L’absence de recours sur tierce opposition pour l’associé créancier

Cass. com., 9 mai 2018, n°14-11.367 ; CA Basse-Terre, 25 novembre 2013, n°12/02083

L’associé créancier d’une société n’est pas fondé à former un pourvoi en cassation contre une décision statuant sur une tierce opposition à l’encontre d’un jugement d’ouverture de redressement judiciaire.

Ce qu’il faut retenir : L’associé créancier d’une société n’est pas fondé à former un pourvoi en cassation contre une décision statuant sur une tierce opposition à l’encontre d’un jugement d’ouverture de redressement judiciaire. Par ailleurs, il n’est pas plus fondé à déposer, sans pouvoir spécial, la déclaration de cessation des paiements de cette société.

Pour approfondir : En l’espèce, M. Erick Y, associé minoritaire de la société Basse-Terre Télévision, déclare l’état de cessation des paiements de la société Basse-Terre Télévision (BST) le 27 septembre 2012 auprès du greffe du Tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre.

Le 4 octobre 2012, la juridiction place la société BST en procédure de redressement judiciaire, sans toutefois convoquer préalablement ni la société, ni le représentant légal.

Compte tenu de ces circonstances exceptionnelles, M. Mario Y, Président de la société BST, forme une tierce opposition au jugement de redressement judiciaire estimant que le principe du contradictoire a été violé et contestant l’état de cessation des paiements.

Pour rappel, la tierce opposition constitue une voie de recours tendant à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l’attaque.

Parallèlement, le redressement judiciaire est converti en procédure de liquidation judiciaire par jugement rendu le 22 novembre 2012 du Tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre.

Cette tierce opposition peut notamment être formée par le débiteur lui-même.

En l’espèce, la tierce opposition de Mario Y est donc déclarée recevable et bien fondée par la Cour d’appel de Basse-Terre par un arrêt du 25 novembre 2013, n°12/02083.

A cet égard, les juges du fond rappellent que M. Erick Y, en sa qualité d’associé, n’avait aucunement la qualité pour solliciter l’ouverture d’une procédure collective à l’égard de la société BST.

Par ailleurs, les juges du fond précisent que si M. Erick Y, en sa qualité d’associé, se prétendait créancier, ce dernier aurait dû emprunter la voie de l’assignation afin de faire respecter le principe du contradictoire.

Enfin, la juridiction d’appel relève que la société BST n’a jamais été en état de cessation des paiements.

M. Erick Y s’est alors pourvu en cassation contre cet arrêt.

Toutefois, la Cour de cassation déclare ce pourvoi irrecevable. En effet, la Cour rappelle expressément les dispositions applicables en matière de procédure collective.

D’une part, seuls le tiers opposant, le débiteur, le créancier poursuivant et le ministère public peuvent former un pourvoi à l’encontre d’un arrêt statuant sur une tierce opposition à l’encontre d’un jugement d’ouverture d’un redressement judiciaire.

D’autre part, seuls le tiers opposant, le débiteur, l’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire, le comité d’entreprise – ou à défaut les délégués du personnel – et le ministère public peuvent former un pourvoi en cassation à l’encontre d’un arrêt statuant sur une tierce opposition à l’encontre d’un jugement de conversion de redressement en liquidation judiciaire.

Ainsi, en l’espèce, la Cour précise que la simple qualité d’associé ne permet pas de former un pourvoi en cassation contre de telles décisions à moins d’être un créancier poursuivant, ce que n’était pas M. Erick Y.

En d’autres termes, l’associé aurait dû, comme l’a relevé la Cour d’appel, emprunter la voie de l’assignation au même titre que n’importe quel créancier.

Ainsi, cette décision est l’occasion de rappeler qu’un associé ne peut, à défaut de détenir un pouvoir spécial, déclarer l’état de cessation des paiements. En effet, seul le représentant légal d’une société peut déclarer l’état de cessation des paiements.

Par ailleurs, l’arrêt est l’occasion de revenir sur la position parfois délicate de l’associé créancier, c’est-à-dire, généralement, de celui qui soutient financièrement la société par le biais d’apport en compte courant.

En pareille circonstance, il convient de préciser que l’associé est fondé à assigner ladite société en redressement judiciaire ou liquidation judiciaire, sous réserve toutefois que l’état de cessation des paiements soit caractérisé.

A rapprocher : Articles L.661-1 et L.661-2 du Code de commerce ; Article 592 du Code de procédure civile

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