] ait été volontairement trompé par son cocontractant lors de la signature du contrat, force est de constater que les pièces versées aux débats [par le franchisé] établissent que son consentement a été vicié par une erreur qui porte sur la substance même du contrat puisque les conditions du contrat ne permettaient pas l’exploitation normale de la franchise qui en était l’objet ».

(45)            Ces solutions sont d’une parfaite logique puisque le dol ne constitue jamais qu’une erreur provoquée. Dans tout dol il y a une erreur, et la preuve d’une erreur permettant l’annulation du contrat, l’absence de preuve de son caractère provoqué ne saurait empêcher ce résultat. Les rappels jurisprudentiels s’expliquent par le fait que le demandeur a tendance à privilégier le dol, en général du franchiseur, au point d’oublier (ou de faire oublier) que l’annulation est acquise dès que l’erreur est établie.

Or, la preuve des manœuvres dolosive est distincte de la preuve de l’erreur, quand bien même celles-ci auraient causé celle-là : du moment qu’un contractant peut démontrer avoir eu, sans faute de sa part, la conviction que tel ou tel fait existait ou n’existait pas, alors que la réalité était contraire, il a commis une erreur qui met à bas le contrat quand bien même la cause n’en serait pas établie ; il suffit, dans ce cas, que l’erreur n’émane pas d’une faute inexcusable de celui qui en est victime et dont la vigilance minimale aurait épargné la croyance erronée.

b) Charge de la preuve et moyens de preuve

F Deux décisions commentées : Cass. com., 6 décembre 2005, pourvoi n°03-20510 ; CA Dijon 15 novembre 2005, inédit, RG n°04/01450.

(46)            C’est à celui qui soutient que son consentement a été vicié en raison de l’inexécution d’une obligation d’information de rapporter la preuve de ce vice.

C’est ce que rappellent deux décisions récentes, l’une de la Cour de cassation (Cass. com., 6 décembre 2005, pourvoi n°03-20510 : réaffirmant à cette occasion que, conformément à l’article 1116 du Code civil, le dol ne se présumant pas, il appartient à celui qui s’en prévaut d’en apporter la preuve), l’autre par la Cour d’appel de Dijon (CA Dijon 15 novembre 2005, inédit, RG n°04/01450).

La charge de la preuve du vice du consentement pèse donc sur le franchisé. La solution n’est pas nouvelle ; elle est consacrée de longue date – tant pour l’erreur que pour le dol – par la Cour de cassation (Cass. com. 14 janvier 2003, pourvoi n°01-10.120 ; Cass. com., 16 mai 2000, pourvoi n°97-16.386 ; Cass. com., 10 janvier 1995, pourvoi n°92-17.892) et les juridictions du fond (CA Basse Terre 20 octobre 2003, jurisdata n°247239 ; CA Paris, 26 février 1996, jurisdata n°020858 ; CA Bordeaux, 14 novembre 1994, jurisdata n°049779 ; CA Paris, 30 juin 1994, jurisdata n°023139).

(47)            S’agissant d’un fait juridique, le vice du consentement peut être établi par tous moyens. En particulier, le franchisé peut se référer à tous éléments, notamment ceux survenus lors de l’exécution du contrat.

La Haute juridiction (Cass. com., 6 décembre 2005, pourvoi n°03-20510) souligne en effet que n’inverse pas la charge de la preuve la Cour d’appel qui, pour se prononcer sur l’existence d’un vice du consentement au moment de la formation du contrat, a fait état « d’éléments d’appréciation postérieurs à cette date ».

B. La Cause

F Quatre décisions commentées : Cass. civ. 3ème, 29 mars 2006,jurisdata n°032919 ; CA Nîmes, 14 février 2006, jurisdata n°301670 ; CA Pau, 10 octobre 2005, jurisdata n°291080 ; Trib. com. Paris, 28 septembre 2005, inédit, RG n°2002/055929.

(48)            Le franchisé invoque parfois la nullité du contrat de franchise pour défaut de cause, objectant qu’il n’a pu bénéficier de l’une des obligations inhérentes à un tel contrat : la mise à disposition de signes distinctifs (marque, enseigne ou nom commercial), la transmission d’un savoir-faire, la fourniture d’une assistance technique et commerciale. Lorsque l’une de ces obligations fait défaut dans le contrat de franchise, celui-ci doit être annulé pour absence de cause, en application des articles 1108 et 1131 du Code civil. Ce faisant, le juge doit se placer à la date de formation du contrat, et non de son exécution ; la Cour de cassation y veille constamment, en matière de franchise notamment (Cass. com., 26 mars 1996, pourvoi n°94-14.853 ; Cass. com., 8 juillet 1997, pourvoi n°95-17.232).

Plusieurs décisions récentes, intéressant plus particulièrement la transmission du savoir-faire, conduisent à envisager plusieurs situations bien distinctes et parfois confondues néanmoins.

(49)            Lorsqu’il est avéré que le savoir-faire n’existait pas lors de la formation du contrat, il n’y a là aucune difficulté véritable : le contrat de franchise est privé de cause (v. not. CA Montpellier, 27 novembre 2001, jurisdata n°176699 ; CA Poitiers, 11 juin 1996, jurisdata n°056520 ; CA Paris, 14 avril 1995, jurisdata n°021571 ; CA Montpellier, 8 mars 1995, jurisdata n°034068).

Dans ce cas, encore faut-il que le juge se livre à une analyse circonstanciée du contrat, exclusive de toute formulation générale et imprécise (Cass. com., 29 avril 1997, pourvoi n°95-10.362 : « Attendu qu’en se déterminant par une affirmation de principe excluant par sa généralité et son imprécision toute analyse concrète du contrat de franchise ayant lié les parties pendant une durée de cinq ans et en ne recherchant pas, ainsi que le soutenait dans ses écritures la société [franchiseur], si cette dernière avait transmis [au franchisé] un savoir-faire original susceptible de faire l’objet d’une convention de franchise, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision »). A cet égard, la motivation récemment adoptée par la Cour d’appel de Nîmes (CA Nîmes, 14 février 2006, jurisdata n°301670) nous semble critiquable dès lors que, pour annuler le contrat de franchise, il est tout au plus affirmé que le contrat se trouvait vidé de sa substance par l’une de ses clauses, sans que le contenu même de celle-ci ne soit par ailleurs dévoilé par la décision.

(50)           Lorsqu’un doute subsiste quant à l’existence du savoir-faire, deux hypothèses sont à distinguer.

En premier lieu, la constatation de la transmission du savoir-faire lors de l’exécution du contrat suffit à stigmatiser l’existence d’un savoir-faire lors de sa formation. En effet, les juges du fond peuvent parfaitement juger de la réalité d’une cause qui existait au moment de l’engagement en se fondant sur des faits qui ne la révèleront que postérieurement au moment où l’engagement a été contracté. Ainsi, pour rejeter le moyen tiré de l’absence de cause du contrat de franchise, un arrêt rendu par la Cour d’appel de Pau (CA Pau, 10 octobre 2005, jurisdata n°291080) retient que la convention litigieuse visait toutes les obligations inhérentes au contrat de franchise et qu’en application de celle-ci le franchiseur a effectivement pu apporter au franchisé « une méthode de commercialisation et un service ». Le Tribunal de commerce de Paris a eu à adopter la même approche pour constater la réalité d’un savoir-faire mis en doute par un franchisé arguant de l’inexpérience d’un franchiseur étranger sur le territoire français (Trib. com. Paris, 28 septembre 2005, inédit, RG n°2002/055929).

En second lieu, en revanche, l’on ne peut mécaniquement inférer du défaut de transmission du savoir-faire, une absence du savoir-faire proprement dit. Dans ce cas, le juge doit déterminer si l’absence de transmission du savoir-faire est inhérente au contrat lui-même ou si elle est imputable à une mauvaise exécution du cocontractant. Dans le premier cas, la nullité est encourue. Dans le second, une telle action ne peut prospérer ; c’est ce qui explique que l’action en nullité soit rejetée lorsque, par exemple, le défaut de transmission du savoir-faire est inhérent à la conjoncture économique et non au contrat de franchise lui-même (Cass. com., 13 décembre 1994, pourvoi n°92-19.055). A cet égard, la décision précitée rendue par la Cour d’appel de Nîmes (CA Nîmes, 14 février 2006, jurisdata n°301670)prête à discussion dès lors que, pour prononcer la nullité du contrat de franchise, les juges du fond ne retiennent pas l’absence de savoir-faire du franchiseur mais soulignent que « [la société franchiseur] n’a d’ailleurs fourni aucun élément de nature à établir qu’elle ait effectivement procuré à son cocontractant les prestations tenant au savoir-faire et à l’assistance visés par la convention ». Sans doute eût-il été préférable que la motivation se rapportât de manière plus circonstanciée au contrat de franchise proprement dit.

(51)            L’on rappellera aussi, qu’au regard du droit commun des obligations, l’absence de cause affectant un contrat n’est susceptible d’être sanctionnée que par une nullité relative de celui-ci, soumise à la prescription quinquennale (Cass. civ. 3ème, 29 mars 2006, jurisdata n°032919 : rendu en matière de vente immobilière mais parfaitement transposable).

L'exécution du contrat de franchise

(52)            Les décisions faisant l’objet de notre étude permettent d’envisager l’exécution du contrat de franchise dans ses deux aspects essentiels : les relations entre les parties (A) et celles entretenues par ceux-ci avec les tiers (B).

A. Les relations entre les parties

(53)            Il convient de distinguer ici les obligations du franchiseur (1) et celles du franchisé (2).

1. Les obligations du franchiseur

(54)            L’actualité juridique permet de revenir sur certaines des obligations incombant au franchiseur : ses obligations d’assistance (a), d’approvisionnement (b) et d’exclusivité territoriale (c).

a) Obligation d’assistance

F Deux décisions commentées : Cass. com., 20 juin 2006, pourvoi n°04-14.663 ; TC Paris, 17 janvier 2006, jurisdata n°304909.

(55)            L’obligation d’assistance du franchiseur se manifeste à tous les stades de l’exécution du contrat : avant, pendant, puis après l’ouverture du point de vente.

Ainsi, la Chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 20 juin 2006, pourvoi n°04-14.663)a rejeté le pourvoi formé contre la décision de la Cour d’appel ayant jugé que le franchiseur avait satisfait à son obligation d’assistance au motif, d’une part, que le franchisé reconnaissait avoir reçu des visites suivies de comptes rendus et, d’autre part, que ce dernier n’avait formulé aucune contestation pendant toute la durée des relations contractuelles.

De même, pour considérer que le franchiseur avait respecté son obligation d’assistance, le Tribunal de commerce de Paris (TC Paris, 17 janvier 2006, jurisdata n°304909) relève que celui-ci avait proposé en vain des stages de formation à son franchisé. En outre, le tribunal retient que des suggestions précises avaient été faites au franchisé pour améliorer la rentabilité de son exploitation, que ce dernier avait néanmoins refusées, préférant définir lui même sa politique commerciale. Au vu de ses éléments, le tribunal a jugé que le franchiseur avait parfaitement exécuté le contrat de franchise.

b) Obligation d’approvisionnement

F Une décision commentée : Cass. com., 28 juin 2005, pourvoi n°04-10.038.

(56)            Le franchiseur est également tenu d’approvisionner le franchisé. En général, il s’agit d’une obligation essentielle du contrat de franchise. La Chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 28 juin 2005, pourvoi n°04-10.038) considère que la Cour d’appel a exactement déduit que la rupture du contrat de franchise était imputable au franchiseur ayant gravement manqué à son obligation d’approvisionnement et de fournitures d’offres promotionnelles. En l’espèce, un franchisé avait refusé d’agréer le cessionnaire choisi par son franchiseur de sorte que le contrat de franchise se poursuivrait jusqu’à son terme. La Cour d’appel avait stigmatisé une succession de manquements croissants du franchiseur à ses obligations contractuelles, l’approvisionnement du magasin et les opérations promotionnelles n’étant plus correctement assurées.

Pour rejeter le pourvoi, la chambre commerciale de la Cour de cassation relève : « Mais attendu, en premier lieu, que la cour d’appel n’a pas exigé que le franchiseur assure l’animation et le développement d’un réseau identique à celui existant avant la cession, mais appréciant son comportement au regard des obligations essentielles restant lui incomber à l’égard d’un franchisé minoritaire, et retenant une succession de manquements de plus en plus graves aux obligations contractuelles, dès lors que l’approvisionnement du magasin n’était plus assuré correctement et que les opérations promotionnelles n’étaient plus effectuées, en a exactement déduit que la rupture du contrat de franchise était imputable au franchiseur qui avait manqué à ses obligations contractuelles ».

On signalera, pour mémoire, que la Cour d’appel de Paris a déjà jugé (CA Paris, 17 janvier 1996, jurisdata n°023563 ; CA Paris, 6 mars 1993, jurisdata n°020994) que le franchiseur qui devait assurer l’approvisionnement de son franchisé a failli à cette obligation essentielle en ne remplaçant pas son fournisseur défaillant ou en ne substituant pas à lui. Ainsi, le manquement est caractérisé lorsque le franchiseur cesse tout approvisionnement, lorsqu’il livre une quantité moindre ou encore lorsqu’il livre des marchandises défectueuses.

c) Obligation d’exclusivité territoriale

F Huit décisions commentées : CA Paris, 5 avril 2006, jurisdata n°298242 ; Cass. com., 14 mars 2006 (3 arrêts), pourvois n°03-14.639, 03-14.640 et n°03-14.316 ; Cons. conc., 3 février 2006, déc. n°06-S-01 ; CA Paris, 21 septembre 2005, jurisdata n°294284 ; CA Paris, 21 septembre 2005, jurisdata n°293492 ; Trib. com. Paris, 1er juillet 2005, jurisdata n°199490.

(57)            L’engagement d’exclusivité du franchiseur constitue une obligation essentielle du contrat dès lors qu’il est indispensable à la rentabilité de l’entreprise franchisée. Sa violation est sanctionnée soit par l’allocation de dommages et intérêts, soit par la résiliation du contrat de franchise (Cass. com., 9 mars 1993, pourvoi n°9711.479), soit par l’une et l’autre à la fois (CA Paris, 21 septembre 2005, jurisdata n°293492).

S’agissant d’une restriction à la liberté d’entreprendre, les clauses d’exclusivité sont d’interprétation stricte et ne peuvent donc être étendues au delà de leurs prévisions. Telle est l’approche guidant l’appréciation de l’objet (i) et de la délimitation géographique (ii) de ces clauses.

(i) Objet de l’exclusivité
(58)            Il existe essentiellement trois types d’exclusivité en matière de franchise. Par l’exclusivité de fournitures, le franchisé est le seul à être approvisionné par le franchiseur dans le territoire délimité. Par l’exclusivité d’enseigne, le franchiseur s’interdit d’implanter un autre magasin dans la zone concédée. Quant à l’exclusivité de marque, elle garantit au franchisé d’être le seul à pouvoir utiliser les signes distinctifs du franchiseur dans le territoire considéré.

Les parties étant maîtres du champ de l’exclusivité, elles peuvent valablement décider de cumuler les différents types d’exclusivité. Ainsi, il est notamment permis de concilier exclusivités de franchise et de fournitures (Trib. com. Paris, 1er juillet 2005, jurisdata n°299490 : dans cette espèce, la clause interdisait au franchiseur, d’une part, de signer un contrat de franchise sur le territoire concédé et, d’autre part, de commercialiser les produits griffés sur ce même territoire).

(α) Exclusivité de fournitures

(59)            S’agissant de l’exclusivité de fournitures, elle doit être interprétée restrictivement et ne concerne que les produits objets de la franchise. Ainsi, le franchiseur ne viole pas la clause d’exclusivité territoriale lorsqu’il vend des produits dégriffés dans le territoire concédé au franchisé (Cass. com., 14 janvier 2003, Contrats Conc. Consom. 2003, n°70).

(β) Exclusivité de marque

(60)            Concernant l’exclusivité de marque, la Cour d’appel de Paris considère que le manquement contractuel du franchiseur peut résulter, tant de la violation « active » de la clause d’exclusivité de marque, que de sa violation « passive » découlant de l’incapacité du franchiseur à protéger l’exclusivité consentie au franchisé (CA Paris, 5 avril 2006, jurisdata n°298242). En l’espèce, un tiers utilisait abusivement, dans le territoire concédé du franchisé, certains biens objets de l’exclusivité conférée à ce dernier en vertu de son contrat de franchise. Le franchisé reprochait au franchiseur de ne pas avoir défendu les droits exclusifs qu’il lui avait consentis. Cependant, la Cour d’appel ne condamne pas le franchiseur en constatant que celui-ci a mené des démarches afin de faire cesser le trouble. En effet, le franchiseur versait aux débats plusieurs décisions de justice et procès-verbaux démontrant l’effectivité des actions contentieuses engagées par ses soins afin de remédier aux agissements parasitaires d’entreprises non franchisées. Ayant consenti au franchisé une exclusivité de marque, le franchiseur doit donc prendre toute mesure destinée à faire cesser l’utilisation abusive de ces signes distinctifs par un tiers dans le territoire concédé.

(δ) Exclusivité d’enseigne

(61)            Quant à l’exclusivité d’enseigne, elle doit également être interprétée restrictivement. Selon un arrêt rendu le 21 septembre 2005 par la Cour d’appel de Paris, la clause d’exclusivité portant sur une enseigne clairement identifiée ne saurait faire obstacle à l’implantation par le franchiseur d’autres enseignes dans la zone d’exclusivité consentie au franchisé. En l’espèce, le franchisé soutenait que le franchiseur avait violé son obligation contractuelle en multipliant abusivement les concepts liés à la marque afin de contourner la clause d’exclusivité prévue au contrat de franchise.

La Cour d’appel (CA Paris, 21 septembre 2005, jurisdata n°294284)considère que la clause n’a pas été violée ; selon elle, il n’existait aucun risque de confusion entre lesdites enseignes et le franchisé ne pouvait pas ignorer que le franchiseur avait développé plusieurs concepts, clairement identifiés par une marque, une signalétique et un mobilier spécifique, ces éléments ayant d’ailleurs été portés à sa connaissance dans le préambule du contrat de franchise qu’il avait signé.

(62)            De même, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la compatibilité d’une clause d’exclusivité d’enseigne avec la création par le franchiseur d’un site Internet destiné à la vente. En l’espèce, le contrat de franchise comportait une clause d’exclusivité aux termes de laquelle le franchiseur s’interdisait, pendant la durée du contrat, d’implanter un autre point de vente sous enseigne dans une zone géographiquement délimitée. Le franchiseur ayant créé un site Internet sous son enseigne en vue de commercialiser les produits objets de la franchise, certains franchisés lui faisaient grief d’avoir ainsi violé leur zone d’exclusivité territoriale.

Par trois arrêts rendus le 26 février 2003, la Cour d’appel de Bordeaux avait résilié le contrat aux torts exclusifs du franchiseur. Elle avait retenu une interprétation extensive de la clause d’exclusivité territoriale en considérant que « le franchisé [était] protégé de toute vente à l’initiative du franchiseur directement ou indirectement » et en avait déduit que « la vente par Internet port[ait] atteinte à l’exclusivité du franchisé dès lors qu’elle [était] réalisée sans contrepartie financière pour le franchisé, qui cependant contribuait au fonctionnement du site par le prélèvement effectué sur la redevance communication réglée par lui (au) franchiseur ». Ces décisions étaient d’autant plus curieuses que les juges du fond avaient assimilé la création d’un tel site Internet à une vente passive, ce qui aurait pu les conduire à retenir une solution opposée, par adoption des principes dégagés par les Lignes directrices du 13 octobre 2000 sur les restrictions verticales du règlement CE n°2790/1999 du 22 décembre 1999, autorisant de telles ventes.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation censure les trois arrêts sans se fonder sur les Lignes directrices, inapplicables en l’espèce dès lors que le commerce entre Etats membres ne pouvait être affecté. La Haute juridiction casse ces décisions au visa de l’article 1134 du Code civil, au motif qu’« en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constations que le contrat souscrit par les parties se bornait à garantir au franchisé l’exclusivité territoriale dans un secteur déterminé et que la création d’un site Internet n’est pas assimilable à l’implantation d’un point de vente dans le secteur protégé, la cour d’appel a violé le texte susvisé, peu important le règlement  CE n°2790/1999 de la Commission CE du 22 décembre 1990, inapplicable, en l’espèce » (Cass. com., 14 mars 2006 (3 arrêts), pourvois n°03-14.630, n°03-14.316 et n°03-14.640).

La solution posée par la Chambre commerciale est parfaitement conforme à la jurisprudence relative à la clause d’exclusivité territoriale en ce qu’elle privilégie une interprétation stricte de la clause d’exclusivité : dès lors en effet que, selon la loi des parties, le franchiseur ne garantissait que l’absence « d’implantation d’un autre point de vente sous enseigne » dans une zone géographique délimitée – et rien d’autre –, l’usage par le franchiseur d’un site Internet en relation avec la même activité ne contrevenait pas aux stipulations du contrat de franchise. La vente par Internet est donc insusceptible de violer une exclusivité portant sur l’enseigne. En revanche, la solution serait sans doute différente en présence d’une exclusivité de marque ou de fournitures, tout dépendant des prévisions exactes du contrat.

(63)            Le plus souvent, il est recommandé d’organiser dans le contrat le fonctionnement du site Internet destiné à la vente des produits objets de la franchise.

La clause Internet pourra commencer par rappeler la liberté du franchiseur de proposer à la vente par Internet les produits pour la distribution desquels il concède une exclusivité territoriale au franchisé.

Sur cette base, il sera opportun de préciser que la clientèle Internet appartient au seul franchiseur, en indiquant que cette appartenance concerne aussi les clients Internet domiciliés ou résidant sur le territoire qui forme l’assiette géographique de l’exclusivité. Ces solutions sont d’autant plus nécessaires – et justifiées – que l’arrêt rendu le 14 mars 2006 par la chambre commerciale voit dans le site Internet un point de vente, dont la particularité – essentielle en l’occurrence –, est de ne pas être rattachée à une portion d’espace de nature à entrer en concurrence avec les franchisés bénéficiaires d’un engagement d’exclusivité territoriale du franchiseur.

Une solution complémentaire consiste à installer des bornes informatiques dans les magasins du franchisé. Il s’agit par là de permettre aux clients Internet d’accéder à ce mode d’achat en dehors des lieux où ils ont accès à un ordinateur. L’achat effectué sur Internet à partir d’une borne informatique située dans le magasin d’un franchisé ne modifie pas l’économie générale de l’opération, et notamment le fait qu’elle échappe aux contraintes résultant de l’exclusivité territoriale. Le client Internet ne devient pas un client du franchisé, sauf à ce qu’il renonce à acquérir par Internet pour se fournir directement auprès du franchisé. Dans le cas contraire, le franchisé ne fait que fournir un service au point de vente immatériel du franchiseur qu’est le site internet. Le contrat doit prévoir la rémunération spéciale du franchisé pour la mise à disposition d’une partie de son local au titre de l’installation de la borne informatique. Cette rémunération peut prendre la forme d’une commission sur chaque vente réalisée par Internet.

La « clause Internet » peut également aborder la question de la distribution faite par le franchisé selon cette modalité (Cons. conc., 3 février 2006, déc. n°06-S-01). Le contrat de franchise devrait pouvoir interdire cette modalité au franchisé, encore qu’à l’échelle du commerce visé par la Lignes directrices, la tendance soit à la prohibition d’une telle interdiction. Le contrat de franchise peut encadrer cette forme de distribution, en la soumettant à autorisation ou agrément, en en organisant d’ores et déjà les conditions et les limites, tenant notamment au respect des autres franchisés, ainsi que du réseau.

(ii) Délimitation géographique de l’exclusivité
(64)            En l’absence de clause du contrat de franchise délimitant dans l’espace l’exclusivité consentie, la jurisprudence ne reconnaît pas l’existence d’une exclusivité territoriale de fait. Ainsi, la Chambre commerciale a pu censurer l’arrêt de la Cour d’appel qui avait prononcé la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs du franchiseur pour violation de la clause d’exclusivité territoriale de fait concédée au franchisé. Au visa de l’article 1134 du code civil, la Cour retient, en effet, que « l’accord de franchise ne stipulait aucune exclusivité territoriale et qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’impose pareille exclusivité même en présence d’une exclusivité d’approvisionnement en l’état non établie » (Cass. com., 19 novembre 2002, pourvoi n°01-13.492).

