Refus de requalification de la reconnaissance de dette en cautionnement

CA Pau, 7 novembre 2016, n°15/01764

L’engagement de payer une somme d’argent qui n’est pas conditionné à l’inexécution par le débiteur principal de son obligation s’analyse en une reconnaissance de dette et non en un cautionnement.

Ce qu’il faut retenir : L’engagement de payer une somme d’argent qui n’est pas conditionné à l’inexécution par le débiteur principal de son obligation s’analyse en une reconnaissance de dette et non en un cautionnement.

Pour approfondir : Dans cette affaire, une personne physique a, sur un acte sous-seing privé, intitulé « engagement de paiement », apposé sa signature, ainsi que la mention manuscrite « bon pour accord de la somme de 24.035 € » écrite en chiffres et en lettres. Par cet acte, elle a reconnu devoir la somme de 24.035 € à une société et s’est engagée à lui régler pour le compte d’une autre société. Les juges du fond, statuant sur opposition formée par la personne physique à l’encontre d’une ordonnance d’injonction de payer lui enjoignant de payer les sommes dues au titre de la reconnaissance de dette susvisée, l’ont condamnée à payer lesdites sommes à la société créancière.

Pour contester devoir les sommes qui lui sont réclamées, le débiteur a soutenu que son engagement s’analysait en un acte de cautionnement et devait être annulé en application des dispositions de l’article L.341-2 du Code de la consommation, faute de respecter les formes prévues par cet article à peine de nullité.

Selon l’article 2288 du Code civil, celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même.

Or en l’espèce, l’acte litigieux contient un engagement de paiement, lequel n’est pas conditionné à l’inexécution par le débiteur principal de son obligation.

Le fait que cet acte porte la mention d’un engagement de payer une somme, pour le compte d’un tiers, ne tend qu’à avoir un effet libératoire pour ce tiers.

Cet acte doit donc être qualifié de reconnaissance de dette, telle que prévue par l’ancien article 1326 du Code civil, comme « l’acte juridique par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent (…) », lequel « doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme en toutes lettres et chiffres (…) ». Ainsi, les griefs tirés du non-respect des exigences relatives aux mentions manuscrites légalement requises pour la validité d’un cautionnement sont inopérants. Ceci précisé, il est à relever que l’ancien article 1326 du Code civil relatif à la reconnaissance de dette a été, suite à l’entrée en vigueur de la réforme du droit des obligations, transposé à l’article 1376 du même code, lequel prévoit désormais que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l’acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres ». Cet article reprend donc à droit constant l’ancien article 1326 du Code civil dont il modifie légèrement la formulation pour, selon le rapport JO du 11 février 2016, « lever toute ambigüité sur le caractère des mentions requises, qui ne sont pas des conditions de validité de l’acte unilatéral mais bien des conditions de preuve. Cette importante disposition est destinée à éviter les abus de blanc-seing et à faire prendre conscience au signataire de la mesure de son engagement ».

A rapprocher : Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations

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