Délai de restitution du dépôt de garantie et régularisation des charges de copropriété

Cass. civ. 3ème, 31 mai 2018, n°17-18.069

Dans un immeuble régi par le statut de la copropriété, la somme due par le bailleur au titre de la régularisation des charges au moment du départ du preneur n’est pas soumise au délai de deux mois suivant la restitution des clés.

L’article 22 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 fixe le régime du dépôt de garantie et notamment les modalités de sa restitution. A l’expiration du contrat et dès la remise des clés des lieux loués, le bailleur dispose d’un délai de deux mois (réduit à un mois lorsque l’état des lieux est conforme à l’état des lieux d’entrée) pour restituer le dépôt de garantie, déduction faite des sommes dues par le locataire.

En cas de non-respect des délais précités, le bailleur s’expose à une pénalité dont le montant est fixé à 10 % du montant du loyer par mois de retard.

Cependant, lorsque les locaux loués se situent dans un immeuble collectif, le solde relatif aux charges locatives ne peut être connu qu’à la suite de l’approbation des comptes définitifs de l’immeuble.

Le bailleur peut conserver 20 % au plus du montant du dépôt garantie jusqu’à l’arrêté annuel des comptes et procéder à la régularisation définitive dans un délai d’un mois à compter de ladite approbation.

C’est ainsi que par un arrêt du 31 mai 2018, la Troisième chambre civile de la Cour de cassation a retenu, au visa de l’article 22 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le principe suivant :

« Attendu qu’il résulte de ce texte que le dépôt de garantie est prévu pour garantir l’exécution de ses obligations locatives par le locataire et que, lorsque les locaux loués se situent dans un immeuble collectif, la régularisation définitive des charges et la restitution du solde, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et de celles dont celui-ci pourrait être tenu en lieu et place du locataire, interviennent dans le mois qui suit l’approbation définitive des comptes de l’immeuble ».

En l’espèce, un locataire a saisi la Juridiction de proximité de Dieppe en restitution de son dépôt de garantie et en paiement des pénalités de retard.

Le locataire avait quitté les lieux loués le 18 décembre 2014 et déplorait, depuis le 18 février 2015, l’absence de restitution du dépôt de garantie (versé lors de son entrée dans les lieux d’un montant de 471,87 €).

La Juridiction de proximité a condamné le bailleur à payer au locataire la somme de 65,21 € au titre de la restitution du dépôt en garantie et la somme de 1.237 € correspondant à une majoration de 10 % du loyer pour chaque période mensuelle commencée en retard.

Les comptes entre les parties faisaient apparaitre que le locataire était débiteur de la somme de 472,50 € au titre des réparations locatives, mais bénéficiait d’un avoir sur charges de 65,84 €. Le bailleur était quant à lui débiteur d’une somme de 537,71 €, correspondant au dépôt de garantie et à l’avoir sur charges.

Pour retenir que le bailleur était redevable des pénalités de retard à compter de la restitution des clés, la Juridiction de proximité a pris en compte que le solde global était en faveur du locataire.

La décision est cassée par la Cour de cassation, la Juridiction de proximité ne pouvant statuer ainsi « après avoir constaté que les sommes dues au titre des réparations locatives excédaient le montant du dépôt de garantie et que la somme due par le bailleur résultait de la régularisation des charges, soumise à un délai de restitution différent ».

Partant du postulat que le logement se situe dans une copropriété, la restitution du dépôt de garantie peut être accomplie selon deux échéances, conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 22 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 :

  • d’une part, dans les deux mois suivant la remise des clés, le bailleur est tenu de restituer 80 % du dépôt de garantie, déduction faite des sommes dues par le locataire au titre des réparations, dégradations ou impayés,
  • d’autre part, les 20 % restant devront être versés, le cas échéant, dans le mois qui suit l’approbation définitive des comptes, après régularisation des charges, étant précisé que pour ce reliquat, le bailleur ne sera tenu des pénalités de retard qu’à compter de la date à laquelle il aurait dû les restituer.

Toutefois, et c’est la position adoptée par la Cour de cassation au cas d’espèce, s’il apparait que, dans les deux mois qui suivent la remise la restitution des clés, le coût des réparations locatives est supérieur au montant du dépôt de garantie, le bailleur peut le retenir dans sa totalité.

Ainsi, les pénalités ne courent que si le dépôt de garantie est indument retenu par le bailleur. Tel n’était pas le cas en l’espèce, dès lors qu’au jour de la remise des clés, les sommes dues par le locataire excédaient le montant du dépôt de garantie.

Par conséquent, cette décision permet de rappeler les modalités de restitution du dépôt de garantie versé pour la location d’un bien qui se situe au sein d’une copropriété.

A rapprocher : Réponse ministérielle n°30815, JOANQ 16 mars 2004

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