(65)            Lorsqu’en revanche, comme souvent, le contrat de franchise comprend une telle clause, la jurisprudence l’interprète restrictivement.

Ainsi, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre la décision ayant considéré que la clause n’était pas violée lorsqu’un franchisé s’installait à la limite de la zone (Cass. com., 6 avril 1999, pourvoi n°96-18.332). C’est précisément ce que vient de rappeler la Cour d’appel de Paris qui, par arrêt du 21 septembre 2005, a considéré que  « la limitation d’implantation ou d’activité résultant d’une clause d’exclusivité territoriale doit s’interpréter strictement, le bénéficiaire ne pouvant l’invoquer en dehors des limites contractuellement fixées » (CA Paris, 21 septembre 2005, jurisdata n°293492).

2. Les obligations du franchisé

(66)            Une partie contractante ne peut modifier unilatéralement le contrat sans obtenir le consentement de son cocontractant. La Cour d’appel de Riom (CA Riom, 14 septembre 2005, jurisdata n°283353)rappelle cette évidence. Un franchisé a agi en paiement contre un autre franchisé en invoquant les règles du réseau résultant du contrat de franchise, de la charte éthique et du plan annuel de gestion. La Cour d’appel relève, à juste titre, que l’adoption de la charte éthique ainsi que du plan annuel de gestion voté par des franchisés postérieurs au contrat de franchise ne sauraient s’imposer au franchisé n’ayant pas accepté une telle modification du contrat ; ainsi, le franchiseur « ne peut imposer au franchisé des règles nouvelles modifiant les droits acquis en vertu du contrat de franchise sans son accord ; qu’il est évident que la modification de la répartition des sommes encaissées à l’occasion d’une formation ne peut être imposée autoritairement par le Master sans méconnaître l’économie générale de la convention et que le délégataire du Master ne saurait avoir davantage de pouvoir que lui ». Cette solution est justifiée au regard de l’article 1134 du Code civil.

L’actualité juridique invite à souligner certaines des obligations incombant au franchisé, en particulier à l’occasion de l’achat (a) et de la vente (b) des biens qu’il commercialise.

a) Obligation inhérente à l’achat

F Une décision commentée : Cass. com., 12 juillet 2005, pourvoi n°03-12.507.

(67)            L’exception d’inexécution est le droit qu’a chaque partie à un contrat synallagmatique de refuser d’exécuter la prestation à laquelle elle est tenue tant qu’elle n’a pas reçu la prestation qui lui est due. Elle a pour domaine d’élection les contrats synallagmatiques. Les tribunaux ont étendu son domaine à tous les rapports synallagmatiques, y compris ceux qui ne naissent pas d’un même contrat. Ainsi, pour que l’exception d’inexécution puisse être utilement invoquée, il convient pour telle partie de remettre en cause l’une des obligations du contrat dont il est créancier et constituant la contrepartie de celle qu’il envisage de ne pas exécuter.

(68)            Dans une espèce ayant donné lieu à l’arrêt rendu le 12 juillet 2005 par la Chambre Commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 12 juillet 2005, pourvoi n°03-12.507), un franchisé excipa de l’inexécution par le franchiseur des obligations mises à sa charge par le contrat de franchise pour justifier le non règlement des livraisons effectuées en application des contrats de vente conclus entre le franchiseur et le franchisé en exécution des stipulations du contrat de franchise.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation considère, à juste titre, que le franchisé ne pouvait valablement opposer une telle exception. Elle rappelle, en premier lieu, que « l’inexécution d’une convention peut être justifiée si le contractant n’a lui-même pas satisfait à une obligation contractuelle, même découlant d’une convention distincte, dès lors que l’exécution de cette dernière est liée à celle de la première », mais souligne aussitôt, en second lieu, que la Cour d’appel avait « exactement caractérisé l’absence d’un lien de cette nature entre les obligations résultant du contrat de franchise, d’une part, et celle découlant des ventes conclues entre les parties à ce contrat, d’autre part, en relevant que l’obligation de payer le prix d’une marchandise (n’était) pas la contrepartie de la bonne exécution du contrat de franchise, mais seulement celle de la délivrance d’une chose conforme à la commande en exécution du contrat de vente ».

Autrement dit, les obligations nées du contrat de vente sont, pour le vendeur, le transfert de propriété et, pour l’acquéreur, le règlement du prix de la chose livrée. Ces obligations étant réciproques, le franchisé ne peut donc échapper à la demande de paiement de marchandises en excipant de l’inexécution par le franchiseur d’une obligation ne constituant pas, comme en l’espèce, la contrepartie du règlement du prix.

b) Obligation inhérente à la vente

F Une décision commentée : CA Lyon, 12 juillet 2005, jurisdata n°292526.

(69)            A la différence de la pratique des prix « conseillés » qui est autorisée, le franchiseur ne peut se livrer, directement ou indirectement, à une politique de prix « imposés » vis-à-vis de ses franchisés : outre qu’elle heurte l’exigence d’indépendance du franchisé et peut donner lieu à l’application de l’article L.781-1, 2° du code du travail (v. supra §§. 18 à 20), une telle pratique est contraire aux droits national (C. com., art. L.420-1) et communautaire (règlement n°2790/99 du 22 décembre 1999).

Pour déterminer si le prix est ou non imposé, le Conseil de la concurrence (Cons. conc., 28 mai 1996, Contrats Conc. Consom., 1996, comm.167, obs. L. Vogel ; Cons. conc. 24 sept. 2001, déc. n°2001-D-58) examine aussi bien les stipulations du contrat de franchise (i) que le comportement adopté par les parties lors de son exécution (ii).

(i) Les stipulations contractuelles
(70)            La Cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 12 juillet 2005, jurisdata n°292526) s’attache tout d’abord à examiner le contrat proprement dit : « il appartient au franchisé de démontrer, que par des biais directs ou indirects, des prix de revente lui ont été imposés par le franchiseur, soit par les stipulations du contrat de franchise, soit par des pratiques ou un comportement extra-contractuel portant atteinte à la liberté de la concurrence ».

Dès lors, la Cour relève que si une clause du contrat contient l’engagement du franchisé de pratiquer une politique de prix discount conforme au concept du franchiseur, le franchisé – commerçant indépendant – reste libre de fixer ses propres prix de vente.

La Cour en conclut que « les stipulations du contrat de franchise ne conduisent pas à considérer qu’il a été imposé conventionnellement au franchisé de fixer ce prix de revente des produits à un certain niveau et qu’elles sont donc licites ».

(ii) Le comportement des parties lors de l’exécution du contrat
(71)            Quoique le contrat de franchise ne contienne aucune disposition permettant d’établir que le franchiseur imposait des prix de revente au franchisé, les juridictions du fond s’attachent néanmoins à examiner le comportement des parties lors de l’exécution du contrat, en envisageant successivement trois hypothèses de pratiques aujourd’hui répandues.

La première consiste pour le franchiseur à procéder au pré-enregistrement des prix sur des caisses enregistreuses. La jurisprudence (Cons. conc., 6 juillet 1999, déc. n°99-D-49) considère que les systèmes informatisés de facturation ne sont pas contraires à l’article L.420-1 du Code de commerce lorsqu’il est établi que le logiciel n’était pas programmé de telle sorte qu’il était impossible à un franchisé de procéder à une tarification différente du tarif pré-enregistré. C’est pourquoi la Cour considère que le franchisé ne démontre pas que le franchiseur ait eu la maîtrise du fonctionnement des caisses enregistreuses, ce qui lui aurait permis de fixer de fait les prix au niveau qu’il entendait.

Par la seconde, proche de la précédente, le franchiseur pré-étiquette les marchandises fournies au franchisé, qui peut ainsi se voir contraint de suivre la tarification. Un tel procédé ne constitue une pratique prohibée que si le franchisé ne dispose pas de la possibilité de modifier les prix préconisés par le franchiseur (CA Paris, 7 mai 2002, jurisdata n°212444). Ainsi, le Conseil de la concurrence a rejeté l’argument d’un franchiseur, selon lequel les prix imprimés sur les étiquettes des articles livrés par lui pouvaient être modifiés par les franchisés puisqu’une telle modification impliquait un travail important représentant un coût pour le franchisé de nature à le dissuader d’y procéder (Cons. conc., 28 mai 1996, déc. 96-D-36). Conformément à cette jurisprudence, la Cour d’appel de Lyon retient en l’espèce qu’ « il était loisible [au franchisé] de fixer ses prix de revente à un autre niveau et de réaliser l’étiquetage correspondant ».

La dernière consiste pour le franchiseur à engager des campagnes publicitaires mentionnant une tarification. Selon le Conseil de la concurrence, est prohibée la pratique qui consiste à procéder à des campagnes publicitaires imposant aux franchisés de pratiquer les prix annoncés (Cons. conc., 28 mai 1996, déc. 96-D-36). A cet égard, la motivation retenue par la Cour d’appel de Lyon est intéressante puisqu’elle relève : « si les prospectus publicitaires diffusés pour l’ensemble du réseau des franchisés (…) mentionnent que les prix annoncés sont des « prix de vente maximum conseillés » (…), la publicité périodique ne concerne pas tous les produits distribués et seulement la période pendant laquelle les produits concernés par la publicité sont distribués, ce qui donne aux franchisés la liberté de les fixer pour les produits concernés par la publicité en dehors des périodes de promotion commerciale et pour les produits non concernés par la publicité à toute période ». Elle ajoute ensuite que le franchisé « qui a accepté d’intégrer un réseau de franchise en matière de distribution à « prix discount » et de bénéficier des campagnes publicitaires organisées par le franchiseur, ne peut soutenir la nullité du contrat de franchise qui restreint, sous certaines conditions et limites acceptables et réglementées la liberté du franchisé de fixer les prix de revente de produits ».

Ainsi, pour justifier le fait que le franchisé soit amené à suivre les prix annoncés par le franchiseur lors de ses campagnes publicitaires, la Cour d’appel souligne que le franchisé n’est contraint que pour une période limitée et pour les seuls produits visés dans la campagne publicitaire ; en ce sens, cette décision assouplit quelque peu la position du Conseil de la concurrence.

La solution se justifie dès lors qu’aux aménagements de la liberté de principe de fixation des prix, la Cour oppose logiquement le profit tiré par le franchisé de sa participation aux campagnes promotionnelles. Il y a là un contrôle de proportionnalité entre les restrictions imposées aux franchisés et la préservation légitime de sa liberté d’entreprendre.

B. Les relations avec les tiers

(72)            Il convient de distinguer la responsabilité du dirigeant de la société franchisée à l’égard du franchiseur (1) de celles des autres tiers à l’égard des parties au contrat de franchise (2).

1. La responsabilité du dirigeant de la société franchisée à l’égard du franchiseur

F Trois décisions commentées : CA Grenoble, 29 septembre 2005, inédit, RG n°03/00861 ; Cass. com., 20 septembre 2005, jurisdata n°029785, Bull. civ. IV, n°176, p.191 ; Cass. com., 7 juin 2005, jurisdata n°028871.

(73)            En principe, la personne physique, dirigeante de la société franchisée, ne supporte pas les conséquences de la résiliation fautive initiée par la société qu’elle dirige. Il en va différemment dans deux hypothèses notamment – totalement distinctes – ayant donné lieu à des décisions récentes : en cas de faute personnelle détachable de ses fonctions (a) ou, plus fréquemment, lorsque le dirigeant cautionne la société franchisée (b).

a) La faute personnelle détachable du dirigeant de la société franchisée

(74)            On le sait, lorsqu’un tiers soutient avoir été victime des agissements de la société et entend poursuivre son dirigeant, la notion de faute détachable des fonctions de gérant garantit à ce dernier une véritable impunité : il ne peut y avoir en effet de responsabilité d’un dirigeant social envers les tiers que pour autant que celui-ci a commis une faute qui soit détachable de ses fonctions (Cass. com., 28 avril 1998 : Bull. civ. 1998, IV, n°139 ; Cass. com., 9 mai 2001 : Dr. sociétés 2001, comm. 118), c’est-à-dire une faute intentionnelle d’une particulière gravité et incompatible avec l’exercice normal des fonctions de direction (Cass. civ. 3ème, 7 décembre 2005, pourvoi n°04-15.206 ; Cass. com., 20 mai 2003, Bull. civ. 2003, IV, n°84).

(75)            L’arrêt rendu le 29 septembre 2005 par la Cour d’appel de Grenoble constitue, à notre connaissance, la toute première décision ayant à apprécier de l’application de cette notion au dirigeant d’une société franchiseur ou franchisée. En l’espèce, une personne physique avait cédé sa participation au sein d’une société qui, en qualité de franchisée, avait signé un contrat de franchise avec le franchiseur que ladite personne physique détenait et dirigeait par ailleurs. Une fois le contrat signé entre ces deux sociétés, une troisième, contrôlée par le dirigeant de la société franchiseur, avait implanté un nouveau point de vente, dans la zone de chalandise du franchisé, pour y exercer la même activité que ce dernier. Se posait donc la question de savoir si, ès qualités de gérant de cette troisième société et sous couvert des sociétés dont il avait le contrôle, l’intéressé avait ou non commis une faute détachable de ses fonctions, propre à engager sa responsabilité personnelle.

Si la solution adoptée écarte la responsabilité du dirigeant au cas d’espèce, la motivation de la décision offre certaines perspectives d’application de la notion de faute détachable à la franchise, dès lors que la plupart des griefs qui lui étaient personnellement reprochés n’étaient pas démontrés. Ainsi, la Cour de Grenoble retient-elle qu’aucun acte avéré de détournement de personnel ne lui sont imputables et qu’en outre le franchisé ne justifie pas de l’existence d’agissements personnels du dirigeant ayant eu pour effet de détourner sa clientèle et n’indique pas en quoi il a pu profiter de ses fonctions dans la société franchiseur afin de favoriser un tel détournement (CA Grenoble, 29 septembre 2005, inédit, RG n°03/00861).

b) La caution consentie par le dirigeant de la société franchisée

(76)            Dans une affaire soumise à la Cour de cassation (Cass. com., 7 juin 2005, jurisdata n°028871), un franchiseur avait assigné le franchisé et la caution solidaire en paiement de sa créance, consécutive à des impayés au titre de marchandises qu’il avait livrées. Le franchiseur et le franchisé avaient été placés en liquidation judiciaire. La caution, désirant échapper à son engagement, opposait alors le désistement du franchiseur de ses demandes en paiement dirigées contre le débiteur principal.

La Cour d’appel avait accueilli ce moyen de défense et jugé qu’en « abandonnant ses prétentions contre la société débitrice principale, le liquidateur (s’était) interdit de poursuivre la caution ».

Cette décision est censurée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation au visa des articles 1287, alinéa premier, 2011 et 2021 du Code civil. La Cour de cassation retient en effet « qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé qu’à la suite du jugement d’ouverture du redressement judiciaire de la société X…, le liquidateur de la société Prénatal avait déclaré la créance de cette dernière au passif de cette procédure collective et qu’il s’ensuivait que son désistement, dont le tribunal de commerce a constaté qu’il était motivé par la survenance du redressement judiciaire de la société débitrice, ne permettait pas de caractériser une volonté claire et non équivoque du liquidateur de la société Prénatal de consentir une remise de dette de nature à libérer la caution solidaire, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Par cette décision, la Chambre commerciale confirme donc une jurisprudence constante qui s’est développée sur le fondement de l’article 1287, alinéa 1er du Code civil, selon lequel « la remise ou décharge conventionnelle accordée au débiteur principal libère les cautions ». En effet, si ce texte prévoit que la caution peut être libérée lorsque le débiteur est déchargé, c’est à la condition que la remise ou la décharge soit conventionnelle. Or, les tribunaux retiennent une interprétation stricte de ce texte ; ainsi, lorsqu’une remise intervient à l’occasion d’une procédure collective (Cass. com., 17 novembre 1992, D.1993, Jur., p.41) ou de surendettement, elle a une origine judiciaire, et ne peut donc constituer une remise ou une décharge conventionnelle. En outre, il est nécessaire que les remises aient été librement consenties par les créanciers.

En l’espèce, la Cour relève que le désistement était motivé par la survenance du redressement judiciaire du débiteur. En effet, dans cette hypothèse, les créanciers ne sont animés par aucune intention libérale, mais uniquement par l’espoir d’éviter la perte de leur créance. En outre, il faut que la remise ait été faite dans le but d’établir la libération du débiteur. C’est précisément pour cette raison que la Cour de cassation retient que le désistement ne permet pas de caractériser une volonté claire et non équivoque du liquidateur de consentir une remise de dette de nature à libérer la caution. Ainsi, faute de démontrer cette intention, la caution ne pouvait prétendre être libérée de son engagement.

(77)            La mise en œuvre de la caution peut également émaner de l’établissement dispensateur de crédit lorsque, par exemple, celui-ci a financé l’acquisition du fonds de commerce.

En pareil cas, la caution peut tenter d’exciper la faute du prêteur de deniers. Ainsi, dans une affaire récente, une cour d’appel avait retenu la responsabilité du prêteur pour manquement à son obligation de contracter de bonne foi, faute pour lui de s’être assuré que les cautions dirigeantes connaissaient les éléments d’appréciation qu’il avait directement reçus du franchiseur, alors que les circonstances de l’espèce démontraient que les cautions ignoraient ces éléments, de nature à les alerter – si elles les avaient connus – sur le caractère particulièrement risqué de l’opération.

Par arrêt du 20 septembre 2005 publié au Bulletin (Cass. com., 20 septembre 2005, jurisdata n°029785, Bull. civ. IV, n°176, p.191), la Chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi, et retient : « l’arrêt relève que la crédit bailleresse ne conteste pas que le dossier, établi par le franchiseur lui a été transmis directement par ce dernier, qu’elle n’en a pas donné connaissance aux cautions, n’a pas vérifié que celles-ci avaient eu connaissance des éléments qu’il contenait et qu’elle disposait ainsi d’éléments d’appréciation ignorés des cautions (…) ; qu’il retient aussi qu’un professionnel du crédit ne pouvait que déduire des éléments contenus dans ce dossier et l’échec prévisible et même probable de l’opération entreprise ; qu’en l’état de ces constations et appréciations faisant ressortir que la crédit-bailleresse détenait au moment de la conclusion du cautionnement, des informations sur la viabilité de l’opération entreprise par la société emprunteuse dirigée par les cautions que, par suite des circonstances exceptionnelles, ces dernières ignoraient, la cour d’appel a pu en déduire que cette crédit bailleresse avait manqué à son obligation de contracter de bonne foi ».

L’arrêt rappelle en outre que l’établissement de crédit est tenu de s’assurer du sérieux du prévisionnel établi par le franchiseur, puisqu’il souligne « qu’un professionnel du crédit ne pouvait que déduire des éléments contenus dans ce dossier et l’échec prévisible et même probable de l’opération entreprise ».

Cette décision s’inscrit dans le courant jurisprudentiel initié par la chambre commerciale le 8 octobre 2002 (Cass. com., 8 octobre 2002, jurisdata n°015772) ayant affirmé que les cautions qui ne démontraient pas que la banque avait eu sur leurs revenus, leurs patrimoines et leurs facultés de remboursement des informations qu’eux-mêmes auraient ignorées, n’étaient pas fondés à rechercher la responsabilité de cette banque. Elle s’inscrit par ailleurs dans le mouvement général tendant à renforcer l’obligation pesant sur l’établissement dispensateur de crédit qui, comme on le sait, a donné lieu à trois arrêts de principe rendus le 3 mai 2006 par la chambre commerciale (Cass. com., 3 mai 2006, jurisdata n°033320, n°033322 et n°033323), faisant peser sur les établissements de crédit – à l’instar de la première chambre civile – un véritable devoir de « mise en garde » à l’égard de l’emprunteur profane.

2. La responsabilité des autres tiers à l’égard des contractants

F Deux décisions commentées : Cass. com., 20 juin 2006, pourvoi n°04-13.160 ; CA Chambéry, 13 décembre 2005, jurisdata n°296053.

(78)            La responsabilité des tiers au contrat de franchise peut être recherchée dans différentes hypothèses. Il en va ainsi, notamment, du tiers complice de l’inexécution par le franchisé de ses obligations contractuelles (a), comme de l’ancien franchisé, à raison d’un manque d’information transmise à son successeur (b).

(a) Responsabilité du tiers, complice de l’inexécution par le franchisé de ses obligations contractuelles

(79)            Si, du fait du principe de l’effet relatif des conventions (C. civ., art. 1165), les tiers ne sont pas obligés par un contrat qu’ils n’ont pas signé, il leur est interdit de faire obstacle à l’exécution de celui-ci. En effet, le tiers qui aide, en connaissance de cause, le débiteur à ne pas exécuter le contrat commet une faute délictuelle.

(80)            Une décision récente vient illustrer cette situation. Un franchiseur avait agi en responsabilité contre l’un de ses concurrents, pris en qualité de tiers complice de la violation de la clause de non-réaffiliation insérée au contrat de franchise. La Cour d’appel de Chambéry (CA Chambéry, 13 décembre 2005, jurisdata n°296053) avait accueilli cette action au motif qu’il était établi que le tiers avait eu connaissance, d’une part, que la société était liée à un autre distributeur et que, d’autre part, ledit contrat comportait une clause de non-réaffiliation.

La Cour d’appel de Chambéry considérait, en outre et surtout, que le tiers était tenu de vérifier l’existence d’une telle clause et, le cas échéant, si le franchisé en était ou non délié. La Cour consacre donc, à la charge du franchiseur, une véritable obligation de « se » renseigner sur les engagements du franchisé qu’il s’apprête à intégrer à son propre réseau. Elle retient sur ce point que « les quelques articles de presse annonçant la disparition prochaine du réseau (de franchise) opposés aux promesses concomitantes faites alors par (le franchiseur) à ses franchisés de maintenir en tout cas les contrats en cours jusqu’à leur terme, n’autorisait pas (le nouveau franchiseur) à se dispenser de vérifier l’existence d’une clause de non-affiliation dans le contrat (de franchise) et, en présence d’une telle clause, de rechercher si le franchisé en état délié, obligation à laquelle ne pouvait faire obstacle la clause de confidentialité figurant au contrat, concernant les seuls renseignements relatifs au fonctionnement de l’affiliation ».

Cette solution se justifie pleinement et n’a rien de surprenant, en témoigne le contentieux bien connu qui s’est développé en matière de clause de non-concurrence, la responsabilité délictuelle du nouvel employeur étant retenue (Cass. com., 22 février 2000, pourvoi n°97-18.728), notamment lorsque celui-ci n’a pas vérifié les affirmations du candidat salarié sur ce point (CA Paris, 26 janvier 1995, jurisdata n°020658) ou lorsqu’il a omis de vérifier que le projet de résiliation amiable du contrat de travail du candidat salarié, notamment quant à la renonciation à la clause de non concurrence dont il avait eu connaissance, avait été effectif (CA Versailles, 29 juin 2000, D. 2001, Som. comm., p.1234).

(b) Responsabilité de l’ancien franchisé à raison d’une insuffisance de l’information transmise à son successeur

(81)            Le franchisé déçu des résultats d’exploitation de son fonds de commerce agit parfois contre le franchiseur sur le fondement des vices du consentement. Il peut également, lorsqu’il succède à un franchisé, agir contre ce dernier sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Si le franchisé peut engager la responsabilité de son prédécesseur, encore faut-il qu’il établisse l’existence d’une faute.

Dans une affaire récente, le successeur prétendait que son prédécesseur avait commis une faute en lui communiquant un projet de bilan, puis un bilan promettant faussement la rentabilité de l’activité qu’il avait exercée. La Cour d’appel avait rejeté la demande du franchisé au motif que celui-ci avait été mis en relation avec d’autres franchisés et qu’il avait donc pu obtenir des renseignements sur la franchise. La Chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 20 juin 2006, pourvoi n°04-13.160) confirme la décision de la Cour d’appel en relevant que seul le projet de bilan avait été communiqué avant la conclusion du contrat et qu’il avait été établi selon les indications du franchiseur. Autrement dit, le document communiqué avant la conclusion du contrat ne comportait donc pas d’informations erronées. Quant au bilan réel, il avait été communiqué postérieurement à la signature du contrat, et n’avait donc pu fausser, en l’espèce, le consentement du franchisé, lequel n’avait au surplus pas démontré le caractère falsifié du document qui lui avait été ainsi remis.

