Sanction de l’utilisation fautive des signes distinctifs par le concessionnaire – TC Paris, 24 fév. 2012, RG n°09/02275, inédit

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SIMON François-Luc

Avocat Associé-Gérant - Docteur en droit

Les principes évoqués par cette décision sont importants. La décision commentée témoigne incontestablement de l’importance des signes distinctifs dans le développement des enseignes organisées en réseau.


Dans cette espèce, rendue en matière de contrat de concession, les faits étaient classiques, ce qui donne à la décision rendue une portée d’ordre général : le concédant et le concessionnaire avaient retenu une interprétation divergente d’un avenant relatif à la durée du contrat de concession les liant ; le premier considérait le contrat arrivé à son terme, tandis que le second affirmait (en dépit des termes clairs de la clause considérée) que ce contrat était toujours en cours d’exécution, dans le but de justifier son droit à continuer d’utiliser les signes distinctifs de l’enseigne.

Cette divergence de vue devait conduire au contentieux puisque le concessionnaire continuait d’utiliser les signes distinctifs bien qu’il ait refusé de signer le nouveau contrat que le concédant lui avait proposé de régulariser.

On ne reviendra pas sur l’analyse de la clause, mais sur la motivation adoptée par le Tribunal et la sanction retenue à l’encontre du concessionnaire.

Pour ce qui concerne la motivation de cette décision, le Tribunal retient : « Attendu que le contrat est arrivé à terme le 30 juin 2009 ; que la demanderesse justifie avoir proposé (au concessionnaire) un nouveau contrat auquel cette dernière n’a pas donné suite ; que si cette décision lui appartenait librement elle ne pouvait plus dès lors poursuivre son activité commerciale sous l’enseigne (du concédant) et ne disposait effectivement plus du droit d’en utiliser les signes distinctifs ; Attendu que l’usage de l’enseigne, du logo , du nom commercial, du nom de domaine et des agencements au nom (du concédant), par (le concessionnaire), constitue un acte de concurrence déloyale à l’égard de la demanderesse par le risque de confusion généré dans l’esprit de la clientèle qui continue à croire que (la société concessionnaire) serait toujours affiliée au réseau (du concédant) ; que celle-ci en capte donc indûment la clientèle outre le préjudice moral qui s’en infère nécessairement ; Le tribunal dira que (le concessionnaire) a bien engagé sa responsabilité en se rendant coupable d’actes de concurrence déloyale à l’égard (du concédant) ».

Le tribunal ajoute opportunément que les agissements consistant à faire usage des signes distinctifs du réseau alors que les dispositions contractuelles étaient échues, sont constitutifs de concurrence déloyale à l’égard du concédant et causent au concédant un « préjudice matériel et moral ». 

Pour ce qui concerne la sanction retenue à l’encontre du concessionnaire, le Tribunal retient successivement la condamnation du concessionnaire :

– pour le passé : au paiement de dommages-intérêts, en l’espèce d’un montant de plus de 90.000 € ; le montant de la condamnation ainsi prononcée correspond au « manque à gagner », soit le  montant de la redevance mensuelle moyenne jusqu’alors assez faible (de l’ordre de 3.000 € HT), multiplié par la période (vingt mois et vingt-cinq jours) durant laquelle le concessionnaire avait utilisé en l’espèce les signes distinctifs postérieurement à la survenance du terme du contrat ;

– pour l’avenir : au paiement d’une astreinte, en l’espèce d’un montant de 500 € par jour de retard, tendant à interdire au concessionnaire d’utiliser tous les signes distinctifs de l’enseigne. Ainsi, le jugement commenté fait interdiction au concessionnaire, sous astreinte, d’utiliser notamment le nom commercial de l’enseigne et la marque du concédant, sur tout support et notamment sur son papier à entête et sur l’ensemble de ses documents publicitaires et commerciaux (notamment cartes de visite, tract, etc.), sur les Pages Jaunes, le site internet du concessionnaire et, plus généralement, sur tout site internet, ainsi qu’au registre du commerce et des sociétés.

Les principes évoqués par cette décision sont importants. La décision commentée (rendue en matière de concession, mais parfaitement transposable aux autres types de réseaux) témoigne incontestablement de l’importance des signes distinctifs dans le développement des enseignes organisées en réseau.


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