Projet de loi Macron

Point d’étape à l’issue du vote en deuxième lecture à l’Assemblée Nationale

Avertissement : depuis la publication de cet article, le 29 juin 2015, consacré au projet de loi, la loi Macron a été définitivement adoptée (loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques) ; un commentaire spécifique à son article 31, relatif aux relations contractuelles entre les réseaux de distribution et les commerces de détail, a été publié sur notre site : CLIQUEZ ICI pour en prendre connaissance.

 

Le 17 février 2015, le Premier Ministre, Manuel Valls a engagé, en application de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, la responsabilité du Gouvernement sur le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n°2447), dit « projet de loi Macron ». La motion de censure déposée n’ayant pas été adoptée, le projet de loi a été considéré comme adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale.

Le texte a ainsi été transmis au Sénat le 19 février 2015.

Parmi les dispositions du projet de loi examinées devant le Sénat, figurent le désormais fameux article 10 A, issu de l’amendement n°1681, initialement déposé par M. le député François Brottes, Président de la Commission des affaires économiques.

Dans sa version sous-amendée, telle qu’adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale, ce texte prévoit l’instauration d’un droit spécial des contrats de distribution et la création d’un nouveau titre IV au livre III du Code de commerce, intitulé « Des réseaux de distribution ». En substance, l’article établi que tous les contrats visés par l’article L.330-3 du Code de commerce ont une échéance commune et unique, d’une durée maximale de neuf ans (sans possibilité de reconduction tacite) ; il prévoit également une indivisibilité légale entre les contrats régissant la relation contractuelle en sorte que la résiliation de l’un des contrats vaut pour les autres ; toute clause emportant une restriction de la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats sont réputées non écrites (pour plus de détails, cliquez ici).

Amené à son tour à se prononcer sur l’article 10 A, le Sénat a longuement débattu, en séance du 10 avril 2015, sur l’opportunité et l’efficacité de ce texte à atteindre les objectifs visés.

En particulier, le Gouvernement a réaffirmé sa volonté de corriger certaines pratiques observées dans les réseaux de distribution et aboutissant à limiter la faculté des partenaires à changer de réseaux.

Le Gouvernement a toutefois reconnu que la rédaction actuelle du texte ne saurait être sa rédaction finale. Il a en effet admis que l’article est rédigé de telle manière que ses dispositions ont vocation à s’appliquer à toutes les formes de réseaux de distribution, sans prise en compte de leur spécificité et de leur mode de fonctionnement propre. Les conséquences du nouveau régime s’avéreraient donc extrêmement dommageables pour certains réseaux, notamment pour les sociétés coopératives.

Le Gouvernement demande néanmoins au Sénat de restaurer l’article dans sa rédaction initiale, s’engageant à la corriger avant la deuxième lecture à l’Assemblée Nationale.

La lecture des débats intervenus au Sénat permet de comprendre cette inflexion du Gouvernement. La question de l’impact du projet de loi sur le commerce coopératif y est omniprésente. De même sont à de nombreuses reprises évoquées à la fois la confusion opérée entre la coopérative et la franchise, et surtout les répercussions qu’aurait le maintien des dispositions de l’article 10 A du projet de loi sur ces systèmes de distribution.

La forte mobilisation et opposition des groupements de commerçants coopérateurs, et autres organismes y attachés, à l’encontre de ce texte est manifeste.

Dès lors, les trop nombreuses incohérences et perturbations engendrées par l’article 10 A du projet de loi ayant été mises en évidence, celui-ci a été intégralement supprimé par le Sénat, en attendant la discussion en deuxième lecture par l’Assemblée Nationale.

Le projet de loi a alors ensuite été transmis à la Commission mixte paritaire qui, réunie le mercredi 3 juin 2015, a constaté ne pas pouvoir parvenir à élaborer un texte commun sur les dispositions du projet de loi restant en discussion.

En conséquence, le texte a été transmis pour nouvelle lecture à l’Assemblée Nationale, le 13 mai 2015.