La circulation du contrat de franchise

(82)            On a cru, par une lecture a contrario d’un arrêt important (Cass. com., 7 janvier 1992, pourvoi n°90-14.831) que les modalités de cession d’un contrat étaient fonction de son caractère ou non intuitu personae. La circulation des contrats intuitu personae aurait exigé l’accord du cédé alors que celle des autres contrats se serait effectuée librement.

En matière de franchise, l’incertitude liée au caractère réciproque ou non de l’intuitu personae entre le franchiseur et le franchisé rendait la détermination des modalités de la cession du contrat peut aisée. La jurisprudence demeure toujours partagée sur ce point, certaines décisions considérant que le contrat de franchise ne présenterait pas de caractère intuitu personae envers le franchiseur (CA Paris, 23 janvier 1992, jurisdata n°020122 ; Trib. com. Paris, 10 avril 1995, jurisdata n°042059 ; CA Pau, 24 janvier 1996, jurisdata n°041922), d’autres affirmant au contraire que ce contrat serait réciproquement intuitu personae (CA Paris, 24 juin 1998, jurisdata n°024432).

(83)            En définitive, cette incertitude paraît avoir perdu de son intérêt depuis deux arrêts de principe rendus le 6 mai 1997 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Il semblerait que la Haute Juridiction exige que le cédé donne toujours son consentement à la cession, soit lors de la formation du contrat, soit ultérieurement (Cass. com., 6 mai 1997, pourvoi n°94-16.335, Bull. 1992, IV, n°3, p.3 et pourvoi n°95-10.252), peu important à cet égard l’intensité de l’intuitu personae, s’il en est.

Depuis lors, on peut considérer que la cessibilité de tout contrat est possible mais implique nécessairement l’accord du cédé. Par conséquent, le franchiseur qui souhaite céder les contrats de franchise, devra recueillir l’accord de ses franchisés (A). Il en est de même pour le franchisé qui devra, au surplus, respecter les clauses destinées à encadrer la cession de son contrat de franchise et/ou de son fonds de commerce (B).

A. La cession par le franchiseur du réseau et des contrats de franchise y afférents

(84)            La cession souhaitée par le franchiseur est encadrée (1) et, lorsqu’elle est autorisée, produit certains effets (2).

1. Les modalités de la cession

F Une décision commentée : Cass. com., 28 juin 2005, pourvoi n°04-10.038.

(85)            Les modalités encadrant la cession des contrats de franchise varient en fonction des prévisions des parties ; les parties n’ont parfois pas envisagé la cession du contrat de franchise (a) ou, au contraire, ont inséré une clause ab initio autorisant la cession (b).

a) En l’absence de clause autorisant la cession ab initio

(86)            Le franchiseur doit alors recueillir l’acceptation du franchisé à la cession.

En matière de cession de contrat, le principe du consensualisme conserve toute sa force : la nécessité du consentement du contractant cédé ne marque aucune dérogation, elle ne constitue que la conséquence de ce que la cession fait grief au contractant cédé puisqu’en changeant de cocontractant, il change à la fois de créancier et de débiteur. Il ne s’agit donc jamais, à cet égard, que de manifester un accord qui participe de la volonté contractuelle, même si, avec une doctrine autorisée (L. Aynès, La cession de contrat, Economica, 1983), on considérera que l’autorisation du contractant cédé a pour seul objet de rendre le contrat cessible, et non pour effet de faire du contractant cédé une partie au contrat de cession.

(87)            En l’absence d’accord du franchisé à la cession, le franchiseur est maintenu dans la relation contractuelle, peu important à cet égard que les autres franchisés membres du réseau, tiers au contrat, aient donné ou non leur accord.

La Cour de cassation considère que l’inexécution par le franchiseur de ses obligations contractuelles emporte la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur. La Haute juridiction précise néanmoins qu’il n’était pas « exigé que le franchiseur assure l’animation et le développement d’un réseau identique à celui existant avant la cession » mais qu’il restait débiteur des obligations essentielles telles que l’approvisionnement et la promotion. Le franchiseur doit donc honorer ses engagements jusqu’au terme du contrat même si, du fait de la cession, il ne peut plus exécuter ses obligations dans la même mesure (Cass. com., 28 juin 2005, pourvoi n°04-10.038).

(88)            Il est permis – et même conseillé – d’introduire une clause encadrant la demande d’autorisation du franchisé. Aux termes de cette clause, le franchiseur s’engagerait à informer ses franchisés, par lettre recommandée avec accusé de réception, de sa volonté de céder le contrat à telle personne. Il parait judicieux d’octroyer un délai au franchisé pour accepter ou refuser la cession et prévoir qu’à défaut de réponse de sa part dans le délai imparti, il sera réputé avoir accepté la cession envisagée. Il s’agit là de contractualiser la preuve de l’acceptation de la cession par le franchisé : le silence valant contractuellement acceptation.

La clause peut également organiser les conséquences de la cession dans la double relation que le franchisé cédé entretient avec, d’une part, le franchiseur cédant et, d’autre part, le franchiseur cessionnaire.

La relation entre le franchiseur cédant et le franchiseur cédé concerne, spécialement, le sort des obligations inexécutées à la date de la cession. Le principe en matière de cession de contrat est la substitution du cessionnaire au cédant, non seulement pour l’avenir, mais encore pour le passé. Le cessionnaire est donc débiteur et créancier des dettes et droits que le cédant devait au franchisé cédé et qu’il avait à son égard.

Toutefois, les parties peuvent en décider autrement, notamment en maintenant la relation franchiseur cédant / franchisé cédé pour ce qui est des obligations réciproques antérieures à la cession. Encore faut-il le prévoir dans le contrat de franchise, et pas seulement dans le contrat de cession, car le franchisé cédé n’est pas partie à cette dernière convention. La cession est, par définition, neutre quant au contenu de ce contrat, puisqu’elle n’affecte que la personne du cocontractant.

b) En présence d’une clause autorisant la cession ab initio

(89)            Devant la difficulté à obtenir le consentement de l’ensemble des franchisés à la cession, le franchiseur a tout intérêt à insérer dans le contrat de franchise une clause lui permettant de céder librement les contrats de franchise. Ainsi, les franchisés consentent ab initio à la cession de leur contrat de franchise.

La clause d’autorisation ab initio peut encore recouvrer les modifications structurelles intervenant au sein même de la société franchiseur, telles que notamment le changement de contrôle de son capital social, le franchissement d’un seuil de la participation détenue par tel dirigeant, etc.

Il est également utile que la clause ab initio précise les modalités suivant lesquelles les franchisés seront informés de la cession de leur contrat de franchise et de l’identité du nouveau franchiseur.

(90)            Comme pour toutes les manifestations de volonté, l’autorisation de cession donnée ab initio par le franchisé peut être expresse ou tacite ; la cessibilité d’une position contractuelle peut, en effet, être déduite d’un ensemble de stipulations, notamment celles qui organisent les conséquences d’une circulation du contrat, alors même qu’elle n’a pas été expressément évoquée par les parties.

2. Les conséquences de la cession du contrat de franchise

(91)            En cas de cession des contrats à un nouveau franchiseur, celui-ci est tenu d’exécuter les contrats existants jusqu’à leur terme, sans en modifier l’économie : le contrat de franchise perdure (Cass. com., 3 janvier 1996, pourvoi n°94-12.314). Simplement, un tiers s’est substitué au franchiseur initial et doit, à ce titre, exécuter les obligations qui incombaient à ce dernier.

B. La cession par le franchisé de son contrat et de son fonds de commerce

(92)            Le franchisé peut décider de céder son contrat de franchise ou bien encore son fonds de commerce. Dans les deux cas, il doit s’assurer qu’il n’est pas lié aux termes du contrat par une clause d’agrément (1) et/ou par une clause de préférence (2).

1. La clause d’agrément

F Deux décisions commentées : Cass. com., 13 décembre 2005, pourvoi n°04-18.243 ; CA Paris, 21 septembre 2005, jurisdata n°294284.

(93)            Les solutions jurisprudentielles récentes offrent la possibilité de réaffirmer la validité et l’étendue de la clause d’agrément (a), les conséquences attachées au refus d’agrément (b) et à la violation de la clause (c).

a) La validité et l’étendue de la clause d’agrément

(94)            La Cour d’appel de Paris a eu à connaître de la validité d’une clause d’agrément portant sur la cession par le franchisé de son fonds de commerce (CA Paris, 21 septembre 2005, jurisdata n°294284).

Elle retient que le franchisé se fondait à tort sur « l’article 85-1 du traité de Rome (…) aujourd’hui repris dans l’article 81 TCE, pour soutenir qu’il appartenait à la société (franchiseur) de justifier de la licéité de la clause d’agrément contenue dans le contrat de franchise au regard des dispositions du droit communautaire de la concurrence relatives aux ententes et demander à la Cour de déclarer cette clause abusive et dépourvue de tout effet, alors qu’il n’est nullement justifié que le réseau de franchise (…) serait susceptible d’affecter le commerce intra-communautaire ».

De plus, se conformant aux lignes directrices de la Commission Européenne du 13 octobre 2000, la Cour d’appel de Paris précise que la clause d’agrément n’est pas une restriction à la concurrence ; elle constitue une modalité d’application de l’intuitu personae propre au contrat de franchise.

(95)            Récemment, en matière de contrat de distribution, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré que la clause d’agrément pouvait s’appliquer aux opérations de fusion-absorption (Cass. com., 13 décembre 2005, pourvoi n°03-16.878) ; la solution est évidemment transposable au contrat de franchise.

En l’espèce, un concessionnaire de véhicules automobiles avait conclu un contrat de distribution avec une société exploitant un garage. Le caractère « intuitu personae » du contrat était expressément envisagé. Le contrat stipulait en outre que les droits et obligations du revendeur n’étaient « pas cessibles ou transférables que ce soit totalement ou partiellement, sans accord préalable et écrit du concessionnaire ». La société exploitant le garage a ensuite été absorbée dans le cadre d’une fusion sans que le concessionnaire en ait été avisé. Ce dernier a donc résilié le contrat de revente automobile. La société absorbante a alors intenté une action en réparation du préjudice causé par la rupture du contrat de distribution en se fondant sur la non-application de la clause d’agrément, qui n’envisageait pas le cas d’une fusion emportant transmission universelle du patrimoine.

La Haute juridiction a rejeté les prétentions de la société absorbante, considérant que si la fusion emportait transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante, les stipulations du contrat faisaient obstacle à sa transmission, faute d’accord exprès du concessionnaire.

Il appartiendra au rédacteur d’être particulièrement rigoureux dans la rédaction de la clause, notamment en explicitant l’intérêt d’une telle limitation de la liberté de la société franchisée ; elle pourrait être causée par la notion d’intuitu personae ou par la volonté légitime du franchiseur de protéger son savoir-faire.

b) Le contrôle du refus d’agrément

(96)            En cas de refus d’agrément du cessionnaire proposé, le franchisé ne peut donc pas réaliser la cession.

La jurisprudence a eu à s’interroger sur les modalités du refus d’agrément opposé par le franchiseur au franchisé. La question soulevée faisait écho au mouvement favorable à la motivation introduit en droit des contrats : le franchiseur doit-il motiver son refus d’agrément du cessionnaire?

La Cour de cassation a considéré que le refus d’agrément étant un droit discrétionnaire, il est donc soumis à un contrôle a posteriori se limitant au contrôle de l’abus de droit.

Le franchiseur n’a donc pas à motiver son refus, à moins évidemment que cette exigence de motivation n’ait été expressément envisagée dans le contrat (Cass. com., 2 juillet 2002, jurisdata n°015113).

c) La sanction de la violation de la clause d’agrément

(97)            La cession effectuée en violation d’une telle clause entraîne la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé. La Cour d’appel de Paris a confirmé cette solution ; elle a considéré que « cette cession, effectuée en violation des dispositions du contrat de franchise, a entraîné la résiliation automatique anticipée de ce contrat aux torts exclusifs du franchisé (…) » (CA Paris, 21 septembre 2005, jurisdata n°294284).

Le contrat peut prévoir que la sanction de la résiliation du contrat de franchise sera renforcée par une clause pénale aux termes de laquelle le franchisé devra s’acquitter du paiement d’une certaine somme dans l’hypothèse où il cèderait son contrat de franchise en violation de la clause d’agrément. Le franchisé sera d’autant plus dissuadé de céder ainsi son contrat si le montant de l’indemnité est élevé, même si celui-ci ne devra pas être disproportionné pour éviter tout risque de réduction du prix par le juge.

2. La clause de préférence

F Quatre décisions commentées : Cass. ch. mixte 2006, 26 mai 2006, jurisdata n°033690 ; Cass. com., 13 décembre 2005, pourvoi n°04-18.243 ; CA Paris 7 décembre 2005, jurisdata n°289983 ; CA de Nîmes, 8 septembre 2005, inédit, RG n°03/03202.

(98)            Aux termes d’une clause de préférence, une personne s’engage, pour le cas où elle se déciderait à vendre un bien, à l’offrir prioritairement à son bénéficiaire, qui jouit d’un droit de préemption devant s’exercer aux conditions proposées par un tiers (ou à des conditions prédéterminées).

Ce type de clause est parfaitement usuel en matière de franchise. Le franchiseur insère souvent dans le contrat de franchise une clause de préférence portant sur la vente du fonds de commerce du franchisé afin de se prémunir contre les conséquences d’une telle cession. La réussite du réseau de franchise étant intimement liée aux emplacements de ses magasins franchisés, le franchiseur veille à préserver les magasins existants.

La jurisprudence récente rappelle les conséquences attachées à la non utilisation par le bénéficiaire de son droit de préemption (a) ainsi que les sanctions applicables à la violation de la clause de préférence consentie au franchiseur (b).

a) La non utilisation par le franchiseur de son droit de préférence

(99)            Dans cette hypothèse, le franchisé retrouve alors la liberté de vendre son fonds de commerce à toute personne de son choix.

La Cour d’appel de Nîmes a eu à connaître d’une affaire dans laquelle le franchiseur, après connaissance de l’offre du candidat-repreneur, ne s’était pas porté acquéreur du fonds de commerce de son franchisé, lequel avait cédé son fonds au repreneur. Le franchiseur avait alors agi contre le repreneur qui n’avait pas repris le contrat de franchise (CA de Nîmes, 8 septembre 2005, inédit, RG n°03/03202).

La cour d’appel considère que la cession du fonds de commerce sans le contrat de franchise avait emporté la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé. Elle indique que le franchiseur peut actionner le franchisé pour obtenir réparation du préjudice qu’il subit du fait de la rupture anticipée du contrat de franchise, sous réserve qu’il ne soit pas prescrit. En revanche, la cour d’appel précise que le franchiseur ne peut pas mettre en œuvre la responsabilité du repreneur du fonds puisque l’offre qui lui avait été communiquée indiquait explicitement que ce dernier n’entendait pas reprendre le contrat de franchise en cours.

On pourrait se demander si la vente du fonds de commerce sans le contrat de franchise a tout de même bien pour objet le fonds, et non les éléments corporels et incorporels cédés. Le fonds est fédéré par la clientèle par laquelle il existe. Aussi, une cession de fonds n’a lieu que lorsque sont cédés les éléments attractifs de la clientèle. Or, le contrat de franchise constituera, fréquemment sinon toujours, un facteur attractif de clientèle dans la mesure où il permet d’accéder à des produits ou des services auxquels les clients sont attachés. Si cette circonstance ne suffit pas à déporter la clientèle directement vers le franchiseur, il ne saurait en être déduit que le contrat de franchise ne constitue pas un élément attractif de clientèle. C’est pourquoi il est douteux que la vente d’un fonds de commerce sans le contrat de franchise – qui contribue pourtant si décisivement à la formation, au développement et au maintien d’une clientèle –, constitue une véritable vente de fonds.

(100)         Il pourrait être judicieux de conforter la clause de préférence par une clause d’agrément du cessionnaire du fonds de commerce. Ainsi, le franchisé ne sera pas libéré par le seul fait que le franchiseur bénéficiaire de la clause de préférence n’ait pas exercé son droit. Encore faudra-t-il que le cessionnaire du fonds de commerce soit agréé par le franchiseur. Un tel schéma n’a cependant de sens que si la solution retenue par la Cour de Nîmes dans la décision rapportée ci-dessus ne prospère pas.

Si la vente du fonds, nonobstant l’exclusion du contrat de franchise, constitue néanmoins une vente du fonds, la légitimité du franchiseur à agréer l’acquéreur du fonds devient fort discutable, et peut être contestée. Sans doute est-elle contractuellement prévue, mais, en l’absence de relation contractuelle, au moins potentielle, entre le franchiseur et l’acquéreur du fonds de commerce, le droit pour le premier d’agréer le second risque bien d’être déclaré sans cause (C. civ., art. 1131). La clause d’agrément prend tout son sens en cas de cession du contrat de franchise avec le fonds de commerce. Le franchiseur qui n’exerce pas le droit de préemption que lui confère le contrat de franchise ne se verra imposer un nouveau franchisé que s’il l’accepte. L’importance de la personne du franchisé dans le contrat de franchise justifie amplement une telle stipulation. Elle ne fait que renforcer le pouvoir d’autoriser la cession de contrat dont dispose tout contractant.

b) La sanction de la violation de la clause de préférence

(101)         La sanction de la violation de la clause de préférence est calquée sur celle de la violation du pacte de préférence.

D’une part, le bénéficiaire du pacte peut engager la responsabilité contractuelle du débiteur de l’obligation qui ne respecte pas son engagement (Cass., civ. 1ère, 15 décembre 1965, Bull. n°718 ; Cass. civ. 1ère, 5 mai 2004, pourvoi n°01-15812). En matière de franchise, le franchiseur dispose de la faculté de résilier le contrat en raison du manquement à l’obligation contractuelle, solution rappelée récemment par deux arrêts, l’un de la Cour d’appel de Paris (CA Paris 7 décembre 2005, jurisdata n°289983), l’autre de la Cour de cassation (Cass. com., 13 décembre 2005, pourvoi n°04-18.243).

Dans la première espèce, l’article 11.4 du contrat de franchise prévoyait que « le franchiseur dispose d’un droit de préférence lui permettant de préempter le ou les biens concernés aux dispositions stipulées dans l’acte transmis et ce pendant le délai d’un mois. Dans le cas où le franchiseur n’exercerait pas son droit de préemption et où le franchisé céderait son fonds de commerce ou les actions ou parts de la société à un successeur non agréé par le franchiseur, il sera fait application de l’article 12 (résiliation) du présent contrat ». La Cour d’appel considère qu’il résulte de ces stipulations combinées, qu’en cas de vente du fonds de commerce exploité par le franchisé, le franchiseur dispose d’un droit de préférence supposant que le franchisé l’informe avec précision sur les conditions exactes de la cession projetée. En l’espèce, le franchisé avait annoncé un prix pour la cession du fonds de commerce au franchiseur qui, finalement, fut inférieur. Par conséquent, la Cour d’appel juge qu’en l’absence de toute information sur les conditions effectives de la cession, le franchiseur n’a pas été en mesure de pouvoir exercer utilement le droit de préemption dont il disposait.

(102)         En outre, le bénéficiaire du pacte peut également engager la responsabilité délictuelle du tiers acquéreur lorsque celui-ci a contracté en connaissance de l’existence du pacte de préférence. Une décision récente de la Chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle cette solution classique (Cass. com., 13 décembre 2005, pourvoi n°04-18.243).La Cour de cassation a retenu la responsabilité délictuelle du tiers puisque le juge du fond avait constaté que le tiers connaissait l’existence du pacte de préférence et avait incité le franchisé à faire preuve de discrétion envers le franchiseur.

(103)         Enfin, le bénéficiaire pourra obtenir la nullité de la vente et sa substitution aux tiers si certaines conditions sont remplies.

Il peut en effet obtenir l’annulation de la vente conclue par le promettant et le tiers en violation du pacte lorsque deux conditions sont réunies : le tiers doit avoir eu connaissance de l’existence du droit de préférence et su que son bénéficiaire entendait s’en prévaloir (Cass., civ. 3ème, 7 décembre 2005, pourvoi n°04-16.237, jurisdata n°031225 ; Cass. com., 7 janvier 2004, pourvoi n°00-11.692, jurisdata n°021750).

(104)         Concernant la substitution pure et simple du bénéficiaire aux lieu et place du tiers acquéreur à l’acte, celle-ci était, traditionnellement, totalement exclue (Cass. civ. 1ère, 4 mai 1957, Bull. civ. I, n°190 ; Cass., Civ. 3ème, 30 avril 1997, pourvoi n°95-17598, jurisdata n°001811 ; Cass., 10 juillet 2002, pourvoi n°00-13.669 ; Cass. com., 27 mai 1986, jurisdata n°099600, Bull. Joly, 1986, p.687).

Or, par un arrêt du 26 mai 2006, qui ne concerne pas le droit de la franchise mais dont la généralité des termes permet d’en étendre la portée à tous les domaines du droit, la Chambre mixte de la Cour de cassation (Cass. ch. mixte, 26 mai 2006, jurisdata n°033690)affirme solennellement : « si le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit (…) d’obtenir sa substitution à l’acquéreur c’est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir ».

(105)         La substitution du bénéficiaire aux lieux et place du tiers acquéreur est donc désormais admise. Elle reste subordonnée aux mêmes conditions que celles requises pour l’annulation de l’acte : le bénéficiaire devra donc démontrer que le tiers acquéreur connaissait l’existence du pacte de préférence ainsi que l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir.

Ces deux preuves sont particulièrement difficiles à rapporter. Reste à savoir si la jurisprudence introduira une présomption portant sur la connaissance par le tiers de la volonté du bénéficiaire de se prévaloir du pacte ou, sinon, un devoir pour celui-ci de « se » renseigner.

L'extinction du contrat de franchise

(106)         La résiliation du contrat de franchise (A) laisse souvent subsister des obligations (B).

A. Résiliation du contrat

(107)         Il convient de distinguer les conditions de la résiliation (1) de ses effets (2).

1. Conditions de la résiliation

(108)         La résiliation du contrat de franchise peut naître du consentement mutuel des parties (a) comme de la volonté unilatérale de l’une d’entre elles (b).

a) La résiliation née du consentement mutuel des parties

F Trois décisions commentées : Trib. com. Roubaix, 8 mars 2006, inédit, RG n°2004-02480 ; CA Orléans 14 octobre 2005, inédit, RG n°62/2005 ; Trib. com. Paris, 9 septembre 2005, inédit, RG n°2004/004816.

(109)         Les décisions relatives à la résiliation du contrat de franchise par l’effet du consentement mutuel des parties sont en principe rares. Une difficulté surgit si la rencontre des volontés est incertaine – soit en raison de son caractère tacite, soit que l’accord intervenu est subordonné à des conditions non réalisées – ou si, malgré la résiliation amiablement intervenue, l’une ou l’autre des parties n’a pas formellement renoncé à agir contre son cocontractant. Les trois décisions commentées illustrent chacune de ces hypothèses.

(110)         Les parties peuvent se mettre d’accord en vue de mettre fin au contrat initial. Ce nouvel accord de volontés – le mutus dissensus – peut être tacite et résulter des circonstances de fait que les juges du fond apprécient souverainement. Pour juger qu’un contrat de franchise a été résilié par l’accord tacite des parties, le Tribunal de commerce de Paris (Trib. com. Paris, 9 septembre 2005, inédit, RG n°2004/004816) retient un faisceau d’indices précis, graves et concordant manifestant la volonté commune d’un franchisé et d’un franchiseur de résilier le contrat qui les liait : en l’espèce, le franchisé avait indiqué au franchiseur « son souhait de résilier le contrat et lui demandait sa confirmation par écrit », faute de réponse, deux autres lettres furent adressées au franchiseur qui, finalement, « proposait la suspension pendant trois mois des redevances de franchise et publicitaires ainsi que son aide » au franchisé pour le cas où ce dernier « souhaitait céder son centre au terme de cette période ». Puis, audit terme, le franchisé décidait de ne pas reprendre le paiement de ses redevances, tandis que le franchiseur ne les lui facturait pas, cessant même de lui envoyer les prospectus des produits habituellement commercialisés par le réseau. Au vu de ses éléments, prolongés dans le temps, le Tribunal observe que les parties n’avaient, ainsi, pas sérieusement voulu poursuivre l’exécution de leur accord.

