Nullité et résiliation du contrat : charge de la preuve pesant sur le franchisé

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GRANDMAIRE Justine

Counsel - Docteur en droit

CA Paris, 25 janvier 2017, n°14/23222

Le franchisé qui soulève la nullité du contrat pour manquement du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle doit démontrer que les informations non communiquées ont vicié son consentement.

Ce qu’il faut retenir : Le franchisé qui soulève la nullité du contrat pour manquement du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle doit démontrer que les informations non communiquées ont vicié son consentement ; le franchisé qui soulève la résiliation du contrat pour manquement du franchiseur à ses obligations contractuelles doit démontrer la réalité des manquements commis par le franchiseur.
 

Pour approfondir : La société C. est à la tête d’un réseau de magasins d’achat-vente aux particuliers exploité sous l’enseigne Cash C.

M. B. est le gérant de la société L. et de la société S., chacune étant spécialisée dans le commerce de détail de biens d’occasion en magasin.

Le 10 novembre 2009, M. B. signe un premier contrat de franchise avec la société C. destiné à permettre à la société L. d’exploiter un point de vente sous l’enseigne Cash C. Quelques mois plus tard, en avril 2010, un nouveau contrat de franchise est conclu afin de permettre à la société L. d’exploiter, dans la même ville, un autre point de vente sous l’enseigne Cash C. Enfin, le 30 avril 2010, un troisième contrat de franchise est conclu, destiné à permettre à la société S. d’exploiter un point de vente sous l’enseigne Cash C.

A partir d’octobre 2010, M. B. alerte le franchiseur sur les difficultés rencontrées par les sociétés L. et S. dans l’exploitation de leurs points de vente. Le franchiseur accorde alors des réductions sur le montant des redevances dues par les sociétés franchisées.

Le 26 octobre 2012, les sociétés L. et S. résilient les trois contrats de franchise à effet au 30 novembre 2012, aux torts exclusifs du franchiseur.

C’est dans ce contexte que la société C. assigne les deux sociétés franchisées afin d’obtenir leur condamnation au paiement des arriérés de redevances et des dommages et intérêts au titre de la rupture anticipée des contrats de franchise. En première instance, le Tribunal a fait droit aux demandes du franchiseur. Les sociétés franchisées ont alors interjeté appel.

En premier lieu, les sociétés L. et S. soulèvent la nullité des contrats de franchise pour manquement du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle : aucun DIP n’aurait été remis par le franchiseur au titre de la conclusion des deux premiers contrats de franchise, ce qui aurait vicié le consentement de la société L. et, concernant la conclusion du troisième contrat, le DIP qui aurait été remis par le franchiseur serait incomplet en ce qui concerne l’état et les perspectives du marché local.

Les juges du fond rappellent que « la méconnaissance, par un franchiseur, de son obligation pré-contractuelle d’information n’entraine la nullité du contrat de franchise ou d’affiliation que s’il est démontré que celle-ci est constitutive d’un dol, d’une réticence dolosive ou d’une erreur, de nature à vicier le consentement du franchisé ».

Or, en l’espèce, concernant la signature du premier contrat de franchise, d’une part, celui-ci avait été précédé de la remise d’un DIP et, d’autre part, les juges du fond soulignent que M. B. exploitait depuis 2006, à la même adresse, un magasin sous une enseigne intervenant dans le même secteur d’activité que Cash C. ; ce dernier point constitue un élément important permettant d’apprécier la qualité du consentement donné par le franchisé.

Concernant la signature du deuxième contrat de franchise, si celui-ci n’a pas été précédé de la remise d’un DIP, il convient toutefois de rappeler que, dès lors que l’implantation du deuxième point de vente était prévue dans la même ville que le premier point de vente, les informations figurant dans le DIP remis quelques mois plus tôt demeuraient valides. Par ailleurs, le fait pour les sociétés franchisées de ne pas avoir atteint le chiffre d’affaires annuel moyen présenté par le franchiseur sur son site internet au cours des premières années d’exploitation d’un point de vente sous l’enseigne Cash C. ne permettait pas  de démontrer le caractère irréaliste de tels chiffres d’affaires.

Enfin, il était rappelé qu’il ne pouvait être reproché au franchiseur de ne pas avoir remis d’étude du marché local dès lors que, ainsi que cela est rappelé, seule une « présentation de l’état général et local du marché des produits ou services » est exigée du franchiseur.

Concernant la signature du troisième contrat de franchise, il était rapporté qu’un DIP avait été remis et aucun vice du consentement du franchisé n’était démontré.

En second lieu, s’agissant de la résiliation des contrats de franchise, les franchisées échouent dans la démonstration d’un quelconque manquement commis par le franchiseur et il n’était pas démontré que le franchiseur était à l’origine des difficultés rencontrées par les franchisés, le franchiseur ayant au contraire fait preuve de compréhension en appliquant une diminution du montant des redevances.

En conséquence, le jugement de première instance a été confirmé.

Cet arrêt rappelle la charge de la preuve pesant sur le franchisé lorsque ce dernier invoque le non-respect par le franchiseur de ses obligations ; ainsi, à titre d’illustration, le seul fait pour le franchiseur de ne pas avoir remis de DIP n’exonère pas le franchisé de démontrer l’existence d’un vice du consentement.
 

A rapprocher : TC Paris, 9 octobre 2014, RG n°2013022477

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