Bail commercial : point de départ de la prescription de l’action en requalification

Cass. civ. 3ème, 14 septembre 2017, n°16-23.590

Le point de départ de la prescription biennale applicable à l’action en requalification d’une convention en bail commercial court à compter du jour de la conclusion du contrat initial, peu important ses éventuels renouvellements.

Ce qu’il faut retenir : Le point de départ de la prescription biennale applicable à l’action en requalification d’une convention en bail commercial court à compter du jour de la conclusion du contrat initial, peu important ses éventuels renouvellements.

Pour approfondir : Le 1er janvier 1989, une société exploitante d’un hôtel a pris à bail un terrain contigu à usage de parking pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction. Les bailleurs lui ont délivré congé le 25 septembre 2012 à effet du 31 décembre suivant.

Le 12 décembre 2012, la locataire les a assignés en nullité du congé délivré en violation des dispositions applicables au statut des baux commerciaux. Les bailleurs lui ont opposé la prescription de sa demande en requalification de la convention en bail commercial.

La Cour d’appel de Versailles déclare cette action recevable et considère que ledit bail était susceptible de relever du statut des baux commerciaux, sous réserve, pour le preneur, de remplir les conditions d’application du statut prévues à l’article L.145-1 du Code de commerce. Ce terrain était, en effet, à usage de parking mais réservé aux clients de l’hôtel au vu et au su des bailleurs et le contrat s’était renouvelé pendant plus de vingt-trois ans.

La Cour d’appel retient également que l’action en nullité de la locataire ne pouvait être introduite qu’à compter de la date à laquelle le droit au statut des baux commerciaux lui avait été dénié, soit le jour de la délivrance du congé.

La Cour de cassation la censure au visa de l’article L.145-60 du Code de commerce établissant une prescription biennale en matière de baux commerciaux. La haute juridiction considère que le point de départ de cette prescription applicable à la demande de requalification d’une convention en bail commercial court à compter du jour de la conclusion dudit contrat peu important ses renouvellements successifs.

Ainsi, bien que le renouvellement d’un bail constitue un nouveau contrat, seule la date de conclusion du contrat initial doit être prise en compte pour la prescription de l’action en requalification de la convention en bail commercial.

Cette solution, qui peut paraître sévère à l’encontre du preneur, s’explique certainement par le fait que la position inverse aurait pour effet de rendre l’action en requalification imprescriptible si le délai ne courrait qu’à compter du jour où le droit au statut des baux commerciaux a été dénié comme le considérait la Cour d’appel en l’espèce. Cette décision paraît logique au regard des dispositions relatives à la prescription dans la mesure où le preneur avait connaissance, dès la conclusion du contrat initial, de la violation des dispositions d’ordre public du statut des baux commerciaux.

Il convient néanmoins de noter que cet arrêt a été rendu pour un bail conclu avant l’entrée en vigueur de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises dite « Pinel ». La pérennité de cette solution pourrait être, en effet, remise en cause depuis cette loi car elle soumet les clauses statutaires d’ordre public au régime du « réputé non écrit » qui rend l’action imprescriptible et non plus à celui de la nullité classiquement enfermé dans le délai d’action biennal de l’article L.145-60 du Code de commerce.

A rapprocher : Cette solution n’est pas nouvelle. La Cour vient confirmer sa jurisprudence antérieure au terme de laquelle la demande tendant à la reconnaissance du statut des baux commerciaux est soumise à la prescription biennale de l’article L.145-60 du Code de commerce et que le délai court à compter de la conclusion du contrat et ce peu important que la convention ait été tacitement reconduite (Cass. com., 11 juin 2013, n°12-16.103) ou renouvelée par avenants successifs (Cass. civ. 3ème, 3 décembre 2015, n°14-19.146).

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