Refus d’adjonction d’une nouvelle activité expressément interdite par le bail

Cass. civ. 3ème, 9 février 2017, n°15-28759, Publié au bulletin

En vertu de l’article L. 145-47 du code de commerce, le locataire peut demander au bailleur l’adjonction d’activités connexes ou complémentaires à l’activité déjà exercée dans les locaux loués…

Ce qu’il faut retenir : En vertu de l’article L. 145-47 du code de commerce, le locataire peut demander au bailleur l’adjonction d’activités connexes ou complémentaires à l’activité déjà exercée dans les locaux loués. Il doit alors faire connaître au bailleur sa volonté d’adjoindre ces nouvelles activités par acte extrajudiciaire ou lettre RAR. Le bailleur dispose alors de deux mois pour contester le caractère connexe ou complémentaire desdites activités dans les mêmes formes (C. com. art. L.145-49 c.com).

Le Cour de Cassation juge que le bailleur n’a nullement à justifier son refus d’adjoindre l’activité demandée lorsque cette dernière est expressément interdite par les dispositions du bail et que la forme de ce refus est indifférente le cas échéant. En l’espèce, le bailleur avait répondu par lettre simple au locataire en refusant l’adjonction de l’activité de pneumatique que le locataire s’était expressément engagé à ne pas exercer dans les locaux loués, sans justifier de l’absence du caractère connexe ou complémentaire de cette activité.

Pour approfondir : Selon l’arrêt commenté (Cass. civ. 3ème, 9 février 2017, n°15-28759, Publié au bulletin), par acte du 19 février 1996, des locaux commerciaux sont donnés à bail commercial pour l’activité d’entretien et de réparation automobile, le locataire s’engageant à ne pas exercer l’activité de pneumatique et le bailleur lui garantissant l’exclusivité et la non-concurrence des activités de vente et pose de tous éléments concernant l’échappement et l’amortisseur. Le 7 janvier 2004, le locataire signifie au bailleur une demande d’extension d’activité pour la vente, la pose et la réparation pneumatique sur le fondement de l’article L.145-47 du code de commerce. Le bailleur refuse cette demande par lettre simple du 3 mars 2004 mais le locataire l’assigne alors en constatation du caractère connexe et complémentaire de l’activité pneumatique.

La Cour d’appel rejette sa demande. Le locataire forme alors un pourvoi en cassation. Il prétend que :

  • le bailleur n’a pas respecté le formalisme requis pour contester le caractère connexe ou complémentaire de l’activité envisagée en notifiant son refus par lettre simple au locataire ;
  • le bailleur ne peut s’opposer à la modification de la clause de destination qu’en niant le caractère connexe ou complémentaire de l’activité envisagée ;
  • le bailleur, n’ayant pas respecté les dispositions de l’article L. 145-47 du code de commerce, est déchu de son droit de contester le caractère connexe ou complémentaire de l’activité envisagée.

Le bailleur doit-il justifier de l’absence de caractère connexe ou complémentaire de l’activité envisagée par le locataire alors même qu’elle est expressément interdite par le bail ? Le bailleur doit-il respecter les formes requises par les articles L.145-47 et suivants du code de commerce le cas échéant ?

La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel estimant que le bailleur n’était pas tenu de motiver sa contestation. Elle juge que le bailleur, par l’envoi d’une lettre simple dans laquelle il refusait expressément l’adjonction de l’activité envisagée, avait manifesté de façon non équivoque son opposition à celle-ci dans le délai imparti, dès lors il n’encourait pas la déchéance prévue par l’article L.145-47 du code de commerce.

Néanmoins, il est important de noter que la Cour de Cassation juge que le bailleur doit  manifester sans équivoque son refus d’adjoindre l’activité envisagée dans un délai de deux mois à compter de la mise en demeure du locataire, alors même qu’elle est expressément interdite par le bail. Ainsi, le bailleur reste tenu de contester la demande d’adjonction d’activité dans le délai imparti par les articles L.145-47 et suivants du code de commerce.

 

A rapprocher : Déspécialisation : articles L. 145-47 et suivants du code de commerce

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