La décision est d’autant plus fondée que, selon la Cour de cassation, la preuve de l’accord portant sur la cessation du contrat initial n’est pas même soumise à la production d’un écrit (Cass. civ. 1ère, 18 juin 1994, Bull. civ. I, n°175).

(111)         Parfois, le juge n’hésite pas à constater un simple « accord de principe » entre les parties, manifestant leur volonté commune de résilier de manière anticipée le contrat de franchise et à en tirer les conséquences en ordonnant lui-même la résiliation du contrat à la date de l’accord intervenu, tout en aménageant par ailleurs les conséquences pratiques de cette résiliation. Ainsi, dans une espèce récente (Trib. com. Roubaix, 8 mars 2006, inédit, RG n°2004-02480), le franchisé avait proposé la cessation anticipée de son contrat (à échéance au 31 décembre 2003) au franchiseur qui, dès le 1er décembre 2003, l’avait acceptée sous la réserve expresse que trois conditions soient réunies. Les deux premières conditions s’étaient réalisées à cette date ; en revanche, la dernière condition – la régularisation du compte client pour la date de fermeture – n’avait pas été respectée. Le Tribunal ordonne en conséquence la résiliation du contrat au 1er décembre 2003 et condamne le franchisé à régler au franchiseur le montant dudit compte client.

(112)         De plus, lorsqu’il est constant que les parties ont amiablement résilié le contrat de franchise, il se peut que le nouvel accord intervenu – qui met fin au contrat – laisse subsister pour l’une ou l’autre des parties la faculté d’agir en justice contre l’autre.

Une décision rendue par la Cour d’appel d’Orléans en fournit une illustration éclatante puisqu’elle fait droit aux demandes du franchisé qui, postérieurement à la résiliation amiable de son contrat de franchise, avait agit en nullité de ce contrat contre son ex-franchiseur et avait obtenu la condamnation de ce dernier (CA Orléans 14 octobre 2005, inédit, RG n°62/2005).

(113)         Il convient sans doute de ne pas donner une portée générale à une telle solution. En son principe, elle est justifiée par le fait que si la résiliation amiable fait disparaître le contrat, elle ne purge pas nécessairement tous les préjudices que sa nullité peut avoir causés à l’une, l’autre ou aux deux parties. La résiliation amiable n’est pas une annulation, elle ne joue donc, en principe, que pour l’avenir. En outre, selon les causes de nullité (vices du consentement et, notamment, dol), l’allocation de dommages-intérêts peut se révéler indispensable à un parfait effacement des conséquences préjudiciables des faits qui sont à l’origine de l’annulation.

(114)         En d’autres circonstances, la résiliation amiable peut valoir confirmation et, partant, emporter extinction du droit d’agir en nullité. Il suffit qu’elle évoque des causes de nullité et qu’elle manifeste la volonté des parties de les dépasser pour qu’elle ait un effet confirmatif. Il peut certes sembler paradoxal de soutenir qu’une résiliation pourrait valoir confirmation, puisque la première est extinctive alors que la seconde est « confortative ». Mais ce paradoxe sera surmonté par la précision selon laquelle l’effet de confirmation de la résiliation peut être de type « déclaratif » : à l’occasion d’une décision de résiliation amiable, les parties rappellent, fût-ce implicitement, qu’elles ont antérieurement confirmé le contrat. Dans un tel schéma, on ne voit pas de difficulté à la coexistence entre confirmation et résiliation, puisque si elles sont évoquées par le même instrumentum, elles n’ont pas la même date. La conséquence en est l’impossibilité d’agir ultérieurement en nullité. Un tel résultat à l’avantage de ne pas ressusciter une relation contractuelle pour mieux l’anéantir : acceptable en toute rigueur, un tel phénomène ne reste pas moins singulier d’un point de vue pratique.

Afin d’éviter en toute hypothèse un tel résultat, il peut être judicieux d’agrémenter l’accord sur la rupture du contrat de franchise d’une renonciation à agir en annulation, pour quelque cause que ce soit. Encore que cette précaution n’ait pas une efficacité absolue car la renonciation ne joue qu’à l’égard des causes de nullité qui étaient ou qui devaient être connues du renonçant au moment où il a renoncé. Autrement dit, s’il découvre, après la renonciation, une cause de nullité qu’il ignorait et qu’il ne pouvait pas connaître lorsqu’il a renoncé à agir en nullité (telle une manœuvre dolosive du cocontractant), sa renonciation ne saurait rendre irrecevable une action ultérieure en nullité.

Pour éviter un tel résultat, il n’est d’autre voie que la transaction. Une clause de transaction peut, en effet, compléter un contrat de résiliation, à condition qu’elle établisse une véritable transaction, ce qui requiert des concessions réciproques des parties. Rappelons que ces concessions ne sauraient jamais consister dans la renonciation à agir ou à poursuivre une action engagée : il y a là une conséquence de la transaction, qui ne saurait, sans risque d’annulation, être transformée en condition. Si des concessions réciproques effectives sont inscrites dans l’acte de résiliation amiable, il devient transactionnel et purge donc, pour le passé comme pour l’avenir, tout litige fondé sur la même cause, à savoir la relation contractuelle amiablement éteinte.

La transaction emporte plus qu’une renonciation à agir, elle emporte extinction du droit d’agir.

b) La résiliation unilatérale du contrat de franchise

F Cinq décisions commentées : CA Rennes, 17 janvier 2006, jurisdata n°298522 ; CA Pau, 10 octobre 2005, jurisdata n°291080 ; Cass. com., 27 septembre 2005, pourvoi n°03-16.337 ; CA Paris, 21 septembre 2005, jurisdata n°283908 ; CA Nîmes, 23 juin 2005, jurisdata n°282018.

(115)         Rompant avec une jurisprudence classique qui, se fondant sur une autre lecture de l’article 1184, alinéa 3, du Code civil, fait obligation au créancier de saisir le juge, afin que celui-ci prononce la résolution du contrat, sauf dans certains cas qui sont le plus souvent caractérisés par l’urgence ou l’existence de relations de confiance dont le maintien est devenu impossible en raison de la gravité du manquement commis, la Cour de cassation, on le sait, considère que la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls (Cass. civ. 1ère, 13 oct. 1998, Bull. civ. I, n°300), peu important que le contrat soit à durée déterminée ou non (Cass. civ. 1ère, 20 févr. 2001 : Bull. civ. I, n°40).

Ainsi, lorsqu’il est justifié d’un comportement grave, le contrat peut être résilié à l’initiative du franchiseur pour faute du franchisé (i), et inversement (ii).

(i) La résiliation du contrat à l’initiative du franchiseur

(116)         On le sait, le franchiseur peut, à juste titre, résilier le contrat, notamment en cas de non paiement des redevances (CA Poitiers, 22 mars 2005, jurisdata n°273930) ou de non respect de la clause d’exclusivité d’approvisionnement (CA Basse-Terre, 20 octobre 2003, jurisdata n°247239). Les décisions commentées fournissent d’autres exemples de fautes susceptibles d’entraîner la résiliation du contrat de franchise.

(117)         Le dépôt de l’enseigne par le franchisé constitue également une faute justifiant la résiliation. La Cour d’appel de Pau (CA Pau, 10 octobre 2005, jurisdata n°291080) s’est prononcée dans une espèce où le franchisé avait retiré l’enseigne du franchiseur de la devanture de son magasin. La Cour d’appel confirme la décision du Tribunal de commerce de Bayonne qui avait prononcé la résiliation du contrat aux torts du franchisé. La Cour relève que le franchisé « se trouvant en désaccord avec son franchiseur sur une extension de la politique commerciale (…) a unilatéralement entendu s’affranchir des obligations du contrat de franchise ». Le dépôt de l’enseigne du franchiseur constitue une faute justifiant la résiliation du contrat. La preuve de ce manquement était établie puisque le franchisé lui-même reconnaissait dans une lettre qu’il avait écrite qu’il n’exerçait plus sous l’enseigne.

(118)         La résiliation du contrat de franchise pourra se justifier par l’insuffisance du chiffre d’affaires réalisé par le franchisé lorsque le contrat détermine un objectif de vente. Dans une espèce récente, le franchiseur avait résilié un contrat de franchise en invoquant la clause du contrat autorisant la résiliation en cas de non respect de l’objectif de vente fixé à 65% des marchandises livrées. Cependant, la Cour d’appel de Nîmes (CA Nîmes, 23 juin 2005, jurisdata n°282018) considère la résiliation injustifiée, la défaillance du franchisé résultant essentiellement, en l’espèce, de la violation par le franchiseur de ses engagements contractuels.

(119)         Si les juges du fond apprécient avant tout la légitimité du motif justifiant la résiliation du contrat, ils restent également attentifs à la date à laquelle la décision de résiliation intervient.

Ainsi, la Cour d’appel de Nîmes (CA Nîmes, 23 juin 2005, jurisdata n°282018)juge fautive la résiliation intervenue seulement dix mois après le début de l’exploitation du point de vente, avant même la fin du premier exercice annuel, de sorte que la décision de résiliation ne pouvait être valablement prise, ce d’autant qu’il s’agissait de l’implantation d’une nouvelle marque. Le juge du fond en conclut que le franchiseur ne pouvait donc reprocher au franchisé de ne pas avoir atteint les objectifs contractuels.

Dans une autre espèce – assez originale – se posait la question de savoir si certaines des obligations réciproques convenues entre le franchiseur et le franchisé parallèlement au contrat de franchise pouvaient être résiliées à une date distincte de celle de la résiliation du contrat de franchise. En effet, les parties avaient signé un contrat de franchise ainsi que, suivant courriers non datés, des prestations dites « complémentaires » audit contrat, consistant en une série de prestations de services inhérentes à la gestion de l’entreprise franchisée (paie, contrôle de gestion et délégation d’un conseiller commercial). Le franchisé décida tout d’abord de mettre fin à ces prestations complémentaires. Le franchiseur actionna le franchisé en paiement des sommes dues en application du contrat de franchise et desdites prestations complémentaires, puis résilia unilatéralement le contrat de franchise de manière anticipée et avec effet immédiat. Le bien fondé de la résiliation unilatérale du contrat par le franchiseur ne fut débattue qu’en première instance, le franchisé – condamné – renonçant à la remettre en cause devant la Cour d’appel. La juridiction du second degré, qui devait se prononcer sur la question essentielle de savoir si ces différents contrats pouvaient être résiliés à des dates distinctes, considéra que ces actes constituaient un tout ne pouvant être remis en question qu’à l’occasion des échéances prévues. La Cour de cassation (Cass. com., 27 septembre 2005, pourvoi n°03-16.337) casse l’arrêt de la Cour d’appel, au visa de l’article 1134 du Code civil, au motif « qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que les époux avaient sollicité de la société (franchiseur) complémentairement à l’accord de franchise plusieurs prestations supplémentaires, énonciations dont il résulte que ces prestations étaient indissociables de l’accord de franchise, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ».

(ii) La résiliation du contrat à l’initiative du franchisé

(120)         Le franchisé pourra résilier valablement le contrat de franchise lorsque le franchiseur manque à l’une de ses obligations essentielles telles que notamment, la transmission du savoir-faire (Cass. com., 24 mai 1995, pourvoi n°92-15846), la mise à disposition d’une marque ou la fourniture d’assistance (Cass. com., 7 mars 1995, pourvoi n°93-10.368).

(121)         Encore faut-il tout d’abord que la résiliation intervienne pour un juste motif.

Dans une espèce intéressante, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 21 septembre 2005, jurisdata n°283908) a jugé que le non paiement des fournitures par le franchisé justifiait la suspension par le franchiseur de l’approvisionnement. Elle se fonda en premier lieu sur l’article 1131 du Code civil relatif à la cause en considérant que dans les contrats synallagmatiques, l’obligation de chaque contractant trouvant sa cause dans l’obligation de l’autre. Elle visa en second lieu l’article 1612 du Code civil qui énonce que le vendeur n’est pas tenu de délivrer la chose si l’acheteur n’en paye pas le prix et que le vendeur ne lui a pas accordé un délai pour le paiement. Ainsi, indubitablement, le paiement par le franchisé du prix des marchandises par lui acquises constitue l’obligation corrélative de celle, incombant au franchiseur, de livrer lesdites marchandises. Dès lors, ne commet aucune faute, le franchiseur ayant cessé de livrer dès l’instant qu’il n’était plus réglé.

Ensuite, la Cour releva, au surplus, que le contrat de franchise lui-même prévoyait que tout retard de paiement devait entraîner automatiquement, sans mise en demeure, l’application d’intérêts de retard, sans préjudice pour le franchiseur, sa filiale ou son concessionnaire de suspendre la livraison de toutes les commandes en cours. Ainsi, soulignait-elle que le franchiseur n’avait donc fait que mettre en œuvre les stipulations du contrat de franchise en cas d’impayés du franchisé, lesquelles n’étaient, ainsi que le relève la Cour, « que la traduction sur le plan conventionnel des articles susmentionnés du Code civil et du principe de l’interdépendance des obligations réciproques résultant d’un contrat synallagmatique, lequel donne le droit à l’une des parties de ne pas exécuter son obligation quand l’autre n’exécute pas la sienne ».

Dès lors, la Cour considéra fautive la résiliation, intervenue en l’espèce à l’initiative du franchisé, par suite de la suspension de l’approvisionnement.

(122)         Quel qu’en soit le motif, les juges du fond apprécient la légitimité de la résiliation au regard du comportement adopté par les parties tout au long de l’exécution du contrat.

Ainsi, dans une espèce récente, la Cour d’appel de Rennes (CA Rennes, 17 janvier 2006, jurisdata n°298522) s’est attachée à relever que le contrat de franchise avait été exécuté sans heurt pendant treize ans par les deux parties, qui l’avaient même renouvelé sans réserve. La Cour note ensuite que « c’est uniquement à la suite d’un dysfonctionnement informatique récent que les relations entre les parties se sont dégradées » et « qu’il ne peut être fait grief à une entreprise qualifiée pour la vente de bijoux de ne pas maîtriser l’outil informatique ». Le juge ajoute que le franchiseur avait, en l’espèce, tenté de résoudre les difficultés liées à l’installation du nouveau logiciel puisqu’il a organisé un stage de formation avant la mise en place de celui-ci et avait envoyé aux franchisés de nombreux courriers explicatifs. Malgré ces circonstances, propres il est vrai à écarter en l’espèce la responsabilité du franchiseur, la Cour d’appel de Rennes retient, finalement, que le franchisé pouvait « légitimement être insatisfait des nouvelles méthodes imposées par le franchiseur et résilier le contrat ».

(123)         Outre la légitimité du motif invoqué, les juges du fond vérifient si la mise en œuvre de la résiliation a respecté les délais de préavis prévus au contrat.

Dans l’espèce précitée (CA Rennes, 17 janvier 2006, jurisdata n°298522), le franchisé avait résilié unilatéralement le contrat de franchise, avec effet immédiat, sans respecter le délai de préavis de six mois prévu par le contrat. Après avoir retenu la légitimité du motif de résiliation, la Cour fait néanmoins grief au franchisé de n’avoir pas respecté le préavis contractuel et, en conséquence, le condamne au paiement des redevances dues au franchiseur jusqu’au terme du préavis.

2. Effets de la résiliation

(124)         Lorsqu’elle est fautive, la résiliation peut justifier la réparation par son auteur du préjudice qu’il a causé à son cocontractant : cette réparation est abandonnée à l’appréciation souveraine du juge (a) ou peut être forfaitisée par le contrat de franchise lui-même (b).

a) Détermination des préjudices consécutifs à la résiliation

F Onze décisions commentées : CA Aix-en-Provence, 29 mai 2006, jurisdata n°306573 ; Trib. com. Bordeaux, 9 mai 2006, inédit, RG n°2005F00180 ; Trib. com. Roubaix, 8 mars 2006, inédit, RG n°2004-02480 ; CA Rennes, 17 janvier 2006, jurisdata n°298522 ; CA Versailles, 24 novembre 2005, inédit, RG n°04/04461 ; Trib. com. Paris, 6 octobre 2005, inédit, RG n°2003/033054 ; Trib. com. Paris, 28 septembre 2005, inédit, RG n°2002/055929 ; CA Paris, 21 septembre 2005, jurisdata n°283908 ; Trib. com. Paris, 9 septembre 2005, inédit, RG n°2004/004816 ; CA Nîmes, 23 juin 2005, jurisdata n°282018 ; Trib. com. Chambéry, 10 juin 2005, inédit, RG n°2004-0402.

(125)         La résiliation du contrat de franchise ouvre droit à réparation au profit du contractant non fautif. Les dernières décisions rendues apportent des précisions utiles quant aux différents postes de préjudices indemnisables. Il convient de distinguer selon que le préjudice a été causé au franchisé ou au franchiseur.

(126)         Ainsi, lorsque la résiliation fautive est imputable au franchiseur, le franchisé pourra obtenir notamment la réparation des préjudices suivants (CA Nîmes, 23 juin 2005, jurisdata n°282018) : la perte d’exploitation, dès lors que les chiffres avancés par le franchisé sont établis par un professionnel du chiffre et attesté par lui, tout en étant corroboré par des déclarations fiscales ; le préjudice commercial ; le préjudice moral ; le coût des travaux réalisés en vue de l’ouverture du magasin, dès lors que les dépenses sont justifiées (ce poste de préjudice prête à discussion car seul les frais spécifiques à la franchise devraient logiquement être indemnisés).

Le « manque sur chiffre d’affaire escompté » n’est pas indemnisable lorsque le franchiseur ne l’a pas garanti (CA Aix-en-Provence, 29 mai 2006, jurisdata n°306573).

Lorsque, comme souvent, le contrat a été conclu par une société, la personne de son gérant n’est en revanche pas recevable à agir à titre personnel, faute de qualité au sens de l’article 31 du NCPC (Trib. com. Paris, 9 septembre 2005, inédit, RG n°2004/004816 ; v. dans le même sens, Trib. com. Paris, 6 octobre 2005, inédit, RG n°2003/033054 : rejet d’une demande d’indemnisation consécutive à la nullité du contrat).

(127)         A l’inverse, lorsque la résiliation fautive est imputable au franchisé, le franchiseur pourra notamment obtenir, selon les cas, la réparation des préjudices suivants : le manque à gagner jusqu’au terme contractuel (Trib. com. Paris, 28 septembre 2005, inédit, RG n°2002/055929), le paiement des redevances de franchise jusqu’au terme du contrat (Trib. com. Bordeaux, 9 mai 2006, inédit, RG n°2005F00180), y compris celles qui sont dues au cours de la période de préavis contractuel (CA Rennes, 17 janvier 2006, jurisdata n°298522), le préjudice correspondant à la « possibilité de poursuivre la distribution de ses produits au travers de la convention de franchise irrégulièrement interrompue » (CA Paris, 21 septembre 2005, jurisdata n°283908), voire – de manière semble-t-il plus critiquable – les frais avancés par le franchiseur pour l’aménagement des locaux du franchisé (Trib. com. Paris, 28 septembre 2005, inédit, RG n°2002/055929).

(128)         Enfin, la condamnation au paiement de dommages-intérêts de l’une des parties pour rupture abusive du contrat de franchise n’est pas exclusive de la condamnation de son cocontractant, lorsque celui-ci a lui-même commis des fautes ; dans ce cas, la résiliation est prononcée aux torts partagés et les juges du fond procèdent à la compensation entre les deux condamnations prononcées à hauteur de la plus faible d’entre elles (Trib. com. Roubaix, 8 mars 2006, inédit, RG n°2004-02480 ; CA Versailles, 24 novembre 2005, inédit, RG n°04/04461 ; CA Nîmes, 23 juin 2005, jurisdata n°282018).

b) Clause pénale

F Cinq décisions commentées : CA Caen, 29 septembre 2005, jurisdata n°299499 ; CA Nîmes, 8 septembre 2005, inédit, RG n°03/03202 ; Cass. com., 28 juin 2005, pourvoi n°04-10.038 ; Trib. com. Chambéry, 26 août 2005, inédit, RG n°2004/00521 ; Trib. com. Chambéry, 10 juin 2005, inédit, RG n°2004-0402.

(129)         Plusieurs décisions intéressant le champ de notre étude conduisent à évoquer trois questions majeures : l’identification de la clause pénale, ses conditions de mise en œuvre, et son incidence sur la validité des autres stipulations du contrat de franchise.

(130)         La question de la qualification de la clause pénale est cruciale dès l’instant que le débiteur souhaite faire réduire par le juge le montant forfaitaire que le contrat met à sa charge en cas d’inexécution de ses obligations. A cet égard, il est sage de se référer à la définition qu’en donne la Cour de cassation : la clause pénale est celle « par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d’avance l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution de l’obligation contractée » (Cass. civ. 1ère, 10 oct. 1995, Bull. civ. I, n°347). La Cour de cassation approuve la Cour d’appel ayant écarté la qualification de clause pénale insérée dans un contrat de franchise au motif que « le franchiseur n’était pas tenu d’un engagement ferme et définitif en cas d’inexécution fautive » (Cass. com., 28 juin 2005, pourvoi n°04-10.038). La clause dont la qualification était discutée, insérée à l’article 12.2 du contrat, précisait que « pour le cas où le contrat de franchise prendrait fin par anticipation, en raison de fautes commises par le franchiseur, le franchisé pourra réclamer au franchiseur une indemnité établie et calculée dans les mêmes conditions que ci-dessus ». L’article 12.2 renvoyait ainsi à l’article 12.1 qui, relatif à la résiliation aux torts du franchisé, stipulait : « le franchisé devra verser au franchiseur, à titre d’indemnité forfaitaire de rupture, une indemnité égale à la moitié des redevances proportionnelles qui auraient été dues pour le temps restant à courir du contrat, estimée sur la base des douze derniers mois ». Il est vrai que la rédaction de ces clauses était particulière : autant l’article 12.1 prévoyait-il un engagement ferme et définitif du franchisé (« devra verser au franchiseur … »), autant l’article 12.2 ne prévoyait pas un tel engagement du franchiseur (« pourra réclamer au franchiseur … »).

Il est permis d’estimer cependant que le caractère apparemment facultatif du paiement envisagé par l’article 12.2 ne valait pas du point de vue du franchiseur débiteur, mais seulement pour le franchisé créancier : celui-ci pouvait réclamer au franchiseur le paiement de la somme due en cas d’inexécution, sans être tenu de faire telle réclamation, dont il apprécierait discrétionnairement l’opportunité.

En revanche, le franchiseur débiteur ne pouvait en aucune manière se soustraire à la demande de paiement de la somme si elle lui été adressée par le franchisé. L’obligation n’avait donc rien de facultatif pour son débiteur. Dès lors, contrairement à ce qu’affirme la Cour de cassation, le franchiseur était tenu – selon nous – d’un engagement ferme et définitif en cas d’inexécution fautive. L’arrêt du 28 juin 2005 est donc discutable en ce qu’il accorde une importance manifestement excessive au verbe « pouvoir » dans la formule « pourra réclamer au franchiseur … ». Rappelons, d’ailleurs, que le créancier a toujours le choix «  au lieu de demander la peine stipulée contre le débiteur qui est en demeure, (de) poursuivre l’exécution de l’obligation principale » (art. 1228 C. Civ.). C’est à la lumière de ce texte qu’il aurait fallu interpréter l’article 12.2 du contrat considéré. La clause pénale ne fait pas perdre au créancier le bénéfice des sanctions de droit commun : il peut s’en tenir à la résolution du contrat (Cass. Civ. 3ème, 22 févr. 1978, Bull. civ. III, n°99) ; il peut préférer l’exécution en nature (Req., 21 juill. 1885, D. 1886, 1, p.326) ou demander la condamnation sous astreinte du débiteur.

