Inexécution de la promesse de porte-fort : paiement de dommages et intérêts

Cass. civ. 1ère, 7 mars 2018, n°15-21.244, Publié au bulletin

L’inexécution de la promesse de porte-fort ne peut être sanctionnée que par la condamnation de son auteur à des dommages-intérêts ; elle ne saurait être sanctionnée par la résolution de l’acte, quand bien même la promesse aurait été conclue dans le cadre d’une transaction.

Ce qu’il faut retenir : L’inexécution de la promesse de porte-fort ne peut être sanctionnée que par la condamnation de son auteur à des dommages-intérêts ; elle ne saurait être sanctionnée par la résolution de l’acte, quand bien même la promesse aurait été conclue dans le cadre d’une transaction.

Pour approfondir : Dans cette affaire, un protocole transactionnel a été conclu entre une société et l’un de ses salariés, en vertu duquel la société s’est engagée à payer une indemnité transactionnelle au salarié et s’est portée fort de la reprise, par le groupe auquel elle appartient, des relations contractuelles avec cet ancien salarié, exerçant à titre libéral et indépendant. En contrepartie de l’accord, le salarié a renoncé définitivement à solliciter, en exécution d’un jugement du conseil de prud’hommes, la somme que la société a été condamnée à lui verser.

Le salarié, ne s’étant vu proposer aucune mission, par aucune des sociétés du groupe entre 2003 et 2010, a invoqué l’inexécution de la promesse de porte-fort et a assigné la société en résolution de la transaction et en paiement de dommages-intérêts.

La Cour d’appel, estimant que la convention contenant une promesse de porte-fort est susceptible de résolution en cas d’inexécution totale ou partielle, a fait droit à la demande de résolution du salarié.

La Cour de cassation a néanmoins cassé l’arrêt de la Cour d’appel au visa des articles 1120 et 1184 du Code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 estimant à cet égard :

« Qu’en statuant ainsi, alors que l’inexécution de la promesse de porte-fort ne peut être sanctionnée que par la condamnation de son auteur à des dommages-intérêts, la Cour d’appel a violé les textes susvisés ».

En statuant ainsi, la Cour de cassation a appliqué à la lettre la sanction qui était prévue par l’ancien article 1120 du Code civil, qui disposait  :

« Néanmoins, on peut se porter fort pour un tiers, en promettant le fait de celui-ci ; sauf l’indemnité contre celui qui s’est porté fort ou qui a promis de faire ratifier, si le tiers refuse de tenir l’engagement ».

Cette solution de principe n’est pas étonnante dès lors que la règle déjà antérieurement appliquée avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance susvisée est désormais posée de manière encore plus claire par l’article 1204, issu de l’ordonnance du 10 février 2016, dont les deux premiers alinéas disposent :

« On peut se porter fort en promettant le fait d’un tiers.

Le promettant est libéré de toute obligation si le tiers accomplit le fait promis. Dans le cas contraire, il peut être condamné à des dommages et intérêts »

Pour comprendre cette sanction, il faut admettre que l’objet de la promesse de porte-fort est d’obtenir le fait d’un tiers. Il s’agit donc d’une obligation par laquelle le porte-fort s’engage à faire en sorte que le tiers accomplisse le fait promis, quel qu’il soit. L’obligation en cause étant de résultat, alors, si le résultat promis n’a pas été atteint, la sanction découlant de cette inexécution réside dans les dommages et intérêts auxquels peut être condamné le porte-fort ou qui auront été prévus, le cas échéant, par une clause pénale.

Il convient cependant de se demander si, au cas d’espèce, le fait de faire prévaloir la logique du porte-fort sur celle de la transaction ne conduit pas à rendre une décision (illégitimement) sévère à l’encontre du bénéficiaire de la promesse.

En effet, conformément aux dispositions de l’article 2044 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, la transaction repose sur des concessions réciproques, ce qui imprime un caractère synallagmatique au contrat de transaction. Or, en l’espèce, une partie de ces concessions n’avait pas été respectée par la société, ce qui pouvait justifier une éventuelle résolution judiciaire. La résolution de la transaction aurait alors permis au salarié de demander l’exécution du jugement prud’homal à laquelle il avait renoncé au titre de la transaction.

A rapprocher : Cass. com., 13 déc. 2005, n°03-19.217

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