Le rôle des instances de dialogue dans les réseaux de franchise

Photo de profil - SIMON François-Luc | Avocat Associé-Gérant - Docteur en droit | Lettre des réseaux

SIMON François-Luc

Avocat Associé-Gérant - Docteur en droit

Il convient de distinguer trois catégories d’instances de dialogue : les instances de « formation », les instances d’« information », les instances de « concertation ». 

Ce qu’il faut retenir : il convient de distinguer trois catégories d’instances de dialogue : les instances de « formation », les instances d’« information », les instances de « concertation ». Cette distinction est essentielle puisque, selon l’instance considérée, l’objet même des idées échangées diffère et, surtout, le rôle de l’organe facilitant cet échange varie. Les instances de « formation » permettent la formation du franchisé, tant à l’entrée de celui-ci au sein du réseau qu’ultérieurement. Les instances d’ « information » permettent la diffusion régulière d’informations qui, intéressant le réseau, facilite la compréhension mutuelle du franchiseur et des franchisés tout en leur offrant le recul nécessaire à l’exercice pérenne de leur activité. Les instances de « concertation » sont le siège d’un échange aboutissant à une prise de décision par le franchiseur.

Introduction

Evoquer la question du « rôle des instances de dialogue »  question décisive en matière de franchise – conduit à définir préalablement chacun des termes qui la compose. La notion même de « dialogue » évoque tout d’abord l’idée d’échange : l’origine étymologique du mot se réfère à un concept traduisible par « suivre une pensée » (dialogos : de dia à travers et logos la parole) ; dialoguer c’est l’action de communiquer, d’établir une relation avec autrui, de transmettre quelque chose à quelqu’un ; le dialogue paraît donc constituer une renonciation à l’agressivité, une voie vers l’apaisement, donc vers la réflexion. La notion d’ « instance » évoque ensuite l’idée de réunion convenue : l’origine étymologique du mot se réfère en effet à l’action de se réunir (instantia : assiduité, demande pressante) ; l’instance de dialogue constitue donc le lieu au sein duquel les personnes concernées (ici le franchiseur et ses franchisés) auront décidé de formuler et, si possible, de faire fructifier leurs réflexions respectives dans l’intérêt commun. Enfin, l’emploi du terme « rôle » revient à s’interroger, dans une perspective essentiellement pratique, sur la fonction même que les instances de dialogue – entendons les organes appelés à permettre l’échange d’idées – ont donc vocation à jouer au sein d’un réseau de franchise. Il y aurait beaucoup à dire sur cette question, riche et passionnante, ce d’autant qu’elle dépend – notamment – de la taille et des spécificités de chaque réseau considéré.Et, pour s’en tenir ici à la formulation de quelques remarques d’ordre général, retenons qu’il convient de distinguer essentiellement trois catégories d’instances au sein desquelles le franchiseur et ses franchisés sont appelés à se réunir. 

Chacune de ces instances intervient à des stades différents de la relation franchiseur/franchisé et joue donc un rôle spécifique : on évoquera successivement les instances de formation (I), d’information (II) et de concertation (III).

I. Les instances de formation

Les instances dites de « formation » sont celles au sein desquelles le franchiseur forme son franchisé, lui transmet le savoir-faire dont la réitération par ce dernier constitue le cœur de la franchise et son essence. Elle permet le dialogue nécessaire à la parfaite assimilation par le franchisé du savoir-faire du franchiseur. Les instances de formation interviennent dans deux séries de circonstances : il faut distinguer la formation initiale – préalable ou concomitante au démarrage de l’activité franchisée – de la formation continue, qui s’accomplit pendant la durée du contrat.