(131)         Les conditions nécessaires à la mise en oeuvre de la clause pénale font, d’une manière générale, l’objet d’un contrôle strict par le juge, notamment au plan du formalisme.Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Nîmes (CA Nîmes, 8 septembre 2005, inédit, RG n°03/03202) souligne, par voie d’obiter dictum, qu’une clause pénale est inapplicable lorsque la condition nécessaire à sa mise en œuvre, supposant l’envoi préalable d’une « mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la partie défaillante, avec un délai d’un mois pour s’exécuter », n’a pas été respectée. Lorsque ces conditions sont en revanche vérifiées, la clause pénale peut trouver à s’appliquer : est ainsi condamné au paiement de la clause pénale, le franchisé tenu pour responsable de la résiliation du contrat de franchise en raison de factures laissées impayées (Trib. com. Chambéry, 26 août 2005, inédit, RG n°2004/00521 ; Trib. com. Chambéry, 10 juin 2005, inédit, RG n°2004-0402).

(132)         Le contenu de la clause pénale n’est pas indifférent à l’appréciation par le juge d’autres stipulations du contrat de franchise. Ainsi, une décision récente de la Cour d’appel de Caen déclare nulle une clause de non-réaffiliation insérée dans un contrat de franchise qui ne présentait pas le caractère de proportionnalité (requis par la jurisprudence) en comparaison de la clause pénale qui figurait également au contrat, considérant que la clause de non-réaffiliation avait alors « pour but et pour effet de dissuader les franchisés, par une sanction dépassant la réparation du préjudice du franchiseur prévue par une clause pénale et donc disproportionnée, de résilier le contrat par anticipation » (CA Caen, 29 septembre 2005, jurisdata n°299499).

B. Les relations post contractuelles

(133)         Le franchiseur (1) et le franchisé (2) peuvent rester tenus l’un à l’égard de l’autre postérieurement à la cessation du contrat de franchise.

1. Les obligations post contractuelles du franchiseur

F Une décision commentée : CA Paris, 23 février 2006, inédit, RG n°2005/1782.

(134)         Une décision non encore publiée à notre connaissance offre une illustration des obligations contractuelles pouvant incomber au franchiseur postérieurement à la cessation du contrat de franchise.

En l’espèce, les parties avaient signé deux contrats. Un contrat d’adhésion, conclu pour dix ans et tacitement renouvelable, par lequel une personne physique s’engageait à exploiter une surface de vente sous l’enseigne du distributeur, l’ouverture de chaque point de vente devant donner lieu à la signature d’un contrat de franchise. Selon l’article 3 de ce contrat d’adhésion, le distributeur prenait l’engagement « de proposer à ses adhérents des projets de reprise ou de création de point de vente, en fonction de différents critères, déterminés par le franchiseur et acceptés par l’adhérent franchisé qui, après proposition du franchiseur, présente un projet ». Après avoir successivement ouvert deux points de vente, l’intéressé décidait de céder les parts sociales de la société d’exploitation qu’il avait initialement constituée, mais demandait au franchiseur de lui proposer une nouvelle implantation, par application de l’article 3 susvisé.

Pour se considérer libéré de toute obligation à ce titre, le franchiseur avançait deux moyens. En premier lieu, selon lui, la résiliation du contrat de franchise avait entraîné la cessation du contrat d’adhésion – et, partant, l’extinction de l’obligation résultant de l’article 3 précité – l’article 6 du contrat d’adhésion prévoyant que « la rupture d’un contrat de franchise conclu par l’adhérent en sa qualité de mandataire social entraîne(rait) la rupture des présentes ». Il avançait également, en second lieu, au surplus, que le contrat d’adhésion devait prendre fin, faute de cause, au moment de la cessation du contrat de franchise.

Pour considérer que l’engagement du franchiseur, issu du contrat d’adhésion, avait survécu à la cession par le franchisé de son dernier point de vente, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 23 février 2006, inédit, RG n°2005/1782)écarte ces deux moyens. Sous réserve de l’avis contraire qui pourrait résulter d’une lecture intégrale de ces contrats, il nous semble bien que le second moyen invoqué était manifestement voué à l’échec ; comme le relève en effet la Cour d’appel, dans une telle situation, « le contrat de franchise n’est pas la cause du contrat d’adhésion », ce d’autant que le contrat d’adhésion ne subordonnait pas la naissance de l’obligation prévue à l’article 3 à l’existence d’un contrat de franchise, l’adhésion étant au contraire « la condition nécessaire et préalable de la franchise ». La cause du contrat d’adhésion tenait, en définitive, dans la faculté pour l’adhérent de pouvoir signer un ou plusieurs contrats, et non dans l’existence d’un contrat de franchise proprement dit. Le premier moyen était en revanche plus discutable ; il tenait à la maladresse rédactionnelle de l’article 6 du contrat d’adhésion, qui ouvrait à interprétation par le juge de la volonté des parties, conformément aux dispositions des articles 1156 et suivants du Code civil.

(135)         On mesure aussitôt l’importance de la précision apportée à la rédaction d’une telle clause. La volonté des parties – qui s’impose au juge à condition d’être clairement exprimé – aurait pu conduire, en pareille circonstance, à toutes sortes d’aménagements contractuels.

2. Les obligations post contractuelles du franchisé

(136)         L’examen de la jurisprudence contemporaine conduit à s’interroger sur certaines des obligations incombant au franchisé : il doit toujours restituer au franchiseur les éléments distinctifs de la franchise (a) et respecter parfois un engagement contractuel de non-concurrence ou de non-réaffiliation (b).

a) L’interdiction d’utiliser les signes distinctifs

F Quatre décisions commentées : CA Aix-en-Provence, 18 mai 2006, jurisdata n°305117 ; CA Colmar, 7 mars 2006, jurisdata n°298557 ; CA Versailles, 24 novembre 2005, inédit, RG n°04/04461 ; CA Bordeaux, 5 septembre 2005, jurisdata n°291213.

(137)         Les signes distinctifs du franchiseur constituent un élément essentiel de sa réussite et de celle des membres de son réseau, en témoigne une affaire récente et originale – que l’on signalera ici d’emblée pour mémoire – opposant un franchiseur à un master franchisé qui, lors des pourparlers, avait déposé une marque en fraude des droits dudit franchiseur, avant d’être condamné à ce titre par la Cour d’appel de Bordeaux sur le fondement de l’article L.712-6 du Code de la propriété intellectuelle (CA Bordeaux, 5 septembre 2005, jurisdata n°291213).

La question – plus fréquente – qui nous intéresse ici concerne la mise à disposition par le franchiseur au profit du franchisé d’une marque et des signes de ralliement de la clientèle ; c’est là l’un des éléments essentiels du contrat de franchise, au même titre que la transmission du savoir–faire et l’assistance continue. Or, l’on sait bien que, dès la cessation du contrat, quel qu’en soit la cause, le franchisé doit restituer les signes distinctifs et cesser de les utiliser. Il s’agit notamment de la marque (CA Paris, 4 mai 2001, jurisdata n°145840), l’enseigne (CA Aix-en-Provence, 18 mai 2006, jurisdata n°305117), le nom de domaine (CA Montpellier, 21 sept. 2004, jurisdata n°263917), le logo (CA Paris, 26 novembre 1999, jurisdata n°117904), les initiales renvoyant à la franchise (Pau, 14 mai 1992, jurisdata n°042818), les aménagements et agencements du magasin spécifiques au concept du franchiseur (CA Grenoble, 10 mars 1998, jurisdata n°045725), les documents publicitaires (CA Orléans, 8 mars 2001, jurisdata n°159310) et, plus généralement, tous les autres supports du savoir-faire. Le franchiseur aura le souci premier de mettre fin à l’utilisation par l’ancien franchisé de ses signes distinctifs et à la confusion créée dans l’esprit du public en agissant dans certains cas par la voie du référé.

Il pourra aussi agir au fond pour obtenir la réparation de son préjudice et obtenir, le cas échéant, la restitution de l’enseigne sous astreinte (Trib. com. Chambéry, 26 août 2005, inédit, RG n°2004/00323) ou le retrait de la mention de l’enseigne dans les Pages Jaunes de l’annuaire électronique  (CA Versailles, 24 novembre 2005, inédit, RG n°04/04461).

(138)         L’action en concurrence déloyale permet de faire cesser les agissements illicites et/ou la condamnation à des dommages-intérêts dès lors que n’est pas démontrée l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice. La jurisprudence apprécie de façon souple la réunion de ses trois conditions (Cass. com., 22 février 2000, pourvoi n°97-18.728).

La Cour d’appel de Colmar (CA Colmar, 7 mars 2006, jurisdata n°298557) vient de se prononcer dans une espèce où le franchiseur reprochait à son ancien franchisé de maintenir l’agencement du magasin et d’utiliser ses signes distinctifs, en particulier les couleurs spécifiques et l’agencement extérieur des points de vente. L’intérêt du litige résultait essentiellement de l’article 15 du contrat de franchise, qui avait vocation à préciser la nature des signes distinctifs dont l’utilisation était prohibée postérieurement à la cessation du contrat : «  (…) le franchisé cessera immédiatement toute utilisation à quelque titre que ce soit de la marque (du franchiseur), ainsi que de tous emblèmes, posters, affiches et de tous éléments publicitaires promotionnelles distinctifs liés à la franchise et en particulier tous matériels, documents ou articles portant la marque (du franchiseur). Le franchisé devra immédiatement procéder à la dépose de ou des enseignes (du franchiseur). Le franchisé procédera à toute modification complémentaire spécifique des locaux, de leur agencement ou décoration qui seraient nécessaires pour prévenir toute association, confusion ou ressemblance avec le réseau, et notamment modifier les couleurs spécifiques (bleu et blanc) ».

Après avoir fait droit à certains chefs de demande du franchiseur, fondés sur la violation par le franchisé de l’article 15 précité du contrat de franchise, la Cour d’appel de Colmar adopte une position plus nuancée. Elle considère, s’agissant de l’agencement extérieur du magasin, que la rédaction de cette clause était insuffisante pour en inférer « une interdiction d’utiliser la couleur bleue ». Ce faisant, elle ajoute qu’en l’espèce le franchisé utilise les couleurs jaune et bleue, que le bleu utilisé est d’une nuance totalement distincte de celui utilisé par le franchiseur, de sorte qu’il n’est pas établi que le franchisé ait violé son obligation contractuelle.

La décision est révélatrice de la marge de manœuvre importante dont dispose le juge lorsque le contrat de franchise manque de précision ; l’interdiction d’utiliser toute couleur bleue était possible dès l’instant qu’elle apparaissait comme telle dans le contrat, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Le principe est, en effet, celui du respect de la loi des parties, ce qui ne peut que les inciter à être le plus explicite s’agissant, tout particulièrement, des spécifications techniques ou matérielles telles la couleur des signes, emblèmes, éléments distinctifs et publicitaires que le franchisé ne peut plus employer, après la rupture du contrat.

La limite de cette liberté contractuelle d’organisation de l’interdiction relative aux signes distinctifs réside, nous semble-t-il, dans la nécessité de maintenir une corrélation suffisante entre les éléments de distinction dont l’usage est interdit au franchisé, après la cessation du contrat, et ceux qui caractérisaient les produits et services compris dans le contrat de franchise. Pour reprendre l’exemple de la couleur bleue, il est permis de considérer qu’est licite, parce que proportionné à l’objectif de protection du savoir-faire du franchiseur, l’emploi, par le franchisé, après la cessation du contrat, d’une gamme de bleu identique à celle employée par le franchiseur pour les signes distinctifs de ses produits et services, ainsi qu’un bleu qui en soit suffisamment proche. Inversement, un bleu d’une gamme sans rapport suffisant avec celui et ceux employés pour distinguer les produits et services du franchiseur ne saurait être soustrait au pouvoir d’utilisation du franchisé, après l’expiration du contrat, sans exposer cette interdiction à une remise en cause judiciaire, que ce soit sous couvert d’interprétation du contrat ou de contrôle de proportionnalité (par le truchement du contrôle de la cause : cantonnement de l’interdiction à telles gammes de bleu sur le fondement de l’absence partielle de cause).

(139)         De même, la décision de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 18 mai 2006, jurisdata n°305117) constitue un autre exemple de la possibilité du franchiseur de protéger sa marque.

Le franchiseur, qui constate un usage abusif de sa marque et des signes distinctifs par un ancien franchisé, peut agir en contrefaçon sur le fondement de l’article L.713-2 a) du Code de la propriété intellectuelle, selon lequel : « sont interdits sauf autorisation du propriétaire la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : formule, façon, système, imitation, genre, méthode ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement ».

En effet, l’ancien franchisé qui conserve un autocollant reproduisant la marque de son ex-franchiseur en bas de sa vitrine et qui utilise encore l’enseigne sous son nom sur l’annuaire téléphonique fait faussement croire à sa clientèle qu’il est encore lié à la franchise, deux ans après le terme du contrat. De plus, cette confusion était entretenue par la référence frauduleuse à l’ancienne appartenance du franchisé au réseau sur les annonces publicitaires parues dans la presse.

La Cour relève alors plusieurs actes susceptibles de constituer des actes de contrefaçon. La contrefaçon est établie, l’ancien franchisé a utilisé la marque et ces représentations sans l’autorisation du franchiseur, propriétaire de celle-ci ou du bénéficiaire de droits exclusifs sur celle-ci.

b) Les clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation

(140)         La jurisprudence contemporaine apporte des précisions utiles sur les moyens de défense dont dispose le franchisé débiteur d’un engagement de non-concurrence ou de non-réaffiliation. Celui-ci peut tenter de remettre en cause la validité de l’engagement de non-concurrence ou de non-réaffiliation proprement dit, conduisant à une appréciation au cas par cas des situations considérées (i). En revanche, sauf clause particulière, la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur laisse toujours subsister l’engagement de non-concurrence (ii).

(i) La validité des clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation

F Quatre décisions commentées : Cass. com., 17 janvier 2006, jurisdata n°031799, Bull. civ. IV, n°9, p.8, jurisdata n°031799 ; CA Paris, 4 janv. 2006, inédit, RG n°2005/08492 ; CA Versailles, 24 novembre 2005, inédit, RG n°04/04461 ; CA Caen, 29 septembre 2005, jurisdata n°299499.

(141)         Pour échapper à la mise en œuvre de telles clauses, le franchisé peut tout d’abord songer à exciper de la nullité du contrat lui-même car, conformément au droit commun, le franchiseur ne peut alors invoquer la clause de non-concurrence(CA Paris, 8 avr. 2004, jurisdata n°254237) ou de non-réaffiliation. Mais, lorsque la validité du contrat n’est pas contestable – ou pas contestée –, le franchisé peut remettre en cause la validité de clause proprement dite. Quelques rappels préalables s’imposent pour mieux comprendre la portée des décisions de jurisprudence ci-après commentées.

(142)         On le sait, tout engagement de non-concurrence, qui restreint une liberté économique essentielle, ne peut être valablement contracté que si la restriction d’activité qui en résulte pour le débiteur est à la fois limitée, d’une part, quant au genre d’activité concernée et, d’autre part, dans l’espace et dans le temps, et, enfin, se trouve ainsi « proportionnée aux intérêts légitimes à protéger » selon la formule rapidement consacrée par la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 11 mai 1999 : Contrats, conc., consom. 1999, comm. n°137).

Lorsque cette convention constitue par ailleurs un accord entre entreprises susceptible d’affecter le commerce entre États membres de la Communauté européenne et si elle a pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, elle tombe sous le coup de la prohibition de principe énoncée à l’article 85, § 1 (devenu en 1999, art. 81, § 1) du Traité du 25 mars 1957, et se trouve sanctionnée par la nullité (§ 2), sauf à bénéficier d’une exemption en application du § 3 du même article.

Deux règlements d’exemption se sont succédé. Le règlement CE n°4087/88 de la Commission des communautés européennes concernant l’application de l’article 85, paragraphe 3, à des « catégories d’accord de franchise », dont l’article 3, § 1 c) permet d’imposer au franchisé l’obligation de « ne pas exercer, directement ou indirectement, une activité commerciale similaire dans un territoire où il concurrencerait un membre du réseau franchisé, y compris le franchiseur ; cette obligation peut être imposée au franchisé après la fin de l’accord pour une période raisonnable n’excédant pas un an, dans le territoire où il a exploité la franchise » et « dans la mesure où cette obligation est nécessaire pour protéger des droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour maintenir l’identité commune ou la réputation du réseau franchisé ». Puis, ce texte a été fondu en un règlement unique applicable à tous les accords de distribution, le nouveau règlement n°2790/99 du 22 décembre 1999, dont l’article 5.b°) ne fait plus expressément du maintien ou de l’identité et la réputation du réseau des intérêts primordiaux de nature à permettre l’efficacité de la clause, mais exige que la clause considérée soit « indispensable à la protection d’un savoir-faire transféré par le fournisseur à l’acheteur ».

La portée des règlements d’exemption est donc assez relative. Ils n’ont pour objet que de définir les conditions permettant de bénéficier de l’exemption ; dès lors, la clause considérée n’est pas nulle, quoiqu’elle n’en remplisse pas les conditions, lorsqu’il n’est pas établi qu’elle a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun. La solution a été posée de longue date par la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE, 18 déc. 1986, aff. 10/86) avant d’être consacrée dans notre droit interne (Cass. com., 3 déc. 2003, jurisdata n°021438).

(143)         De là, le rôle de la jurisprudence est essentiel. Les décisions récentes assimilent les clauses de non-affiliation aux clauses de non-concurrence (α) et précisent les critères permettant d’apprécier leur validité (β).

(α) L’assimilation des clauses de non-affiliation et de non-concurrence

(144)         Les clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation sont insérées dans les contrats de franchise afin de prémunir le franchiseur contre la volonté du franchisé, qui a bénéficié de son savoir-faire et de son expérience pendant plusieurs années, d’exercer la même activité en marge du réseau, soit sous sa propre enseigne, soit en intégrant un réseau concurrent du premier. La clause de non-concurrence revient à interdire au franchisé d’exercer son activité tout en concurrençant le franchiseur et les membres du réseau. La clause de non-réaffiliation, très répandue en matière de franchise, interdit au franchisé ayant quitté le réseau d’utiliser, pendant une période déterminée, l’enseigne d’un réseau concurrent de celui de son ancien franchiseur et de proposer à la vente des marchandises sous une marque liée à un tel réseau dans un territoire déterminé.

Dans un premier temps, les clauses de non-réaffiliation étaient soumises à un régime distinct de celui des clauses de non-concurrence.

Ainsi, notamment, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 18 déc. 1998, D. aff. 1999, p.420) refusait d’appliquer à une clause de non-réaffiliation le règlement d’exemption n°4087 du 30 novembre 1988 – qui limite à une année l’application d’une clause de non-concurrence –, considérant que ce règlement ne concerne que les clauses de non rétablissement de l’ancien franchisé, et non la clause interdisant l’adhésion au réseau concurrent.Cette distinction de régime fut longtemps admise au motif, notamment, que les clauses de non-réaffiliation ne ferait que restreindre – et non interdire – l’exercice de son activité par celui qui s’oblige (E. André, P. Dumont, Ph. Grignon, L’après contrat, Lefebvre 2005, n°194, p.164). De même, la Cour de cassation semblait hostile à assimiler pareille stipulation à une véritable clause de non-concurrence, au motif « qu’elle n’interdit nullement la poursuite d’une activité commerciale identique sous une autre enseigne » (Cass. com., 22 févr. 2000 : Contrats, conc. consom. 2000, n°92, obs. M. Malaurie-Vignal).

(145)         Deux décisions récentes assimilent les deux clauses en leur conférant un régime commun.

La Cour de cassation (Cass. com., 17 janvier 2006, jurisdata n°031799)assimile implicitement mais nécessairement les deux types de clauses, en motivant sa décision sur le fondement de l’article 3 du règlement CE n°4087/88, en vigueur à l’époque des faits, alors que l’application de ce texte avait été par principe écartée dans la décision précitée rendue le 18 décembre 1998 par la Cour d’appel de Paris. De même, la Cour d’appel de Caen (CA Caen, 29 septembre 2005, jurisdata n°299499)affirme clairement que la clause de non-réaffiliation doit « être assimilée à une clause de non concurrence » et en subordonne la validité aux mêmes critères de nécessité et de proportionnalité.

Ces solutions peuvent se justifier car la distinction entre les deux types de clauses est essentiellement artificielle, les effets de la clause de non-réaffiliation pouvant d’ailleurs se révéler aussi contraignants que ceux résultant de la clause de non-concurrence (v. en ce sens, M. Malaurie-Vignal, note sous Cass. com., 17 janvier 2006, précité, Contrats, conc. consom., avril 2006, p.18).

(β) Les conditions de validité des clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence

(146)         La validité de telles clauses est subordonnée à trois conditions. Tout d’abord, la restriction d’activité qu’elle entraîne pour le débiteur doit être limitée quant au genre d’activité concernée. Ensuite, la clause doit être limitée dans le temps et dans l’espace. Ces exigences posent rarement difficulté en pratique. L’ultime condition – la plus importante – impose que la restriction de concurrence soit proportionnée aux intérêts légitimes du créancier de l’obligation, le franchiseur, au regard de l’objet du contrat. Elle est constamment rappelée par une jurisprudence récente de la Cour de cassation, notamment à propos des clauses de non-concurrence établies entre franchiseurs et franchisés (Cass. com., 7 janvier 2004, pourvoi n°02-17.091 ; Cass. com., 1er juill. 2003, jurisdata n°019880).

La Cour de Caen – qui avait à connaître de la validité d’une clause de non-réaffiliation – reprend l’énoncé de cette condition par une formulation voisine : « il est constant que tant en droit français qu’en droit européen une clause de non-concurrence, même limitée dans le temps et dans l’espace doit, pour être valable tendre à la protection légitime de l’entreprise bénéficiaire » (CA Caen, 29 septembre 2005, jurisdata n°299499).

Cette condition se décompose en deux propositions bien distinctes, dont l’examen permet de déceler une certaine évolution en jurisprudence : pour être valable, une telle clause doit, d’une part, tendre à la protection des « intérêts légitimes » de son bénéficiaire (critère de nécessité) et, d’autre part, produire une restriction de concurrence qui soit « proportionnée » aux intérêts légitimes du franchiseur (critère de proportionnalité).

(147)         Qu’en est-il du critère de nécessité ?

Si l’on s’accorde à subordonner la validité de la clause à l’existence d’un intérêt légitime pour son bénéficiaire, encore faut-il précisément en définir le sens. La jurisprudence adopte parfois les critères posés par les règlements d’exemption précités. L’article 3, § 1 c) du règlement d’exemption n°4087/88 évoque en effet la nécessité de « maintenir l’identité commune ou la réputation du réseau franchisé ». Ainsi, la condition exigée par ce texte a longtemps suffit à caractériser l’existence d’un intérêt légitime.

En témoigne un arrêt important récemment rendu par la Cour de cassation (Cass. com., 17 janv. 2006,jurisdata n°031799)sur le fondement de l’article 3, § 1 c) susvisé, alors en vigueur à l’époque des faits considérés par cette décision. Mais cette référence, et le critère qu’il énonce, devraient disparaîtrent compte tenu du nouveau critère posé par les dispositions du règlement n°2790/1999 du 22 décembre 1999, dont l’article 5.b°) impose désormais que la restriction contractuelle soit « indispensable à la protection d’un savoir-faire transféré par le fournisseur à l’acheteur »(v. déjà en ce sens, Cass. com., 22 févr. 2000, jurisdata n°000776).

C’est d’ailleurs la formulation récemment adoptée par la Cour de Caen, selon laquelle : « (…) la clause de non-réaffiliation doit être nécessaire au maintien de l’identité commune ou à la réputation du réseau, ce qui implique qu’elle soit indispensable à la protection du savoir-faire » du franchiseur (CA Caen, 29 septembre 2005, jurisdata n°299499). En l’espèce, le renvoi au texte communautaire était d’autant plus justifié qu’il s’agissait d’un accord de franchise pouvant affecter le commerce entre États membres de la Communauté européenne.

