Désorganisation d’un réseau de franchisés portugais et résiliation du contrat – CA Paris, 3 avril 2013, RG n°10/04562

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SIMON François-Luc

Avocat Associé-Gérant - Docteur en droit

La question qui se posait dans cet arrêt était de savoir si le franchiseur avait manqué à ses obligations de loyauté et d’assistance en préconisant un changement radical de politique commerciale.

La société Alain Manoukian, société de droit français, a développé un réseau de franchisés au Portugal au cours des années 90 et confié à la société CIMPAVE, société de droit portugais créée à cet effet en 1988, un mandat exclusif de représentation de son réseau en mars 1994 d’une durée de cinq ans renouvelable. La société CIMPAVE a signé successivement 14 contrats de franchise pour des magasins situés dans plusieurs villes du Portugal entre juin 1993 et avril 2005. Fin août 2005, la société Alain Manoukian a été reprise par la société BCBG. Cette société décidait de modifier le style des articles et la politique commerciale, ce qui provoqua de graves difficultés chez les franchisés.

Un protocole transactionnel a été conclu le 31 août 2006 entre la société BCBG et la société CIMPAVE concernant la dette de la société CIMPAVE qui s’élevait alors à plus de 2 millions d’euros. La société BCBG s’engageait à prendre une série de mesures pour assurer la continuité de la marque. M. Joao X et son épouse, gérants de la société CIMPAVE, se sont portés cautions solidaires à hauteur de 600.000€ en garantie du remboursement de cette dette.

Un second protocole a été signé entre les parties en août 2007, établissant de nouvelles conditions de rééchelonnement de la dette de la société CIMPAVE et modifiant les conditions commerciales accordées à la société CIMPAVE.

Celle-ci ne s’étant acquittée que de trois échéances, une mise en demeure lui était adressée le 23 janvier 2008, suivie le 4 mars 2008 d’un courrier constatant la résiliation du contrat de franchise du 11 avril 2005 en application de son article 20-1-1, et prononçant la caducité du protocole du 3 août 2007.

C’est dans ces conditions, et dûment autorisée par l’ordonnance rendue en mars 2008 par le Tribunal de Commerce de Paris, que la société BCBG a assigné à bref délai, en avril 2008, la société CIMPAVE afin d’obtenir le règlement des sommes qu’elle estimait lui être dues dans le contexte qui vient d’être rappelé.

Si les sommes dues au titre du protocole d’août 2007, des factures de marchandises et de la clause pénale ne faisaient en soi aucun doute, il n’en était pas de même pour la résiliation du contrat de franchise, qui prêtait à discussion.

La question qui se posait dans cet arrêt était de savoir si le franchiseur avait manqué à ses obligations de loyauté et d’assistance en préconisant un changement radical de politique commerciale.

Pour considérer que c’est bien la nouvelle politique menée par la société BCBG depuis 2006 qui a causé la perte de la clientèle portugaise et la réduction des ventes de la société CIMPAVE, la Cour d’appel de Paris se fonde sur une conjonction d’éléments factuels qui, à ses yeux, constituent un faisceau d’indices précis, graves et concordants de nature à retenir la responsabilité du franchiseur ; elle retient successivement en effet que :

– les principales difficultés sont apparues après le rachat d’ALAIN MANOUKIAN par BCBG,

– l’action de la société CIMPAVE au Portugal a été unaniment saluée par la presse et ressort notamment des attestations (d’anciens responsables d’ALAIN MANOUKIAN, et de franchisés) versées aux débats par la société CIMPAVE,

de nombreux messages électroniques font état, dès 2006, des avertissements lancés par la société CIMPAVE à la société BCBG, à la suite de sa nouvelle politique commerciale,

la baisse considérable du chiffre d’affaires a immédiatement suivi ce lancement, sans que la société BCBG ne réagisse par des mesures autres que des pratiques de remises des prix destinées à pallier les difficultés de ses franchisés,

– le fait d’avoir laissé le système de livraison s’enliser dans la désorganisation la plus complète, sans prendre aucune mesure de fond de nature à corriger les effets néfastes de sa nouvelle politique justifie la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur.

Ce faisant, la Cour d’appel retient en l’espèce que la résiliation du contrat de franchise est intervenue aux torts exclusifs du franchiseur et condamne en conséquence la société BCBG au paiement de dommages-intérêts.


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