La formation initiale constitue l’impulsion d’origine sans laquelle le franchisé, alors en phase d’apprentissage, ne pourrait vraisemblablement pas respecter le concept et asseoir la réussite de son activité, celle sans laquelle l’édifice même qu’est le concept franchisé ne serait pas. Cette formation inévitable est le plus souvent théorique et pratique. S’y instaure un dialogue entre le franchiseur et le franchisé qui, ignorant alors tout du concept sinon même de l’activité, interroge donc le franchiseur afin de mieux appréhender les éléments constitutifs de ce savoir-faire et pouvoir ensuite lui-même le mettre en œuvre au quotidien. C’est pourquoi la formation initiale est systématiquement prévue dans tout contrat de franchise : le franchiseur s’oblige à la dispenser – car le franchisé intègre un réseau de franchise afin notamment de se voir transférer ce savoir-faire – et, réciproquement, le franchisé s’oblige à y participer, car le franchiseur a tout intérêt à permettre l’assimilation la plus rapide et la plus efficace de son savoir-faire par l’ensemble des franchisés du réseau, gage de succès. Le contrat de franchise apportera également certaines précisions utiles (à chacun) sur les conditions dans lesquelles la formation initiale se déroulera (durée de la formation, identité des participants, obligation de suivre une nouvelle formation initiale en cas de changement de dirigeant, paiement des frais de déplacement et d’hébergement, etc.). Il est préférable, à tout point de vue, de clore cette formation initiale par la remise d’un document, aux termes duquel le franchisé lui-même sera invité à formuler notamment ses commentaires et appréciations sur la qualité de la formation qui lui aura été dispensée.

La formation continue, quant à elle, a vocation à compléter, pendant la durée du contrat, celle que le franchisé aura reçue lors de son entrée au sein du réseau. Elle ne revêt pas le caractère essentiel propre à la formation initiale, mais s’avère toutefois préférable lorsque le savoir-faire du franchiseur a lui-même évolué ou que l’activité nécessite de revoir, sous un angle nouveau, les méthodes enseignées lors de la formation initiale. Elle n’est donc pas indispensable, mais peut s’avérer fort utile. Lorsqu’elle est prodiguée, s’y instaure un dialogue entre un franchiseur, qui présente les évolutions de son savoir-faire, et des franchisés, qui les appréhendent sous un œil « intelligent », ces derniers maîtrisant désormais les particularités du savoir-faire du franchiseur. Ici encore, le contrat de franchise apportera certaines précisions utiles sur les conditions dans lesquelles la formation continue pourra se dérouler (caractère facultatif pour le franchiseur et/ou les franchisés, durée et fréquence de la formation, mode de la formation, identité des participants, obligation de suivre une nouvelle formation en cas de changement de dirigeant, paiement des frais de déplacement et d’hébergement, etc.). A l’instar de la formation initiale, elle pourra donner lieu à la signature d’un document une fois réalisée. 

Il s’agit bien ici, dans tous les cas, de réunir un franchiseur et ses franchisés afin que le premier transmette aux seconds, par le dialogue, les enseignements nécessaires au respect constant du savoir-faire et des évolutions dont il a pu faire l’objet.

A ces instances de formation, peuvent s’ajouter des instances d’information qui, sans avoir l’importance des précédentes – en particulier de celle donnant lieu à la formation initiale –, n’en demeurent pas moins essentielles au développement et à la cohérence du réseau.

II. Les instances d’information

Les instances dites d’« information » sont celles au sein desquelles le franchiseur et/ou le franchisé s’échange(nt) des informations. Elles permettent le dialogue consécutif à un échange d’informations, généralement relatif à l’évolution de l’activité exercée par le franchisé (évolution de l’activité, des technologies y afférentes, de la réglementation, de la concurrence, etc.).

Cet échange peut être unilatéral ou bilatéral ; les deux cas sont à envisager.

Il peut tout d’abord être unilatéral. Dans ce cas, le franchiseur transmet aux franchisés des informations qui, sans toucher au savoir-faire proprement dit (ou à ses évolutions), n’en demeurent pas moins utiles à l’exercice de leur activité. Ces informations peuvent – par exemple – concerner la gamme des produits et/ou services objets de la franchise, l’évolution de certaines technologies, les statistiques relatives au métier, l’évolution de la concurrence, le comportement des consommateurs, notamment.