La motivation retenue par la Cour de Caen est néanmoins douteuse car elle renvoi aux critères – pourtant distincts – issus des deux règlements d’exemption ; surtout, elle fait prévaloir celui inspiré par le règlement de 1999 alors que, selon les propres constatations de l’arrêt, seul celui de 1988 était alors en vigueur. La décision ajoute que le savoir-faire considéré ne peut être « banal et non spécifique », renvoyant ainsi implicitement à la définition qu’en donne l’article 1.f du règlement CE 2790/1999 du 22 décembre 1999, selon lequel ce savoir-faire est « un ensemble secret, substantiel et identifié d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du fournisseur et testées par celui-ci ». Relevant enfin que le franchiseur ne démontrait pas avoir transmis un tel savoir-faire, la clause de non-réaffiliation fut en l’espèce annulée. La motivation ainsi adoptée est comparable à celle déjà retenue par la Cour de Rennes (CA Rennes, 23 mars 2004, inédit, cité par JCP E, 2005, n°11, 446).

(148)         Quant au second critère, il revient à exiger une proportionnalité entre, d’une part, les conséquences liées à la mise en oeuvre de la clause au regard de l’objet du contrat et, d’autre part, les intérêts dont elle assure la protection. La formule (« strictement nécessaire ») retenue par la Cour de Caen est sans doute exagérée au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui exige tout au plus l’existence d’une proportionnalité (Cass. com., 7 janvier 2004, pourvoi n°02-17.091 : cassation de l’arrêt ayant annulé la clause « sans avoir constaté qu’elle n’était pas proportionnée aux intérêts légitimes (du franchiseur) »  ; v. aussi, dans le même sens, Cass. com., 1er juill. 2003, jurisdata n°019880).

Quoiqu’il en soit, les juges du fond procèdent à une appréciation souveraine, exclusive de toute solution systématique, s’agissant d’apprécier au cas par cas les mesures propres à préserver l’exploitation pérenne des points de ventes du réseau de franchise. C’est ce qui explique en grande partie la diversité des solutions rendues.

Hormis l’hypothèse où l’accord est susceptible d’affecter le commerce entre États membres de la Communauté européenne et a pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun – ce qui conduirait à subordonner la validité d’une telle clause à la réunion des conditions posées par le règlement d’exemption applicable –, la durée de la restriction de concurrence admise par les règlements d’exemption n’est pas appliquée par la jurisprudence en droit interne.

Il est symptomatique de relever en effet que plusieurs décisions admettent la validité d’une clause de non-réaffiliation ou de non-concurrence alors même que la durée mentionnée par les règlements d’exemption serait largement dépassée. Ainsi, dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour de cassation du 17 janvier 2006, un franchisé avait déposé son enseigne pour lui substituer celle exploitée par un réseau concurrent de celui de son ancien franchiseur alors qu’il s’était engagé, pour une période de trois ans suivant la fin de l’accord et dans une zone géographique de cinq kilomètres, à ne pas s’affilier à une enseigne de renommée régionale ou nationale. La Cour d’appel (CA Caen, 10 déc. 2002, jurisdata n°203908) avait jugé cette clause de non-réaffiliation valable au motif qu’elle n’entrait pas dans les prévisions du droit communautaire et qu’elle ne heurtait aucune règle de droit national qui soit d’ordre public, s’agissant d’une simple restriction d’exercice d’une activité similaire limitée à la fois dans le temps et dans l’espace. Le pourvoi formé contre cette décision faisait grief à la Cour d’appel d’avoir violé les dispositions d’ordre public de l’article 3, § 1, c) du règlement CE n°4087/88, applicable à l’époque des faits, selon lesquelles l’obligation pour le franchisé de ne pas exercer, directement ou indirectement, une activité commerciale similaire dans un territoire où il concurrencerait un membre du réseau franchisé, y compris le franchiseur, peut être imposée au franchisé après la fin de l’accord pour une période raisonnable n’excédant pas un an, dans le territoire où il a exploité la franchise, dans la mesure où elle est nécessaire pour protéger les droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour maintenir l’identité commune et la réputation du réseau franchisé. La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif « qu’ayant retenu que la clause de non-réaffiliation n’interdisait pas la poursuite d’une activité commerciale identique et se trouvait limitée dans le temps et dans l’espace, c’est à bon droit que la cour d’appel, qui a constaté que la décision arbitrale était motivée, a retenu que cette clause ne violait aucune règle d’ordre public (…) » (Cass. com., 17 janvier 2006, jurisdata n°031799, Bull. civ. IV, n°9, p.8). De même, s’agissant d’une clause de non-concurrence insérée dans un accord n’affectant pas le commerce entre États membres de la Communauté européenne, la restriction apportée est jugée valable dès lors que l’interdiction d’activité est limitée à trois ans et à un département, alors qu’elle ne concerne par ailleurs que le secteur objet du contrat de franchise (CA Paris, 29 févr. 1996, jurisdata n°020858).

A l’inverse, il est tout aussi symptomatique de relever que plusieurs décisions prononcent la nullité d’une clause de non-réaffiliation ou de non-concurrence alors même que la durée qu’elles prévoient ne dépasse pas celle prévue par les règlements d’exemption. Récemment, la Cour de Caen (CA Caen, 29 septembre 2005, jurisdata n°299499)relève que la clause de non-réaffiliation insérée dans un accord de franchise pouvant affecter le commerce entre États membres de la Communauté européenne est nulle alors même que la restriction apportée était limitée à un an. La Cour retient qu’une telle clause « a pour but et pour effet de dissuader les franchisés, par une sanction (…) disproportionnée, de résilier le contrat par anticipation, et de rendre plus difficile la pénétration du marché par les enseignes concurrentes, l’exploitation pendant un an du fonds de commerce sans l’enseigne d’importance nationale ou régionale et sans possibilité de vendre les marchandises y étant liées pouvant être très difficile et aboutir en fait à la disparition du point de vente ». C’est dire que les juridictions du fond apprécient également l’intérêt légitime de la personne du débiteur de l’obligation – le franchisé – qui, dans certains secteurs de la distribution, pourrait ne pas survivre à l’application d’une telle clause, quand bien même ses effets seraient limités à un an. Cette motivation est comparable à celle d’un arrêt rendu le 23 mars 2004 par la Cour de Rennes (CA Rennes, 23 mars 2004, précité) qui avait annulé la clause de non-réaffiliation par laquelle le franchisé quittant le réseau s’obligeait « à ne pas utiliser directement ou indirectement, personnellement ou par personne interposée, en société ou autrement, durant une période d’une année, toute enseigne existante qui pourrait lui être proposée par un tiers, et à ne pas offrir en vente des marchandises dont les marques (étaient) liées à cette enseigne »  sur un territoire déterminé au contrat. En l’espèce, en effet, la Cour de Rennes avait pareillement retenu que cette clause était illicite « dans la mesure où elle (…) vis(ait) exclusivement à protéger un territoire et à assurer la reconstitution locale du réseau en empêchant le franchisé de s’affilier à un autre réseau afin de bénéficier de l’expérience et de la notoriété de celui-ci, ce qui constitue une entrave à la libre concurrence et un avantage pour le franchiseur sans aucune contrepartie, même si le franchisé conserve la possibilité d’exercer le commerce en dehors de toute enseigne préexistante ».

(149)         On mesure aussi, au travers des exemples qui précèdent, l’importance de la question – essentielle – de l’applicabilité du droit communautaire. Des divergences d’appréciations semblent subsister d’une juridiction à l’autre.

Ainsi, on rappellera un arrêt non publié, rendu le 4 janvier 2006 par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 4 janv. 2006, inédit, RG n°2005/08492)qui, pour considérer que le Règlement du 29 novembre 1999 n’était pas susceptible de recevoir application – et écarter en conséquence l’exception de nullité opposée par le franchisé dès lors que la clause de non-affiliation comportait bien une interdiction limitée dans le temps et dans l’espace, et n’était pas disproportionnée par rapport aux intérêts légitimes du franchiseur –, souligne qu’en l’espèce « les d’accords de franchise (n’étaient) pas conclus entre des entreprises de différents États membres » et étaient « insusceptibles de fausser la concurrence à l’intérieur du marché commun ». La motivation adoptée est à rapprocher de celle retenue par un arrêt rendu par la Cour d’appel de Caen (CA Caen, 10 déc. 2002, jurisdata n°203908) qui, retenant le droit français pour seul applicable, avait indiqué que les contrats de franchise concernaient un réseau « qui reste exclusivement français ». Inversement, pour faire application du droit communautaire, la Cour d’appel de Caen (CA Caen, 29 septembre 2005, jurisdata n°299499)retient que l’accord portait notamment interdiction de vendre des marchandises n’étant « pas exclusivement d’origine française ».

(150)         Dans tous les cas, lorsque les conditions de validité d’une telle clause ne sont pas vérifiées, la juridiction saisie – plutôt que de prononcer la nullité de la clause –  « a le pouvoir d’en restreindre l’application par une réduction de ses effets dans le temps, dans l’espace ou dans ses autres modalités » (CA Versailles, 24 novembre 2005, inédit, RG n°04/04461). La solution est consacrée de longue date par la Cour de cassation (Cass. Soc., 25 mars 1998, Bull. V, n°174 ; Cass. Soc., 18 septembre 2002, Bull. civ., V n°272).

(ii) La mise en oeuvre des clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation

F Une décision commentée : CA Paris, 21 septembre 2005, jurisdata n°293492.

(151)         On se place ici dans l’hypothèse où la clause de non-concurrence ou de non-réaffiliation est donc valable. Reste alors à s’interroger sur les conditions de sa mise en œuvre.

On le sait, en l’absence de stipulations contractuelles expresses, le franchisé ne peut se prévaloir du caractère abusif de la résiliation mise en œuvre par le franchiseur pour échapper à son obligation de non-concurrence, quand bien même ce caractère abusif aurait été judiciairement constaté. Cette solution a été récemment confirmée par une décision de principe de la Cour de cassation (Cass. com., 7 janvier 2004, pourvoi n°01-13.352 : rendue à propos d’un contrat d’agent commercial). Pour rejeter la demande en paiement de l’indemnité prévue par la clause de non-concurrence après la cessation du contrat, une Cour d’appel avait énoncé que son bénéficiaire ne pouvait prétendre à une indemnité de non-concurrence puisqu’elle avait concurrencé de mauvaise foi son cocontractant pendant la durée du contrat, lequel avait donc été résilié à ses torts exclusifs. La Cour de cassation casse cette décision au visa des articles 1134 et 1184 du Code civil, en retenant par principe « qu’en statuant ainsi, alors que le contrat prévoyait une indemnité en contrepartie de la clause de non concurrence imposée après la cessation du contrat, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

(152)         Il en va différemment dans l’hypothèse – rare mais rencontrée – où la clause de non-concurrence subordonne expressément sa mise en œuvre à l’absence de faute imputable au franchiseur.

L’arrêt rendu le 21 septembre 2005 par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 21 septembre 2005, jurisdata n°293492) illustre parfaitement cette situation. Le franchisé ayant poursuivi l’exploitation de son fonds de commerce sous une autre enseigne, son ancien franchiseur l’assigna en paiement de dommages-intérêts pour violation de la clause de non concurrence. La Cour d’appel relève qu’il ressort des prévisions mêmes de la clause du contrat que le franchisé échappait aux sanctions prévues lorsque la résiliation est prononcée aux torts exclusifs du franchiseur. Or, dans le cas présent, la Cour d’appel avait relevé que la résiliation du contrat de franchise devait être prononcée aux torts exclusifs de ce dernier en raison de la violation de la clause d’exclusivité territoriale. La Cour d’appel a donc fait une application exacte des stipulations contractuelles.

(153)         La liberté contractuelle permettrait d’adopter un juste milieu en réservant – par exemple – certaines exclusions pour telles ou telles catégories de faute. On songe tout particulièrement aux fautes lourdes et graves. La première catégorie comprend la faute intentionnelle (dolosive) et celle qui, sans résulter de l’intention de nuire au cocontractant, crée un résultat d’une telle gravité que son auteur doit être traité comme s’il avait eu une intention dolosive. La faute grave est celle qui crée un dommage tel, au préjudice de l’autre partie, qu’elle rend impossible la poursuite de la relation. Le contrat peut définir les fautes lourdes et graves, qui le seront donc selon la convention ; ces définitions s’imposent au juge comme il en va, en principe, de toute définition contractuelle. Il est judicieux de donner des exemples, en prenant garde qu’ils correspondent suffisamment au critère retenu, afin de ne pas provoquer un effet inverse d’immixtion accrue du juge dans cette partie du contrat, au nom d’une indispensable interprétation.

Le lien entre le bénéfice d’une clause de non concurrence et l’absence de faute du créancier n’a rien de nécessaire. La preuve en est qu’il n’est pas établi en règle de principe. La protection contre la concurrence garde sa légitimité alors même que celui qui entend en bénéficier aurait été à l’origine de la cessation de la relation, si l’on admet qu’elle constitue un prolongement naturel de l’appartenance à un réseau. Cette appartenance impose un respect minimum d’un réseau dont le franchisé a, par hypothèse, bénéficié lorsqu’il l’a intégré et dont, ce faisant, il a recueilli en termes de clientèle, les avantages procurés par la multiplicité de points de vente organisés selon les mêmes procédés originaux. Mais, sous un autre point de vue, il pourra être estimé que l’engagement de non-concurrence constitue, pour le franchisé, une contrainte suffisamment lourde pour que le franchiseur ne puisse prétendre en bénéficier lorsqu’il est à l’origine de la cessation du contrat.

Il reste que, pour l’heure, la corrélation entre la possibilité de bénéficier effectivement d’une clause de non concurrence et l’absence de faute, qualifiée ou non, à l’origine de la cessation du contrat de franchise, dépend exclusivement d’une prévision contractuelle.

Procédures collectives

(154)         L’entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005 portant réforme du droit des entreprises en difficultés bouleverse les conditions d’exercice de l’action en soutien abusif (A) tout en laissant pour l’essentiel intacte l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif (B).

A. Action en soutien abusif

F Deux décisions et un texte commentés : C. com., art. L.650-1 (loi n°2005-845 du 26 juillet 2005, art.126) ; Cass. civ. 3ème, 7 juin 2006, pourvoi n°05-14.076 ; CA Besançon, 28 juin 2005, jurisdata n°279861.

(155)         Sous l’empire de la loi antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005, aucun régime de responsabilité spécifique n’était prévu dans les textes, de sorte que les créanciers ayant contribué à l’aggravation du passif du débiteur pouvaient voir leur responsabilité engagée sur le fondement de l’article 1382 du Code civil (1). Depuis lors, l’article L. 650-1 du Code de commerce organise strictement la mise en œuvre de cette responsabilité civile (2).

1. Avant l’entrée en vigueur de la réforme sur les procédures collectives

(156)         Avant que la réforme sur les procédures collectives n’entre en vigueur, le débiteur pouvait utilement exercer, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, l’action en « soutien abusif » à condition de justifier d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre l’une et l’autre.

Selon la Cour de cassation, la faute caractéristique du soutien abusif était vérifiée lorsqu’au moment de l’octroi de crédit le créancier :

–       avait accordé des crédits à une entreprise dont il savait ou aurait dû savoir, en faisant preuve d’une diligence normale, que la situation était irrémédiablement compromise (V. not., Cass. com., 25 avril 2006, pourvoi n°04-17.462 ; Cass. com., 8 novembre 2005, pourvoi n°04-10.906 ; Cass. com. 22 mars 2005, pourvoi n°03-12.922 ; Cass. com., 17 mars 2004, pourvois n°01-15.969 et 01-17.472) ;

–       ou octroyé, en connaissance de cause, un crédit dont le coût était insupportable pour l’équilibre de la trésorerie de la société et incompatible pour elle avec toute rentabilité (V. not., Cass. com. 22 mars 2005, pourvoi n°03-14.824 ; Cass. com., 17 mars 2004, précité ; Cass. com., 8 juillet 2003, pourvoi n°00-18.757 ; Cass. com., 26 mars 2002, pourvoi n°99-19.839).

Sous réserve de justifier de ces conditions, un franchisé pouvait donc poursuivre la responsabilité d’un établissement de crédit (a), voire celle de son franchiseur (b).

a) La responsabilité de l’établissement de crédit

(157)         Ainsi, s’agissant de la responsabilité des établissements de crédit, la Cour de cassation (Cass. civ. 3ème, 7 juin 2006, pourvoi n°05-14.076) a récemment rejeté le pourvoi formé par une société de crédit-bail contre un arrêt rendu par la Cour d’appel de Pau (CA Pau, 15 Février 2005, jurisdata n°269250) qui l’avait condamnée au paiement, au profit du liquidateur de la société franchisée, du préjudice correspondant à l’aggravation du passif que le crédit consenti avait causé à cette dernière.

Selon la Cour d’appel, le soutien abusif était établi dès lors qu’il existait un différentiel important entre la créance du crédit-bailleur et la valeur effective du fonds de commerce du crédit-preneur, ne lui permettant pas de pouvoir espérer être intégralement payée du montant de sa créance et que les aménagements successifs de la dette et du concours financiers qui en résultaient sans nouvel investissement effectif de la part de la société crédit-bailleur, n’ont ainsi eu pour fins que de lui permettre d’obtenir paiement de nouveaux loyers par l’effet conjugué de la poursuite d’exploitation et d’augmentation de capital, alors, par ailleurs, que ses droits dans la procédure collective ultérieure se trouvaient protégés par l’effet du nantissement dont elle disposait sur le fonds.

La Cour de cassation retient que les juges du fond ont légalement justifié leur décision de ce chef dès lors que les sociétés de crédit-bail « avaient volontairement consenti à la société (franchisée) un concours destiné à lui permettre de prolonger son exploitation alors même qu’un examen attentif des comptes de la société et un comparatif avec les comptes du franchiseur et des autres franchisés leur permettaient, ou auraient dû leur permettre, dans le cadre d’une analyse normalement diligente, de se rendre compte que la situation était définitivement et irrémédiablement compromise ».

(158)         Toutefois, les conditions d’octroi de certains crédits étaient de nature à limiter voire à exonérer la banque de sa responsabilité. Le crédit perdait alors son caractère abusif, notamment lorsque le prêteur aidait une entreprise en difficultés dans le but de sauver l’emploi ou de faciliter un plan de restructuration(V. not., Cass. com., 15 juin 1993 : Bull. civ., IV, n° 241 ; Cass. com., 9 juin 1993, RTD com. 1994, p.86, obs. M. Cabrillac).

De même, au-delà de cette hypothèse bien connue, la jurisprudence a pu considérer que la responsabilité du dispensateur de crédit ne pouvait être recherchée, alors même que la situation de l’emprunteur aurait été irrémédiablement compromise, lorsque l’emprunteur sollicitait lui-même le crédit et connaissait parfaitement l’état de sa propre situation. Tel fut le cas, notamment, lorsque le crédit avait été consenti par l’établissement de crédit à partir, d’une part, des prévisions économiques établies par la société franchisée elle-même et, d’autre part, d’un projet d’implantation d’autant plus censé améliorer la situation du débiteur qu’il résultait du choix délibéré du franchisé et de son franchiseur (CA Besançon, 28 juin 2005, jurisdata n°279861).

b) La responsabilité du franchiseur

(159)         Lorsque, sous le régime antérieur à la réforme du 26 juillet 2005, le franchiseur dispensait un crédit au franchisé, ce dernier poursuivait parfois sa responsabilité pour soutien abusif. Les hypothèses de mise en œuvre d’une telle action sont demeurées rares et les condamnations prononcées le furent davantage encore.

En règle générale, les quelques actions engagées en soutien abusif n’aboutissaient pas, la preuve de la connaissance par le franchiseur de la situation irrémédiablement compromise de son franchisé n’étant pas – ou ne pouvant être – rapportée (Cass. com., 27 mars 2001, pourvoi n°99-11.752). Ainsi, la Cour d’appel de Paris a considéré qu’un franchiseur ne pouvait croire à l’existence d’une situation financière totalement obérée de son franchisé, compte tenu d’un plan de paiement accepté par le débiteur qui selon son expert comptable, aurait pu être respecté (CA Paris 23 mai 2001, jurisdata n°154165).

On relèvera toutefois une décision récente, ayant donné lieu au rejet du pourvoi formé contre un arrêt (CA Caen, 16 octobre 2003, inédit) ayant condamné une banque et un franchiseur en paiement de dommages-intérêts pour soutien abusif de l’activité d’un franchisé (Cass. com., 12 avril 2005, pourvoi n°04-10.010 : rejetant le pourvoi au motif que le moyen était mélangé de fait et de droit).

(160)         Malgré la rareté des condamnations prononcées pour soutien abusif, la réforme des procédures collectives a entendu mettre un terme à l’inutile multiplication des actions engagées contre les établissements dispensateurs de crédit en cas de faillite ultérieure du débiteur. Elle a dans le même temps unifié le régime de la responsabilité du prêteur, par l’introduction d’un article L.650-1 nouveau au Code de commerce, applicable à tous les créanciers.

2. Depuis l’entrée en vigueur de la réforme sur les procédures collectives

(161)         La notion de soutien abusif a pour l’essentiel vécu.

L’article L.650-1 du Code de commerce énonce en effet que « les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci ».

D’application large, ce texte bénéficie à tous « les créanciers » sans distinction : il regroupe le crédit inter-entreprises comme les crédits fournisseurs et s’applique donc indiscutablement aux différents créanciers du franchisé, tel que le franchiseur notamment.

(162)         Selon ce texte, la mise en œuvre de la responsabilité du créancier implique tout d’abord l’existence d’un « concours ».

Ce terme n’est pas défini par la loi et les travaux parlementaires ne sont pas d’un grand secours à cet égard. Il regroupe incontestablement tous les crédits (prêts, escompte, découverts, etc.). Il semblerait que la notion de « concours » regroupe également les délais de paiement (v. en ce sens, D. Legeais, Les concours consentis à une entreprise en difficulté, JCP E 2005, 1510, p.1747, n°6) ; seraient ainsi visés, l’octroi par le franchiseur de nouveaux délais de paiements au franchisé concernant les anciennes factures impayées comme l’allongement des délais de paiement consentis pour les futurs produits commandés. Quoiqu’il en soit, il appartient aux tribunaux de délimiter exactement les contours de cette notion.

En outre, le texte ne distingue pas selon que les crédits ont été consentis antérieurement ou postérieurement à l’ouverture de la procédure, ni même selon le type de procédure ouverte.

(163)         La nouveauté vient de ce que la responsabilité du dispensateur de crédit (la banque ou le franchiseur) ne pourra désormais être engagée que dans trois cas, limitativement énumérés par l’article L.650-1 précité : la fraude, la disproportion des garanties et l’« immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ».

Seule cette dernière notion retient l’attention dans le cadre de notre étude. Faute de définition, il est permis de se référer aux travaux parlementaires selon lesquels il y a immixtion lorsque les circonstances établissent l’existence d’une société de fait, d’une gestion de fait – notion appréhendée restrictivement en jurisprudence –, ou d’une influence notable du créancier sur son débiteur (D. Perben, JOAN (CR), 3ème séance du 8 mars 2005, p.1791).

Dans tous les cas, encore faudra-t-il, que cette immixtion soit véritablement « caractérisée », ce qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

(164)         L’encadrement strict qu’apporte ainsi la loi de sauvegarde des entreprises aux conditions de mise en œuvre de la responsabilité du franchiseur (comme des banques) confère incontestablement à ces derniers une plus grande liberté d’action pour consentir de nouveaux concours aux franchisés notamment).

Ce faisant, les franchiseurs pourront donc financer plus sereinement les franchisés traversant des difficultés financières et contribuer ainsi à éviter la déconfiture d’entreprises pouvant être sauvées.

B. Action en responsabilité pour insuffisance d’actif

F Une décision et un texte commentés : C. com., art. L.651-2 (loi n°2005-845 du 26 juillet 2005, art.128) ; CA Toulouse, 24 janvier 2006, inédit, RG n°04/01148.

(165)         L’article L.624-3 du Code de commerce (anciennement l’article 180 de la loi du 25 janvier 1985) permettait la condamnation du dirigeant de fait ou de droit au comblement du passif de la société au sein de laquelle il avait commis une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance de l’actif (1). Lui succède l’article L.651-2 du même code qui, relatif à l’action en « responsabilité pour insuffisance d’actif », en modifie à peine le dispositif (2).

