Cession de fonds de commerce : pas de nullité de la vente sans vice du consentement

Cass. com., 5 avril 2018, n°17-11.908

L’inexactitude des mentions obligatoires devant figurer dans l’acte de cession de fonds de commerce, telles qu’imposées par l’article L.141-1 du Code de commerce, ne saurait emporter la nullité du contrat faute pour l’acquéreur de démontrer que l’inexactitude en question a vicié son consentement et lui a causé un préjudice.

Ce qu’il faut retenir : L’inexactitude des mentions obligatoires devant figurer dans l’acte de cession de fonds de commerce, telles qu’imposées par l’article L.141-1 du Code de commerce, ne saurait emporter la nullité du contrat faute pour l’acquéreur de démontrer que l’inexactitude en question a vicié son consentement et lui a causé un préjudice.

Pour approfondir : Dans cette affaire, une cession d’un fonds de commerce de « bar, brasserie, fabrication de plats cuisinés à emporter, terminal de cuisson, sandwicherie »  est intervenue entre deux personnes physiques.

En matière de cession de fonds de commerce, les dispositions du Code de commerce sont relativement strictes dès lors qu’elles sont généralement posées comme condition de validité de la vente et donc sanctionnées par la nullité de la vente conclue en violation de celles-ci.

C’est notamment le cas de l’article L.141-1 du Code de commerce, lequel liste les mentions devant impérativement figurer dans l’acte de cession de fonds de commerce sous peine d’entraîner sa nullité à la demande de l’acquéreur.

En l’espèce, conformément aux dispositions de l’article L.141-1 susvisé, l’acte de cession du fonds mentionnait les chiffres d’affaires et résultats d’exploitation afférents audit fond, réalisés au cours des trois derniers exercices comptables.

Un différend est toutefois né entre les parties concernant une activité de traiteur, s’entendant par les parties comme les ventes à emporter après commande et les ventes traiteur, qui ne faisait pas partie du périmètre de la cession. Le cessionnaire a reproché au cédant de lui avoir dissimulé cette activité alors pourtant que les recettes y afférentes étaient incluses dans les chiffres fournis par le cédant au cessionnaire.

Le cessionnaire, soutenant que l’activité de traiteur n’avait pas été déclarée par le cédant, a assigné ce dernier en résolution de la vente et en remboursement du prix de cession ainsi que des frais d’acquisition du fonds.

La Cour d’appel a fait droit à ces demandes au visa de l’article L.141-3 du Code de commerce, lequel dispose que « le vendeur est, nonobstant toute stipulation contraire, tenu de la garantie à raison de l’inexactitude de ses énonciations dans les conditions édictées par les articles 1644 et 1645 du Code civil ».

Les deux derniers articles visés par ce texte sont relatifs aux conséquences résultant de l’application de la garantie des vices cachés pesant sur le vendeur d’une chose conformément au droit commun de la vente. En effet, l’article 1644 du Code civil prévoit que « dans le cas des articles 1641 et 1643, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix » et l’article 1645 du même code indique que « si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur ».

La Cour d’appel a ainsi prononcé la résolution de la vente aux motifs qu’une partie des chiffres d’affaires et des résultats figurant dans l’acte de cession correspondait à une activité non cédée, ce dont elle a déduit que les mentions obligatoires figurant dans l’acte de cession étaient inexactes au sens de l’article L.141-3 du Code de commerce, quand bien même l’acquéreur en aurait été informé.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel estimant qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si cette inexactitude avait vicié le consentement du cessionnaire et lui avait causé un préjudice, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.141-3 du Code de commerce.

En se prononçant ainsi, la Cour de cassation réaffirme de manière lapidaire la jurisprudence applicable en matière de nullité d’un contrat, l’acte de cession d’un fonds de commerce ne faisant pas exception à cette règle : la nullité du contrat ne peut être prononcée que si le consentement du cocontractant a été vicié, la charge de la preuve du vice pesant sur la partie qui s’estime victime du vice.

A rapprocher : Cass. com., 19 oct. 1999 (3 affaires), n°96-20.392, n°97-14.366 et n°97-14.367, inédits

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