Il peut être aussi bilatéral. Dans ce cas, le franchiseur transmet aux franchisés des informations de même nature que celles visées à l’hypothèse précédente mais, en outre, les franchisés transmettent également certaines informations à leur franchiseur (par exemple sur leur chiffre d’affaires, la réussite de telle ou telle promotion, les difficultés rencontrées dans la pratique quotidienne de l’activité, les particularités éventuelles de leur secteur géographique en terme de concurrence et de comportement du consommateur, notamment). L’échange bilatéral est d’ailleurs préférable : enrichi des informations que ses franchisés lui auront communiquées, le franchiseur pourra à son tour les intégrer dans sa réflexion globale et transmettre au réseau des informations relatives au marché et à l’activité plus complètes et plus précises. L’échange prend alors la forme d’un « brain storming » par lequel la connaissance par chacun d’un plus grand nombre d’informations facilite l’appréhension de l’activité dans son ensemble, dans sa complexité globale, dans sa réalité concrète. Le dialogue n’ayant de véritable sens que s’il s’accomplit entre personnes bénéficiant d’un même degré d’information, il est recommandé, dans l’intérêt de tous, de favoriser la mise en place d’instances permettant un échange bilatéral d’informations.

Le contrat de franchise peut déterminer les modalités de cet échange, et notamment ses formes, nature, lieux et fréquence ; ce contrat pourra également préciser les informations que le franchiseur et les franchisés devront se communiquer réciproquement. Le dialogue qui se déroule au sein des instances d’informations peut ainsi donner lieu à (i) des réunions régionales, utiles en particulier dans les grands réseaux pour instaurer un dialogue à taille humaine, (ii) et/ou un congrès (ou séminaire) annuel, communément répandu dans la pratique quotidienne des réseaux ayant atteint une certaine taille, par lequel franchiseur et franchisés se réunissent une fois par an, pour prendre ensemble le temps et le recul nécessaires à la mise en œuvre coordonnée de leurs échanges. 

Il s’agit bien ici, dans tous les cas, de réunir un franchiseur et ses franchisés afin que ceux-ci parviennent, par le dialogue, à mieux appréhender la situation présente et à mieux anticiper son évolution pressentie.

A ces instances d’information peuvent s’ajouter encore des instances de concertation, qui marquent une étape supplémentaire dans la collaboration présidant à la relation franchiseur/franchisé.


III. 
Les instances de concertation

Les instances dites de « concertation » sont celles au sein desquelles le franchiseur et le franchisé échangent des informations sur des sujets appelés à donner lieu à une prise de décision par le franchiseur, de nature à exercer une influence sur leur relation de travail. Elles permettent l’établissement d’un dialogue donnant lieu à un échange d’informations et de points de vue, par l’effet duquel le franchiseur associe étroitement les franchisés, par la voie de leurs représentants, au processus décisionnel. Autrement dit, il s’agit de renforcer la concertation et le dialogue, de créer un lieu d’échange et de réflexion organisé entre les forces vives du réseau, afin d’optimiser les performances et développer la dynamique interne dans l’intérêt de tous.

Une telle instance (par exemple intitulée comité) est alors créée pour chacune des problématiques soumises à concertation ; l’organisation et le fonctionnement de tels comités sont définis soit par le contrat de franchise lui-même, soit en marge de celui-ci. Peuvent alors notamment être fixés la fréquence des réunions, les délais de convocation, les règles de quorum, la forme des comptes rendus de réunion, etc. Y participent des représentants du franchiseur et des représentants des franchisés ; les premiers disposent d’une voix prépondérante, ce qui fait d’une telle instance un organe d’ordre consultatif.

Ces instances de concertation ont ainsi – par exemple – pour mission de :

  • renforcer le lien et le dialogue au sein du réseau,
  • apporter une réflexion concertée sur les aspects opérationnels du réseau, qu’ils soient d’ordre technique et/ou stratégique, tels que notamment : formation, évolution du positionnement sur le marché, stratégie de l’approvisionnement, offre de produits et/ou services, composition de la gamme des produits et/ou services, stratégie internet, évolution de la marque, affectation du budget publicitaire, etc.
  • proposer des axes de travail concernant les aspects opérationnels sur la base des remontées d’informations fourniers par les franchisés et retours d’expérience,
  • rendre des avis consultatifs transmis à la direction générale du franchiseur.