1. Avant l’entrée en vigueur de la réforme sur les procédures collectives

(166)         L’application de l’article L.624-3 du Code de commerce au franchiseur est demeurée relativement exceptionnelle.

On indiquera tout d’abord, pour mémoire, qu’un arrêt de la Cour de cassation avait approuvé une cour d’appel d’avoir condamné le franchiseur qui s’était s’immiscé dans la gestion du franchisé en détenant les documents bancaires comptables et sociaux, en établissant les déclarations fiscales et en contrôlant les embauches (Cass. com., 9 nov. 1993, Bull. civ. IV, no 390) ; l’on songe encore à deux décisions condamnant le franchiseur dont la faute était manifestement avérée (CA Pau, 29 février 2000, jurisdata n°109577 ; CA Rouen, 14 mai 1992, jurisdata n°048824).

Mais, en règle générale, l’action en comblement de passif dirigée contre le franchiseur est rejetée, tant il est vrai que la notion de dirigeant de fait est appréhendée restrictivement en jurisprudence et que la charge de la preuve pèse sur le demandeur à l’action (CA Montpellier, 10 septembre 1996, jurisdata n°850014).

En effet, ne constitue pas un acte de gestion du seul franchiseur et ne peut, par conséquent, caractériser une gestion de fait susceptible d’entraîner une condamnation en comblement du passif, l’accord de règlement selon lequel, dans le cadre d’un contrat, le franchisé doit verser l’ensemble de ses recettes sur un compte spécial mis à la disposition du franchiseur, dès lors que cet accord permet d’assurer au franchiseur le paiement de ses créances et non de gérer les entreprises franchisées (CA Toulouse, 4 mai 2005, jurisdata n°284104). De même, la seule circonstance que le franchiseur a tenu la comptabilité du franchisé au cours d’une période limitée dans le temps ne suffit pas à caractériser la gestion de fait (CA Paris, 4 avril 2003, jurisdata n°215773) ; ou encore, si le contrat de franchise impose de suivre la politique de vente tarifaire, de participer aux opérations de promotion, de s’approvisionner pour certains produits chez le franchiseur ou chez des fournisseurs agréés, ce dispositif contractuel, librement consenti, ne suffit pas à caractériser une gestion de fait dès lors qu’il ne prive pas le franchisé de sa liberté tarifaire et de sa liberté d’approvisionnement (CA Paris, 4 avril 2003, précité).

Une telle action est également vouée à l’échec lorsque la procédure spécifique décrite à l’article 164 du décret n°85-1388 du 27 décembre 1985 n’a pas été respectée (CA Toulouse, 24 janvier 2006, inédit, RG n°04/01148).

2. Depuis l’entrée en vigueur de la réforme sur les procédures collectives

(167)         Issue de la loi du 26 juillet 2005, l’article L.651-2 du Code de commerce se substitue à l’article L.624-3 précité, et introduit l’action en « responsabilité pour insuffisance d’actif » qui, malgré le changement de dénomination ainsi intervenu, modifie peu ses conditions de mise en œuvre.

Selon l’article L.651-2, l’alinéa 1er du Code de commerce désormais applicable : « Lorsque la résolution d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables ».

(168)         L’article L.651-2 du Code de commerce n’ayant pour ainsi dire pas modifié le texte auquel il succède, les solutions dégagées par la jurisprudence sous l’empire de la loi ancienne demeurent transposables. Le franchisé pourra donc poursuivre le franchiseur sur le fondement de ce texte, à condition de caractériser l’existence d’une véritable gestion de fait.

Le contentieux du contrat de franchise (éléments de procédure)

(169)         L’actualité jurisprudentielle à laquelle notre étude se consacre offre d’intéressantes décisions rendues en référé s’agissant du contentieux étatique (A) et apporte des précisions utiles dans le contentieux de l’arbitrage (B).

A. Contentieux Etatique

(170)         La juridiction des référés – il est inutile d’insister davantage – a, depuis des décennies, contribuer à l’honneur judiciaire de la France par la force créatrice des solutions qu’elle a progressivement mis en œuvre dans tous les domaines du droit (P. Drai, Pour un juge qui toujours décide, Gaz. Pal. 1987, 2, doctr. p.512).

Ce phénomène s’est en partie construit et organisé par l’application des dispositions de l’article 809, alinéa 1er du NCPC (repris notamment à l’article 873, alinéa 1er du même Code) – inchangé depuis presque vingt ans – dont la rédaction se doit d’être rappelée : le président peut, dans les limites de la compétence du Tribunal, « et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ». Les conditions d’application de ce texte sont simples : le juge des référés saisi peut ordonner la mesure sollicitée dès lors qu’il constate, à la date à laquelle il statue, l’imminence du dommage ou le caractère manifestement illicite du trouble.

Des décisions récentes et importantes précisent les conditions dans lesquelles une partie au contrat de franchise peut faire cesser un « trouble manifestement excessif » en application de ce texte (1). Un développement spécifique est consacré à l’application de l’article 145 du NCPC à la matière (2).

1. L’existence d’un « trouble manifestement illicite » au sens de l’article 873, alinéa 1er du NCPC

F Six décisions commentées : Cass. com., 7 juin 2006, pourvoi n°05-19.633 ; CA Pau, 25 avril 2006, inédit, RG n°05/04070 ; CA Pau, 25 avril 2006, inédit, RG n°05/04070 ; Cass. com., 14 mars 2006, pourvoi n°05-12.073 ; CA Paris, 4 janv. 2006, inédit, RG n°2005/08492 ; Cass. com., 12 juillet 2005, pourvoi n°04-11.419.

(171)         On le sait, lorsque le caractère manifestement illicite du trouble est établi, les mesures propres à le faire cesser sont ordonnées, l’existence d’une contestation sérieuse sur le fond du droit ne pouvant y faire obstacle. La Cour de cassation s’étaient prononcés en ce sens (V. not. Cass. ass. plén., 4 juill. 1986 : Bull. civ. ass. plén. n°11) avant que cette jurisprudence ne soit consacrée par le décret du 17 juin 1987 qui, modifiant les articles 809, 849, 873 et 874 du NCPC, les complète par la précision que les mesures qu’ils prévoient peuvent toujours être ordonnées par le juge des référés, « même en présence d’une contestation sérieuse ».

Pourtant, les choses ne sont pas toujours aussi simples. L’appréciation d’un « trouble manifestement illicite » revêt nécessairement un double aspect, à la fois factuel et juridique, impliquant de distinguer selon que la contestation porte sur l’existence même du trouble ou sur son caractère illicite. L’office du juge implique tout d’abord une appréciation factuelle, destinée à identifier le fait matériel, générateur du trouble allégué et, lorsqu’une contestation sérieuse subsiste sur ce point, la mesure sollicitée ne peut être accordée. Une fois le trouble établi, encore faut-il caractériser ensuite, au plan juridique, la violation de la règle de droit qui lui confère le caractère « manifestement illicite » requis par le texte. Or, dans cette hypothèse, la solution n’est pas aisée. Ainsi, a-t-il été observé que « toute contestation réellement sérieuse » sur le caractère illicite du trouble « peut dans certains cas lui ôter toute évidence et compromettre le pouvoir de juridiction du juge des référés dans son principe même. En d’autres termes, à moins de dénaturer le sens des mots, il est impossible d’évincer systématiquement la prise en considération d’une contestation sérieuse, tout au moins dans l’appréciation du caractère illicite du trouble » (Solus et Perrot, Droit judiciaire privé, t. III, n°1291).

Il est vrai qu’en se prononçant sur l’illicéité du trouble l’appréciation du juge des référés implique un préjugé sur le fond qui, précisément, n’est acceptable qu’au regard du caractère « manifestement » illicite du trouble considéré. Il n’en demeure pas moins vrai que certains plaideurs créent volontairement une contestation sérieuse portant sur le caractère illicite du trouble afin d’échapper aux mesures provisoires ou de remise en état sollicitées et de réduire ainsi à néant l’office du juge.

Au regard de cette difficulté, la jurisprudence de la Cour de cassation sanctionne systématiquement les décisions du fond consistant à rejeter la demande en raison de l’existence d’une contestation, quand bien même celle-ci porterait sur le caractère illicite du trouble. Ce faisant, l’exigence textuelle du caractère « manifeste » de l’illicéité du trouble s’estompe depuis quelques années et il est de l’office du juge des référés d’examiner tous les moyens et arguments soutenus (Cass. Civ. 2ème, 8 févr. 2006, jurisdata n°032132 : cassant l’arrêt qui, pour dire n’y avoir lieu à référé, énonce que les quarante-cinq pages de conclusions récapitulatives de la société demanderesse démontrent que le caractère prétendument illicite des pratiques de la société défenderesse ne présente pas le caractère manifeste exigé par l’article 809, alinéa 1er, du NCPC, mais que son appréciation, qui nécessite l’examen approfondi de leur bien-fondé auquel ces écritures appellent, relève exclusivement du juge du fond).

(172)         Au regard de cette problématique, six décisions récentes rendues dans le domaine du droit de la franchise – trois arrêts de la Cour de cassation et trois décisions de cours d’appel – témoignent des incertitudes qui semblent encore persister au sein des juridictions du fond, les trois arrêts rendus par la Haute juridiction prononçant la cassation. L’intérêt de ces décisions est d’autant plus important qu’elle conduise à distinguer selon que la contestation sérieuse porte sur la validité, l’interprétation, l’opposabilité et l’extinction de l’obligation dont l’auteur du trouble serait (ou non) débiteur.

(173)         Qu’en est-il tout d’abord lorsque, pour échapper au prononcé de mesures conservatoires, le franchisé fait valoir que l’obligation (dont la violation est constitutive du trouble alléguée) est nulle et que, dès lors, il ne peut y avoir trouble manifestement illicite ?

Dans une affaire récente, le franchisé considérait que la clause de non-réaffiliation dont il était débiteur en vertu de son contrat de franchise était nulle et concluait, en conséquence, à l’absence de trouble manifestement illicite. Pour écarter la contestation sérieuse née de l’exception de nullité ainsi opposée par le franchisé et ordonner des mesures conservatoires, un arrêt rendu le 4 janvier 2006 par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 4 janv. 2006,inédit, RG n°2005/08492)retient, d’une part, que le Règlement communautaire du 29 novembre 1999 n’était pas susceptible de recevoir application dès lors que les accords de franchise n’étaient pas susceptibles de fausser la concurrence à l’intérieur du marché commun et, d’autre part, que la clause de non-réaffiliation comportait bien, conformément au droit interne, une interdiction limitée dans le temps et dans l’espace, et n’était pas disproportionnée par rapport aux intérêts légitimes du franchiseur.

Cette décision doit être rapprochée de l’arrêt de principe rendu le 15 juin 2004 par la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 15 juin 2004, Bull. civ. I, n°1752) qui, à l’évidence, va nettement plus loin. Par cette décision, la Cour de cassation considère par principe que le juge des référés use valablement des pouvoirs qu’il tient de l’alinéa 1er de l’article 873 du NCPC lorsqu’il prescrit, à titre de mesure conservatoire ou de remise en état, l’obligation pour le débiteur d’exécuter ses engagements contractuels. La Haute juridiction ajoute qu’il importe peu, à cet égard, que la partie défenderesse au référé « ait engagé une action judiciaire en contestation de la validité de son engagement dès lors qu’elle était tenue de se conformer au principe selon lequel le contrat conclu doit être exécuté par chacune des parties tant qu’il n’en a pas été statué sur la validité par les juges du fond compétents et que nul ne peut se faire justice à soi-même ». La solution conduit à écarter le moyen par lequel le défendeur à l’action en référé élève une contestation quant à la validité même de l’obligation qu’il n’a pas respectée, ce qui revient, en quelque sorte, à créer une présomption de validité du contrat (v. en ce sens, J. Mestre et B. Fages, RTD Civ. 2004, n°3, p.508). Tout aussi bien, l’arrêt précité de la Cour de Paris aurait-il pu, par son arrêt du 4 janvier 2006, adopter la motivation de la décision de principe de la Cour suprême.

(174)         Qu’en est-il lorsque le franchisé fait valoir que l’obligation (dont la violation est constitutive du trouble alléguée) impose une interprétation du contrat de franchise, exclusive d’un trouble manifestement illicite ?

La Cour de cassation invite le juge des référés à interpréter les obligations contractuelles unissant les parties. Un franchisé avait signé le même jour deux contrats avec le franchiseur : un contrat de franchise lui accordait l’usage de l’enseigne pour une durée de cinq ans, renouvelable pour une durée de trois ans, et un contrat de cession de fonds de commerce stipulant notamment, à peine de résolution, l’usage de cette enseigne pendant une durée de dix ans. Au terme du contrat de franchise, le franchiseur assigna en référé afin de voir ordonner au franchisé le retrait de toute référence attachée à l’enseigne. Pour rejeter la demande du franchiseur, la Cour d’appel avait retenu que l’interprétation des contrats signés entre les parties faisait obstacle à la mesure sollicitée ; elle indiquait en effet que, selon le contrat de cession de fonds de commerce conclu le même jour que le contrat de franchise, les parties avaient convenu que la réalisation de la vente ne pouvait être parfaite qu’après prise de l’enseigne du franchiseur pendant dix ans par l’acquéreur, et que ce contrat comportait une cession de droit au bail stipulant une clause résolutoire de plein droit, à défaut pour le preneur d’user de ladite enseigne ou de toute autre appartenant au groupe auquel appartient le franchiseur, cet usage constituant la condition essentielle et déterminante sans laquelle le preneur et le bailleur n’auraient pas conclu le bail, de sorte que des contradictions apparaissaient à la lecture de ces différents contrats, qui n’étaient pas distincts, et méritaient une interprétation. La chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 12 juillet 2005, pourvoi n°04-11.419)casse l’arrêt de la Cour d’appel, au seul visa de l’article 1134 du Code civil, en considérant que « selon la loi des parties, l’autorisation d’usage de l’enseigne ne procédait que du contrat de franchise, de sorte que les stipulations contenues dans d’autres conventions passées entre elles étaient étrangères à l’appréciation du caractère manifestement illicite du maintien de cet usage au-delà du terme de ce contrat ». Ainsi, selon la Cour de cassation – qui dicte même ici la solution –, l’interprétation du contrat de franchise ne fait pas obstacle au pouvoir du juge des référés.

(175)         Qu’en est-il lorsque le franchisé fait valoir que la contestation sérieuse porte sur la résiliation du contrat de franchise ayant eu pour effet d’éteindre l’obligation qu’il aurait ensuite prétendument violée ?

Dans ce cas, selon la chambre commerciale de la Cour de cassation, il est de l’office du juge des référés d’examiner la réalité de la résiliation invoquée. Dans une espèce en effet, un franchiseur avait saisi le juge des référés d’une demande tendant à obliger le franchisé à apposer de nouveau l’enseigne qu’il lui avait concédé dans le cadre d’un contrat de franchise. Le franchisé considérait la demande infondée au motif que le contrat de franchise avait été résilié. Un doute subsistait néanmoins quant à la réalité de cette résiliation : en effet, le franchisé avait signé un contrat de franchise et un contrat d’approvisionnement mais avait confondu les deux contrats ainsi que les sociétés contractantes par suite des opérations de transfert intervenues entre elles ; ainsi, par une première lettre, il avait indiqué au franchiseur vouloir cesser le contrat d’approvisionnement, puis réitérait par une deuxième, adressée à son fournisseur cette fois-ci, son intention de ne pas renouveler le contrat d’approvisionnement, étant précisé que, entre temps, il avait écrit au franchiseur vouloir mettre à profit le « préavis contractuel » pour renégocier le contrat. Pour rejeter la demande du franchiseur, la Cour d’appel de Douai (CA Douai, 29 juin 2005, inédit, RG n°05/01724)avait retenu que « si la violation d’un contrat dont la poursuite n’est pas contestable peut constituer un trouble manifestement illicite, il n’en est pas de même lorsque le cocontractant soutient avoir respecté le délai de préavis contractuel, que les faits litigieux se situent après le terme du contrat dont la cessation est invoquée, et que les éléments de la procédure ne permettent pas d’écarter ce moyen par une interprétation des pièces relevant des pouvoirs du juge des référés ». Ainsi, les juges du fond ne s’estimaient pas compétent pour trancher le litige, l’existence d’une contestation sérieuse résultant du doute sur la réalité de la résiliation y faisant obstacle.

Or, par un attendu de principe, rendu au visa de l’article 873 alinéa premier du NCPC, la Cour de cassation affirme « qu’en écartant l’existence d’un trouble manifestement illicite en considération d’un simple doute sur la résiliation du contrat dont la violation était dénoncée, alors qu’il lui incombait de trancher en référé la contestation, même sérieuse, en examinant la réalité de cette résiliation, la cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs » (Cass. com., 7 juin 2006, pourvoi n°05-19.633, jurisdata n°034096). La décision ne surprend pas. La jurisprudence de la Cour de cassation a considérable élargi la compétence du juge des référés, en particulier sur le terrain de l’exécution du contrat : la Haute juridiction lui reconnaît en effet le pouvoir de prévenir un trouble manifestement illicite en ordonnant la prorogation d’un contrat régulièrement dénoncé, sous réserve de fixer un terme certain à la mesure ordonnée (Cass. civ. 1ère, 7 nov. 2000, Bull. civ. I, n°286 ; jurisdata n°006739), voire le maintien du contrat unilatéralement résilié jusqu’au prononcé de sa résolution éventuelle par le juge du fond (Cass. civ. 1ère, 29 mai 2001, pourvoi n°99-12.478).

La solution peut se compliquer lorsque la réalité de la résiliation de l’obligation dont l’exécution est sollicitée en référé ne dépend plus seulement – à l’instar de l’espèce précédente – de l’appréciation à donner à des échanges de lettres, mais implique d’interpréter un ensemble contractuel. Par une décision plus récente, soumise à la Cour d’appel de Pau, le franchiseur sollicitait, sur le fondement de l’article 873 du NCPC, le rétablissement par le franchisé de son enseigne et l’exécution forcée du contrat jusqu’à son terme par référence aux seules énonciations du contrat de franchise. Or, en défense le franchisé justifiait du caractère légitime de son refus de poursuivre l’exécution du contrat de franchise, en tirant argument de l’interdépendance étroite de diverses conventions indissociables selon lui (en l’espèce, un contrat de franchise, un avenant du même jour, une convention de concession d’enseignes et de prestations de service auxquelles avait ensuite succédé une convention de partenariat, un contrat d’approvisionnement, notamment), dont certaines, conclues avec des société tierces non d’ailleurs attraites à la procédure, avaient été résiliées  par le franchiseur.

Alors que le contrat de franchise n’a pas été lui-même formellement résilié, la Cour d’appel se livre à une interprétation dudit ensemble contractuel et rejette la demande du franchiseur en énonçant (CA Pau, 25 avril 2006, inédit, RG n°05/04070) : « Attendu, dans ces conditions, qu’il n’est pas établi que constituerait un trouble qui serait manifestement illicite, la position adoptée par la Société (franchisée) refusant le maintien des effets du contrat de franchise, après la rupture des relations contractuelles établies entre les sociétés du Groupe (auquel appartient la société franchiseur) et (une société tierce), ce, tandis qu’il n’est pas démontré que cette rupture aurait néanmoins sauvegardé la possibilité d’une poursuite du contrat de franchise dans le strict respect des termes et conditions convenus au temps de son engagement ». Pour autant, la Cour se refuse – logiquement – de faire droit à la demande du franchisé tendant à faire « constater » par le juge des référés la résiliation du contrat de franchise, considérant, par un attendu commun à une autre décision rendue le même jour (CA Pau, 25 avril 2006, inédit, RG n°05/04072), qu’« au-delà de ces appréciations, il n’y a pas lieu de constater, en référé, la résiliation effective du contrat de franchise, qui, en l’absence de mise en jeu d’une clause résolutoire ou d’accord des parties, relève du champ d’intervention du juge du fond ».

(176)         Qu’en est-il enfin des pouvoirs du juge des référés lorsque la contestation sérieuse porte sur l’opposabilité aux tiers de la cession par le franchisé de son fonds de commerce ?

Dans une affaire récente, une société franchisée exploitait un fonds de commerce sous l’enseigne de son franchiseur. Le fonds de commerce avait ensuite été successivement cédé à une première société, puis à une autre, qui avait déposé l’enseigne, sans l’accord du franchiseur, pour la remplacer par une enseigne concurrente. Le franchiseur considérait que le retrait de son enseigne par le cessionnaire du fonds de commerce sans son propre accord constituait un trouble manifestement illicite, et assignait en conséquence en référé les franchisés, anciens et actuels, afin d’obtenir la mesure de remise en état propre à le faire cesser (le dépôt de la nouvelle enseigne et le retrait des produits liées à celle-ci).

Statuant sur renvoi après cassation, la Cour d’appel avait rejeté la demande du franchiseur au motif que la mesure sollicitée visait le cessionnaire du fonds de commerce – qu’elle considérait apparemment étranger au contrat de franchise, seul un débat au fond pouvant déterminer si le contrat de franchise avait été automatiquement cédé ou s’il était du moins opposable à ce dernier –, de sorte qu’il pouvait apposer son enseigne par le libre exercice de son droit de propriété. Si elle se garde bien d’indiquer ici les effets juridiques attachés en l’espèce à la cession du fonds de commerce, la Cour de cassation (Cass. com., 14 mars 2006, pourvoi n°05-12.073) censure néanmoins l’arrêt pour manque de base légale en faisant grief aux juges du fond de ne pas avoir recherché « si la dépose brutale (…) de l’enseigne (…) et son remplacement par l’enseigne concurrente (…), ne constituaient pas, en eux-mêmes, un trouble manifestement illicite au regard des obligations du contrat de franchise ».

2. L’application de l’article 145 du NCPC

F Quatre décisions commentées : CA, Paris, 3 mai 2006, jurisdata n°300894 ; Cass. Civ. 1ère, 25 avril 2006, pourvoi n°05-13.749 ; Cass. com., 14 février 2006, pourvoi n°05-13.127 ; CA Rouen, 7 février 2006, jurisdata n°307012.

(177)         Selon l’article 145 du NCPC, « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ». Plusieurs décisions récentes intervenues dans le domaine de la franchise conduisent à rappeler les trois conditions requises pour l’application de ce texte : le demandeur doit agir avant tout procès, justifier d’un motif légitime, et solliciter des mesures présentant une utilité probatoire.

(178)         Il convient tout d’abord d’agir « avant tout procès ». Ainsi, l’utilisation de l’article 145 est exclue dès lors qu’une procédure est ouverte au fond, soit devant le juge étatique (Cass. civ. 2ème, 2 avril 1990, Bull. civ. II, n°69), soit devant un tribunal arbitral (CA Paris, 11 février 2000 , jurisdata n°13864). Cette solution – parfaitement classique – vient d’être rappelée par deux décisions récentes intéressant le droit de la franchise : il s’agissait dans le premier cas d’un juge étatique (CA, Paris, 3 mai 2006, jurisdata n°300894)et, dans le second, d’un tribunal arbitral (Cass. civ., 25 avril  2006, pourvoi n°05-13.749) ; précisons que, dans ce dernier cas, le tribunal arbitral est définitivement constitué, conformément à l’article 1452 du NCPC, au moment de l’acceptation par tous les arbitres de leur mission ; c’est donc à cette date que s’apprécie la question de savoir si le juge des référés intervient ou non « avant tout procès ».

Dans l’hypothèse où la décision ordonnant une mesure d’instruction est frappée d’appel, la Cour apprécie la demande au jour où elle statue en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, et peut écarter l’application de l’article 145 du NCPC lorsque, entre temps, l’une des parties a saisi le juge du fond. Dans ce cas, l’exigence d’une saisine du juge « avant tout procès » n’est plus vérifiée et la demande n’est donc plus fondée (CA Rouen, 7 février 2006, jurisdata n°307012).

