Les conditions de remise en cause d’un cautionnement en cas de défaillance du débiteur principal

Cass. com., 22 février 2017, n°15-14.915

La caution d’un débiteur placé en procédure collective dispose de deux moyens efficaces pour se soustraire à ses engagements ou en limiter la portée : le manquement du créancier à son devoir de mise en garde, et le caractère disproportionné du cautionnement. 

Ce qu’il faut retenir : La caution d’un débiteur placé en procédure collective dispose de deux moyens efficaces pour se soustraire à ses engagements ou en limiter la portée : le manquement du créancier à son devoir de mise en garde, et le caractère disproportionné du cautionnement. Dans cet arrêt du 22 février 2017, la Cour de cassation est venue préciser les contours de ces moyens.
 

Pour approfondir : Le cautionnement est une convention unilatérale par laquelle une personne physique ou morale, dite « caution », s’engage à payer la dette d’une autre personne, dite « débiteur principal », à son créancier. Elle est considérée comme un engagement accessoire du contrat qui relie le débiteur principal à son créancier.

En l’espèce, par un acte du 1er mars 2007, la société Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté (le créancier) a consenti à la société Luxeuil Primeurs (le débiteur principal) un prêt destiné à financer l’acquisition d’un fonds de commerce. M. et Mme X se sont rendus cautions solidaires de ce prêt par un acte du même jour. Puis, par un acte du 24 novembre 2010, la banque a de nouveau consenti à la société un prêt d’équipement, garanti par le cautionnement de M. X. L’épouse de ce dernier a donné son consentement exprès à l’acte. Finalement, la société Luxeuil Primeurs a été mise en redressement puis liquidation judiciaire. La banque a alors assigné les cautions en exécution de leurs engagements.

Pour remettre en cause le cautionnement de mars 2007, les consorts X ont invoqué un manquement du créancier à son devoir de mise en garde. Ce dernier lui impose de prévenir la caution de l’importance du risque, pour elle, de voir son patrimoine supporter la défaillance du débiteur principal. Le devoir de mise en garde n’existe cependant que lorsque le créancier est un professionnel et que la caution est non-avertie, c’est-à-dire lorsqu’elle n’est pas à même d’apprécier le risque que fait peser sur elle la souscription du cautionnement. Un manquement du créancier à cette obligation engage sa responsabilité contractuelle.

Le montant de dommages-intérêts versés à la caution peut ainsi se compenser avec la somme qu’elle doit au créancier.

Aux termes de l’arrêt du 22 février 2017, la Cour de cassation a confirmé que la possibilité pour le créancier de s’exonérer de sa responsabilité suppose des circonstances particulières lui permettant de se convaincre que les mensualités du prêt pourraient sans difficultés être réglées par les bénéfices générés par l’activité commerciale du débiteur principal. Or, dans les faits de l’espèce, de telles circonstances sont justement présentes puisqu’un dossier prévisionnel encourageant a été établi par un cabinet d’expertise comptable. D’après les juges, son contenu est suffisant pour rassurer le banquier quant à la viabilité financière de l’entreprise à la date du prêt. Il n’est donc pas tenu à un devoir de mise en garde vis-à-vis des cautions. Cette logique était déjà présente dans un arrêt antérieur du 27 novembre 2012.

Pour remettre en cause le cautionnement de novembre 2010, les consorts X. ont cette fois-ci argué de son caractère disproportionné par rapport à leurs  biens et revenus. Dans ce cas de figure prévu par l’article L332-1 du Code de la consommation (ancien article L341-1), le contrat de cautionnement est totalement privé de ses effets.

Dans les faits de l’espèce, le consentement exprès de Madame X. au cautionnement de son mari a permis d’étendre l’assiette du droit de gage du créancier aux biens communs et à ses revenus en vertu de l’article 1415 du Code civil. Contrairement à ce qu’ont affirmé les consorts X. dans leur pourvoi, le caractère disproportionné du cautionnement suppose dès lors, pour être apprécié, de prendre en compte non seulement les biens propres de la caution, mais aussi les biens communs et les revenus de son conjoint. En se basant sur l’ensemble de ces actifs, les juges ont pu estimer que le cautionnement de Monsieur X. auquel avait consenti son épouse est bien proportionné.

La jurisprudence se montre ainsi stricte dans l’application des moyens permettant à la caution de préserver son patrimoine en cas de défaillance du débiteur principal, et ce d’autant plus en présence de cautions averties.
 

A rapprocher : Cass. com., 27 novembre 2012, n°11-22.706

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