Il s’agit ici de créer une émulation, née de l’échange construit et organisé que l’instance de concertation aura permis de faire naître : la décision du franchiseur est prise en pleine connaissance de cause des idées formulées par ses franchisés.

Avertissement : depuis la rédaction de cet article, le 16 janvier 2012, la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (dite « loi Travail ») a été promulguée le 8 août 2016, son article 64 imposant désormais une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise, sous certaines conditions. En application de ce texte, le décret n°2017-773 du 4 mai 2017 (relatif à l’instance de dialogue social mise en place dans les réseaux d’exploitants d’au moins trois cents salariés en France liés par un contrat de franchise) a été publié au Journal Officiel du 6 mai 2017. François-Luc SIMON (Associé-gérant, SIMON Associés) est l’auteur d’un analyse consacrée à « l’instance de dialogue social dans les réseaux de franchise », qui sera publiée la semaine du 17 juillet 2017 par le Groupe d’édition LEXTENSO, à travers sa revue « Les Petites Affiches » (numéros à paraître 140, 141, 142, 143,144, 145). Le texte intégral de cette analyse sera mis en ligne sur le site de la Lettre des réseaux, autour du 15 septembre 2017. Vous trouverez ici un aperçu de cette analyse à travers son sommaire détaillé : CLIQUEZ ICI

Sommaire

Autres articles

some
La Minute des Réseaux #23 – La rupture brutale des relations commerciales imputable à l’ensemble des membres d’un même réseau de distribution
La rupture brutale des relations commerciales imputable à l’ensemble des membres d’un même réseau de distribution   La faute tirée de la rupture brutale des relations commerciales établies peut être attribuée à un ensemble de sociétés. Cette solution influe sur…
some
La Minute des Réseaux #22 – Le « Drop shipping » selon les nouvelles lignes directrices du 30 juin
Le « Drop shipping » selon les nouvelles lignes directrices du 30 juin   A la différence des anciennes lignes directrices de 2010, les nouvelles lignes directrices du 30 juin 2022 s’intéressent pour la première fois au mécanisme du « drop shipping…
some
La Minute des Réseaux #21 – La « Distribution duale » dans le nouveau règlement d’exemption n°2022/720 du 10 mai 2022
La « Distribution duale » dans le nouveau règlement d’exemption n°2022/720 du 10 mai 2022   La « distribution duale » correspond à l’hypothèse dans laquelle une tête de réseau vend des biens ou des services en amont, mais aussi en aval,…
some
La Minute des Réseaux #20 – Réseaux de distribution et places de marché selon le nouveau Règlement d’exemption n° 2022/720 du 10 mai 2022
Réseaux de distribution et places de marché selon le nouveau Règlement d’exemption n° 2022/720 du 10 mai 2022   Dans son arrêt Coty, la Cour de justice avait estimé qu’une interdiction de recourir à une place de marché ne constitue…
some
La Minute des Réseaux #19 – La publicité en ligne dans le nouveau Règlement d’exemption n° 2022/720 du 10 mai 2022
La publicité en ligne dans le nouveau Règlement d’exemption n° 2022/720 du 10 mai 2022   Dans le sillage de sa jurisprudence, la Commission consacre des développements volumineux intéressant la publicité en ligne (Comm., 17 déc. 2018, Aff. AT.40428 (Guess)).…
some
La Minute des Réseaux #18 – Le règlement d’exemption 2022/720 de la Commission du 10 mai 2022
Le règlement d’exemption 2022/720 de la Commission du 10 mai 2022   Le nouveau Règlement d’exemption (n°2022/720) de la Commission est entré en vigueur le 1er juin 2022 (Règlement d’exemption n°2022/720, art. 11, Publié au JOUE du 11 mai 2022).…