(179)         Ensuite, la demande doit être justifiée par un « intérêt légitime ». Deux décisions récentes montrent certaines des possibilités offertes par ce texte. Selon la première (Cass. com., 14 février 2006, pourvoi n°05-13.127), peut justifier d’un motif légitime le franchiseur souhaitant obtenir la communication par son franchisé de documents, relatifs à la mise en location-gérance de son fonds de commerce, susceptibles de caractériser la violation de son droit de préférence, stipulé dans son contrat de franchise. La Cour d’appel s’était opposée à cette demande au motif, notamment, que le demandeur n’établissait pas qu’une offre précise et définitive au sens du contrat existait avant l’expiration du contrat de franchise et que le franchisé n’était tenu que de transmettre une offre finalisée, et non de faire part d‘éventuelles négociations. La Cour de cassation censure l’arrêt au visa de l’article 145 du NCPC et considère « qu’en statuant au vu de la seule absence de preuve de faits que la mesure d’instruction sollicitée avait précisément pour objet de conserver ou d’établir, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». Selon la deuxième (CA Paris, 3 Mai 2006, jurisdata n°300894), peuvent justifier d’un motif légitime les franchisés qui, invoquant un abus caractérisé dans la fixation du prix des fournitures objets d’une clause d’achat exclusif, sollicitent une mesure d’expertise propre à établir et, le cas échéant, à chiffrer le montant des surfacturations qui leur ont été appliquées, dans la perspective d’une éventuelle action en responsabilité à l’encontre du franchiseur ; la décision précise en outre qu’il importe peu, à cet égard, que les franchisés aient quitté le réseau.

Reste intacte – ici comme ailleurs – la jurisprudence selon laquelle ne justifie pas d’un intérêt légitime la mesure d’instruction ayant pour résultat de mettre le demandeur en possession des documents portant notablement atteinte au secret des affaires (CA Paris, 13 mai 1998,  jurisdata n°973426 ; CA Paris, 2 juin 1999,  jurisdata n°023375 ; v. contra, Cass. civ. 2ème, 7 janv. 1999 : Bull. civ. II, n°4) ou couverts par un secret de fabrication (Cass. civ. 2ème, 14 mars 1984 : Bull. civ. II, n°49). Par analogie, il doit être considéré qu’une mesure d’instruction de nature à révéler le savoir-faire aux tiers devrait être écartée comme ne remplissant pas cette condition.

(180)         Enfin, la demande doit être utile. Cette condition fait défaut lorsque les moyens de preuve existent déjà ou qu’il ne paraît pas possible d’en découvrir de nouveaux ; il en va de même si le demandeur peut se procurer lui-même, sans démarche particulière, les preuves nécessaires à son éventuelle action en justice. En revanche, la carence de la partie demanderesse dans l’administration de la preuve n’est pas un obstacle à sa demande (Cass. ch. mixte, 7 mai 1982, Bull. civ. ch. mixte, n°2), pour autant qu’elle ne se fonde pas sur des faits ne présentant pas un caractère de plausibilité suffisante (Normand, Chron., RTD civ. 1994, p.670).

Dans ce contexte jurisprudentiel bien connu, il convient de rappeler – pour mémoire – une solution intéressante. Ainsi, ne justifie pas d’un tel motif, le franchisé agissant en vue d’établir la responsabilité du franchiseur lui ayant communiqué des chiffres d’affaires prévisionnels qui, non réalisés par la suite, avaient selon lui entraîné des pertes financières importantes et la revente du commerce ; le franchisé avait sollicité la désignation d’un expert pour déterminer le montant de son préjudice. La Cour d’appel (CA Douai, 18 mai 1995, jurisdata n°043368)  rejette la demande au double motif, d’une part, qu’« il n’est demandé à l’expert aucune recherche d’éléments que les parties ne soient à même de soumettre à une juridiction éventuellement saisie d’un procès » et, d’autre part, « qu’il n’apparaît pas que puisse être révélé par l’expertise un fait dont pourrait dépendre la solution d’un litige ».

B. Contentieux Arbitral

(181)         De nature discrète, le contentieux arbitral se dévoile lorsqu’un recours est porté devant le juge étatique. Les situations sont nombreuses et les décisions constituant l’objet de notre étude portent sur cinq séries de questions, pour certaines récurrentes : la recevabilité de l’action en nullité de la convention d’arbitrage (1), l’application du principe de « compétence-compétence » (2), les mesures préparatoires à une éventuelle action en récusation (3), les pouvoirs des arbitres en cas de divergence entre le compromis d’arbitrage et l’acte de mission (4), le recours en annulation d’une sentence rendue en amiable composition (5).

1. Recevabilité de l’action en nullité de la convention d’arbitrage

F Une décision commentée : TGI Paris, 8 septembre 2005, inédit, RG n°03/11997.

(182)         Il convient tout d’abord de rappeler, très brièvement, que la partie qui a formé la demande d’arbitrage est toujours irrecevable à soutenir que les arbitres ont statué sur une convention nulle (TGI Paris, 8 septembre 2005, inédit, RG n°03/11997). La solution est trop connue (Cass. civ. 2ème, 26 janv. 1994, Bull. civ. II, n°38) pour qu’il soit besoin d’insister.

2. Applications du principe de « compétence-compétence »

F Quatre décisions commentées : Cass. civ. 1ère, 7 juin 2006, jurisdata n°033855 ; Cass. com., 13 juin 2006, pourvoi n°03-16.695 ; Cass. civ. 1ère, 17 janvier 2006, pourvoi n°04-12.781 ; TGI Paris, 8 septembre 2005, inédit, RG n°03/11997.

(183)         Le principe de « compétence-compétence », qui illustre l’adage « tout juge est juge de sa compétence », comporte deux aspects, positif et négatif, que traduisent les articles 1466 et 1458 du NCPC. Positivement, l’article 1466 précité donne compétence prioritaire à l’arbitre pour se prononcer : « si devant l’arbitre, l’une des parties conteste dans son principe ou son étendue le pouvoir juridictionnel de l’arbitre, il appartient à celui-ci de statuer sur la validité ou les limites de son investiture ». Négativement, l’article 1458 du NCPC indique que juge saisi doit refuser de statuer sur la validité ou l’existence de la clause, à moins que la clause à interpréter soit manifestement nulle : « lorsqu’un litige dont un tribunal arbitral est saisi en vertu d’une convention d’arbitrage est portée devant une juridiction de l’Etat, celle-ci doit se déclarer incompétente. Si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi, la juridiction doit également se déclarer incompétente à moins que la convention d’arbitrage ne soit manifestement nulle. Dans les deux cas, la juridiction ne peut relever d’office son incompétence ».

Si le législateur n’a ainsi envisagé qu’une exception à ce principe, les tribunaux en ont créé une seconde, en admettant que l’inapplicabilité – et non pas seulement la nullité – manifeste de la convention d’arbitrage puisse également constituer une exception conférant compétence au juge étatique (Cass. civ. 1ère, 23 mai 2006, pourvoi n°04-13.800 ; Cass. civ. 1ère, 30 mars 2004, Bull. civ. I, n°96 ; Cass., civ. 1ère, 16 octobre 2001, jurisdata n°011277).

Trois arrêts récents rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation dans le domaine du droit de la franchise illustrent parfaitement les deux aspects – positif et négatif – de ce principe fondamental, et apportent des précisions intéressantes sur le caractère manifestement nul (a) ou inapplicable (b) d’une clause compromissoire.

a) La clause compromissoire manifestement nulle

(184)         S’agissant d’une exception, le caractère manifestement nul doit être interprété strictement ; il s’entend d’une nullité évidente et incontestable, pouvant être constatée prima facie sans autre examen, qu’aucune argumentation sérieuse ne peut donc mettre en doute.

(185)         Dans une première affaire, un contrat de franchise comportait une clause compromissoire stipulant : « les arbitres ne seront soumis à aucune règle ni aucun délai prévu au code de procédure civile ».  Etait posée la question de savoir si cette clause était « manifestement nulle » au sens de l’article 1458 du NCPC. En première instance, le juge saisi avait dit la clause manifestement nulle et avait donc dérogé à la règle de priorité de la compétence arbitrale posée par ce texte en s’estimant compétent pour connaître du litige ; en cause d’appel, la Cour de Paris avait considéré qu’une telle clause n’était pas manifestement nulle. Par un arrêt du 7 juin 2006 (Cass. civ. 1ère, 7 juin 2006, jurisdata n°033855), la Cour de cassation rejette le pourvoi et retient par principe : « Attendu que, sans dénaturer les écritures de la société [franchisée], la Cour d’appel, qui a relevé que le premier juge avait méconnu le principe de compétence-compétence énoncé à l’article 1466 du nouveau Code de procédure civile en déclarant manifestement nulle la clause du contrat de franchise et qui n’a pas méconnu les dispositions de l’article 1458, alinéa 2, du nouveau code de procédure civile, a fait une exacte application des articles 1444 et 1466 du même code ».

Dans une seconde affaire, il a été jugé que n’était pas « manifestement nulle » la clause compromissoire qui, ne désignant pas expressément les arbitres et ne prévoyant pas les modalités de leur désignation, ne respecte donc pas les conditions de validité ainsi prévues à l’article 1443 du NCPC (TGI Paris, 8 septembre 2005, inédit, RG n°03/11997).

(186)         Ces décisions s’inscrivent dans la continuité des quatre arrêts de principe rendu le 6 juillet 2005 par la Cour de cassation (ne concernant pas la franchise mais dont la solution est évidemment transposable) ayant rejeté le pourvoi formé contre un arrêt infirmatif au motif que la décision du premier juge, en décidant « qu’il n’était pas possible de désigner des arbitres qui auraient le pouvoir de déroger aux règles d’ordre public ou incluant les principes directeurs du procès », avait donc interprété certaines stipulations de la clause compromissoire, et avait ainsi violé le principe selon lequel il appartient à l’arbitre de statuer par priorité sur sa propre compétence et, partant, sur l’existence, la validité et l’étendue de la convention d’arbitrage (Cass. civ. 1ère, 6 juillet 2005, pourvois n°n°04-10.455, n°04-10.456 et n°04-10.457).

b) La clause compromissoire manifestement inapplicable

(187)         Dans une deuxième affaire, un franchisé s’était engagé, en vertu d’un protocole-cadre, à signer ultérieurement un contrat de franchise et un contrat d’approvisionnement ; ce protocole-cadre comportait une clause prévoyant de « soumettre toutes contestations auxquelles pourront donner lieu l’interprétation et l’exécution du présent protocole à trois arbitres ». Le franchisé ayant refusé de signer le contrat de franchise, le franchiseur mettait en oeuvre la procédure d’arbitrage et nommait en conséquence un arbitre, tout en saisissant le président du tribunal de commerce d’une demande de désignation d’arbitre pour le compte du franchisé, qui n’y avait pas procédé.

Le juge consulaire avait retenu que la clause compromissoire susvisée n’était pas applicable en l’espèce puisqu’il s’estimait saisi d’une demande portant sur la validité du protocole-cadre, alors que la clause compromissoire n’envisageait que l’hypothèse d’une contestation ayant pour objet l’interprétation ou l’exécution du protocole-cadre. Cette motivation pouvait sembler séduisante quand on sait que la jurisprudence admet que l’inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage – et non pas seulement sa nullité manifeste – constitue également une exception conférant compétence au juge étatique (v. supra, §.183). Ce faisant, le premier juge s’était déclaré compétent et avait considéré qu’il convenait d’apprécier, avant toute désignation d’arbitre, la validité du protocole au regard des dispositions de l’article L.330-1 du Code de commerce. Pour infirmer cette décision et désigner l’arbitre faisant défaut, la Cour d’appel considérait que cette motivation emportait violation de la règle de priorité de la compétence arbitrale consacrée par le principe de compétence-compétence et ignorait la règle de séparabilité de la clause compromissoire du contrat. De même, pour rejeter l’argument, ajouté par le franchisé en cours de procédure, faisant valoir que la clause compromissoire ne permettait que la constitution d’un tribunal arbitral statuant entre deux parties et qu’elle était donc insuffisante pour que soit constitué un tribunal pouvant statuer sur les litiges nés de la convention liant trois parties, la Cour d’appel observait que la désignation en cause ne visait qu’un arbitrage ne concernant que le franchiseur et le franchisé.

Par l’arrêt commenté (Cass. civ. 1ère, 17 janvier 2006, pourvoi n°04-12.781), la Cour de cassation retient par principe : « Attendu que l’arrêt relève d’abord qu’en application de l’article 1466 du nouveau Code de procédure civile, il appartient à l’arbitre de statuer par priorité sur sa propre compétence et que la clause d’arbitrage est indépendante de la convention qui la contient ; qu’ensuite, le litige n’oppose que la société [franchiseur] et la société [franchisée] et que, de ce fait, la clause compromissoire est suffisante pour composer le tribunal arbitral, le risque éventuel de contrariété de décisions n’empêchant pas celui-ci de remplir sa mission ; qu’ainsi, la décision de la cour d’appel est légalement justifiée au regard de l’article 1444 du nouveau Code de procédure civile ».

(188)         Dans une autre affaire, un franchiseur et un franchisé sont convenus de résilier un premier contrat de franchise, et de conclure un nouveau contrat de franchise ainsi qu’un contrat d’approvisionnement ; les trois conventions comprenaient une clause compromissoire stipulant que « toutes contestations auxquelles pourront donner lieu l’interprétation et l’exécution du présent accord seront soumises à trois arbitres » et précisant la constitution d’un tribunal arbitral à Paris. Après que la mise en redressement judiciaire de la société franchisée fut prononcée et qu’un plan de cession de l’entreprise fut arrêté, le représentant des créanciers, confirmé dans ses fonctions, fut désigné commissaire à l’exécution du plan. Ce dernier assigna le franchiseur devant le tribunal de la procédure collective à l’effet de voir désigner un expert chargé de déterminer l’aggravation du passif dont le franchiseur serait responsable pour avoir soutenu artificiellement la société franchisée. Le franchiseur se prévalait de la clause compromissoire et soulevait en conséquence l’incompétence du tribunal de commerce au profit du tribunal arbitral.

Dans cette espèce, l’arrêt confirmatif rendu par la Cour d’appel avait écarté la compétence arbitrale au motif que la clause compromissoire ne concernait que les litiges entre les parties qui l’ont stipulée et n’était opposable au commissaire à l’exécution du plan que dans la mesure où celui-ci exerçait les droits et actions du débiteur lui-même suivant les modalités de la liquidation judiciaire, par application de l’article L.621-83 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises. L’arrêt retient que tel n’était pas le cas d’une telle action, celle-ci ayant été engagée au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.

La Cour de cassation (Cass. com., 13 juin 2006, pourvoi n°03-16.695)rejette le pourvoi et retient que la Cour d’appel avait « ainsi fait ressortir l’inapplicabilité évidente de la convention d’arbitrage », de nature à faire obstacle au principe  de compétence-compétence.

Compte tenu de l’effet relatif des conventions prévu à l’article 1165 du Code civil, la clause – insérée dans un contrat conclu entre le franchiseur et le franchisé – ne pouvait lier le commissaire à l’exécution du plan que si celui-ci exerçait les droits et actions du débiteur, ce qui n’était « manifestement » pas le cas en l’espèce, l’action ayant été engagée au nom des créanciers. La solution aurait été différente si le commissaire à l’exécution du plan avait agi au nom du débiteur c’est-à-dire au nom du franchisé. Il faut donc prendre en considération la nature de l’action pour déterminer dans ce cas si la clause compromissoire est opposable ou non. Une solution comparable avait déjà été prononcée par la Chambre commerciale, à la seule différence, que l’action avait été exercée par le liquidateur. Toutefois, cette décision se contentait d’affirmer que la clause était étrangère au litige sans relever expressément son inapplicabilité manifeste (Cass. com., 14 janvier 2004, Bull. civ. IV, n°10  : retenant que « le liquidateur, qui n’était pas partie au contrat stipulant la clause compromissoire, agit en responsabilité dans l’intérêt des créanciers contre le franchiseur pour soutien abusif apporté à la société franchisée, ce dont il résulte que ladite clause est étrangère au litige ; que par ces seuls motifs, la cour d’appel a légalement justifié sa décision »).

(189)         L’opposition entre les solutions dégagées par les arrêts des 17 janvier et 13 juin 2006 n’est qu’apparente. Dans le premier cas, l’inapplicabilité prétendue de la clause compromissoire impliquait une interprétation de ladite clause – laquelle ressortissait donc de la compétence des arbitres en vertu du principe précité – tandis que dans le second, l’inapplicabilité alléguée n’était plus liée à la rédaction de la clause mais à la qualité intrinsèque du demandeur à l’action (en l’espèce un liquidateur agissant dans l’intérêt des créanciers), dont le juge étatique pouvait apprécier directement la pertinence.

3. Les mesures préparatoires à une éventuelle action en récusation

F Une décision : Cass. civ. 1ère, 20 juin 2006, pourvoi n°05-17.019.

(190)         Il convient de rappeler que, selon l’article 1444 du NCPC : « Si, le litige né, la constitution du tribunal arbitral se heurte à une difficulté du fait de l’une des parties ou dans la mise en oeuvre des modalités de désignation, le président du tribunal de grande instance désigne le ou les arbitres. Toutefois, cette désignation est faite par le président du tribunal de commerce si la convention l’a expressément prévue. Si la clause compromissoire est soit manifestement nulle, soit insuffisante pour permettre de constituer le tribunal arbitral, le président le constate et déclare n’y avoir lieu à désignation ». En outre, l’article 1463 du NCPC énonce : « Un arbitre ne peut s’abstenir ni être récusé que pour une cause de récusation qui se serait révélée ou serait survenue depuis sa désignation. Les difficultés relatives à l’application du présent article sont portées devant le président du tribunal compétent ».

(191)         A la lumière de ces textes, qui ne précisent pas l’étendue exacte des pouvoirs du Président du tribunal pour trancher la difficulté qui lui est soumise, la jurisprudence lui confère une grande latitude quant à la manière concrète de mener sa mission.

Dans une affaire récente, en effet, un franchiseur et un franchisé avaient conclu deux contrats, dont l’un contenait une clause compromissoire ; le franchiseur avait mis en oeuvre la procédure d’arbitrage, désigné un arbitre et même saisi le juge d’appui d’une demande de désignation d’arbitre, le franchisé n’en ayant pas désigné. Le président du tribunal de commerce décidait de désigner un arbitre mais, à la demande du franchisé, faisait injonction au franchiseur de communiquer le nombre d’arbitrages, concernant des litiges nés de l’exécution de contrats de franchise ou d’approvisionnement, dans lesquels elle avait désigné ledit arbitre. La Cour d’appel avait confirmé la décision des premiers juges ayant enjoint au franchiseur de révéler le nombre d’arbitrages pour lesquels il avait désigné cet arbitre. Le pourvoi faisait valoir que le juge d’appui, saisi d’une demande en désignation de l’arbitre d’une partie, ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs au regard des articles 1444 et 1463 du NCPC, ni examiner l’indépendance de l’arbitre choisi par l’autre partie ni ordonner une mesure préparatoire à une instance en récusation.

Procédant à une interprétation finaliste des articles 1444 et 1463 du NCPC, la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 20 juin 2006, pourvoi n°05-17.019) retient que « la Cour d’appel a exactement décidé qu’en ordonnant une mesure préparatoire le juge d’appui n’avait pas excédé ses pouvoirs dès lors qu’il avait pour mission de résoudre les difficultés de constitution du tribunal arbitral de manière à ce que cette juridiction soit investie de la confiance des parties ».

4. Les pouvoirs des arbitres en cas de divergence entre le compromis d’arbitrage et l’acte de mission

F Une décision commentée : CA Paris, 6 avril 2006, jurisdata n°303330.

(192)         Une décision intéressante, marquant l’épilogue judiciaire d’une procédure longue de plusieurs années, vient utilement préciser l’étendue des pouvoirs des arbitres lorsque le compromis d’arbitrage et l’acte de mission ne coïncident pas exactement sur ce point.

Un franchiseur et un franchisé avaient signé un contrat de franchise et un contrat d’approvisionnement. Une enseigne concurrente du franchiseur avait adressé au franchisé une offre d’achats de son fonds de commerce, sous réserve de la résiliation des contrats la liant au franchiseur. Ce dernier n’ayant pas exercé son droit de préemption, le fonds avait été vendu à l’acquéreur, qui avait retiré l’enseigne pour y apposer la sienne. Faisant valoir que les contrats de franchise et d’approvisionnement avaient été transmis à l’acquéreur lors de la cession du fonds de commerce, excipant de leur rupture et se prévalant d’une clause compromissoire, le franchiseur assignait l’acquéreur devant le Tribunal de commerce de Paris pour voir désigner son arbitre.

Toute la difficulté venait de ce que la mission des arbitres, définie par le compromis d’arbitrage, était circonscrite à la recherche de la responsabilité contractuelle de l’acquéreur vis-à-vis de l’acquéreur, tandis que l’acte de mission, rédigé en termes généraux, étendait plus largement la mission des arbitres au domaine quasi-délictuel.

Un arrêt rendu le 28 novembre 2002 par la Cour d’appel de Paris avait confirmé la sentence arbitrale ayant rejeté la demande présentée sur un fondement contractuel – estimant que les contrats n’avaient pas été transmis –, tout en retenant l’existence d’une faute quasi délictuelle de l’acquéreur, malgré les termes restrictifs du compromis d’arbitrage. Cet arrêt fut ensuite cassé par la Haute juridiction (Cass. civ. 1ère, 18 mai 2005, Bull. civ. N°208, p.177) pour violation de l’article 1483 du NCPC, au motif que la Cour d’appel aurait dû préalablement statuer sur la nullité de la sentence pour défaut de convention d’arbitrage quant à une responsabilité quasi-délictuelle.

(193)         Statuant donc sur renvoi après cassation, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 6 avril 2006, jurisdata n°303330) apporte deux précisions déterminantes :

–       d’une part, « le Tribunal arbitral, après avoir dit l’acquéreur tiers aux contrats de franchise et d’approvisionnement et avoir écarté en conséquence sa responsabilité contractuelle, ne pouvait sans méconnaître les limites de sa mission, statuer sur une demande relative à son éventuelle responsabilité quasi-délictuelle de l’acquéreur qui (…) implique tant au niveau des faits et du droit un examen radicalement différent et doit s’analyser non comme une demande incidente ayant le même objet que la demande principale mais comme une demande ayant un objet différent », de sorte qu’il convient d’annuler la sentence arbitrale en ce qu’elle a statué sur la responsabilité quasi-délictuelle de l’acquéreur ;

–       d’autre part, la circonstance qu’il ait été discuté par l’acquéreur de sa responsabilité quasi-délictuelle devant les arbitres puis la Cour n’emporte pas « accord » du défendeur quant à une éventuelle extension de la mission des arbitres telle qu’elle s’impose à la Cour qui, dès lors, « ne peut statuer que dans les limites de la convention d’arbitrage ».

5. Le recours en annulation d’une sentence rendue en amiable composition

F Une décision commentée : Cass. com., 17 janvier 2006, Bull. civ. IV, n°9, jurisdata n°031799.

(194)         Ne voulant pas permettre l’annulation des sentences arbitrales pour des motifs futiles, le législateur a énuméré limitativement à l’article 1484 du NCPC les six cas d’ouverture du recours en annulation.

Le sixième cas concerne la violation par le tribunal arbitral d’une règle touchant à l’ordre public ; et, on le sait, même lorsqu’ils statuent en qualité d’amiables compositeurs, conformément à l’article 1474 du NCPC,les arbitres doivent trancher le litige conformément aux règles de droit impératives : ils se doivent donc d’appliquer les normes, internes et communautaires, d’ordre public, notamment celles issues du droit de la concurrence (CA Paris, 16 mars 1995 : Rev. arb. 1996, p.146).

(195)         Cette solution vient d’être confirmée par une décision de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, publiée au Bulletin (Cass. com., 17 janvier 2006, Bull. civ. IV, n°9, jurisdata n°031799). L’arbitre statuant en amiable compositeur doit respecter les règles d’ordre public. Pour rejeter le recours en annulation, la Haute juridiction prend soin de préciser que la Cour d’appel avait à  bon droit décidé qu’une clause de non-réaffiliation ne violait aucune règle d’ordre public, en particulier les dispositions de l’article 3 paragraphe 1 c) du règlement CE n°4087/88 de la Commission des communautés européennes concernant l’application de l’article 85 paragraphe 3 devenu l’article 81 du Traité.

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