Clause résolutoire : forme de la mise en demeure préalable

Cass. civ. 3ème, 23 mars 2017, n°16-13.060

La mise en demeure préalable à l’acquisition de la clause résolutoire ne peut consister en une sommation de payer s’agissant d’une obligation en nature, dont il n’est pas précisé qu’elle peut être exécutée par équivalent.

Ce qu’il faut retenir : La mise en demeure préalable à l’acquisition de la clause résolutoire ne peut consister en une sommation de payer s’agissant d’une obligation en nature, dont il n’est pas précisé qu’elle peut être exécutée par équivalent.

Pour approfondir : Cet arrêt, publié au Bulletin, est l’occasion pour la Cour de cassation de préciser la forme que doit prendre la mise en demeure d’exécuter une obligation en nature, adressée par le créancier au débiteur, afin de bénéficier de la clause résolutoire prévue dans le contrat liant les parties.

Dans cette affaire, un propriétaire a cédé la nue-propriété de biens immobiliers, l’acte de vente prévoyant à la charge de l’acquéreur une obligation d’entretien, s’analysant en une obligation de nature alimentaire.

L’exécution de cette obligation alimentaire est sanctionnée par la stipulation au contrat d’une clause résolutoire dont la mise en œuvre est conditionnée à la mise en demeure préalable du débiteur.

Estimant que l’acquéreur n’avait pas respecté l’obligation d’entretien lui incombant en application du contrat de vente, le vendeur a fait délivrer à l’acquéreur une sommation d’avoir à lui payer une certaine somme, visant la clause résolutoire à défaut de règlement.

L’acquéreur a alors assigné le vendeur en nullité de la sommation, ce dernier ayant quant à lui demandé reconventionnellement la résolution de la vente.

En appel, la juridiction saisie fait droit à la demande du vendeur, créancier de l’obligation en nature. Elle retient pour cela que, faute pour l’acquéreur, débiteur de ladite obligation, d’avoir remédié à l’état de besoin du créancier, en nature ou par équivalent, la clause résolutoire était acquise.

A l’appui de son pourvoi, l’acquéreur conteste la mise en œuvre de la clause résolutoire ; il soutient en effet que la créance alimentaire n’ayant jamais été convertie en rente – c’est-à-dire finalement en obligation de payer une somme d’argent – il en découle que la sommation de payer adressée par le vendeur ne permettait pas de le mettre en demeure, conformément aux dispositions de la clause résolutoire, d’exécuter l’obligation alimentaire, expressément stipulée en nature.

La question posée à la Cour de cassation portait ainsi sur le point de savoir quelle était la forme que devait adopter la mise en demeure adressée par le débiteur de l’obligation en nature pour être effective et lui permettre de bénéficier de la clause résolutoire insérée par les parties dans le contrat afin de sanctionner l’inexécution éventuelle du débiteur.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et fait droit à la demande de l’acquéreur, débiteur de l’obligation alimentaire. La Cour relève en effet « qu’en statuant ainsi, alors qu’une sommation de payer n’équivaut pas à une mise en demeure d’exécuter une obligation stipulée en nature, la Cour d’appel a violé les textes susvisés [articles 1134 et 1184 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016]. »

Au visa de l’ancien article 1134 (art. 1103 nouv.) du Code civil, la Cour de cassation prend ainsi acte que les parties ont spécifiquement prévu une obligation alimentaire en nature, consistant en une aide matérielle et non une aide financière et en déduit que la mise en demeure préalable à l’acquisition de la clause résolutoire imposée par le contrat et les textes ne saurait constituer en une sommation de payer pour être effective.

La solution retenue par la Cour de cassation est à ce titre intéressante ; en effet, l’ancien article 1146 du Code civil, devenu l’article 1344, exigeait simplement qu’il ressorte de la mise en demeure préalable une « interpellation suffisante » du débiteur, sans ajouter quelque autre condition, et notamment aucune exigence de forme ou de fond particulière.

Par cet arrêt, la Haute juridiction ajoute ainsi un critère de parallélisme des formes entre la mise en demeure et l’obligation dont le créancier poursuit l’exécution.

Dans cette perspective, si l’obligation inexécutée a été stipulée en nature, seule une mise en demeure d’avoir à exécuter les actes correspondants précisément à cette obligation aura l’effet comminatoire escompté, à l’exclusion d’une sommation de payer qui, par nature, ne peut porter que sur le versement d’une somme d’argent.

L’exigence de la Cour peut alors paraitre rigoureuse pour les parties ; toutefois, elle a le mérite de subordonner la prise d’effet de la mise en demeure à la connaissance exacte du débiteur de la teneur et la consistance de l’engagement qu’il est tenu de respecter et dont le créancier demande l’exécution. Il s’agit ainsi d’une garantie utile pour le débiteur.

A rapprocher : Cass. civ. 1ère, 3 février 2004, pourvoi n°01-02.020, Bull. civ. I, n°27

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