En Commission spéciale, M. François Brottes – rédacteur originel de l’amendement s’attaquant aux réseaux de distribution – soulève à nouveau la difficulté d’imposer un modèle unique compte tenu de la diversité et de la complexité des modes d’organisation. A l’inverse, il rappelle, à juste raison, que si seules certaines structures étaient visées, le texte risquerait d’être rejeté par le Conseil constitutionnel en raison de sa contravention à l’exigence constitutionnelle d’égalité de traitement.

La Commission spéciale a toutefois adopté un amendement soumis par M. Brottes rétablissant, pour partie, les dispositions relatives aux réseaux de distribution adoptées par l’Assemblée Nationale en première lecture.

Cet amendement insère un nouvel article L.341-1 dans le Code de commerce. Même si certaines dispositions de la version qui avait initialement été retenue à l’Assemblée Nationale en première lecture y sont réintégrées, l’impact sur les réseaux de distribution est largement amoindri.

Le texte réinstaure la disposition selon laquelle l’ensemble des contrats liant un commerçant à un réseau prennent fin à la même date, et celle prévoyant que la résiliation de l’un de ces contrats vaut résiliation de l’ensemble de ces contrats. Le Président de la Commission réitère sa volonté de mettre un terme à la pratique conduisant in fine à créer des engagements à durée indéterminée en échelonnant les échéances des différents contrats composant la relation commerciale.

En revanche, la nouvelle rédaction du texte allonge la liste des contrats exclus de ces dispositions, initialement limitée au seul contrat de bail. Ainsi, l’article L.341-1 du Code de commerce n’est pas applicable au contrat d’association et au contrat de société civile, commerciale ou coopérative. Précédemment, le texte prévoyait expressément que « les règles statutaires et les décisions collectives adoptées conformément aux dispositions législatives relatives aux associations et aux sociétés civiles, commerciales ou coopératives » ne peuvent y déroger. L’influence des acteurs de la distribution explique indéniablement ce revirement.

De même, les clauses « ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L.341-1, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale » – i.e. les clauses de non-concurrence post-contractuelle et clause de non-réaffiliation – sont toujours visées par le texte.

Cependant, si le principe demeure que ces clauses sont réputées non écrites, le texte prévoit une exemption lorsque la clause incriminée remplie quatre conditions cumulatives. La clause doit :

– concerner des biens et services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat ;
– être limitée aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat concerné ;
– être indispensable à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du même contrat ;
– ne pas excéder un an après l’échéance ou la résiliation de l’un des contrats mentionnés à l’article L. 341-1 du Code de commerce.

Le projet retranscrit seulement ici les critères déjà mentionnés dans le Règlement CE 330/2010. Cette disposition ne constitue donc pas une avancée législative notoire.

Le fléchissement le plus significatif du Gouvernement concerne la suppression à la fois de la disposition limitant la durée des contrats à 9 ans, mais aussi de l’interdiction du renouvellement par tacite reconduction, et surtout de la définition par décret de seuils de chiffre d’affaires à partir desquelles les dispositions sont impératives.

De plus, le délai d’application a été raccourci et uniformisé, il est désormais prévu que les dispositions des nouveaux articles L.341-1 et L.341-2 s’appliquent à l’expiration d’un an à compter de la promulgation de la loi.

Enfin, cet amendement prévoit la remise, par le Gouvernement, d’un rapport au Parlement, comprenant des mesures visant à renforcer la concurrence dans le secteur de la grande distribution.

A l’issue des débats à l’Assemblée Nationale, Monsieur le Premier Ministre Manuel Valls, a de nouveau engagé la responsabilité du Gouvernement sur le projet de loi en application de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.

La motion de censure déposée n’ayant pas été adoptée, le projet de loi a été considéré comme adopté en nouvelle lecture à l’Assemblée Nationale le 18 juin 2015.Le texte a ainsi été transmis au Sénat le 19 juin 2015 et entrera en discussion en séance publique à partir du 30 juin prochain.

A l’issue du débat au Sénat, en cas de désaccord entre les deux Chambres, le texte sera transmis pour une ultime et définitive lecture par l’Assemblée Nationale.

A cet égard, Monsieur le Premier Ministre Manuel Valls a d’ores et déjà annoncé qu’il comptait engager une troisième fois la responsabilité du Gouvernement par le jeu de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.

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